Dans mon raisonnement, un outil tel que le couteau est aussi le fruit d’un système (je suis personnellement incapable de fabriquer une lame métallique tout seul), et le fait que tout le monde possède un couteau a une influence sociale, dans la mesure où la structure de consommation alimentaire va se faire en présupposant que chacun dispose chez soi d’un couteau. Mais ok pour la nuance. Plutôt que « outil » on pourrait utiliser le mot « fonctionnalité » alors ?
Je suis d’accord pour dire que les outils engendrent un impact « physique » sur le monde qui va au delà de leurs conditions d’accès. On a déjà parlé ici par exemple du fait qu’il est des infrastructures publiques qui interdisent le déplacement à pied dans l’espace public, et qui t’obligent à utiliser une voiture pour faire 400m car aucun trottoir n’est prévu au milieu des routes, sauf à faire un détour de 4km pour relier le point A et le point B sans te faire écraser.
Je suis d’accord aussi que le bitcoin devrait non pas s’appeler monnaie électronique, mais monnaie électrique, pour rappeler qu’il faut une centrale nucléaire, thermique, solaire, éolienne ou autre pour qu’on puisse l’utiliser (électronique c’est un peu gentillet quand on y pense...)
Je n’ai jamais dit que l’argument « on n’a pas besoin d’argent pour exploiter » était un argument imparable en faveur du bitcoin. J’ai dit qu’à mon sens on se trompait de cible en visant les outils plutôt que les comportements
(à titre personnel je ne suis pas favorable au bitcoin : j’ai plus confiance en l’Etat, malgré tout son délabrement et sa perversion libérale généralisée, pour assurer un minimum d’intérêt général monétaire, que dans l’autorégulation spontanée des usagers d’un système qui, sauf erreur de ma part, ne peut empêcher les comportements spéculatifs malveillants).
On a sans doute une approche stratégique divergente :
– d’un côté fabriquer un outil concurrent de l’outil des puissants ressemble à une démarche qui légitime et donc renforce l’outil des puissants (vision pessimiste).
– d’un autre côté fabriquer un outil concurrent de l’outil des puissants vise à diminuer le pouvoir relatif des puissants et donc gagner en influence pour infléchir les valeurs morales qui régentent l’économie (vision optimiste).
Moi je le répète, ce qui m’importe, c’est que des préceptes moraux acceptés aujourd’hui (exploitation, prostitution, etc..) ne le soient plus demain, comme la civilisation a à peu près réussi à bannir officiellement le viol, la torture, l’esclavage.. indépendamment du contexte matériel et technologique...