Encore un mot sur « Création monétaire et financement de la transition énergétique », pour reprendre le titre du séminaire dont j’ai parlé dans le poste précédent. Cet intitulé interpelle mais pourrait aussi prêter à malentendu quant à la « création monétaire » elle-même, surtout lorsque quelqu’un a pris l’habitude, comme c’est mon cas, de côtoyer des chercheurs désireux d’explorer « la monnaie dans tous ces états » et des acteurs sociaux voulant, comme on dit, « s’approprier la monnaie ».
Le malentendu fut vite dissipé, car il a été question de la création monétaire classique, celle des banques privées, et du débat sur comment les amener, ainsi que les investisseurs institutionnels, à allouer les fonds (monnaie-crédit et épargne préalable) à la transition écologique. Toujours est-il que l’intitulé invite à se poser des questions qui nous entraîneraient loin du cadre existant : faut-il changer les règles de l’émission ou l’architecture monétaire pour réussir la transition écologique, et si oui, comment ?
En restaurant le circuit du trésor, qui avait joué un rôle clé dans la reconstruction d’après-guerre ? (L’intéressé se reportera utilement à l’excellente thèse de Benjamin Lemoine, et plus largement aux écrits de Bruno Théret, avec qui nous avons formulé une proposition assez iconoclaste de « monnaie fiscale » contre la crise de la zone euro).
En renouant avec la tradition du crédit mutuel sans intermédiation bancaire traditionnelle, s’inspirant par exemple de l’expérience de la monnaie suisse WIR ?
En faisant de la monnaie un bien public, donc en supprimant le droit de seigneuriage pour ne payer plus que les frais d’émission et de gestion ?
Ou encore en autorisant une pluralité d’acteurs émetteurs, voire une pluralité de monnaies (moyens de paiements) au sein même d’un espace monétaire unifié par l’unité de compte ?
Bref, en mettant la création monétaire en débat, on risque de tomber sur un champ foisonnant, où l’on trouve non seulement des idées mais également des expériences pratiques : monnaies locales et régionales, monnaies-temps, systèmes d’échange locaux, jusqu’aux monnaies électroniques qui, à l’instar de Bitcoin, défrayent la chronique de la presse économique.
Ce champ d’innovation commence à intéresser les autorités monétaires. En France, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution vient de terminer des consultations sur le statut des monnaies locales ; j’en profite pour utiliser la carte qui résulte du recensement des monnaies locales en France, puisque’il existe peu de données en la matière.