city:rosny-sous-bois

  • Paris, hier.
    https://www.mediapart.fr/journal/france/011218/les-gilets-jaunes-debordent-dans-les-rues-de-paris

    « La mobilisation parisienne a tourné en manifestation sauvage, se mêlant parfois au défilé syndical de la CGT, mais elle fut surtout rejointe par des militants de tous horizons, pour finir dans un nuage de lacrymogènes au centre de la capitale.

    Cette fois, c’était promis, les choses se passeraient dans le calme. Ce samedi 1er décembre à Paris, le dispositif policier serait à la hauteur, et la capitale ne connaîtrait pas les scènes d’émeutes qui ont marqué les Champs-Élysées samedi 24 novembre. Le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, avait évoqué des points d’entrée rigoureusement contrôlés par les policiers, qui devaient fouiller les sacs et ne laisser passer que des manifestants pacifiques, pour garantir sérénité et sécurité aux « gilets jaunes », appelés à manifester sur les Champs-Élysées pour le troisième samedi consécutif, à 14 heures.

    Rien de tout cela ne s’est produit. La situation a dégénéré dès 10 h 30, quand les forces de l’ordre utilisaient déjà à plein gaz lacrymogènes et canons à eau, dans des situations guère éloignées de la guérilla urbaines (lire notre reportage près de la place de l’Étoile). Vers 11 heures du matin, Christophe Castaner en était déjà réduit à donner le chiffre ubuesque de « 200 manifestants pacifiques et 1 500 perturbateurs », alors que les personnes qui s’en prenaient au même instant aux forces de l’ordre ne pouvaient pas, loin de là, êtres rangées dans la classique catégorie des casseurs, qu’ils soient issus des Blacks blocs ou de l’extrême droite (même si certaines de ses figures étaient présentes).

    À 18 heures, le gouvernement annonçait 75 000 manifestants dans toute la France, mais aucun dispositif cohérent n’aura été en mesure de compter le nombre de « gilets jaunes » ou de syndicalistes parcourant Paris. Au fil des heures, des milliers de manifestants se sont retrouvés en de nombreux points de la capitale, un peu partout dans une bonne moitié de la rive droite. La préfecture de police de Paris dénombrait en fin de journée une centaine de blessés, dont 14 parmi les forces de l’ordre, un fusil d’assaut volé dans une voiture de police et 263 interpellations.

    En conséquence des sérieux affrontements qui ont opposé manifestants et forces de l’ordre du début de la matinée à la fin de l’après-midi sur les Champs-Élysées, des centaines et des centaines de « gilets jaunes » ont été refoulés lorsqu’ils ont voulu rejoindre le point de rendez-vous prévu. L’après-midi qui a suivi a donné lieu à de très inhabituelles séances de déambulations collectives dans les rues de Paris, traversées de brusques accès de tension, de scènes de panique, de débordements divers, mais aussi de quelques rencontres improvisées avec les manifestants plus aguerris qui avaient prévu de mener leurs cortèges dans l’après-midi, soit avec, soit à côté des « gilets jaunes ».

    À 13 heures, devant le parvis de la gare Saint-Lazare, un soutien est déjà en train de taguer « Justice pour Adama » sur des bâches de plastique jaunes. Autour de lui, des membres du désormais célèbre collectif contre les violences policières, des syndicalistes, des « gilets jaunes » de la région parisienne ou des militants de la première heure du mouvement social, qui se sont donné rendez-vous là en début de semaine, mais sont déjà un peu perdus.

    « Les “Nuit debout”, ils sont où ? interroge une vieille dame. C’était dur de choisir où aller ce matin… » « De toute façon, c’est le bordel partout, lui répond son compagnon. Sur les Champs-Élysées, ils sont au régime “canons à eaux” depuis trois heures… » Janos, un Franco-Hongrois, peste contre la scission du mouvement anti-raciste entre Nation (où défile le mouvement Rosa Parks) et Saint-Lazare. Julien peste lui contre la scission du mouvement social entre la CGT à Bastille et les « gilets jaunes » partout ailleurs. « Il y a une fenêtre qui s’ouvre là, faut y aller ! »

    Comme cela a été régulièrement constaté ces trois semaines dans cette mobilisation, des primo-manifestantes sont également présentes, hôtesses d’accueil, aides-soignantes, profs… « Je peux pas faire grève. J’élève seule mes trois enfants. Mon travail, c’est tout ce qu’il me reste, explique Rahma. Venir le samedi, c’est la seule manière pour moi de montrer ma colère. » Les banderoles des unes et des autres se déploient, celles des étudiants de Tolbiac, celle rose potache du CLAQ (Comité de libération et d’autonomie queer) et bien sûr celle du comité Adama. Le plan jusque-là est toujours de se diriger le plus possible vers les Champs-Élysées, pour rejoindre le gros des « gilets jaunes ».

    De fait, rien ne se passera comme prévu. Car ce sont les « gilets jaunes » qui viennent chercher Saint-Lazare. Des centaines d’entre eux déboulent du boulevard Haussman au son de « Macron démission ». L’objectif, saisi à la volée, semble être le Louvre, mais le cortège se forme et se reforme, au fil des rues commerçantes du centre de Paris. « On va se faire un petit “Black Friday” » lance en criant un participant, pour rire, en passant tout près des grands magasins tout illuminés.

    « On s’est fait gazer ce matin, et depuis, on suit le mouvement, expliquent des amis « gilets jaunes » venus de Dordogne. Aucun ne connaît Paris et ils marchent presque en touristes. « Il paraît même qu’on peut visiter », dit l’un d’entre eux, en arrivant devant l’Opéra. L’avenue est noire de monde jusqu’au Louvre. Il est 14 heures et la mobilisation des « gilets jaunes » à Paris s’est déjà transformée en une grande manifestation sauvage dans les rues de la capitale. « Les flics doivent être débordés, on en voit pas un seul… Personne ne nous arrête ! » s’étonne un cheminot de la CGT. Les clients du très chic Café de la paix sont sidérés, alors que les voitures s’arrêtent, pour laisser passer la foule.

    Des rues s’échappent des « grève générale ! », des « anti, anti-capitalistes ! » et autres « tous ensemble ! », slogans connus des cortèges de tête syndicaux de ces dernières années. Sauf que les « gilets jaunes » sont partout et font la masse. Comme cet ingénieur automobile, « très, très en colère », de la région parisienne, qui défile seul, ayant perdu ses compagnons en route. « Le diesel, ça fait 20 ans que l’on sait que c’est dangereux. Qui nous a poussés à en bouffer à toutes les sauces ? On crache du CO2, mais on coupe les arbres à tour de bras, de qui se moque-t-on ? Moi je veux aller à l’Élysée, pour lui dire, droit dans les yeux, à Macron, que ce n’est plus possible de continuer comme ça. »

    Sauf que la déambulation dans les rues de Paris se complique, une partie des forces de l’ordre désertant manifestement les Champs-Élysées pour tenter de remettre de l’ordre dans le centre de Paris. Car les manifestants marchent au milieu des cars de touristes, des passants des paquets plein les mains, des familles, qui regardent (et filment) le cortège, certains derrière les grilles du marché de Noël, installé dans le jardin des Tuileries.

    Les « gilets jaunes », souvent non familiers de la capitale, virent des bords, ne sachant guère ou aller, et la plupart des accès pour sortir du quartier sont désormais bloqués par les gendarmes mobiles. « Faut pas partir à Bastille, il n’y a personne là-bas ! » crie un jeune homme, très équipé, avec masque à gaz, sweat-shirt noir et gilet jaune. Il essaie de dévier le flux vers la cour du Louvre, sans grand succès. Une partie des manifestants décide néanmoins de tenter de rejoindre l’autre mouvement du jour, le défilé CGT.

    Le syndicat avait en effet annoncé sa traditionnelle manifestation des précaires et des privés d’emploi depuis des semaines, entre la place de la République et celle de la Bastille, et a finalement attiré bien au-delà des militants qui participent classiquement à ce défilé. Dans le métro arrivant place de la République, des dizaines de « gilets jaunes » peuplent les rames qui arrivent régulièrement. Certains sortent à l’air libre, vers un espace libéré des gaz lacrymos, d’autres repartent, direction les Champs-Élysées, tous chantent « Macron, démission ! » Au départ du cortège, on trouve aux côtés des gilets rouges syndicalistes, de très nombreux gilets jaunes, pas seulement frappés du logo CGT.

    « Ici, c’est les pas-contents organisés, on se fera moins casser la gueule ! » rigole Franck, qui a entamé la conversation avec Marité, René et Magali, qui ne se connaissaient pas dix minutes plus tôt, mais qui ont vécu la même séquence d’événements et font les mêmes récits que leurs homologues ayant fui vers les grands boulevards.

    « On est venus ce matin aux Champs-Élysées et, lorsqu’on a voulu approcher des points d’entrée, on a immédiatement été inondés de lacrymogènes, déjà 300 mètres avant les checkpoints », raconte Franck, venu de Seine-et-Marne. La colère à peine contenue, il lâche que « Macron, il laisse gazer son peuple, comme Bachar el-Assad ! »

    Marité, retraitée venue de Rosny-sous-Bois, répète encore et encore : « Je demande pardon d’avoir voté Macron, je me dénonce devant la CGT ! » Elle a travaillé 42 ans, son mari 44, ils touchent à deux 2 900 euros de retraite et ne décolèrent pas. Elle détaille la pancarte qu’elle porte sur le dos : « En 2018, la hausse de la CSG nous a fait perdre 460 euros, et l’abattement de 30 % de la taxe d’habitation nous a rapporté 410 euros, c’est une perte nette de 50 euros ! »

    Longtemps après que les manifestants de la CGT, accompagnés de cortèges de Sud et de la FSU, ont quitté la place, des « gilets jaunes » arrivent à République, y restent quelque temps, puis repartent. Stéphane, Morgane et Marion viennent eux aussi de Seine-et-Marne. « On est venus, mais on ne savait pas où se poser. Aujourd’hui, c’est un peu partout dans Paris », glisse Stéphane. « On voulait être présents, mais sans être assimilés aux casseurs des Champs-Élysées », indique Morgane.

    En quelques minutes de conversation, les trois amis dénoncent les travaux pour la piscine au fort de Brégançon, la rénovation de la salle des fêtes de l’Élysée, la taxe carbone, « qui ne sert presque pas à la transition écologique », « les efforts qu’on demande toujours aux mêmes, aux petits », et dénoncent même les allocations obsèques offertes aux députés, « alors que toi, tu dois prendre un crédit pour payer le cercueil de ta grand-mère ». Les dents serrées, Morgane lance une phrase dont on entend des déclinaisons depuis le début du mouvement, un peu partout en France : « Marie-Antoinette s’est gavée elle aussi juste avant la Révolution. Et on lui a coupé la tête. »

    Dans le cortège de la manifestation CGT, on retrouve les marqueurs habituels de ce type de défilé. La sono envoie du Bernard Lavilliers, les slogans dénoncent la réforme de l’ISF et appellent à « éradiquer la pauvreté, [car] il n’y a pas de fatalité ! » Mais le speaker au micro du petit carré de la CGT Seine-et Marne répète aussi, dans un français fautif mais terriblement explicite, « Convergeons la colère ! »

    Pour converger, au milieu des militants syndicaux, Laurent, salarié d’Air France, a décidé de poser un jour de grève. « Je suis pour que les luttes se mettent ensemble et pour une fois, on voit que pas mal de gens, de colères, s’agrègent, s’enthousiasme-t-il. Alors, je me suis dit que suivre la CGT était pas mal, elle qui connaît bien la lutte sociale. »

    À ses côtés, une jeune femme décidée et tout de noir vêtu ne veut pas donner son prénom mais se revendique « anonyme parmi les anonymes » : « Je suis salariée d’un grand groupe français, je rejoins le mouvement de ceux qui en ont marre de tout, je veux qu’on me respecte, qu’on m’écoute. Avec le même salaire, il y a dix ans, je vivais beaucoup mieux, aujourd’hui, je m’en sors tout juste. »

    Au hasard des rues, entre République et Nation, des « gilets jaunes » auront aussi pu croiser le cortège du collectif Rosa Parks, qui avait choisi de longue date ce samedi pour manifester contre « le racisme et le néolibéralisme ». Fort de seulement quelques dizaines de personnes à Nation à 14 heures, le défilé a atteint un millier de participants une heure plus tard en arrivant place Léon Blum, devant la mairie du XXIe arrondissement. On y trouve quelques figures connues, l’organisateur Omar Slaouti, la militante antiraciste Sihame Assbague, la figure des Indigènes de la République Houria Bouteldja, l’historienne Ludivine Bantigny.

    Les slogans, explicites, dessinent les combats de ces hérauts de l’antiracisme opposés à « l’universalisme » défendu par de nombreux intellectuels français : « La loi contre le voile, contre la burqa, on n’en veut pas ! Les “Je suis Charlie”, on n’en veut pas ! Les Badinter, les Fourest, les Finkielkraut, on n’en veut pas ! L’islamophobie, ça suffit ! »

    Une belle place est faite à l’association Droit au logement, aux adversaires de la Françafrique, à la coordination des sans-papiers, dont les slogans sont acclamés. Éric Beynel, le co-porte parole du syndicat Solidaires, est dans les rangs pour démarrer son après-midi, avant de se rendre ailleurs dans les rues de Paris. « On sent une vraie révolte, constate-t-il. Et l’absence de réponses concrètes du gouvernement et du président ne peut qu’entretenir cette révolte. »

    Retour vers Concorde, où des médias télé se font huer. « Usurpateurs », crient les manifestants, furieux d’être assimilés, selon eux, à des casseurs, alors que les premiers chiffres circulent sur la mobilisation du jour à Paris. « On voulait aller calmement manifester. Je suis venu en train, j’avais ma carte d’identité dans la poche. On s’est pris tellement de lacrymos qu’on a détalé comme des lapins », raconte un « gilet jaune » d’une cinquantaine d’années. Il sort une cartouche en caoutchouc de sa poche : « Voilà ce qu’on s’est pris, des tirs de Flash-Ball ! C’est qui les casseurs ? » Deux femmes, qui cherchent encore dans quel sens aller, opinent du chef.

    Et alors que le ciel au-dessus de la grande roue se noircit de la fumée des voitures incendiées, au point de friction entre les plus remontés et les forces de l’ordre, et que l’air sature à force de gaz lacrymogènes, certains poursuivent leurs discussions, imperturbables : « Si on lance un processus de destitution, ça peut faire avoir un effet », assure l’un, quand une autre se lamente : « Notre problème, c’est que nous ne sommes manifestement pas d’accord sur tout. Je ne vous connais pas mais j’imagine qu’on n’a pas voté pareil… Mais ce qui nous rassemble, c’est quand même que tous ici on trouve anormal de ne pas pouvoir vivre correctement avec un Smic, non ? » Un homme et sa belle-sœur, venus de l’Oise par le train de l’après-midi, laissent filtrer leur amertume et leurs idées politiques : « Il n’y a pas beaucoup de migrants avec nous ici, pourtant, avec tout l’argent qu’ils touchent ! »

    La réponse des forces de l’ordre finit par porter ses fruits et les « gilets jaunes » côté Concorde se dispersent à nouveau dans les rues adjacentes, vers 17 heures. Les gens courent dans tous les sens. Une passante demande, innocemment, rue Caumartin, qu’on lui indique où se trouve l’hôtel du Ritz, des paquets dans les mains. « Alors là, madame, pour le Ritz, ça va être compliqué… », répond le seul non-« gilet jaune » du trottoir. Sur Haussmann, que l’on avait quitté deux heures plus tôt, la situation s’est considérablement tendue. Des camions de CRS barrent le boulevard et les consignes sont donnés par mégaphone : « Dispersez-vous. Les personnes repérées en train de jeter des projectiles s’exposent à des tirs de gaz lacrymogènes. »

    Vers 16 h 30, alors que le crépuscule arrive déjà, l’ambiance devient à contrario étrangement calme place de la Bastille. Les bataillons syndicaux du cortège CGT ont disparu depuis une bonne heure. Mais des grappes de « gilets jaunes », une petite centaine peut-être, sont répartis sur toute la place, avec un attroupement prononcé au milieu du rond-point, sous la colonne de Juillet. Pas un policier en vue pendant de longues minutes, alors qu’au croisement avec le boulevard Henri IV, certains manifestants ont profité d’une rue en travaux pour monter une barricade très étendue.

    Soudainement, plusieurs cars de police arrivent et la tension monte d’un cran. À peine débarqués et sans ménagement, les policiers chassent les « gilets jaunes » de leur position sous la colonne, dans un grand nuage de lacrymos. Ils se tournent ensuite vers ceux qui tiennent la barricade. L’incompréhension est totale de la part des manifestants qui observent la scène : « Nous, on est pacifiques, et ils viennent pour nous dégager… Comme ça, ça fait des images pour BFM, voilà », glisse l’un d’eux, avant de tourner les talons, à la recherche d’un autre lieu de rassemblement.

    Et la journée n’est pas finie : plusieurs magasins, dont les Galeries Lafayette et le Printemps, ont été évacués en fin d’après-midi. Selon Le Monde, des personnes s’en sont pris en début de soirée au palais Brongniart, qui accueillait autrefois la Bourse de Paris, dans le IIe arrondissement parisien. Selon les constatations de journalistes sur place, des vitrines sont brisées et des boutiques pillées rue de Rivoli. En début de soirée, les policiers semblaient reprendre le contrôle de la place de l’Étoile, où des centaines de manifestants étaient encore présents. Les barricades montées au nord de la place de la Concorde étaient en cours de démontage. La maire de Paris a fait part de sa « profonde indignation » face aux violences dans la capitale.

    Repoussée et bloquée sur toutes les avenues menant à l’Étoile, la foule des manifestants est redescendue vers Saint-Lazare par le boulevard Haussman, où les barricades ont été nombreuses. Aux abords de la gare, les forces de l’ordre ont chargé à cheval. « Ce sont des chevaux qui n’ont peur de rien, ils sont éduqués pour », témoigne une « gilet jaune » venue avec sa fille d’une vingtaine d’années. « Les femmes descendent dans la rue, et même toutes seules, ça devrait interpeller les gens non ? Un peuple heureux ne se soulève pas. » Vers 18 h 30, des groupes de deux à trois cents personnes continuaient de renverser des voitures et d’ériger des barricades à proximité des Champs-Élysées, poursuivis par la police.

    Sous terre, c’est à peine mieux. Les agents de la RATP égrènent la longue liste des stations de métro fermées au public, sur une large partie de la rive droite. Les gens vont et viennent dans les couloirs, de plus en plus fâchés. Sur la ligne 8, un « gilet jaune » brandit un bout de carton, sur lequel il a écrit « Initiative législative citoyenne », et tente de lancer la discussion avec les passagers. Une femme décline son offre : « Non, merci, mais si vous voulez bien me dire comment rentrer chez moi, je ne suis pas contre. » »

  • Cela arrive de plus en plus souvent et cela ne semble pas trouver de solutions. C’est un petit pro-blème, fort personnel en plus, mais je me demande s’il n’est pas la représentation de quelque pro-blématique plus vaste. De temps en temps, un peu plus souvent depuis la sortie d’Une fuite en Égypte, lorsque je participe à toutes sortes de manifestations, on me demande une biographie, ce qui semble aller de soi, ce qui ne devrait étonner personne et ce que je continue de ne pas comprendre. Et j’imagine que je ne peux pas le comprendre parce que je ne lis jamais de biographies. Je crois que la seule biographie, stricto sensu, que je n’ai jamais lue est celle de Marcel Proust par Harold Pinter et je l’ai lue juste après ma première lecture d’À la Recherche du temps perdu et je vois bien comment je tentais, par tous les moyens, de prolonger le plaisir de la lecture de La Recherche, avant d’affronter une autre lecture dont je pressentais qu’elle aurait du mal à faire le poids, d’autant que j’étais fort tenté de reprendre la lecture de La Recherche depuis le début, et finalement c’est la biographie de Proust qui a pu faire un trait d’union entre La Recherche et je ne sais plus quel livre - possiblement le Proust de Beckett, mais je n’en suis pas sûr, je ne me souviens plus. La biographie de Proust par Harold Pinter est plutôt un très bon livre qui, de fait, s’immisce dans les plis restés ouverts de la biographie fictive du Narrateur, ça peut fonctionner comme produit de substitution pour décrocher de la drogue pure de La Recherche. Un autre exemple qui lui montre que la biographie cela ne fonctionne pas pour moi, c’est celui de Beckett de Deidre Beir qui m’a instantanément laissé sur le côté, aucun intérêt. En fait dans le cas de Proust, il me semble que tout est dans le livre non ? Et dans Beckett, tout est dans les livres non ? Et le reste ne nous regarde pas, si ?

    Au siècle dernier, quand j’ai commencé à caresser l’idée de construire un site internet, dont l’idée de départ serait qu’il soit une sorte de portfolio de mon travail de photographe, je regardais ce que les collègues photographes avaient produit dans le genre et je dois dire que j’étais passablement déçu d’y trouver surreprésentée la forme dite de navigation par onglets - qui, dans son principe, continue d’être majoritaire - à savoir un onglet pour les travaux récents, un onglet pour les travaux les plus anciens, un onglet pour les expositions, un onglet pour la biographie, un onglet pour la bibliographie et un autre encore pour les coupures de presse. Et les quelques onglets de biographies que je consultais me donnaient une impression opaque d’ennui, peut-on vraiment s’intéresser à la liste des expositions de son prochain depuis qu’il ou elle est toute petite ? Et est-ce que cela ne relève pas plutôt du Curriculum Vitae ? Et qui peut trouver son content dans la lecture d’un C.V. ? En soi on ne sera pas surpris d’apprendre que la forme du site Désordre est une manière de réaction épidermique, un peu outrée, c’est vrai, au principe même de la biographie.

    À vrai dire ce que je devrais me contenter de répondre quand on me demande une biographie, c’est de répondre non, et plus poliment, que je n’en ai pas. Je pourrais même mentir et exagérer un peu, répondre à la personne qui me la demande que j’ai mené une existence à la fois ennuyeuse et vide et qu’il est impossible de lui donner le moindre relief rétrospectif, expliquer que, par ailleurs, je passe le plus clair de mon temps dans un open space ou dans les salles d’attente des différents intervenants thérapeutiques de mes enfants, ce ne serait pas mentir ni exagérer tant que cela. Et même quand je tente ce genre de réponses, vous seriez étonnés et étonnées de l’incompréhension de la personne demanderesse et de son incapacité à se contenter d’une telle réponse.

    Alors que me reste-t-il à faire ? Ce que je fais un peu tout le temps. Écrire ce qui me passe par la tête sur le sujet demandé. Je vous montre ce que cela donne :

    Philippe De Jonckheere (1964 - 2064)

    1944 Mon père voit passer un V1 dans le ciel à Lille
    1951 Robert Frank prend une fillette en photo à Paris. Ce sera ma mère
    Né le 1964ème anniversaire du massacre des innocents
    1986-91 Arts Déco et études à Chicago
    1990 Assistant de Robert Heineken, des miracles tous les jours
    1991 Retour, ça va mal
    1993 Mort de mon frère A.
    1991 Mai de la Photo à Reims, seule exposition d’envergure, censurée. Ça foire, toujours 1995-98 Exil à Portsmouth
    1999 Naissance de Madeleine
    2000 Désordre.net. Ça foire, m’entête
    2004 Naissance d’Adèle, Nathan diagnostiqué autiste et Papa opéré du cœur, le même jour
    2009 Manière de Voir : Internet, révolution culturelle
    2012 Robert Frank, dans les lignes de sa main
    2013 Rien
    2014 Rien
    2015 Frôle la catastrophe le 13 novembre. Apnées (PDJ, D. Pifarély, M. Rabbia)
    2016 Pas grand-chose
    2017 Une Fuite en Égypte
    2018 Raffut
    2019 Le Rapport sexuel existe
    2020 Élever des chèvres en open space
    2021 Frôlé par un V1
    2022 Les Anguilles les mains mouillées
    2024 Sur les genoux de Céline
    2025 - 2064 : étudie la contrebasse et rejoins la ZAD de la Cèze
    2064 Suicide.

    Vous aurez compris que c’est une version courte parce que naturellement mon premier jet était infiniment plus long et on m’a tout de suite fait comprendre que cela dépassait généralement les limites du genre. Ce que je n’ai pas toujours bien compris surtout quand la finalité c’était internet, médium pour lequel je ne comprends pas bien la notion de limite d’espace. En revanche pour ce qui est d’un imprimé, je peux comprendre qu’effectivement mon premier jet, un peu au-delà de 3000 signes, est excessif, je veux bien en rabattre un peu et d’ailleurs je trouve un certain plaisir dans cet exercice de sculpture textuelle presque, à savoir retirer des pans entiers de son existence, tel projet d’envergure mais dont je ne suis plus si fier, telle manifestation dont je pense que nous devions être dix ou vingt dans la salle pour le vernissage, et puis ensuite raboter et poncer les phrases une à une, tenter de gagner quelques misérables signes par ci par là - c’est d’ailleurs en travaillant à ce ponçage que je m’aperçois que Sur Les Genoux de Céline est, en fait, un bien meilleur titre que La Petite Fille qui sautait sur les genoux de Céline. Comme quoi, je suis nettement plus arrangeant qu’on ne croit et je ne néglige aucune piste.

    Des fois, quand on me demande de raccourcir, j’ai tellement le sentiment qu’on me demande de maigrir en somme, que je ne garde que ce qu’il y a de plus léger, c’est-à-dire la partie pour ainsi dire fictionnelle de ma biographie, dans laquelle tout est vrai, même les bouts qui sont inventés.

    Philippe De Jonckheere (1964 - 2064)

    1944 Mon père voit passer un V1 dans le ciel à Lille
    1951 Robert Frank prend une fillette en photo à Paris. Ce sera ma mère
    Né le 1964ème anniversaire du massacre des innocents
    1964 - 2012 pas grand-chose
    2013 Rien
    2014 Rien
    2015 Frôle la catastrophe le 13 novembre. Apnées (PDJ, D. Pifarély, M. Rabbia)
    2016 Pas grand-chose
    2017 Une Fuite en Égypte
    2018 Raffut
    2019 Le Rapport sexuel existe
    2020 Élever des chèvres en open space
    2021 Frôlé par un V1
    2022 Les Anguilles les mains mouillées
    2024 Sur Les Genoux de Céline
    2025 - 2064 : étudie la contrebasse et rejoins la ZAD de la Cèze
    2064 Suicide.

    Et parfois, même après de tels efforts, louables, de prendre moins de place, on trouve encore à redire, alors là, autant vous le dire tout de suite, je fais ma mauvaise tête et j’envoie la biographie définitive suivante :

    Philippe De Jonckheere (1964 - 2064)

    Et pour tout vous dire, c’est arrivé une fois, qu’on me cherche vraiment, à force d’insistance, j’ai fini par envoyer n’importe quoi, mon CV d’informaticien. Tête de la personne qui avait trop insisté (et qui ignorait, par ailleurs, que j’étais informaticien).

    Je n’ai aucune raison de me fâcher avec la dernière personne qui me demande ma biographie et qui est un peu embêtée avec mon premier, puis mon deuxième, envois, j’aime beaucoup cette personne et je lui dois beaucoup. De plus cette biographie doit rejoindre celle d’autres auteurs et auteures auxquelles a été demandée une participation textuelle à un très remarquable catalogue d’œuvres, contemporaines pour la plupart, la commande était passionnante, très libre, les conditions de rémunération à la fois généreuses et expéditives, je pense que c’est la première fois et sans doute la dernière que je sois payé AVANT le Bon-À-Tirer, autant vous dire mon embarras avec cette question de la biographie. D’autant que j’aimerais tellement contenter cette amie.

    Je tente de faire valoir que de reprendre une telle biographie ce serait comme de tenter de re-vivre une autre vie, que les items présents dans cette biographie appartiennent à un passé qui ne peut plus être altéré et croyez bien que pour certaines choses j’aimerais pouvoir changer le cours de certaines périodes de mon existence (et que me soit, par exemple, épargné les grandes douleurs de l’année 1993, si c’était si facile, aussi facile que la suppression d’une ligne dans une biographie), mais je vois bien que cet argument porte peu, on me soupçonne, peut-être pas à tort, d’avoir donné, par endroits, dans la fiction. Touché !

    Inventer du tout au tout - Il y a peu, dans un autre texte, Frôlé par un V1, dans lequel, pour les besoins de la narration, j’avais besoin de me composer une fausse biographie, j’avais écrit ceci :

    Philippe De Jonckheere, né en 1965 à Paris, de parents enseignants et syndica-listes, une enfance heureuse à Loos dans le Nord, puis une adolescence tumultueuse et accidentée à Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), marquée par la toxicomanie. Après plusieurs cures de désintoxication, il reprend des études notamment au Lycée Autogéré de Paris et entre in extremis aux Arts Déco de Strasbourg en 1987 - bon dernier de sa promotion -, études qu’il abandonne vite, en 1988, pour partir en Allemagne fédérale, à Berlin, en grande partie pour fuir le service militaire et tenter de profiter des derniers soubresauts de l’école berlinoise de peinture, qu’en bon petit punk de banlieue il ido-lâtre. Il rencontre brièvement Nina Hagen qui l’encourage à rendre encore plus mau-vaise sa bad painting, qui ne s’encombrait déjà pas beaucoup d’élégance. La chute du mur de Berlin en 1989 le chasse, plus exactement l’ambiance de la ville devenue délétère, notamment ses loyers de plus en plus occidentaux, et il suit sa petite amie d’alors, une Allemande, Bettina, qui part chercher à Amsterdam une vie dans les marges, comparable à celle qui était la leur à Berlin. À Amsterdam, il s’intéresse de nouveau à la peinture, mais d’un point de vue historique, notamment, à la peinture flamande, mais surtout à Rembrandt (1606 - 1669) sur les autoportraits duquel il travaille, produisant notamment une très longue vidéo dans laquelle s’enchainent, en fondus très lents, les autoportraits de Rembrandt, donnant à voir, avec lenteur donc, le vieillissement du peintre. Avec l’arrivée du numérique dès le début des années nonante il propose une version programmatique de ce vieillissement, l’œuvre étant désormais ralentie à la vitesse réelle du vieillissement, le passage d’une image à l’autre, d’un autoportrait à l’autre, se faisant en autant de temps qu’il faut pour passer d’une date d’un autoportrait à l’autre. L’œuvre connait un retentissement singulier parce qu’elle est achetée par un collectionneur de renom à Los Angeles. Là où une voie toute tracée de plasticien s’ouvrait à lui, il décide de tourner le dos à cette célébrité qu’il juge à la fois frelatée et stérile - quel caractère ! - et de se consacrer désormais à des formes narratives dont la génération est partiellement conduite par des effets de programmation, reposant beaucoup sur le hasard - il prédéfinit des récits types et les organise en arborescences complexes au carrefour desquelles le hasard intervient de façon invisible. C’est une œuvre mal comprise, adulée par quelques fanatiques, notamment pour les traces qu’il existe de cette œuvre sur son site internet, Désordre, et qui lui valent, malgré tout - notamment le mauvais caractère -, de temps en temps de participer à des colloques à propos des nouvelles formes d’écriture, situation qu’il vit d’autant plus en imposture qu’il a désormais choisi de figer certains de ces récits numériquement générés et de les faire publier - chez Inculte -, citons Une fuite en Égypte, dont il reste des traces de code - les fameux points-virgules - et Raffut, qui est au contraire un récit dont la trame est avérée mais dont l’écriture a été confiée à un programme d’intelligence artificielle à partir de la déclaration de police qui figure en toutes lettres dans le texte. On perd sa trace en 2025, date à laquelle il semble rejoindre la résistance zadiste de la vallée de la Cèze dans les Cévennes. Sa date de décès est inconnue.

    Mais, en fait, qu’est-ce qui peut bien m’empêcher de composer une vraie biographie - Ne se-rait-ce que pour contenter cette amie que je suis peut-être en train de tourmenter inutilement, pensée qui m’est intolérable. Je pourrais indiquer que je suis né en 1964, que j’ai étudié aux Arts Déco puis à l’École de l’Art Institute de Chicago, que j’ai été l’assistant de Robert Heinecken et l’élève de Barbara Crane et qu’à partir de là tout a capoté et que je me suis retrouvé assis sur un siège à cinq roulettes dans un open space, que j’ai tenté de m’en sortir en construisant un œuvre sur Internet qui porte le nom de Désordre, qu’en dépit d’espoirs fous et d’un travail acharné, cela ne m’a pas libéré du siège à cinq roulettes, que j’ai écrit deux romans dont le dernier vient de sortir et on s’en tient à cela. En somme c’est un ratage - primo-romancier à 52 ans -, et je me demande si un peu d’orgueil n’est pas précisément ce qui me retient d’envoyer une véritable biographie, dans un fichier texte correctement calibré, à mon amie.

    Mais en fait non, ce n’est pas cela, c’est le caractère insignifiant d’une telle existence qui me retient, et finalement pas seulement de la mienne, de toutes nos existences, toutes insignifiantes, alors que je suis au contraire admiratif de nos réalisations qui elles ne sont pas insignifiantes, tant s’en faut. Et qu’il me semble justement qu’il y a là un enjeu d’émancipation. Il y a encore une dizaine d’années et un peu au-delà, j’étais, de temps en temps, invité à participer à des conférences à propos d’Internet, je disqualifiais souvent la chose en parlant de tables-rondes-derrière-une-table-rectangulaire, débats dans lesquels je tenais souvent le mauvais rôle, celui de l’envahisseur, du méchant internet qui allait faire mettre la clef sous la porte à toutes les maisons d’édition du royaume, et invariablement la question qu’on me posait systématiquement c’était de savoir quel était mon modèle économique ? Mon esprit d’escalier m’a souvent empêché de trouver la bonne réponse à cette question cocasse, à l’exception d’une fois où j’ai répondu, tandis que je partageais l’estrade avec deux éditeurs, que je répondrais à cette question, si et seulement si, les éditeurs répondaient à la question de savoir quel était leur modèle politique ? Tête des éditeurs.

    Avec l’âge, réalisant le caractère à la fois futile et passager d’une existence, la mienne, et celles de celles et ceux qui m’entourent d’une façon ou l’autre, je trouve de plus en plus dérisoire la question de la biographie, pour ne pas dire obscène et adverse, quand, au contraire, je trouve une beauté sans bords à nos inventions, nos œuvres et nos tentatives de modes de vie. Acculé, je me défends avec mes armes : la fiction.

    Inventons nos biographies à l’image de nos œuvres et de nos vies.

    #pendant_qu’il_est_trop_tard

  • Flashback vs Flashball | Se défendre de la police
    https://collectif8juillet.wordpress.com/2018/05/16/flashback-vs-flashball

    FLASHBACK VS FLASHBALL

    16 mai 2018 · par huitjuillet · dans Uncategorized · Poster un commentaire
    Tribune du collectif 8 juillet. Fin 2016, trois policiers ont été jugés et condamnés par le TGI de Bobigny pour avoir tiré au Flashball et blessé six personnes, dont l’une a perdu un œil, le soir du 8 juillet 2009 à Montreuil. Les policiers ont fait appel. Au premier jour de ce nouveau procès, nous revenons sur « la défense » des policiers et ce qu’elle dit de la violence qu’ils exercent au quotidien. Collectif Huit Juillet.

    Ici deux mondes s’affrontent : les forces de l’ordre et des gens dont la passion est de déstabiliser l’ordre. Franck Liénard, avocat de Patrice Le Gall.

    Il faut imaginer cette salle remplie de policiers armés venus soutenir leurs collègues, ajoutés à d’autres policiers en service que rien ne distingue des précédents, ajoutés à ceux habituellement en charge des procès, ajoutés au peloton de CRS présents à l’extérieur comme à l’intérieur du tribunal, pour mesurer notre sentiment d’insécurité. Mais une fois n’est pas coutume, et à la faveur d’un rapport de force obtenu grâce à de nombreuses interventions publiques, un protocole relativement égalitaire est mis en place. Une moitié de la salle est réservée aux soutiens des victimes, l’autre à ceux des policiers. Alors qu’ils sont en charge de ce protocole, les policiers ne le respecteront évidemment pas et c’est à deux reprises que nous obtiendrons que la salle soit vidée et les soutiens des deux partis strictement recomptés. Ce moment dont chacun aura pu mesurer le caractère exceptionnel est à l’image du combat que mènent les collectifs et les familles contre l’impunité policière. Le corps policier en charge de tous les actes de la procédure est à tout moment susceptible d’exercer des menaces et des pressions, de brouiller les pistes par des procès-verbaux mensongers, des manipulations de preuve, des expertises partisanes et autres chausse-trappes judiciaires… Ce n’est qu’en mettant en lumière les petites combines, magouilles et autres arrangements qui font l’ordinaire de l’impunité policière que les familles arrivent parfois à rompre les solidarités corporatistes et contraindre les magistrats à instruire les dossiers.

    #toctoc suggèrent les #blessés du 8 juillet 2009 actuellement en #procès
    #police #flashball « #armes_non_létales » #justice

    • Eborgné par un Flash-Ball : de la prison avec sursis requise contre les policiers, JÉRÔME HOURDEAUX, Mediapart

      En juillet 2009, la police intervenait pour disperser une manifestation pacifique à Montreuil. Six tirs de Flash-Ball feront six blessés. L’un d’entre eux est énucléé. Alors que les policiers affirmaient avoir eu affaire à un groupe armé, l’enquête avait montré le caractère disproportionné de l’opération.

      C’est le procès du Flash-Ball qui s’est tenu, du mercredi 16 au vendredi 18 mai, devant la cour d’appel de Paris. La justice rejugeait trois policiers accusés d’avoir tiré sur des manifestants à Montreuil en juillet 2009, éborgnant l’un d’entre eux. L’avocate générale a requis à l’encontre des prévenus des peines allant de sept mois à deux ans de prison avec sursis, assorties, selon les cas, d’une à deux années d’interdiction de port d’arme.

      « C’est une arme stupide entre les mains de gens qui ne sont pas formés », s’est indigné Laurent-Franck Liénard, avocat du policier Patrice Le Gall, affirmant en avoir réclamé « l’interdiction à cor et à cri depuis des années ». Me Frédéric Gabet, avocat de Julien Vanderbergh, un autre policier poursuivi, a quant à lui affirmé que l’on faisait peser sur son client « des fautes collectives, des fautes de la hiérarchie ». « Cet outil n’aurait jamais dû être entre leurs mains ». « Comment peut-on laisser une arme d’une telle nature à des policiers ? », a de son côté lancé Me Didier Robiquet, défenseur d’un troisième représentant des forces de l’ordre jugé, Mickaël Gallet. « C’est une arme dont ils ne devraient pas avoir à se servir. »

      Et pour cause. Le 8 juillet 2009, dans le quartier de la Croix-de-Chavaux à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, ces trois policiers ont chacun fait usage à deux reprises de leurs Flash-Ball. Les tirs ont fait six blessés, dont un gravement, le réalisateur alors âgé de 34 ans Joachim Gatti, énucléé de l’œil droit.

      Pour ces faits, les policiers ont déjà été condamnés, le 16 décembre 2016, par le tribunal de Bobigny. Patrice Le Gall avait été condamné à 15 mois de prison avec sursis et 18 mois d’interdiction de port d’arme pour avoir tiré sur deux manifestants, dont Joachim Gatti. Mikhaël Gallet avait, lui, écopé de 10 mois de prison avec sursis et 12 mois d’interdiction de port d’arme pour avoir blessé un manifestant à la clavicule, le tribunal n’ayant pas pu établir de lien définitif entre son second tir et un autre blessé. Enfin, Julien Vanderbergh avait été condamné à 7 mois de prison avec sursis pour avoir blessé une manifestante à la jambe, son second tir n’ayant pas pu, là encore, être relié au sixième manifestant blessé.

      Ce jugement avait été rendu après six jours d’audiences marquées par de nombreux incidents entre les soutiens des victimes, rassemblés au sein du Collectif 8 juillet, et ceux des policiers, tous venus en masse. Les audiences avaient été perturbées par des bousculades et quelques altercations.

      Pour ce procès en appel, la tension était encore présente mais beaucoup moins vive. Une demi-heure avant le début de l’audience, une dizaine de policiers en civil attendent devant la salle tandis que les soutiens de victimes attendent à l’extérieur, sur les marches du Palais de justice. À l’ouverture des portes, entre 50 et 70 personnes font la queue, parmi lesquelles pour part égale des soutiens des policiers et des victimes.

      Pour le reste, ce procès en appel n’a réservé que peu de surprises. Accusation et défense sont restées sur les mêmes positions irréconciliables qu’en première instance. Face à des versions diamétralement opposées, l’avocate générale a, dans son réquisitoire, donné une chronologie détaillée de cette journée du 8 juillet 2009. « À l’issue de ces trois jours, avons-nous une vision globale des événements de la journée ? Je pense que oui », a-t-elle estimé.

      Celle-ci avait débuté par l’évacuation, tôt dans la matinée, d’une clinique désaffectée située non loin de la Croix-de-Chavaux, au 42, boulevard Chanzy, occupée par une quinzaine de personnes qui l’avaient transformée en un lieu proposant diverses activités sociales. L’opération se déroule sans encombre, les manifestants n’opposant aucune résistance. Les entrées de l’immeuble sont immédiatement murées et des vigiles privés sont affectés à sa surveillance.

      Dans le courant de l’après-midi, la police apprend que s’organise pour le soir même à la Croix-de-Chavaux un repas festif en soutien aux expulsés. À 18 h 50, un briefing est organisé au commissariat pour organiser la surveillance de l’événement. Celui-ci débute à 19 heures. Une cinquantaine de personnes sont réunies dans une ambiance détendue, sans tension. La police, pointe l’avocate générale, fait alors état d’une « manifestation festive, amicale, conviviale ». À 21 h 15, précise-t-elle, le dispositif de surveillance est même allégé.

      Puis, à 22 h 15, alors qu’une trentaine de policiers sont impliqués dans l’opération, les manifestants tirent en l’air un feu d’artifice et commencent à converger vers la clinique située non loin. Là, ils se trouvent devant une grille fermée et invectivent les gardiens. L’un d’eux va chercher son chien et tient à distance les manifestants qui restent à l’extérieur.

      C’est à ce moment-là que les versions divergent. Les deux vigiles décrivent un groupe de manifestants armés et prêts à en découdre et affirment n’avoir été sauvés que par l’arrivée des policiers. « Je craignais pour ma vie », affirmera l’un d’eux dans sa déposition. À l’arrivée des renforts, les manifestants auraient attaqué les policiers avec des projectiles en avançant vers eux. Une première personne est interpellée et maintenue au sol. Immédiatement, des policiers se placent autour avec des boucliers.

      Patrice Le Gall est le premier des trois accusés à arriver sur les lieux. Il se réfugie derrière les boucliers et tire une première fois, recule et tire une seconde fois. Les deux tirs font deux blessés. Le premier tombe et se relève en criant « ils tirent à la tête ». Le second tir atteint Joachim Gatti qui est immédiatement évacué par des amis et installé en terrasse d’un café en attendant les secours. « La situation est maîtrisée très vite », souligne l’avocate générale. « En 13 minutes », durant lesquelles les six tirs de Flash-Ball seront tirés Croix-de-Chavaux et place du Marché, située à quelques dizaines de mètres.

      Pour justifier la violence de cette intervention, les accusés, et leur hiérarchie, ont constamment affirmé avoir eu affaire à un groupe de manifestants violents et armés, avançant sur les forces de l’ordre pour chercher l’affrontement. Le procès-verbal de synthèse de la soirée faisait ainsi état d’un « attroupement armé » jetant « une pluie de projectiles » sur les forces de l’ordre, d’un rassemblement se transformant en « violences urbaines ».

      Le problème est que cette version a été en grande partie démontée par l’enquête de l’Inspection générale des services (IGS), depuis devenue l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Tout d’abord, les constatations sur les lieux des affrontements n’ont pas permis de retrouver les traces des affrontements rapportés par la police. Aucune trace de pétards, ni de canettes de bière dont les manifestants auraient arrosé les forces de l’ordre. « On ne retrouve rien sur la place. Rien », insiste l’avocate générale. « C’est tout de même étonnant qu’après une situation qu’on nous décrit comme apocalyptique, on n’ait aucun élément matériel. »

      Ensuite, la quinzaine de témoignages de riverains recueillis par l’IGS contredisent totalement la version des policiers. Il n’y avait « pas vu d’individu cagoulé, pas d’individu armé », affirme l’un deux. « Les manifestants ont reculé rapidement », raconte un autre. « Lorsque les manifestants voient que les policiers s’équipent, ils comprennent qu’ils ne pourront pas rester », témoigne un troisième. Encore plus gênant, quatre policiers ont donné des versions totalement contradictoires avec celles de leurs collègues. « À aucun moment, je ne me suis senti menacé », reconnaît ainsi l’un deux. Un autre affirme qu’il n’y a eu « aucun contact physique » entre manifestants et policiers.

      Malgré ces témoignages, les trois accusés n’ont pas fait varier d’un iota leur version des faits. Julien Vanderbergh se tient droit comme un « i » devant les juges à qui il répond avec le vocabulaire et la précision d’un procès-verbal. Le policier se souvient dans le moindre détail de cette journée. À l’époque affecté à la BAC de Rosny-sous-Bois, il prend son service à 19 h 20. Il est en patrouille avec trois autres policiers quand, à 22 heures, il est appelé pour un « renfort collègues » à Montreuil.

      Arrivé sur les lieux, la voiture se trouve « bloquée par l’afflux de manifestants ». Le policier sort alors du véhicule et se dit « immédiatement reconnu par des manifestants capuchés hostiles ». Il aurait également été la cible de jets de projectiles qu’il n’arrive pas à identifier. « Je tire alors sur un manifestant qui jetait des projectiles », raconte Julien Vanderbergh qui voit sa cible tomber, touchée à la jambe. Le policier se décale et est la cible d’une canette qui tombe juste à côté de lui. Il tire sur un autre manifestant qu’il voit lancer un projectile. Puis « cet individu prend la fuite en courant ».

      Confronté aux témoignages qui décrivent des manifestants fuyant devant les policiers dès le premier tir, alors qu’il affirme que ceux-ci avançaient vers les policiers, Julien Vanderbergh se tend. « Ils sont habitués à ce genre d’événement », affirme-t-il. « Qui ça “ils” ? », rebondit immédiatement l’avocate des victimes. « De qui parlez-vous ? » « Des manifestants », tente de se reprendre le policier. Et pourquoi ce second tir de Flash-Ball, alors que les manifestants couraient ? « Si je l’utilise une deuxième fois, c’est qu’ils n’ont pas peur », lâche le policier.

      Les avocats de la défense ont alors tenté de semer le trouve en insistant sur le témoignage des deux vigiles. À les entendre, ce dossier serait même en grande partie montée de toutes pièces par les victimes. Me Didier Robiquet les a ainsi qualifiés de « pseudo-victimes ». « Les six victimes sont six plaignants qui veulent exprimer leur haine et faire condamner la police », a-t-il lancé avant d’accuser : « On a recruté a posteriori des victimes pour correspondre au nombre de tirs. »

      L’avocat de Patrice Le Gall, Me Liénard, a, lui, débuté sa plaidoirie en faisant part de sa compassion pour les victimes. « La blessure de M. Gatti m’est insupportable », a-t-il affirmé avant de tout de suite repartir à l’attaque en donnant à la cour une exemplaire de Paris Match montrant un CRS en flammes après un jet de cocktail Molotov lors d’une manifestation. « La violence est des deux côtés », enchaîne l’avocat, rappelant que 30 policiers sont blessés chaque jour en France.

      Me Liénard a ensuite tenté de semer le trouble dans l’attribution de la blessure de Joachim Gatti au tir de son client en se basant sur le témoignage divergeant d’un serveur de café. Celui-ci avait en effet déclaré qu’un des tirs aurait manqué sa cible pour frapper la vitrine d’un restaurant, remettant ainsi en cause le décompte et brouillant l’attribution de blessures. Pour Me Liénard, ce témoignage peut être la preuve de la présence d’un « quatrième tireur », une « brebis galeuse » parmi les policiers qui aurait dissimulé son geste en rentrant au commissariat. Sa seconde hypothèse est que Joachim Gatti est une « victime collatérale ». Le tir ne l’aurait pas visé, et serait ainsi « légitime », et Joachim Gatti a été « touché au loin ».

      « M. Gatti est considéré comme un dommage collatéral. C’est inacceptable », a de son côté plaidé Irène Terrel, avocate des victimes avant de distribuer à la cour des photographies en couleur de la blessure du jeune homme au lendemain des faits. « M. Gatti a été défiguré », poursuit-elle. « Il était caméraman. L’œil droit, c’est l’œil directeur. Il a dû tout abandonner. » Face aux dénégations des policiers, les deux avocates de la défense ont rappelé les conclusions de l’enquête de l’IGS. « Tous les témoins extérieurs viennent nous dire la même chose que les victimes : “on n’a pas compris, il n’y avait pas de tension, pas de violences” », a souligne Me Terrel. « Est-il conciliable avec la déontologie de bâtir son impunité sur un mensonge ? », a interrogé l’avocate en s’étonnant que des poursuites n’aient pas été engagées pour faux témoignages.

      Me Émilie Bonvarlet est, elle, revenue sur les déclarations de Julien Vanderbergh. « Quand il dit : “Ces individus sont habitués”, ça veut dire quoi ? », a attaqué l’avocate. « Il a tiré sur ce que représentaient ces gens-là, par pour ce qu’ils faisaient », a-t-elle poursuivi. « À l’époque, Michèle Alliot-Marie agitait ce qu’elle appelait l’ultra-gauche. C’est sur eux qu’ils tirent. » Pour Me Bonvarlet, les policiers se sont livrés à une « chasse à l’anarcho ». « M. Vanderbergh nous le confirme. »

      Défense et parties civiles se sont pourtant rejointes sur un point : la dangerosité du Flash-Ball. Lors de son réquisitoire, l’avocate générale a notamment rappelé que pour pouvoir être habilités à utiliser cette arme, les policiers n’avaient besoin que de suivre une formation de six heures. Et aucune formation de mise à niveau n’est prévue. « Les trois policiers présents n’ont jamais eu de stage depuis leur habilitation », a-t-elle souligné. « Il est tout de même étonnant de doter des policiers d’une telle arme sans contrôler cela. » Les avocats ont également souligné le manque de précision du Flash-Ball. « À 10 mètres, si vous visez le thorax, vous touchez l’œil », a ainsi affirmé Me Liénard.

      Cela fait plusieurs années que des voix demandent le retrait de cette arme de la dotation des policiers. Au mois de janvier dernier, le Défenseur des droits avait rendu un rapport sur le maintien de l’ordre à l’occasion duquel le gouvernement lui avait annoncé le retrait progressif du Flash-Ball au sein de la police nationale. Il « devrait totalement disparaître de la dotation dans le courant de l’année 2018 », affirmait le rapport. En revanche, cette arme restera disponible pour les gendarmes. Le rapport estimait « nécessaire » « un retrait du Flash-Ball superpro pour l’ensemble des effectifs de la gendarmerie nationale dans les opérations de maintien de l’ordre ».
      De plus, le Flash-Ball est déjà remplacé par un lanceur de balles de défense très semblable, censé être plus précis : le LBD 40×46. Mais pour le Défenseur des droits, cette arme pose des problèmes identiques, notamment lors d’usages face à une foule de manifestants.

      « Les débats ont été beaucoup plus courts », a regretté Me Émilie Bonvarlet au sortir de la dernière journée d’audience. « Nous avons eu moins de temps pour démonter cette construction d’une forme d’émeute quasi insurrectionnelle. Le mensonge collectif n’a pas été assez souligné. »

      L’avocate regrette également que le parquet n’ait pas requis une interdiction d’exercer. « Du point de vue des victimes, on estimait qu’ils ne devraient plus être policiers. Qu’est-ce qu’on peut espérer comme sanctions administratives ? Malheureusement, pas grand-chose. À Mayotte, un policier condamné pour avoir tiré au Flash-Ball sur un enfant de 9 ans, qui avait perdu un œil, n’a écopé que d’un blâme. »

      Le verdict sera rendu le 21 juin

      .

    • Étude: 3% des personnes blessées par un tir de flashball décèdent
      https://www.lexpress.fr/actualite/societe/etude-3-des-personnes-blessees-par-un-tir-de-flashball-decedent_1970176.htm

      Parmi les blessés, les dégâts sont aussi considérables. 6% d’entre eux subissent une infirmité permanente, souvent au niveau de la tête, du cou ou du thorax.

      Trois personnes sur cent touchées et blessées par une balle en caoutchouc tirée depuis un flashball décèdent. C’est du moins ce qu’ont conclu des chercheurs américains dans une étude publiée mardi dans la revue médicale britannique BMJ Open.

  • Le prolongement de la ligne 11 fait flamber les prix dans l’Est parisien, le Monde

    Imaginez. Depuis la ligne 11, vous passez de Châtelet, au centre de Paris, à votre appartement flambant neuf de Rosny-sous-Bois en vingt-quatre minutes ou vous ralliez votre pavillon romainvillois en seulement dix-huit minutes. Un rêve pas loin d’être une réalité pour des milliers de Franciliens dès la fin de 2022. Le prolongement de la ligne traversera une bonne partie de l’est de la Seine-Saint-Denis, avec six nouvelles stations de métro. [...]

    L’arrivée prochaine des transports en commun va désenclaver ces communes de l’Est parisien. Une information qui n’a pas échappé… aux Parisiens. Les agences immobilières de cette partie de la Seine-Saint-Denis sont unanimes. Elles constatent ces quatre dernières années un afflux massif d’ex-locataires des 20e et 19e arrondissements et désormais l’arrivée d’habitants des arrondissements centraux. « Toute une population de cadres et d’ouvriers achète aujourd’hui, car les prix sont encore abordables, avec un m² souvent inférieur à 4 000 euros », constate Michel Platero, président de la Fnaim du Grand Paris.

    Coup de chaud sur les prix

    A en croire les agents immobiliers, les prix s’en ressentent. Installée depuis une dizaine d’années à Romainville, Anne Desgranges, gérante de l’agence Alexan Immobilier, n’en revient pas : « Nous vendons des propriétés de 120 m², qui nécessitent au moins 100 000 euros de travaux, à 480 000 euros sans aucun problème. Il y a encore dix ans, ce genre de biens ne serait pas parti à plus de 350 000 euros, et c’est pareil pour les appartements. » Seuls les logements des immeubles des années 1970 semblent encore délaissés par les acquéreurs.

    Et, lorsque les prix ne montent pas en flèche, ce sont les délais de vente qui chutent : « Il y a encore deux ans, les biens situés près du quartier Boissière mettaient quatre mois à se vendre. Aujourd’hui, les délais se sont contractés à seulement un mois et demi », confie Grégory Franck, négociateur pour l’agence Guy Hoquet Rosny-sous-Bois.

    A Montreuil et aux Lilas, la dynamique sur les prix, du fait de la connexion au métro, est engagée depuis bien longtemps. « Nous commençons même à voir des petites surfaces se vendre à 10 000 euros par m² », confie Laurent Balestra, directeur de l’agence Aura Immobilier, aux Lilas.

    Les pouvoirs publics sur le qui-vive
    Le coup de chaud sur les prix touche aussi l’immobilier neuf. Les promoteurs cherchent du foncier constructible près d’une des futures gares de la ligne 11. « Si 70 % des ventes se font au profit de personnes qui achètent pour habiter, un contingent important d’investisseurs particuliers est déterminé à acquérir une petite surface aujourd’hui pour la vendre plus tard ou la mettre en location sur du très long terme », assure Helen Romano, directrice générale déléguée de l’immobilier résidentiel chez Nexity. [...]

    #logement #transports #grand_Paris

  • Photos la ville des 5 sens : Urbanités

    http://www.revue-urbanites.fr/5-ans-concours-photo-la-ville-des-5-sens

    Cette photographie intitulée « la vue » représente la vue offerte par une sortie de secours d’une tour de la cité des Marnaudes à Rosny-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis (93). Située au quatorzième étage, cette sortie de secours donne vue sur une partie du grand ensemble mais élargit aussi l’horizon à d’autres villes du département (on aperçoit notamment Bondy, Noisy-le-sec, Villemomble, Bobigny, Drancy…).

    Cette sortie de secours, qui a vu traverser les générations depuis sa construction à la fin des années 60, est également un espace d’entre-soi occupé par les jeunes du quartier, notamment par un groupe de jeunes hommes qui y a élu domicile. Cet espace d’intimité est le repère de ce groupe de pair profitant de la vue et de la tranquillité que procure l’appropriation de cet espace. Il nécessite de cohabiter avec les habitants qui acceptent plus ou moins bien cette co-présence mais qui caractérise le quotidien de la vie dans les cités.
    Mickael Chelal

    #urban_matter #ville #photographie

  • Harcèlement policier autour du foyer Jean Allemane de Rosny-sous-Bois : STOP ! https://paris-luttes.info/harcelement-policier-autour-du-7436 …pic.twitter.com/DkJneCXr0k
    https://twitter.com/Paris_luttes/status/824895649233580036

    Harcèlement policier autour du foyer Jean Allemane de Rosny-sous-Bois : STOP ! https://paris-luttes.info/harcelement-policier-autour-du-7436 … pic.twitter.com/DkJneCXr0k

  • #Authentification du site web de la #CAF

    Ce que je trouve bizarre ici, c’est la [nouvelle] procédure de récupération du mot de passe par #SMS en cas de perte, et l’appel de la CAF à relier les comptes en ligne personnels des bénéficiaires à leur numéro de portable.

    http://www.caf.fr/vies-de-famille/changement-de-situation/changement-familial/du-nouveau-dans-votre-espace-mon-compte

    La nouveauté concerne la procédure d’#authentification. Celle-ci est simplifiée. Désormais, vous devez modifier le mot de passe initial, car il n’est valide que deux mois. Comme le choix vous appartient, vous avez plus de chances de le retenir et donc de gagner du temps. Ce code est strictement personnel. Il ne vous est jamais demandé par votre caisse. Celle-ci a uniquement besoin de votre numéro d’allocataire pour vous identifier. Et si vous l’oubliez, vous pourrez désormais recevoir un code temporaire par #SMS ; plus rapide et plus pratique que d’attendre un courrier ! Pensez donc à renseigner votre numéro de portable dans « Mon Compte ».

    http://www.caf.fr/ma-caf/caf-de-la-reunion/actualites

    - je crée mon mot de passe
    C’est vous qui créez et décidez de votre mot de passe et de ses 8 chiffres . Mais pour des raisons de sécurité, il ne peut pas être composé de 8 chiffres identiques ou successifs , de 8 chiffres correspondant à une date de naissance ou un téléphone figurant dans votre dossier, les 8 premiers chiffres de votre NIR, de votre numéro allocataire...

    j’indique mon numéro de portable
    En cas de perte ou d’oubli de votre mot de passe, plus besoin d’attendre de le recevoir par courrier : un #SMS vous est envoyé immédiatement et vous permet de poursuivre vos démarches en ligne ! Voilà pourquoi il est important de renseigner votre numéro de portable sur www.caf.fr et de le mettre à jour à chaque changement.

    • La CAf, comme Pôle, fait tout pour disposer du numéro de tel de ses ayants droits.
      Si on essaie de se connecter à « son » compte :

      Connexion
      Vous allez accéder à votre espace personnel
      Nous n’avons pas connaissance de vos coordonnées téléphoniques. Sachez que pour vous joindre rapidement, vous devez nécessairement nous fournir vos coordonnées de contact mel et/ou téléphone portable.
      Voulez-vous nous communiquer votre numéro de téléphone portable ?
      Oui (case précochée)
      Non
      (case à cocher si on veut pas augmenter les possibilités d’emmerdes)

      Pourquoi ? C’est difficile de le dire autrement que partiellement et sous forme d’hypothèse, en partant de ce qui existe déjà.
      On nous dit que c’est pour notre bien, et, comme ci-dessus, que c’est pour éviter de faire la queue au guichet, ou de devoir attendre un moment d’accueil qui, désormais, dans de nombreuses CAF, n’aura lieu qu’à la condition d’avoir pris rdv au préalable .
      En se rapprochant des prérequis d’une banque ou d’une entreprise (celle où l’on est employé, celle auprès de laquelle on se fournit, achète), on accélére la #dématérialisation de la relation entamée à la CAF en 2012, ce qui permet d’accroître/améliorer la productivité de la CAF (soumise à une forte demande y compris "extra familiale, cf RSA, réglée pour un traitement de masse mais avec des moyens constants ou en baisse, cf antennes fermées chroniquement pour rattraper le retard, etc) et par là, la productivité du #contrôle (le croisement de fichiers devant plus effectif et on lui adjoint une utilisation des datas pour profiler des figures de fauteurs potentiels).

      Par exemple, ce n’est pas toujours respecté auprès d’allocataires qui ne le savent pas mais lorsque agent contrôleur CAF effectue une visite domiciliaire, il doit prévenir par courrier (en général déposé dans la boite par ses soins lors de ses enquêtes, et parfois « gentiment » apporté directement au « chez soi » par un agent qui propose de gagner du temps en faisant le contrôle de suite, ce qui permet à l’enquête de s’appuyer sur une première impression in situ : qui ouvre ? combien de monde, etc.).
      Avec le tel toutes les « prises par surprise » seront possible, par exemple en posant des questions qui vont conduire à des réponses qui n’auront pas été mûrement pesées et pourront être utilisées contre l’allocataire.

      Rien de démontré dans ce que je dis, et il y a bien sûr des possibilités ainsi ouvertes à la CAF auxquelles je ne pense pas. Il n’y a que la confrontation des expériences des premier.e.s concerné.e.s qui peut permettre, si elle est mise au jour, ici, ailleurs, dans le peu de permanences de précaires qui existent, de piger ce que chaque « modernisation » implique...

      Comme à Pôle emploi, deux dynamiques modifient « en toute discrétion » le fonctionnement de ces #institutions bureaucratiques : d’une part un #évitement et une #mise_à_distance des #ayants_droits, d’autre part, un progrès continu (les pratiques, les procédures, les décrets d’application) et par bonds (la loi, la circulaire), de la capacité de ces institutions à faire #intrusion dans la vie de leurs administrés, par tous les moyens nécessaires.

      Un exemple parlant il me semble, lors de contrôle à domicile, l’agent vérifie les histogrammes de conso EDF sur des factures qu’on doit lui montrer (qui paye quoi ?) et il pourra utiliser des mois sans conso afin de poser des questions sur la durée passée hors domicile, sachant que c’est un critère de coupure du revenu (RSA ou APL). Ça ne tiendrait pas la route légalement, mais c’est une bonne manière de déstabiliser l’ayant droit et de l’amener à se justifier, voire à dire des choses contradictoires, et/ou qui peuvent ensuite être utilisées contre lui/elle.

      Mais tout ça est supposé être des histoires de pauvres et de pauvres histoire, des questions annexes, subalternes, un problème de démerde et de faute à pas-de-chance. C’est tellement moins important que l’emploi, le vote, ces trucs de « dépendants » et d’assistés que le champ est laissé quasi libre.

    • Ouais, excuse @la_taupe , le post ci-dessus est trop long et absolument imprécis sur l’impact pratique de cette modification. La logique générale suffit pas à une analyse concrète, et actuellement je ne fréquente pas d’endroit où se confrontent les avis, lectures, expériences à propos de telles procédures, alors que c’est sans doute la meilleure manière qui soi de creuser.

      Le travail et l’emploi permet pas/plus de contrôler tout le monde tout le temps, faut projeter au-delà du temps et des lieux de l’emploi la dicsipline. On modernise et raffine le contrôle du halo du chômage. Pas évident d’avoir prise collectivement sur ces enjeux.

      Sur la géolocalisation, ça risque d’être très sélectif (que les plus équipés et eux seuls puissent ruser). Sans solidarité (copains pour faire les démarches d’un bon endroit) ou sans une forte qualif (tout faire en .onion, ce qui empêchait pas d’être accusé mais supprimerait une preuve positive), ça va devenir très dur de ne pas être coupable à tel ou tel moment. Par exemple coupable de plus de 4 mois hors du territoire national, ce qui permet de couper l’APL. Ce contrôle des durées de séjour sur le territoire national montre (à nouveau) l’importance du contentieux des caisses sociales avec les Chibanis (qui sans doute vont se régler, mal, pour une partie de cette catégorie), largement au delà de ce « cas ».

    • http://www.lefigaro.fr/emploi/2014/02/24/09005-20140224ARTFIG00216-comment-pole-emploi-tente-de-detecter-les-fraudes

      Pister les demandeurs d’emploi à l’étranger

      Peut mieux faire, dit toutefois la Cour des comptes dans son rapport annuel publié début février. Pôle emploi étudie donc de nouvelles pistes anti-fraude. Un dispositif de pistage des internautes via leur adresse IP est actuellement testé dans plusieurs régions de l’Hexagone. Cet outil permet entre autres d’identifier des demandeurs d’emploi qui auraient durablement quitter le pays tout en continuant à percevoir leurs allocations. Selon le réglement de Pôle emploi, toute absence de plus de sept jours doit être déclarée et un demandeur d’emploi ne peut déposer plus de 35 jours de congés par an.

      Autre piste envisagée, le « dataming » (Comprendre « exploration des données »). Déjà utilisé par la Caf, ce procédé qui permet de détecter automatiquement des profils de chômeurs les plus susceptibles de frauder grâce à des modèles statistiques. Alors que les contrôles s’appuient actuellement sur des dossiers choisis de façon aléatoire, cette technique permettrait de scanner ceux qui présentent le plus de risque.
      Collaborer avec des opérateurs téléphoniques

      Enfin, l’opérateur réfléchit aussi à l’une des recommandations de la Cour des comptes : avoir accès aux données personnelles des abonnés EDF et des opérateurs téléphoniques. « Ça serait un bon moyen de vérifier une adresse postale », laisse-t-on entendre au siège.

    • Il n’y a que la confrontation des expériences des premier.e.s concerné.e.s qui peut permettre, si elle est mise au jour, ici, ailleurs, dans le peu de permanences de précaires qui existent, de piger ce que chaque « modernisation » implique...

      La logique générale suffit pas à une analyse concrète, et actuellement je ne fréquente pas d’endroit où se confrontent les avis, lectures, expériences à propos de telles procédures, alors que c’est sans doute la meilleure manière qui soi de creuser.

      @colporteur, tu as raison en disant que c’est à partir du partage et de la confrontation d’expériences personnelles diverses, qu’on pourra saisir ce que ces mesures vont impliquer concrètement. Je pense que le rapporchement futur possible entre les opérateurs téléphoniques et les services de prestations, à des fin de surveillance et de tracking, est illégal. Comme tu l’as dit, l’idée intéressante me semble celle selon laquelle les institutions bureaucratiques tendent à être davantage intrusive dans la vie de leurs « administrés », pour ne pas dire qu’elles ambitionnent de fouiner dans leurs vies. Et à chercher les #fraudeurs, c’est au mauvais endroit que ces institutions le font, sachant que l’#évasion_fiscale coûte des centaines de milliards à l’Etat versus quelques milliards de « soi-disant fraudeurs » des allocations familiales...

      Merci aussi @monolecte pour cette référence qui manquait.

    • Publireportage dans le 93 : La CAF mise sur Internet pour diminuer les files d’attente (et booster la productivité des #contrôles, ndc)
      http://www.leparisien.fr/aulnay-sous-bois-93600/la-caf-mise-sur-internet-pour-diminuer-les-files-d-attente-18-10-2015-519

      « Allez-y, il faut cliquer là et entrer votre salaire. » Mama, médiatrice sociale à la Caisse d’allocations familiales (CAF) d’Aulnay-sous-Bois est en train de guider Rahima derrière un écran d’ordinateur. L’allocataire est venue savoir si elle pouvait toucher le revenu de solidarité active (RSA) et à quelle aide personnalisée au logement (APL) elle avait droit.

      Mama explique, étape par étape, comment procéder à une simulation sur le site Internet de la CAF. Elle reprend les explications mais laisse Rahima autonome, souris à la main.

      Cette nouvelle formule d’accueil a été mise en place en février dernier dans l’agence d’Aulnay et s’installe progressivement dans tout le département. Le dernier site à l’adopter sera celui de Rosny-sous-Bois, à partir du 3 novembre prochain. La CAF offre désormais au public l’accès à un « espace multiservices », équipé d’ordinateurs, qui complète l’accueil en rendez-vous. L’enjeu : faciliter les démarches, et réduire l’attente.

      « Nous avons mis en place cet espace, dans lequel les allocataires sont autonomes ou accompagnés par un professionnel, explique Julia Colombat, sous-directrice en charge du développement territorial. Il y a également un accueil sur rendez-vous, qui peut être pris par téléphone ou directement à l’agence. Et pour les cas les plus urgents, il existe un bureau qui prend en charge les demandes qui ne peuvent attendre. »

      Cette forme d’accueil donne un air de cybercafé aux agences de la CAF, mais présente d’autres avantages : « Notre projet est de garantir aux habitants un accès au droit plus simple et rapide, confie la responsable. À terme, ils pourront faire leurs démarches directement de chez eux ou sur leur smartphone, et les grandes files d’attentes disparaîtront. »

      Rahima quitte l’agence avec une date de rendez-vous pour discuter avec un conseiller. « C’est vraiment mieux qu’avant, se réjouit la quinquagénaire. Maintenant que l’on m’explique tout j’essaye de refaire sur Internet quand je rentre chez moi et c’est plus rapide. »

      #demandeurs_de_revenu

  • Rosny-sous-Bois : le fait divers et l’incendie médiatique | Marwan Mohammed et Laurent Mucchielli (Vous avez dit sécurité ?)
    http://insecurite.blog.lemonde.fr/2011/04/04/rosny-sous-bois-le-fait-divers-et-lincendie-mediatique

    Hier après-midi, puis ce matin, voici que le téléphone s’est mis à sonner. Un(e), puis deux, puis trois, quatre, cinq et finalement une bonne douzaine de journalistes, de radio, télévision et presse écrite nous ont appelés l’un et l’autre. Tous veulent un commentaire de ce fait divers dramatique survenu à la gare RER de Noisy-le Sec et impliquant un groupe de jeunes de Rosny-sous-Bois.