• Le marché des chambres de bonne du « carré d’or »
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    Un alignement de 14 « chambres de service » en pied d’immeuble, boulevard Périer. Sur Leboncoin, ces petites annonces ne restent jamais très longtemps. Exiguïté et rentabilité font bon ménage. PHOTOS Captures d’annonces sur Leboncoin

    Dans les quartiers huppés de la ville, les chambres de service se vendent, se louent. Un business de la précarité sociale qui flirte sur le flou des seuils réglementaires de la décence. Quand exiguïté et rentabilité font bon ménage.

    Le marché de la chambre de bonne ne connaît pas la crise. À vendre ou louer, des annonces révèlent le business florissant des « chambres de service » qui flirte souvent avec les seuils réglementaires. Car pour être décent, un logement doit disposer d’une pièce principale de 9 m2 de surface habitable avec une hauteur minimale sous plafond de 2,20 m soit un volume d’au moins 20 m3. Mais qui se déplace vérifier ?

    « Petit pied-à-terre, 8 m2, 108 bd Périer » indiquait, début juillet, une annonce du Boncoin retirée depuis. Elle proposait, pour 28 000 euros, ce qui avait tout l’air d’un débarras en rez-de-chaussée. « C’est une chambre de service. Elle fait 8,76 m2. C’est quasiment le prix d’un garage. Vous pouvez vous en servir de stockage pour commencer » vante le proprio au téléphone. « Bien sûr qu’elle a été louée et qu’elle peut l’être. Mon notaire vous dira tout. Ça s’est toujours loué, entre 330 et 350 euros et ça ne reste pas une journée vide. » Il dit avoir quatre autres chambres sur les quinze de la copro. « Elles ne sont pas toutes pile poil pareil. Il y en a des plus grandes, des plus hautes. J’ai jamais eu de problème. Toilettes et douche en commun. C’est très tranquille. En général c’est beaucoup de Bulgares, de Philippins. Ils partent travailler le matin, rentrent le soir. »

    Quelques jours plus tard, une nouvelle annonce sur le même rez-de-chaussée porte sur une autre « studette » de 9 m2 à 43 000 euros, vendue avec « locataire en place 340 euros par mois ». « Curieux et margoulins » sont invités à ne pas appeler. « On sait dans le quartier que ce n’est pas pour des étudiants, mais des travailleurs précaires, comme les nounous asiatiques qu’on voit les matins emmener les enfants de leur patronne à l’école », glisse une habitante du « carré d’or », le périmètre le plus cossu de Marseille, où les annonces se multiplient. Comme cette vente « idéal investisseur » pour une « chambre de service de 9 m2 actuellement louée 380 euros » rue Jean Mermoz. Ou encore résidence Ile de France sur le Prado, pour une chambre de service refaite de 9,31 m2 vendue louée (450 euros/mois) pour 60 000 euros, soit 6 400 euros le mètre carré.

    Ces chambres de bonne avaient pour vocation de répondre aux besoins d’une bourgeoisie marseillaise soucieuse d’avoir son petit personnel près d’elle. « Avant, l’architecture bourgeoise plaçait les chambres de bonnes sous les toits où on mourrait de chaud l’été. Après guerre, avec l’apparition de l’ascenseur, la nouvelle bourgeoisie veut occuper les derniers niveaux qui offrent les plus belles vues mer. Les architectes André Devin et Yvon Bentz l’ont compris en 1954 en dessinant le "Californie", boulevard Périer. Ils ont mis les chambres de service en rez-de-chaussée ce qui du coup a amélioré la vie du personnel » analyse l’architecte urbaniste poète Nicolas Mémain.

    Mis à part les étudiants [qui ne sont bien sûr pas concernés], la précarité sociale est le marqueur des occupants. Un angle de rue plus haut, le 9 rue Mireille, 8e, une enclave de 38 « pièces indépendantes », réveille le souvenir de l’affaire Ansquer, du nom de l’ancien président de la Banque alimentaire et coordinateur des Assises de l’Habitat pour la Métropole, qui louait des chambrettes parfois inférieures à 9 m2 à des adultes sous tutelle, des femmes battues et des malades mentaux placés par des organismes sociaux.

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