#echassières

  • Transition écologique : « D’où vient cette idée que, pour sauver le climat, il faut absolument ouvrir des mines ? », Jean-Baptiste Fressoz
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/03/20/transition-ecologique-d-ou-vient-cette-idee-que-pour-sauver-le-climat-il-fau

    La multinationale Imerys projette d’ouvrir à #Echassières, dans l’Allier, une des plus grandes mines de #lithium d’Europe. Le « dossier du maître d’ouvrage » remis par l’entreprise à l’occasion du débat public est un document qu’il faut lire pour comprendre les enjeux que soulève l’électrification du parc automobile. Les chiffres impressionnent : avec des réserves estimées à 375 000 tonnes, Echassières est l’un des plus importants gisements de lithium en Europe. Tréguennec, dans le Finistère, deuxième sur le podium français, serait cinq fois moins riche. L’exploitant annonce une extraction de 34 000 tonnes d’hydroxyde de lithium par an.
    Etant donné la teneur du minerai, son exploitation implique de retirer du sous-sol plus de 2 millions de tonnes de granit, de les concasser, de les broyer et de les soumettre à divers traitements chimiques. Tout cela consomme énormément d’#eau – sans doute plus de 1 million de mètres cubes – et d’énergie : un four à calcination brûlera 50 millions de mètres cubes de gaz par an et l’ensemble du projet consommera 446 gigawattheures d’#électricité par an, soit un millième de la production électrique française tout de même.

    Le plus surprenant est que, malgré ce gigantisme, le site d’Echassières ne représente qu’une toute petite partie de l’#industrie_minière nécessaire pour électrifier le parc automobile français. De cette #mine, Imerys prévoit de sortir suffisamment de lithium pour fabriquer 17 millions de #voitures, soit seulement un tiers du parc actuel. Bien d’autres Echassières en France, et surtout ailleurs, sont donc à prévoir. Cerise sur le gâteau, le lithium ne représente que 4 % du poids des batteries des véhicules électriques, les 96 autres – graphite, aluminium, cobalt, manganèse, nickel et cuivre – posant aussi des problèmes environnementaux.

    Redorer le blason de la mine

    L’argument principal à l’appui du dossier est évidemment l’impératif de la transition énergétique. « Le projet, peut-on lire, pourrait représenter une solution de décarbonation permettant de contribuer à l’objectif fixé par l’Union européenne de zéro émission nette d’ici à 2050. » La formulation, alambiquée, se comprend quand on voit le graphique qui suit : à l’échelle européenne, la voiture électrique ne réduit que de 60 % les émissions de CO2 par rapport à un véhicule thermique. Un progrès donc, mais qui nous laisse assez loin de l’objectif de la #neutralité_carbone. Il est probable que l’électrification en cours du parc automobile ne fasse que reporter à un peu plus tard le franchissement des + 2 °C par rapport à l’époque préindustrielle.
    D’où vient alors cette idée que, pour sauver le climat, il faut absolument ouvrir des mines ? Dans un livre récent, La Ruée minière au XXIe siècle. Enquête sur les métaux à l’ère de la transition (Seuil, 352 pages, 23 euros), la journaliste Celia Izoard a retracé l’histoire de cette association. Au début des années 2000, face la montée en puissance de l’industrie chinoise, l’Europe et les Etats-Unis se préoccupent de leur souveraineté minérale, car il leur faut sécuriser des approvisionnements en métaux « critiques » pour l’aéronautique, l’automobile, l’électronique, l’armement… Dans les rapports sur ce sujet, la question du #climat est alors absente. En 2012, Arnaud Montebourg, le ministre chargé de l’industrie, lance, par exemple, la « stratégie du renouveau minier » : il n’est pas question de transition, mais de souveraineté et de « redressement industriel ».

    Naturellement, les ONG considèrent ces initiatives d’un mauvais œil, tant les mines sont, par la nature même de leur activité, polluantes. Le lobby du secteur, Euromines, se plaint de l’hostilité ambiante auprès de la Commission européenne. Arrive 2015 et l’accord de Paris : l’occasion rêvée pour redorer le blason de la mine. En 2017, la Banque mondiale, en collaboration avec les géants miniers, calcule les besoins en métaux pour décarboner l’infrastructure énergétique mondiale. Après cette date, les mêmes rapports, portant sur les mêmes problèmes d’approvisionnement, se placent dorénavant sous la bannière du climat. Le lobby minier parle maintenant « des métaux pour la transition », alors qu’il s’agit souvent de métaux pour l’électronique et l’industrie en général. En quelques années, le climat est ainsi parvenu à réenchanter la mine.

    #voiture_électrique #écologie

    • 5.5 Transports : une consommation au plus bas depuis la fin des années 1980 | Bilan énergétique de la France pour 2020
      https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/bilan-energetique-2020/29-55-transports--une-consommation-au-plus-bas-depuis-la-fin-des-annees-1980.php

      En 2020, l’usage des transports représente 30 % de la consommation énergétique finale, soit 445 TWh, dont 244 TWh sont liés aux déplacements des ménages (cf. 5.2) et 201 TWh relèvent des entreprises et administrations. Par convention statistique internationale, cette consommation exclut les soutes internationales aériennes (31 TWh) et maritimes (11 TWh).

      Il est à peu près impossible de se rendre compte de la quantité de carburant qui part en fumée chaque jour, du fait de nos véhicules thermiques. Du carburant qui disparaît pour toujours. Quand la batterie a une certaine durée de vie... Il faut la remplir, mais elle ne disparaît pas en fumée. Et il y a moyen d’utiliser des sources d’énergies dites renouvelables. De toute façon, un jour, on n’aura plus le choix, l’extraction ne fonctionnera plus, y-aura plus rien dans le sol.

      Qu’il s’agisse de véhicules électriques ou thermiques, le souci premier, c’est le nombre délirant. On rouspète parce qu’on a un smartphone par personne. Mais un smartphone, c’est 100 à 200g de matières. On est dans un monde où l’on prétend que pour vivre il faut un véhicule par personne. Et un véhicule, ce sont 1 à 2 tonnes de matières.

      Donc, batterie ou pas, il faudrait résoudre ce souci du véhicule individuel. Trouver une solution intermédiaire.

      Quant à l’extraction de 2 millions de tonnes de granit, c’est là aussi particulièrement difficile à se figurer. Une sorte d’érosion naturelle en accéléré x1000. Ce n’est pas nocif comme du plomb ou du mercure, mais c’est une forme de révolution de l’habitat, habitat dans lequel il y a des habitants qui vont devoir s’y adapter, au même titre qu’une désertification ou d’un trait de côte qui se déplace. Une parfaite illustration de ce que l’on nomme l’anthropocène.

    • Alors, comme solution, il y avait l’idée de faire de plus grandes voitures, de les attacher l’une derrière l’autre et de les mettre sur des routes spéciales en fer… ça avait l’air très efficace pour transporter plein des gens, partout et à pas cher.

  • Mine de lithium dans l’Allier : le rapport qui dévoile une bombe toxique
    https://disclose.ngo/fr/article/mine-de-lithium-dans-lallier-le-rapport-qui-devoile-une-bombe-toxique

    Il y a un an, le gouvernement a annoncé l’ouverture, dans l’Allier, de la plus grande mine de lithium d’Europe. D’après un rapport inédit dévoilé par Disclose et Investigate Europe, le secteur, fortement contaminé à l’arsenic et au plomb, présente « un risque significatif pour l’environnement et la santé humaine ». Une véritable bombe à retardement passée sous silence par les autorités. Lire l’article

  • #Lithium : à #Echassières, entre terres de mineurs et interrogations majeures

    Soixante ans après la fermeture de la mine des #Montmins, la commune de l’#Allier a appris lundi que le précieux #minerai blanc, indispensable aux #batteries des #voitures_électriques, pourrait être extrait d’ici 2028. Suscitant un débat environnemental et industriel.

    L’effervescence est retombée à Echassières ce mardi-là, vingt-quatre heures après l’annonce qui a placé cette commune de l’Allier, moins de 400 habitants au compteur, au centre de l’actualité. Deux journalistes traînent encore dans le coquet centre-ville, interceptent le maire, passé à l’hôtel de ville pour signer des papiers entre deux rendez-vous professionnels – il exerce comme commercial vétérinaire. Le secrétariat croule sous les appels d’administrés qui, à la télé, ont entendu parler d’une carrière devant laquelle ils passent tous les jours, mais qui pourrait devenir l’une des plus grandes mines de lithium d’Europe d’ici à 2028. On s’enquiert auprès de Frédéric Dalaigre, le maire (sans étiquette), de son état d’esprit : « On fait au mieux, on gère. » Le coup de semonce a retenti lundi matin, un an et demi après un arrêté municipal autorisant les opérations de recherche minière par le poids lourd français Imerys.

    Cinq kilomètres après le bourg, deux wagons miniers dorment sur des rails devant des maisons et une ferme. On demande à un homme qui charge sa camionnette si les voies mènent à l’ancienne #mine_des_Montmins, qui extrayait du tungstène. Laurent Malterre sourit : « C’est moi qui ai construit ces 2,5 kilomètres de voies. J’aime les trains mais c’est aussi pour rappeler la mémoire des mines qu’il y avait là. » Le quinquagénaire, exploitant agricole, est le président de #Wolframines, un musée consacré à la minéralogie retraçant l’histoire géologique et minière du coin.

    Un riche passé dont les origines remontent au XIXe siècle, avec des gisements d’étain, de tantale, de kaolin. Après la fermeture de la mine des Montmins en 1962, ainsi que de plusieurs carrières, seul un site d’extraction de kaolin (une argile entre autres utilisée dans la porcelaine) a résisté. C’est de lui, sur le site de Beauvoir, dont on parle depuis lundi. Toujours exploité par Imerys, c’est encore plus en profondeur que le lithium devra être cherché. L’entreprise l’assure : aucun ballet de camions n’est à craindre, puisque tout se passera sous terre, avec notamment un énorme tuyau transférant les minerais vers une gare dont on ne connaît pas encore le lieu exact.
    « L’une des grandes chances minières de la France » en 1985

    On suit Laurent Malterre dans l’un des champs de son exploitation agricole. Il ramasse une pierre qui brille lorsque les rayons du soleil percent les nuages. C’est du lépidolite : une fois travaillé, il permettra d’obtenir du lithium. « Il y a des milliers d’hectares ici qui pourraient en contenir », précise-t-il. Une richesse dont les habitants étaient jusqu’alors très peu conscients.

    La mémoire minière est pourtant partout. Un couple nous accueille. Dans le salon, une vitrine présente différents objets et des minéraux, comme des sportifs exhiberaient avec fierté leurs trophées. La femme, énergique, sort un sachet contenant de la poudre blanche. Elle demande à son mari – qui a bossé dans la mine des Montmins jusqu’à son licenciement brutal en 1962 – si ce n’est pas du lithium. L’étiquette indique qu’il s’agit de poudre de lépidolite. « C’est le BRGM [Bureau de recherches géologiques et minières, ndlr] qui m’a donné ça en 1985 », se rappelle-t-il.

    Son épouse sort une archive de Libération datant de la même année, une pleine page qui se demande si « la ruée sur le lithium aura lieu » et décrit ce gisement du Massif central comme l’« une des grandes chances minières de la France ». Haroun Tazieff, alors secrétaire d’Etat chargé de la Prévention des risques naturels et technologiques majeurs, était même venu à Echassières constater le potentiel « miracle blanc », à une époque où les élus communistes du département exigeaient la création d’une filière du lithium, bien avant la création des smartphones ou des véhicules électriques et de leurs batteries.

    Une des « grandes chances minières de la France » ? Les associations écologistes alertent sur les zones d’ombre du projet d’Imerys, qui anticipe l’extraction de « 34 000 tonnes d’hydroxyde de lithium par an pour une durée d’au moins vingt-cinq ans », ce qui permettrait d’équiper quelque « 700 000 véhicules » électriques. Et de signaler, notamment, que la « mine propre » ou à bilan carbone neutre n’existe pas, malgré les promesses des industriels du secteur. D’autres s’interrogent : vaut-il mieux des mines en Australie (50 % de l’extraction mondiale) dont le minerai sera raffiné en Chine (60 % du raffinage mondial), puis transporté en Europe par porte-conteneurs ? Ou développer une filière française, avec des normes et contrôles hexagonaux ?

    Du côté du groupe écologiste au conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, si l’on considère que les objectifs d’accroître l’indépendance énergétique de la France et de l’UE et de « réduire les coûts financiers et écologiques de transports de minerais » sont « louables », on estime que « ce projet ne pourra être accepté socialement que s’il est réellement vertueux écologiquement », comme le formule l’élue Anne Babian-Lhermet. Son groupe pointe une dizaine de « questions en suspens » : les proportions dans lesquelles la mine sera agrandie, l’impact carbone et sur l’eau, la qualité des emplois…

    Dans un communiqué, Imerys promet « un projet responsable et respectueux de l’environnement et des populations locales ». Les camions ? Il n’y en aura pas plus. Les poussières ? En profondeur, aucune crainte à avoir, jure l’entreprise. La question de l’eau reste le point noir. Pour extraire le lithium, il en faut énormément. Combien ? Imerys, qui n’a pas souhaité nous répondre, ne le dit pas pour l’instant. Pas plus qu’on ne connaît l’impact sur les nappes phréatiques, dans une région agricole qui avait été placée en état de « crise » sécheresse sans discontinuer de juillet à mi-septembre.
    « On vivait dans un petit paradis et ça va devenir l’enfer »

    Les arguments environnementaux, économiques et sociaux s’entrechoquent. « La moitié est d’accord, la moitié est contre », résume Laurent Malterre. Une ancienne élue, née ici « bien avant » que la mine de Montmins ne ferme, inscrit ce débat dans le temps et l’espace : « Ce projet nous rappelle la vocation minière du village. C’est un changement qui peut plaire ou déplaire, mais ça peut être une énorme bouffée d’oxygène pour Echassières. » La fermeture de 1962 a traumatisé le bourg, passé de 800 à 400 habitants. Cinq commerces sont encore actifs et pourraient bénéficier de la centaine d’emplois créés dans le village, selon la promesse d’Imerys, 1 millier dans l’Allier.

    « Imerys a présenté un projet solide, avec des arguments. Les seules réserves que nous pouvons avoir, c’est en effet sur l’environnement et l’eau mais nous verrons en temps et en heure », promet le maire Frédéric Dalaigre, qui va prochainement organiser une « réunion publique » afin de répondre aux « questionnements » de ses administrés. Notamment celui d’un habitant qui semble désabusé : « On vivait dans un petit paradis et ça va devenir l’enfer. » L’avenir de la forêt des Colettes – 762 hectares classés Natura 2000 – qui enlace le site de Beauvoir inquiète. Mais Imerys n’a pas encore communiqué sur d’éventuelles coupes aux alentours de la future mine. « Quand la forêt des Colettes, qui était l’une des plus belles hêtraies de France, a été à moitié détruite pour y récolter du bois, cela n’a pourtant choqué personne », soupire Laurent Malterre. Qui s’interroge : « On n’arrête pas de nous dire qu’il faut rouler avec des voitures électriques pour lutter contre le réchauffement climatique. Il faut bien qu’on extraie du lithium quelque part, non ? »

    https://www.liberation.fr/environnement/mine-de-lithium-le-village-dechassieres-entre-sideration-et-resurrection-
    #extractivisme #mines #France #Europe