Pendant longtemps, les Parisiens ont jeté leurs déchets sur la voie publique ou dans les fossés. C’est grâce à ces déchets, qui se sont fossilisés, que l’on peut reconstituer les modes de consommation des Parisiens depuis deux mille ans. Merci les déchets, témoins du passé !
Prenons quelques instants pour tourner les pages de l’histoire de Paris, la fameuse « Ville Lumière ». Ce retour en arrière nous montre que la Capitale n’a pas toujours été aussi belle qu’on veut bien nous le faire croire.
En voici quelques exemples :
– En 1184, Philippe Auguste souhaite lutter contre la marée montante des ordures dans Paris en commandant le pavage des rues de la cité. Quatre cents ans plus tard, seulement la moitié des rues est pavée.
– En 1348, une ordonnance du prévôt de Paris prononce pour la première fois des amendes contre le défaut de nettoiement.
– Louis XII décide, en 1506, que la royauté se chargera du ramassage des ordures et de leur évacuation. À la taxe prévue pour ce service s’ajoute celle destinée à financer l’éclairage axial des rues. La taxe prend le nom de « taxe des boues et des lanternes ». L’hostilité générale enterra cette ordonnance pour longtemps.
– En 1750, Rousseau quitte la Capitale en la saluant par un « Adieu, ville de boue ! ». Il est vrai que Paris était connu depuis longtemps sous ce vocable puisque Lutèce [viendrait] du latin lutum qui signifie boue.
– Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, Louis Sébastien Mercier, véritable reporter parisien de l’époque, signe de belles formules dans son Tableau de Paris, exemples : « O, superbe ville ! Que d’horreurs dégoûtantes sont cachées dans tes murailles ! » Ou encore, « En général le Parisien vit dans la crasse ».
– En 1799, une ordonnance de police impose aux propriétaires et locataires parisiens de balayer chaque jour devant leur logis.
– En mars 1883 est créée une taxe spécifique « balayage ». Au même moment, les découvertes de Pasteur se révèlent décisives dans l’histoire de l’hygiène. C’est aussi la période des grands travaux, entrepris par Haussmann, qui transforment le paysage urbain parisien.
Le 24 novembre 1883, Eugène Poubelle, préfet de la Seine, signe le fameux arrêté qui oblige les propriétaires parisiens à fournir à chacun de leurs locataires un récipient muni d’un couvercle. Ainsi naissent les poubelles (voir plus bas l’histoire de l’arrêté Poubelle). Parallèlement commence le ramassage de la boîte à ordures qui prendra rapidement le nom de poubelle !
Le préfet Poubelle avait tout prévu : dimension et contenance des boîtes. Il avait même imaginé la collecte sélective. Trois boîtes étaient obligatoires : une pour les matières putrescibles, une pour les papiers et les chiffons, et une dernière pour le verre, la faïence ou les coquilles d’huîtres ! Ce nouveau règlement ne fut que partiellement respecté. Concernant le tri, plus d’un siècle après, on le redécouvre...
Il aura fallu attendre près d’un siècle entre l’invention de la poubelle et la mise en place d’une véritable collecte et de lieux de stockage des déchets. En 1975, la loi confie aux collectivités locales la responsabilité d’organiser la collecte des déchets ainsi que leur traitement ou leur stockage dans un lieu agréé.
Devant le développement des décharges et les problèmes de pollution (des sols surtout), la loi est modifiée en juillet 1992 : les collectivités locales doivent s’organiser pour supprimer les dépôts sauvages et valoriser les déchets par le recyclage, le compostage ou l’incinération propre (ce qui reste à démontrer !).
Au même moment, dans de nombreuses communes françaises, la société Eco-Emballages (agréée par les pouvoirs publics) lance un programme de récupération et de valorisation des déchets d’emballages ménagers. Les déchets deviennent source de matière première et d’énergie, ils sont valorisés. À Paris, il faudra attendre novembre 1997 pour qu’une expérience de collecte sélective en porte à porte soit proposée dans un secteur du 13ème arrondissement (la collecte du verre date de 1984, celle du papier-carton, la fameuse poubelle bleue, est lancée à titre expérimentale dans une petite partie du XVe arrondissement en 1989 puis étendue à tous les arrondissement en... 1993 !).
La généralisation de la collecte sélective débute en juin 2000 dans 5 arrondissements. La nouvelle équipe municipale conduite par Bertrand Delanoë poursuit l’extension de la collecte sélective mais modifie considérablement le système (suppression de la poubelle bleue ; les papiers-cartons seront jetés dans le bac jaune avec les emballages). Depuis fin 2002, la collecte sélective est installée dans tous les arrondissements (consulter notre page sur la collecte sélective à Paris). Afin d’augmenter encore plus la quantité de déchets recyclés, et afin de permettre aux Parisiens de trier encore plus, une seconde collecte sélective est généralisée début 2006 (cette seconde collecte du bac jaune remplace une collecte du bac vert).
Hier, les chiffonniers « faisaient » nos poubelles ; aujourd’hui, c’est une véritable industrie, créatrice d’emplois, qui s’en occupe.