• #Orientation des migrants en région : des retours du terrain « de plus en plus inquiétants », faute de places dans l’#hébergement_d’urgence

    Des opérateurs craignent que la politique de #désengorgement de l’#Ile-de-France, qui passe par la création de « #sas », des centres d’#accueil_temporaire, n’offre pas de #solution pérenne.

    Marie (son prénom a été modifié) est déjà repartie. Cette Angolaise est arrivée à Bordeaux aux alentours de la mi-juin, avec son garçon de 6 ans. Cela faisait trois ans qu’ils étaient logés dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (#CADA) dans le 12e arrondissement de #Paris.

    Courant avril, les gestionnaires de l’établissement ont commencé, selon Marie, à expliquer à certains des occupants – ceux qui avaient été #déboutés de leur demande d’asile ou qui avaient obtenu leur statut de réfugié – qu’ils devaient quitter les lieux, laisser la place à des personnes en cours de procédure. Ils leur ont proposé d’aller en région, à Bordeaux et en banlieue rennaise, dans des #centres_d’accueil temporaires.

    Certains ont refusé. Marie, elle, a été « la dernière à [se] décider à partir », sous la « #pression ». On lui avait fait miroiter une scolarisation pour son fils – déjà en CP à Paris – et un hébergement. Elle a vite déchanté. « On a pris mes empreintes à la préfecture et donné un récépissé pour une demande de réexamen de ma demande d’asile alors que je ne souhaitais pas faire cela, explique-t-elle. Je n’ai pas d’éléments nouveaux à apporter et je risque une nouvelle OQTF [obligation de quitter le territoire français]. On m’a expliqué que sans ça, je n’aurais pas le droit à un logement et que le 115 [l’#hébergement_d’urgence] à Bordeaux, c’est pire qu’à Paris, qu’on nous trouve des hébergements pour deux jours seulement. » Marie n’a pas hésité longtemps. Revenue à Paris, elle « squatte » désormais chez une amie. La semaine, elle envoie son fils au centre de loisirs tandis qu’elle fait des ménages au noir dans un hôtel. Tous les jours, elle appelle le 115 pour obtenir un hébergement. En vain.

    Cet exemple symbolise les difficultés du gouvernement dans sa politique d’ouverture de « sas ». Ces #centres_d’accueil_temporaire, installés en province, sont censés héberger des migrants qui se trouvent à la rue, dans des #hôtels_sociaux, des #gymnases ou encore dans les centres réservés aux demandeurs d’asile qui sont en cours de procédure.

    Approche discrète

    Cette politique, commencée début avril pour désengorger l’Ile-de-France – dont les dispositifs sont exsangues et plus coûteux pour le budget de l’Etat –, se veut pourtant innovante. Dix « sas » de cinquante places chacun doivent à terme ouvrir, dans lesquels les personnes transitent trois semaines au plus, avant d’être basculées principalement vers de l’hébergement d’urgence généraliste ou, pour celles qui en relèvent, vers le #dispositif_d’accueil des demandeurs d’asile. Ces « sas » reposent sur le #volontariat et, pour susciter l’adhésion, sont censés « permettre d’accélérer le traitement des situations des personnes dont l’attente se prolonge en Ile-de-France sans perspective réelle à court et moyen termes », défend, dans un courriel adressé au Monde, le ministère du logement.

    C’est ce dernier qui pilote désormais la communication autour du dispositif. Au moment du lancement de celui-ci, c’est le ministère de l’intérieur qui en avait présenté les contours. Un changement d’affichage qui n’est pas anodin. Dans un contexte sensible, où plusieurs projets de centres d’accueil pour migrants en région ont suscité des manifestations hostiles, voire violentes de l’extrême droite, les pouvoirs publics optent pour une approche discrète.

    Dans les faits, d’après les premiers éléments remontés et portant sur plusieurs centaines de personnes orientées, « 80 % sont des réfugiés statutaires et des demandeurs d’asile », le restant étant constitué de personnes sans-papiers, rapporte Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), qui chapeaute quelque 870 structures de lutte contre l’exclusion, dont les opérateurs de ces « sas » régionaux. « C’est un travail auprès des #sans-abri, migrants ou pas, ce n’est pas le sujet », martèle-t-on néanmoins au cabinet d’Olivier Klein, le ministre délégué au logement.

    « On est en train de planter le dispositif »

    Une posture qui agace Pascal Brice. Il dresse un parallèle avec la situation qui a prévalu à Saint-Brevin (Loire-Atlantique), où le maire (divers droite), Yannick Morez, a démissionné en dénonçant l’absence de soutien de l’Etat. L’édile avait été victime de menaces de mort et son domicile incendié dans un contexte de déménagement d’un CADA. « Il faut se donner les moyens politiques de réussir ce dispositif, or l’Etat n’assume pas sa politique d’accueil organisé et maîtrisé. Il fait les choses en catimini », regrette M. Brice. Les remontées du terrain seraient, en outre, « de plus en plus inquiétantes », assure le président de la FAS.

    Adoma, l’opérateur d’un « sas » de cinquante places dans le 10e arrondissement de Marseille, considère que ce dernier « joue son rôle ». « Nous en sommes au troisième accueil de bus et ça fonctionne. Nous avons la garantie que les gens ne seront pas remis à la rue », rapporte Emilie Tapin, directrice d’hébergement pour #Adoma dans la cité phocéenne, où ont jusque-là été accueillis une majorité d’hommes afghans en demande d’asile. Mais ailleurs, le manque de places d’hébergement d’urgence vers lesquelles faire basculer les personnes après leur passage en « sas » se dresse comme un sérieux obstacle.

    « Notre 115 est saturé et on a déjà des #squats et des #campements », s’inquiète Floriane Varieras, adjointe à la maire écologiste de Strasbourg. Une commune voisine, Geispolsheim, accueille un « sas ». « Sans création de places nouvelles, la tension sur l’hébergement d’urgence est tellement forte qu’on craint que le schéma vertueux qui visait à éviter que les personnes ne reviennent en région parisienne ne craque », signale à son tour la directrice générale de France terre d’asile, Delphine Rouilleault, qui s’occupe d’un « sas » près d’Angers.

    Le ministère du logement assure que 3 600 places ont été « sanctuarisées dans le parc d’hébergement d’urgence pour faciliter la fluidité à la sortie des structures d’accueil temporaires ». Ce qui sous-entend que ces orientations se feront à moyens constants.

    « On est en train de planter le dispositif, alerte Pascal Brice. Des gens sont orientés vers le 115 depuis les “sas” et remis à la rue au bout de quarante-huit heures. C’est insoutenable. Je me suis rendu dans plusieurs régions et, partout, l’Etat ferme des places d’hébergement d’urgence. Si les conditions perduraient, la FAS devrait à son plus grand regret envisager un retrait de ce dispositif. »

    La province ? « Tu ne peux pas bosser là-bas »

    Outre la question de l’hébergement, le succès des « sas » devait s’appuyer sur la promesse faite aux personnes d’une étude bienveillante de leur situation administrative. Sans parler franchement de régularisation, le ministère de l’intérieur avait assuré au Monde, en mars, qu’il y aurait des réexamens au regard du #droit_au_séjour. « Il y a un travail de conviction qui n’est pas encore installé », considère à ce stade Mme Rouilleault.

    Le Monde a rencontré plusieurs familles ayant refusé une orientation en #province, à l’image de Hawa Diallo, une Malienne de 28 ans, mère de deux filles, dont une âgée de 10 ans et scolarisée dans le 15e arrondissement. « J’ai beaucoup de rendez-vous à Paris, à la préfecture, à la PMI [protection maternelle et infantile], à l’hôpital, justifie-t-elle. Et puis le papa n’a pas de papiers, mais il se débrouille à gauche, à droite avec des petits boulots. »

    La province ? « Pour ceux qui sont déboutés de l’asile, ça ne sert à rien. Quand tu n’as pas de papiers, tu ne peux pas bosser là-bas », croit à son tour Brahima Camara. A Paris, cet Ivoirien de 30 ans fait de la livraison à vélo pour la plate-forme #Deliveroo. « Je loue un compte à quelqu’un [qui a des papiers] pour 100 euros par semaine et j’en gagne 300 à 400. C’est chaud, mais c’est mieux que voler. » Sa compagne, Fatoumata Konaté, 28 ans, est enceinte de quatre mois. Les deux Ivoiriens n’ont jamais quitté la région parisienne depuis qu’ils sont arrivés en France, il y a respectivement quatre et deux ans. Ils ont, un temps, été hébergés par le 115 dans divers endroits de l’Essonne. Depuis un an, « on traîne à la rue », confie Fatoumata Konaté. « Parfois, on dort dans des squats, parfois on nous donne des tentes. »

    Chaque nuit, rien qu’à Paris, un millier de demandes auprès du 115 restent insatisfaites. Lasses, le 6 juillet, plus d’une centaine de personnes en famille originaires d’Afrique de l’Ouest ont investi deux accueils de jour de la capitale tenus par les associations Aurore et Emmaüs et y ont passé la nuit, faute de solution. « La situation devient intenable, prévient le directeur général d’Emmaüs Solidarité, Lotfi Ouanezar. On ne résoudra rien si on ne change pas de braquet. »

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/07/17/orientation-des-migrants-en-region-des-retours-du-terrain-de-plus-en-plus-in

    #migrations #asile #réfugiés #France #hébergement #SDF #dispersion

    via @karine4

  • Lettre Ouverte d’Alerte à la Préfète

    "Alerte de la Plateforme des associations impliquées dans l’accueil des personnes exilées à Madame la Préfète des Hautes-Alpes LR avec AR - 25 juin 2021

    Madame la Préfète des #Hautes-Alpes,

    Depuis cet hiver, plusieurs dizaines de personnes exilées arrivent quotidiennement à #Briançon. La population a changé, elle est composée de plus en plus souvent de familles et de personnes particulièrement vulnérables. Le nombre de femmes et d’enfants a triplé depuis le début de l’année.

    Les capacités du #Refuge_Solidaire ne permettent plus d’assurer un #accueil digne de ce nom, ni même de préserver la #sécurité des personnes.

    Nous vous demandons à nouveau la mobilisation du plan d’#hébergement_d'urgence à Briançon pour accueillir dignement les personnes exilées qui arrivent sur notre territoire par la #montagne frontalière.

    Il s’agit pour ces personnes d’un #accueil_temporaire, d’une à trois journées maximum, puisqu’elles repartent le plus rapidement possible vers leur destination, le plus souvent une métropole où elles pourront déposer leur demande d’asile.

    Depuis 2016, Briançonnais et personnes solidaires venus de toute part reçoivent chez eux les personnes épuisées et vulnérables et gèrent un refuge solidaire qui a déjà accueilli plus de 14 000 personnes.

    Depuis 2016, Briançonnais et personnes solidaires venus de toute part se mobilisent pour porter assistance aux personnes qui se trouvent mises en danger dans la montagne.

    Depuis 2016, Briançonnais et personnes solidaires venus de toute part pallient les manquements de l’Etat et des collectivités locales au regard de leurs #responsabilités et leurs #obligations face à la #réalité_migratoire.

    Depuis 2016, Briançonnais et personnes solidaires venus de toute part font que notre territoire reste digne et humaniste.

    En 2020, la nouvelle municipalité de Briançon a choisi de se désengager du Refuge Solidaire. Au même moment, lors d’une réunion tenue à la préfecture des Hautes-Alpes le 7 juillet, votre secrétaire générale nous indiquait que le besoin d’accueil d’urgence de 30 à 35 places à Briançon était reconnu par la Préfecture, mais qu’il n’y avait pas de possibilité d’ouvrir plus de places d’hébergement d’urgence selon l’administration centrale.

    Aujourd’hui, selon les jours, ce besoin est deux à trois fois plus important qu’il n’était l’an dernier.

    Face à l’absence totale d’engagement de l’Etat et des pouvoirs publics, les acteurs solidaires ont dû se mobiliser une nouvelle fois pour acquérir un nouveau lieu avec des fonds privés uniquement. Mais ce lieu n’ouvrira ses portes, au mieux, qu’à la mi-août, compte tenu des travaux nécessaires de mise en conformité aux normes de sécurité.

    En attendant cette ouverture, les #capacités du refuge solidaire actuel ne permettent plus d’accueillir dans des conditions acceptables les personnes exilées de passage. En tout état de cause, ce nouveau lieu ne pourra pas accueillir au-delà de ses capacités et des limites de l’action bénévole.

    Dans ce contexte particulièrement difficile, il n’est pas envisageable que l’#Etat continue de se reposer sur les #associations et la #population briançonnaise alors que la population accueillie est plus nombreuse et plus vulnérable (familles avec nourrissons, personnes âgées ou handicapées).

    Nous appelons l’Etat, et plus largement les #pouvoirs_publics, à revoir leurs responsabilités en rapport avec les situations actuelles de la migration dans le Briançonnais, à respecter leurs obligations à l’égard des exilés, et notamment le #droit_à_l’hébergement_d’urgence_inconditionnel, et à mettre en place sans plus tarder un #dispositif_d’accueil_d’urgence à la hauteur de la réalité migratoire présente et future.

    Nous demandons que cette crise humanitaire soit gérée en concertation avec tous les acteurs publics et associatifs concernés, y compris du côté italien où le préfet conscient de la gravité de la situation vient d’apporter un soutien fort aux communes de Bardonecchia et d’Oulx et aux associations impliquées.

    Nous demandons à notre gouvernement de mettre en oeuvre un #plan_d’hébergement_d’urgence à Briançon, avec un nombre de places pérennes, qui soit évolutif pour s’adapter aux besoins réels. Cet hébergement doit permettre l’accueil familial sans séparation des membres de la famille et avec la possibilité de préparation des repas.

    Notre alerte est solennelle et nous attendons vivement votre réponse devant cette situation d’urgence.

    Afin d’éviter toute confusion ou instrumentalisation en cette période électorale, nous rendrons cette lettre publique seulement à compter de lundi 28 juin.

    Avec nos salutations respectueuses,

    Premières associations locales signataires :

    ATD Quart Monde PACA, CCFD Terre Solidaire Briançon, Chemins Pluriels, Icare , JRS France/Welcome – Antenne des Hautes Alpes, Low-tech & Réfugiés, MJC-Centre social du Briançonnais, Paroisse de Briançon - Hautes Vallées, Refuges Solidaires, Réseau Hospitalité, Secours Populaire Briançon, Tous Migrants, Unjourlapaix, Un thé dans la neige,

    Premières associations nationales signataires :

    La Cimade, Médecins du Monde, Médecins sans Frontières, Secours Catholique Caritas France, ANVITA (association nationale des villes et territoires accueillants)"

    Reçu via la mailing-list Tous Migrants, le 30.06.2021

    –---

    Septembre 2020 :
    #Briançon : « L’expulsion de Refuges solidaires est une vraie catastrophe pour le territoire et une erreur politique »
    https://seenthis.net/messages/876342

    Avril 2021 :
    Sauvé, le refuge solidaire de #Briançon s’adapte à de nouveaux arrivants
    https://seenthis.net/messages/913269

    ping @isskein @karine4

    • depuis ce printemps c’est quasiment 100 personnes en moyenne pour un refuge prévu au départ pour offrir 15 places... les bénévoles s’épuisent, les problèmes de promiscuité et d’hygiène sont récurrents mais ni la mairie ni l’état ne font le moindre geste à part augmenter encore le nombre de gendarmes, CRS et militaires pour « jouer » à la chasse à l’homme sur la frontière !
      Le but « inavoué » serait il de décourager les bonnes volontés et de tarir la légendaire hospitalité des Briançonnais ?

  • Des trajectoires immobilisées : #protection et #criminalisation des migrations au #Niger

    Le 6 janvier dernier, un camp du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) situé à une quinzaine de kilomètres de la ville nigérienne d’Agadez est incendié. À partir d’une brève présentation des mobilités régionales, l’article revient sur les contraintes et les tentatives de blocage des trajectoires migratoires dans ce pays saharo-sahélien. Depuis 2015, les projets européens se multiplient afin de lutter contre « les causes profondes de la migration irrégulière ». La Belgique est un des contributeurs du Fonds fiduciaire d’urgence de l’Union européenne pour l’Afrique (FFUE) et l’agence #Enabel met en place des projets visant la #stabilisation des communautés au Niger

    http://www.liguedh.be/wp-content/uploads/2020/04/Chronique_LDH_190_voies-sures-et-legales.pdf
    #immobilité #asile #migrations #réfugiés #Agadez #migrations #asile #réfugiés #root_causes #causes_profondes #Fonds_fiduciaire #mécanisme_de_transit_d’urgence #Fonds_fiduciaire_d’urgence_pour_l’Afrique #transit_d'urgence #OIM #temporaire #réinstallation #accueil_temporaire #Libye #IOM #expulsions_sud-sud #UE #EU #Union_européenne #mise_à_l'abri #évacuation #Italie #pays_de_transit #transit #mixed_migrations #migrations_mixtes #Convention_des_Nations_Unies_contre_la_criminalité_transnationale_organisée #fermeture_des_frontières #criminalisation #militarisation_des_frontières #France #Belgique #Espagne #passeurs #catégorisation #catégories #frontières #HCR #appel_d'air #incendie #trafic_illicite_de_migrants #trafiquants

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    Sur l’incendie de janvier 2020, voir :
    https://seenthis.net/messages/816450

    ping @karine4 @isskein :
    Cette doctorante et membre de Migreurop, Alizée Dauchy, a réussi un super défi : résumé en 3 pages la situation dans laquelle se trouve le Niger...

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    Pour @sinehebdo, un nouveau mot : l’#exodant
    –-> #vocabulaire #terminologie #mots

    Les origine de ce terme :

    Sur l’origine et l’emploi du terme « exodant » au Niger, voir Bernus (1999), Bonkano et Boubakar (1996), Boyer (2005a). Les termes #passagers, #rakab (de la racine arabe rakib désignant « ceux qui prennent un moyen de trans-port »), et #yan_tafia (« ceux qui partent » en haoussa) sont également utilisés.

    https://www.reseau-terra.eu/IMG/pdf/mts.pdf