• José Ortega y Gasset, The Revolt of the masses
    https://ia803004.us.archive.org/28/items/TheRevoltOfTheMasses/The%20Revolt%20of%20the%20Masses.pdf

    Preface

    The Revolt of the Masses (Spanish: La rebelión de las masas, pronounced [la reβeˈljon de laz ˈmasas]) is a book by José Ortega y Gasset. It was first published as a series of articles in the newspaper El Sol in 1929, and as a book in 1930; the English translation, first published two years later, was authorized by Ortega. While the published version notes that the translator requested to remain anonymous, more recent editions also record that its US copyright was renewed in 1960 by a Teresa Carey, and the US Copyright Office’s published list of US copyright renewals for January 1960 gives the translator as J. R. Carey. A second translation was published in 1985 by the University of Notre Dame Press in association with W.W. Norton and Co. This translation was completed by Anthony Kerrigan (translator) and Kenneth Moore (editor). An introduction was written by novelist Saul Bellow.

    In this work, Ortega traces the genesis of the “mass-man” and analyzes his constitution, en route to describing the rise to power and action of the masses in society. Ortega is throughout quite critical of both the masses and the mass-men of which they are made up, contrasting “noble life and common life” and excoriating the barbarism and primitivism he sees in the mass-man. He does not, however, refer to specific social classes, as has been so commonly misunderstood in the English-speaking world. Ortega states that the mass-man could be from any social background, but his specific target is the bourgeois educated man, the señorito satisfecho (satisfied young man or Mr. Satisfied), the specialist who believes he has it all and extends the command he has of his subject to others, contemptuous of his ignorance in all of them. Ortega’s summary of what he attempted in the book exemplifies this quite well, while simultaneously providing the author’s own views on his work: “In this essay an attempt has been made to sketch a certain type of European, mainly by analyzing his behaviour as regards the very civilization into which he was born”. This had to be done because that individual "does not represent a new civilisation struggling with a previous one, but a mere negation ...

    There is one fact which, whether for good or ill, is of utmost importance in the public life of Europe at the present moment.

    This fact is the accession of the masses to complete social power. As the masses, by definition, neither should nor can direct their own personal existence, and still less rule society in general, this fact means that actually Europe is suffering from the greatest crisis that can afflict peoples, nations, and civilization. Such a crisis has occurred more than once in history. Its characteristics and its consequences are well known. So also is its name. It is called the rebellion of the masses. In order to understand this formidable fact, it is important from the start to avoid giving to the words “rebellion,” “masses,” and “social power” a meaning exclusively or primarily political. Public life is not solely political, but equally, and even primarily, intellectual, moral, economic, religious; it comprises all our collective habits, including our fashions both of dress and of amusement.

    Perhaps the best line of approach to this historical phenomenon may be found by turning our attention to a visual experience, stressing one aspect of our epoch which is plain to our very eyes.

    This fact is quite simple to enunciate, though not so to analyze. I shall call it the fact of agglomeration, of “plenitude.” Towns are full of people, houses full of tenants, hotels full of guests, trains full of travelers, cafes full of customers, parks full of promenaders, consulting-rooms of famous doctors fun of patients, theatres full of spectators, and beaches full of bathers. What previously was, in general, no problem, now begins to be an everyday one, namely, to find room.

    That is all. Can there be any fact simpler, more patent, more constant in actual life? Let us now pierce the plain surface of this observation and we shall be surprised to see how there wells forth an unexpected spring in which the white light of day, of our actual day, is broken up into its rich chromatic content. What is it that we see, and the sight of which causes us so much surprise? We see the multitude, as such, in possession of the places and the instruments created by civilization. The slightest reflection will then make us surprised at our own surprise.

    #philosophie #politique #conservatisme

  • Pour un Conseil Diplomatique des Bassins-Versants
    https://www.terrestres.org/2024/04/12/pour-un-conseil-diplomatique-des-bassins-versants

    Du 20 au 23 avril 2024, se dérouleront à Genève des rencontres autour de la création d’un Conseil Diplomatique des Bassins-versants. Miroir bio-régionaliste de l’ONU, cette institution en devenir entend explorer les contours d’une autre #Géopolitique terrestre, s’inventant depuis des territoires en profonde mutation. En voici les grandes orientations politiques et théoriques. L’article Pour un Conseil Diplomatique des Bassins-Versants est apparu en premier sur #Terrestres.

    #Biorégionalisme #Ecologie_Politique #Vivants

  • Nicole Belloubet démet un sociologue pour qui le voile à l’école est un « vecteur d’émancipation »
    https://www.lopinion.fr/politique/nicole-belloubet-demet-un-sociologue-pour-qui-le-voile-a-lecole-est-un-vect


    Imagine que la science te donne tort…

    Voici ce que disait ce dernier sur RFI le 5 avril : « Le voile n’est pas le plus souvent un signe de prosélytisme – les enquêtes sociologiques montrent qu’il s’agit même souvent d’un vecteur d’émancipation pour les jeunes filles par rapport à leurs milieux – et le port du voile devrait donc être analysé chaque fois au cas par cas » Ajoutant, à propos de Maurice-Ravel : « ça illustre, me semble-t-il, les difficultés d’appliquer sereinement la loi qui (…) apparaît, à tort ou à raison, comme discriminatoire à l’égard des musulmans ». Il y a un an, la nomination au CSL d’Alain Policar par Pap Ndiaye, alors ministre de l’Education nationale, avait été très critiquée par les « historiques » de l’institution créée par Jean-Michel Blanquer qui y voyaient une manœuvre de dilution de la défense de la laïcité.

    • Ah les éléments perturbateurs selon Belloubet, une ado avec un foulard, un enfant en situation de handicap, la listen’est pas close...

    • Évincé du Conseil des sages de la laïcité, #Alain_Policar réagit : « L’illusion du pluralisme est écornée »
      https://www.mediapart.fr/journal/france/250424/evince-du-conseil-des-sages-de-la-laicite-alain-policar-reagit-l-illusion-

      L’interview que j’ai donnée à RFI le 5 avril sur l’affaire du lycée Maurice-Ravel, qui hélas n’était pas le reflet très exact de ce que j’ai dit, a suscité des attaques des collectifs #Vigilance_universités et #Vigilance_collèges_lycées, dans lequel deux membres du Conseil des sages siègent – Iannis Roder et Delphine Girard. Ce sont ceux avec lesquels je n’avais pratiquement pas réussi à nouer la moindre relation.

      Ce sont des idéologues, partisans d’une #laïcité intransigeante, qui considèrent qu’il faut la brandir à tout-va pour éloigner le danger islamiste. Ce n’est pas mon avis. En séance du Conseil j’avais dit en début d’année que si nous voulions célébrer l’anniversaire de la loi de 2004, il faudrait s’interroger sur les raisons pour lesquelles des familles et élèves en majorité #musulmans ne comprennent pas cette loi et la jugent discriminatoire. On m’a répondu que ce n’était pas le problème.

      On me reproche de ne pas respecter le droit positif, car je me réclame de la jurisprudence du Conseil d’État de novembre 1989 qui ne voulait pas de loi. Mais un droit en vigueur est pour moi questionnable et éventuellement destiné à changer selon les circonstances. La loi pouvait être bonne en 2004, mais ses conditions d’application ne sont pas totalement satisfaisantes. Si on s’intéressait plutôt aux manquements à l’obligation scolaire, on ne mettrait pas l’accent sur l’appartenance à une communauté religieuse quelconque. Ce n’est pas ce qui est fait.

      [...]

      La laïcité est pourtant le meilleur moyen d’organiser la coexistence des libertés, mais elle apparaît comme coercitive dans l’esprit de nombreux jeunes. Il faut que les raisons soient accessibles à tous. Malheureusement, la position majoritaire considère que la laïcité à la française n’est pas contestable.

      [...]

      De manière générale, il existe un biais majoritaire qui met en cause l’égalité civique en France. C’est ce qu’a développé Cécile Laborde [autrice de Français, encore un effort pour être républicains !, Seuil, 2010 – ndlr], mais ce sont des arguments que les nationaux-républicains comme Dominique Schnapper, la présidente du #Conseil_des_sages_de_la_laïcité, ont du mal à admettre. Et puis il y a l’#histoire_coloniale, dont on n’a pas fait le bilan de façon sérieuse en France. Nous n’avons pas suffisamment de recul sur la « mission civilisatrice » que l’#universalisme à la française était censé accomplir. Ça viendra peut-être. Quoi qu’il en soit, avec mon exclusion, l’illusion du pluralisme au sein du CSL est écornée.

  • #02_février_2024 : Droits des personnes exilées aux #frontières_intérieures : le gouvernement sommé de revoir sa copie

    Le #Conseil_d’État vient de rendre sa décision, ce 02 février 2024, sur le régime juridique appliqué aux frontières intérieures depuis 2015 après que la #Cour_de_justice_de_l’Union_européenne (#CJUE) a, dans un arrêt du #21_septembre_2023, interprété le droit de l’Union.

    Conformément aux demandes des associations, le Conseil d’État annule l’article du #Ceseda qui permettait d’opposer des #refus_d’entrée en toutes circonstances et sans aucune distinction dans le cadre du rétablissement des contrôles aux frontières intérieures.

    Surtout, suivant son rapporteur public, le Conseil d’État souligne qu’il appartient au législateur de définir les règles applicables à la situation des personnes que les services de police entendent renvoyer vers un État membre de l’#espace_Schengen avec lequel la France a conclu un #accord_de_réadmission – entre autres, l’#Italie et l’#Espagne.

    Après huit ans de batailles juridiques, le Conseil d’État met enfin un terme aux pratiques illégales des forces de l’ordre, notamment en ce qui concerne l’#enfermement des personnes hors de tout cadre légal et au mépris de leurs droits élémentaires à la frontière franco-italienne. Le Conseil constate que leur sont notamment applicables les dispositions du Ceseda relatives à la retenue et à la rétention qui offrent un cadre et des garanties minimales. Enfin, il rappelle l’obligation de respecter le #droit_d’asile.

    Nos associations se félicitent de cette décision et entendent qu’elle soit immédiatement appliquée par l’administration.

    Elles veilleront à ce que les #droits_fondamentaux des personnes exilées se présentant aux frontières intérieures, notamment aux frontières avec l’Italie et l’Espagne, soient enfin respectés.

    Organisations signataires :
    ADDE
    Alliance DEDF
    Anafé
    Collectif Agir
    Emmaüs Roya
    Gisti
    Groupe accueil et solidarité
    La Cimade
    Ligue des droits de l’Homme
    Roya Citoyenne
    Syndicat des avocats de France
    Syndicat de la magistrature
    Tous migrants
    Welcome Pays d’Aix

    http://www.anafe.org/spip.php?article710
    #France #justice #02.02.2024 #contrôles_frontaliers #contrôles_systématiques_aux_Frontieres #frontière_sud-alpine #Alpes_Maritimes

    –-

    sur la décision de la CJUE du 21 septembre 2023 :
    https://seenthis.net/messages/1026361

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    ajouté à la métaliste autour de la situation des exilés dans les #Hautes-Alpes :
    https://seenthis.net/messages/733721

    • 3) Quels effets de l’arrêt du 2 février Conseil d’État sur la frontière franco-italienne ?

      Le 2 février dernier, le Conseil d’État publiait un arrêt s’opposant aux pratiques de remises de refus d’entrée systématiques aux personnes exilées interpellées à la frontière. Cette décision supprimait l’article du CESEDA (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) qui permettait d’opposer des refus d’entrée en toutes circonstances et sans aucune distinction en cas de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures (voir le communiqué de presse inter-associatif ici).

      Dans la foulée, nous avons observé un changement de pratiques à la PAF de Montgenèvre : les personnes interpellées sont placées en retenue administrative pour vérification d’identité ou de droit au séjour (maximum 24 heures). Les personnes qui souhaitent demander l’asile en France ressortent libre du poste de police pour aller déposer leur demande sur le territoire. Nous constatons des pratiques très hétérogènes en matière de procédures : les retenues observées vont de quelques minutes à plus de 23h30, et des personnes ont témoigné avoir fait une demande d’asile sans que cela ne soit pris en compte.

      Cette décision met-elle un terme définitif aux refoulements en Italie ? Non. Car toutes les personnes qui ne relèvent pas du droit d’asile sont refoulées à #Oulx sous une procédure de réadmission, certes plus encadrée qu’une simple décision de refus d’entrée, mais qui pose les mêmes problèmes en matière d’accès aux droits. Durant la retenue administrative, les personnes devraient pouvoir bénéficier d’un interprète, d’un avocat, avoir la possibilité de prévenir une personne de leur choix, et enfin, la possibilité de former un recours contre la décision préfectorale de réadmission en Italie. Nos premières observations montrent que ces droits ne sont pas systématiquement effectifs.

      Si les procédures de non-admission ont évolué, rien n’a changé concernant les pratiques de contrôles ciblés et discriminatoire, avec un dispositif important de gendarmes mobiles postés tout autour de la frontière. Par ailleurs, le dispositif de contrôle de la frontière est renforcé depuis début 2024 avec de nouveaux moyens matériels et humains mis à disposition de la PAF sur décision de la Préfecture. Neuf policiers adjoints ont été recrutés et seront affectés dans le département dès avril 2024, et notamment en renfort de la PAF. Un nouveau 4x4 ainsi qu’une seconde motoneige viennent également compléter le dispositif.

      Pour approfondir le sujet, vous pouvez regarder la rediffusion de cette formation/décryptage par l’Anafé (Association nationale d’assistance aux frtontières pour les étrangers) qui revient plus généralement sur les conséquences de l’arrêt de la CJUE (du 21 septembre) et du conseil d’État (du 2 février) sur les frontières intérieures :
      https://www.youtube.com/watch?v=DJevj85dM2Q

      https://tousmigrants.weebly.com/mars--avril.html

    • Quel effet de l’#arrêt du 2 février du Conseil d’Etat sur la frontière franco-italienne ?

      Le 2 février dernier, le Conseil d’État publiait un arrêt s’opposant aux pratiques de remises de refus d’entrée systématiques aux personnes exilées interpellées à la frontière. Cette décision supprimait l’article du CESEDA qui permettait d’opposer des refus d’entrée en toutes circonstances et sans aucune distinction en cas de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures (voir le communiqué de presse inter-associatif ici).

      Dans la foulée, nous avons observé un changement de pratiques à la #PAF de #Montgenèvre : les personnes interpellées sont placées en #retenue_administrative pour vérification d’identité ou de droit au séjour (maximum 24 heures). Les personnes qui souhaitent demander l’asile en France ressortent libres du poste de police pour aller déposer leur demande sur le territoire. Nous constatons des pratiques très hétérogènes en matière de procédures : les retenues observées vont de quelques minutes à plus de 23h30, et des personnes ont témoigné avoir fait une demande d’asile sans que cela ne soit pris en compte.

      Mailing-list de Tous Migrants, 18.04.2024

  • Réformer entre #conservatisme et révolution
    https://laviedesidees.fr/Marie-Dejoux-Reformatio

    Papes, rois et autres conciles : le #Moyen_Âge serait « réformateur ». Alors que les discours contemporains sont saturés de « réformes », un livre collectif s’interroge sur le sens et la rareté du mot en Occident entre le XIIIe et le XVe siècle.

    #Histoire #Eglise #réforme
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20240417_reforme.pdf

  • Ô mon #français !

    J’ai passé ma jeunesse à suer sur des dictées à quatre points la faute, j’ai même fini par aimer ça. Suffisamment pour m’en infliger en dehors de l’école. J’ai le souvenir d’une dictée de Pivot, retransmise en direct à la télé, que j’avais tenu mordicus à faire. Télé vieillotte, en noir et blanc avec un écran qui crépitait et un son qui grésillait, dont il fallait ajuster la fréquence de la chaine à la main à l’aide d’un bouton-potentiomètre. Évidemment, je n’étais pas très fort, et j’enfilais les fautes comme les perles. Mais j’étais fier de faire mon maximum pour faire honneur à ma langue maternelle. Paternelle aussi, d’ailleurs. Et puis j’ai appris l’anglais, avec difficulté, tant bien que mal. Ça me paraissait au moins autant abscons et complexe que le français, mais c’était ainsi. Plus tard, j’étais en Italie, alors j’ai appris l’#italien. Également avec des efforts (je ne suis pas particulièrement doué pour les langues étrangères), mais le quotidien aidant, au bout de quelques mois (enfin, environ douze !) je fus capable de tenir une conversation. J’ai compris que l’italien était bien plus simple (et cela n’empêche pas les Italiens d’avoir une culture très riche !) que le français, ne serait-ce que parce qu’il se prononce quasiment comme il s’écrit (et inversement). Contrairement au français (et à l’anglais). De quoi avoir 20/20 à une dictée d’italien. Mais pour la peine, ça ne serait pas drôle. Donc il n’y a pas de dictée en italien.

    Plus tard je suis tombé sur la vidéo d’une courte conférence intitulée « la faute de l’orthographe » par deux profs belges (inventez un mot, puis calculez combien il y aurait – théoriquement – de manières de l’écrire en français). Cette vidéo m’a ouvert l’esprit. J’ai compris que l’orthographe n’était qu’un #outil. Que la langue n’était qu’un outil ; pour communiquer, transmettre des idées, en l’occurrence. Et que si l’outil était moins complexe à utiliser qu’il ne l’est, le temps incommensurable que l’on passe à l’étudier, à tenter d’essayer de l’apprivoiser, à éventuellement vouloir le maitriser, pourrait être dédié à faire des choses plus constructives. Des maths, de la physique, écrire, lire, réfléchir, jouer de la musique, ou avec son chat, faire du ski de rando ou grimper, bref, d’autres trucs. L’orthographe devait redescendre du piédestal sur lequel mes études l’avaient placé.

    Dans le même temps (ou avant, même, plutôt), cette histoire d’#écriture_inclusive commençait à infuser. Franchement, ajouter des points au milieu des mots dans une langue aussi complexe, ça n’allait pas aider. N’était-ce pas barbare ? En plus l’#Académie_française avait pris position contre cette incongruité. Alors…

    Et puis j’ai commencé à faire pas mal de vélo, je me suis acheté un casque à conduction osseuse pour pouvoir écouter des podcasts assis sur ma selle. J’en écoute à la pelle. Je suis tombé sur les émissions de Binge Audio, je ne sais plus trop comment, et surtout sur le podcast de #Laélia_Véron, « Parler comme jamais » (https://www.binge.audio/podcast/parler-comme-jamais). Notamment un épisode intitulé « Écriture inclusive : pourquoi tant de haine ? » que j’ai écouté par curiosité (https://www.binge.audio/podcast/parler-comme-jamais/ecriture-inclusive-pourquoi-tant-de-haine). J’ai compris alors que l’écriture inclusive ne se limitait pas au point médian, loin s’en faut. Il y a beaucoup d’autres choses à côté. Mais alors pourquoi autant d’efforts à vouloir peser sur l’usage ? Simplement parce que les linguistes ont montré qu’une #langue_genrée avait un effet pas du tout négligeable sur les #inégalités_de_genre dans la société. Le linguiste #Pascal_Gygax, auteur de telles études, conclut un article de vulgarisation ainsi : « L’histoire nous enseigne que la société patriarcale a eu un effet sur la #masculinisation de la langue et les données disent que la #masculinisation_de_la_langue a une influence sur notre manière de percevoir le monde. À partir de là, ce qu’il faut se demander, c’est : veut-on changer cela ? Si oui, alors le langage inclusif est un outil pour y parvenir » (https://www.revue-horizons.ch/2021/09/02/comment-le-masculin-forge-la-pensee-de-lenfant). Quand il a commencé à vulgariser son travail, il a reçu une flopée d’insultes. Décidément, touchez pas au français… Et pourtant, y toucher, volontairement, c’est changer potentiellement les rapports au monde de la moitié de l’humanité (tout au moins des francophones).

    L’oppression de la femme par l’homme ne date pas d’hier, et le langage a été modelé par l’homme en ce sens au cours de l’histoire (comme pour leur interdire l’accès à certaines professions, par exemple). Le #patriarcat a ainsi fait son œuvre notamment via ce moyen de communication entre les humains et les humaines. Il semble n’y avoir que peu de langues, dans le monde, tout au moins celui qui vit dans les sociétés dites occidentales (même si elles sont aussi à l’orient suite aux colonisations), qui ne sont pas genrées, et ainsi, masculinisées.

    Le patriarcat est une forme de #capitalisme. Ce dernier est l’#exploitation des ressources naturelles (ce que l’on nomme pudiquement externalités !) ad nauseam, qui génère des pollutions (autres externalités) ad nauseam, mais c’est aussi l’exploitation des humains (ressources « humaines »). Dans ce cadre, le patriarcat se fait un malin plaisir à exploiter un peu plus les femmes. Dès qu’il s’agit d’augmenter les profits et de trouver des marchés, le capitalisme n’a aucune limite, même si l’Histoire a tout de même réussi à mettre fin au marché de l’esclavagisme. Enfin, pas partout ; et les femmes y sont probablement les plus mal loties.

    Pour mettre fin à ce capitalisme destructeur (de la planète, des sociétés humaines, de l’humanité), et à ses avatars que sont les nombreuses inégalités, dont les inégalités de #genre sous la forme du patriarcat qui perdurent y compris en France, il n’y a pas qu’une façon de faire, une méthode idéale, tracée, parfaite, avec un protocole qui resterait à appliquer. Ce qui est sûr, c’est que sans aplanir ces inégalités, c’est voué à l’échec, comme en témoigne le mouvement des Gilets Jaunes. La « solution » est nébulaire et diffuse, c’est pourquoi il faut faire feu de tout bois et utiliser tous les leviers disponibles. La langue, qui est l’outil avec lequel nous communiquons, est dans cette lutte d’une capitale importance : elle fabrique et façonne notre société ainsi que les rapports que nous avons entre nous.

    La langue française actuelle (re)construite historiquement petit à petit par la classe bourgeoise masculine dominante comme un outil d’accès réservé à l’#élite (masculine) n’est pas immuable : l’outil peut très bien être retourné pour servir la cause. Et donc évoluer dans une direction souhaitable. Inclusive. En somme, un effort minuscule (changer à la marge notre façon d’écrire et de parler) pour un résultat immense : une diminution des inégalités de genre ! Le jeu en vaut certainement la chandelle d’autant qu’il est appuyé par les résultats de la #linguistique. Les enjeux écologiques de frontières planétaires que nous sommes en train de dépasser sont très liés à la question des #inégalités : toute l’humanité n’est pas responsable des pollutions diverses et variées, seulement une minorité, la plus riche. Inégalités de richesse donc, mais aussi, et c’est lié, de genre, de race, de handicap, de classe, de religion, nord-sud, et j’en passe. Dans le jeu de celui qui est le plus fort, ce dernier trouve toujours un moyen d’enfoncer les plus faibles ; et tous les coups sont permis.

    Quand on identifie un nouvel outil dont il est démontré [1] qu’il pourrait permettre de diminuer une partie de ces inégalités pourquoi s’enfoncer dans un #conservatisme mortifère ? Allons-y ! Qu’avons-nous à perdre ? Le #français_inclusif, même si les études scientifiques se trompaient sur sa propension à diminuer les inégalités de genre, n’en serait pas moins toujours le moyen de communication au sein des sociétés francophones. Quant au #point_médian, ce n’est jamais qu’un raccourci à l’écrit, il n’est pas obligatoire [2], alors pourquoi tant de haine ? Je vous conseille la lecture de « Eutopia » de Camille Leboulanger, un roman qui raconte une société où la notion de propriété privée est abolie (non seulement des habitations, mais aussi de la nature, et même la notion de famille est revisitée !), seule perdure la propriété d’usage. Le roman est écrit au féminin générique. Vous verrez, ça rafraichit !

    Mais la langue française n’attise pas les passions que sur les questions de genre. Je vous invite à lire le tract Gallimard « Le français va très bien, merci » par le collectif des Linguistes atterrés (https://tracts.gallimard.fr/fr/products/le-francais-va-tres-bien-merci). Quelques citations glanées çà et là pour un panorama de ce que j’en retiens : « Le français n’a jamais été homogène. Le #standard unique est un mythe. » 300 millions de personnes parlent français dans le monde, il fait partie des cinq langues les plus parlées sur la planète. « Le français n’est pas envahi par l’anglais. […] Le contact entre les langues ressemble davantage à un jeu à somme positive qu’à une guerre : ce que « gagne » l’une, l’autre ne le perd pas. […] Le #mélange, l’impur sont signe de vitalité pour une langue. Le séparé, le pur, une vue de l’esprit, un idéal, une langue statufiée. La langue se renouvèle d’abord parce que le monde change et qu’il faut le nommer, pour le meilleur et pour le pire (« covid » est-il un mot anglais ou français ?), mais aussi par besoin expressif, par jeu, pour faire place aux jeunes, aux autres, à l’altérité. » Autre idée reçue : « le français n’est pas règlementé par l’Académie française. » Elle n’a aucun pouvoir sur la langue, et ne renferme aucun (ni aucune d’ailleurs) spécialiste de la langue puisqu’aucun (ni aucune) linguiste n’y siège. Son dictionnaire est obsolète et sa grammaire encore plus. Dans leur ouvrage « Le français est à nous ! », les linguistes Laélia Véron et Maria Candea posent la question « Au XXIe siècle, à quoi sert l’Académie française ? » Elles répondent : « À rien. Rigoureusement à rien. C’est une institution d’opérette. […] qui sert encore à recycler confortablement des personnalités, grâce à un patrimoine exorbitant et à des finances opaques. » L’orthographe est compliquée : « Il est devenu pratiquement impossible d’écrire sans faire aucune faute. » Cela parce que l’orthographe n’a pas été réformée depuis quasiment deux siècles : la dernière réforme en date, celle de 1990 « peine à s’imposer dans les pratiques. […] Et si notre orthographe ne parvient pas à faire peau neuve, c’est parce qu’elle est devenue un #marqueur_social extrêmement puissant qui donne l’illusion de pouvoir juger des facultés linguistiques de quelqu’un sans entrer dans la complexité de la syntaxe, du vocabulaire ou de tout ce qui constitue la véritable qualité d’un texte écrit. » Bref. Convaincu que réformer l’orthographe est un nivèlement par le haut, j’ai décidé, depuis la lecture de cet opus, d’appliquer la réforme de 1990 au mieux. Pour cela, je m’aide du logiciel Antidote (https://www.antidote.info/fr/blogue/enquetes/redaction-inclusive), qui est également utilisé par les étudiantes et les étudiants à l’université au Québec, tout comme elles (et les nôtres aussi) utilisent la calculatrice. Il y a beaucoup d’autres choses dans ce petit livre, que je vous laisse découvrir. Car vous allez le lire, maintenant, n’est-ce pas ?

    [1] « Le langage inclusif […] a bien l’effet pour lequel il est préconisé : réduire les stéréotypes de genre et augmenter la visibilité des femmes. »

    [2] Même si : « L’usage du point médian permet de supprimer le biais de représentation vers le masculin. » selon le psycholinguiste Léo Varnet.

    http://gblanc.fr/spip.php?article780
    #langue #langue_française #orthographe 

    • La faute de l’orthographe | #Arnaud_Hoedt et #Jérôme_Piron

      Nous avons été profs de français. Sommés de nous offusquer des #fautes_d'orthographe, nous avons été pris pour les curés de la langue. Nous avons écrit pour dédramatiser, pour réfléchir ensemble et puis aussi parce que nous avons toujours pensé que l’#Académie_Française avait un vrai potentiel comique. « Les deux belges qui veulent simplifier la langue française » : tout est faux dans cette phrase. Pas « simplifier » mais bien faire preuve d’esprit critique, se demander si tout se vaut dans notre orthographe. Pas deux Belges, mais bien deux curieux qui veulent transmettre le travail des linguistes de toute la francophonie, pas même la « langue française », seulement son orthographe. Car l’orthographe, c’est pas la langue, c’est juste le code graphique qui permet de la retranscrire. Passion pour les uns, chemin de croix pour les autres, elle est sacrée pour tous. Et pourtant, il ne s’agit peut-être que d’un énorme #malentendu. Arnaud Hoedt et Jérôme Piron sont linguistes de formation. Ils ont vécu 25 ans sans se connaître, mais c’était moins bien. Ils ont ensuite enseigné pendant 15 ans dans la même école. Quand Arnaud participe à la rédaction des programmes de français en Belgique, Jérôme se spécialise en médiation culturelle. En 2016, ils écrivent et mettent en scène le spectacle « La Convivialité », au Théâtre National de Bruxelles. Ce spectacle conférence qui traite de la question du rapport dogmatique à l’orthographe tourne depuis 3 ans dans toute la francophonie. Dans la foulée, ils publient l’ouvrage « La faute de l’orthographe », aux éditions Textuel. Ils se définissent comme suit : « Linguistes dilet(t)antes. Pédagogues en (robe de) chambre. Tentent de corriger le participe passé. Écrivent des trucs. Vrais-Faux Comédiens. Bouffeurs d’Académicien ». A la question « est-ce que ça se dit ? » , Arnaud et Jérôme répondent invariablement « oui, tu viens de le faire ».

      https://www.ted.com/talks/arnaud_hoedt_jerome_piron_la_faute_de_l_orthographe
      #tedx

    • Comment le masculin forge la pensée de l’#enfant

      Les données disent que la langue masculinisée influence nos pensées. C’est du moins la conclusion du nouveau livre du psycholinguiste fribourgeois Pascal Gygax.

      Le cerveau pense-t-il au masculin ? C’est la question que pose Pascal Gygax, psycholinguiste à l’Université de Fribourg, en titre d’un livre* publié récemment avec la linguiste Sandrine Zufferey et la psychologue sociale Ute Gabriel. Pas de suspense inutile : la réponse est oui. L’ouvrage le montre à travers une multitude d’études suisses et internationales qui ont analysé l’influence du langage genré sur les représentations sexistes. « Sur ce sujet, il y a cinquante ans de recherches et quelque 200 études, explique Pascal Gygax, premier auteur. Il était temps d’écrire un livre grand public pour recadrer le débat, qui est devenu très passionnel. » Les réactions à l’ouvrage en attestent. « Depuis dix-sept ans que je travaille sur cette thématique, je n’ai jamais reçu autant d’insultes, confie le Biennois. Il s’agit surtout d’hommes blancs quinquagénaires ou sexagénaires dans des positions dominantes qui m’écrivent pour m’expliquer leur point de vue, souvent très peu documenté. C’est dommage, car le but était justement de prendre de la hauteur de manière scientifique. »

      Le livre se penche en particulier sur l’interprétation de la forme grammaticale dite « générique ». En français, en allemand, en anglais et dans d’autres langues, le genre masculin est également utilisé pour le genre « neutre », au singulier ou au pluriel (en plus de son sens « spécifique »). Exemple tiré du livre : « When a kid goes to school, he often feels excited on the first day » (« Quand un enfant va à l’école, il se sent souvent excité le premier jour »). Le « he » a ici fonction de générique. En français, on peut l’expliquer de la manière suivante : dans « Il y a beaucoup d’excellents chercheurs en Suisse », le mot « chercheur » devrait également inclure tous les genres. Problème : ce sens générique n’est pas perçu comme tel.
      Le générique n’est pas neutre

      En 1984, Janet Hyde, une chercheuse étatsunienne, a demandé à des personnes en formation d’âges différents d’écrire une histoire commençant par la phrase avec l’enfant citée au paragraphe précédent. Chez les universitaires, 21% des récits portaient sur un personnage féminin contre 7% chez les 5-12 ans. Pour l’immense majorité, le masculin a donc induit une représentation masculine.

      En 2008, une étude de Pascal Gygax et de ses collègues a montré qu’en français et en allemand, il était difficile d’appréhender des suites de phrases présentant des femmes après des amorces avec un métier ou une activité au masculin pluriel (« les musiciens », par exemple), donc pouvant agir comme générique. En clair : il est naïf de penser que le générique puisse être complètement détaché du masculin.

      L’ouvrage regorge aussi d’exemples qui témoignent à quel point la langue a été construite autour du masculin. Il n’est pas innocent que l’on dise « Adam et Eve » et « mari et femme ». Selon une méta-analyse réalisée en 2016 par Peter Hegarty et ses collègues, l’ordre de mention est souvent lié à l’importance perçue des entités mentionnées. Et cette masculinisation est au moins en partie intentionnelle, expose le livre. On apprend par exemple qu’aux Etats-Unis et en Angleterre, le pronom pluriel neutre « they » était utilisé jusqu’au XIXe siècle comme singulier lorsque l’on ne connaissait pas le genre d’une personne. Mais que des grammairiens ont imposé le pronom « he » (« il ») comme générique, le jugeant plus « digne ». Le « they » revient en force aujourd’hui.

      Ce langage activement androcentré « nous force à voir le monde au travers d’un prisme masculin », participant aux inégalités entre les genres, soutient l’ouvrage. C’est là qu’intervient le langage inclusif, boîte à outils permettant de « démasculiniser » l’expression orale et écrite. En français ou en allemand, les doublets (« écrivaines et écrivains ») ou les formes contractées des doublets (« écrivain·es ») peuvent par exemple être utiles pour réduire les stéréotypes associés aux métiers. Sabine Sczesny le confirme. Professeure de psychologie sociale à l’Université de Berne, elle a notamment réalisé des travaux mettant au jour un lien entre attitude sexiste et opposition au langage inclusif : « Les filles sont plus intéressées par les professions typiquement masculines lorsqu’elles leur sont présentées sous forme de conomination par rapport à la forme masculine. »
      Le chat des voisins

      Anne Dister, professeure de linguistique à l’Université Saint-Louis de Bruxelles, pense également qu’il est judicieux de mentionner les professions avec un double nom si elles sont stéréotypées masculines, et de mentionner les titres de postes masculins et féminins dans les offres d’emploi. Toutefois, elle juge inutile de vouloir systématiquement tout féminiser et plaide pour « l’économie du langage ». « Dans certains contextes, ce n’est simplement pas pertinent. Si je raconte que mes voisins ont adopté un chat, quel est l’intérêt de préciser leur genre ? »

      Anne Dister juge par ailleurs que le générique, dans les interactions langagières au quotidien, est très bien compris comme tel : « Qui pense sérieusement que les femmes ne peuvent pas traverser sur un passage pour piétons ? » Elle conteste aussi les affirmations selon lesquelles la langue aurait été entièrement masculinisée par les grammairiens : « Le lexique pour certains noms, assurément. Mais pas la grammaire. On prend d’ailleurs toujours les mêmes exemples. » Et de poursuivre : « Ce qui invisibilise, ce n’est pas tant le masculin que notre connaissance du monde. Aujourd’hui, le terme « ministre » qui est épicène n’active pas les mêmes représentations qu’il y a cinquante ans. » La linguiste sait de quoi elle parle. Avec Marie-Louise Moreau, elle a analysé l’évolution des termes utilisés par les candidates aux élections européennes en France et en Belgique pour se décrire depuis 1989 (« sénatrice » ou « sénateur », typiquement). Résultat : la féminisation est massive.

      Accordons-nous trop d’importance au langage ? N’est-il pas uniquement le reflet de la société et appelé à évoluer avec elle ? « Il ne sert presque à rien de se poser cette question, répond Pascal Gygax. L’histoire nous enseigne que la société patriarcale a eu un effet sur la masculinisation de la langue et les données disent que la masculinisation de la langue a une influence sur notre manière de percevoir le monde. A partir de là, ce qu’il faut se demander, c’est : veut-on changer cela ? Si oui, alors le langage inclusif est un outil pour y parvenir. »

      Les attaques personnelles subies après la publication du livre n’entament d’ailleurs en rien l’engagement du chercheur, très présent dans les médias : « J’ai toujours eu envie de sortir de la bulle académique. »

      *« Le cerveau pense-t-il au masculin ? », Pascal Gygax, Sandrine Zufferey, Ute Gabriel, Le Robert, 2021, 176 pages

      https://www.revue-horizons.ch/2021/09/02/comment-le-masculin-forge-la-pensee-de-lenfant

    • Le français va très bien, merci

      « Nous, linguistes de France, de Belgique, de Suisse, du Canada, sommes proprement atterrées par l’ampleur de la diffusion d’idées fausses sur la langue française. » Les Linguistes atterrées
      Les discours sur les "fautes" saturent quasiment l’espace éditorial et médiatique contemporain. Mais la différence entre une faute et une évolution, c’est la place qu’elle occupera à long terme dans l’usage. Et l’usage, ça s’étudie avec minutie. C’est le travail des linguistes. Face aux rengaines déclinistes, il devient indispensable de rétablir la rigueur des faits. Non, l’orthographe n’est pas immuable en français. Non, les jeunes, les provinciaux ou les Belges ne "déforment" pas la langue. Oui, le participe passé tend à devenir invariable. Non, le français n’appartient pas à la France. Oui, tout le monde a un accent, voire plusieurs. Dix idées reçues sur la langue, et surtout trente propositions pour en sortir.

      https://tracts.gallimard.fr/fr/products/le-francais-va-tres-bien-merci
      #Linguistes_atterrées

    • J’ai écrit : il meure. Tranquilou. Au bout de deux jours je me suis dit mmm il y a quelque chose qui ne va pas. J’ai cherché et trouvé : il meurt ! Me suis dit ,mais pourquoi écrire il meure comme ça ? Quelle raison logique ? Pas trouvé de réponses satisfaisantes . Il y a toujours moyen de faire des fautes, TOUJOURS ! C’est pénible.

  • Définition du viol : osez le consentement !

    La pression est de plus en plus forte pour modifier la définition du viol en y introduisant la notion de consentement. Est-ce une bonne idée ? Oui, selon la magistrate Valérie-Odile Dervieux qui pointe les difficultés auxquelles l’état actuel du droit confronte les juridictions.

    https://www.actu-juridique.fr/penal/definition-du-viol-osez-le-consentement
    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/09/09/oui-cest-oui-le-consentement-a-lepreuve-de-la-justice/#comment-60435
    #droit #viol #consentement

  • #Wikipédia, #démocratie_rhétorique

    Depuis quelques années, des discussions ont lieu dans la version francophone de Wikipédia pour essayer d’aboutir à des conventions de styles relatives à la #transidentité, comme dans la version anglophone. Début 2024, un #sondage interne à Wikipédia a été ouvert à propos de la mention du nom de naissance pour les personnes trans. Ce sondage a suscité presque immédiatement la #polémique. L’affaire a été beaucoup discutée sur Mastodon et s’est retrouvée dans la presse.

    Jusque-là, mon rapport à Wikipédia était assez banal : consultation fréquente (plusieurs fois par semaines, voire par jour) mais pas de contribution. Il faut dire que j’avais retenu la leçon vécue par Marc Jahjah : il vaut mieux s’être bien renseigné sur le fonctionnement de Wikipédia avant de contribuer, car c’est rempli de patrouilleurs indélicats. Et pour présenter rapidement Wikipédia en cours, une compréhension de surface suffit.

    Arrive cette controverse sur le nom des personnes trans. Parce que je connais quelques universitaires impliqués dans les débats, j’ai commencé à parcourir les pages de discussion, par curiosité. Et parce qu’il est indispensable de se renseigner sur le fonctionnement de Wikipédia pour décoder ces discussions, notamment tous les sigles employés, je me suis mis à parcourir toutes les pages qui décrivent le projet Wikipédia, notamment sa hiérarchie des #normes (#principes_fondateurs, #règles et #recommandations).

    Dans la foulée, quelques personnes ont publié des analyses : « contradiction entre volonté de #transparence et d’#entre-soi »  ; « désillusion de l’#intelligence_collective »… c’est là que les roues se sont mises à tourner à toute vitesse dans ma tête.

    Attention : ce qui suit, ce sont mes élucubrations personnelles. Si je les partage, c’est parce qu’elle ne recoupent pas ce que j’ai pu lire ailleurs. Coïncidence, ces jours-ci sort un livre de Sana Boussetat intitulé La formule Wikipédia . Je vois dans la table des matières que quelques pages portent sur le débat participatif et la gestion des conflits, il va en être question dans ce billet… En m’exprimant sur un sujet qui n’est pas ma spécialité, je risque un peu la sortie de piste, donc je préfère le signaler dès ici. Si besoin, je mettrai mon billet à jour.

    #Communs

    Wikipédia fait partie des #biens_communs, plus spécifiquement de la catégorie des #biens_communs_informationnels, ou #communs_de_la_connaissance. Quand on parle de « #communs » tout court, on entend généralement des espaces « collectivement construits et administrés ».

    Wikipédia fait le pari de l’intelligence collective. Or Tam Kien Duong résume justement la controverse actuelle comme une « désillusion de l’intelligence collective ». Pour qu’il y ait #désillusion, il faut qu’il y ait illusion. Alors voici une hypothèse : on a pensé que les communs de la connaissance seraient vertueux par essence.

    #Utopie :

    « Le fruit des rencontres entre les biens et les personnes peut être aussi bien positif que négatif ou quelque part entre les deux. Dans l’arène intellectuelle, le concept des biens communs est souvent brandi comme un étendard synonyme de liberté d’expression, d’accès libre et universel, et d’autogestion […] Cela peut être constructif, d’ailleurs cela donne souvent de l’élan aux actions collectives autour des communs. Mais un commun n’est pas chargé de valeurs. Son impact peut être bon ou mauvais, durable ou non ».

    Les effets produits par les communs de la connaissance dépendent donc de la manière dont ils sont collectivement construits et administrés.

    Comme pour chaque autre catégorie de biens communs, concevoir des communs de la connaissance implique des difficultés spécifiques. Et dans le cas de Wikipédia, il y en a une qui s’est avérée particulièrement aiguë : la tension entre l’idée d’une encyclopédie qui doit être une source de savoir contrôlé, et le principe d’une encyclopédie ouverte, dont tout le monde peut parler, que tout le monde peut rejoindre.
    Démocratie

    Quand on utilise le nom « Wikipédia », on peut désigner l’encyclopédie mais aussi l’organisation qui produit cette encyclopédie. La nature de l’encyclopédie est clairement expliquée sur la page Wikipédia est une encyclopédie : c’est une collection d’articles qui présentent chacun une synthèse des connaissances sur un sujet. En revanche, la nature de l’organisation est un peu moins simple à appréhender.

    La page Principes fondateurs définit dans les grandes lignes « Wikipédia et les conditions de son élaboration ». Elle parle aussi d’un « projet collaboratif ». La page Ce que Wikipédia n’est pas mentionne une « communauté ». Pour mieux cerner cette organisation, il faut donc creuser. On découvrira progressivement que le fonctionnement de Wikipédia est organisé suivant une hiérarchie des normes :

    - principes fondateurs (fondement intangible)  ;
    - règles (issues d’une prise de décision, c’est-à-dire d’un vote)  ;
    - recommandations (élaborées par consensus)  ;
    - essais (propositions relatives au fonctionnement de l’encyclopédie).

    Comment qualifier ce fonctionnement  ? Démocratique  ? Bureaucratique  ? Si on en croit Wikipédia, ni l’un ni l’autre. D’abord, ce ne serait pas « un projet politique » :

    « La communauté s’est dotée de certaines règles, mais il ne faut pas perdre de vue qu’elles n’existent que pour le but auquel la communauté aspire : construire une encyclopédie de qualité. Par extension, Wikipédia n’est ni une démocratie, ni une dictature, ni une anarchie, ou toute autre tentative de réalisation d’un projet politique quelconque. »

    Ce passage a de quoi étonner. Le terme « démocratie » est ramené à une définition historique – « tentative de réalisation d’un projet politique » –, ce qui permet d’affirmer ensuite que Wikipédia ne correspond pas à la définition. Or cette dernière est contestable. On peut arguer du fait que la démocratie n’est pas un processus historique mais sociologique : Raymond Aron par exemple définit la démocratie comme l’organisation pacifique de la compétition pour le pouvoir, et cela s’applique très bien à Wikipédia.

    #Consensus

    Wikipédia a donc un fonctionnement démocratique, que Dominique Cardon résume ainsi : « Wikipédia possède une sorte de Constitution, dont les principes, les règles et les recommandations permettent de trancher en cas de litige ». Concrètement, il y a du vote à certains niveaux mais pas partout : le mécanisme central est en fait le consensus. Celui-ci repose sur les règles suivantes :

    - il y a toujours un consensus pré-établi, qu’il soit tacite ou manifeste  ;
    – si vous voulez modifier quelque chose, « cherchez une modification judicieuse mariant les idées de chacun »  ;
    – si vous êtes en désaccord, « trouvez un compromis »  ;
    – si le désaccord persiste, on revient au consensus précédent.

    Le consensus est un processus dialectique : on exprime des avis  ; on interprète l’ensemble de ces avis  ; on exprime des accords ou désaccords à propos de cette interprétation. Or ce processus n’a qu’un ensemble limité de règles, qui se concentrent sur la mise en forme, la politesse et la traçabilité. Il n’y a pas de règlement politique du consensus. Et pour moi, une dialectique sans règles politiques dégénère immédiatement en rhétorique.
    Bureaucratie

    Wikipédia est parfois qualifiée de bureaucratie. L’encyclopédie elle-même affirme ressembler à une bureaucratie mais ne pas en être une :

    « Bien que Wikipédia rassemble de nombreux éléments d’une bureaucratie, elle n’est pas régie par les lois : ce n’est pas un organisme quasi-judiciaire, et les règles ne sont pas le but final de la communauté. Bien que certaines règles puissent être appliquées, les règles écrites ne fixent pas l’usage accepté. Elles se contentent plutôt de documenter les consensus communautaires existants concernant ce qui doit être accepté et ce qui doit être rejeté. »

    On retrouve le même problème qu’avec « démocratie » : le terme est défini de manière très spécifique pour pouvoir dire ensuite que Wikipédia ne correspond pas à la définition. Pour moi, l’affirmation ci-dessus ne permet pas de dire que Wikipédia n’est pas une bureaucratie, circulez, y’a rien à voir. Tout ce qu’elle fait, c’est déplacer le centre de gravité du fonctionnement bureaucratique vers le consensus, qui est un processus tout à fait formalisé – il est même représenté sous la forme d’un schéma décisionnel.

    Sachant qu’on revient toujours au consensus précédent si un nouveau consensus ne peut pas être trouvé, le système tend au statu quo, en raison d’un paradoxe empirique : un consensus peut s’obtenir très facilement (soit parce qu’il est tacite, soit parce qu’il est produit par une toute petite poignée de contributeurs) mais un nouveau consensus peut être très difficile à obtenir, parce qu’il implique un dilemme social (la remise en question d’un consensus) et que le dépassement de ce dilemme génère une friction énorme.

    En effet, et contrairement à l’un des principes essentiels de conception des communs – créer des mécanismes de résolution des conflits dont le coût soit peu élevé –, l’élaboration du consensus sur Wikipédia contient plusieurs sources de frictions majeures.

    Il y a d’abord ce parasitage de la dialectique par la rhétorique, que j’ai évoqué un peu plus tôt. Certaines personnes le dénoncent parfois, en accusant des contributeurs favorables au statu quo d’étirer les discussions à dessein pour épuiser leurs contradicteurs, qui finissent par jeter l’éponge. Selon moi, Wikipédia souffre ici d’un déficit de régulation. Dans l’espace public politique, il n’y a pas que les suffrages qui soient réglementés : la parole l’est aussi. Ce n’est pas pour rien que l’Assemblée nationale fonctionne avec des temps de parole et un agenda. Une discussion sans limite de temps ou de signes, sans contrainte basée sur la représentativité des interlocuteurs, c’est une discussion qui favorise naturellement les esprits procéduriers et vétilleux.

    Il y a ensuite l’effet « aiguille dans une botte de foin » : un sujet passe facilement sous les radars, du fait de l’immensité de l’encyclopédie. Les personnes qui pourraient y contribuer utilement ne sont donc pas forcément au courant, malgré des mécanismes comme le Bistro – la page d’actualités quotidienne de Wikipédia en français.

    Autre source de frictions, la prime à l’ancienneté : considérer que ceux qui contribuent suffisamment et régulièrement à Wikipédia sont plus légitimes que les autres pour décider de son fonctionnement. Cette idée a un versant positif, aligné avec la notion de biens communs en général : les communs doivent être administrés par la communauté concernée. Mais elle a aussi un versant négatif, quand on conçoit cette communauté comme structurée en cercles concentriques hermétiques. Pour réduire la tension entre l’envie d’ouvrir l’encyclopédie et la nécessité de protéger son fonctionnement interne, les contributeurs utilisent par exemple des critères de participation aux sondages (nombre de contributions total, nombre de contributions récentes). Ceci permet de se protéger de manœuvres visant à détourner le projet encyclopédique en faveur d’intérêts particuliers. Mais cela empêche aussi des groupes de voir leurs intérêts représentés dans le processus, ce qui les repousse vers des mécanismes externes de résolution des conflits, comme les systèmes médiatique et judiciaire.

    Certaines recommandations de Wikipédia comme Ne mordez pas les nouveaux visent à éviter la discrimination envers les novices  ; j’ai mentionné en introduction le cas de Marc Jahjah, eh bien le contributeur qui l’avait si mal accueilli a été sanctionné. La prime à l’ancienneté est une forme plus subtile de cette même logique, qui permet paradoxalement de reconstituer des enclosures à l’intérieur du bien commun.

    Ces différents phénomènes compliquent la résolution des conflits les plus difficiles. Et à cela viennent s’ajouter deux notions qui m’ont l’air de causer beaucoup de problèmes : la neutralité et la bonne foi.

    #Neutralité

    L’un des #Principes_fondateurs de Wikipédia est la Neutralité de point de vue. Il ne s’agit pas de faire émerger un « point de vue neutre » mais de restituer la pluralité des points de vue de manière neutre, c’est-à-dire de manière équitable, en contextualisant les différents points de vue, et en citant des sources.

    La neutralité pose des difficultés car son sens dérive vite. Sur la page de discussion du fameux sondage, on peut lire plusieurs commentaires qui opposent « la communauté Wikipédia » à des « communautés militantes », qui ne seraient pas « neutres ». C’est oublier que la neutralité de Wikipédia n’est pas la recherche d’un point de vue neutre mais d’une pluralité de points de vue. C’est surtout croire qu’il existerait une séparation magique entre une communauté Wikipédia qui serait non militante et des communautés extérieures militantes.

    Militer consiste à « agir pour faire reconnaître et triompher ses idées » (source : TLF). Sachant que la frontière qui séparerait Wikipédia du reste de la société n’existe en fait pas, il est inévitable que des personnes militantes s’impliquent sur Wikipédia. Si une personne militante agit en opposition au principe de neutralité, par exemple en effaçant les idées contraires aux siennes, ses modifications (qui peuvent s’apparenter à du vandalisme) seront retoquées. Mais si elle respecte les règles de Wikipédia, par exemple en faisant représenter ses idées aux côtés d’idées antagonistes, alors son militantisme n’est pas un danger pour Wikipédia. De fait, nombre de contributeurs sur Wikipédia sont « militants » de quelque chose et l’encyclopédie s’en porte très bien.

    Qualifier les militants de « non neutres », c’est donc confondre les actions concrètes de personnes militantes et leurs objectifs supposés, c’est-à-dire leur faire un procès d’intention. Et c’est ici qu’intervient l’hypocrisie de la « bonne foi ».

    #Bonne_foi

    Supposez la bonne foi est une recommandation importante dans Wikipédia. Elle implique deux choses :

    « Quand vous pouvez supposer raisonnablement qu’une erreur faite par quelqu’un est née d’une bonne intention pour atteindre les objectifs du projet, corrigez-la sans la critiquer. »

    « Quand vous n’êtes pas d’accord avec quelqu’un, rappelez-vous qu’il est probable qu’il souhaite et croit sincèrement contribuer à Wikipédia. »

    La bonne foi est ainsi définie comme le souhait sincère de faire progresser l’encyclopédie, de ne pas la dégrader ni lui nuire. En d’autres termes, cela consiste à respecter les principes fondateurs, et notamment le deuxième – la neutralité de point de vue.

    Que la bonne foi existe chez certains, c’est une certitude. En revanche, la présomption systématique de bonne foi me semble constituer un principe naïf, ce que Frédéric Lordon appellerait une « anthropologie enchantée ». Présumer la bonne foi n’implique pas que les gens soient réellement de bonne foi. Et au risque d’enfoncer des portes ouvertes, rien ne permet de présumer que la communauté Wikipédia est constituée exclusivement de gens parfaitement informés et toujours bienveillants : tout indique au contraire qu’elle peut être un haut lieu d’ignorance et d’intolérance, et qu’en cela elle s’inscrit malheureusement assez bien dans l’histoire de l’encyclopédisme et de l’organisation des connaissances.

    Dans la discussion à propos du fameux sondage, il y a quelques personnes qui me semblent d’une mauvaise foi crasse, évidente, assumée  ; des personnes dont tout le monde peut voir qu’elles utilisent sciemment les règles pour orienter le cours des choses dans le sens qu’elles veulent. « Mais non, pensez-vous, je ne fais que m’en tenir aux principes de notre encyclopédie. » Il suffit de lire leur page utilisateur pour découvrir une adhésion revendiquée à des écoles de pensée et des familles idéologiques. L’hypocrisie dont je parlais est là : dire qu’il faut présumer de la bonne foi, se récrier face à toute accusation de parti pris idéologique, et faire des procès d’intention à ceux qui s’opposent à nous.

    Cela va donc sembler un peu violent, surtout pour les personnes attachées à ce principe, mais je crois que la présomption de bonne foi est à la fois une friction et une fiction. C’est un piètre paravent, qui empêche de forcer tout un chacun à jouer cartes sur table dans la résolution des conflits. Elle grippe l’élaboration du consensus. Elle aiguise la duplicité de ceux qui masquent leurs intentions tout en dénonçant celles des autres. Elle permet à certains de jouir d’un pouvoir légitimé par des règles qu’il est très difficile de faire évoluer, par inertie ou effet de majorité  ; des gens qui feront tout pour écœurer les personnes opposées à la reconduction de l’existant, et qui n’hésiteront pas à affirmer ensuite que ce sont ces opposants qui ont déserté (comme on peut le lire dans le Bistro du 6 mars).

    À ce stade de l’écriture, je fais une pause pour boire un verre d’eau et me calmer un peu afin de finir sur une note un peu plus maîtrisée. Pas simple car en lisant des pages de discussion Wikipédia, on attrape vite un syndrôme d’exaspération par procuration.

    #Information

    Suite au sondage, la controverse a fait tache d’huile et atteint désormais de nombreuses pages de discussion, comme celle d’Elliot Page, Chelsea Manning ou encore Laverne Cox. Certaines personnes questionnent le choix des informations données, leur forme, leur place. D’autres résistent, avec plus ou moins de… bonne foi.

    Le désaccord porte sur la tension entre la volonté d’informer et celle de « ne pas nuire », cette dernière faisant partie des recommandations de Wikipédia concernant les Biographies de personnes vivantes. J’ai dit que Wikipédia est une encyclopédie et une organisation, il manquait donc un troisème élément : le lectorat. C’est essentiel car la controverse porte sur l’acte d’informer, qui est la fonction de l’encyclopédie. La neutralité de point de vue, par exemple, est pensée non pas pour elle-même mais pour le bénéfice des lecteurs.

    Or, et c’est une autre difficulté intrinsèque à l’usage du mot « neutralité », certains sur Wikipédia croient qu’il est possible d’informer de manière neutre. Il y aurait une équivalence entre respecter la pluralité des points de vue et informer le lectorat de façon neutre. Voilà qui sonne à mes oreilles comme une résurgence du modèle de la communication chez Shannon : un tuyau qu’on optimise jusqu’à ce que le bruit disparaisse. C’est impossible : informer/s’informer, c’est un processus communicationnel qui implique réception et feedback. C’est toujours situé, toujours soumis à diverses subjectivités, toujours parasité – jamais neutre.

    Si je devais le dire avec d’autres concepts d’info-com, je dirais qu’il y a une poussée ces jours-ci sur Wikipédia pour tenir compte de l’expérience informationnelle des personnes documentées dans l’encyclopédie. C’est un rejet de la tyrannie de la majorité, version encyclopédique. Et je dirais aussi que cela relève d’une chose plus générale : la volonté de tenir compte des valeurs portées par les processus/systèmes d’organisation des connaissances et des effets qu’ils produisent – ce que Birger Hjørland appelle une épistémologie « pragmatique » de l’organisation des connaissances. C’est ce courant de pensée qui produit aujourd’hui des recherches sur l’invisibilisation de certains groupes sociaux dans les archives et les encyclopédies, par exemple.

    #Universalisme

    Dans le fonctionnement de Wikipédia, les dilemmes sociaux qui ne peuvent être tranchés débouchent sur des compromis. Il n’y a pas d’autre issue au dissensus que le consensus. Pourquoi  ? Parce que Wikipédia est conçu pour afficher toujours le même contenu pour chaque lecteur.

    Dans un article de Wikipédia, on peut lire deux sections qui présentent des idées contradictoires. Mais on ne peut pas lire deux articles différents sur le même sujet, qui développent chacun leur lecture de ces contradictions. C’est le principal grief envers Wikipédia de mon co-directeur de thèse, l’historien Bertrand Müller, qui travaille sur le développement d’encyclopédies documentaires numériques capables de représenter le dissensus d’une autre manière. C’est en discutant de ce genre de chose que je me suis mis à faire des fiches de la forme « Concept (Auteur) » pour documenter des variantes de concepts par auteurs, et qu’à la fin on s’est retrouvés avec Cosma.

    Dans un article de Wikipédia, on peut lire qu’une personne stylise son nom d’une certaine manière, tout en minuscules par exemple. Mais on ne peut pas cocher une option qui permette d’afficher l’article dans cette convention de style. Il en résulte des bizarreries : on a un article « bell hooks » mais un article « Danah Boyd ».

    Dans un article de Wikipédia, on peut lire qu’une personne souffre de voir certaines informations divulguées, comme un nom de naissance. Mais on ne peut pas lire une version de cet article où ce nom est caché par défaut. Cela ne concerne pas que des personnes ayant fait une transition mais aussi des artistes dont le nom d’origine fuite et se retrouve relayé par Wikipédia (j’ai un exemple en tête mais par politesse je ne le citerai pas).

    Bref, Wikipédia est à la fois très innovante et pas innovante du tout. En tant qu’organisation éditoriale, c’est une nouveauté (et une réussite) indéniable. Le modèle encyclopédique, lui, est beaucoup plus classique, surtout au regard de ce qu’on pourrait faire avec le Web, les ontologies, le balisage sémantique… À quand Wikipédia multiformats  ?

    –-

    Pour clore ce billet bien trop long, je tiens à exprimer un petit message de soutien (sans les nommer) aux collègues qui s’investissent dans Wikipédia. Ils et elles se reconnaîtront. J’admire leur courage et leur patience. Si j’ai qualifié Wikipédia de démocratie rhétorique, disserté sur l’illusion de la présomption de bonne foi et les confusions autour de la neutralité, imaginé des rebonds parmi les concepts de ma discipline, eh bien c’est d’abord parce qu’il y a des collègues qui travaillent dur en première ligne et qui font connaître leurs efforts. Alors on s’y intéresse, on découvre de nouvelles choses, on élabore ses propres idées. Mais surtout l’enjeu c’est de propager l’idée centrale des communs : l’auto-organisation des personnes concernées. Au-delà des éléments précis abordés dans ce billet, c’est surtout cette idée-là qui me semble importante et intéressante.
    Bibliographie
    Bruce, Davis, Hughes, Partridge et Stoodley (dir.). Information experience : approaches to theory and practice. Emerald, 2014. 978-1-78350-815-0.
    Buckland, Michael. « Information as thing ». Journal of the American Society for Information Science. 1991, Vol. 42, n° 5, p. 351‑360. https://doi.org/10.1002/(SICI)1097-4571(199106)42:5<351::AID-ASI5>3.0.CO;2-3.
    Cardon, Dominique. Culture numérique. Presses de Sciences Po, 2019. Les petites humanités. 978-2-7246-2365-9.
    Gorichanaz, Tim. « Information and experience, a dialogue ». Journal of Documentation. 2017, Vol. 73, n° 3, p. 500‑508. https://doi.org/10.1108/JD-09-2016-0114.
    Hess et Ostrom (dir.). Understanding knowledge as a commons : from theory to practice. MIT Press, 2007. 978-0-262-08357-7.
    Hjørland, Birger. « Classification ». Knowledge Organization. 2017, Vol. 44, n° 2, p. 97‑128. https://doi.org/10.5771/0943-7444-2017-2-97.
    Lévy, Pierre. L’intelligence collective : pour une anthropologie du cyberspace. La Découverte, 1997. 978-2-7071-2693-1.
    Merzeau, Louise. « De la communication aux communs ». InterCDI. 2016, n° 261, p. 29‑30. http://www.intercdi.org/de-la-communication-aux-communs.
    Shannon, Claude E. « A Mathematical Theory of Communication ». Bell System Technical Journal. 1948, Vol. 27, n° 3, p. 379‑423. https://doi.org/10.1002/j.1538-7305.1948.tb01338.x.
    Wiener, Norbert. Cybernétique et société : l’usage humain des êtres humains. Trad. par Ronan Le Roux et Pierre Yves Mistoulon. Seuil, 2014 [1954]. 978-2-7578-4278-2.
    Wiener, Norbert. La cybernétique : information et régulation dans le vivant et la machine. Trad. par Ronan Le Roux, Robert Vallée et Nicole Vallée-Levi. Éditions du Seuil, 2014 [1948]. 978-2-02-109420-6.

    https://www.arthurperret.fr/blog/2024-03-08-wikipedia-democratie-rhetorique.html

    • #Sana_Boussetat, La Formule Wikipédia

      À l’heure où Wikipédia est entrée dans sa deuxième décennie et où les générations nées après les années 2000 n’auront pas connu d’avant Wikipédia, cet ouvrage propose de revenir sur l’œuvre qui est parvenue à dépoussiérer la norme et les usages bien pensés d’une tradition séculaire. Désormais, il est indéniable que l’avènement de Wikipédia a permis de franchir un cap vers une ère nouvelle où la connaissance et l’information ne s’écrivent plus exclusivement entre experts mais par le concours de rédacteurs bénévoles. Bouleversante, Wikipédia a osé modifier notre façon de rechercher la connaissance et, plus généralement, notre rapport au savoir. Mais sait-on vraiment ce qui se cache derrière un principe en apparence simple, celui d’une encyclopédie publiée sous licence libre et gratuite ? D’où nous vient ce concept hors norme ? Quels sont les fondements qui le régissent ? Comment s’organisent ses activités ? À quels rôles et quels moyens peut-on prétendre en rejoignant la communauté des wikipédiens ?

      Pensé comme un guide, cet ouvrage propose de revenir sur cette formule pionnière pour en offrir une description détaillée et un décryptage précis. Une entreprise indépendante dont l’unique but est d’aider le lecteur à appréhender un outil déjà bien installé dans les habitudes d’un grand nombre d’entre nous et qui façonne au quotidien notre information et notre connaissance du monde.

      https://www.fabula.org/actualites/119359/sana-boussetat-la-formule-wikipedia.html
      #livre

  • L’Europe doit mettre fin à la répression des défenseurs des droits humains qui aident les réfugiés, les demandeurs d’asile et les migrants

    « Dans toute l’Europe, il est de plus en plus fréquent que des organisations et des individus soient harcelés, intimidés, victimes de violences ou considérés comme des délinquants simplement parce qu’ils contribuent à protéger les droits humains des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants. Les États européens doivent mettre fin à cette répression », a déclaré aujourd’hui la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, à l’occasion de la publication d’une Recommandation sur la situation des défenseurs des droits humains qui aident les réfugiés, les demandeurs d’asile et les migrants en Europe.

    Cette Recommandation, intitulée Protéger les défenseurs : mettre fin à la répression des défenseurs des droits humains qui aident les réfugiés, les demandeurs d’asile et les migrants en Europe, donne un aperçu des défis auxquels sont confrontés les défenseurs des droits humains et présente les mesures que les États membres du Conseil de l’Europe devraient prendre pour les protéger.

    Dans le contexte de politiques d’asile et de migration répressives, sécuritaires et militarisées, les États négligent de plus en plus leur obligation de veiller à ce que les défenseurs des droits humains puissent travailler dans un environnement sûr et favorable. En conséquence, de multiples formes de répression s’exercent sur les défenseurs qui participent à des opérations de sauvetage en mer, fournissent une aide humanitaire ou une assistance juridique, mènent des opérations de surveillance des frontières, assurent une couverture médiatique, mènent des activités de plaidoyer, engagent des procédures contentieuses, ou soutiennent par d’autres moyens encore les réfugiés, les demandeurs d’asile et les migrants en Europe.

    La Recommandation examine les problèmes auxquels sont confrontés les défenseurs des droits humains, notamment :

    - des propos hostiles et stigmatisants tenus par des représentants gouvernementaux, des parlementaires et certains médias ;
    – des violences et des menaces, et le manque de réaction des autorités pour y répondre ;
    – la criminalisation du travail humanitaire ou de défense des droits humains mené auprès des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants, due à une application trop large des lois sur le trafic illicite de migrants ;
    – le refus d’accès à des lieux où il est essentiel d’assurer un suivi de la situation des droits humains ou de fournir une aide, tels que des centres de détention ou d’accueil ou des zones frontalières.

    « Les gouvernements européens devraient voir les défenseurs des droits humains comme des partenaires qui peuvent contribuer de manière déterminante à rendre les politiques d’asile et de migration plus efficaces et respectueuses des droits humains. Au lieu de cela, ils les traitent avec hostilité. Cette politique délibérée porte atteinte aux droits humains des acteurs de la société civile et des personnes auxquelles ils viennent en aide. Par extension, elle ronge le tissu démocratique des sociétés », a déclaré la Commissaire.

    Afin d’inverser cette tendance répressive, la Commissaire appelle à prendre d’urgence une série de mesures, dont les suivantes :

    - réformer les lois, politiques et pratiques qui entravent indûment les activités des défenseurs des droits humains ;
    – veiller à ce que les lois sur le trafic illicite de migrants ne confèrent le caractère d’infraction pénale à aucune activité de défense des droits humains ou d’aide humanitaire menée auprès des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants ;
    - lever les restrictions d’accès aux lieux et aux informations ;
    - mettre fin au discours stigmatisant et dénigrant ;
    - établir des procédures de sécurité efficaces pour les défenseurs confrontés à des violences ou à des menaces et veiller à ce que ces cas fassent l’objet d’enquêtes effectives.

    https://www.coe.int/en/web/commissioner/view/-/asset_publisher/ugj3i6qSEkhZ/content/id/264775174?_com_liferay_asset_publisher_web_portlet_AssetPublisherPortlet_INSTAN
    #criminalisation_de_la_solidarité #asile #migrations #réfugiés #solidarité #recommandation #conseil_de_l'Europe #répression #assistance_juridique #sauvetage #aide_humanitaire #violence #menaces #hostilité #droits_humains #rapport

  • RGPD -L’effacement de son nom sur les registres de baptême peut être refusé par l’Église | Service-Public.fr
    https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A17177

    L’intérêt qui s’attache, pour l’Église, à la conservation des données personnelles relatives au baptême figurant dans le registre, doit être regardé comme un motif légitime impérieux, prévalant sur l’intérêt moral du demandeur à demander l’effacement définitif de ses données.

    Et ce alors même que la personne n’a, en général vu son jeune age, pas donné son consentement pour une telle inscription.
    #baptême #apostasie #RGPD

  • Au #Cameroun, la #chasse aux #trophées heurte les droits des « premiers gardiens de la #forêt » | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/280224/au-cameroun-la-chasse-aux-trophees-heurte-les-droits-des-premiers-gardiens

    Peu de retombées économiques, des problèmes sociaux : le Cameroun n’est pas une exception. D’après l’Union internationale pour la conservation de la nature (#UICN), ce type de chasse en #Afrique ne permet de financer qu’une petite partie des montants nécessaires à la #conservation et ses retombées socioéconomiques sont faibles.

    Comment s’en étonner ? « Les zones de chasse ont été d’abord créées pour la récréation des utilisateurs », rappelle Samuel Nguiffo, secrétaire général du Centre pour l’#environnement et le #développement (CED), une ONG basée à Yaoundé. Elles font partie « d’un type de gestion extractive, d’un schéma très ancien, qui n’a pas été construit à l’origine pour défendre les intérêts des #populations, mais qu’on essaie désormais d’accommoder à la sauce “développement durable” et “changement climatique” ».

    Pour améliorer la situation, les safaris doivent obliger leurs employés à respecter les droits des #Baka, insiste Honoré Ndjinawé. Il faut revoir l’ensemble du système, juge de son côté l’acteur de la conservation cité plus haut : « On devrait pouvoir s’appuyer davantage sur la population locale pour sauvegarder les forêts et la faune qu’elle connaît mieux que quiconque et a toujours su protéger. »

    C’est aussi ce que pense Pepito Meka Makaena, qui ne veut plus de #chasse_sportive dans sa zone : « La forêt doit rester libre d’accès. On peut organiser la #lutte_antibraconnage et imaginer un autre type de protection qui ne met pas la population en difficulté. »

  • Il Consiglio d’Europa chiede all’Italia di garantire più protezione alle vittime di tratta

    Nel rapporto del Gruppo di esperti sulla lotta alla tratta di esseri umani (Greta) si chiede alle autorità di aumentare le indagini e le condanne, assicurare strumenti efficaci di risarcimento per le vittime e concentrarsi maggiormente sullo sfruttamento lavorativo. Oltre allo stop del memorandum Italia-Libia. Su cui il governo tira dritto.

    Più attenzione alla tratta per sfruttamento lavorativo, maggiori risarcimenti e indennizzi per le vittime e la necessità di aumentare il numero di trafficanti di esseri umani assicurati alla giustizia. Ma anche lo stop del memorandum Italia-Libia e la fine della criminalizzazione dei cosiddetti “scafisti”.

    Sono queste le principali criticità su cui il Gruppo di esperti del Consiglio d’Europa sulla lotta alla tratta di esseri umani (Greta) a fine febbraio ha chiesto al governo italiano di intervenire per assicurare l’applicazione delle normative europee e una tutela efficace per le vittime di tratta degli esseri umani. “Ogni anno in Italia ne vengono individuate tra le 2.100 e le 3.800 -si legge nel report finale pubblicato il 23 febbraio-. Queste cifre non riflettono la reale portata del fenomeno a causa dei persistenti limiti nelle procedure per identificare le vittime, nonché di un basso tasso di autodenuncia da parte delle stesse che temono di essere punite o deportate verso i Paesi di origine”. Una scarsa individuazione dei casi di tratta che riguarderebbe soprattutto alcuni settori “ad alto rischio” come “l’agricoltura, il tessile, i servizi domestici, l’edilizia, il settore alberghiero e la ristorazione”.

    L’oggetto del terzo monitoraggio di attuazione obblighi degli Stati stabiliti dalla Convenzione del Consiglio d’Europa sulla lotta contro la tratta degli esseri umani era proprio l’accesso alla giustizia per le vittime. Dal 13 al 17 febbraio 2023, il gruppo di esperti si è recato in Italia incontrando decine di rappresentanti istituzionali e di organizzazioni della società civile. La prima bozza del report adottata nel giugno 2023 è stata poi condivisa con il governo italiano che a ottobre ha inviato le sue risposte prima della pubblicazione finale del rapporto. Quello in cui il Greta, pur sottolineando “alcuni sviluppi positivi” dall’ultima valutazione svolta in Italia nel 2019, esprime “preoccupazione su diverse questioni”.

    Il risarcimento per le vittime della tratta è una di queste. Spesso “reso impossibile dalla mancanza di beni o proprietà degli autori del reato in Italia” ma anche perché “i meccanismi di cooperazione internazionale sono raramente utilizzati per identificare e sequestrare i beni degli stessi all’estero”. Non solo. Il sistema di indennizzo per le vittime -nel caso in cui, appunto, chi ha commesso il reato non abbia disponibilità economica- non funziona. “Serve renderlo effettivamente accessibile e aumentare il suo importo massimo di 1.500 euro”. Come ricostruito anche da Altreconomia, da quando è stato istituito questo strumento solo in un caso la vittima ha avuto accesso al fondo.

    Il Greta rileva poi una “diminuzione del numero di indagini, azioni penali e di condanne” osservando in generale una applicazione ristretta di tratta di esseri umani collegandola “all’esistenza di un elemento transnazionale, al coinvolgimento di un’organizzazione criminale e all’assenza del consenso della vittima”. Tutti elementi non previsti dalla normativa europea e italiana. Così come “desta preoccupazione l’eccessiva durata dei procedimenti giudiziari, in particolare della fase investigativa”.

    Il gruppo di esperti sottolinea poi la persistenza di segnalazioni di presunte vittime di tratta “perseguite e condannate per attività illecite commesse durante la tratta, come il traffico di droga, il possesso di un documento d’identità falso o l’ingresso irregolare”. Un problema che spesso porta la persona in carcere e non nei progetti di accoglienza specializzati. Che in Italia aumentano. Il Greta accoglie infatti con favore “l’aumento dei fondi messi a disposizione per l’assistenza alle vittime e la disponibilità di un maggior numero di posti per le vittime di tratta, anche per uomini e transgender” sottolineando però la necessità di prevedere un “finanziamento più sostenibile”. In questo momento i bandi per i progetti pubblicati dal Dipartimento per le pari opportunità, hanno una durata tra i 17 e i 18 mesi.

    C’è poi la difficoltà nell’accesso all’assistenza legale gratuita che dovrebbe essere garantita alle vittime che invece, spesso, si trovano obbligate a dimostrare di non avere beni di proprietà non solo in Italia ma anche nei loro Paesi d’origine per poter accedere alle forme di consulenza legale gratuita. Problematico è anche l’accesso all’assistenza sanitaria. “I professionisti del Sistema sanitario nazionale -scrive il Greta- non sono formati per assistere le vittime di tratta con gravi traumi e mancano mediatori culturali formati per partecipare alla fornitura di assistenza psicologica”.

    Come detto, il focus degli esperti riguarda la tratta per sfruttamento lavorativo. Su cui l’Italia ha adottato diverse misure di protezione per le vittime ma che però restano insufficienti. “Lo sfruttamento del lavoro continua a essere profondamente radicato in alcuni settori che dipendono fortemente dalla manodopera migrante” ed è necessario “garantire risorse che risorse sufficienti siano messe a disposizione degli ispettori del lavoro, rafforzando il monitoraggio dei settori a rischio e garantendo che le condizioni di vita e di lavoro dei lavoratori migranti soddisfare i requisiti previsti dalla normativa al fine di prevenire abusi”.

    Infine il Greta bacchetta il governo italiano su diversi aspetti relativi alla nuova normativa sui richiedenti asilo. “Temiamo che le misure restrittive adottate dall’Italia favoriscano un clima di criminalizzazione dei migranti, con il risultato che molte potenziali vittime della tratta non denunciano i loro casi per paura di detenzione e deportazione”, scrivono gli esperti. Sottolineando la preoccupazione rispetto al “rischio di aumento del numero di richiedenti asilo nei centri di detenzione amministrativa” previsto dagli ultimi provvedimenti normativi che aumenterebbe la possibilità anche per le vittime di tratta non ancora identificate di essere recluse. Un rischio riscontrato anche per il Protocollo sottoscritto con l’Albania per gli impatti che avrà “sull’individuazione e la protezione delle persone vulnerabili salvate in mare”.

    Sul punto, nelle risposte inviate al Greta l’8 febbraio 2024, il governo italiano sottolinea che il protocollo siglato con la controparte albanese “non si applicherà alle persone vulnerabili, incluse le vittime di tratta”. Resta il punto della difficoltà di identificazione fatta subito dopo il soccorso, spesso in condizioni precarie dopo una lunga e faticosa traversata.

    Ma nelle dieci pagine di osservazioni inviate da parte dell’Italia, salta all’occhio la puntualizzazione rispetto alla richiesta del Greta di sospendere il memorandum d’intesa tra Italia e Libia che fa sì che “un numero crescente di migranti salvati o intercettati nel Mediterraneo vengano rimpatriati in Libia dove rischiano -scrivono gli esperti- di subire gravi violazioni dei diritti umani, tra cui la schiavitù, il lavoro forzato e lo sfruttamento sessuale”. Nella risposta, infatti, il governo sottolinea che ha scelto di cooperare con le autorità libiche “con l’obiettivo di ridurre i morti in mare, nel pieno rispetto dei diritti umani” e che la collaborazione “permette di combattere più efficacemente le reti di trafficanti di esseri umani e di coloro che contrabbandano i migranti”. Con il rispetto dei diritti umani, del diritti umanitario e internazionale che è “sempre stata una priorità”. Evidentemente non rispettata. Ma c’è un dettaglio in più.

    Quel contrasto al traffico di migranti alla base anche del memorandum con la Libia, sbandierato a più riprese dall’esecutivo italiano (“Andremo a cercare gli ‘scafisti’ lungo tutto il globo terracqueo”, disse la premier Giorgia Meloni a inizio marzo 2023) viene messo in discussione nel rapporto. Dopo aver sottolineato la diminuzione delle indagini sui trafficanti di esseri umani, il Greta scrive che i “capitani” delle navi che arrivano in Italia “potrebbero essere stati costretti tramite minacce, violenza fisica e abuso di una posizione di vulnerabilità nel partecipare all’attività criminali”. Indicatori che li farebbero ricadere nella “categoria” delle vittime di tratta. “Nessuno, però, è stato considerato come tale”, osservano gli esperti. Si scioglie come neve al sole la retorica sulla “guerra” ai trafficanti. I pezzi grossi restano, nel frattempo, impuniti.

    https://altreconomia.it/il-consiglio-deuropa-chiede-allitalia-di-garantire-piu-protezione-alle-

    #traite_d'êtres_humains #Italie #protection #Conseil_de_l'Europe #exploitation #Greta #rapport #agriculture #industrie_textile #hôtelerie #bâtiment #BTS #services_domestiques #restauration #indemnisation #accès_à_la_santé #criminalisation_de_la_migration #Albanie

  • Quand Emmanuel Macron maltraite le Conseil d’État - AOC media
    https://aoc.media/opinion/2024/02/19/quand-emmanuel-macron-maltraite-le-conseil-detat

    POLITIQUE
    Quand Emmanuel Macron maltraite le Conseil d’État
    Par Thomas Perroud

    JURISTE
    L’intervention directe d’Emmanuel Macron dans la nomination clé au Conseil d’État met en lumière la volonté présidentielle de contrôler étroitement les organes judiciaires et de s’inscrire dans le discours critiquant l’indépendance des juges. En ébranlant les fondements des contre-pouvoirs et en défiant ouvertement les normes européennes, le gouvernement actuel semble esquisser les contours d’un « Frexit » juridique, questionnant profondément le futur de la France dans son rapport aux droits fondamentaux et à son ancrage européen.

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    La décision d’Emmanuel Macron de refuser la nomination de Rémy Schwartz pour présider la section des Finances du Conseil d’État pour lui préférer un autre candidat que celui qui avait été choisi en interne est loin d’être anecdotique.

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    D’abord, elle est révélatrice d’un désaveu du Conseil d’État, accusé de ne pas juger en faveur de l’exécutif : elle reflète en ce sens un rejet des contre-pouvoirs tout en rejouant une petite musique – encore sourde mais de plus en plus audible –, de critique frontale des juges et des droits de l’Homme. Ensuite, elle s’inscrit dans une série de décisions menaçant les institutions indépendantes. Enfin, elle traduit, dans l’histoire constitutionnelle française, la propension des exécutifs forts à privilégier des personnalités proches du pouvoir pour occuper les postes majeurs au Conseil d’État : depuis sa création par Napoléon, le Conseil d’État a ainsi toujours été cronfort.

    Le macronisme et le tournant populiste du conservatisme français
    Quelle est la justification avancée pour refuser ainsi un candidat irréprochable ? Les explications fournies aussi bien dans l’Opinion que dans la Lettre doivent alerter. Il est reproché au Conseil d’État de suivre la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et de la CEDH. Cet argument doit être pris au sérieux : il s’inscrit dans le lobbying exercé par certains cercles pour une forme de Frexit juridique. Déjà, le Conseil d’État a, dans une décision importante mais passée inaperçue dans l’opinion, fait prévaloir une lecture conservatrice de la Constitution sur une jurisprudence claire et protectrice des droits de la Cour de justice, allant ainsi dans le sens du ministère de l’Intérieur et permettant une surveillance de masse des données des internautes : avec cette décision, c’est la première fois que le Conseil d’État met un coup d’arrêt à sa posture accueillante au droit de l’Union européenne et au droit international en général, politique inaugurée à la fin des années quatre-vingt.

    Si l’exécutif est engagé dans une politique de rupture vis-à-vis de l’Union européenne et de la CEDH, il est plus que temps d’ouvrir cette position au débat public. Au lieu d’affronter ce débat, il semble que les gouvernants actuellement au pouvoir tentent d’obtenir une sécession, par le bas, de l’Europe, en faisant pression sur les tribunaux. Au titre de l’Union européenne, c’est le droit de la protection des données qui est menacé et, bien entendu, le droit de l’environnement. Au titre de la CEDH, ce sont les droits qui ont offert aux individus des garanties contre la puissance étatique qui font l’objet des critiques, ainsi que les droits protégeant les migrants. Ce faisant, l’exécutif français se fait l’écho d’une voix qui perce dans l’espace public.

    La critique des droits de l’Homme et du gouvernement des juges est de plus en plus insistante. Le 6 janvier 2024, Alain Finkielkraut, Franz-Olivier Giesbert et Jean-Louis Bourlanges se sont ainsi retrouvés d’accord dans « Répliques » pour estimer que le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel et la Cour de justice comme la CEDH ont pris le pouvoir en France. Ce point de vue est partagé par Jean-Eric Schoettl, ancien Secrétaire général du Conseil constitutionnel[1] ou Noëlle Lenoir, ancienne juge constitutionnelle. Jean-Eric Schoettl, depuis sa critique du gouvernement des juges, est à l’origine de l’idée de « bouclier constitutionnel » pour se protéger de l’Europe. Le dernier livre de Franz-Olivier Giesbert tire ainsi sans ménagements sur le Conseil d’État avec une violence peu commune[2].

    Si la décision précitée vient sanctionner une politique jurisprudentielle trop accommodante vis-à-vis de l’Europe – politique qui date des années 80, il faut le dire – les signaux annonciateurs d’un Frexit juridique s’accumulent depuis la décision sur la rétention de masse des données des internautes jusqu’à la décision de la Cour de cassation refusant l’effet direct de la Charte des droits sociaux de l’Union européenne pour donner sa pleine application aux fameux « barèmes Macron » en cas de licenciement. Le Brexit a lui aussi été précédé d’une campagne contre les juges – qui continue d’ailleurs. Des deux côtés de la Manche, c’est bien le même programme politique sous-jacent, profondément illibéral, visant à amenuiser les contre-pouvoirs, qui est à l’œuvre. Le macronisme s’inscrit dans cette veine, en combattant une indépendance de la justice qu’il a pourtant le devoir constitutionnel de défendre.

    Le macronisme et les contre-pouvoirs
    La décision doit aussi être inscrite dans une série témoignant une volonté de reprise en main des corps indépendants. L’instrumentalisation du Conseil constitutionnel, qui a été dénoncée récemment à l’occasion de la loi sur l’immigration, n’est sans doute pas récente : dès sa création, le Conseil a été pensé comme étant proche du Président de la République, son premier président, Léon Noël, inaugurant des entretiens réguliers avec le général de Gaulle, entretiens refusés avec les parlementaires.

    Beaucoup plus insolite a été la décision d’Emmanuel Macron de ne pas renouveler Isabelle de Silva à la présidence de l’Autorité de la concurrence. C’est la première fois depuis les années quatre-vingt qu’un président de la République manifeste ainsi son pouvoir vis-à-vis d’une institution de ce rang. Cet acte n’est pas isolé : Laurent Mauduit a réalisé une enquête très approfondie sur tous les cas d’ingérence, qui se sont en réalité multipliés dans la période récente, en prenant pour levier le pouvoir de nomination détenu par le président de la République. Le parti Renaissance a aussi évoqué la suppression de certaines autorités administratives indépendantes en mai 2023[3].

    L’intégrité du Conseil d’État victime des exécutifs forts
    Il est aussi intéressant de regarder le type de profil privilégié pour le poste de président de la section des Finances. La Lettre explique que le profil « est allé au contact du politique » ». Alors que les précédents désaveux présidentiels étaient motivés par la trop grande proximité du profil retenu par le Conseil d’État avec un engagement partisan (François Mitterrand refusant Guy Braibant proche du parti communiste ou Nicolas Sarkozy rejetant Christian Vigouroux pour sa proximité avec le parti socialiste), c’est un motif opposé qui a animé le président Emmanuel Macron.

    Or, préférer un profil proche du politique est une constante des présidents autoritaires de notre histoire constitutionnelle. En instituant le Conseil d’État, Napoléon ne voulait pas d’un juge indépendant ; la IIIe République avait renforcé cette indépendance, en supprimant sa fonction consultative pour les projets de loi. Après l’arrêt Canal en 1962, le général de Gaulle a été jusqu’à vouloir supprimer le Conseil d’Etat : si le projet a été abandonné, les réformes consécutives à cette crise ont consisté à rapprocher davantage le Conseil d’État du politique en créant notamment la double appartenance des membres du Conseil aux sections consultatives et aux sections contentieuses. Préférer un profil proche du politique, donc « conflicté » c’est faire sentir au Conseil d’État sa dépendance : c’est un rappel à l’ordre.

    Qu’un président de la République veuille défendre une certaine politique est naturel dans une démocratie, particulièrement en France puisqu’il est élu au suffrage universel direct. Ce qui est navrant et profondément antilibéral, c’est un mode d’expression du mécontentement qui se passe d’explication, de motivation – et de motivation en droit – et fait dépendre la nomination des plus hauts fonctionnaires d’un critère politique plutôt que de l’intégrité d’une carrière dévouée au service de l’intérêt général.

    Thomas Perroud

    #Conseil_d'Etat #illibéralisme #Macron

  • #Université, service public ou secteur productif ?

    L’#annonce d’une “vraie #révolution de l’Enseignement Supérieur et la Recherche” traduit le passage, organisé par un bloc hégémonique, d’un service public reposant sur des #carrières, des #programmes et des diplômes à l’imposition autoritaire d’un #modèle_productif, au détriment de la #profession.

    L’annonce d’une « #vraie_révolution » de l’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR) par Emmanuel Macron le 7 décembre, a pour objet, annonce-t-il, d’« ouvrir l’acte 2 de l’#autonomie et d’aller vers la #vraie_autonomie avec des vrais contrats pluriannuels où on a une #gouvernance qui est réformée » sans recours à la loi, avec un agenda sur dix-huit mois et sans modifications de la trajectoire budgétaire. Le président sera accompagné par un #Conseil_présidentiel_de_la_science, composé de scientifiques ayant tous les gages de reconnaissance, mais sans avoir de lien aux instances professionnelles élues des personnels concernés. Ce Conseil pilotera la mise en œuvre de cette « révolution », à savoir transformer les universités, en s’appuyant sur celles composant un bloc d’#excellence, et réduire le #CNRS en une #agence_de_moyen. Les composantes de cette grande transformation déjà engagée sont connues. Elle se fera sans, voire contre, la profession qui était auparavant centrale. Notre objet ici n’est ni de la commenter, ni d’en reprendre l’historique (Voir Charle 2021).

    Nous en proposons un éclairage mésoéconomique que ne perçoit ni la perspective macroéconomique qui pense à partir des agrégats, des valeurs d’ensemble ni l’analyse microéconomique qui part de l’agent et de son action individuelle. Penser en termes de mésoéconomie permet de qualifier d’autres logiques, d’autres organisations, et notamment de voir comment les dynamiques d’ensemble affectent sans déterminisme ce qui s’organise à l’échelle méso, et comment les actions d’acteurs structurent, elles aussi, les dynamiques méso.

    La transformation de la régulation administrée du #système_éducatif, dont nombre de règles perdurent, et l’émergence d’une #régulation_néolibérale de l’ESR, qui érode ces règles, procède par trois canaux : transformation du #travail et des modalités de construction des #carrières ; mise en #concurrence des établissements ; projection dans l’avenir du bloc hégémonique (i.e. les nouveaux managers). L’action de ces trois canaux forment une configuration nouvelle pour l’ESR qui devient un secteur de production, remodelant le système éducatif hier porté par l’État social. Il s’agissait de reproduire la population qualifiée sous l’égide de l’État. Aujourd’hui, nous sommes dans une nouvelle phase du #capitalisme, et cette reproduction est arrimée à l’accumulation du capital dans la perspective de #rentabilisation des #connaissances et de contrôle des professionnels qui l’assurent.

    Le couplage de l’évolution du système d’ESR avec la dynamique de l’#accumulation, constitue une nouvelle articulation avec le régime macro. Cela engendre toutefois des #contradictions majeures qui forment les conditions d’une #dégradation rapide de l’ESR.

    Co-construction historique du système éducatif français par les enseignants et l’État

    Depuis la Révolution française, le système éducatif français s’est déployé sur la base d’une régulation administrée, endogène, co-construite par le corps enseignant et l’État ; la profession en assumant de fait la charge déléguée par l’État (Musselin, 2022). Historiquement, elle a permis la croissance des niveaux d’éducation successifs par de la dépense publique (Michel, 2002). L’allongement historique de la scolarité (fig.1) a permis de façonner la force de travail, facteur décisif des gains de productivité au cœur de la croissance industrielle passée. L’éducation, et progressivement l’ESR, jouent un rôle structurant dans la reproduction de la force de travail et plus largement de la reproduction de la société - stratifications sociales incluses.

    À la fin des années 1960, l’expansion du secondaire se poursuit dans un contexte où la détention de diplômes devient un avantage pour s’insérer dans l’emploi. D’abord pour la bourgeoisie. La massification du supérieur intervient après les années 1980. C’est un phénomène décisif, visible dès les années 1970. Rapidement cela va télescoper une période d’austérité budgétaire. Au cours des années 2000, le pilotage de l’université, basé jusque-là sur l’ensemble du système éducatif et piloté par la profession (pour une version détaillée), s’est effacé au profit d’un pilotage pour et par la recherche, en lien étroit avec le régime d’accumulation financiarisé dans les pays de l’OCDE. Dans ce cadre, l’activité économique est orientée par l’extraction de la valeur financière, c’est à dire principalement par les marchés de capitaux et non par l’activité productive (Voir notamment Clévenot 2008).
    L’ESR : formation d’un secteur productif orienté par la recherche

    La #massification du supérieur rencontre rapidement plusieurs obstacles. Les effectifs étudiants progressent plus vite que ceux des encadrants (Piketty met à jour un graphique révélateur), ce qui entrave la qualité de la formation. La baisse du #taux_d’encadrement déclenche une phase de diminution de la dépense moyenne, car dans l’ESR le travail est un quasi-coût fixe ; avant que ce ne soit pour cette raison les statuts et donc la rémunération du travail qui soient visés. Ceci alors que pourtant il y a une corrélation étroite entre taux d’encadrement et #qualité_de_l’emploi. L’INSEE montre ainsi que le diplôme est un facteur d’amélioration de la productivité, alors que la productivité plonge en France (voir Aussilloux et al. (2020) et Guadalupe et al. 2022).

    Par ailleurs, la massification entraine une demande de différenciation de la part les classes dominantes qui perçoivent le #diplôme comme un des instruments de la reproduction stratifiée de la population. C’est ainsi qu’elles se détournent largement des filières et des établissements massifiés, qui n’assurent plus la fonction de « distinction » (voir le cas exemplaire des effectifs des #écoles_de_commerce et #grandes_écoles).

    Dans le même temps la dynamique de l’accumulation suppose une population formée par l’ESR (i.e. un niveau de diplomation croissant). Cela se traduit par l’insistance des entreprises à définir elles-mêmes les formations supérieures (i.e. à demander des salariés immédiatement aptes à une activité productive, spécialisés). En effet la connaissance, incorporée par les travailleurs, est devenue un actif stratégique majeur pour les entreprises.

    C’est là qu’apparaît une rupture dans l’ESR. Cette rupture est celle de la remise en cause d’un #service_public dont l’organisation est administrée, et dont le pouvoir sur les carrières des personnels, sur la définition des programmes et des diplômes, sur la direction des établissements etc. s’estompe, au profit d’une organisation qui revêt des formes d’un #secteur_productif.

    Depuis la #LRU (2007) puis la #LPR (2020) et la vague qui s’annonce, on peut identifier plusieurs lignes de #transformation, la #mise_en_concurrence conduisant à une adaptation des personnels et des établissements. Au premier titre se trouvent les instruments de #pilotage par la #performance et l’#évaluation. À cela s’ajoute la concurrence entre établissements pour l’#accès_aux_financements (type #Idex, #PIA etc.), aux meilleures candidatures étudiantes, aux #labels et la concurrence entre les personnels, pour l’accès aux #dotations (cf. agences de programmes, type #ANR, #ERC) et l’accès aux des postes de titulaires. Enfin le pouvoir accru des hiérarchies, s’exerce aux dépens de la #collégialité.

    La généralisation de l’évaluation et de la #sélection permanente s’opère au moyen d’#indicateurs permettant de classer. Gingras évoque une #Fièvre_de_l’évaluation, qui devient une référence définissant des #standards_de_qualité, utilisés pour distribuer des ressources réduites. Il y a là un instrument de #discipline agissant sur les #conduites_individuelles (voir Clémentine Gozlan). L’important mouvement de #fusion des universités est ainsi lié à la recherche d’un registre de performance déconnecté de l’activité courante de formation (être université de rang mondial ou d’université de recherche), cela condensé sous la menace du #classement_de_Shanghai, pourtant créé dans un tout autre but.

    La remise en question du caractère national des diplômes, revenant sur les compromis forgés dans le temps long entre les professions et l’État (Kouamé et al. 2023), quant à elle, assoit la mise en concurrence des établissements qui dépossède en retour la profession au profit des directions d’établissement.

    La dynamique de #mise_en_concurrence par les instruments transforme les carrières et la relation d’#emploi, qui reposaient sur une norme commune, administrée par des instances élues, non sans conflit. Cela fonctionne par des instruments, au sens de Lascoumes et Legalès, mais aussi parce que les acteurs les utilisent. Le discours du 7 décembre est éloquent à propos de la transformation des #statuts pour assurer le #pilotage_stratégique non par la profession mais par des directions d’établissements :

    "Et moi, je souhaite que les universités qui y sont prêtes et qui le veulent fassent des propositions les plus audacieuses et permettent de gérer la #ressource_humaine (…) la ministre m’a interdit de prononcer le mot statut. (…) Donc je n’ai pas dit qu’on allait réformer les statuts (…) moi, je vous invite très sincèrement, vous êtes beaucoup plus intelligents que moi, tous dans cette salle, à les changer vous-mêmes."

    La démarche est caractéristique du #new_management_public : une norme centrale formulée sur le registre non discutable d’une prétérition qui renvoie aux personnes concernées, celles-là même qui la refuse, l’injonction de s’amputer (Bechtold-Rognon & Lamarche, 2011).

    Une des clés est le transfert de gestion des personnels aux établissements alors autonomes : les carrières, mais aussi la #gouvernance, échappent progressivement aux instances professionnelles élues. Il y a un processus de mise aux normes du travail de recherche, chercheurs/chercheuses constituant une main d’œuvre qui est atypique en termes de formation, de types de production fortement marqués par l’incertitude, de difficulté à en évaluer la productivité en particulier à court terme. Ce processus est un marqueur de la transformation qui opère, à savoir, un processus de transformation en un secteur. La #pénurie de moyen public est un puissant levier pour que les directions d’établissement acceptent les #règles_dérogatoires (cf. nouveaux contrats de non titulaires ainsi que les rapports qui ont proposé de spécialiser voire de moduler des services).

    On a pu observer depuis la LRU et de façon active depuis la LPR, à la #destruction régulière du #compromis_social noué entre l’État social et le monde enseignant. La perte spectaculaire de #pouvoir_d’achat des universitaires, qui remonte plus loin historiquement, en est l’un des signaux de fond. Il sera progressivement articulé avec l’éclatement de la relation d’emploi (diminution de la part de l’emploi sous statut, #dévalorisation_du_travail etc.).

    Arrimer l’ESR au #régime_d’accumulation, une visée utilitariste

    L’État est un acteur essentiel dans l’émergence de la production de connaissance, hier comme commun, désormais comme résultat, ou produit, d’un secteur productif. En dérégulant l’ESR, le principal appareil de cette production, l’État délaisse la priorité accordée à la montée de la qualification de la population active, au profit d’un #pilotage_par_la_recherche. Ce faisant, il radicalise des dualités anciennes entre système éducatif pour l’élite et pour la masse, entre recherche utile à l’industrie et recherche vue comme activité intellectuelle (cf. la place des SHS), etc.

    La croissance des effectifs étudiants sur une période assez longue, s’est faite à moyens constants avec des effectifs titulaires qui ne permettent pas de maintenir la qualité du travail de formation (cf. figure 2). L’existence de gisements de productivité supposés, à savoir d’une partie de temps de travail des enseignants-chercheurs inutilisé, a conduit à une pénurie de poste et à une recomposition de l’emploi : alourdissement des tâches des personnels statutaires pour un #temps_de_travail identique et développement de l’#emploi_hors_statut. Carpentier & Picard ont récemment montré, qu’en France comme ailleurs, le recours au #précariat s’est généralisé, participant par ce fait même à l’effritement du #corps_professionnel qui n’a plus été à même d’assurer ni sa reproduction ni ses missions de formation.

    C’est le résultat de l’évolution longue. L’#enseignement est la part délaissée, et les étudiants et étudiantes ne sont plus au cœur des #politiques_universitaires : ni par la #dotation accordée par étudiant, ni pour ce qui structure la carrière des universitaires (rythmée par des enjeux de recherche), et encore moins pour les dotations complémentaires (associées à une excellence en recherche). Ce mouvement se met toutefois en œuvre en dehors de la formation des élites qui passent en France majoritairement par les grandes écoles (Charle et Soulié, 2015). Dès lors que les étudiants cessaient d’être le principe organisateur de l’ESR dans les universités, la #recherche pouvait s’y substituer. Cela intervient avec une nouvelle convention de qualité de la recherche. La mise en œuvre de ce principe concurrentiel, initialement limité au financement sur projets, a été élargie à la régulation des carrières.

    La connaissance, et de façon concrète le niveau de diplôme des salariés, est devenu une clé de la compétitivité, voire, pour les gouvernements, de la perspective de croissance. Alors que le travail de recherche tend à devenir une compétence générale du travail qualifié, son rôle croissant dans le régime d’accumulation pousse à la transformation du rapport social de travail de l’ESR.

    C’est à partir du système d’#innovation, en ce que la recherche permet de produire des actifs de production, que l’appariement entre recherche et profit participe d’une dynamique nouvelle du régime d’accumulation.

    Cette dynamique est pilotée par l’évolution jointe du #capitalisme_financiarisé (primauté du profit actionnarial sur le profit industriel) et du capitalisme intensif en connaissance. Les profits futurs des entreprises, incertains, sont liés d’une part aux investissements présents, dont le coût élevé repose sur la financiarisation tout en l’accélérant, et d’autre part au travail de recherche, dont le contrôle échappe au régime historique de croissance de la productivité. La diffusion des compétences du travail de recherche, avec la montée des qualifications des travailleurs, et l’accumulation de connaissances sur lequel il repose, deviennent primordiaux, faisant surgir la transformation du contenu du travail par l’élévation de sa qualité dans une division du travail qui vise pourtant à l’économiser. Cela engendre une forte tension sur la production des savoirs et les systèmes de transmission du savoir qui les traduisent en connaissances et compétences.

    Le travail de recherche devenant une compétence stratégique du travail dans tous les secteurs d’activité, les questions posées au secteur de recherche en termes de mesure de l’#efficacité deviennent des questions générales. L’enjeu en est l’adoption d’une norme d’évaluation que les marchés soient capables de faire circuler parmi les secteurs et les activités consommatrices de connaissances.

    Un régime face à ses contradictions

    Cette transformation de la recherche en un secteur, arrimé au régime d’accumulation, suppose un nouveau compromis institutionnalisé. Mais, menée par une politique néolibérale, elle se heurte à plusieurs contradictions majeures qui détruisent les conditions de sa stabilisation sans que les principes d’une régulation propre ne parviennent à émerger.

    Quand la normalisation du travail de recherche dévalorise l’activité et les personnels

    Durant la longue période de régulation administrée, le travail de recherche a associé le principe de #liberté_académique à l’emploi à statut. L’accomplissement de ce travail a été considéré comme incompatible avec une prise en charge par le marché, ce dernier n’étant pas estimé en capacité de former un signal prix sur les services attachés à ce type de travail. Ainsi, la production de connaissance est un travail entre pairs, rattachés à des collectifs productifs. Son caractère incertain, la possibilité de l’erreur sont inscrits dans le statut ainsi que la définition de la mission (produire des connaissances pour la société, même si son accaparement privé par la bourgeoisie est structurel). La qualité de l’emploi, notamment via les statuts, a été la clé de la #régulation_professionnelle. Avec la #mise_en_concurrence_généralisée (entre établissements, entre laboratoires, entre Universités et grandes écoles, entre les personnels), le compromis productif entre les individus et les collectifs de travail est rompu, car la concurrence fait émerger la figure du #chercheur_entrepreneur, concerné par la #rentabilisation des résultats de sa recherche, via la #valorisation sous forme de #propriété_intellectuelle, voire la création de #start-up devenu objectifs de nombre d’université et du CNRS.

    La réponse publique à la #dévalorisation_salariale évoquée plus haut, passe par une construction différenciée de la #rémunération, qui rompt le compromis incarné par les emplois à statut. Le gel des rémunérations s’accompagne d’une individualisation croissante des salaires, l’accès aux ressources étant largement subordonné à l’adhésion aux dispositifs de mise en concurrence. La grille des rémunérations statutaires perd ainsi progressivement tout pouvoir organisationnel du travail. Le rétrécissement de la possibilité de travailler hors financements sur projet est indissociable du recours à du #travail_précaire. La profession a été dépossédée de sa capacité à défendre son statut et l’évolution des rémunérations, elle est inopérante à faire face à son dépècement par le bloc minoritaire.

    La contradiction intervient avec les dispositifs de concurrence qui tirent les instruments de la régulation professionnelle vers une mise aux normes marchandes pour une partie de la communauté par une autre. Ce mouvement est rendu possible par le décrochage de la rémunération du travail : le niveau de rémunération d’entrée dans la carrière pour les maîtres de conférences est ainsi passé de 2,4 SMIC dans les années 1980 à 1,24 aujourd’hui.

    Là où le statut exprimait l’impossibilité d’attacher une valeur au travail de recherche hors reconnaissance collective, il tend à devenir un travail individualisable dont le prix sélectionne les usages et les contenus. Cette transformation du travail affecte durablement ce que produit l’université.

    Produire de l’innovation et non de la connaissance comme communs

    Durant la période administrée, c’est sous l’égide de la profession que la recherche était conduite. Définissant la valeur de la connaissance, l’action collective des personnels, ratifiée par l’action publique, pose le caractère non rival de l’activité. La possibilité pour un résultat de recherche d’être utilisé par d’autres sans coût de production supplémentaire était un gage d’efficacité. Les passerelles entre recherche et innovation étaient nombreuses, accordant des droits d’exploitation, notamment à l’industrie. Dans ce cadre, le lien recherche-profit ou recherche-utilité économique, sans être ignoré, ne primait pas. Ainsi, la communauté professionnelle et les conditions de sa mise au travail correspondait à la nature de ce qui était alors produit, à savoir les connaissances comme commun. Le financement public de la recherche concordait alors avec la nature non rivale et l’incertitude radicale de (l’utilité de) ce qui est produit.

    La connaissance étant devenue un actif stratégique, sa valorisation par le marché s’est imposée comme instrument d’orientation de la recherche. Finalement dans un régime d’apparence libérale, la conduite politique est forte, c’est d’ailleurs propre d’un régime néolibéral tel que décrit notamment par Amable & Palombarini (2018). Les #appels_à_projet sélectionnent les recherches susceptibles de #valorisation_économique. Là où la #publication fait circuler les connaissances et valide le caractère non rival du produit, les classements des publications ont pour objet de trier les résultats. La priorité donnée à la protection du résultat par la propriété intellectuelle achève le processus de signalement de la bonne recherche, rompant son caractère non rival. La #rivalité exacerbe l’effectivité de l’exclusion par les prix, dont le niveau est en rapport avec les profits anticipés.

    Dans ce contexte, le positionnement des entreprises au plus près des chercheurs publics conduit à une adaptation de l’appareil de production de l’ESR, en créant des lieux (#incubateurs) qui établissent et affinent l’appariement recherche / entreprise et la #transférabilité à la #valorisation_marchande. La hiérarchisation des domaines de recherche, des communautés entre elles et en leur sein est alors inévitable. Dans ce processus, le #financement_public, qui continue d’endosser les coûts irrécouvrables de l’incertitude, opère comme un instrument de sélection et d’orientation qui autorise la mise sous contrôle de la sphère publique. L’ESR est ainsi mobilisée par l’accumulation, en voyant son autonomie (sa capacité à se réguler, à orienter les recherches) se réduire. L’incitation à la propriété intellectuelle sur les résultats de la recherche à des fins de mise en marché est un dispositif qui assure cet arrimage à l’accumulation.

    Le caractère appropriable de la recherche, devenant essentiel pour la légitimation de l’activité, internalise une forme de consentement de la communauté à la perte du contrôle des connaissances scientifiques, forme de garantie de sa circulation. Cette rupture de la non-rivalité constitue un coût collectif pour la société que les communautés scientifiques ne parviennent pas à rendre visible. De la même manière, le partage des connaissances comme principe d’efficacité par les externalités positives qu’il génère n’est pas perçu comme un principe alternatif d’efficacité. Chemin faisant, une recherche à caractère universel, régulée par des communautés, disparait au profit d’un appareil sous doté, orienté vers une utilité de court terme, relayé par la puissance publique elle-même.

    Un bloc hégémonique réduit, contre la collégialité universitaire

    En tant que mode de gouvernance, la collégialité universitaire a garanti la participation, et de fait la mobilisation des personnels, car ce n’est pas la stimulation des rémunérations qui a produit l’#engagement. Les collectifs de travail s’étaient dotés d’objectifs communs et s’étaient accordés sur la #transmission_des_savoirs et les critères de la #validation_scientifique. La #collégialité_universitaire en lien à la définition des savoirs légitimes a été la clé de la gouvernance publique. Il est indispensable de rappeler la continuité régulatrice entre liberté académique et organisation professionnelle qui rend possible le travail de recherche et en même temps le contrôle des usages de ses produits.

    Alors que l’université doit faire face à une masse d’étudiants, elle est évaluée et ses dotations sont accordées sur la base d’une activité de recherche, ce qui produit une contradiction majeure qui affecte les universités, mais pas toutes. Il s’effectue un processus de #différenciation_territoriale, avec une masse d’établissements en souffrance et un petit nombre qui a été retenu pour former l’élite. Les travaux de géographes sur les #inégalités_territoriales montrent la très forte concentration sur quelques pôles laissant des déserts en matière de recherche. Ainsi se renforce une dualité entre des universités portées vers des stratégies d’#élite et d’autres conduites à accepter une #secondarisation_du_supérieur. Une forme de hiatus entre les besoins technologiques et scientifiques massifs et le #décrochage_éducatif commence à être diagnostiquée.

    La sectorisation de l’ESR, et le pouvoir pris par un bloc hégémonique réduit auquel participent certaines universités dans l’espoir de ne pas être reléguées, ont procédé par l’appropriation de prérogatives de plus en plus larges sur les carrières, sur la valorisation de la recherche et la propriété intellectuelle, de ce qui était un commun de la recherche. En cela, les dispositifs d’excellence ont joué un rôle marquant d’affectation de moyens par une partie étroite de la profession. De cette manière, ce bloc capte des prébendes, assoit son pouvoir par la formation des normes concurrentielles qu’il contrôle et développe un rôle asymétrique sur les carrières par son rôle dominant dans l’affectation de reconnaissance professionnelle individualisée, en contournant les instances professionnelles. Il y a là création de nouveaux périmètres par la norme, et la profession dans son ensemble n’a plus grande prise, elle est mise à distance des critères qui servent à son nouveau fonctionnement et à la mesure de la performance.

    Les dispositifs mis en place au nom de l’#excellence_scientifique sont des instruments pour ceux qui peuvent s’en emparer et définissant les critères de sélection selon leur représentation, exercent une domination concurrentielle en sélectionnant les élites futures. Il est alors essentiel d’intégrer les Clubs qui en seront issus. Il y a là une #sociologie_des_élites à préciser sur la construction d’#UDICE, club des 10 universités dites d’excellence. L’évaluation de la performance détermine gagnants et perdants, via des labels, qui couronnent des processus de sélection, et assoit le pouvoir oligopolistique et les élites qui l’ont porté, souvent contre la masse de la profession (Musselin, 2017).

    Le jeu des acteurs dominants, en lien étroit avec le pouvoir politique qui les reconnait et les renforce dans cette position, au moyen d’instruments de #rationalisation de l’allocation de moyens pénuriques permet de définir un nouvel espace pour ceux-ci, ségrégué du reste de l’ESR, démarche qui est justifié par son arrimage au régime d’accumulation. Ce processus s’achève avec une forme de séparatisme du nouveau bloc hégémonique composé par ces managers de l’ESR, composante minoritaire qui correspond d’une certaine mesure au bloc bourgeois. Celles- et ceux-là même qui applaudissent le discours présidentiel annonçant la révolution dont un petit fragment tirera du feu peu de marrons, mais qui seront sans doute pour eux très lucratifs. Toutefois le scénario ainsi décrit dans sa tendance contradictoire pour ne pas dire délétère ne doit pas faire oublier que les communautés scientifiques perdurent, même si elles souffrent. La trajectoire choisie de sectorisation déstabilise l’ESR sans ouvrir d’espace pour un compromis ni avec les personnels ni pour la formation. En l’état, les conditions d’émergence d’un nouveau régime pour l’ESR, reliant son fonctionnement et sa visée pour la société ne sont pas réunies, en particulier parce que la #rupture se fait contre la profession et que c’est pourtant elle qui reste au cœur de la production.

    https://laviedesidees.fr/Universite-service-public-ou-secteur-productif
    #ESR #facs #souffrance

  • L’UE va octroyer 87 millions d’euros à l’Égypte pour la gestion des migrations en 2024

    En 2024, l’UE fournira 87 millions d’euros ainsi que de nouveaux #équipements à l’Égypte pour un projet de gestion des migrations lancé en 2022, mis en œuvre par l’#Organisation_Internationale_pour_les_Migrations (#OIM) et l’opérateur de #coopération_technique du ministère français de l’Intérieur #Civipol, ont confirmé trois sources proches du dossier à Euractiv.

    L’enveloppe de 87 millions d’euros pourrait passer à 110 millions d’euros après la prochaine réunion du #Conseil_d’association_UE-Egypte le 23 janvier, ont confirmé deux sources à Euractiv.

    La Commission européenne mène également des #négociations parallèles avec Le Caire afin de conditionner un ensemble de financements pour d’autres projets couvrant un large éventail de secteurs, y compris les migrations, aux recommandations du #Fonds_monétaire_international (#FMI) en matière de réforme, a indiqué une source au fait des négociations.

    Les 87 millions d’euros seront consacrés au renforcement de la #capacité_opérationnelle de la #marine égyptienne et des #gardes-frontières pour la #surveillance_des_frontières ainsi que pour les opérations de recherche et de sauvetage en mer.

    Le projet de gestion des migrations UE-Égypte a débuté en 2022 avec un montant initial de 23 millions d’euros, 115 millions d’euros supplémentaires ayant été approuvés pour 2023, a confirmé l’une des trois sources.

    Les #fonds pour 2022 et 2023 ont été utilisés pour la gestion des frontières, la lutte contre la contrebande et la traite des êtres humains, les retours volontaires et les projets de réintégration.

    « Avec ces fonds de l’UE, l’OIM [l’Organisation internationale des migrations] soutient les autorités égyptiennes par le biais d’activités de renforcement des capacités qui promeuvent une #gestion_des_frontières fondée sur les droits humains et le respect du droit et des normes internationales, également en ce qui concerne les opérations de recherche et de sauvetage », a déclaré une source officielle de l’agence des Nations unies à Euractiv.

    L’opérateur français Civipol travaille sur l’appel d’offres, la production et la livraison des nouveaux #bateaux de recherche et de sauvetage pour 2024, a confirmé l’une des trois sources.

    Cependant, selon le rapport sur les migrations 2023 de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA), il n’y a pratiquement pas eu de départs irréguliers depuis les côtes égyptiennes depuis 2016, la plupart des migrants irréguliers égyptiens vers l’UE étant partis de Libye.

    Dans le même temps, le nombre de citoyens égyptiens demandant des visas dans les États membres de l’UE a considérablement augmenté ces dernières années, selon le rapport de l’AUEA, principalement en raison de la détérioration de la situation intérieure du pays.

    La crise s’aggrave en Égypte

    L’Égypte, partenaire stratégique de l’UE, connaît une crise économique et politique de plus en plus grave. Les 107 millions d’habitants du pays sont confrontés à une instabilité croissante et à l’absence de garanties en matière de droits humains.

    Dans une lettre adressée aux chefs d’État et aux institutions européennes en décembre dernier, l’ONG Human Rights Watch a demandé à l’UE de « veiller à ce que tout recalibrage de son #partenariat avec l’Égypte et de l’aide macrofinancière qui en découle soit l’occasion d’améliorer les droits civils, politiques et économiques du peuple égyptien ».

    « Son impact ne sera durable que s’il est lié à des progrès structurels et à des réformes visant à remédier aux abus et à l’oppression du gouvernement, qui ont étranglé les droits de la population autant que l’économie du pays », a écrit l’ONG.

    La crise des droits humains est indissociable de la crise économique, a expliqué à Euractiv Timothy E. Kaldas, directeur adjoint de l’Institut Tahrir pour les politiques au Moyen-Orient. « Les décisions et les pratiques politiques du régime jouent un rôle central dans l’état de l’économie égyptienne », a-t-il déclaré.

    « Le régime exploite l’État égyptien de manière abusive. Par exemple, il impose des contrats à des entreprises appartenant au régime pour réaliser des projets d’infrastructure extrêmement coûteux et qui ne contribuent pas nécessairement au bien public », a affirmé M. Kaldas, citant la construction de nouvelles villes ou de « nouveaux palais pour le président ».

    Alors que ces projets enrichissent les élites égyptiennes, le peuple est de plus en plus pauvre et, dans certains cas, il se voit contraint de quitter le pays, a expliqué M. Kaldas.

    Avec une inflation des produits alimentaires et des boissons dépassant 70 % en Égypte en 2023, une monnaie en proie à de multiples chocs et effondrements qui réduisent le pouvoir d’achat des Égyptiens et des investisseurs privés qui ne considèrent pas le pays nord-africain comme un bon endroit pour investir, « la situation est très morose », a résumé l’expert.

    En outre, l’indépendance du secteur privé a été pointée du doigt dans un rapport de Human Rights Watch en novembre 2018. Par exemple, les deux hommes d’affaires égyptiens de Juhayna Owners, le plus grand producteur de produits laitiers et de jus de fruits du pays, ont été détenus pendant des mois après avoir refusé de céder leurs parts dans leur entreprise à une société d’État.

    Les évènements récents au poste-frontière de Rafah à Gaza, les frictions en mer Rouge avec les rebelles houthis au Yémen et la guerre dans le pays frontalier du Soudan ont aggravé l’instabilité dans cette république.

    Relations UE-Égypte

    Lors du dernier Conseil d’association UE-Égypte en juin 2022, les deux partenaires ont dressé une liste de priorités pour « promouvoir des intérêts communs et garantir la stabilité à long terme et le développement durable de part et d’autre de la Méditerranée, ainsi que pour renforcer la coopération et à réaliser le potentiel inexploité de cette relation ».

    La liste des priorités concerne un large éventail de secteurs dans lesquels l’UE est disposée à aider l’Égypte.

    Le document qui présente les résultats de la réunion met notamment l’accent sur les transitions numérique et écologique, le commerce et l’investissement, le développement social et la justice sociale, l’énergie, la réforme du secteur public, la sécurité et le terrorisme, ainsi que la migration.

    https://www.euractiv.fr/section/international/news/lue-va-octroyer-87-millions-deuros-a-legypte-pour-la-gestion-des-migrations

    #Egypte #externalisation #asile #migrations #réfugiés #aide_financière #conditionnalité_de_l'aide #UE #EU #Union_européenne

  • Forêts : le Conseil d’Etat rejette la limitation des coupes rases
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/02/07/forets-le-conseil-d-etat-rejette-la-limitation-des-coupes-rases_6215210_3244

    Plusieurs associations environnementales demandent purement et simplement l’interdiction des coupes rases, comme c’est le cas en Suisse et en Autriche pour toute coupe de plus de deux hectares.

    Le #Conseil_d’Etat a rejeté une requête du parc naturel du Morvan visant à limiter les « coupes rases », abattages de la totalité des #arbres d’une parcelle accusés de dégrader durablement les #écosystèmes, a appris l’Agence France-Presse (AFP), mercredi 7 février, auprès du Conseil.
    Le parc naturel régional du Morvan, recouvert de forêts sur 135 000 hectares, avait saisi le Conseil d’Etat en avril 2022. Il lui demandait de contraindre le gouvernement français à accepter sa demande, faite en 2018, de soumettre à autorisation toute coupe rase à partir de 0,5 hectare, contre quatre hectares actuellement.
    Selon le parc, la France se serait ainsi conformée à la directive européenne du 13 décembre 2011, qui exige l’évaluation des « incidences sur l’environnement » de tout déboisement, laissant aux Etats membres le loisir de fixer le seuil d’application (à partir de 0,5 hectare, a décidé la France).

    Des associations environnementales demandent son interdiction
    Mais, dans un jugement consulté par l’AFP, le Conseil d’Etat rappelle qu’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne a estimé que la directive invoquée par le parc « vise, non pas tout déboisement, mais uniquement les opérations réalisées en vue de conférer aux sols concernés un nouvel usage ». Les coupes rases qui ne mettent pas fin à une destination forestière ne sont donc pas concernées, selon le Conseil.
    Ces coupes, également dites « à blanc », libèrent de grandes quantités de carbone tout en détruisant non seulement un paysage, mais également les écosystèmes et les sols, selon les opposants.

    Plusieurs associations environnementales demandent purement et simplement l’interdiction des coupes rases, comme c’est le cas en Suisse – depuis 1876 – et en Autriche pour toute coupe de plus de deux hectares. De plus, ces coupes franches sont très souvent destinées à planter des monocultures de résineux, plus rentables mais très pauvres en biodiversité.
    « L’enrésinement » (plantation de résineux) du Morvan, petite montagne qui forme un prolongement bourguignon du Massif central, est régulièrement dénoncé par les associations environnementales.
    Les feuillus (chênes, hêtres et autres châtaigniers) représentent encore 54 % de la forêt morvandelle, contre 35 % pour les résineux et 11 % pour les essences mélangées. Mais la part des pins et autres épicéas progressent rapidement : de 2005 à 2016, 10 800 hectares de résineux ont été plantés, tandis que 4 300 hectares de feuillus ont été arrachés, selon les chiffres du parc.

    #forêt #résineux #coupes_rases #économie #écologie #justice #propriété (la liberté d’user et d’abuser)

  • Les pratiques zélées du Conseil d’Etat vis-à-vis des juifs sous le régime de Vichy

    Le Conseil d’Etat et « le statut des juifs » 1|3
    En octobre 1940, les juifs ont été exclus de toute la fonction publique, le Conseil d’Etat ayant alors à se prononcer sur des demandes de dérogation. L’institution a été plus impitoyable que le Commissariat général aux questions juives. Il a fallu attendre 1990 pour que la haute juridiction admette qu’elle s’était « sali les mains » sous Vichy.

    La ligne était fort claire, et avait été fixée une fois pour toutes, en 1947, par l’éminent président Bouffandeau : le Conseil d’Etat s’était admirablement conduit pendant la guerre ; il avait été un précieux rempart pour assurer « la continuité et la sauvegarde des principes du droit public français ».

    Tony Bouffandeau, membre de la prestigieuse section du contentieux dont il a pris la présidence quelques années plus tard, avait alors la bénédiction de René Cassin, vice-président du Conseil d’Etat depuis 1944. René Cassin était insoupçonnable : juif, chassé puis condamné à mort par Vichy, le futur Prix Nobel de la paix avait été l’un des premiers à rejoindre le général de Gaulle à Londres.

    C’est d’ailleurs René Cassin qui a prononcé le 23 décembre 1944 un vibrant hommage à Alfred Porché, son prédécesseur au Conseil d’Etat sous l’Occupation – discrètement mis à la retraite, pour éviter le scandale –, en qui il voyait un homme « n’ayant pas hésité à annuler, en pleine occupation allemande, de nombreuses décisions prises à Vichy en violation des principes fondamentaux de notre droit public ». C’est ainsi que s’est gravée dans le marbre « la doctrine Bouffandeau », la haute juridiction administrative avait été la vigilante gardienne des principes républicains – il fallait en effet sauver des ombres de Vichy le Conseil d’Etat, dont l’existence même était vivement contestée.

    La légende dorée a toujours cours en 1974, dans l’imposante somme dirigée par le conseiller Louis Fougère pour le 175e anniversaire du Conseil d’Etat : il y consacre un gros chapitre à la guerre, mais reste évasif sur le rôle de l’institution envers ses juifs. Et en 1988, l’ancien résistant et vice-président du Conseil d’Etat Bernard Chenot, en tenait toujours pour cette aimable version dans un discours devant l’Académie des sciences morales et politiques.

    C’est un autre conseiller qui a mis au jour une vérité un peu plus cruelle. L’Institut d’histoire du temps présent a demandé en 1989, pour le colloque « Vichy et les Français », à Jean Massot, président de la section des finances du Conseil et féru d’histoire, une contribution sur le rôle à l’époque de son éminente institution.

    Un an plus tard, le conseiller a conclu, à la grande stupeur de ses collègues, que le Conseil, sous Vichy, s’était bel et bien « sali les mains ». « J’ai demandé à mon vice-président, Marceau Long, s’il souhaitait qu’on reprenne le refrain de la doctrine Bouffandeau, explique aujourd’hui le vieux monsieur de 88 ans. Il m’a répondu : “Je crois qu’il faut quand même maintenant mettre les choses sur la table.” »

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/06/les-pratiques-zelees-du-conseil-d-etat-vis-a-vis-des-juifs-sous-le-regime-de

    j’ai trouvé cet article, publié ici sans les photos d’archives de la publication initiale...

    https://justpaste.it/4ba4o

    #Histoire #Régime_de_Vichy #État_français #Conseil_d’Etat #statut_des_juifs #juifs #France

  • La #Loi_Asile_Immigration raciste fait l’unanimité… CONTRE elle !
    https://bascules.blog/2024/02/03/la-loi-asile-immigration-raciste-fait-lunanimite-contre-elle

    Communiqué de presse après la décision du #Conseil_constitutionnel et la promulgation de la loi Asile Immigration APPEL À MANIFESTER LE 3 FÉVRIER 2024 Vendredi 26 janvier, le gouvernement a promulgué la loi Asile Immigration. Même si le Conseil constitutionnel a retiré un certain nombre de dispositions, ce qui en reste demeure l’une des pires […]

    #Appel_à_manifester #Communiqué #Racisme_d'Etat


    https://2.gravatar.com/avatar/2cef04a2923b4b5ffd87d36fa9b79bc27ee5b22c4478d785c3a3b7ef8ab60424?s=96&d=

  • Ils sont gentils à Marianne...

    Quand le #Conseil_Constitutionnel ne dit rien, il est à la botte.

    Quand il s’exprime, il est vilain, #pabo. :-D :-D :-D

    #Loi_immigration : « Neuf juges peuvent donc balayer d’un revers de manche un énorme travail parlementaire »

    Ça s’appelle la #séparation_des_pouvoirs, et c’est pas trop mal comme ça... :-D :-D :-D

    #politique #société #France #loi #régulation #régularité #seenthis #vangauguin

    https://www.marianne.net/agora/tribunes-libres/loi-immigration-neuf-juges-peuvent-donc-balayer-dun-revers-de-manche-un-en

  • Loi « immigration » : « Le Conseil a manqué l’occasion de se prononcer sur les limites constitutionnelles aux atteintes portées aux droits des étrangers »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/28/loi-immigration-le-conseil-a-manque-l-occasion-de-se-prononcer-sur-les-limit

    La décision du Conseil constitutionnel restera comme l’une des plus habiles qu’ait rendues l’institution de la rue de Montpensier : elle lui a permis de se sortir de la situation inextricable dans laquelle l’avait injustement placée la majorité présidentielle.

    Le juge constitutionnel n’a en principe vocation qu’à contrôler la constitutionnalité des dispositions d’une loi adoptée par la majorité et contestée par l’opposition. Or, il s’est trouvé saisi d’un texte, fruit d’un compromis entre le gouvernement et les parlementaires de droite, dont des ministres et des membres de la majorité ont pointé publiquement, de manière inédite, les potentiels vices de constitutionnalité.

    L’objet du contrôle de constitutionnalité a priori s’en trouvait dès lors détourné : la majorité présidentielle (relative) entendait en faire un mécanisme lui permettant de remporter juridiquement ce qu’elle n’avait pas su obtenir politiquement. Voilà pourquoi le gouvernement n’a pas pleinement exercé sa fonction de défenseur de la constitutionnalité de la loi devant le juge constitutionnel : il s’en est remis, de manière inhabituelle, « à la sagesse du Conseil constitutionnel » à propos du nombre de dispositions introduites par les sénateurs républicains avec lesquelles il était en désaccord.

    Le Conseil constitutionnel se trouvait dès lors placé dans une impasse présentant des risques significatifs pour sa légitimité. Une censure des dispositions les plus sensibles du texte au regard de leur contrariété à certains droits ou libertés aurait conduit à la vive mise en cause de l’institution et au retour de l’antienne sur le « gouvernement des juges » – un risque bien réel au vu des attaques dont il avait fait l’objet, en 1993, à la suite de sa décision de censure d’une loi relative à l’immigration. A l’inverse, une déclaration de conformité aurait provoqué des doutes sur sa capacité à être un véritable gardien des droits et libertés constitutionnels.

    Motifs procéduraux

    En choisissant de qualifier l’essentiel des dispositions les plus controversées de la loi de « cavaliers législatifs », le Conseil constitutionnel a privilégié une solution ingénieuse : tout en se fondant sur une jurisprudence bien établie et sur un raisonnement juridique en apparence imparable, il évite de se prononcer sur l’atteinte éventuelle de ces dispositions aux droits et libertés constitutionnels.
    Cette habileté du Conseil constitutionnel ne le préservera cependant pas de certaines critiques légitimes.

    D’abord, si la jurisprudence relative aux « cavaliers législatifs » est ancienne, elle a en effet été appliquée avec un zèle particulier dans le cadre du contrôle de cette loi, et ce en dépit de la révision constitutionnelle de 2008 qui avait justement vocation à desserrer son contrôle. Rappelons qu’en l’état du droit, lorsqu’il contrôle une disposition qui a été ajoutée par voie d’amendement, le juge constitutionnel doit contrôler qu’elle présente un lien, même indirect, avec le contenu du projet de loi initialement déposé devant le Parlement.
    La décision sur la loi « immigration » montre que ce contrôle n’est pas toujours exercé avec la même vigilance ou cohérence : dans sa décision sur la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, il avait ainsi admis des dispositions relatives à la nationalité sans y voir de « cavalier » alors qu’il vient de faire le contraire sans qu’on puisse objectivement expliquer cette différence.

    Ensuite, ce choix de censurer une grande partie de la loi pour un motif procédural surprend d’autant plus quand on le met en parallèle avec sa décision du 14 avril 2023 sur la loi de réforme des retraites. Dans cette dernière, le Conseil constitutionnel avait refusé de voir un quelconque vice de constitutionnalité dans l’emploi, par le gouvernement, d’un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale et l’accumulation du recours aux mécanismes de rationalisation du parlementarisme, et ce alors même que cela avait largement tronqué les débats parlementaires.

    Deux poids, deux mesures

    La décision de censurer plus d’un tiers des articles de la loi « immigration » largement issus d’amendements parlementaires donne de ce fait l’impression d’un deux poids, deux mesures : le Conseil paraît appliquer les règles procédurales de manière plus pointilleuse à l’égard des parlementaires que du gouvernement.

    Enfin, cette décision laisse en suspens la question de la conformité aux droits et libertés constitutionnels de certaines dispositions particulièrement controversées, comme l’article 19, qui instaure une « #préférence_nationale » en restreignant l’accès à certaines prestations sociales non contributives pour nombre d’étrangers. Certes, il y a peu de chance que ces articles soient de nouveau discutés à court terme : on imagine mal la majorité présidentielle soutenir la réintroduction de dispositions qu’elle a contestées publiquement et que le gouvernement n’a pas défendues devant le Conseil constitutionnel.

    La question de la constitutionnalité de certains dispositifs va cependant inévitablement se reposer, au moins dans le cadre des campagnes électorales, dès lors que certains partis défendent cette « préférence nationale ». Le juge constitutionnel a manqué l’occasion de se prononcer au fond sur les limites constitutionnelles aux atteintes portées aux #droits des #étrangers. Une telle décision aurait pu informer les citoyens sur la compatibilité du programme politique de certains partis avec la Constitution, information qui apparaît d’autant plus nécessaire que la révision de la #Constitution n’est pas chose aisée.
    Ainsi, si la décision du #Conseil_constitutionnel a le mérite d’empêcher la promulgation de dispositions contestables, elle ne marque pas pour autant un progrès de l’Etat de droit.

    Samy Benzina est professeur de droit public à l’université de Poitiers

    #loi_immigration

  • Loi « immigration » : avec finalement 51 articles, un texte plus fourni que le projet initial du gouvernement

    Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a estimé, après la #censure partielle du Conseil constitutionnel, que la version définitive correspond au texte « voulu par le gouvernement ». La première mouture, de 27 articles, a cependant été augmentée par la droite sénatoriale. De nombreux articles continuent d’inquiéter juristes et associations.

    C’est une loi « immigration » composée de 51 articles que le président de la République, Emmanuel Macron, devrait promulguer de façon imminente. A l’issue de la censure partielle du texte par le Conseil constitutionnel, jeudi 25 janvier, environ 40 % de ses dispositions ont été invalidées, principalement pour des motifs de forme. Il s’agit quasi exclusivement d’éléments introduits par la droite parlementaire.

    La version définitive correspond donc au « texte voulu par le gouvernement », s’est félicité le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, jeudi soir sur TF1. « Jamais la République n’a eu une loi aussi dure contre les étrangers délinquants », a-t-il insisté, soulignant que les dispositions initialement prévues par le gouvernement sont contenues dans le texte final (26 articles sur les 27 du projet présenté en février 2023).

    Les juges constitutionnels ont, jeudi, estimé conformes dix mesures sur la quarantaine dont ils étaient saisis. Ainsi ont-ils validé la levée des protections à l’éloignement dont bénéficient certaines catégories d’étrangers, comme ceux arrivés en France avant l’âge de 13 ans. Cette disposition est censée permettre 4 000 expulsions supplémentaires de délinquants étrangers, promet la Place Beauvau. Elle est assimilée par ses opposants au rétablissement d’une forme de « double peine ».

    De même, le Conseil a jugé conforme à la Constitution la généralisation du juge unique, au détriment des formations collégiales de trois juges, pour statuer plus rapidement sur les demandes d’asile devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). La possibilité de recourir à des vidéoaudiences pour juger du maintien en rétention des étrangers a aussi été avalisée.

    Quatre instructions d’application immédiate

    Le Conseil a en outre déclaré conforme l’article imposant à l’étranger de signer un contrat d’engagement au respect des principes de la République. Alors qu’une disposition similaire avait été censurée dans la loi dite de lutte contre le séparatisme, en 2021, les juges constitutionnels ont cette fois considéré que le gouvernement avait listé les principes de la République de façon suffisamment détaillée, qui comprennent « la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République ».

    Des dispositions introduites par la droite sénatoriale ont également été approuvées, et notamment celles conditionnant la délivrance de visas à la bonne coopération des pays d’origine en matière de réadmission de leurs ressortissants en situation irrégulière.

    Validée aussi, la possibilité, ajoutée par la droite parlementaire, pour un département de refuser la prise en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance des jeunes majeurs lorsqu’ils ont fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire (OQTF), ou encore la création d’un fichier des mineurs étrangers suspectés d’être des délinquants.

    Dans un registre satisfait, le ministre de l’intérieur a prévenu, jeudi soir sur TF1, qu’il réunirait dès vendredi 26 janvier les préfets pour leur transmettre au moins quatre instructions d’application immédiate. D’abord, M. Darmanin souhaite que l’intégralité des dossiers des étrangers délinquants soit réétudiée, afin d’envisager des expulsions sur la base de la nouvelle loi. Ensuite, il entend demander de régulariser certains travailleurs sans-papiers évoluant dans les secteurs en tension, ainsi que le facilite une disposition de la loi.

    M. Darmanin souhaite aussi s’appuyer sur la loi pour accentuer la lutte contre l’immigration irrégulière, contre les marchands de sommeil ou contre le travail des autoentrepreneurs sans-papiers, à l’image des livreurs à domicile. Le ministère de l’intérieur veut enfin appliquer sans attendre l’interdiction en métropole du placement en rétention des mineurs. Dans les faits, la mesure est déjà pratiquement à l’œuvre.

    « C’est un texte très mal rédigé »

    Du côté des associations et des juristes, si la censure partielle de la loi a été accueillie positivement car elle balaye les mesures les plus dures, de vives inquiétudes demeurent sur les dispositions du texte restantes. Président d’Amnesty International France, Jean-Claude Samouiller a appelé le gouvernement à ne pas mettre en œuvre les mesures qui, « si elles ne sont pas jugées comme anticonstitutionnelles, n‘en sont pas moins attentatoires aux droits et aux libertés des personnes exilées ».

    Par la voix de sa présidente, Adeline Hazan, l’Unicef France se dit également « préoccupé par le maintien de plusieurs dispositions qui, si elles n’ont pas été déclarées inconstitutionnelles, semblent toutefois incompatibles avec le respect des droits de l’enfant ». « Retour de la “double peine”, instauration d’un juge unique à la CNDA ou nouvelles conditions mises à la délivrance de titres de séjour. Ces dispositions, nous continuerons à les contester », a appuyé Dominique Sopo, le président de SOS Racisme.

    Une série de 41 articles n’ont en outre pas été soumis au contrôle des juges constitutionnels. Parmi ceux-là : la possibilité de placer en rétention certains demandeurs d’asile à la frontière ; le fait qu’un parent étranger doit s’engager à éduquer ses enfants dans le respect « des valeurs et principes de la République », ou encore le passage d’un examen de français pour l’obtention d’une carte pluriannuelle de séjour. « Le Conseil ne s’est pas prononcé sur de nombreux articles, comme les mesures spécifiques à Mayotte », regrette Marie-Laure Basilien-Gainche, professeure de droit à l’université Lyon-3 et « membre sénior » de l’Institut universitaire de France.

    « C’est un texte très mal rédigé, sa procédure d’adoption a été catastrophique », ajoute encore Samy Benzina, professeur de droit public à l’université de Poitiers, qui, comme d’autres de ses collègues, estime que la loi devrait engendrer de nombreux contentieux. « On peut déposer des questions prioritaires de constitutionnalité à l’occasion de la contestation des décrets d’application par exemple, prévient Serge Slama, professeur de droit public à l’université de Grenoble. Il peut aussi y avoir des contrôles de conventionnalité et de conformité au droit de l’Union européenne dans le cadre de contentieux individuels. » Des procédures qui prendront nécessairement du temps.

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/01/26/loi-immigration-avec-51-articles-au-final-un-texte-plus-fourni-que-le-projet

    #loi_immigration #conseil_constitutionnel #migrations #asile #réfugiés #France

    • Loi immigration : Un pouvoir de nuisance intact

      À l’issue d’un épisode inédit qui a vu l’exécutif se défausser sur le Conseil constitutionnel pour éliminer des dispositions nauséabondes qu’il avait lui-même complaisamment validées, reste une loi qui s’en prend violemment aux droits des personnes étrangères.

      Non seulement le tri opéré par le Conseil constitutionnel laisse subsister près des deux tiers d’une loi marquée du sceau de la suspicion envers un étranger présumé délinquant ou hostile aux principes de la République, mais celles qui ont été écartées ne l’ont été qu’au motif de leur absence de lien direct ou indirect avec l’objet de la loi. Autant dire que cette censure, aussi large soit-elle, ne dit rien de leur contrariété avec les principes constitutionnels. Elle ne peut donc rassurer personne.

      Le Conseil constitutionnel est satisfait : il a fait son travail.
      L’exécutif est satisfait : il a sa loi.
      Les commentateurs de tous bords sont satisfaits : les uns pensent tenir là l’occasion de crier haro sur la Constitution, les autres de crier victoire après « une large censure » de la loi.

      Qui pour évaluer et dénoncer les conséquences à venir, pour les personnes étrangères, des 27 articles du projet de loi initial, quasiment tous épargnés par la censure, auxquels s’ajoute un nombre équivalent de dispositions issues des surenchères xénophobes de la droite sénatoriale et qui restent dans la loi ?

      Un droit au séjour désintégré par des dispositions qui en limitent drastiquement l’accès, le mettent en sursis permanent ou en dégradent les conditions d’exercice.

      Des familles qui voleront en éclats sous les coups de boutoir d’une omni-présente « menace pour l’ordre public » valant blanc seing pour les préfets ou du simple fait de la perte du droit au séjour de l’un de leurs membres.

      Des obligations de quitter le territoire ouvrant la voie à la traque policière pendant trois ans et un arsenal répressif toujours plus fourni avec une « double peine » d’interdiction du territoire banalisée.

      Un parcours toujours plus restrictif et expéditif pour les demandeurs d’asile, privés de leurs droits au moindre accident et, pour nombre d’entre eux, assignés à résidence ou placés en rétention avant même d’avoir pu déposer leur dossier.

      Qui se souvient que le gouvernement prétendait « intégrer par le travail » en donnant un titre de séjour d’un an aux sans-papiers travaillant dans les métiers en tension ? Inutile de souligner qu’il ne reste rien de ce dispositif : là encore c’est l’arbitraire des préfets qui fera loi.

      Une fois passée la colère, il restera à forger les outils destinés, dans les tribunaux et ailleurs, à enrayer le fol engrenage qui prend les personnes étrangères pour cibles.

      http://www.gisti.org/article7167

  • « Le Conseil constitutionnel n’a jamais défendu les droits des étrangers », Danièle Lochak [Gisti]

    Que peut-on attendre de la saisine actuelle du Conseil constitutionnel à propos de la loi immigration ?

    Danièle Lochak : Il y a trois éléments à prendre en compte. D’abord un élément de contexte général : on ne peut pas attendre grand-chose du Conseil constitutionnel lorsqu’il s’agit des droits des étrangers. Historiquement, à quelques nuances et réserves d’interprétation près, il a toujours validé l’ensemble des mesures votées par le législateur et accompagné sans ciller toutes les évolutions restrictives en la matière.

    Ainsi en matière d’enfermement – ce qu’on appelle aujourd’hui la rétention – le Conseil constitutionnel a d’abord dit en 1980 que sa durée devait être brève et placée sous le contrôle du juge judiciaire, garant de la liberté individuelle. Mais la durée maximale de rétention a été progressivement étendue : de sept jours, elle est passée à dix en 1993, puis douze en 1998, puis 32 en 2003, puis 45 jours en 2011, et enfin, 90 jours en 2018 , sans que le Conseil constitutionnel y trouve à redire.

    Il a affirmé que la lutte contre l’immigration irrégulière participait de la sauvegarde de l’ordre public, dont il a fait un objectif à valeur constitutionnelle. On voit mal, dans ces conditions, comment des mesures qui ont pour objectif proclamé de lutter contre l’immigration irrégulière pourraient être arrêtées par le contrôle de constitutionnalité…

    Autre exemple : en 1993, lors de l’examen de la loi Pasqua, le Conseil constitutionnel a affirmé que les étrangers en situation régulière bénéficient du droit de mener une vie familiale normale. Mais une fois ce principe posé, il n’a censuré aucune mesure restreignant le droit au regroupement familial. Ainsi, même lorsqu’il a rappelé des principes et reconnu que les étrangers devaient bénéficier des garanties constitutionnelles, il a toujours trouvé des aménagements qui ont permis de valider les dispositions législatives restrictives.

    Le président du Conseil constitutionnel Laurent Fabius a tancé le gouvernement, et rappelé que l’institution n’était pas « une chambre d’appel des choix du Parlement ». Le Conseil ne va-t-il pas se montrer plus sévère qu’à l’accoutumée ?

    D. L. : En effet, le deuxième élément qui change la donne est le contexte politique, avec un gouvernement qui annonce d’emblée que certaines dispositions sont contraires à la #Constitution et charge le Conseil constitutionnel de « nettoyer » la loi. C’est bien entendu grotesque : en élaborant la loi, les responsables politiques sont censés respecter la Constitution.

    Surtout, le Rassemblement national (#RN) s’est targué d’une « victoire idéologique ». C’est très habile de sa part. En réalité, voilà quarante ans que l’ombre portée du Front national (RN maintenant) pèse sur la politique d’immigration française. Depuis 1983 et l’élection partielle de Dreux où le #FN, allié à la droite, l’a emporté sur la liste de gauche menée par Françoise Gaspard, la droite court après l’extrême droite, et la gauche, de crainte de paraître laxiste, court après la droite sur les questions d’immigration.

    Hormis quelques lois, dont la loi de 1981 adoptée après l’arrivée de la gauche au pouvoir et celle de 1984 sur la carte de résident, ou encore la loi Joxe de 1989, la politique de la gauche n’a été qu’une suite de renoncements, maintenant l’objectif de « maîtrise des flux migratoires » et de lutte contre l’immigration irrégulière. Il n’y a que sur la nationalité qu’elle n’a jamais cédé.

    Cela étant, la revendication de victoire de la part du RN va probablement inciter le Conseil constitutionnel à invalider un plus grand nombre de dispositions de la loi que d’habitude, même si on ignore lesquelles.

    Dans la saisine du Conseil constitutionnel sont invoqués beaucoup de « cavaliers législatifs », des dispositions qui n’ont pas de rapport avec l’objet du texte. Le garant de la constitutionnalité de la loi va-t-il trouver là des arguments faciles pour censurer certaines dispositions ?

    D. L. : Oui, et c’est le troisième élément à prendre en considération dans les pronostics que l’on peut faire. La présence de nombreux cavaliers législatifs va faciliter la tâche du Conseil constitutionnel, car invalider une disposition pour des raisons procédurales est évidemment plus confortable que de se prononcer sur le fond. Le projet initial portait sur l’entrée, le séjour et l’éloignement des étrangers. Or le texte final, « enrichi » d’une multitude d’amendements, est loin de se limiter à ces questions.

    Le Conseil constitutionnel peut très bien estimer que les dispositions sur la #nationalité, pour ne prendre que cet exemple, qui relèvent du Code civil, sont sans rapport avec l’objet du texte, et les invalider. Alors même qu’en 1993, il avait validé le retour à la manifestation de volonté pour acquérir la nationalité française à partir de 16 ans pour les enfants d’étrangers nés en France, mesure phare de la loi Pasqua1.

    Il peut aussi invoquer « l’incompétence négative », qui désigne le fait pour le Parlement de n’avoir pas précisé suffisamment les termes de certaines dispositions et laissé trop de latitude au gouvernement pour les mettre en œuvre, sans compter les dispositions qui sont manifestement inapplicables tellement elles sont mal conçues.

    Mais si les dispositions sont invalidées sur ce fondement, rien n’empêchera leur retour dans un prochain texte puisque le Conseil constitutionnel aura fait une critique sur la forme et ne se sera pas prononcé sur le fond. Et puis il faut être conscient que, même s’il invalide un plus grand nombre de dispositions que d’habitude, il restera encore suffisamment de mesures iniques qui rendront la vie impossible aux étrangers résidant en France, fût-ce en situation régulière et depuis de très longues années.

    Le Conseil constitutionnel a tout de même consacré le principe de fraternité en 2018, et mis fin – au moins partiellement – au #délit_de_solidarité_ qui punit le fait d’aider les exilés dans un but humanitaire.

    D. L. : Oui, c’est un exemple qu’on met souvent en avant. Le « délit de solidarité » – ce sont les militants qui l’ont nommé ainsi, bien sûr – punit l’aide à l’entrée, au séjour et à la circulation des étrangers en situation irrégulière sur le territoire français. A l’époque, les avocats du militant Cédric Herrou avaient posé une question prioritaire de constitutionnalité (#QPC) au Conseil constitutionnel en invoquant le principe de fraternité, qui figure dans la devise républicaine.

    Le Conseil constitutionnel a en effet consacré la valeur constitutionnelle du principe de fraternité, et son corollaire, la liberté d’aider autrui dans un but humanitaire sans considération de la régularité de son séjour. Mais il a restreint la portée de cette liberté en n’y incluant pas l’aide à l’entrée sur le territoire, alors qu’à la frontière franco-italienne, par exemple, l’aide humanitaire est indispensable.

    Vous dressez un constat pessimiste. Cela vaut-il la peine que les associations continuent à contester les politiques migratoires devant les juges ?

    D. L. : Il faut distinguer les modes d’action. La saisine du Conseil constitutionnel après le vote de la loi est le fait de parlementaires et/ou du gouvernement, ou du président de la République.

    Les membres de la « société civile » (associations, avocats, professeurs de droit…) peuvent déposer des contributions extérieures, qu’on appelle aussi « portes étroites » . Celles-ci n’ont aucune valeur officielle, et le Conseil constitutionnel, même s’il les publie désormais sur son site, n’est obligé ni de les lire, ni de répondre aux arguments qui y sont développés.

    Les saisines officielles ont été accompagnées, cette fois, de très nombreuses portes étroites. Le #Gisti, une association de défense des droits des étrangers créée en 1972 et dont j’ai été la présidente entre 1985 et 2000, a décidé de ne pas s’y associer cette fois-ci, alors qu’il lui était arrivé par le passé d’en rédiger.

    Outre que le Gisti ne fait guère confiance au Conseil constitutionnel pour protéger les droits des étrangers, pour les raisons que j’ai rappelées, l’association a estimé que la seule position politiquement défendable était le rejet de la loi dans sa globalité sans se limiter aux dispositions potentiellement inconstitutionnelles. Elle ne souhaitait pas non plus prêter main-forte à la manœuvre du gouvernement visant à instrumentaliser le contrôle de constitutionnalité à des fins de tactique politicienne.

    Cela ne nous empêchera pas, ultérieurement, d’engager des contentieux contre les #décrets_d’application ou de soutenir les étrangers victimes des mesures prises sur le fondement de cette loi.

    Les associations obtiennent-elles plus de résultats devant le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation ?

    D. L. : Les recours devant le Conseil d’Etat ont été historiquement la marque du Gisti. Il a obtenu quelques beaux succès qui lui ont valu de laisser son nom à des « grands arrêts de la jurisprudence administrative ». Mais ces succès ne doivent pas être l’arbre qui cache la forêt car, dans l’ensemble, ni le #juge_administratif – le plus sollicité – ni le #juge_judiciaire n’ont empêché la dérive constante du droit des étrangers depuis une quarantaine d’années.

    Ils n’ont du reste pas vraiment cherché à le faire. Les juges sont très sensibles aux idées dominantes et, depuis cinquante ans, la nécessité de maîtriser les flux migratoires en fait partie. Dans l’ensemble, le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation (mais le rôle de celle-ci est moindre dans des affaires qui mettent essentiellement en jeu l’administration) ont quand même laissé passer moins de dispositions attentatoires aux droits des étrangers que le Conseil constitutionnel et ont parfois refréné les ardeurs du pouvoir.

    Il est vrai qu’il est plus facile pour le juge administratif d’annuler une décision du gouvernement (un décret d’application, une #circulaire), ou une mesure administrative individuelle que pour le juge constitutionnel d’invalider une loi votée par le parlement.

    Les considérations politiques jouent assurément dans le contentieux administratif – on l’a vu avec l’attitude subtilement équilibrée du Conseil d’Etat face aux dissolutions d’associations ou aux interdictions de manifestations : il a validé la #dissolution du CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France) et de la (Coordination contre le racisme et l’islamophobie), mais il a annulé celle des Soulèvements de la Terre.

    Ces considérations jouent de façon plus frontale dans le contentieux constitutionnel, devant une instance qui au demeurant, par sa composition, n’a de juridiction que la fonction et craint d’être accusée de chercher à imposer « un gouvernement des juges » qui fait fi de la souveraineté du peuple incarnée par le Parlement.

    En s’en remettant au Conseil constitutionnel et en lui laissant le soin de corriger les dispositions qu’il n’aurait jamais dû laisser adopter, le gouvernement a fait assurément le jeu de la droite et de l’extrême droite qui vont évidemment crier au gouvernement des juges.

    Quelles seront les solutions pour continuer à mener la bataille une fois la loi adoptée ?

    D. L. : Les mêmes que d’habitude ! Le Conseil constitutionnel n’examine pas la conformité des lois au regard des conventions internationales, estimant que ce contrôle appartient à la Cour de cassation et au Conseil d’Etat. On pourra alors déférer à ce dernier les décrets d’application de la loi.

    Même si ces textes sont conformes aux dispositions législatives qu’ils mettent en œuvre, on pourra tenter de démontrer qu’ils sont en contradiction avec la législation de l’Union européenne, avec des dispositions de la Convention européenne telles qu’elles sont interprétées par la Cour de Strasbourg ou encore de la convention sur les droits de l’enfant.

    Ultérieurement, on pourrait envisager de demander à la Cour européenne des droits de l’homme la condamnation de la France. Mais on ne peut le faire qu’à l’occasion d’une affaire individuelle, après « épuisement » de tous les recours internes. Donc dans très longtemps.

    https://www.alternatives-economiques.fr/daniele-lochak-conseil-constitutionnel-na-jamais-defendu-droi/00109322

    (sauf pour les questions et la mention D.L., le graissage m’est dû)

    #loi_Immigration #xénophobie_d'État #étrangers #droit_du_séjour #lutte_contre_l’immigration_irrégulière #regroupement_familial #carte_de_résident #droit_du_sol #acquisition_de_la_nationalité #rétention #droit_des_étrangers #contentieux_administratif #Conseil_constitutionnel #Conseil_d'État #jurisprudence #jurisprudence_administrative #Cour_de_cassation #CEDH #conventions_internationales #Convention_européenne #convention_sur_les_droits_de_l’enfant

  • Blinne Ní Ghrálaigh: Lawyer’s closing statement in ICJ case against Israel praised

    This was the powerful closing statement in South Africa’s genocide case against Israel.

    Senior advocate #Blinne_Ní_Ghrálaigh addressed the International Court of Justice on day one of the hearing.

    ICJ: Blinne Ní Ghrálaigh’s powerful closing statement in South Africa case against Israel
    https://www.youtube.com/watch?v=ttrJd2aWF-Y&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Fwww.thenational.sco

    https://www.thenational.scot/news/24042943.blinne-ni-ghralaigh-lawyers-closing-statement-icj-case-israel

    #Cour_internationale_de_justice (#CIJ) #Israël #Palestine #Afrique_du_Sud #justice #génocide

    • Israël commet-il un génocide à #Gaza ? Le compte rendu d’une #audience historique

      Alors que les massacres israéliens à Gaza se poursuivent, l’Afrique du Sud a tenté de démontrer, jeudi 11 et vendredi 12 janvier devant la justice onusienne, qu’un génocide est en train d’être commis par Israël à Gaza.

      « Une #calomnie », selon l’État hébreu.

      Devant le palais de la Paix de #La_Haye (Pays-Bas), la bataille des #mots a commencé avant même l’audience. Jeudi 11 janvier au matin, devant la #Cour_de_justice_internationale_des_Nations_unies, des manifestants propalestiniens ont exigé un « cessez-le-feu immédiat » et dénoncé « l’#apartheid » en cours au Proche-Orient. Face à eux, des familles d’otages israélien·nes ont montré les photos de leurs proches kidnappés le 7 octobre par le Hamas.

      Pendant deux jours, devant 17 juges internationaux, alors que les massacres israéliens à Gaza continuent de tuer, de déplacer et de mutiler des civils palestiniens (à 70 % des femmes et des enfants, selon les agences onusiennes), le principal organe judiciaire des Nations unies a examiné la requête, précise et argumentée, de l’Afrique du Sud, destinée à imposer au gouvernement israélien des « #mesures
      _conservatoires » pour prévenir un génocide de la population palestinienne de Gaza.

      La première et plus urgente de ces demandes est l’arrêt immédiat des #opérations_militaires israéliennes à Gaza. Les autres exigent des mesures urgentes pour cesser les tueries, les déplacements de population, faciliter l’accès à l’eau et à la nourriture, et prévenir tout génocide.

      La cour a aussi entendu les arguments d’Israël, qui nie toute #intention_génocidaire et a martelé son « #droit_à_se_défendre, reconnu par le droit international ».

      L’affaire ne sera pas jugée sur le fond avant longtemps. La décision sur les « mesures conservatoires », elle, sera rendue « dès que possible », a indiqué la présidente de la cour, l’États-Unienne #Joan_Donoghue.

      Rien ne dit que les 17 juges (dont un Sud-Africain et un Israélien, Aharon Barak, ancien juge de la Cour suprême israélienne, de réputation progressiste mais qui n’a jamais critiqué la colonisation israélienne) donneront raison aux arguments de l’Afrique du Sud, soutenue dans sa requête par de nombreux États du Sud global. Et tout indique qu’une décision sanctionnant Israël serait rejetée par un ou plusieurs #vétos au sein du #Conseil_de_sécurité des Nations unies.

      Cette #audience solennelle, retransmise sur le site de l’ONU (revoir les débats du jeudi 11 et ceux du vendredi 12), et relayée par de nombreux médias internationaux, a pourtant revêtu un caractère extrêmement symbolique, où se sont affrontées deux lectures radicalement opposées de la tragédie en cours à Gaza.

      « Israël a franchi une limite »

      Premier à prendre la parole, l’ambassadeur sud-africain aux Pays-Bas, #Vusi_Madonsela, a d’emblée replacé « les actes et omissions génocidaires commis par l’État d’Israël » dans une « suite continue d’#actes_illicites perpétrés contre le peuple palestinien depuis 1948 ».

      Face aux juges internationaux, il a rappelé « la Nakba du peuple palestinien, conséquence de la #colonisation_israélienne qui a [...] entraîné la #dépossession, le #déplacement et la #fragmentation systématique et forcée du peuple palestinien ». Mais aussi une « #occupation qui perdure depuis cinquante-six ans, et le siège de seize ans imposé [par Israël] à la bande de Gaza ».

      Il a décrit un « régime institutionnalisé de lois, de politiques et de pratiques discriminatoires, mises en place [par Israël – ndlr] pour établir sa #domination et soumettre le peuple palestinien à un apartheid », dénonçant des « décennies de violations généralisées et systématiques des #droits_humains ».

      « En tendant la main aux Palestiniens, nous faisons partie d’une seule humanité », a renchéri le ministre de la justice sud-africain, #Ronald_Ozzy_Lamola, citant l’ancien président Nelson Mandela, figure de la lutte contre l’apartheid dans son pays.

      D’emblée, il a tenté de déminer le principal argument du gouvernement israélien, selon lequel la procédure devant la Cour internationale de justice est nulle et non avenue, car Israël mènerait une #guerre_défensive contre le #Hamas, au nom du #droit_à_la_légitime_défense garanti par l’article 51 de la charte des Nations unies – un droit qui, selon la Cour internationale de justice, ne s’applique pas aux #Territoires_occupés. « Gaza est occupée. Israël a gardé le contrôle de Gaza. [...] Ses actions renforcent son occupation : la légitime défense ne s’applique pas », insistera un peu plus tard l’avocat Vaughan Lowe.

      « L’Afrique du Sud, affirme le ministre sud-africain, condamne de manière catégorique la prise pour cibles de civils par le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens le 7 octobre 2023. Cela étant dit, aucune attaque armée contre le territoire d’un État, aussi grave soit-elle, même marquée par la commission des #crimes atroces, ne saurait constituer la moindre justification ni le moindre prétexte, pour se rendre coupable d’une violation, ni sur le plan juridique ni sur le plan moral », de la #convention_des_Nations_unies_pour_la_prévention_et_la_répression_du_crime_de_génocide, dont est accusé l’État hébreu.

      « La réponse d’Israël à l’attaque du 7 octobre, a-t-il insisté, a franchi cette limite. »

      Un « génocide » au caractère « systématique »

      #Adila_Hassim, principale avocate de l’Afrique du Sud, s’est évertuée à démontrer méthodiquement comment Israël a « commis des actes relevant de la définition d’#actes_de_génocide », dont elle a martelé le caractère « systématique ».

      « Les Palestiniens sont tués, risquent la #famine, la #déshydratation, la #maladie, et ainsi la #mort, du fait du siège qu’Israël a organisé, de la #destruction des villes, d’une aide insuffisante autorisée à atteindre la population, et de l’impossibilité à distribuer cette maigre aide sous les #bombardements incessants, a-t-elle énuméré. Tout ceci rend impossible d’avoir accès aux éléments essentiels de la vie. »

      Adila Hassim s’est attelée à démontrer en quoi la #guerre israélienne cochait les cases du génocide, tel qu’il est défini à l’article 2 de la convention onusienne : « Des actes commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. »

      Le « meurtre des membres du groupe », premier élément du génocide ? Adila Hassim évoque le « meurtre de masse des Palestiniens », les « 23 000 victimes dont 70 % sont des femmes ou des enfants », et « les 7 000 disparus, présumés ensevelis sous les décombres ». « Il n’y a pas de lieu sûr à Gaza », dit-elle, une phrase empruntée aux responsables de l’ONU, répétée de nombreuses fois par la partie sud-africaine.

      Hasssim dénonce « une des campagnes de bombardement les plus lourdes dans l’histoire de la guerre moderne » : « 6 000 bombes par semaine dans les trois premières semaines », avec des « #bombes de 900 kilos, les plus lourdes et les plus destructrices », campagne qui vise habitations, abris, écoles, mosquées et églises, dans le nord et le sud de la bande de Gaza, camps de réfugié·es inclus.

      « Les Palestiniens sont tués quand ils cherchent à évacuer, quand ils n’ont pas évacué, quand ils ont pris la #fuite, même quand ils prennent les itinéraires présentés par Israël comme sécurisés. (...) Des centaines de familles plurigénérationelles ont été décimées, personne n’ayant survécu (...) Personne n’est épargné, pas même les nouveau-nés (...) Ces massacres ne sont rien de moins que la #destruction_de_la_vie_palestinienne, infligée de manière délibérée. » Selon l’avocate, il existe bien une #intention_de_tuer. « Israël, dit-elle, sait fort bien combien de civils perdent leur vie avec chacune de ces bombes. »

      L’« atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe », et la « soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle », autres éléments constitutifs du génocide ? Adila Hassim évoque « la mort et la #mutilation de 60 000 Palestiniens », les « civils palestiniens arrêtés et emmenés dans une destination inconnue », et détaille le « #déplacement_forcé de 85 % des Palestiniens de Gaza » depuis le 13 octobre, sans retour possible pour la plupart, et qui « répète une longue #histoire de #déplacements_forcés de masse ».

      Elle accuse Israël de « vise[r] délibérément à provoquer la faim, la déshydratation et l’inanition à grande échelle » (93 % de la population souffrent d’un niveau critique de faim, selon l’Organisation mondiale de la santé), l’aide empêchée par les bombardements et qui « ne suffit tout simplement pas », l’absence « d’eau propre », le « taux d’épidémies et de maladies infectieuses qui s’envole », mais aussi « les attaques de l’armée israélienne prenant pour cible le système de santé », « déjà paralysé par des années de blocus, impuissant face au nombre de blessures ».

      Elle évoque de nombreuses « naissances entravées », un autre élément constitutif du génocide.

      « Les génocides ne sont jamais annoncés à l’avance, conclut-elle. Mais cette cour a devant elle 13 semaines de #preuves accumulées qui démontrent de manière irréfutable l’existence d’une #ligne_de_conduite, et d’#intentions qui s’y rapportent, justifiant une allégation plausible d’actes génocidaires. »

      Une « #déshumanisation_systématique » par les dirigeants israéliens

      Un autre avocat s’avance à la barre. Après avoir rappelé que « 1 % de la population palestinienne de Gaza a été systématiquement décimée, et qu’un Gazaoui sur 40 a été blessé depuis le 7 octobre », #Tembeka_Ngcukaitobi décortique les propos des autorités israéliennes.

      « Les dirigeants politiques, les commandants militaires et les représentants de l’État d’Israël ont systématiquement et explicitement exprimé cette intention génocidaire, accuse-t-il. Ces déclarations sont ensuite reprises par des soldats, sur place à Gaza, au moment où ils anéantissent la population palestinienne et l’infrastructure de Gaza. »

      « L’intention génocidaire spécifique d’Israël, résume-t-il, repose sur la conviction que l’ennemi n’est pas simplement le Hamas, mais qu’il est à rechercher au cœur même de la société palestinienne de Gaza. »

      L’avocat multiplie les exemples, encore plus détaillés dans les 84 pages de la requête sud-africaine, d’une « intention de détruire Gaza aux plus hauts rangs de l’État » : celle du premier ministre, #Benyamin_Nétanyahou, qui, à deux reprises, a fait une référence à #Amalek, ce peuple que, dans la Bible (I Samuel XV, 3), Dieu ordonne d’exterminer ; celle du ministre de la défense, qui a comparé les Palestiniens à des « #animaux_humains » ; le président israélien #Isaac_Herzog, qui a jugé « l’entièreté de la nation » palestinienne responsable ; celle du vice-président de la Knesset, qui a appelé à « l’anéantissement de la bande de Gaza » (des propos condamnés par #Nétanyahou) ; ou encore les propos de nombreux élus et députés de la Knesset appelant à la destruction de Gaza.

      Une « déshumanisation systématique », dans laquelle les « civils sont condamnés au même titre que le Hamas », selon Tembeka Ngcukaitobi.

      « L’intention génocidaire qui anime ces déclarations n’est nullement ambiguë pour les soldats israéliens sur le terrain : elle guide leurs actes et leurs objectifs », poursuit l’avocat, qui diffuse devant les juges des vidéos où des soldats font eux aussi référence à Amalek, « se filment en train de commettre des atrocités contre les civils à Gaza à la manière des snuff movies », ou écoutent un réserviste de 95 ans les exhorter à « tirer une balle » sur leur « voisin arabe » et les encourager à une « destruction totale ».

      L’avocat dénonce le « manquement délibéré de la part du gouvernement à son obligation de condamner, de prévenir et de réprimer une telle incitation au génocide ».

      Après une plaidoirie technique sur la capacité à agir de l’Afrique du Sud, #John_Dugard insiste : « Gaza est devenu un #camp_de_concentration où un génocide est en cours. »

      L’avocat sud-africain #Max_du_Plessis exhorte la cour à agir face à Israël, qui « depuis des années (...) s’estime au-delà et au-dessus de la loi », une négligence du droit rendue possible par l’#indifférence de la communauté internationale, qui a su, dans d’autres conflits (Gambie, Bosnie, Ukraine) décider qu’il était urgent d’agir.

      « Gaza est devenu inhabitable », poursuit l’avocate irlandaise #Blinne_Ni_Ghralaigh. Elle énumère d’autres chiffres : « Au rythme actuel », égrène-t-elle, « 247 Palestiniens tués en moyenne chaque jour », dont « 48 mères » et « plus de 117 enfants », et « 629 blessés ». Elle évoque ces enfants dont toute la famille a été décimée, les secouristes, les enseignants, les universitaires et les journalistes tués dans des proportions historiques.

      « Il s’agit, dit-elle, du premier génocide de l’Histoire dont les victimes diffusent leur propre destruction en temps réel, dans l’espoir vain que le monde fasse quelque chose. » L’avocate dévoile à l’écran les derniers mots du docteur #Mahmoud_Abu_Najela (Médecins sans frontières), tué le 23 novembre à l’hôpital Al-Awda, écrits au feutre sur un tableau blanc : « À ceux qui survivront. Nous avons fait ce que nous pouvons. Souvenez-vous de nous. »

      « Le monde, conclut Blinne Ni Ghralaigh, devrait avoir #honte. »

      La réponse d’Israël : une « calomnie »

      Vendredi 12 janvier, les représentants d’Israël se sont avancés à la barre. Leur argumentation a reposé sur deux éléments principaux : un, la Cour internationale de justice n’a pas à exiger de « mesures conservatoires » car son armée ne commet aucun génocide ; deux, si génocide il y a, il a été commis par le Hamas le 7 octobre 2023.

      Premier à prendre la parole, #Tal_Becker, conseiller juridique du ministère des affaires étrangères israélien, invoque l’Histoire, et le génocide infligé aux juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, « le meurtre systématique de 6 millions de juifs dans le cadre d’une destruction totale ».

      « Israël, dit-il, a été un des premiers États à ratifier la convention contre le génocide. » « Pour Israël, insiste-t-il, “#jamais_plus” n’est pas un slogan, c’est une #obligation_morale suprême. »

      Dans « une époque où on fait bon marché des mots, à l’heure des politiques identitaires et des réseaux sociaux », il dénonce une « #instrumentalisation » de la notion de génocide contre Israël.

      Il attaque une présentation sud-africaine « totalement dénaturée des faits et du droit », « délibérément manipulée et décontextualisée du conflit actuel », qualifiée de « calomnie ».

      Alors que les avocats sud-africains avaient expliqué ne pas intégrer les massacres du Hamas dans leur requête devant la justice onusienne, car « le Hamas n’est pas un État », Tal Becker estime que l’Afrique du Sud « a pris le parti d’effacer l’histoire juive et tout acte ou responsabilité palestiniens », et que les arguments avancés « ne se distinguent guère de ceux opposés par le Hamas dans son rejet d’Israël ». « L’Afrique du Sud entretient des rapports étroits avec le Hamas » et le « soutient », accuse-t-il.

      « C’est une guerre qu’Israël n’a pas commencée », dit-il en revenant longuement, images et enregistrements à l’appui, sur les atrocités commises par le Hamas et d’autres groupes palestiniens le 7 octobre, « le plus important massacre de juifs en un jour depuis la #Shoah ».

      « S’il y a eu des actes que l’on pourrait qualifier de génocidaires, [ils ont été commis] contre Israël », dit-il, évoquant le « #programme_d’annihilation » des juifs par le Hamas. « Israël ne veut pas détruire un peuple, poursuit-il. Mais protéger un peuple : le sien. »

      Becker salue les familles d’otages israéliens présentes dans la salle d’audience, et montre certains visages des 130 personnes kidnappées dont le pays est toujours sans nouvelle. « Y a-t-il une raison de penser que les personnes que vous voyez à l’écran ne méritent pas d’être protégées ? », interroge-t-il.

      Pour ce représentant de l’État israélien, la demande sud-africaine de mesures conservatoires revient à priver le pays de son droit à se défendre.

      « Israël, poursuit-il, se défend contre le Hamas, le Djihad palestinien et d’autres organisations terroristes dont la brutalité est sans limite. Les souffrances sont tragiques, sont déchirantes. Les conséquences sont parfaitement atroces pour les civils du fait du comportement du Hamas, qui cherche à maximiser les pertes de civils alors qu’Israël cherche à les minorer. »

      Becker s’attarde sur la « #stratégie_méprisable » du Hamas, une « méthode de guerre intégrée, planifiée, de grande ampleur et odieuse ». Le Hamas, accuse-t-il, « a, de manière systématique, fondu ses opérations militaires au sein de zones civiles densément peuplées », citant écoles, mosquées et hôpitaux, des « milliers de bâtiments piégés » et « utilisés à des fins militaires ».

      Le Hamas « a fait entrer une quantité innombrable d’armes, a détourné l’aide humanitaire ». Remettant en cause le chiffre « non vérifié » de 23 000 victimes (pourtant confirmé par les Nations unies), Tal Becker estime que de nombreuses victimes palestiniennes sont des « militants » qui ont pu prendre « une part directe aux hostilités ». « Israël respecte le droit », martèle-t-il. « Si le Hamas abandonne cette stratégie, libère les otages, hostilités et violences prendront fin. »

      Ponte britannique du droit, spécialiste des questions juridiques liées aux génocides, #Malcom_Shaw embraie, toujours en défense d’Israël. Son discours, technique, est parfois interrompu. Il se perd une première fois dans ses notes, puis soupçonne un membre de son équipe d’avoir « pris [sa] #plaidoirie pour un jeu de cartes ».

      Shaw insiste : « Un conflit armé coûte des vies. » Mais Israël, dit-il, « a le droit de se défendre dans le respect du #droit_humanitaire », citant à l’audience les propos de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le 19 octobre 2023. Il poursuit : « L’#usage_de_la_force ne peut constituer en soi un acte génocidaire. » « Israël, jure-t-il, ne cible que les cibles militaires, et ceci de manière proportionnée dans chacun des cas. »

      « Peu d’éléments démontrent qu’Israël a eu, ou a, l’intention de détruire tout ou partie du peuple palestinien », plaide-t-il. Shaw estime que nombre de propos tenus par des politiciens israéliens ne doivent pas être pris en compte, car ils sont « pris au hasard et sont sortis de leur contexte », parce qu’ils témoignent d’une « #détresse » face aux massacres du 7 octobre, et que ceux qui les ont prononcés n’appartiennent pas aux « autorités pertinentes » qui prennent les décisions militaires, à savoir le « comité ministériel chargé de la sécurité nationale » et le « cabinet de guerre ».

      Pour étayer son argumentation, Shaw cite des directives (non publiques) de Benyamin Nétanyahou destinées, selon lui, à « éviter un désastre humanitaire », à proposer des « solutions pour l’approvisionnement en eau », « promouvoir la construction d’hôpitaux de campagne au sud de la bande de Gaza » ; les déclarations publiques de Benyamin Nétanyahou à la veille de l’audience (« Israël n’a pas l’intention d’occuper de façon permanente la bande de Gaza ou de déplacer sa population civile ») ; d’autres citations du ministre de la défense qui assure ne pas s’attaquer au peuple palestinien dans son ensemble.

      « La requête de l’Afrique du Sud brosse un tableau affreux, mais incomplet et profondément biaisé », renchérit #Galit_Rajuan, conseillère au ministère de la justice israélien, qui revient longuement sur les #responsabilités du Hamas, sa stratégie militaire au cœur de la population palestinienne. « Dans chacun des hôpitaux que les forces armées israéliennes ont fouillés à Gaza, elles ont trouvé des preuves d’utilisation militaire par le Hamas », avance-t-elle, des allégations contestées.

      « Certes, des dommages et dégâts ont été causés par les hostilités dans les hôpitaux, parfois par les forces armées israéliennes, parfois par le Hamas, reconnaît-elle, mais il s’agit des conséquences de l’utilisation odieuse de ces hôpitaux par le Hamas. »

      Rajuan martèle enfin qu’Israël cherche à « atténuer les dommages causés aux civils » et à « faciliter l’aide humanitaire ». Des arguments connus, que de très nombreuses ONG, agences des Nations unies et journalistes gazaouis présents sur place réfutent régulièrement, et que les journalistes étrangers ne peuvent pas vérifier, faute d’accès à la bande de Gaza.

      https://www.mediapart.fr/journal/international/120124/israel-commet-il-un-genocide-gaza-le-compte-rendu-d-une-audience-historiqu

    • Gaza, l’accusa di genocidio a Israele e la credibilità del diritto internazionale

      Il Sudafrica ha chiesto l’intervento della Corte internazionale di giustizia dell’Aja per presunte violazioni di Israele della Convenzione sul genocidio del 1948. Triestino Mariniello, docente di Diritto penale internazionale alla John Moores University di Liverpool, presente alla storica udienza, aiuta a comprendere il merito e le prospettive

      “Quello che sta succedendo all’Aja ha un significato che va oltre gli eventi in corso nella Striscia di Gaza. Viviamo un momento storico in cui la Corte internazionale di giustizia (Icj) ha anche la responsabilità di confermare se il diritto internazionale esiste ancora e se vale alla stessa maniera per tutti i Paesi, del Nord e del Sud del mondo”. A parlare è Triestino Mariniello, docente di Diritto penale internazionale alla John Moores University di Liverpool, già nel team legale delle vittime di Gaza di fronte alla Corte penale internazionale (Icc), che ha sede sempre all’Aja.

      Non vanno confuse: l’aula di tribunale ripresa dalle tv di tutto il mondo l’11 e il 12 gennaio scorsi, infatti, con il team legale sudafricano schierato contro quello israeliano, è quella della Corte internazionale di giustizia, il massimo organo giudiziario delle Nazioni Unite, che si esprime sulle controversie tra Stati. L’Icc, invece, è indipendente e legifera sulle responsabilità penali individuali.

      Il 29 dicembre scorso il Sudafrica ha chiesto l’intervento della prima per presunte violazioni da parte di Israele della Convenzione sul genocidio del 1948, nei confronti dei palestinesi della Striscia di Gaza. Un’udienza storica a cui Mariniello era presente.

      Professore, qual era innanzi tutto l’atmosfera?
      TM A mia memoria mai uno strumento del diritto internazionale ha avuto tanto sostegno e popolarità. C’erano centinaia, probabilmente migliaia di persone all’esterno della Corte, emittenti di tutto il mondo e apparati di sicurezza, inclusi droni ed elicotteri. Sentire anche le tv più conservatrici, come quelle statunitensi, parlare di Palestina e genocidio faceva comprendere ancora di più l’importanza storica dell’evento.

      In estrema sintesi, quali sono gli elementi più importanti della tesi sudafricana?
      TM Il Sudafrica sostiene che Israele abbia commesso atti di genocidio contro la popolazione di Gaza, ciò significa una serie di azioni previste dall’articolo 2 della Convenzione sul genocidio, effettuate con l’intento di distruggere del tutto o in parte un gruppo protetto, in questo caso i palestinesi di Gaza. Questi atti, per il Sudafrica, sono omicidi di massa, gravi lesioni fisiche o mentali e l’imposizione di condizioni di vita volte a distruggere i palestinesi, come l’evacuazione forzata di circa due milioni di loro, la distruzione di quasi tutto il sistema sanitario della Striscia, l’assedio totale all’inizio della guerra e la privazione di beni essenziali per la sopravvivenza. Ciò che caratterizza un genocidio rispetto ad altri crimini internazionali è il cosiddetto “intento speciale”, la volontà cioè di voler distruggere del tutto o in parte un gruppo protetto. È l’elemento più difficile da provare, ma credo che il Sudafrica in questo sia riuscito in maniera solida e convincente. Sia in aula sia all’interno della memoria di 84 pagine presentata, vi sono, infatti, una serie di dichiarazioni dei leader politici e militari israeliani, che proverebbero tale intento. Come quella del premier Benjamin Netanyahu che, a inizio guerra, ha invocato la citazione biblica di Amalek, che sostanzialmente significa: “Uccidete tutti gli uomini, le donne, i bambini e gli animali”. O una dichiarazione del ministro della Difesa, Yoav Gallant, che ha detto che a Gaza sono tutti “animali umani”. Queste sono classiche dichiarazioni deumanizzanti e la deumanizzazione è un passaggio caratterizzante tutti i genocidi che abbiamo visto nella storia dell’umanità.

      Qual è stata invece la linea difensiva israeliana?
      TM Diciamo che l’impianto difensivo di Israele è basato su tre pilastri: il fatto che quello di cui lo si accusa è stato eseguito da Hamas il 7 ottobre; il concetto di autodifesa, cioè che quanto fatto a Gaza è avvenuto in risposta a tale attacco e, infine, che sono state adottate una serie di precauzioni per limitare l’impatto delle ostilità sulla popolazione civile. Israele, inoltre, ha sollevato il tema della giurisdizione della Corte, mettendola in discussione, in quanto non vi sarebbe una disputa in corso col Sudafrica. Su questo la Corte si dovrà pronunciare, ma a tal proposito è stato ricordato come Israele sia stato contattato dal Sudafrica in merito all’accusa di genocidio e non abbia risposto. Questo, per l’accusa, varrebbe come disputa in corso.

      Che cosa chiede il Sudafrica?
      TM In questo momento l’accusa non deve dimostrare che sia stato commesso un genocidio, ma che sia plausibile. Questa non è un’udienza nel merito, siamo in una fase d’urgenza, ma di richiesta di misure cautelari. Innanzitutto chiede il cessate fuoco, poi la rescissione di tutti gli ordini che possono costituire atti di genocidio. Si domanda alla Corte di imporre un ordine a Israele per preservare tutte le prove che potrebbero essere utili per indagini future e di porre fine a tutti gli atti di cui il Sudafrica lo ritiene responsabile.

      Come valuta le due memorie?
      TM La deposizione del Sudafrica è molto solida e convincente, sia in merito agli atti genocidi sia all’intento genocidiario. E credo che anche alla luce dei precedenti della Corte lasci veramente poco spazio di manovra. Uno dei punti di forza è che fornisce anche una serie di prove in merito a quello che è successo e che sta accadendo a Gaza: le dichiarazioni dei politici israeliani, cioè, hanno ricevuto un’implementazione sul campo. Sono stati mostrati dei video di militari, ad esempio, che invocavano Amalek, la citazione di Netanyahu.

      In realtà il Sudafrica non si limita allo scontro in atto, ma parla di una sorta Nakba (l’esodo forzato dei palestinesi) ininterrotto.
      TM Ogni giurista dovrebbe sempre analizzare qualsiasi ostilità all’interno di un contesto e per questo il Sudafrica fa riferimento a 75 anni di Nakba, a 56 di occupazione militare israeliana e a 16 anni di assedio della Striscia.

      Come valuta la difesa israeliana?
      TM Come detto, tutto viene ricondotto all’attacco di Hamas del 7 ottobre e a una risposta di autodifesa rispetto a tale attacco. Ma esiste sempre un contesto per il diritto penale internazionale e l’autodifesa -che per uno Stato occupante non può essere invocata- non può comunque giustificare un genocidio. L’altro elemento sottolineato dal team israeliano, delle misure messe in atto per ridurre l’impatto sui civili, è sembrato più retorico che altro: quanto avvenuto negli ultimi tre mesi smentisce tali dichiarazioni. Basti pensare alla privazione di beni essenziali e a tutte le informazioni raccolte dalle organizzazioni internazionali e dagli organismi delle Nazioni Unite. A Gaza non esistono zone sicure, ci sono stati casi in cui la popolazione evacuata, rifugiatasi nelle zone indicate da Israele, è stata comunque bombardata.

      Ora che cosa pensa succederà?
      TM La mia previsione è che la Corte si pronuncerà sulle misure cautelari entro la fine di gennaio e l’inizio di febbraio, quando alcuni giudici decadranno e saranno sostituiti. In alcuni casi ha impiegato anche solo otto giorni per pronunciarsi. Ora ci sono delle questioni procedurali, altri Stati stanno decidendo di costituirsi a sostegno di Israele o del Sudafrica.

      Che cosa implica tale sostegno?
      TM La possibilità di presentare delle memorie. La Germania sosterrà Israele, il Brasile, i Paesi della Lega Araba, molti Stati sudamericani, ma non solo, si stanno schierando con il Sudafrica.

      Il ministro degli Esteri italiano, Antonio Tajani, ha dichiarato che non si tratta di genocidio.
      TM L’Italia non appoggerà formalmente Israele dinnanzi all’Icj. La Francia sarà neutrale. I Paesi del Global South stanno costringendo quelli del Nord a verificare la credibilità del diritto internazionale: vale per tutti o è un diritto à la carte?

      Se la Corte decidesse per il cessate il fuoco, quali sarebbero le conseguenze, visto che non ha potere politico?
      TM Il parere della Corte è giuridicamente vincolante. Il problema è effettivamente di esecuzione: nel caso di un cessate il fuoco, se non fosse Israele ad attuarlo, dovrebbe intervenire il Consiglio di sicurezza.

      Con il rischio del veto statunitense.
      TM Siamo sul terreno delle speculazioni, ma se la Corte dovesse giungere alla conclusione che Israele è responsabile di un genocidio a Gaza, onestamente riterrei molto difficile un altro veto degli Stati Uniti. È difficile al momento prevedere gli effetti dirompenti di un’eventuale decisione positiva della Corte. Certo è che, quando si parla di Israele, la comunità internazionale, nel senso dei Paesi occidentali, ha creato uno stato di eccezione, che ha sempre posto Israele al di sopra del diritto internazionale, senza rendersi conto che le situazioni violente che viviamo in quel contesto sono il frutto di questo eccezionalismo anche a livello giuridico. Fino a quando si andrà avanti con questo contesto di impunità non finiranno le spirali di violenza.

      https://altreconomia.it/gaza-laccusa-di-genocidio-a-israele-e-la-credibilita-del-diritto-intern

    • La Cour internationale de justice ordonne à Israël d’empêcher un génocide à Gaza

      Selon la plus haute instance judiciaire internationale, « il existe un #risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé » aux Palestiniens de Gaza. La Cour demande à Israël de « prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission […] de tout acte » de génocide. Mais n’appelle pas au cessez-le-feu.

      Même si elle n’a aucune chance d’être appliquée sur le terrain, la #décision prise vendredi 26 janvier par la plus haute instance judiciaire des Nations unies marque incontestablement un tournant dans la guerre au Proche-Orient. Elle intervient après quatre mois de conflit déclenché par l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, qui a fait plus de 1 200 morts et des milliers de blessés, conduit à la prise en otage de 240 personnes, et entraîné l’offensive israélienne dans la bande de Gaza, dont le dernier bilan s’élève à plus de 25 000 morts.

      La Cour internationale de justice (CIJ), basée à La Haye (Pays-Bas), a expliqué, par la voix de sa présidente, la juge Joan Donoghue, « être pleinement consciente de l’ampleur de la #tragédie_humaine qui se joue dans la région et nourri[r] de fortes #inquiétudes quant aux victimes et aux #souffrances_humaines que l’on continue d’y déplorer ». Elle a ordonné à Israël de « prendre toutes les #mesures en son pouvoir pour prévenir la commission à l’encontre des Palestiniens de Gaza de tout acte » de génocide.

      « Israël doit veiller avec effet immédiat à ce que son armée ne commette aucun des actes » de génocide, affirme l’#ordonnance. Elle « considère également qu’Israël doit prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l’incitation directe et publique à commettre le génocide à l’encontre des membres du groupe des Palestiniens de la bande de Gaza ».

      La cour de La Haye, saisie à la suite d’une plainte de l’Afrique du Sud, demande « en outre » à l’État hébreu de « prendre sans délai des #mesures_effectives pour permettre la fourniture des services de base et de l’#aide_humanitaire requis de toute urgence afin de remédier aux difficiles conditions d’existence auxquelles sont soumis les Palestiniens de la bande de Gaza ».

      Enfin, l’ordonnance de la CIJ ordonne aux autorités israéliennes de « prendre des mesures effectives pour prévenir la destruction et assurer la conservation des #éléments_de_preuve relatifs aux allégations d’actes » de génocide.

      La juge #Joan_Donoghue, qui a donné lecture de la décision, a insisté sur son caractère provisoire, qui ne préjuge en rien de son futur jugement sur le fond des accusations d’actes de génocide. Celles-ci ne seront tranchées que dans plusieurs années, après instruction.

      La cour « ne peut, à ce stade, conclure de façon définitive sur les faits » et sa décision sur les #mesures_conservatoires « laisse intact le droit de chacune des parties de faire valoir à cet égard ses moyens » en vue des audiences sur le fond, a-t-elle poursuivi.

      Elle considère cependant que « les faits et circonstances » rapportés par les observateurs « suffisent pour conclure qu’au moins certains des droits » des Palestiniens sont mis en danger et qu’il existe « un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé ».

      Environ 70 % de #victimes_civiles

      La CIJ avait été saisie le 29 décembre 2023 par l’Afrique du Sud qui, dans sa requête, accuse notamment Israël d’avoir violé l’article 2 de la Convention de 1948 sur le génocide, laquelle interdit, outre le meurtre, « l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe » visé par le génocide, l’imposition de « conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle » ou encore les « mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ».

      Le recours décrit longuement une opération militaire israélienne qualifiée d’« exceptionnellement brutale », « tuant des Palestiniens à Gaza, incluant une large proportion de femmes et d’enfants – pour un décompte estimé à environ 70 % des plus de 21 110 morts [au moment de la rédaction du recours par l’Afrique du Sud – ndlr] –, certains d’entre eux apparaissant avoir été exécutés sommairement ».

      Il soulignait également les conséquences humanitaires du déplacement massif des populations et de la destruction massive de logements et d’équipements publics, dont des écoles et des hôpitaux.

      Lors des deux demi-journées d’audience, jeudi 11 et vendredi 12 janvier, le conseiller juridique du ministère des affaires étrangères israélien, Tal Becker, avait dénoncé une « instrumentalisation » de la notion de génocide et qualifié l’accusation sud-africaine de « calomnie ».

      « C’est une guerre qu’Israël n’a pas commencée », avait poursuivi le représentant israélien, affirmant que « s’il y a eu des actes que l’on pourrait qualifier de génocidaires, [ils ont été commis] contre Israël ». « Israël ne veut pas détruire un peuple mais protéger un peuple : le sien. »
      Gaza, « lieu de mort et de désespoir »

      La CIJ, de son côté, a fondé sa décision sur les différents rapports et constatations fournis par des organisations internationales. Elle cite notamment la lettre du 5 janvier 2024 du secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires de l’ONU, Martin Griffiths, décrivant la bande de Gaza comme un « lieu de mort et de désespoir ».

      L’ordonnance rappelle qu’un communiqué de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) du 21 décembre 2023 s’alarmait du fait que « 93 % de la population de Gaza, chiffre sans précédent, est confrontée à une situation de crise alimentaire ».

      Le 12 janvier 2024, c’est l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) qui lançait un cri d’alerte. « Cela fait maintenant 100 jours que cette guerre dévastatrice a commencé, que la population de Gaza est décimée et déplacée, suite aux horribles attaques perpétrées par le Hamas et d’autres groupes contre la population en Israël », s’alarmait-il.

      L’ordonnance souligne, en miroir, les multiples déclarations de responsables israéliens assumant une répression sans pitié dans la bande de Gaza, si nécessaire au prix de vies civiles. Elle souligne que des rapporteurs spéciaux des Nations unies ont même pu s’indigner de « la rhétorique manifestement génocidaire et déshumanisante de hauts responsables du gouvernement israélien ».

      La CIJ pointe par exemple les propos du ministre de la défense Yoav Gallant du 9 octobre 2023 annonçant « un siège complet de la ville de Gaza », avant d’affirmer : « Nous combattons des animaux humains. »

      Le 12 octobre, c’est le président israélien Isaac Herzog qui affirmait : « Tous ces beaux discours sur les civils qui ne savaient rien et qui n’étaient pas impliqués, ça n’existe pas. Ils auraient pu se soulever, ils auraient pu lutter contre ce régime maléfique qui a pris le contrôle de Gaza. »

      Et, à la vue des intentions affichées par les autorités israéliennes, les opérations militaires dans la bande de Gaza ne sont pas près de s’arrêter. « La Cour considère que la situation humanitaire catastrophique dans la bande de Gaza risque fort de se détériorer encore avant qu’elle rende son arrêt définitif », affirme l’ordonnance.

      « À la lumière de ce qui précède, poursuivent les juges, la Cour considère qu’il y a urgence en ce sens qu’il existe un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits qu’elle a jugés plausibles avant qu’elle ne rende sa décision définitive. »

      Si la décision de la CIJ est juridiquement contraignante, la Cour n’a pas la capacité de la faire appliquer. Cependant, elle est incontestablement une défaite diplomatique pour Israël.

      Présente à La Haye, la ministre des relations internationales et de la coopération d’Afrique du Sud, Naledi Pandor, a pris la parole à la sortie de l’audience. Si elle a regretté que les juges n’aient pas appelé à un cessez-le-feu, elle s’est dite « satisfaite que les mesures provisoires » réclamées par son pays aient « fait l’objet d’une prise en compte » par la Cour, et qu’Israël doive fournir un rapport d’ici un mois. Pour l’Afrique du Sud, lancer cette plainte, a-t-elle expliqué, « était une façon de s’assurer que les organismes internationaux exercent leur responsabilité de nous protéger tous, en tant que citoyens du monde global ».

      Comme l’on pouvait s’y attendre, les autorités israéliennes ont vivement critiqué les ordonnances d’urgence réclamées par les juges de La Haye. Si le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, s’est réjoui de ce que ces derniers n’aient pas réclamé, comme le demandait l’Afrique du Sud, de cessez-le-feu – « Comme tout pays, Israël a le droit fondamental de se défendre. La CIJ de La Haye a rejeté à juste titre la demande scandaleuse visant à nous priver de ce droit », a-t-il dit –, il a eu des mots très durs envers l’instance : « La simple affirmation selon laquelle Israël commet un génocide contre les Palestiniens n’est pas seulement fausse, elle est scandaleuse, et la volonté de la Cour d’en discuter est une honte qui ne sera pas effacée pendant des générations. »

      Il a affirmé vouloir continuer « à défendre [ses] citoyens dans le respect du droit international ». « Nous poursuivrons cette guerre jusqu’à la victoire absolue, jusqu’à ce que tous les otages soient rendus et que Gaza ne soit plus une menace pour Israël », a ajouté Nétanyahou.

      Jeudi, à la veille de la décision de la CIJ, le New York Times avait révélé que les autorités israéliennes avaient fourni aux juges de La Haye une trentaine de documents déclassifiés, censés démonter l’accusation de génocide, parmi lesquels « des résumés de discussions ministérielles datant de la fin du mois d’octobre, au cours desquelles le premier ministre Benyamin Nétanyahou a ordonné l’envoi d’aide, de carburant et d’eau à Gaza ».

      Cependant, souligne le quotidien états-unien, les documents « ne comprennent pas les ordres des dix premiers jours de la guerre, lorsqu’Israël a bloqué l’aide à Gaza et coupé l’accès à l’électricité et à l’eau qu’il fournit normalement au territoire ».

      Nul doute que cette décision de la plus haute instance judiciaire des Nations unies va renforcer les appels en faveur d’un cessez-le-feu. Après plus de quatre mois de combats et un bilan lourd parmi la population civile gazaouie, Nétanyahou n’a pas atteint son objectif d’éradiquer le mouvement islamiste. Selon les Israéliens eux-mêmes, près de 70 % des forces militaires du Hamas sont intactes. De plus, les familles d’otages toujours aux mains du Hamas ou d’autres groupes islamistes de l’enclave maintiennent leurs pressions.

      Le ministre palestinien des affaires étrangères Riyad al-Maliki s’est réjoui d’une décision de la CIJ « en faveur de l’humanité et du droit international », ajoutant que la communauté international avait désormais « l’obligation juridique claire de mettre fin à la guerre génocidaire d’Israël contre le peuple palestinien de Gaza et de s’assurer qu’elle n’en est pas complice ». Le ministre de la justice sud-africain Ronald Lamola, cité par l’agence Reuters, a salué, lui, « une victoire pour le droit international ». « Israël ne peut être exempté du respect de ses obligations internationales », a-t-il ajouté.

      De son côté, la Commission européenne a appelé Israël et le Hamas à se conformer à la décision de la CIJ. L’Union européenne « attend leur mise en œuvre intégrale, immédiate et effective », a-t-elle souligné dans un communiqué.

      La France avait fait entendre pourtant il y a quelques jours une voix discordante. Le ministre des affaires étrangères Stéphane Séjourné avait déclaré, à l’Assemblée nationale, qu’« accuser l’État juif de génocide, c’est franchir un seuil moral ». Dans un communiqué publié après la décision de la CIJ, le ministère a annoncé son intention de déposer des observations sur l’interprétation de la Convention de 1948, comme le lui permet la procédure. « [La France] indiquera notamment l’importance qu’elle attache à ce que la Cour tienne compte de la gravité exceptionnelle du crime de génocide, qui nécessite l’établissement d’une intention. Comme le ministre de l’Europe et des affaires étrangères a eu l’occasion de le noter, les mots doivent conserver leur sens », indique le texte.

      Les États-Unis ont estimé que la décision était conforme à la position états-unienne, exprimée à plusieurs reprises par Joe Biden à son allié israélien, de réduire les souffrances des civils de Gaza et d’accroître l’aide humanitaire. Cependant, a expliqué un porte-parole du département d’État, les États-Unis continuent « de penser que les allégations de génocide sont infondées » et notent « que la Cour n’a pas fait de constat de génocide, ni appelé à un cessez-le-feu dans sa décision, et qu’elle a appelé à la libération inconditionnelle et immédiate de tous les otages détenus par le Hamas ».

      C’est dans ce contexte que se déroulent des discussions pour obtenir une trêve prolongée, la deuxième après celle de novembre, qui avait duré une semaine et permis la libération de plusieurs dizaines d’otages.

      Selon les médias états-uniens, Israël a proposé une trêve de 60 jours et la libération progressive des otages encore retenu·es. Selon ce projet, a affirmé CNN, les dirigeants du Hamas pourraient quitter l’enclave. Selon la chaîne d’informations américaine, « des responsables américains et internationaux au fait des négociations ont déclaré que l’engagement récent d’Israël et du Hamas dans des pourparlers était encourageant, mais qu’un accord n’était pas imminent ».

      Le Washington Post a révélé jeudi que le président américain Joe Biden allait envoyer dans les prochains jours en Europe le directeur de la CIA, William Burns, pour tenter d’obtenir un accord. Il devrait rencontrer les chefs des services de renseignement israélien et égyptien, David Barnea et Abbas Kamel, et le premier ministre qatari Mohammed ben Abdulrahman al-Thani. Vendredi soir, l’Agence France-Presse (AFP) a affirmé qu’ils se retrouveraient « dans les tout prochains jours à Paris », citant « une source sécuritaire d’un État impliqué dans les négociations ».

      https://www.mediapart.fr/journal/international/260124/la-cour-internationale-de-justice-ordonne-israel-d-empecher-un-genocide-ga

  • Loi « immigration » : quand le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, tance Emmanuel Macron sur l’Etat de droit
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/01/08/loi-immigration-quand-le-president-du-conseil-constitutionnel-laurent-fabius

    Loi « immigration » : quand le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, tance Emmanuel Macron sur l’Etat de droit
    Par Abel Mestre
    Dans l’exercice policé des vœux, il est parfois utile d’avoir de l’expérience en langage diplomatique. C’est le cas de Laurent Fabius. Le président du Conseil constitutionnel, ancien premier ministre (1984-1986) et ancien ministre des affaires étrangères (2012-2016), n’a pas son pareil pour faire passer certains messages. Et il ne s’en est pas privé lundi 8 janvier lors de ses vœux (à huis clos) au président de la République.
    Au cœur des reproches : la manière dont l’exécutif s’est comporté avec le Conseil constitutionnel, fin décembre 2023, lors de l’adoption de la loi « immigration ». Gérald Darmanin, d’abord, Elisabeth Borne, ensuite et Emmanuel Macron, enfin, ont tous reconnu que le texte comportait des dispositions contraires à la Constitution. Des sorties qui avaient fait s’étrangler de nombreux juristes. Ainsi, Patrice Spinosi, avocat aux conseils et spécialistes des droits humains, estimait-il fin décembre « qu’il y a une volonté d’aller questionner les limites de la jurisprudence constitutionnelle et de créer une tension entre la volonté politique et les gardiens de l’Etat de droit ».
    Apparemment, M. Fabius partage cet avis. « Monsieur le président, je soulignais au début de mon propos que le Conseil constitutionnel n’était ni une chambre d’écho des tendances de l’opinion, ni une chambre d’appel des choix du Parlement, mais le juge de la constitutionnalité des lois, et j’ajoutais que cette définition simple n’était probablement pas ou pas encore intégrée par tous, a ainsi lancé l’ancien chef du gouvernement. Deux mille vingt-trois nous a en effet frappés, mes collègues et moi, par une certaine confusion chez certains entre le droit et la politique. On peut avoir des opinions diverses sur la pertinence d’une loi déférée, on peut l’estimer plus ou moins opportune, plus ou moins justifiée, mais tel n’est pas le rôle du Conseil constitutionnel. La tâche du Conseil est, quel que soit le texte dont il est saisi, de se prononcer en droit. » Et de citer son « prédécesseur et ami Robert Badinter », autre socialiste qui présida le Conseil constitutionnel (1986-1995) : « Une loi inconstitutionnelle est nécessairement mauvaise, mais une loi mauvaise n’est pas nécessairement inconstitutionnelle. »
    Une fois ce rappel fait, M. Fabius ne s’est pas arrêté là. « Sauf à prendre le risque d’exposer notre démocratie à de grands périls, ayons à l’esprit que, dans un régime démocratique avancé comme le nôtre, on peut toujours modifier l’Etat du droit mais que, pour ce faire, il faut toujours veiller à respecter l’Etat de droit, qui se définit par un ensemble de principes cardinaux comme la séparation des pouvoirs, le principe de légalité et l’indépendance des juges, a encore insisté M. Fabius. Il y a bientôt cinquante ans que la jurisprudence du Conseil constitutionnel l’affirme en ces termes : c’est dans le respect de la Constitution que la loi exprime la volonté générale. » En clair, le président du Conseil constitutionnel rappelle les bases d’un « Etat de droit » au chef de l’Etat, notamment cette règle : on ne peut pas voter une loi dont on sait que certaines dispositions sont contraires à la loi fondamentale.
    Plus largement, M. Fabius a longuement développé la notion d’Etat de droit aussi bien au niveau national qu’au niveau européen, alors que la liste menée par Jordan Bardella (Rassemblement national) est donnée favorite aux élections européennes de juin. Et il lance un avertissement, cette fois à une partie de la droite et à l’extrême droite, qui dénoncent de concert « le gouvernement des juges », plaident pour le recours systématique au référendum, et pour sortir également de ce qu’ils appellent le « carcan européen ». « Un sophisme se fait entendre selon lequel il faudrait se libérer de l’Etat de droit, soit au plan national, soit au plan européen, soit les deux, pour accomplir la volonté générale », note ainsi M. Fabius, qui évoque même un « pacte faustien ». Et de dénoncer « la “martingale des refus” – refus de la légitimité des juges, refus de plusieurs de nos engagements européens, refus de l’Etat de droit » qui, selon lui, « nous ferait rompre avec l’Europe et mettrait en cause notre démocratie elle-même ». Pour conclure son allocution, Laurent Fabius a répété la détermination des neuf juges constitutionnels « à veiller à ce que ne connaisse aucune éclipse le respect de la Constitution et de l’Etat de droit ». Une promesse qui sonne comme un rappel à l’ordre. Le Conseil constitutionnel se prononcera le 25 janvier sur la loi immigration adoptée mi-décembre.

    #Covid-19#migrant#migration#france#loiimmigration#conseilconstitutionnel#etatdedroit#droit

  • Anatomie de la droite conservatrice
    https://laviedesidees.fr/Anatomie-de-la-droite-conservatrice

    La droite conservatrice américaine est en plein renouveau. Son idéologie très éclectique mêle anti-modernité et démocratie, religion et capitalisme – ce qui fait en partie son succès. À propos de : Matthew McManus, The Political Right and Equality : Turning Back the Tide of Egalitarian Modernity, Routledge

    #Politique #États-Unis #conservatisme
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20240108_charrayre.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20240108_charrayre.docx