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  • Lecture critique : Hervé Le Crosnier, Valérie Schafer (dir.), La Neutralité d’internet. Un enjeu de communication
    https://journals.openedition.org/lectures/6929

    Publié dans la collection des Essentiels d’Hermès (CNRS éditions), La neutralité de l’Internet est un ouvrage qui répond à une question simple : quelles sont les bases du débat sur la neutralité d’Internet ? Valérie Schafer et Hervé Le Crosnier répondent à cette question en moins de 200 pages tout en établissant un panorama exhaustif des différentes réalités concernées par ce débat. À l’instar des collections 128 ou Que sais-je ?,l’esprit des Essentiels d’Hermès est de fournir des dossiers récapitulatifs sur des questions de sciences de l’information et de la communication en compilant extraits de texte et synthèses.

    2Le débat sur "la neutralité d’Internet" est un objet sociologique à la rencontre entre un principe défendu par les concepteurs du réseau informatique et les intérêts des fournisseurs d’accès pour assurer un service aux usagers et une conformité aux exigences politiques nationales. La neutralité d’Internet peut être définie comme le principe selon lequel toutes les communications doivent être traitées de façon égale quelque que soit l’information, le destinataire ou la source. L’idée maîtresse est qu’Internet ne devrait avoir ni contrainte politique, ni technique. À partir de cela, en fonction des raisons pratiques, économiques et politiques mais aussi selon les conceptions variables de la liberté individuelle, des débats émergent en conséquence des mesures prises par certains acteurs pour défendre leurs intérêts. Le principal problème abordé par l’ouvrage est de présenter comment Internet se retrouve au cœur de débats selon des logiques technique et sociale.

    3Le débat sur la neutralité d’internet émerge surtout à partir de son architecture technique. L’histoire d’Internet est matériellement une histoire de tuyaux entre des usagers et des contenus. Une des origines du débat est la volonté des acteurs techniques de vouloir optimiser la répartition des coûts dans l’acheminement de l’information. Le débat sur le “peering” est de cet ordre. Il s’agit de savoir qui du fournisseur d’accès ou du fournisseur de contenu doit payer pour assurer les exigences d’une qualité de service. Par exemple, en 2009, un tel conflit a eu lieu Orange et YouTube. Par un truchement d’intermédiaires et d’échanges commerciaux, les contenus vidéos de YouTube ne pouvaient plus profiter d’un traitement privilégié et se sont vus victimes de leur propre demande. De tels arrangements pratiques soulignent les intérêts économiques et l’infrastructure commerciale permettant l’accès à Internet mais sont conflictuels avec le principe de neutralité.

    4A cela se greffent des intentions politiques. L’exemple français le plus célèbre reste HADOPI et la protection du système de droit d’auteur français. L’Etat français intervient directement en instituant la possibilité de définir des règles conduisant à la limitation en plusieurs étapes de l’accès à Internet à certaines personnes. Si les discours reposent sur un raisonnement économique de protection des industries culturelles, le fond du débat reste la territorialisation de l’accès à certains contenus ainsi que la possibilité d’un acteur politique d’en définir les règles. L’interférence entre les politiques locales et les accès techniques montre que le principe de neutralité est surtout inscrit dans l’esprit des créateurs et promoteurs du réseau alors que les autres acteurs n’hésitent pas à le négliger. Ces derniers n’hésitent donc pas à proposer des solutions ayant un impact technique important et suscitent donc des débats indépendants de la faisabilité des mesures préconisés. Cela n’empêche pas les lois d’être votées et de susciter des controverses.

    5Comme le soulignent les auteurs, Internet en lui-même est complexe et véhicule un imaginaire composite. Dans les sociétés occidentales contemporaines, Internet est devenu plus qu’omniprésent. Il est à la fois potentiellement le lieu d’une nouvelle forme de démocratie et le lieu d’un nouveau marché. À force de volontarisme et de "démocratisation", Internet subit un discours vulgarisateur qui peut parfois nuire à sa compréhension scientifique. Cependant cet ouvrage se permet justement d’échapper aux simplifications. Les auteurs présentent avec patience et précision les différentes couches techniques, juridiques, commerciales et sociales au coeur des considérations pratiques et idéologiques.

    6A cause de sa nature mondiale et technique, parler d’Internet est également problématique du point de vue langagier. Les choix de traduction et l’introduction d’un vocabulaire précis sont invisibles, importants et souvent négligés. L’atout de cet ouvrage est de présenter à la fois le cadre juridique et le cadre technique sans donner l’impression de jargonner. Sans ressembler à de la vulgarisation, les auteurs prennent peu de liberté sur la sémantique et se permettent de ne pas rendre simpliste la présentation d’un espace de communication qui rendrait obscure la compréhension du débat sur sa régulation.

    7Il est également à souligner l’important effort d’introduction de sources bibliographiques hétérogènes dans la présentation du débat. La présence de voix provenant d’acteurs économico-politiques divers permet de mesurer la globalité sociale en jeux. L’ouvrage est donc à la fois synthétique mais laisse de nombreux pointeurs pour prolonger l’investigation. Les lecteurs pourront facilement naviguer et se faire leur propre bibliographie sans négliger certains aspects ou parti-pris. Sur ce point, l’ouvrage fait lui-même preuve d’une neutralité remarquable, ne s’avançant que discrètement et permettant ainsi aux lecteurs d’être amenés aux conclusions propres à leurs inclinations.

    8La neutralité de l’internet est un débat complexe qui demande une compréhension à la fois sociologique, économique et technique de cet espace de communication. L’ouvrage au contraire pose les bases d’une présentation simple et structurée des problèmes posés par la volonté de régulation d’un réseau de communication devenu incontournable. La lecture de l’ouvrage ne serait donc pas négligeable pour toute personne voulant se faire une image précise de l’articulation entre une infrastructure technique de communication, ses imaginaires et ses tentatives de contrôle. Sans rentrer dans un discours simpliste, La neutralité de l’internet permet de comprendre les débats politiques à propos d’Internet à travers une contribution modeste mais solide. La mise en place d’un cadre de discussion n’est pas aisée et manquait sérieusement dans la bibliographie des sciences sociales.
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    Référence électronique

    Tam-Kien Duong, « Hervé Le Crosnier, Valérie Schafer (dir.), La Neutralité d’internet. Un enjeu de communication », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 05 décembre 2011, consulté le 13 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/lectures/6929 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.6929

    #Valérie_Schafer #Hervé_Le_Crosnier #Neutralité_internet

  • Le Web a 30 ans. Et non, il n’était pas forcément mieux avant
    30 ans du Web : le revenge porn et les cyber-attaques ne sont pas nouveaux
    https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/data-big-et-smart/meilleur-comme-pire-30-ans-web

    Le Web fête ses trente ans. Son anniversaire fait resurgir l’idée que le Web utopique du départ aurait glissé vers une version cauchemardesque. Cette conviction doit être relativisée. L’historienne Valérie Schafer rappelle que les conduites criminelles existent depuis les débuts, tout comme les initiatives visant à en faire un espace où règne créativité et égalité.

    Cela ne vous aura pas sans doute pas échappé, le Web fête ses trente ans aujourd’hui. Un anniversaire célébré en demi-teinte. Beaucoup de publications dénoncent ce que le Web est devenu : un espace perverti par la haine et une forme de capitalisme de surveillance. Dans une tribune Medium, l’un de ses créateurs, l’informaticien Tim Berners-Lee, estime que le Web souffre d’importants dysfonctionnements et qu’il convient de le sauver.
    Non le Web, c’était pas forcément mieux avant

    Si la haine sur les réseaux nous semble particulièrement prégnante aujourd’hui, l’idée d’un Web utopique à ses débuts devenu cauchemardesque doit être relativisée. « Le cyberharcèlement, les spams… existent déjà sur Internet, dans les mails, les forums, avant même le Web. Les premiers spams apparaissent dans les années 1970 », explique l’historienne Valérie Schafer.

    « Quand le Web se développe en France, il est accompagné au milieu des années 1990 d’une vague de procès, avec les premières plaintes de l’Union des étudiants juifs de France et de la Licra pour incitation à la haine raciale, mais aussi des affaires touchant à des contenus à caractère pédophile, ou encore la circulation d’une recette de fabrication de bombe sur Internet », raconte la spécialiste de l’histoire du numérique. France 2 consacrera même un reportage à cette recette de bombe en août 1995.
    Premier cas de revenge porn dans les 90s

    Même les premiers cas de « revenge porn » apparaissent dans années 1990. « Le Tribunal de Grande Instance de Privas se prononce en 1997 sur le cas d’un étudiant en informatique, qui a diffusé sur Internet des photographies à caractère pornographique de son ex petite amie accompagnées d’un commentaire sur "les mœurs" de celle-ci », précise Valérie Schafer.

    La violence sur les réseaux existe donc déjà depuis la création du Web. Dans une tribune Médium, Tim Berners-Lee convient lui-même qu’il sera difficile d’éradiquer ces comportements, même s’il est possible de les minimiser à l’aide de lois. Mais l’informaticien se montre sceptique vis-à-vis des projets législatifs visant à réguler les échanges sur les réseaux comme le règlement antiterroriste. Il estime, dans une interview au Monde, qu’ils pourraient conduire à la mise en place d’outils de censure massive. Et c’est l’un des paradoxes : faire d’Internet un endroit meilleur, plus apaisé, tout en évitant de trop le réguler.

    Le créateur du Web estime toutefois qu’il est possible de le « sauver » en jouant sur d’autres dysfonctionnements. Le fait que le Web repose en grande partie sur la publicité et la vente de données, notamment. Il encourage la population mondiale à se réunir autour d’un « contrat pour le Web » pour « discuter de ce dont nous avons besoin pour en faire un endroit meilleur et plus ouvert », explique-t-il au Monde. Mais peu d’actions très concrètes ressortent de son discours. Si ce n’est donner la possibilité aux gens de contrôler et de se servir de leurs données.
    Wikipedia, symbole d’un Web du partage

    La volonté de construire un cyberespace respectueux, libre et pas uniquement basé sur des échanges commerciaux n’est pas nouvelle. « Fondé sur l’ouverture, la gratuité, la participation, Wikipedia, qui démarre en 2001, incarne bien des valeurs d’un Web de l’information et du partage », évoque Valérie Schafer.

    Un certain nombre d’associations cherchent à préserver les valeurs d’Internet et du Web depuis sa création. A l’image de « l’Electronic frontier foundation créée dès les années 1990 », précise Valérie Schafer. Ou « Framasoft créée en 2001 et dont les outils proposent des alternatives à ceux des GAFAM en proposant de "Dégoogliser" Internet » et en promouvant le logiciel libre. »

    De multiples exemples montrent qu’égalité et créativité sont bien vivants sur le Web. Mais les préserver demande, selon Valérie Schafer, « une prise de conscience et des choix, de la part des internautes, des politiques en passant par les acteurs techniques et économiques. »

    #Histoire_numérique #Web #Valérie_Schafer

  • Living Books About History
    https://livingbooksabouthistory.ch/fr/book/histories-of-the-internet-and-the-web

    Sélection d’articles historiques sur internet par Valérie Schafer et Alexandre Serres

    Il y a tout juste cinquante ans, en 1966, Charles Herzfeld débloquait à l’Advanced Research Projects Agency les financements qui permettront au département de l’IPTO (Information Processing Techniques Office) de lancer le projet Arpanet ; il y a vingt-cinq ans, en 1991, le Britannique Tim Berners-Lee annonçait en ligne, dans les Newsgroups, espaces de discussion de la communauté Usenet1, l’invention du Web ; il y a vingt ans, en 1996, Brewster Kahle créait Internet Archive, fondation qui se donnait alors pour mission d’archiver le Web mondial... Récente, l’histoire d’Internet est tournée vers un objet en mouvement permanent, ni clos, ni stabilisé2. Elle est également confrontée à la mémoire vivante de ses acteurs, au regard que porte son époque sur cette innovation, qui incarne pour beaucoup la « révolution numérique », et aux définitions plus ou moins larges de son périmètre.

    Afin de ne pas discriminer entre plusieurs acceptions et approches de l’Internet et de son histoire, cette anthologie rend compte d’une variété de tendances historiographiques et de travaux. Certains prennent étroitement pour cadre d’étude le réseau des réseaux et ses aspects protocolaires. D’autres proposent une analyse plus large des cultures numériques. Les acteurs techniques, mais aussi les visionnaires des premiers temps sont à l’honneur, notamment dans les sources rassemblées dans la première partie de ce Living Book. Mais, les suivantes font également place à des aspects économiques, sociaux et politiques, pour ne pas adopter une approche exclusivement technicienne et internaliste de cette histoire. En effet, les acteurs qui ont fait l’histoire d’Internet ne sont pas seulement ceux qui en ont conçu l’architecture technique et que célèbre l’Internet Hall of Fame de l’Internet Society, même si leur rôle a été décisif et fondateur (voir le texte de Leiner, Cerf et al.). Contribuent aussi à cette histoire ceux qui, par leur vision éclectique, décalée, politisée, engagée, en ont forgé les imaginaires et cultures, à l’instar de John Perry Barlow et de sa retentissante déclaration d’indépendance du Cyberespace en 1996. Des travaux, notamment ceux d’Eric von Hippel3, ont mis en valeur l’idée que les innovations et usages numériques sont le produit d’une co-construction et ne peuvent être appréhendés selon une vision purement descendante (top/down). Les utilisateurs sont également des acteurs à part entière de cette histoire. Ce sont ceux des premiers temps, puis les early adopters confrontés dans les années 1990 à l’arrivée des néophytes sur les réseaux qu’ils ont contribué à développer (voir le texte de Nicolas Auray)4. Ce sont enfin ceux qui découvrent la Toile, créant leurs pages personnelles (article d’Olivier Trédan), consultant les annuaires (texte de Tom Haigh) ou s’appropriant des cultures numériques spécifiques (article de Jason Eppink).

    #Histoire_numérique #Valérie_Schafer #Alexandre_Serres #Histoire_internet

  • Histoire française du web, par Valérie Schafer - Bref, je cherche
    http://sites.ina.fr/bref-je-cherche/expo/expo/0005/step/1/histoire-francaise-du-web-par-valerie-schafer.html
    http://sites.ina.fr/bref-je-cherche/media/imagette/512x384/Bref_web

    Une courte vidéo pour se souvenir du web des années 90... et présenter une recherche en cours pour l’histoire de l’internet, par Valérie Schafer, la principale historienne de cette période.

    #Web_90 #Valérie_Schafer