Farid Esack, professeur d’études islamiques à l’université de Johannesburg, s’est trouvé confronté à de fortes objections de la part du lobby sioniste de France contre une série de conférences sur le parallèle entre l’apartheid israélien et l’apartheid sud-africain. À cause de cette pression, il lui a été interdit de prendre la parole à des initiatives prévues à Paris et à Toulouse.
Vétéran de campagnes contre le racisme, Esack s’est fait également le champion de la défense des droits des femmes et des personnes atteintes du SIDA. Il a été nommé commissaire à l’égalité des sexes par le regretté Nelson Mandela. Il est actuellement président de BDS Afrique du Sud, un groupe qui soutient l’appel palestinien pour le boycott, le désinvestissement et les sanctions contre Israël.
J’ai parlé avec Esack de sa tournée de conférences en France.
Adri Nieuwhof : Vous êtes venu en France pour une tournée de conférences et vous avez eu l’interdiction de prendre la parole à certaines occasions. Pouvez-vous nous dire ce qu’il s’est passé ?
Farid Esack : Il y a eu d’énormes pressions sur toutes les sept universités où je devais intervenir. Seule l’université de Paris-Sorbonne m’a interdit de prendre la parole. L’université a argué qu’elle le faisait pour des raisons techniques parce que les formulaires qu’il fallait remplir pour demander une salle ne l’avaient pas été correctement. Les étudiants ont essayé de négocier avec l’université pendant une semaine pour corriger l’erreur, ce qui a été refusé par l’université.
Je pense que pour la Sorbonne, le mauvais remplissage du formulaire n’a été qu’un prétexte. Les étudiants ont fait valoir que le syndicat des étudiants remplissait ces formulaires depuis des années. Et que dans le passé, l’université n’avait jamais attiré leur attention sur la moindre erreur. La seule explication plausible à laquelle nous arrivons, c’est que derrière mon interdiction se cache la pression du syndicat des étudiants juifs de France.
Il m’a été aussi interdit de m’exprimer lors d’une réunion publique à Toulouse, dans une salle municipale, par le maire de Toulouse et ce, sur la base des mêmes allégations exprimées dans les lettres aux universités. Où il est dit essentiellement que je suis un antisémite, et que moi, en tant président du BDS Afrique du Sud, j’avais soutenu et/ou fomenté des actions de protestions violentes en Afrique du Sud.
AN : Que s’est-il passé après l’interdiction ?
FE : Il est apparu que la Sorbonne était parvenue à un accord tacite avec la police pour que je sois autorisé à parler à l’extérieur de la porte principale de l’université. Debout devant moi, il y avait une vingtaine de personnes de la sécurité pour nous empêcher d’entrer. J’avais des militants sur ma gauche et des militants sur ma droite. Mais ce qui est très intéressant, c’est que le proviseur adjoint de l’université est venu m’accueillir et me dire qu’il regrettait que l’université avait interdit ma conférence publique. Il est resté toute la durée de ma conférence et ensuite, il m’a remercié.
À Toulouse, nous avons aussi résisté à l’interdiction. J’ai pris la parole à l’extérieur du lieu prévu.