• La santé est-elle l’affaire des municipalités ?
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    Comment les municipalités peuvent-elles se saisir des préoccupations sanitaires ? Quels sont leurs moyens d’actions pour agir sur les questions de santé ? Comment ces structures d’exercice coordonné peuvent-elles constituer l’instrument principal d’une politique de santé locale ?

    #Société #santé
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    • Aujourd’hui, comme l’a illustré le poids pris par l’État dans le traitement de la pandémie de Covid-19, la mobilisation de l’échelon municipal en termes de santé ne semble plus aller de soi. La clause générale de compétence, qui permet depuis 1884 aux municipalités d’intervenir sur toute question présentant à leurs yeux un intérêt public local dès lors que cela n’empiète pas sur les attributions d’un autre échelon d’action publique, a pourtant été confirmée pour les communes par la loi du 7 août 2015 portant Nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) tandis que cette dernière la supprimait pour les départements et les régions.

      Force est de constater que le lien entre santé et localité s’est progressivement distendu au cours du dernier siècle quand il s’est au contraire renforcé sur d’autres sujets, comme en témoigne l’essor des polices municipales. Pourtant, face à la crise sanitaire, les mairies ne sont pas restées passives et ont déployé des actions tous azimuts pour distribuer des masques, organiser la circulation des personnes par voie d’arrêtés ou encore permettre la vaccination sur leur territoire. La question de la pertinence de l’échelon municipal dans la construction et la mise en œuvre des politiques de santé se repose donc aujourd’hui avec acuité. Se « repose » car plusieurs réformes institutionnelles et sociales ont fait, dans les années 1880-1900, de l’aide aux plus vulnérables une ambition municipale forte. De grandes lois d’assistance ont été promulguées en 1893 (pour l’aide médicale), en 1905 (pour les vieillards et infirmes) ou encore en 1913 (pour les femmes en couche) mais, durant les Trente Glorieuses, la substitution de l’« aide sociale » à l’assistance (loi de 1953) a retiré aux municipalités l’essentiel de leur rôle en la matière et la « sanitarisation du social » a alors conduit à différencier de plus en plus interventions médicales et sociales.

      Prenant appui sur plusieurs terrains d’enquêtes ayant trait aux enjeux locaux de santé, et plus particulièrement à des centres et maisons de santé, ce chapitre propose d’ouvrir quelques pistes de réflexion en soulignant les spécificités des actions sanitaires municipales, mais aussi leur dimension éminemment politique, au sens où elles impliquent des choix et des conceptions différentes de l’intérêt sanitaire local. Une attention particulière sera portée aux centres de santé municipaux, qui constituent un instrument privilégié et en constante évolution, mais trop souvent négligé, de ces politiques de santé.

      [...] Lancé au début des années 2000 dans le cadre de la politique de la ville, le dispositif des « ateliers santé-ville » permet le déploiement de moyens humains et budgétaires spécifiques visant tout à la fois à améliorer la connaissance de la santé des habitants à travers la réalisation d’un diagnostic partagé de santé, la participation active de ces derniers dans le pilotage des dispositifs sanitaires, la coordination et la formation des acteurs locaux des secteurs sanitaire et médico-social, l’accès aux droits sociaux, à la prévention et aux soins des populations précarisées, dans une logique d’empowerment non dépourvue de tensions.

      Cet essai est un extrait du livre La santé sociale qui paraît le 16 février

      #détricotage #ville #municipalités #santé_locale #santé_environnementale #prévention #maisons_de_santé #centres_de_santé #centres_de_santé_municipaux (ex-dispensaires) #santé_publique #médecine_libérale #État #déserts_médicaux #hôpital #coordination_des_soins #décloisonnement #crise_sanitaire #masques #vaccination #ARS #comités_d’usagers (inexistants) #enquête

  • L’#écologie_municipale, ou la ville face à son histoire

    Les verts élus dans les grandes #villes doivent faire un #choix : se focaliser sur la qualité de vie de leurs administrés au risque de renforcer la #fracture entre #centres urbains et #périphéries, ou au contraire renouer avec les #territoires_fantômes que les #métropoles consomment et consument.

    Après le succès des candidatures et alliances écologistes dans certaines des plus grandes villes de France dimanche, une chose a très peu retenu l’attention des commentateurs politiques. C’est le paradoxe, au moins en apparence, d’une #métropolisation de l’écologie politique – le fait que les valeurs vertes semblent trouver dans les grands centres urbains leur principal lieu d’élection. Au lieu de s’interroger sur les motivations et les idéaux des personnes qui peuplent ces villes pour essayer d’y lire l’avenir, peut-être faut-il alors renverser la perspective et regarder l’objet même que constitue la #ville, sa réalité indissociablement écologique et politique.

    Au regard de l’#histoire, cette #urbanisation des #valeurs_vertes ne va pas du tout de soi. La ville a souvent été définie, en Europe au moins, par l’enveloppe protectrice des remparts qui tenait à distance les ennemis humains et non humains (animaux, maladies), et qui matérialisait la différence entre l’espace de la cité et son pourtour agraire et sauvage. En rassemblant les fonctions politiques, symboliques, sacerdotales, les villes engendrent des formes de socialité qui ont fasciné les grands penseurs de la modernisation. Saint-Simon, par exemple, voyait dans la commune médiévale italienne l’origine du développement matériel et moral propre à la #modernité. Durkheim, plus tard, faisait de la ville le prototype du milieu fait par et pour l’humain, le seul espace où pouvait se concrétiser le projet d’#autonomie.

    Aspirations urbaines

    Mais les villes sont également devenues, avec le processus d’#industrialisation, de gigantesques métabolismes matériels. L’explosion démographique des métropoles industrielles au XIXe siècle va de pair avec la concentration du travail, de l’énergie, et plus largement des flux de matière qui irriguent l’économie globale. Au cœur des transformations de la vie sociale, la ville est aussi au cœur de ses transformations matérielles : elle aspire d’immenses quantités de ressources, pour les relancer ensuite dans le commerce sous forme de marchandises. En laissant au passage les corps épuisés des travailleurs et des travailleuses, ainsi que des montagnes de déchets visibles ou invisibles, résidus non valorisés du processus productif.

    Ainsi la ville irradie le monde moderne de son prestige symbolique et culturel, mais elle tend aussi à déchirer le tissu des circularités écologiques. L’un ne va pas sans l’autre. Chaque ville, par définition, est tributaire de circuits d’approvisionnement qui alimentent ses fonctions productives, ou simplement qui la nourrissent et la débarrassent des contraintes spatiales. Chaque ville est entourée d’une périphérie fantôme qui l’accompagne comme son ombre, et qui est faite des #banlieues où vivent les exclus du #rêve_métropolitain, des champs cultivés et des sous-sols exploités. Chaque urbain mobilise malgré lui un espace où il ne vit pas, mais dont il vit.

    L’une des sources de la #sensibilité_écologique contemporaine se trouve justement dans la critique de l’avant-garde urbaine. Dans l’Angleterre victorienne, William Morris ou John Ruskin retournent à la #campagne pour démontrer qu’une relation organique au #sol est susceptible de régénérer la civilisation, sans pour autant compromettre les idéaux d’émancipation. Mais ils luttaient contre une tendance historique dont l’extraordinaire inertie a rapidement provoqué la disqualification de ces expériences. Surtout pour le #mouvement_ouvrier, qui avait en quelque sorte besoin des formes spécifiquement urbaines d’#aliénation pour construire la #solidarité_sociale en réponse.

    Si l’on replace dans cette séquence d’événements le phénomène d’urbanisation des attentes écologiques actuelles alors il y a de quoi s’interroger sur l’avenir. Deux trajectoires possibles peuvent s’esquisser, qui ont cela d’intéressant qu’elles sont à la fois absolument irréconciliables sur un plan idéologique et matériel, et quasiment impossibles à distinguer l’une de l’autre dans le discours des nouveaux édiles de la cité verte.

    Faire atterrir le #métabolisme_urbain

    D’un côté, on trouve le scénario d’une consolidation des #inégalités_sociales et spatiales à partir des valeurs vertes. Pour le dire de façon schématique, les grands pôles urbains poussent la #désindustrialisation jusqu’à son terme en éliminant les dernières nuisances et toxicités propres à la #ville_productive : elles se dotent de parcs, limitent les transports internes et créent des #aménités_paysagères (comme la réouverture de la Bièvre à Paris). C’est ce que la sociologie appelle la #gentrification_verte, dont #San_Francisco est le prototype parfois mis en avant par les prétendants écologistes aux grandes mairies. Au nom d’une amélioration difficilement critiquable de la qualité de vie, la ville des #parcs et #jardins, des boutiques bio, des #mobilités_douces et des loyers élevés court le risque d’accroître le #fossé qui la sépare des périphéries proches et lointaines, condamnées à supporter le #coût_écologique et social de ce mode de développement. #Paris est de ce point de vue caractéristique, puisque l’artifice administratif qui tient la commune à l’écart de sa banlieue est matérialisé par la plus spectaculaire infrastructure inégalitaire du pays, à savoir le #boulevard_périphérique.

    Mais si le vert peut conduire à consolider la #frontière entre l’intérieur et l’extérieur, et donc à faire de la qualité de vie un bien symbolique inégalement distribué, il peut aussi proposer de l’abolir – ou du moins de l’adoucir. Une réflexion s’est en effet engagée dans certaines municipalités sur le pacte qui lie les centres-villes aux espaces fantômes qu’elles consomment et consument. La #renégociation de la #complémentarité entre #ville et #campagne par la construction de #circuits_courts et de qualité, l’investissement dans des infrastructures de #transport_collectif sobres et égalitaires, le blocage de l’#artificialisation_des_sols et des grands projets immobiliers, tout cela peut contribuer à faire atterrir le #métabolisme_urbain. L’équation est évidemment très difficile à résoudre, car l’autorité municipale ne dispose pas entre ses mains de tous les leviers de décision. Mais il s’agit là d’un mouvement tout à fait singulier au regard de l’histoire, dans la mesure où il ne contribue plus à accroître la concentration du capital matériel et symbolique à l’intérieur de la cité par des dispositifs de #clôture et de #distinction, mais au contraire à alléger son emprise sur les #flux_écologiques.

    Le défi auquel font face les nouvelles villes vertes, ou qui prétendent l’être, peut donc se résumer assez simplement. Sont-elles en train de se confiner dans un espace déconnecté de son milieu au bénéfice d’une population qui fermera les yeux sur le sort de ses voisins, ou ont-elles engagé un processus de #décloisonnement_social et écologique ? L’enjeu est important pour notre avenir politique, car dans un cas on risque le divorce entre les aspirations vertes des centres-villes et la voix des différentes périphéries, des #ronds-points, des lointains extractifs, alors que dans l’autre, une fenêtre s’ouvre pour que convergent les intérêts de différents groupes sociaux dans leur recherche d’un #milieu_commun.

    https://www.liberation.fr/debats/2020/06/30/l-ecologie-municipale-ou-la-ville-face-a-son-histoire_1792880

    #verts #élections_municipales #France #inégalités_spatiales #mobilité_douce #coût_social ##décloisonnement_écologique

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