Collaboration, le legs d’Emmanuel Macron, Michel Feher
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À défaut d’avoir scellé la victoire des progressistes sur les populistes, Emmanuel Macron pourra se vanter d’avoir rendus les premiers indiscernables des seconds. Pour la première fois depuis 1945, le cordon sanitaire n’aura pas tant disparu que changé de bord, usé désormais pour isoler les réfractaires à l’union des droites. Reste pour la gauche à prendre acte de cette bipartition et retrouver la défiance joyeuse des législatives.
Emmanuel Macron est un homme de projets. Depuis son irruption dans l’arène électorale, il en a successivement conçu trois, de factures fort différentes, mais qu’il a poursuivis avec un succès que son impopularité croissante ne doit pas occulter.
Le premier, dont la réalisation a précédé l’entame de son premier mandat, relevait seulement d’une expérience de pensée destinée à mettre sa campagne en récit. Il s’agissait, on s’en souvient peut-être, d’imaginer un « nouveau monde » où l’alternance entre la droite et la gauche disparaîtrait au profit d’une alternative dont les termes étaient le progressisme et le populisme. Confrontés à un tel choix, avançait le héraut de la start-up nation, tous les Français raisonnables, quelle que soit leur affiliation d’origine, ne manqueraient pas de faire le pari de l’ouverture et de l’avenir.
Effacée dès la prise de fonction d’Emmanuel Macron, la story du « en même temps » progressiste a rapidement cédé la place à un deuxième projet, conçu pour assurer la réélection du nouvel hôte de l’Élysée. Celui-ci se donnait alors pour mission de priver les Républicains de leur raison d’être tout en confortant Marine Le Pen dans son rôle de Raymond Poulidor de la République – soit de candidate indéfiniment vouée à finir deuxième. Concurremment fondée sur les difficultés des partis de gauche à s’unir et sur la discipline républicaine de leurs électeurs, cette entreprise a bien atteint son objectif en 2022, puisqu’en privant Valérie Pécresse de troupes au premier tour et en obtenant les voix des électeurs de Jean-Luc Mélenchon au second, le président sortant a été reconduit à la tête de l’État.
Pour autant, la manière dont la victoire a été acquise a aussitôt généré des désagréments considérables pour le camp présidentiel : la promotion de la candidate d’extrême droite au rang de challenger officielle s’est en effet traduite par l’entrée en force du Rassemblement National (#RN) à l’Assemblée nationale, tandis que le dépit des citoyens qui s’étaient contraints à assurer la réélection d’un président honni a persuadé les socialistes, les écologistes, les communistes et les Insoumis de sceller une alliance électoralement bénéfique pour ses parties-prenantes.
Privé de majorité parlementaire, Emmanuel Macron s’est d’abord convaincu que les privilèges de l’exécutif octroyés par la Constitution de la Cinquième République lui permettraient de persévérer sans encombre dans sa quête d’appréciation par les principaux arbitres de la compétitivité – à savoir, les gestionnaires d’actifs, la Banque centrale européenne et les agences de notation. Toutefois, tant la progression continue du RN dans l’opinion que son peu de crédit auprès des Français désireux de l’arrêter lui ont bientôt donné l’envie de se consacrer à un nouveau projet.
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