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  • Le coût des maisons de retraite, un casse-tête pour les familles
    AFP, 26/03/2019
    https://www.lexpress.fr/actualites/1/styles/le-cout-des-maisons-de-retraite-un-casse-tete-pour-les-familles_2069442.htm

    Paris - Un « parcours du combattant », qui peut mener à des « zizanies » familiales : pour certains proches de personnes âgées, le coût de l’hébergement dans les maisons de retraite relève du casse-tête, surtout lorsque les dispositifs d’aide sociale ne les dispensent pas de mettre la main à la poche.

    « C’est épuisant, sur les plans émotionnel et financier. Ça fait 13 ans que ça dure, et toutes les économies de ma mère y sont passées », témoigne Evelyne Ducrocq, une enseignante de 62 ans.

    Sa mère Gisèle, 87 ans, atteinte d’Alzheimer et aujourd’hui complètement dépendante, vit depuis 2006 dans un Ehpad du Pas-de-Calais, qui lui facture 1.900 euros mensuels. « Et encore, on est dans la fourchette basse des prix », soupire Evelyne. Mais l’octogénaire ne touche que 1.200 euros de retraite, si bien que, depuis 13 ans, ses deux filles ont dû se débrouiller pour payer la différence.

    « On a d’abord utilisé les économies de notre mère, puis on a mis sa maison en location, mais on a dû faire des travaux, et on a eu des locataires indélicats », raconte la sexagénaire. « Aujourd’hui c’est moi qui puise dans mon épargne, j’y laisse un tiers de mon revenu. L’an prochain, je serai moi-même à la retraite. Je ne sais plus quoi faire ! ».

    D’après une étude de la Mutualité française publiée en octobre, l’hébergement en maison de retraite coûte en moyenne 2.000 euros par mois aux plus dépendants, alors que les retraités touchent en moyenne 1.500 euros de pension. Dans la majorité des cas, le reste à charge est donc supérieur aux ressources du résident.

    Pour payer la différence, les familles peuvent demander une « aide sociale à l’hébergement » (ASH). Mais le conseil départemental, avant de fixer sa participation, impose aux « obligés alimentaires », c’est-à-dire aux enfants et petits-enfants, de contribuer en fonction de leurs ressources.

    – « Bouclier dépendance » -

    Frédéric, un Strasbourgeois de 57 ans, a ainsi déposé une demande d’aide pour pouvoir payer les 600 euros par mois qui manquent à sa mère Solange, 88 ans, pour régler sa maison de retraite.

    Au final, « le département serait prêt à verser seulement une centaine d’euros par mois. Tout le reste serait à ma charge. Mes frères et soeurs, eux, n’auraient rien à régler ! ». Mécontent de cette répartition, Frédéric a saisi un juge aux affaires familiales, qui ne se prononcera pas avant de longs mois.

    Le fait que les départements sollicitent ainsi les descendants - et qu’ils puissent se rembourser sur le patrimoine de la personne âgée, après son décès -, explique en grande partie le faible recours à ce dispositif. Seuls 20% des pensionnaires d’Ehpad bénéficient de l’ASH, alors que les trois quarts ont des ressources insuffisantes pour payer leur hébergement.

    « Les gens ne veulent pas être une charge » pour leurs héritiers, et sont réticents à ce que les économies de toute une vie soient ponctionnées après leur mort, souligne le sociologue Serge Guérin, spécialiste du vieillissement.

    Les seniors rechignent également à « créer la zizanie entre leurs enfants », décrit Jean-Pierre Hardy, enseignant à Sciences Po et expert de ces thématiques, qui dénonce un système « digne du XIXe siècle ». « Certains vont en justice car ils refusent de payer pour un parent avec qui les relations sont rompues depuis des années », observe-t-il.

    Une réforme de l’ASH pourrait être l’un des volets de la future loi sur la dépendance attendue avant la fin de l’année.

    Un des groupes de travail chargés par le gouvernement de plancher sur ce dossier suggère d’harmoniser au niveau national le barème des efforts demandés aux enfants, et de ne plus solliciter les petits enfants. Il propose également de transformer en crédit d’impôt l’avantage fiscal accordé aux proches pour leur contribution aux frais de séjour - ceci afin d’en faire profiter aussi les moins aisés.

    Enfin, les experts proposent de créer un « bouclier dépendance » : selon ce schéma, au bout d’un certain nombre d’années en établissement, la solidarité nationale prendrait le relais des familles.

    #ash #maison_de_retraite

    • Indre-et-Loire : financer la maison de retraite, le casse-tête des familles
      13/04/2019
      https://www.lanouvellerepublique.fr/indre-et-loire/indre-et-loire-financer-la-maison-de-retraite-le-casse-tete-des

      Face au coût de l’hébergement en Ehpad, les solidarités familiales tentent de faire front. Avec bienveillance, angoisse, et culpabilité. Témoignages.

      On va tous être solidaires. Mais ça va être compliqué car aucun de nous ne roule sur l’or ! Comme la vingtaine de Tourangeaux ayant répondu à notre appel à témoignages sur le financement de l’hébergement en maison de retraite, Alizée et sa famille ont été secouées par l’entrée en Ehpad* d’un proche. Pour elles, c’était le grand-père en décembre dernier. « On se pose surtout beaucoup de questions sur le lieu, sa propreté, l’accompagnement… », précise en préambule la petite-fille. L’inquiétude n’est pas que financière. » Mais elle l’est aussi. Source de nuits blanches à envisager tous les scénarios. 1.000 € de pension de retraite pour le grand-père, 600 € pour la grand-mère qui vit toujours dans sa maison. Un hébergement en Ehpad de 1.900 € par mois, des aides dont les montants restent vagues : « 149 € d’APL, pour l’Apa on attend toujours »… Les enfants se font peu d’illusions, les 10.000 € mis de côté par leurs aînés vont fondre rapidement. Et tous devront participer, même les petits-enfants.
      “ Avec le préavis, on a payé 4.700 € pour un mois ! ” Une échéance à laquelle se prépare également Jeannine d’Azay-le-Rideau. Qui comme la plupart de nos « témoins » ressent le besoin de justifier ce choix d’hébergement en Ehpad, détaillant la perte d’autonomie de sa maman de 92 ans. Soustractions des aides départementales faites, il lui manque 500 € par mois pour honorer la facture mensuelle de 2.200 €, pour l’hébergement et la prise en charge de sa dépendance. « Alors qu’elle a plutôt une bonne retraite (1.400 €), elle n’y arrive pas et doit puiser dans ses modestes économies » raconte sa fille. Les quatre enfants vont prendre le relais, rognant sur leurs retraites respectives. « Heureusement on est soudées, souligne Jeannine. On va y arriver, mais à 72 ans, c’est beaucoup de tracas à gérer. D’autant que je ne peux m’empêcher de penser à ma propre prise en charge dans quelques années. » Elle s’apprête à vendre deux derniers hectares de terres agricoles. Si besoin, elle cédera encore la maison parentale. Des démarches qui l’épuisent. « Surtout que, même si la maison de retraite me semble plutôt bien, avec une ambiance familiale, je ne sens pas ma mère heureuse, je culpabilise… Personne ne va bien dans cette histoire ! »
      Jeannine alerte encore sur les mauvaises surprises des premiers mois. « Ma mère était tombée. Après une hospitalisation, on a dû trouver, en urgence, une maison pour l’accueillir. Une résidence avait une place, mais à un prix impossible pour nous (3.000 €). On savait que ce serait temporaire. Mais quand on a trouvé une seconde maison plus adaptée aux revenus de ma maman, mais dans laquelle il fallait l’installer tout de suite de peur de perdre la place, on s’est retrouvées coincées. On nous a réclamé un mois de préavis dans la première maison. On avait rédigé et fourni ce préavis à la direction dès le début mais on l’avait annulé quelques jours avant l’échéance n’ayant pas trouvé d’autre solution. Au final, on a dû verser 4.700 € à cette première maison, pour à peine un mois, et 2.000 dans la seconde… » Des dépenses qu’elle trouve scandaleuses. « Comment peuvent-ils profiter ainsi de notre détresse ? »
      Pour Catherine, l’histoire s’est répétée avec ses beaux-parents, puis sa maman. « Chaque fois, on s’est heurté aux mêmes difficultés financières. » Durant de longues années, le couple s’est serré la ceinture. « Mes sœurs n’étant pas solvables, on a tout payé. » De ces périodes, elle garde le souvenir « d’une grande fatigue morale et physique ».
      Des mois éprouvants aussi pour Roger, 74 ans, fils unique, quand, il y a trois et demi, il a dû déménager et vendre la maison de sa maman de 93 ans. « Avec 800 € de pension de réversion, il lui manque 1.000 € par mois, précise-t-il. Pour l’instant, elle mange l’argent de la maison. » Elle pourra tenir ainsi encore trois ans. Lui, se bat pour obtenir l’aide sur la complémentaire santé : « Je ne comprends pas qu’il faille refaire un dossier tous les ans ! » Mais la situation ne l’empêche plus de dormir. « Autour de moi, je ne vois que des septuagénaires avec de telles préoccupations. On soutient nos parents, nos enfants, nos petits-enfants. Et on finit par s’interroger sur notre propre avenir ! »
      * Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (#Ehpad).

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      repères
      Quelles aides ? Sous quelles conditions ?

      L’Indre-et-Loire compte 57 Ehpads (publics, privés associatifs et privés commerciaux) pratiquant des coûts d’hébergement de 1.800 à 3.000 € environ. Cinq aides publiques peuvent alléger le coût de l’hébergement.
      > L’allocation personnalisée d’autonomie (APA) : elle finance en partie le tarif dépendance, selon le revenu. En Indre-et-Loire, pour l’hébergement en établissements, elle représente près de 21M€ de dotations, versées en 2018 par le Département, à 4.930 résidents. A cette somme s’ajoutent les aides versées à 620 Tourangeaux résidant hors département, pour une enveloppe globale de 3M€.
      > L’aide sociale à l’hébergement (ASH). Si les ressources du résident et de ses enfants ne suffisent pas, le Département prend le relais. Particularité en Indre-et-Loire : les revenus des petits-enfants ne sont pas pris en compte. En 2018, 1.003 personnes ont bénéficié de cette aide en Touraine, pour un montant global de 13,5 millions d’euros. S’y ajoute une enveloppe de 1,4M€ versée à 99 Tourangeaux domiciliés hors département. L’État peut se rembourser sur la succession, si le patrimoine du résident dépasse 30.000 €.
      > La complémentaire santé gratuite. Les personnes âgées ayant moins de 735 € de revenus peuvent en bénéficier. Pour les autres, une aide au financement d’une mutuelle existe.
      > Un abattement sur l’impôt. La réduction d’impôt est plafonnée à 2.500 € annuels.
      > L’aide personnalisée au logement (APL) : dans les établissements sous contrat, elle est versée sous condition de ressources par la Caisse d’allocations familiales.

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      à chaud
      “ Sans économie et sans bien ”

      La maman de Danielle séjourne dans un Ehpad à 2.000 € par mois, « parmi les moins chers de la région », précise sa fille qui a mené sa petite enquête. « Elle perçoit 1.100 € de pension. Elle n’a aucun bien immobilier, et, en trois ans, elle a épuisé le peu d’économies de sa vie. » Sa fille unique est à la retraite, avec une « modeste pension » non imposable. « Après beaucoup de recherches, j’ai déposé un dossier [pour une demande d’aide sociale ; NDLR] au CCAS de la mairie de Joué. Il a été accepté au bout de deux mois. » Aujourd’hui, Danielle verse chaque mois, 90 % des revenus de sa mère au Trésor public, et garde les 10 % restant comme argent de poche, comme le stipule la réglementation. Lui reste à payer une partie de la mutuelle, les frais d’habillement, produits de toilette… Danielle complète avec ses propres ressources.

    • En moyenne, le reste à charge - somme que doit verser une personne dépendante ou son entourage pour une place en Ehpad - est de près de 2000 euros. « Un montant supérieur au niveau de pension de retraite moyenne, soit 1 800 euros », confirme Roméo Fontaine*, qui souligne : « Le différentiel est d’autant plus grand que la population des Ehpad est très féminine. Or les #femmes ont les niveaux de retraites les plus faibles ».

      * "économiste spécialisé dans les questions liées au vieillissement et chercheur à l’Institut National d’Études Démographiques" et "Collaborateur scientifique au Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Âge (HCFEA), depuis 2017." (https://sites.google.com/view/romeo-fontaine)

      Grand âge et dépendance : les enjeux du financement
      https://www.ouest-france.fr/bretagne/grand-age-et-dependance-les-enjeux-du-financement-6295019
      (! publireportage ? Ouest-France Communication pour Mutualité Française Bretagne)

      Sur le nouveau rapport de cet HCFEA, « Grand âge et autonomie », sorti fin mars 2019, cf. https://seenthis.net/messages/765263#message776372

  • Anas, le héros masqué du journalisme africain
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2019/04/19/anas-le-heros-masque-du-journalisme-africain_5452593_4500055.html

    Sa popularité dépasse le Ghana, pourtant personne ne connaît le visage du journaliste Anas Aremeyaw Anas. Cet anonymat lui permet de protéger sa vie et d’enquêter en caméra cachée sur les affaires de corruption.

    Le chauffeur connaît manifestement le chemin. Sur les avenues fluides, les immeubles de bureaux défilent, comme les enfants des rues qui, aux carrefours, mendient une pièce ou un morceau de pain. Accra, capitale du Ghana, fait sa pause dominicale. Même le marché central, le plus grand d’Afrique de l’Ouest, qui perturbe le centre-ville les jours de semaine, en provoquant des embouteillages monstres, est presque calme avec ses femmes en tenue de fête négociant le kilo de légumes.
    La ville retient son souffle, chargée des derniers échos des cantiques évangéliques, véritable tempo du dimanche matin. Sur les murs, quelques graffs accrochent le regard au passage, comme ce visage en noir et blanc, masqué par un drôle de rideau de perle.
    On le retrouve, en faisant route vers l’aéroport, sur une immense fresque signée Nicholas Tettey Wayo, un des street-artistes les plus en vogue du pays, accompagnée de cette devise en gros caractères : « Anas te surveille. Agis bien. »

    Un superhéros

    Anas ? C’est Anas Aremeyaw Anas, une vedette sans visage, mais à double face. Côté pile, c’est le journaliste le plus connu du continent africain ; côté face, un véritable James Bond, qui met sa vie en jeu pour tourner les images de ses documentaires chocs : des films pour la BBC, CNN ou la chaîne qatarie Al-Jazira.
    Peu connu en France, il apparaît comme un superhéros en Afrique et dans le monde anglo-saxon. Un journaliste espion, bardé d’une cinquantaine de prix, qui travaille caméra cachée sous la chemise, déguisé pour infiltrer les milieux les plus opaques.

    Son dernier reportage, Number 12, est sorti mi-2018. Il raconte la face obscure du football africain, où « le 12e joueur, c’est la corruption ». Le documentaire, fruit de deux ans d’enquête, dénonce cette gangrène.
    Trois jours après sa diffusion par la BBC, le 9 juin 2018, lors d’une séance publique dans la ville d’Accra, le patron ghanéen de ce sport hyperpopulaire a été forcé de démissionner. Puis, pendant plusieurs semaines, toute la planète du ballon rond africain a vécu à l’heure des évictions prononcées par la Fédération internationale (FIFA). Jusqu’à celle d’un arbitre kényan pourtant prêt à officier durant la Coupe du monde en Russie, à l’été 2018. Anas et son équipe ont piégé 97 des 100 leaders du championnat ghanéen ou des grands championnats du continent, leur proposant de l’argent pour influer sur la sélection d’arbitres ou pour truquer des matchs.

    L’anonymat, une assurance-vie

    Aucun milieu ne fait peur à Anas Aremeyaw Anas. En 2015, il a fait tomber sept des douze juges des plus hautes juridictions de son pays. Au total, une trentaine de magistrats et 170 huissiers de justice s’étaient laissés acheter par des journalistes infiltrés, acceptant des liasses de billets en échange d’une décision de justice, comme l’a montré Ghana in the Eyes of God (« le Ghana vu par Dieu »).
    Ce film a été construit à partir de 500 heures de tournage ; il a été vu par 6 500 personnes en quatre projections seulement, au Centre international de conférences d’Accra. Car dans ce petit Etat anglophone d’Afrique de l’Ouest, entre Burkina Faso et Côte d’Ivoire, les sorties des enquêtes du journaliste sont de véritables événements nationaux, aussi courus que le concert d’une rock star.

    « Si je décide d’arrêter, quelqu’un d’autre peut devenir le nouvel Anas. » Anas

    Anas Aremeyaw Anas est une célébrité sans visage car l’anonymat est son assurance-vie. Si de très rares personnes ont déjà vu ses traits, la plupart ne connaissent de lui que le rideau de perles qui tombe de son bob noir, assorti, dans une coquetterie inattendue, à la couleur de sa tunique. Il a choisi de longue date ce masque « produit de l’artisanat local », d’abord parce qu’il « est représentatif du continent africain », mais aussi parce que d’autres que lui peuvent le porter facilement.
    « Si je décide d’arrêter, quelqu’un d’autre peut devenir le nouvel Anas », répète-t-il volontiers. Aujourd’hui, ils sont parfois trois à l’arborer en même temps dans les grands rendez-vous internationaux où Anas est invité. Si, officiellement, il s’agit de tromper ceux qui voudraient l’agresser ou le tuer, c’est aussi par souci de mise en scène. Anas est conscient de la force symbolique du personnage qu’il s’est créé et en joue désormais, écrivant chaque jour un chapitre supplémentaire de cette histoire.

    Pour nous recevoir, le rendez-vous a été donné sans adresse. A l’heure dite, ce 17 février, le pick-up annoncé s’est arrêté devant un hôtel international d’Accra. Prénoms échangés en guise de code et le voilà reparti, stoppant une demi-heure plus tard devant un immeuble à l’air inhabité, dans une banlieue sans charme. Entre une épicerie fermée et une de ces mini-pharmacies où, hormis la gamme d’antipaludéens, les étagères font plus de place aux sodas qu’aux médicaments, un responsable de la sécurité entrebâille un portillon et joue les guides vers le troisième étage, où attend une clé, sésame pour accéder au toit-terrasse, puis à un studio aveugle, camouflé derrière de lourds volets de bois. L’air de la pièce poussiéreuse est encore irrespirable quand le garde du corps y installe trois chaises. Sorti de nulle part, Anas se glisse en silence sur l’une d’elles.

    « Dénoncer, faire honte, emprisonner »

    Après des salutations rapides, ses premiers mots sont pour demander la climatisation. On imagine la chaleur sous son bob enfoncé, derrière ses perles dont le jaune doré répond à sa tunique aux plis parfaits, sur laquelle il porte un petit gilet écossais où le jaune se marie à l’ocre roux. L’homme est théâtral sur sa chaise. Une voix douce très assurée qui s’emballe de temps à autre quand on pointe des contradictions. Des mains qui parlent seules, gesticulant sans cesse. On les fixe d’instinct, gêné face à cet interlocuteur sans visage. Ces mains aux longs doigts fins, graciles, ne trahissent rien de son âge, une quarantaine d’années.

    Anas n’a jamais cessé d’infiltrer des milieux fermés « au nom de l’intérêt général et des droits de l’homme ».

    Né dans le nord du pays, élevé par un père militaire et une mère infirmière, Anas a grandi dans une caserne d’Accra, ville où il étudie le droit à l’université et le journalisme au Ghana Institute of Journalism. Lors de son stage de fin de cursus au tabloïd Crusading Guide, il passe son temps avec les petits vendeurs de rue, ceux qui alpaguent les automobilistes pour quelques cacahuètes ou une bouteille d’eau, et prouve, images à l’appui, que les policiers prélèvent leur obole pour fermer les yeux sur ce commerce illicite.
    Depuis cette première, en 1998, Anas n’a jamais cessé d’infiltrer des milieux fermés « au nom de l’intérêt général et des droits de l’homme », explique celui qui change d’apparence et de personnage pour prélever les preuves de ce qu’il dénonce.

    Pour lutter contre la prostitution enfantine, il devient concierge et homme de ménage dans une maison close en 2007 ; pour démanteler un réseau de proxénètes chinois, il joue les garçons d’étage dans un hôtel chic. Pour raconter le scandale des hôpitaux psychiatriques, il se fait interner, en 2009, sous le nom de Musa Akolgo, une caméra cachée dans sa chemise, essayant de conserver toute sa lucidité en dépit des drogues avalées. En Tanzanie, il dénonce les assassinats d’albinos, dont on broie les os pour en faire des potions, et livre les criminels aux policiers.

    Si Anas Aremeyaw Anas est le cerveau de ces enquêtes, il ne travaille plus seul. Il est le patron emblématique d’une équipe de journalistes d’investigation qui dénoncent la corruption et défendent les droits de l’homme au Ghana et ailleurs sur le continent. Il est copropriétaire du journal de ses débuts, devenu le New Crusading Guide, et a ouvert son agence vidéo. A l’écrit comme à l’écran, sa méthode tient dans le triptyque : Naming, Shaming, Jailing (« dénoncer, faire honte, emprisonner »).

    « Nous voyons cet esprit dans des journalistes courageux comme Anas Aremeyaw Anas, qui risque sa vie pour la vérité. » Barack Obama, lors d’un voyage au Ghana

    Parce qu’il n’hésite pas à s’attaquer aux puissants, Anas est devenu celui qui protège le peuple contre des pouvoirs corrompus. Une sorte de Robin des bois moderne, qui dit choisir ses enquêtes « en fonction de l’intérêt général », ce qui explique son immense popularité.
    Au Ghana, se présenter comme journaliste, c’est immédiatement s’entendre répondre « comme Anas ! », que ce soit dans les taxis ou à la réception de l’Hôtel Golden Tulip, où Linda, la vingtaine, étudiante en tourisme, a cette réaction spontanée, avant d’expliquer avoir vu « le film sur le football et celui sur les juges ».

    #jesuisanas

    La population connaît d’autant mieux Anas qu’il offre des projections gratuites en plein air de tous ses documentaires, estimant que « les gens doivent savoir », que « les informations doivent circuler en Afrique » pour faire naître une société civile plus exigeante et afin que la presse passe enfin du rôle de faire-valoir à celui de quatrième pouvoir. Anas a aussi choisi ce mode de diffusion en parallèle à la BBC, CNN ou Al-Jazira pour protéger les télévisions de son pays qui pourraient être poursuivies si elles diffusaient ses documentaires.
    Le journaliste estime sa popularité « symptomatique d’une société où les gens sont désenchantés ». « Tout à coup, quelqu’un leur redonne espoir en poussant la démocratie plus loin, réveillant leurs aspirations. C’est un phénomène naturel, qui est la conséquence de notre travail – si vous faisiez la même chose, vous seriez aussi populaire », minimise celui qui reste modeste en dépit des fresques sur les murs, des tee-shirts à son effigie, de sa présence dans le dessin animé Tales of Nazir (« les contes de Nazir »), un symbole de la production ghanéenne dont les saisons successives sont diffusées depuis 2014.

    Cette popularité dépasse même largement les frontières nationales, comme le prouvent ses invitations multiples dans les grands festivals, mais aussi ses 276 000 abonnés sur Facebook et ses 212 000 followers sur Twitter, où le mouvement #jesuisanas se répand.
    En plus des trois conférences TED qu’il a faites (à visage caché, bien sûr), Anas s’est vu consacrer un film de 78 minutes, Chameleon (« caméléon »), réalisé par le Québécois Ryan Mullins, et a été cité dans le grand discours de Barack Obama au Ghana, en 2009. Le président américain avait alors rappelé qu’une « presse indépendante » est l’une des choses qui « donne vie à la démocratie » et ajouté : « Nous voyons cet esprit dans des journalistes courageux comme Anas Aremeyaw Anas, qui risque sa vie pour la vérité. »

    Campagne de dénigrement

    Malgré cette célébrité sans frontière, le journaliste est aussi une cible. Un de ses plus proches collaborateurs, Ahmed Hussein-Suale, qui avait travaillé avec lui sur le football et sur les juges, a été abattu le 16 janvier aux abords de son domicile d’Accra par deux hommes à moto. Depuis cet assassinat, Anas a dispersé son équipe et chacun travaille dans son coin.
    Deux jours avant la sortie du film Number 12, Anas a été publiquement accusé de ne pas payer ses impôts par un député du parti au pouvoir, Kennedy Agyapong. L’élu estimait qu’il faisait du mal au peuple ghanéen, ce à quoi Anas a répondu : « Fake news », ajoutant, serein : « Plus vous vous attaquez aux gros poissons, plus vous êtes attaqué. » C’est le même homme politique qui avait appelé à la télévision à « frapper » Ahmed Hussein-Suale, diffusant sa photo (alors que lui aussi jouait l’anonymat) et proposant de « payer » pour corriger cet enquêteur dont il dénonçait les méthodes.

    Cet assassinat a créé l’émoi dans le pays et au-delà. « Lorsque des dirigeants politiques qualifient les journalistes de “diaboliques” ou de “dangereux”, ils incitent à l’hostilité à leur égard et dénigrent leur travail aux yeux du public. De telles déclarations ont un impact direct sur la sécurité des journalistes et créent un environnement de travail dangereux pour eux », a déclaré David Kaye, le rapporteur spécial de l’ONU sur la liberté d’opinion et d’expression.
    « On travaille depuis vingt ans et personne n’avait encore été tué jusque-là, parce que personne n’avait été “outé”, observe simplement aujourd’hui Anas. Si le visage d’Ahmed Hussein-Suale n’avait pas été montré, il ne serait peut-être pas mort. Il y a les gens qui parlent et ceux qui agissent et tuent. Mais quand vous êtes à cette position, vous créez une opportunité en montrant cette photo. »

    « Etre infiltré permet d’apporter des preuves tangibles, que les puissants ne peuvent pas contester devant les tribunaux. Mon objectif est l’efficacité. » Anas

    Interrogé sur ce sujet le 15 février, pour l’émission « Internationales » de TV5Monde, le chef de l’Etat, Nana Akufo-Addo, qui avait officiellement dénoncé le crime sur Twitter, avouait en marge de l’entretien qu’il aimerait « connaître les raisons de cet assassinat », laissant entendre que la victime n’était peut-être pas tout à fait irréprochable. La rumeur court en effet qu’Ahmed Hussein-Suale aurait lui-même touché de l’argent – rumeur que l’entourage d’Anas balaie d’un revers de main, expliquant que la campagne de dénigrement fait partie de la riposte de ceux qui protègent leurs intérêts en refusant de voir le pays changer.

    « A la limite de l’éthique »

    L’ONU comme le Comité pour la protection des journalistes ont demandé qu’une enquête soit sérieusement menée sur cette mort. Le député a reconnu, le 16 mars, dans la presse ghanéenne, avoir été mandaté par le parti au pouvoir pour mener une croisade anti-Anas et jeudi 11 avril, un suspect a été arrêté.
    Reste que la méthode d’Anas interroge et interrogeait bien avant le meurtre d’Ahmed Hussein-Suale. Un journaliste peut-il verser de l’argent pour piéger son interlocuteur ? Peut-il travailler sans révéler son identité professionnelle ? « Mon journalisme est adapté à la société dans laquelle je vis, explique l’intéressé. Au Ghana, et plus largement en Afrique, on ne peut pas se contenter de raconter une histoire pour faire bouger les choses. Etre infiltré permet d’apporter des preuves tangibles, que les puissants ne peuvent pas contester devant les tribunaux. Mon objectif est l’efficacité », poursuit celui qui collabore avec la police. Dépasse-t-il les limites de la déontologie journalistique ? « Je vends bon nombre de sujets à Al-Jazira, CNN et surtout à la BBC. Or, les standards de la BBC sont les meilleurs au monde », rétorque-t-il.

    Pour avoir passé un an auprès de lui et l’avoir vu fonctionner, Ryan Mullins, le réalisateur de Chameleon, journaliste lui-même, reconnaissait, dans un entretien au site Voir, à la sortie du film, en 2015, que les méthodes d’Anas sont « à la limite de l’éthique pour un journaliste occidental » mais qu’elles « sont issues du contexte de travail ghanéen, où les institutions et le système juridique fonctionnent souvent au ralenti et sont aussi très corrompus ».
    Plus important, il ajoute croire que « les motivations d’Anas sont sincères ». « Il veut vraiment que la justice dans son pays soit meilleure et plus développée. Après plus d’une dizaine de séjours en compagnie d’Anas et de son équipe, j’ai pu constater son intégrité. Il a une véritable foi en sa mission », conclut le réalisateur.

    Entreprise privée d’investigation

    Une intégrité qui n’empêche pas le sens des affaires, même si cela contribue à brouiller encore un peu son image… En effet, le savoir-faire développé par les enquêteurs qui entourent Anas Aremeyaw Anas, à mi-chemin entre le journalisme d’infiltration à la Günter Wallraff, le travail de détective et celui d’espion, a fait affluer les commandes. Et le journaliste a monté une entreprise privée d’investigation, Tiger Eye, qui se consacre aussi à des enquêtes ne relevant pas du journalisme. Interpol, la troisième société minière au monde (AngloGold Ashanti), l’une des plus grosses entreprises britanniques de sécurité (Securicor) sont ses clients, au même titre que le gouvernement ghanéen.
    L’entreprise propose tout type d’enquête, de la filature à l’infiltration, la surveillance fine, l’analyse de données. Pour cela, Tiger Eye met à disposition « des agents de haut niveau » qui peuvent avoir été « formés par les services de renseignement israéliens, maîtrisent les sciences de la sécurité et de la surveillance », rappelle le site commercial, qui propose des tarifs variant entre 300 et 500 dollars (jusqu’à 450 euros) la journée – le revenu national moyen au Ghana est d’à peine 2 000 euros annuels.
    Là encore, la pratique pose des questions déontologiques et fait surgir le risque de conflits d’intérêts, qu’Anas met de côté, pragmatique. « La BBC fonctionne avec de l’argent public ! Ici, ce n’est pas possible. Je suis réaliste. Je collabore avec de nombreuses institutions et je le mentionne dans les enquêtes. Et la postérité ne nous pardonnerait pas si nous décidions de simplement se croiser les bras et de laisser place à la criminalité », ajoute celui qui rêve que le journalisme réveille la société africaine.

    « D’autres très bons journalistes d’investigation font leur métier au Ghana et dans la région avec une tout autre approche. » Will Fitzgibbon, ICIJ
    « Nous avons reçu une aide pour reproduire ce nouveau type de journalisme à travers le continent africain. Nous travaillons actuellement sur un projet baptisé “Investigations nigérianes”, qui suscite beaucoup d’intérêt et d’enthousiasme chez les journalistes nigérians. Je suis censé aller au Malawi, en Tanzanie, en Afrique du Sud pour bâtir une nouvelle génération d’“Anas”, capables de repousser les limites de notre démocratie. On n’est plus dans l’histoire d’un individu mais dans un mouvement », insiste-t-il.

    Optimiste

    Un mouvement qui n’est pas le seul sur le continent. Will Fitzgibbon, du Consortium international de journalistes d’investigation (ICIJ), qui reste réservé sur les méthodes d’Anas Aremeyaw Anas, rappelle que « d’autres très bons journalistes d’investigation font leur métier au Ghana et dans la région avec une tout autre approche ». M. Fitzgibbon a notamment travaillé avec la Cellule Norbert Zongo (du nom d’un reporter burkinabé assassiné en 1998) pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (Cenozo) sur les « West AfricaLeaks », qui ont permis de dénoncer quelques scandales financiers.

    Anas ne prétend d’ailleurs pas que sa démarche est la seule valable et se veut plutôt optimiste : « Je vois la société ghanéenne bouger, avancer. Une société civile est en train de naître dans ce pays et le journalisme d’investigation y est pour quelque chose, observe-t-il. Le monde a toujours été en lutte, nous ne sommes pas arrivés ici sans nous battre. Nos ancêtres, que ce soit en Amérique ou ailleurs, ont lutté pour que nous arrivions où nous en sommes aujourd’hui. Dans dix ans, la société sera plus ouverte, il y aura beaucoup moins de corruption. On ne volera plus impunément. Des gens ne demanderont plus qu’on frappe des journalistes parce qu’ils ont de l’argent. On aura davantage conscience que l’argent n’achète pas tout. »
    En attendant, le Ghana occupait, en 2018, la 78e place sur les 180 pays qu’observe l’association de lutte contre la corruption Transparency International. Et l’Afrique est le continent le plus mal classé.

  • Docteur américain échange opioïdes contre argent ou rapport sexuel | Slate.fr
    http://www.slate.fr/story/175977/etats-unis-sante-medecins-opioides-prescriptions-illegales-echange-argent-sexe

    Alors que les États-Unis luttent contre une épidémie sans précédent de prescriptions de médicaments contre la douleur, qui a fait près de 218.000 victimes entre 1999 et 2017, des dizaines de professionnel·les de la santé ont été interpellé·es le 17 avril 2019 pour prescription illégale de plus de trente-deux millions d’analgésiques. Plusieurs médecins sont soupçonnés d’avoir délivré des ordonnances en échange de rapports sexuels ou d’argent.

    Parmi les soixante personnes inculpées figurent notamment trente-et-un médecins, sept pharmaciens et huit infirmières praticiennes. Les accusé·es encourent une peine d’emprisonnement maximale de vingt ans.

    En tout, plus de 350.000 ordonnances illégales ont été rédigées en Alabama, au Kentucky, en Louisiane, en Ohio, en Pennsylvanie, au Tennessee et en Virginie occidentale.

    « C’est l’équivalent d’une dose d’opioïdes pour chaque homme, femme et enfant de la région, a déclaré Brian Benczkowski, procureur général adjoint chargé de la division criminelle du département de la Justice. Si ces professionnels de la santé se comportent comme des trafiquants de drogue, soyez assurés que le département de la Justice va les traiter comme des trafiquants de drogue. »

    À LIRE AUSSI Épidémie d’overdose aux antidouleurs aux États-Unis
    Une dent contre des médicaments

    C’est grâce aux informations de sources confidentielles et d’agent·es infiltré·es dans les centres médicaux de toute la région que l’équipe chargée de l’enquête a pu documenter comment les professionnel·les de la santé abusaient de leur licence pour prescrire ces opioïdes très addictifs en échange d’argent et de sexe.

    Les forces de l’ordre ont découvert que pour passer sous les radars de la justice, des spécialistes n’avaient pas hésité à aller très loin. C’est par exemple le cas d’un médecin du Tennessee, qui avait installé une pharmacie attenante à son cabine en toute illégalité. Après un examen superficiel, sa patientèle n’avait qu’à passer dans la pièce d’à côté pour récupérer directement une ordonnance d’antidouleurs.

    Autre cas rélevé par le bureau du procureur : un dentiste n’acceptait de délivrer des ordonnances d’opioïdes que si ses patient·es le payaient en espèces et acceptaient de se faire arracher une ou plusieurs dents, en guise de couverture.

    Dans l’Alabama, un docteur a même appâté des jeunes femmes et des prostituées en leur proposant de s’approvisionner et de consommer ces antidouleurs à son domicile, en échange de faveurs sexuelles.

    Toujours en Alabama, un médecin exigeait des frais annuels de 600 dollars [environ 530 euros] pour pouvoir figurer sur son listing et bénéficier de prescription d’opioïdes très fortement dosés.

    Aux États-Unis, où les opioïdes tuent désormais plus que les armes à feu, quelque 175 personnes décèdent chaque jour d’une overdose de ces médicaments.

  • Jeunes avocates au bord de la crise de nerfs - Madame Figaro
    http://madame.lefigaro.fr/societe/enquete-sur-les-jeunes-femmes-avocates-au-bord-de-la-crise-de-nerfs-

    En 2018, au sein du barreau de Paris, elles étaient 1 181 à quitter la profession, contre 629 hommes. Nuits blanches à répétition, sexisme ambiant, statut précaire... Les jeunes avocates pâtissent de ces conditions de travail, qui les conduisent parfois jusqu’au surmenage.
    En ce moment


    Illustration signée Léna Bojko pour Le dîner de la Cigogne.

    « Toi, tu vas bosser jusqu’à minuit », lance Alexandra, amusée, à sa consœur Anne-Sophie. Attablées dans la cafétéria du Tribunal de Grande Instance de Paris (XVIIe), les deux avocates en droit pénal savourent un instant d’accalmie, indifférentes au ballet incessant du Palais de justice. Il est déjà 16h30. Derrière elles, une avocate aux traits tirés commande son déjeuner au comptoir – au menu, salade de lentilles et Coca Light. Par-delà les baies vitrées, dans le grand hall, une jeune femme quitte sa robe d’avocat pour la glisser dans une petite valise. Bon nombre de ses collègues arpentent le tribunal, le visage fatigué, munies elles aussi d’un gros sac pour transporter leurs dossiers. Un visage qui trahit les longues heures passées à les éplucher.

    Anne-Sophie, 30 ans, a débuté sa journée à 9 heures, mais planchera encore tard sur un dossier qui lui a été confié à la dernière minute. « En droit pénal, cela arrive souvent de terminer à minuit », affirme Alexandra, 34 ans, déjà vêtue de son manteau bleu marine. Si les deux amies prennent les contraintes du métier « avec le sourire », elles comprennent aisément le mal-être qui touche certaines de leurs collègues. « On est tout le temps dans le conflit, il faut gérer les humeurs de la greffière, les désaccords avec les policiers ou les confrères… », égrène Anne-Sophie. En 2018, selon une étude statistique sur l’exercice professionnel du barreau de Paris, ses consœurs parisiennes étaient 1 181 à quitter la profession, contre seulement 629 hommes, révèle Anne-Laure Casado, membre du Conseil de l’Ordre des avocats (ces chiffres n’ont pas été publiés, NDLR). Le conflit permanent, c’est aussi ce qui a provoqué le burn-out de Maître S. (1), 43 ans, en 2011.

    Une semaine après une violente altercation verbale avec l’un de ses associés, Maître S., alors enceinte, constate des saignements anormaux. « J’ai perdu l’enfant que je portais », explique celle qui avait 36 ans à l’époque. Un épisode encore douloureux pour la quadragénaire : « J’étais en train de me vider de mon sang car je faisais une fausse couche, et au téléphone le confrère m’a refusé un renvoi d’audience, se remémore-t-elle. Une personne de l’Ordre des avocats m’a dit qu’elle ne pouvait l’y contraindre. C’est l’anesthésiste qui a dû m’enlever mon portable des mains avant d’entrer dans l’ascenseur de l’hôpital. »

    La fatigue accumulée et la violence du choc la font sombrer. Maître S. quitte ses associés et leur intente un procès. « J’ai porté plainte auprès de l’Ordre des avocats et on m’a répondu que cela n’était pas grave, que j’aurais un bébé la prochaine fois, poursuit-elle. Je n’en ai pas eu d’autre. » Son burn-out durera cinq ans. Après sa fausse couche, Maître S. rencontre un docteur en psychologie, experte de la souffrance au travail. Leurs échanges l’aident enfin à y voir plus clair.

    D’autres avocates en situation de surmenage préfèrent changer de voie. Certaines d’entre elles choisissent alors de se tourner vers Marina Bourgeois. La créatrice de la société Oser rêver sa carrière a travaillé quinze ans dans le milieu juridique avant de devenir chasseuse de têtes pour de grands cabinets parisiens. Elle est désormais experte en reconversion professionnelle, notamment pour les professionnels du droit.

    Depuis deux ans, la consultante constate une recrudescence de jeunes avocates parmi ses clients. « On a quand même plus de jeunes entre 30 et 35 ans, qui se disent "Je ne vais pas me gâcher la vie", indique Marina Bourgeois. Il y a la pression de l’âge, elles se disent qu’il faut se reconvertir avant 40 ans. » Environ 80 % de sa clientèle – majoritairement féminine – est venue la consulter après un burn-out. La plupart choisit de poursuivre une carrière en entreprise, mais certaines opèrent une reconversion totale - l’une d’entre elles est notamment devenue viticultrice. « Elles se rendent compte que l’avocature peut parfois être un métier sacrificiel, proche du sacerdoce », estime Marina Bourgeois.

    « D’ailleurs ce ne sont pas que des collaboratrices, ou des associées, analyse-t-elle. On a aussi beaucoup d’assistantes ou de secrétaires juridiques qui craquent parce que, les avocats étant sous pression, elles-mêmes le sont. » Pressions du client, de la hiérarchie, de la performance… les origines de cet épuisement professionnel sont légion. Sans compter la précarité du statut de collaboratrice, membre non-salariée d’une profession libérale. Ces dernières sont susceptibles d’être remerciées par leur cabinet du jour au lendemain, sans pouvoir prétendre au chômage.
    "C’est comme une drogue"
    D’autres avocates en situation de surmenage préfèrent changer de voie

    Bien souvent, les clientes de Marina Bourgeois évoquent aussi leurs difficultés à concilier vie privée et vie professionnelle. On ne compte plus celles qui rapportent des dossiers à la maison, les soirs et les week-ends, et peinent à sortir la tête de l’eau. À ses débuts, Maître S. travaillait jusqu’à « 70 heures par semaine ». Une amplitude horaire que connaît bien Maître M. (1), 29 ans, avocate en droit commercial international à Paris : « Il y a trop de dossiers, pas assez d’avocats dans mon cabinet et un niveau d’exigence élevé, les enjeux sont énormes », déplore la jeune femme, qui a récemment enchaîné deux nuits blanches. Maître M. facture « régulièrement plus de quinze heures de travail par jour ». Et perçoit déjà les effets de cette vie trépidante sur son métabolisme : « J’ai constaté que je perdais mes cheveux, que j’étais fatiguée, et j’avais l’impression d’être plus marquée, de vieillir plus vite », soupire-t-elle. Maître M. tient néanmoins à le souligner : elle « savait à quoi elle s’exposait » en choisissant ce métier. Et précise qu’« il y a beaucoup de portes de sortie avant le burn-out ».
    En vidéo, un quart des Français est en état d’hyper stress au travail
    Un quart des Français est en état d’hyper stress au travail

    « C’est comme une drogue, estime Amandine Sarfati, auteure de Chronique d’une jeune avocate (2). Quand on est sur les dossiers, il y a une sorte de fascination, quelque chose qui nous fait vibrer. Sinon, on ne pourrait pas rester jusqu’à minuit dans un bureau. » Maître Sarfati préfère, elle aussi, relativiser. « Je ne suis pas là pour dire que le métier d’avocat n’est pas une belle profession, je suis là pour dire qu’il y a des hauts et des bas, comme partout. »
    Aujourd’hui à son compte, la trentenaire revendique sa liberté et affirme haut et fort qu’« il faut savoir dire stop ». Pourtant, pas si simple de lever le pied lorsque l’on souhaite accéder à un poste clé : « Si vous voulez devenir associée de la boîte, il faut carburer, vous manquez de temps pour votre vie sociale et vous ne rencontrez personne », concède Maître Sarfati. L’investissement peut, à terme, se révéler infructueux.

    « On rencontre aussi des attitudes de non-promotion, des femmes qui restent longtemps collaboratrices et ne passent jamais associées », confirme Marina Bourgeois. Le rapport Kami Haeri sur l’avenir de la profession d’avocat publié en février 2017 appuie ces propos. Selon le document, en 2013, les femmes représentaient moins de 24,5 % des associés en France. Si la profession se féminise – on dénombrait 55,1 % de femmes en 2016, contre 48,7 % en 2006 -, tout reste à faire en terme de parité. Malgré les efforts du barreau pour « réduire les inégalités entre femmes et hommes », « ces avancées certainement significatives ne sont pas suffisantes et les inégalités perdurent », juge l’étude de Kami Haeri.

    Et pour cause : « À Paris comme en province », le revenu moyen des avocates sur la totalité de leur carrière est, en France, inférieur de moitié à celui des hommes, avance le rapport. Des disparités qui traduisent le sexisme ambiant de la profession.
    Paye ta robe

    Si l’omerta règne au sein du milieu, le mouvement #MeToo a permis de libérer la parole des avocates. En juin 2017, l’avocat au barreau de Chartres Sidney Amiel était condamné à dix ans de réclusion criminelle pour viol et agressions sexuelles à l’encontre d’anciennes collaboratrices. Moins d’un an plus tôt était lancé le blog Paye ta robe, dans la lignée de Paye ta Shnek. Le site répertorie des réflexions sexistes lancées au détour d’une plaidoirie, dans les couloirs du tribunal ou au sein de cabinets. La page Facebook Paye ta robe recense désormais 15.000 abonnés. « Demain on va chez le client, essaye de mettre quelque chose de sexy », lance ainsi un avocat à sa stagiaire, comme le raconte un billet anonyme.
    Le dîner de la Cigogne

    Ces anecdotes ont inspiré certaines illustrations du site Le dîner de la Cigogne, créé par Léna Bojko, 29 ans, membre de la Commission pour l’égalité de l’Union des Jeunes Avocats (UJA). L’exemple le plus parlant, selon l’illustratrice ? Un dessin en noir et blanc (ci-dessus), sur lequel un avocat serre la main à l’une de ses consoeurs. « -Bonjour, confrère », lui lance-t-elle. « -Bonjour, Mademoiselle », rétorque-t-il.

    Un sexisme auquel a déjà été confrontée Maître L. (1), 30 ans. « Avant que je ne m’installe à mon compte, mes journées étaient rythmées par les difficultés à gérer mes relations avec les autres avocats », se remémore-t-elle. Pour diverses raisons, cette avocate en province a changé cinq fois de cabinet en trois ans. Ce qui a causé son dernier départ ? « Un homme un peu médiatique, très installé, qui vous appelle "ma chérie" dès le matin, qui fait la tournée des collaboratrices pour faire des bisous dégueulasses, et commente les tenues et les coiffures de toutes les filles du cabinet, s’indigne-t-elle. Ce n’était jamais rien de trop graveleux, mais après un courant d’air il disait par exemple : "Oh, si cela avait été un peu plus fort, on aurait vu sous ta jupe !" » Maître L. préfère pourtant nuancer, expliquant avoir parfois « manqué de chance » au gré des circonstances : « Dans ce métier, il n’y a pas de généralité absolue, il s’agit de rencontres tellement personnelles dans chaque cabinet. »
    9 mois de suspension

    Membre de l’association SOS Collaborateurs, Maître Bojko est régulièrement confrontée à ces préjugés sexistes. Les plus problématiques sont pourtant les poncifs liés à la maternité. « Je rappelle que le cabinet rembourse l’opération de ligature des trompes », raille un avocat dans une autre anecdote de Paye ta robe - ce qui n’est, bien sûr, pas le cas dans les faits. « Il m’est arrivé lors d’entretiens que l’on me dise "Est-ce que vous comptez avoir des enfants bientôt ? Parce qu’on veut quelqu’un qui travaille" », déplore Maître Bojko. Et même après leur congé maternité, les jeunes mères ne sont pas au bout de leurs peines.

    Selon la loi, les avocates bénéficient de huit semaines de protection à l’issue de leur congé maternité, durant lesquelles leur cabinet ne peut les renvoyer. Seul bémol, il les congédie « très souvent » après ce délai. « À un point que l’on ne peut imaginer », souligne Maître Bojko, à qui l’on confie des dossiers sur ces litiges entre collaboratrices et associés. Le phénomène a pris une telle ampleur que Maître Duez-Ruff, avocate au barreau de Madrid, a fondé l’association Moms à la barre, pourvue d’un « site d’entraide entre consœurs et mamans ». Plateforme de gardes d’enfants, contacts utiles, aides aux démarches... L’organisation tend la main à ces femmes en quête de conseils.

    Une situation « inadmissible » pour Marie-Aimée Peyron, bâtonnier de Paris : « Ma première démarche, c’est de sanctionner les comportements déviants, martèle-t-elle. Récemment, un cabinet d’avocat a viré sa collaboratrice parce qu’elle partait en congé maternité. L’avocat a été sanctionné de manière extrêmement symbolique à neuf mois de suspension. » Par la suite, Marie-Aimée Peyron, engagée en faveur de l’égalité, a choisi d’intégrer cette notion aux principes essentiels du barreau de Paris, et organisé les premières assises de l’égalité en mars 2018.

    Un an plus tard, 162 avocats du barreau de Paris ont signé son Manifeste en faveur de la parité. En parallèle, Marie-Aimée Peyron et son équipe recherchent les personnes ayant quitté la profession ces cinq dernières années. Leur objectif ? « Les rassembler au cours d’une grande soirée et débattre avec eux ».
    Situations d’urgence
    Le sacerdoce des avocates
    Les jeunes avocates pâtissent des conditions de travail difficiles, qui les conduisent parfois jusqu’au surmenage.

    Le bâtonnier de Paris, élue en décembre 2016, a également promu dans une newsletter diffusée le 28 mars le numéro bleu « À votre écoute », destiné à la prévention du burn-out et à l’écoute des avocat(e)s en difficulté. Disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, il offre aux avocats l’écoute d’un psychologue. Enfin, elle a fait voter au Conseil de l’Ordre la mise en place de quatre référents collaboration à l’Ordre des avocats. Hantées par la peur d’être « grillées », les jeunes avocates peuvent désormais se confier à ces conseillers de manière anonyme. Anne-Laure Casado est l’une d’entre eux.

    Quand l’avocate en droit de la famille ne reçoit pas ses clients dans son cabinet du VIIIe arrondissement parisien, elle œuvre au quotidien pour libérer la parole de ses confrères. « J’interviens uniquement dans les situations d’urgences », prévient Maître Casado, élue référent collaboration pour trois ans. Comprenez, dans « une situation de harcèlement ou de mise au placard, donc de blocage ». Ainsi, quand la configuration l’exige, une enquête déontologique est menée par un membre du conseil de l’Ordre. Maître Casado doit bien souvent expliquer à ses consœurs - réticentes - qu’elles doivent sortir de l’anonymat pour que des sanctions disciplinaires soient engagées.

    « Si beaucoup de femmes viennent nous voir et sont issues du même cabinet, on peut aussi saisir le bâtonnier, révèle-t-elle. Cela peut vouloir dire que ça se passe mal là-bas. » Lors de ses échanges avec des avocates plus aguerries, Maître Casado constate que ses interlocutrices ont déjà vécu des situations similaires à celles de leurs jeunes consœurs. « Pour elles, cela relève presque de la normalité, elles y ont aussi été confrontées », s’étonne-t-elle.
    Une prévention dès l’école

    Il n’en est rien pour Alexandre Vuchot, associé du cabinet d’affaires internationales Bird & Bird depuis vingt ans. Son cabinet, fondé par une femme, a remporté en 2018 le prix Simone Veil de l’égalité professionnelle. Ici, « les femmes ont réussi à faire carrière en étant enceintes, en ayant des enfants, on voit que c’est parfaitement possible de concilier vie familiale et vie professionnelle dans un cabinet d’affaires internationales », soutient l’associé de Benjamine Fiedler.

    Un message d’espoir porté jusque dans les salles de classe de l’école des avocats de Versailles. Ici, la prévention du burn-out constitue un enseignement à part entière. Des cours de management dispensés par la Haute Ecole des Avocats Conseils (HEDAC) sont proposés aux élèves. On y retrouve des sessions intitulées « Connaissance de soi, confiance en soi, estime de soi et affirmation de soi », « L’implication, la prise de recul et la gestion du stress »... Ou encore « Management des enjeux et risques psychosociaux : le syndrome d’épuisement professionnel, discriminations et harcèlements ». Une manière d’encourager les avocat(e)s de demain à s’écouter davantage. Et à enfin plaider leur propre cause.

    (1) Par souci d’anonymat, les lettres ont été modifiées.
    (2) Chroniques d’une jeune avocate (2017) de Amandine Sarfati, éditions Enrick B., 14,95 euros.

    #travail #injustice #femmes #discrimination #domination_masculine
    #sexisme

  • Macron félicite Netanyahu pour sa victoire électorale
    Par Times of Israel Staff 19 avril 2019, 15:26
    https://fr.timesofisrael.com/macron-felicite-netanyahu-pour-sa-victoire-electorale

    Jeudi, le président français Emmanuel Macron a envoyé une lettre au Premier ministre Benjamin Netanyahu afin de le féliciter pour sa victoire électorale et de lui annoncer qu’il espérait que le prochain gouvernement israélien « rendrait possible une relance efficace du processus de paix au Moyen-Orient afin de parvenir à une solution à deux Etats ».

    « La France entretient une relation d’amitié exceptionnelle avec Israël. Elle poursuivra avec le nouveau gouvernement israélien l’approfondissement de sa coopération dans tous les domaines ainsi que son dialogue sur les questions régionales et de sécurité », pouvait-on lire dans la lettre, selon une copie fournie par le ministère des Affaires étrangères français.

    « La France souhaite également que la formation d’un nouveau gouvernement permette de relancer de manière décisive le processus de paix au Proche-Orient, pour aboutir à une solution à deux Etats, Israël et la Palestine, vivant côte à côte en paix et en sécurité, conformément aux paramètres internationalement agréés », a écrit le bureau présidentiel.

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    Israël rejette une demande "immorale" de Paris appelant à rétablir le transfert des taxes aux Palestiniens
    i24NEWS - Dernière modification 21 avril 2019 à 21:59
    https://www.i24news.tv/fr/actu/international/1555876785-israel-rejette-une-demande-immorale-de-paris-appelant-a-retablir-

    Israël aurait rejeté une demande officielle issue du gouvernement français appelant à rétablir le transfert des paiements de taxes dues à l’Autorité palestinienne (AP) et aurait fustigé Paris pour ce qu’il qualifie d’"immoral", a rapporté dimanche la chaîne israélienne « 12 ».

    Selon cette source, la France a envoyé une lettre officielle au gouvernement israélien la semaine dernière, l’appelant à « revenir sur sa décision concernant le gel du reversement des taxes dues aux Palestiniens ».

    En février dernier, le Premier ministre Benyamin Netanyahou avait annoncé sa décision de geler 138 millions de dollars (122 millions d’euros) sur le montant total qu’Israël reverse à l’AP au titre de la TVA et des droits de douane prélevés par l’Etat hébreu sur les produits importés par les Palestiniens.
    (...)
    Dimanche, rejetant l’appel du gouvernement français, l’Etat hébreu a répondu qu’il maintiendrait sa politique.

    « Votre demande n’est ni moralement ni diplomatiquement légitime, et va même à l’encontre des principes de la politique européenne en matière de lutte contre le terrorisme », aurait ajouté l’Etat hébreu.

    #IsraelFrance

  • Avec Locatio, le gouvernement va (encore) emmerder les plus #pauvres | Slate.fr
    https://www.slate.fr/story/176004/locatio-start-up-logement-location-dossiers-pauvrete

    Je me demandais parfois comment les propriétaires pouvaient croire que si j’avais eu un CDI payé 2.300 euros nets je louerais 20 mètres carrés au fin fond du XIXe arrondissement avec une moquette marron et une cuisine-placard – le coin cuisine était littéralement dans un placard. Mais attention, je ne falsifiais pas mes dossiers pour obtenir un appartement dont je n’aurais pas pu payer le #loyer. J’ai toujours réglé mes mensualités en temps et en heure. Je vais vous révéler un scoop : la plupart des gens sont prêts à ne manger que des pâtes pour pouvoir payer leur loyer.

    Qui contrôle les abus des propriétaires ?

    Ce n’est pas nous qu’il faut contrôler. Ce sont les propriétaires qui exigent tout et n’importe quoi, limite s’il ne s’en trouve pas qui nous demandent de pisser sur un test de grossesse avant de daigner louer leur appart à 700 boules par mois. Tous les appartements que j’ai loués l’étaient officiellement en tant que meublés, alors qu’ils étaient vides, mais ça permettait aux proprios de payer moins d’impôts. Alors franchement, m’inventer un boulot de rêve, ça ne me posait pas le moindre problème.

    #logement

  • Comment François Hollande a « servi sur un plateau » 15 milliards d’euros aux autoroutiers (Sputnik)
    https://www.crashdebug.fr/actualites-france/15937-comment-francois-hollande-a-servi-sur-un-plateau-15-milliards-d-eur

    Signé en 2015 entre François Hollande et son gouvernement, d’un côté, et les sociétés d’autoroutes, de l’autre, le plan de relance autoroutier va permettre à ces dernières de gagner cinq fois plus que leur mise, lit-on dans un référé de la Cour des comptes publié le 18 avril. Il pourrait donc s’agir d’un montant de 15 milliards d’euros.

    Les concessionnaires d’autoroutes peuvent recevoir cinq fois plus que leur mise grâce au plan de relance autoroutier (PRA) signé en 2015 entre eux et François Hollande, indique un référé de la Cour des comptes.

    Le plan consent notamment un allongement d’un à plus de trois ans de la durée des concessions. En retour, les sociétés comme Vinci, Eiffage et Abertis doivent investir 3,2 milliards d’euros pour élargir certains tronçons d’autoroutes, rénover des (...)

  • Je pense que la phrase, niveau café-du-commerce-de-droite, que j’ai la plus entendue, et ça depuis que je suis gamin, c’est : « Le problème, en France, c’est qu’on n’y aime pas les riches ». Un temps, ça c’est vaguement affiné pour devenir « c’est qu’on n’y aime pas ceux qui réussissent ». Le moindre crétin de droite, avec un verre dans le pif, va te la sortir (et comme tu sais, ça sert de fondement philosophique à la longue complainte, qui va suivre, sur les impôts).

    Et donc on avait bien besoin du quotidien de révérence pour aborder ce sujet tabou : Les riches, ces mal-aimés
    https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2019/04/19/les-riches-ces-mal-aimes_5452586_4497916.html

    On les jalouse, on les envie, surtout on ne les aime pas. Même quand ils donnent leur argent pour la bonne cause. L’historien allemand Rainer Zitelmann a étudié dans plusieurs pays, dont la France, les mécanismes de cette détestation.

  • La #grève_illimitée des services d’urgence de l’#AP-HP prend de l’ampleur
    http://www.lefigaro.fr/conjoncture/la-greve-illimitee-des-services-d-urgence-de-l-ap-hp-prend-de-l-ampleur-201

    Tous protestent contre les agressions et le manque de #personnel. Une journée de grève générale est d’ailleurs prévue vendredi prochain, à la veille du week-end de #Pâques,

    Plus grand #hôpital d’Europe avec 39 établissements, qui accueille plus de 10 millions de patients par an et emploie 120.000 personnes, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) est confrontée depuis dimanche à un mouvement de grève. Dénonçant la violence devenue quotidienne, plusieurs services d’urgences ont entamé une grève illimitée, notamment à Lariboisière, la Pitié-Salpêtrière, Saint-Louis et Tenon. Ils ont rejoint l’hôpital Saint-Antoine, en grève depuis le 18 mars après une série d’agressions (cinq en une nuit).

    Lundi, en fin de journée, la direction de l’AP-HP recensait en moyenne près de 31% de personnels #mobilisés (grévistes absents ou assignés) dans 20 services d’urgences, assurant avoir pris les dispositions nécessaires à la continuité des soins.

    « Le peuple est devenu violent, il n’y a plus de respect de l’autre, plus de politesse, certains exigent de n’être soignés que par des hommes ou que par des femmes. Le personnel n’en peut plus de se faire insulter et tabasser », affirme Patrick Pelloux, urgentiste et président de l’Association des médecins urgentistes de France. Lundi soir, alors que le taux de grévistes a dépassé les 30% en journée, quatre nouveaux préavis ont été déposés à Cochin, Robert-Debré, Bicêtre et Georges-Pompidou.

    Dès la semaine dernière, le directeur général de l’AP-HP, Martin Hirsch, a tenté de désamorcer la fronde en promettant notamment 45 postes supplémentaires à répartir selon les besoins des services. Mais selon l’urgentiste CGT Christophe Prudhomme, il manque « 700 postes pour assurer la sécurité des patients ». Les grévistes réclament aussi une prime de 300 euros net par mois pour tenir compte de la pénibilité du travail aux urgences.

    « Les préoccupations exprimées sont prises très au sérieux. On ne nie pas les difficultés et on essaie de voir quelle réponse la plus adaptée peut être apportée », a indiqué au FigaroMartin Hirsch. Lors d’une réunion avec les syndicats, lundi matin, la direction s’est engagée à ce que les effectifs des urgences évoluent désormais proportionnellement à l’activité. Une vraie rupture. Sur la prime pour dangerosité et risque particulier, qui est aujourd’hui très faible (5 à 6 euros mensuels), la direction s’est engagée à la pousser au maximum réglementaire pour tous les personnels des urgences. Sans donner de chiffre.

  • Doctolib bouscule les professionnels de la #santé | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr//doctolib-bouscule-professionnels-de-sante/00089033

    Le modèle de Doctolib a pourtant déjà convaincu 75 000 médecins. « Sur les 500 000 professionnels de santé, déjà 15 % ont souscrit à nos services, et en moyenne 3 000 nouveaux médecins s’y ajoutent chaque mois », précise Julien Meraud, directeur produit et marketing de l’entreprise. La start-up propose à ces derniers une plate-forme de prise de rendez-vous en ligne, où les patients ont directement accès aux agendas des professionnels de santé et réservent eux-mêmes les créneaux disponibles. Doctolib se charge même de relancer les patients par SMS ou mail, avec la promesse de réduire les rendez-vous non honorés et les frais de secrétariat. Le tout pour 129 euros par mois facturés aux professionnels de santé.

    • #publireportage #publicité #journalisme
      Le journaliste n’a pas fait son travail en ne dénonçant pas l’existence même de doctolib, une plateforme privé qui stocke des données confidentielles.

      Il trouve même des excuses risibles qu’il met en dame blanche

      Ce secteur répond à des règles déontologiques fortes qu’un acteur privé innovant n’intègre pas forcément pleinement

      Mais oui, c’est ça, cette pauvre #start_up de doctolib est à plaindre, elle est en fait trop moderne, si si bien entendu elle raconte ne rien comprendre aux données privées., c’est beau comme du Zuckerberg !

      En octobre dernier, des médecins attaquaient doctolib qui s’était largement servi dans leurs fichiers, mais pour des raisons concurrentielles :/ Encore des histoires de fric

      https://www.lejdd.fr/Societe/Sante/des-medecins-declarent-la-guerre-a-doctolib-3788729

      De la « vente forcée » selon des médecins

      Deux reproches sont plus particulièrement faits à la plateforme.

      Premier grief : les praticiens qui quittent Doctolib ont la surprise de toujours voir leurs noms y figurer. Ainsi, quand un patient les recherche, il les trouve mais est redirigé vers un de leurs confrères, qui lui a recours aux services de la plateforme. Pour Franck Chaumeil, il s’agit ni plus ni moins de « vente forcée ».
      Second grief : tous les médecins de France, c’est-à-dire ceux répertoriés dans l’annuaire de l’Ordre de cette profession, figurent sur Doctolib. "Doctolib utilise l’Opendata pour pomper nos coordonnées, ce qui est légal, s’agace Bertrand Legrand. Ce qui ne l’est pas, en revanche, c’est que tous les médecins de France n’ont pas consenti de manière explicite à se retrouver dans ce qui est plus un annuaire qu’un agenda en ligne. C’est une grave violation du RGPD

      Sauf que les médecins n’ont pas d’ovaires, sous le prétexte fallacieux qu’ils sont surbookés ils refilent les données de leurs patients sans leur accord explicite. Je le sais pour l’avoir vécu à maintes reprisesmalgré ma demande de radiation de leurs fichiers. Il y a bien des syndicats de médecins mais jamais de syndicats pour ceux qui se font peler la laine sur le dos, ici les patient·es et des données confidentielles dont vont se repaitre les banques et les assureurs.

      Jacques Lucas, le responsable du Conseil de l’Ordre des médecins en charge, a tenté de siffler la fin de la controverse dans un tweet : « Il serait en effet difficile de soutenir que le médecin qui s’abonne à un service de prise de RDV en ligne le fait pour détourner de la clientèle vers lui, alors même que tous se disent surbookés. Il y a cependant une interrogation sur le référencement Google, en cours d’examen. » Du côté des médecins, la colère s’est dissipée. « #Doctolib a mis en œuvre un référencement plus respectueux de l’éthique professionnelle des médecins », a ainsi tweeté le docteur Bertrand Legrand. Fin du #Doctolibgate pour moi !"

      #fichage_généralisé

    • Et comme ça m’ennerve vraiment, je cite les responsables du massacre, l#ordre_des_médecins lui même. C’est un peu comme la vente des autoroutes entre le pouvoir et les marchands de pétrole. Toi petit patient·e, tais-toi, les patrons qui t’auscultent décident pour toi de refourguer tes données au numérique.

      « Nous sommes en relation avec les plates-formes de prise de rendez-vous en ligne et leur faisons des recommandations, confirme Jacques Lucas, vice-président du Conseil national de l’ordre des médecins et délégué général au numérique. Et Doctolib se développe parce que les professionnels de santé y ont recours. »

    • Je colle les entreprises qui soutiennent Doctolib et essaierai d’en faire un retour

      Ses actionnaires historiques, l’organisme public #Bpifrance, les sociétés d’investissement françaises #Eurazeo et #Kernel et celle de capital-risque américaine #Accel, continuent à la soutenir. Un autre s’est récemment ajouté avec la levée de fonds de 150 millions d’euros de mars 2019 : le fonds d’investissement américain #General_Atlantic.

      #lobbying #santé #marché_des_données_de_santé

      –------
      General Atlantic
      Pas besoin de creuser beaucoup …

      Henri de Castries rejoint le fonds General Atlantic
      Après plusieurs mois consacrés à la campagne électorale de François Fillon, l’ancien patron d’AXA va rejoindre la société d’investissement américaine.

      À noter
      L’ancien patron d’AXA restera administrateur de HSBC et de Nestlé, et continuera de présider l’Institut Montaigne.

      #assureurs #bigpharma #Groupe_Bilderberg

  • A Toulouse, 5 000 personnes sont sans domicile fixe
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/04/18/a-toulouse-5-000-personnes-sont-sans-domicile-fixe_5452002_3224.html

    Une étude menée conjointement par la mairie et des associations a comptabilisé pour la première fois le nombre de personnes sans domicile fixe. Les deux tiers sont des familles, le nombre d’étrangers est en hausse.

    La situation est inquiétante. Quelque 5 000 personnes vivent à Toulouse sans domicile fixe. A titre de comparaison, Paris en a recensé 3 641 après le dernier décompte réalisé lors de la deuxième édition de la Nuit de la solidarité début février. Jeudi 18 avril, Daniel Rougé, adjoint au maire chargé de la coordination des politiques de solidarité à Toulouse, devait présenter les détails d’une étude réalisée dans le cadre du plan Logement d’abord et menée par l’antenne municipale du Service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO) entre 21 heures et minuit par environ 150 bénévoles ou agents municipaux. Ce soir-là, le SIAO, épaulé par la Croix-Rouge, le Secours catholique et les Restos du cœur, était parvenu à un total de 4 163 personnes vivant dans la rue ou dans des squats, campements, hôtels ou gymnases…

    Mais la mairie et certaines associations, comme Droit au logement (DAL) estiment que ce nombre serait plus proche de 5 000. Pour le maire (Les Républicains), Jean-Luc Moudenc, « cette évaluation est très importante, elle va nous permettre de regarder le sujet de face et de faire des propositions. » Elle dévoile une hétérogénéité des profils et parcours. Ainsi, 70 % sont des familles et « sur les 437 adultes sans-abri qui ont répondu, la forte majorité (66 %) se situe dans la tranche d’âge 25-50 ans, et 18 % ont entre 18 et 24 ans », est-il précisé.

    Des familles entières à la rue

    Pour M. Moudenc, « on peut tirer plusieurs leçons de ce premier recensement. Premièrement, la présence grandissante de familles entières. Ensuite, une féminisation importante avec près de 35 % de femmes seules, et enfin une augmentation fulgurante d’étrangers de pays d’origine très variés. » Un SDF sur deux (52 %) vit à Toulouse depuis plus d’un an, et 30 % depuis moins de six mois. « Un chiffre qui s’explique par l’arrivée récente de populations migrantes », confirme le rapport, comme par exemple de ressortissants albanais ou géorgiens. « 52 % des personnes ont des ressources financières, c’est plutôt une bonne nouvelle pour le programme de Logement d’abord, veut croire Daniel Rougé. Notre objectif sera désormais de fluidifier l’accès au logement, car 80 % ne font pas de demandes de logements, elles sont hors radar. »

    L’élu cite l’exemple des 1 100 personnes évacuées dans des bidonvilles depuis 2015, avec des taux de relogements très importants. Un relatif succès que souligne Thomas Couderette, membre du Collectif d’entraide et d’innovation sociale : « Je considère que c’est l’Etat, et donc la préfecture, qui sont défaillants, principalement dans l’accueil d’urgence. Des efforts et une vision à long terme sont nécessaires plutôt que de traiter le sujet simplement à l’entrée de l’hiver. »

    Du côté du DAL, le porte-parole départemental François Piquemal ne se dit « pas étonné de ces chiffres. A Toulouse, on compte plus de 30 000 logements vides ou vacants. Nous, ce que l’on demande, c’est un audit sur cette aberration et des réquisitions ». L’idée a fait écho du côté de la mairie, et un groupe de travail sur l’encadrement des loyers, mesure souvent réclamée par le milieu associatif, va voir le jour. M. Rougé travaille sur la création d’une agence immobilière municipale à vocation sociale qui « sécuriserait les locations, pour les petits propriétaires privés qui rechignent souvent à louer à des personnes en difficulté ».

    L’Etat dépense 40 millions d’euros par an

    Si le mot réquisition n’est pas employé, la municipalité veut créer des « espaces intercalaires », sorte de lieux d’hébergement gérés par la collectivité et des associations dans des bâtiments inoccupés. Dans une ville qui dénombre 42 000 demandes de logement HLM en attente, ces solutions nouvelles paraissent indispensables. Du côté de la préfecture, on met en avant « une attractivité de la ville, avec près de 15 000 nouveaux arrivants chaque année, et une pression migratoire qui explose, rendant la situation effectivement très tendue », commente son secrétaire général Jean-François Colombet. « Nous avons créé 2 300 places d’hébergement d’urgence en trois ans, augmenté de 245 % les places pour les demandeurs d’asile, et de 300 % sur la même période pour les nuitées d’hôtel. Pour l’Etat, cela représente 40 millions d’euros par an », affirme-t-il.

    Alors que le nombre de repas quotidiens distribués par les Restos du cœur est passé de 300 à 500 par jour à Toulouse et que la saturation des services d’appels d’urgence du 115 est toujours aussi problématique – ils peuvent recevoir jusqu’à 300 appels par jour –, l’étude a été saluée par tous les acteurs. Il y a urgence. Le 2 avril, un autre rapport publié par le collectif Les morts de la rue, avait dénombré dix-huit personnes décédées dans la rue à Toulouse en 2018. Quasi exclusivement des hommes, âgés de 28 à 71 ans, la plupart anonymes.

    #métropole #logement #pauvreté #à_la_rue

  • MENSONGE DU MOIS :...Un ménage verra en moyenne son pouvoir d’achat grimper de 850 euros en 2019
    https://www.crashdebug.fr/actualites-france/15931-mensonge-du-mois-un-menage-verra-en-moyenne-son-pouvoir-d-achat-gri

    = Bientot on va dire qu’on est plus riche que Macron LOL

    Contributeur anonyme

    Les mesures fiscales et sociales s’accumulent depuis que les « gilets jaunes » ont commencé à occuper les ronds-points de France, et cela va bénéficier au porte-monnaie des Français. L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a calculé que, en moyenne, un ménage verrait son pouvoir d’achat grimper de 850 euros en 2019, dont 440 euros proviendraient des décisions récentes du gouvernement. Cette hausse, à prendre avec précaution puisque certains ménages gagneront beaucoup plus et d’autres moins, sera la plus élevée depuis 2007, année précédent la crise et, surtout, année de la loi Tepa (en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat) . Cette loi, voulue alors par Nicolas (...)

    #En_vedette #Actualités_françaises

  • Notre-Dame : « L’effort va être en grande partie supporté par l’Etat en raison de moindres rentrées fiscales »
    https://www.latribune.fr/economie/france/notre-dame-l-effort-va-etre-en-grande-partie-supporte-par-l-etat-en-raison

    INTERVIEW. Après le terrible incendie de Notre-Dame de Paris, les grandes fortunes du pays (Bernard Arnault, François Pinault, les héritiers L’Oréal) ont annoncé des centaines de millions d’euros de dons. La famille Pinault a d’ailleurs renoncé à la déduction fiscale de 60% sur les dons. Pour La Tribune, l’économiste et professeur à l’université Paris Dauphine - PSL, Gabrielle Fack, revient pour La Tribune sur les enjeux et les limites de la fiscalité du don en France.
    […]
    Quel peut être l’impact d’une telle fiscalité sur les dépenses publiques ? D’après des estimations de la Cour des comptes, la niche fiscale sur le mécénat d’entreprise coûte plus de 900 millions d’euros par an à l’Etat.
    Dans l’hypothèse d’un don à 100 euros effectué par une entreprise, cela fera 90 euros de recettes fiscales en moins si une réduction de 90% est appliquée. Par rapport à la déduction actuelle de 60%, cela fera une perte supplémentaire de recette fiscale de 30 euros. L’impact total sur les finances publiques dépendra bien sûr du montant total des dons effectués par les entreprises pour la reconstruction de Notre-Dame.

    Finalement, c’est la collectivité qui va prendre en charge la reconstruction comme l’affirme le député Gilles Carrez ?
    Si une grande partie de la reconstruction de Notre-Dame passe par des dons donnant droit à réduction d’impôt, on peut considérer que l’effort va en effet être en grande partie supporté par l’Etat en raison de moindres rentrées fiscales.

    • il y avais pas de contrat d’assurance pour cette cathédrale ? Pourquoi c’est la collectivité qui payerait pour cet accident dont l’église est l’unique responsable (par sa négligence des normes anti-incendie) ?

    • De mémoire : depuis la loi de séparation, l’État est propriétaire du bâtiment et gère intégralement son entretien, et perçoit l’argent sur les visites payantes (les tours). Tous les travaux concernant le monument sont de son ressort.

      Sauf erreur, l’association cultuelle catholique qui jouit du bâtiment, elle, ne perçoit rien sur ces visites, je pense même qu’elle n’a pas le droit de faire payer de visites touristiques liées au bâtiment, et ne touche que le « denier du culte ».

      Du coup, Meg, je pense au contraire que l’« église » n’est non seulement pas l’« unique » responsable, mais sans doute pas responsable du tout, dans la logique de la loi de séparation de 1905.

      https://www.bfmtv.com/economie/aqui-appartient-la-cathedrale-notre-dame-de-paris-1674259.html

    • Ce que je comprends c’est que l’assurance de l’archevêché couvre les œuvres d’art à l’intérieur du bâtiment, pas le bâtiment.

    • La phrase traditionnelle est « l’État est son propre assureur ». Le principe de l’assurance est celui d’une mutualisation des risques, les assurés « cotisant » une « prime » dont le montant est strictement fonction du risque assuré (base du calcul assurante et actuarial, depuis environ le XVIè (aux Pays-Bas) - XVIIè (ailleurs). Prime augmentée de la quote-part des frais de fonctionnement (mutuelle, p. ex.) ET de la rémunération des actionnaires quand on recourt à une assurance privée.

      Le patrimoine de l’État est (encore…) suffisamment vaste et diversifié pour assurer cette mutualisation. Il y a toujours un truc qui crame quelque part pour beaucoup d’autres qui ne crament pas ailleurs.

      Ceci dit, on voit bien que ça risque (?) de changer bientôt, la dictature de l’émotion est en marche : quoi !!! la cathédrale n’est pas assurée !.
      Ben non, et c’est plutôt bien.

      Quelques milliards d’euros de primes à percevoir pour que le secteur privé couvre le risque public, ça ne se refuse pas…

      cf. @fil (allusif…) là : https://seenthis.net/messages/774900

  • Rebâtir Notre-Dame en cinq ans : un coup de pouce fiscal pour les dons
    https://www.latribune.fr/economie/france/rebatir-notre-dame-en-cinq-ans-un-coup-de-pouce-fiscal-pour-les-dons-81461

    Un concours international d’architectes, un soutien fiscal aux dons et un projet de loi pour une souscription nationale : le Premier ministre Édouard Philippe a annoncé mercredi une série de mesures pour tenir le "défi immense" de reconstruire Notre-Dame de Paris en cinq ans, lancé la veille par Emmanuel Macron.

    Le chef de l’Etat a réuni mercredi plusieurs ministres et personnalités à l’Elysée pour lancer le gigantesque chantier de reconstruction de Notre-Dame de Paris, partiellement détruite par les flammes lundi soir, qu’il veut voir achevé en cinq ans. Le Premier ministre Édouard Philippe a annoncé dans la foulée un projet de loi pour encadrer les dons, et des mesures pour tenir ce "défi immense" de reconstruction, jugé intenables par certains spécialistes du patrimoine.

    Le gouvernement devrait aussi annoncer ce jeudi un "plan formation" pour répondre au défi de main-d’oeuvre que pose la reconstruction de la cathédrale.

    Une réduction fiscale de 75% sur les dons des particuliers
    Après un conseil des ministres consacré au sauvetage de la cathédrale, Edouard Philippe a annoncé un projet de loi pour donner un "cadre légal" aux dons - qui avoisinent aujourd’hui le milliard d’euros. Ils ont en effet afflué de la part d’entreprises, d’hommes d’affaires, comme de particuliers, alimentant une polémique sur les grandes fortunes françaises, accusées de verser des centaines de millions d’euros afin de soigner leur image tout en bénéficiant d’une importante ristourne fiscale.

    Le texte prévoit notamment une réduction fiscale dérogatoire de 75% pour ceux de particuliers jusqu’à 1.000 euros, contre 66% au-delà de cette somme, tandis que « les entreprises bénéficieront des réductions d’impôts, dites de mécénat, dans les conditions actuelles ». La réduction équivalente à 60% du montant du don, avec un plafond de 0,5% du chiffre d’affaires. En cas de dépassement de ce seuil, les entreprises peuvent échelonner cet avantage fiscal sur cinq ans.

  • « On prend des risques pour sauver les animaux des chasseurs. On risquera la prison »
    https://www.rue89strasbourg.com/vegan-risques-sauver-animaux-chasseurs-prison-151678

    À l’appel de l’association Vegan Bastards Krew, 12 personnes ont perturbé une chasse le 15 décembre. Dans la forêt entre Lipsheim et Geispolsheim, cinq militants ont été arrêtés puis convoqués à la gendarmerie. Le Sénat a récemment voté une proposition de loi faisant passer la peine encourue pour « entrave à la chasse » d’une simple contravention à un an de prison et 30 000 euros d’amende. (lire l’article complet : « On prend des risques pour sauver les animaux des chasseurs. On risquera la prison »)

  • Incendie de #Notre-Dame de Paris : les collectivités mobilisées pour la reconstruction de la cathédrale
    https://www.banquedesterritoires.fr/incendie-de-notre-dame-de-paris-les-collectivites-mobilisees-po

    L’incendie qui a ravagé la cathédrale Notre-Dame de Paris, dans la nuit du 15 au 16 avril 2019, a soulevé une vague d’émotion et provoqué un afflux de dons pour financer sa reconstruction. Les collectivités locales participent à l’élan. Le secteur privé aussi, qui promet déjà près de 700 millions d’euros.

    #fondation_du_patrimoine #patrimoine #collectivités_territoriales #unesco #

    Jacky Favret, président de l’Union régionale des communes forestières de Bourgogne-Franche-Comté, a demandé aux 3.000 communes forestières du secteur de « jouer la solidarité » en « donnant un #chêne (...) pour Notre-Dame de Paris ».
    À noter, la ville hongroise de Szeged a annoncé faire un don de 10.000 euros, s’estimant redevable à Paris. En 1879, la capitale française avait aidé à la reconstruction de cette ville du sud du pays, dévastée par une inondation.

    […] Du côté de l’#industrie_du_bois, Groupe Charlois, premier producteur français de #bois de chêne, a annoncé qu’il fera un don en nature pour la reconstruction de la #charpente incendiée. Son dirigeant, Sylvain Charlois, jugeant qu’il « n’y a pas en France des stocks de bois déjà sciés disponibles pour un tel chantier », lance un appel à « toutes les bonnes volontés » de la filière pour constituer ce stock. L’exploitant a proposé d’être « le réceptacle », notamment sur son site historique de Murlin, dans la Nièvre, aussi siège du groupe.
    Abritée par la Fondation du Patrimoine, la fondation Fransylva, qui assure la promotion des forêts privées de France, demande quant à elle aux « 3,5 millions de propriétaires privées de #forêts en France de donner un chêne pour la reconstruction de Notre-Dame ».
    La Caisse des Dépôts a de son côté annoncé qu’elle offrira des chênes issus de ses forêts gérées par la Société forestière.

  • Notre-Dame : un Téléthon des milliardaires totalement indécent

    « L’incendie n’était pas totalement éteint que les plus grandes fortunes du pays se livraient déjà à une inédite surenchère de dons mirobolants. La barre d’un milliard d’euros pourrait être dépassée ce mercredi. Ce Téléthon des milliardaires révèle l’indécence de milliardaires, plus enclins à vouloir accoler leur nom à la rénovation de Notre-Dame que payer leur juste part d’impôts. »

    https://blogs.mediapart.fr/maxime-combes/blog/170419/notre-dame-un-telethon-des-milliardaires-totalement-indecent

    #INCENDIE #INDÉCENCE #MILLIARDAIRES #NOTREDAME #TÉLÉTHON

  • INFO EUROPE 1 - Reconstruction de Notre-Dame de Paris : la famille Pinault renonce à la réduction d’impôt sur son don
    https://www.europe1.fr/economie/info-europe-1-reconstruction-de-notre-dame-de-paris-la-famille-pinault-renon

    Le milliardaire François-Henri Pinault a renoncé à demander la réduction fiscale de 60% à laquelle il avait droit sur son don de 100 millions d’euros pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris.

    La polémique commençait à enfler et François-Henri Pinault a préféré la dégonfler très vite. Le milliardaire, patron du groupe de luxe Kering, a promis mardi un don de 100 millions d’euros, via la fondation de sa famille, pour financer la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Alors que certains soulignaient qu’elle allait ainsi bénéficier d’une réduction d’impôt, la famille Pinault a, selon les informations d’Europe 1, décidé de renoncer à cet avantage fiscal.

    #ça_commence_à_se_voir beaucoup !
    (merci M. Aillagon de votre indécence totale !)

  • Apocalypse Now ?

    Le pays va-t-il se retourner contre les riches ? Contre l’innovation technologique ? Est-ce que ça va se transformer en désordre civil ? En tout cas, plus de 50 % des milliardaires de la Silicon Valley ont pris, d’une manière ou d’une autre, une assurance contre l’apocalypse.

    Tout aussi irrationnel, les mêmes qui font construire un mur de la honte pour se « proteger » des populations du Sud sont en train de coloniser la Nouvelle-Zélande :

    S’ils ne s’accordent pas sur la cause de cette apocalypse, beaucoup trouvent que la Nouvelle-Zélande est le meilleur endroit pour y faire face. Un pays qui ne connaît pas d’ennemi, a peu de chance d’être la cible d’une bombe nucléaire, et composé de nombreuses îles où s’isoler, avec de l’altitude pour faire face à la montée du niveau de la mer, de larges territoires inhabités, peu de pollution… Rien qu’en 2016, 13 000 riches américains y ont demandé un permis de construire. Le pays a dû restreindre par la loi la vente de logements à des étrangers, pour maîtriser la hausse des prix de l’immobilier.

    Ce sont aussi les mêmes qui, déplaçant les populations, détruisant lieux de vie indigènes et zones à défendre, se construisent des rêves d’autonomie :

    Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, voit plus grand. Il a acheté un domaine dans le pacifique, sur une petite île au large de Hawaï. Il a payé les poignées de familles présentes sur ses terres, qui y cultivaient de la canne à sucre, pour partir. Il entend s’y faire bâtir une propriété et une ferme bio de 27 hectares, en autosuffisance totale. Un investissement à plus de cent millions de dollars pour assurer sa seule survie et celle de sa famille…

    Là où fleurissent les bunkers de milliardaires : https://www.humanite.fr/nouvelle-zelande-la-ou-fleurissent-les-bunkers-de-milliardaires-670945

    • Nouvelle-zélande. Là où fleurissent les bunkers de milliardaires | L’Humanité
      https://www.humanite.fr/nouvelle-zelande-la-ou-fleurissent-les-bunkers-de-milliardaires-670945


      La bonne nouvelle, c’est que maintenant, nous savons très exactement où trouver les responsables de ce merdier !

      De la Californie à Auckland, les entrepreneurs de la Silicon Valley construisent des abris par peur de la fin d’un monde qu’ils ont participé à créer.

      Les magnats de la Silicon Valley et autres startupers croient-ils sincèrement, comme ils aiment le répéter à longueur de conférences et de plateaux télé, que la technologie va sauver le monde ? La réponse se trouve certainement en Nouvelle-Zélande, où plusieurs dizaines d’entre eux achètent des terres pour se préparer à l’apocalypse. Un haut cadre de Facebook, qui venait de s’offrir quelques hectares boisés sur une île où il a fait installer des générateurs, panneaux solaires et un stock de munitions, le disait clairement à la BBC : « Notre société s’apprête à vivre des changements économiques et technologiques spectaculaires et je ne pense pas que les gens le réalisent. Mais nous, oui, la Silicon Valley vit dans le futur. Avec l’automatisation et l’intelligence artificielle, presque la moitié des emplois américains n’existeront plus dans vingt, trente ans. »
      Une assurance contre l’apocalypse pour les ultrariches

      Un drame social est à venir, qu’ils anticipent d’autant plus qu’ils commencent à avoir conscience qu’ils en sont la cause. Le milliardaire Reid Hoffman, fondateur de LinkedIn, s’interroge donc, dans le New Yorker : « Le pays va-t-il se retourner contre les riches ? Contre l’innovation technologique ? Est-ce que ça va se transformer en désordre civil ? En tout cas, plus de 50 % des milliardaires de la Silicon Valley ont pris, d’une manière ou d’une autre, une assurance contre l’apocalypse. » Pour eux, lorsque le peuple aussi s’en rendra compte et se demandera qui s’est enrichi à milliards en détruisant le travail et en creusant les inégalités, mieux vaudra pour les responsables être à plusieurs milliers de kilomètres de là. Et bien préparés.

      D’autres ultrariches craignent plutôt les bouleversements climatiques, le soulèvement des robots dominés par une intelligence artificielle hostile, Kim Jong-un, un virus… La preuve, il est 23 h 58 sur l’horloge de la fin du monde, tenue à l’heure par l’université de Chicago. S’ils ne s’accordent pas sur la cause de cette apocalypse, beaucoup trouvent que la Nouvelle-Zélande est le meilleur endroit pour y faire face. Un pays qui ne connaît pas d’ennemi, a peu de chance d’être la cible d’une bombe nucléaire, et composé de nombreuses îles où s’isoler, avec de l’altitude pour faire face à la montée du niveau de la mer, de larges territoires inhabités, peu de pollution… Rien qu’en 2016, 13 000 riches américains y ont demandé un permis de construire. Le pays a dû restreindre par la loi la vente de logements à des étrangers, pour maîtriser la hausse des prix de l’immobilier.

      Le milliardaire Peter Thiel, fondateur de PayPal et de Palantir, a lancé le mouvement en 2015, en achetant pour près de 12 millions d’euros une ferme et près de 200 hectares de terrain sur les rives du lac Wanaka, dans le sud de la Nouvelle-Zélande. Il y a fait construit une pièce ultrasécurisée. Avec quatre autres entrepreneurs de la Silicon Valley, dont Sam Altman, patron de Y Combinator, il garde toujours un avion prêt à s’envoler et à traverser 7 000 kilomètres au-dessus du Pacifique au moindre signe d’apocalypse ou de révolte sociale. L’un d’entre eux avoue même conserver dans son garage de San Francisco une moto et des armes, pour rejoindre au plus vite l’avion privé.

      Julian Robertson, milliardaire et président d’un fonds d’investissement californien, a, lui, choisi le lac voisin de Wakatipu. Une dizaine d’autres multimillionnaires californiens ont acheté des propriétés dans la région. Tandis que le financier Bill Foley et le réalisateur de Titanic, James Cameron, ont, eux, opté pour des villas sécurisées sur l’île plus au nord. Sept autres pontes de la Silicon Valley ont opté pour des bunkers blindés, construits à plus de trois mètres sous le sol, et localisables uniquement par GPS dans des grandes prairies de la Nouvelle-Zélande. Et cela au bénéfice d’une entreprise californienne, Terra Vivos, qui fait son beurre en proposant ses solutions contre l’apocalypse. L’entreprise avait déjà pu roder son produit d’appel, un grand bunker antiatomique médicalisé, avec cinéma, armurerie et cellules individuelles, à destination des nombreux Américains qui ont cru à la fin du monde pour le 21 décembre 2012, date de fin d’un calendrier maya. Elle le recycle aujourd’hui pour les cadres de la Silicon Valley qui ont moins de moyens que les hauts dirigeants, et propose des places autour de 35 000 euros par personne dans ces abris collectifs conçus pour trois cents à mille personnes.

      Le fondateur de Terra Vivos se frotte les mains depuis que, en 2017, le sujet privilégié des patrons réunis à Davos lors du forum économique mondial était la peur d’une « révolution ou d’un conflit social qui s’en prendrait au 1 % » le plus riche, raconte-t-il. Pour lui qui doit recycler ses bunkers antiatomiques dans les grandes étendues états-uniennes, la Nouvelle-Zélande n’est pas idéale puisqu’elle est sensible aux tsunamis, notamment en cas de chute de météorite… Mais, sentant l’air du temps, il a investi huit millions pour y bâtir un bunker de trois cents places.
      Le PDG de Facebook a payé les habitants d’une île pour partir

      Le discours prend et les patrons de la Silicon Valley s’arment. Si certains stockent du carburant et des munitions, un autre startuper préfère prendre des cours de tir à l’arc. Steve Huffman, le fondateur de Reddit, s’est fait opérer des yeux parce qu’en cas de désastre, il veut augmenter ses chances de survie sans lunettes ni lentilles de contact. Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, voit plus grand. Il a acheté un domaine dans le pacifique, sur une petite île au large de Hawaï. Il a payé les poignées de familles présentes sur ses terres, qui y cultivaient de la canne à sucre, pour partir. Il entend s’y faire bâtir une propriété et une ferme bio de 27 hectares, en autosuffisance totale. Un investissement à plus de cent millions de dollars pour assurer sa seule survie et celle de sa famille… Comme quoi, « après moi le déluge » n’est pas qu’un proverbe, mais bien une philosophie de vie.

      #it_has_begun

  • Les fondations douteuses du très cher musée de Bernard Arnault - Libération
    https://www.liberation.fr/france/2018/11/29/les-fondations-douteuses-du-tres-cher-musee-de-bernard-arnault_1695084

    Reste la dérive des coûts : initialement évaluée à 100 millions d’euros, sa construction aura finalement coûté huit fois plus - 790 millions, selon la Cour des comptes, LVMH refusant de communiquer le moindre chiffre (1). Certes, Bernard Arnault, première fortune française, n’est pas à quelques millions près, mais tout de même. Aurait-il chargé la mule en vue de maximiser sa niche fiscale ? C’est ce que la plainte du Fricc soupçonne.

    A 112 855 euros le m2 , la Fondation Louis-Vuitton explose tous les records immobiliers. Déjà architecte du musée de la Fondation Guggenheim à Bilbao, Frank Gehry n’avait alors affiché qu’un plus modeste 4 580 euros le m2 (trois fois plus de surface utile pour un coût sept fois moindre). A Paris, la construction de la Philharmonie, 100 % publique, qui avait défrayé la chronique pour un doublement du devis initial (jusqu’à 400 millions), n’émarge qu’à 22 590 euros le m2. « On ne chiffre pas un rêve », a déjà rétorqué Bernard Arnault, un porte-parole de LVMH se chargeant de répondre à la Cour des comptes : « Le dispositif mécénat est précisément prévu pour promouvoir des projets d’ampleur majeure. »

    De fait, l’empire du luxe absorbe à lui seul 8 % de la niche fiscale Aillagon.

    L’hebdomadaire Marianne, très en pointe sur le sujet, a également documenté quelques astuces annexes permettant au groupe de luxe de contourner un peu plus le fisc (sur la TVA ou la taxe professionnelle). C’est d’ailleurs l’un des regrets de la Cour des comptes, dans son rapport remis aux députés : « Gestion trop passive de cette recette fiscale par les services de l’Etat. »

    Samaritaine.

    Il y aurait mieux, ou pire, à lire la plainte du Fricc. Les dépassements de la construction du navire amiral de la Fondation Louis-Vuitton ne seraient pas sans lien avec un autre grand chantier immobilier cher à Bernard Arnault : la rénovation de l’ancien magasin parisien de la Samaritaine, 70 000 m2 au cœur de la capitale, actuellement réhabilités en hôtel de luxe, bureaux et commerces. Au coût plus modeste de 7 142 euros le m2. Avec, dans les deux cas, le groupe de BTP Vinci au gros œuvre. Joseph Breham, avocat des plaignants, résume prudemment et benoîtement sa problématique : « Les autres travaux effectués par Vinci pour LVMH ont été effectués à un coût de construction largement inférieur à celui de la fondation. » Et d’estimer que « le risque d’escroquerie au mécénat est réel ». Car au final, selon les calculs de la Cour des comptes, LVMH aura bénéficié d’un crédit d’impôt sur les bénéfices de 518 millions d’euros (2). Dans l’entourage de Bernard Arnault, on se dit « estomaqué » à l’évocation d’une éventuelle surfacturation, pour un bâtiment « qui nous a coûté une blinde », jugeant « insupportable » la plainte du Fricc. Au Parquet national financier, désormais saisi, de s’en dépatouiller. Présumée innocente, la Fondation Louis-Vuitton aurait un moyen fort simple de se défendre : publier ses comptes. Elle s’abstient, le diable sait pourquoi, de le faire depuis trois ans.

    #mécénat #niche_fiscale #Culture #LVMH #Vinci

  • À la frontière ukraino-polonaise. “Ici, ce n’est pas l’entrée de la Pologne. C’est celle de l’Europe”

    Quand quelqu’un traverse cette ligne, il n’entre pas seulement en Pologne. Il entre en Europe. Demain, il peut être à Bruxelles. Après-demain, en Espagne ou au Portugal...”.

    Paolo, un officier de police portugais détaché à #Medyka, en Pologne, se tient sur une ligne rouge entourée de bandes blanches. “Ne la dépassez pas, sinon on va avoir des problèmes avec les Ukrainiens”, avertit-il.

    “On n’a pas besoin de mur ici”

    Devant lui, des voitures font la file pour sortir d’Ukraine. Des champs bordent le poste-frontière. La terre y a été retournée sur une quinzaine de mètres : sept et demi côté ukrainien, sept et demi côté polonais.
    “Si quelqu’un passe la frontière, il nous suffit de suivre les traces de pied dans la boue. À 10 kilomètres d’ici, il y a une #tour_de_contrôle avec des #caméras_de_surveillance (infrarouge et thermique) qui balaient l’horizon. Quand les conditions météo sont bonnes, elles peuvent voir jusqu’ici. Une deuxième tour va être installée de l’autre côté du #BCP (border check point, NdlR). Peut-être qu’un jour on aura une barrière comme en Hongrie. Mais je ne pense pas. On n’en a pas besoin ici, on a suffisamment d’équipements”, détaille Piotr, un officier qui ressemble comme deux gouttes d’eau au caporal Blutch dans Les Tuniques Bleues.

    Des détecteurs d’explosifs et de radioactivité - “ils sont très puissants et captent même si quelqu’un a suivi un traitement aux isotopes pour guérir du cancer” -, de battements de coeur - “le plus souvent, celui des souris dans les camions” -, #scanners à rayons X pour les véhicules et les cargos, caméras avec #thermo-vision qui peuvent identifier des objets, définir et enregistrer leurs coordonnées géographiques, capables de filmer à une distance maximale de 20 kilomètres, scanners de documents, lecteurs d’empreintes digitales, #terminaux_mobiles pour contrôler les trains... “On ne déconne pas à Medyka”, sourit Piotr.

    De barrière, il y en a bien une. Ou plutôt une simple #clôture, sortie de terre lorsque la Pologne appartenait au camp soviétique.

    Le BCP de Medyka, qui protège une section de 21 kilomètres de frontières entre les deux pays, a été construit en 1945. Parmi les quatorze postes de la frontière (dont onze avec la frontière ukrainienne), il s’agit du plus fréquenté : 14 000 piétons et 2 600 véhicules y passent chaque jour dans les deux sens. À cela, il faut encore ajouter les camions et les trains de passagers et de marchandises. “Certaines personnes passent toutes les semaines pour aller faire leurs courses - contrairement à ce que l’on pourrait croire, la vie est moins chère en Pologne qu’en Ukraine - et on finit par les connaître. Certains en profitent pour faire du trafic. Ils pensent que comme on les connaît et qu’on sait qu’ils sont réglos, on sera moins vigilants. C’est pour ça qu’il ne faut pas laisser la routine s’installer”, observe Piotr.

    Quand la Pologne adhère à l’Union européenne, en 2004, sa frontière orientale devient une des frontières extérieures de la zone Schengen (rejointe quant à elle en 2007). Cette même année, l’agence européenne de garde-côtes et de garde-frontières (#Frontex) voit le jour. Les opérations de coopération internationale aux postes-frontières polonais se sont multipliées depuis.

    Tous les officiers de la #Bieszczady_BGRU font ainsi partie d’un pôle de #garde-frontières et sont régulièrement envoyés en mission pour Frontex dans d’autres pays européens. À l’inverse, des officiers issus de différents États membres son envoyés par Frontex à Medyka (il y en a trois en ce moment : un Portugais, un Bulgare et un Espagnol). En cela, postuler comme garde-côte ou garde-frontière, c’est comme faire un mini Erasmus de trois mois.

    Dans quelques semaines, Piotr partira pour la treizième fois en mission pour Frontex. Ce sera la deuxième fois qu’il ira à la frontière entre la Bulgarie et la Serbie. Paolo est quant à lui le tout premier policier portugais à être déployé ici. Sa spécialité : détecter les voitures volées. À Medyka, on en repère entre 75 et 90 chaque année. “C’est particulier de travailler ici, à la limite du monde européen : on réalise ce que veut vraiment dire "libre-circulation" et "coopération internationale". C’est ici la première ligne, ici qu’on protège l’Europe, ici qu’on peut détecter si un voyageur est "régulier" ou pas. Si on ne le repère pas... Bonjour pour le retrouver dans Schengen ! En tant que policier, je savais tout ça. Mais je crois que je ne le comprenais pas vraiment. C’est lors de mon premier jour ici, quand j’ai vu la frontière, les files, les contrôles, que j’ai vraiment compris pourquoi c’est super important. Dans mon pays, je suis enquêteur. J’ai fait des tas d’arrestations pour toutes sortes de crimes qui ont été commis au Portugal, en Espagne, en France, en Belgique. Si j’avais pu les stopper ici, en première ligne, peut-être que ce ne serait pas arrivé”, note Paolo.

    Mimi et Bernardo

    Pour la première fois éloigné de sa famille, Paolo a voulu sortir de sa routine en venant à Medyka. Enquêteur principal, la cinquantaine, il estimait avoir fait le tour de sa profession et commençait sérieusement à s’ennuyer. “Dans mon pays, j’étais le type vers qui se tournaient les autres pour avoir des conseils, des réponses. Ici, je suis le petit nouveau, je repars de zéro”, dit-il en buvant son café, entouré par trois collègues, tous nommés Piotr.

    “Raconte-lui l’histoire !”, s’exclame l’un d’eux. “Deux poissons sont dans un aquarium : Mimi et Bernardo. Bernardo est un petit poisson-rouge et Mimi est le plus grand. Il pense qu’il est le roi, qu’il a tout pour lui. Le jour où Mimi est placé dans un autre aquarium, beaucoup plus grand, avec un requin, Mimi se rend compte qu’il est tout petit ! Ici, je suis comme Mimi, je ne suis même pas une sardine (rires) !”. Morale de l’histoire : la taille du poisson dépend de la taille de l’aquarium. Et un enquêteur au top de sa carrière a toujours quelque chose à apprendre. “Oh allez Paolo, la taille ça ne compte pas !”, plaisante un autre Piotr.

    À Medyka, Paolo perfectionne sa connaissance en voitures volées et documents frauduleux. “Quand je faisais des contrôles d’identité au Portugal, je ne savais pas trop comment les reconnaître. Ici, j’apprends tous les jours grâce à leur expérience en la matière. Quand je rentrerai, j’enseignerai tout ça à mes collègues”, se réjouit-il.

    En guise d’illustration, Paolo contrôle notre passeport. Les fibres qui ressortent en couleurs fluo dans le lecteur de documents prouvent qu’il est authentique. “Premier bon signe”, glissent Paolo et Piotr. D’autres détails, qu’il est préférable de ne pas divulguer, confirment leurs certitudes. Un séjour en Afghanistan, un autre en Jordanie, un transit en Turquie et des tampons dans différents pays africains soulèvent toutefois des suspicions. “Si vous passiez la frontière avec ce passeport, on vous aurait signalé aux services secrets”, lâche Paolo.

    "Mon premier jour, on a découvert une Lexus volée"

    Ce cinquantenaire a le droit de circuler où bon lui semble - “c’est l’oiseau libre du BCP” - dans le poste-frontière. Il porte toujours un badge sur lui pour expliquer qui il est et dans quel cadre il intervient. Un détail important qui permet de calmer les tensions avec certains voyageurs qui ne comprennent pas pourquoi ils sont contrôlés par un officier portant un uniforme avec lequel ils ne sont pas familiers.

    Chaque matin, après avoir bu son café et fumé son cigare (il en grille trois par jour), Paolo se rend au terminal des voitures, son terrain de jeu. “Mon premier jour, on a découvert une Lexus volée ! Tout était bon : le numéro de châssis, la plaque d’immatriculation (espagnole), les pièces, les données... Mais un de mes collègues me répétait que quelque chose n’allait pas. J’ai contacté les autorités espagnoles pour leur demander une faveur. Ils ont accepté de vérifier et il se trouve que l’originale était garée à Valence ! Quand il y a deux voitures jumelles dans le monde, ça signifie qu’une des deux est volée. Et il faut trouver l’originale pour le prouver”, explique-t-il.

    Quelques instants plus tard, dans ce même terminal, il scrute un autre véhicule sous toutes ses coutures. Quelque chose cloche avec la vitre avant-gauche. Mais lui faut au moins deux détails suspects pour décider de placer le véhicule dans une autre file, où les fouilles et les vérifications sont plus poussées.

    Le #crime_organisé a toujours une longueur d’avance

    En 2018, Frontex a saisi 396 véhicules volés. Trois Joint Action Days, des opérations internationales organisées par l’agence visant à lutter contre les organisations criminelles, ont mené à la saisie de 530 voitures, 12 tonnes de tabac et 1,9 tonne de différentes drogues. 390 cas de fraudes aux documents de voyage ont été identifiés et 117 passeurs arrêtés.

    À la fin de sa journée, Paolo écrit un rapport à Frontex et signale tout ce qui s’est produit à Medyka. Le tout est envoyé au Situation Centre, à Varsovie, qui partage ensuite les informations récoltées sur des criminels suspectés à Europol et aux autorités nationales.

    Ce travail peut s’avérer décourageant : le crime organisé a toujours une longueur d’avance. “Il faut en être conscient et ne pas se laisser abattre. Parmi les vols, on compte de moins en moins de voitures entières et de plus en plus de pièces détachées. Ce qu’on peut trouver dans les véhicules est assez dingue. Un jour, on a même déniché un petit hélicoptère !”, se rappelle Piotr.

    Derrière lui, un agent ouvre le coffre d’une camionnette, rempli de différents moteurs de bateaux et de pneus. Plus loin, une agent des Douanes a étalé sur une table le contenu d’une voiture : CD, jouets, DVD... Elle doit tout vérifier avant de la laisser passer vers la frontière, où l’attendent Paolo et ses trois comparses.

    Par-delà l’entrée du BCP, la file s’étend sur quelques kilomètres. Les moteurs ronronnent, les passagers sortent pour griller une cigarette. Dans la file pour les piétons, certains s’impatientent et chantent une chanson invitant les officiers à travailler un peu plus vite. “Là où il y a une frontière, il y a toujours une file”, dit Piotr en haussant les épaules. Il faut une minute pour vérifier l’identité d’une personne, trente minutes à une heure pour “innocenter” une voiture.

    "Avant 2015, je ne connaissais pas Frontex"

    Le travail des garde-frontières est loin de refléter l’ensemble des tâches gérées par Frontex, surtout connue du grand public depuis la crise de l’asile en Europe et pour le volet "migration" dont elle se charge (sauvetages en mer, identification des migrants et rapatriements). Son rôle reste flou tant son fonctionnement est complexe. “Je n’avais jamais entendu parler de Frontex avant la crise de 2015. J’ai appris son existence à la télévision et je suis allé me renseigner sur Internet”, avance Paolo.

    Les images des migrants traversant la Méditerranée, qui font régulièrement le tour du monde depuis quatre ans, l’ont bouleversé. “Je trouve ça tellement normal de vouloir une vie meilleure. Quand on voit les risques qu’ils prennent, on se dit qu’ils doivent vraiment être désespérés. Je me souviens que je regardais ma fille qui se plaignait de son iPhone qui n’avait qu’un an mais qu’elle trouvait déjà trop vieux. Je me suis dit que j’étais très bien loti et que je pouvais peut-être faire quelque chose. Alors, j’ai décidé de déposer ma candidature. Je ne savais pas où j’allais être envoyé et j’ai fini ici, à Medyka. Ce n’est pas la même chose que de sauver des vies mais... dans quelques années, je pourrai dire que j’ai fait quelque chose. Que je ne suis pas resté les bras croisés chez moi, à regarder ma fille et son iPhone”.

    Dans le Situation Center de Frontex, coeur névralgique de la surveillance des frontières

    La migration et la #criminalité_transfrontalière sur grand écran

    Le cœur névralgique de l’Agence européenne de garde-côtes et de garde-frontières (Frontex) est situé à son siège principal, à #Varsovie. Une douzaine d’agents s’y relaient en permanence pour surveiller les frontières extérieures de l’Union européenne.

    Devant eux, trois larges écrans meublent les murs du #Situation_Center. Des points verts apparaissent sur celui du milieu, le plus large, principalement près des côtes grecques et espagnoles. Ils représentent diverses “détections” en mer (sauvetages en mer, navire suspect, etc.).

    Sur une autre carte, les points verts se concentrent près des frontières terrestres (trafic de drogue, voitures volées, migration irrégulière, etc.) de l’Albanie, la Hongrie, la Bulgarie et la Grèce. À gauche, une carte affiche d’autres informations portant sur les “incidents” aux postes-frontières détectés par les États membres. “Ce que vous voyez ici n’est pas diffusé en temps réel mais on tend à s’en rapprocher le plus possible. Voir les données nous aide à évaluer la situation aux frontières, constater si certaines sont soumises à une pression migratoire et à effectuer des analyses de risques”, explique un porte-parole de l’agence. Les images diffusées lors de notre passage datent de février. Dès que nous quittons la pièce, elles seront remplacées par d’autres, plus récentes qui ne sont pas (encore) publiables.

    Le #Frontex_Situation_Centre (#FSC) est une sorte de plate-forme où parviennent toutes sortes d’informations. Elle les les compile et les redispatche ensuite vers les autorités nationales, Europol ou encore la Commission européenne.

    Sur demande, Frontex peut également suivre, par exemple, tel vaisseau ou telle camionnette (le suivi en temps réel dans le cadre de missions spécifiques se déroule dans une autre pièce, où les journalistes ne sont pas les bienvenus) grâce au système européen de surveillance des frontières baptisé #Eurosur, un système de coopération entre les États membres de l’Union européenne et Frontex qui “vise à prévenir la criminalité transfrontalière et la migration irrégulière et de contribuer à la protection de la vie des migrants”.

    Pour tout ce qui touche à l’observation terrestre et maritime, Frontex exploite du Centre satellitaire de l’Union européenne, de l’Agence européenne pour la sécurité maritime et l’Agence européenne de contrôle des pêches.

    Un exemple : en septembre 2015, les garde-côtes grecs ont intercepté Haddad I, un vaisseau surveillé par Eurosur depuis le début de l’année. Le navire, en route vers la Libye, transportait 5 000 armes, 500 000 munitions et 50 millions de cigarette. Autre exemple : en octobre 2015, un radar-satellite utilisé par Eurosur a détecté des objets en mer, au nord de la Libye. Envoyé sur place par les autorités italiennes dans le cadre de l’opération Sophia, le Cavour, porte-aéronefs de la Marine militaire, a trouvé plusieurs bateaux avec des migrants à bord. 370 personnes ont été sauvées et amenées à bon port.

    Surveillance accrue des médias

    Dans un coin de la pièce, des images diffusées par France 24, RaiNews et CNBC défilent sur d’autres écrans. Au FSC, on suit l’actualité de très près pour savoir ce qui se dit sur la migration et la criminalité transfrontalière. Parfois, les reportages ou les flash info constituent une première source d’information. “La plupart du temps on est déjà au courant mais les journalistes sont souvent mieux informés que les autorités nationales. La couverture médiatique de la migration change aussi d’un pays à l’autre. Par exemple, les Italiens et les Grecs connaissent mieux Frontex que les autres”, glisse un porte-parole.

    Les médias sociaux (Twitter, Facebook, Youtube) sont également surveillés quotidiennement par une équipe dédiée depuis 2015. “Pendant la crise migratoire, Facebook était une source importante d’information. On peut y trouver pas mal de choses sur le trafic d’êtres humains, même si ce n’est pas évident. Ça peut être aussi utile quand une personne a traversé une frontière illégalement et poste une vidéo pour dire qu’il a réussi. Mais on ne mène pas d’enquête. On transmet à Europol ce qui peut être intéressant”, décrit-on chez Frontex.

    Depuis 2009, le FSC publie une newsletter en interne, du lundi au vendredi. L’agence a également créé le Frontex Media Monitor, une application gérée par le staff du FSC qui collecte les articles portant sur la gestion des frontières, Frontex et les agences frontalières des États membres. Ils sont issus de 6 000 sources ouvertes en 28 langues différentes.

    Une partie des agents qui travaillent au FSC, des nationaux issus des États membres qui vont-viennent selon une rotation effectuées tous les trois mois, rédige des rapports durant les périodes dites “de crise”. Ceux-ci portent sur les incidents majeurs aux frontières européennes, la situation migratoire dans les différents États membres, les développements politiques et institutionnels au niveau national et international et les crises dans les pays non-européens.

    Paradoxe kafkaïen

    À l’avenir, le programme Eurosur permettra-t-il de sauver des vies, comme dans l’exemple susmentionné ? Alors que l’Union européenne vient de suspendre la composante navale de l’opération Sophia (ou EUNAVFORMED), Frontex va bientôt acquérir ses propres navires grâce à l’élargissement de son mandat. Selon le directeur exécutif de Frontex, Fabrice Leggeri, ceux-ci pourront couvrir plus de kilomètres que ceux déployés par les autorités nationales.

    En vertu du droit maritime international, Frontex est, comme tout navire, tenue de porter assistante aux naufragés et de les ramener dans un port sûr. De port sûr, condition requise par ce même droit pour débarquer des personnes à terre, les autorités européennes considèrent qu’il n’y en a pas en Libye. Mais l’Italie refuse désormais de porter seule la charge des migrants secourus en mer et les Européens n’ont pas réussi à trouver d’accord pour se les répartir à l’avenir. D’où la suspension des activités maritime de Sophia.

    Quid si l’agence est amenée à procéder à un sauvetage pendant une mission de surveillance des frontières extérieures ? L’Europe finira-t-elle par obliger les navires de Frontex, son “bras opérationnel”, à rester à quai ? Et si oui, qui surveillera les frontières ? À quoi serviront alors les investissements que Frontex s’apprête à réaliser, au frais du contribuable européen, pour s’acheter son propre matériel ? Seul l’avenir donnera des réponses.

    “Nous ne construisons pas une Europe forteresse”

    Fabrice Leggeri, directeur exécutif de l’Agence européenne de garde-côtes et de garde-frontières (Frontex)

    Douze secondes pour décider. C’est le temps dont dispose, en moyenne, un garde-frontière pour décider si un voyageur est “légal” et si ses documents sont authentiques. C’est ce que dit une brochure produite par l’équipe “Information et Transparence” de Frontex, l’Agence européenne de garde-côtes et de garde-frontières, exposée dans une salle d’attente de ladite agence.

    La tour qui abrite le siège de l’agence a été réalisée par le constructeur flamand Ghelamco, en plein centre des affaires de Varsovie.

    Début avril, l’agrandissement du mandat de Frontex a été confirmé. Dotée de 1 500 garde-côtes et garde-frontières (majoritairement déployés en Grèce, en Italie et en Espagne) empruntés aux États-membres, Frontex en comptera 10 000 d’ici 2027 et pourra acquérir son propre équipement (avions, bateaux, voitures, hélicoptères, etc.). Le tout doit encore être adopté par le Parlement européen et le Conseil – une formalité qui ne devrait pas remettre en question ce projet. Depuis son bureau à Varsovie, situé dans une tour sortie de terre par le constructeur flamand Ghelamco, Fabrice Leggeri, directeur exécutif de l’agence, revient en détails sur cette décision, qu’il considère comme “une grande avancée pour l’Union européenne” .

    Le mandat de Frontex a déjà été élargi en 2016. Celui qui vient d’être avalisé va encore plus loin. Des États membres avaient exprimé leurs réticences par rapport à celui-ci. Qu’est-ce qui a changé ces dernières semaines ?

    2016 a été un véritable tournant pour notre agence, qui a été investie d’un mandat plus robuste avec des moyens plus importants. Aujourd’hui, on ne doit plus seulement renforcer des équipes pour réagir en cas de crise – c’est nécessaire mais insuffisant, on l’a compris en 2015 et 2016. Il s’agit de renforcer de manière durable la capacité européenne de gestion des frontières. Concernant notre futur mandat, il est clair que certains États seront vigilants dans la manière dont il sera mis en œuvre. 2020 était une date qui paraissait, à juste titre, très difficile pour la plupart des acteurs (la Commission européenne souhaitait que les effectifs soient portés à 10 000 en 2020, NdlR). D’ailleurs, j’ai observé qu’on parlait beaucoup plus de cette date que du nombre d’agents lui-même, ce qui me laisse penser que nous sommes donc largement soutenus.

    Un corps européen n’a jamais existé auparavant à une telle échelle. Expliquez-nous comment il va fonctionner.

    Construire la capacité de gestion de frontières efficaces, ça ne veut pas dire qu’on doit se cantonner à l’immigration irrégulière. Il faut aussi s’occuper du bon fonctionnement des franchissements réguliers aux points de passages (dans les aéroports, aux postes-frontières, etc.). En 2018, on a eu 150  000 franchissements irréguliers mais on a 700 millions de franchissements réguliers par an. Donc, on ne construit pas une Europe forteresse mais un espace intérieur de libertés, de sécurité et de justice. L’objectif de la création de ce corps européen et des propositions budgétaires proposées par la Commission est de pouvoir recruter davantage pour augmenter le nombre total de garde-côtes et de garde-frontières. Ce corps européen doit être construit ensemble avec les États. On est là pour se compléter les uns les autres et pas pour entrer en concurrence (lire ci-dessous) . Selon un chiffre qui vient des États membres eux-mêmes, le nombre théorique de garde-frontières que l’Union européenne devrait avoir est de 115  000. Quand on regarde combien il y en a de façon effective, selon les planifications nationales, il y en a – à peu près – 110  000.

    “Nos grosses opérations et nos nouveaux déploiements en dehors de l’Union européenne, sont deux gros morceaux qui vont absorber pas mal de ressources”.

    Au niveau opérationnel, quels sont les grands changements que permet le nouveau mandat ?

    Nous allons pouvoir déployer, en mai, une opération hors du territoire européen, en Albanie. Nous pourrons aussi aller dans un pays tiers sans que ce soit nécessairement un pays directement voisin de l’Union européenne, à condition évidemment que celui-ci nous appelle, donne son consentement et qu’il y ait un accord entre l’Union européenne et ce pays. Autrement dit  : on va avoir des contingents de plus en plus nombreux hors des frontières européennes. Nos grosses opérations et nos nouveaux déploiements en dehors de l’Union européenne, sont deux gros morceaux qui vont absorber pas mal de ressources.

    Une de vos missions qui prend de plus en plus d’importance est d’organiser le rapatriement de personnes dans les pays tiers.

    À ce niveau-là, l’Union européenne est passée dans une autre dimension. L’Europe est devenu un acteur à part entière de l’éloignement. Par rapport à ce qu’on pouvait seulement imaginer il y a quatre ou cinq ans (13 729 personnes ont été rapatriées en 2018 contre 3 576 en 2015, NdlR), on a fait un bond énorme. Pour les éloignements, une partie des ressources humaines sera utilisée soit comme escorteurs, soit comme spécialiste de l’éloignement qui vont aider les États membres à les préparer. Cette dimension est nécessaire à cause d’un goulot d’étranglement administratif  : les États membres n’ont pas augmenté le personnel qui doit préparer les décisions d’éloignement alors que le nombre d’étrangers en situation irrégulière et de demandeurs d’asile déboutés à éloigner croît. Le corps européen peut répondre à cette faiblesse pour qu’elle ne se transforme pas en vulnérabilité.

    Vous parlez de complémentarité avec les États. Certains sont méfiants face à l’élargissement du mandat de Frontex, voire carrément hostiles à sa présence sur leur territoire, en vertu de leur souveraineté nationale. Ont-ils raison de craindre pour celle-ci ?

    Qu’il y ait des craintes, ça peut se comprendre. Mais les déploiements du corps européens se feront toujours avec le consentement de l’État concerné et l’activité se déroulera toujours sous l’autorité tactique de celui-ci. Vous savez, je ne sais pas combien de personnes s’en souvienne mais la libre-circulation dans l’espace Schengen existe depuis bientôt 25 ans. Ça fait donc près d’un quart de siècle que les gardes-frontières nationaux gardent la frontière de “nous tous”. Donc ce qu’on fait aujourd’hui, ce n’est pas si différent… Le vrai changement, c’est que ce sera plus visible. Plus assumé. Que Frontex devient le bras opérationnel de l’Union européenne. Moi, je considère l’agence comme une plateforme d’entraide opérationnelle. Et ce n’est pas parce qu’un État membre nous demande de l’aide qu’il est défaillant. Il ne faut pas non plus percevoir nos actions comme une sanction, une faiblesse ou une substitution à la souveraineté. À l’avenir, il faudra que chaque État puisse avoir un petit bout de ce corps européen présent chez lui. Il contribue à renforcer une culture de travail commune, à homogénéiser des pratiques. Les frontières extérieures sont communes à tous, à notre espace de circulation et il serait absolument incompréhensible qu’on travaille de façon radicalement différente en divers endroits de cette frontière commune.

    Le nouveau mandat vous donne tout de même plus d’autonomie…

    On aura une autonomie opérationnelle plus forte et une flexibilité dans la gestion des ressources humaines, ce qui est effectivement une force. Mais c’est une force pour nous et qui bénéficie aux États membres. On aura aussi une plus grande autonomie technique renforcée grâce à nos propres moyens opérationnels (Frontex emprunte actuellement ce matériel aux États membres et les défraye en échange, NdlR).

    À vous entendre, on croirait que la libre-circulation des personnes a été tellement menacée qu’elle aurait pu disparaître…

    C’est le cas. La crise de 2015-2016 a montré que ce qui était remis en question, c’était la libre-circulation effective. D’ailleurs, un certain nombre d’États membres ont rétablis les contrôles aux frontières. C’est le signe d’un dysfonctionnement. L’objectif des autorités au niveau de l’Union européenne, c’est de retourner au fonctionnement normal. C’est “retour à Schengen”.

    Le visa Schengen est le représentant du collectif des 26 pays européens qui ont mutuellement décidé d’éliminer les contrôles à leurs frontières communes.

    Schengen, c’est quelque chose que l’on prend trop pour acquis ?

    Quand on voyage à l’intérieur de cet espace, ça paraît surprenant de se voir demander sa carte d’identité ou d’entendre que le contrôle a été rétabli aux frontières intérieures. Ça a un impact économique monstrueux qui se chiffre en millions, même en milliards d’euros et ça détricote l’Europe petit à petit. Un espace de libre-circulation, c’est un espace où on circule pour faire du commerce, pour étudier, etc. Et c’est là que le rôle de l’agence de garde-côtes et de garde-frontières est crucial  : les frontières doivent fonctionnent correctement pour sauver et maintenir Schengen. Sans vouloir faire une digression, c’est un peu la même chose avec qu’avec la zone euro. C’est quelque chose de très concret pour le citoyen européen. Vous remarquez que quand vous arrivez en Pologne (nous sommes à Varsovie, où se situe le siège de Frontex, NdlR), vous ne pouvez pas payer votre bus avec une pièce dans le bus. L’espace Schengen, c’est pareil. C’est quand on ne l’a pas ou qu’on ne l’a plus, qu’il est suspendu temporairement, qu’on se dit que c’est quand même bien. Frontex évolue dans un domaine où “plus d’Europe” est synonyme de meilleur fonctionnement et de meilleure utilisation des deniers publics.

    En 2015, le budget de Frontex dédié aux retours était de 13 millions d’euros. En 2018, 54 millions y étaient dédiés. La Belgique n’organisait quasiment pas de vols sécurisés, en collaboration avec Frontex avant 2014. Ces "special flights" sont plus avantageux sur le plan financier pour les États car ceux-ci sont remboursés entre 80 % et 100 % par Frontex.


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