• Il ne suffit pas de vouloir une #écologie_antiraciste : le #zéro_déchet, la #colonialité et moi

    On parle souvent des #écologies_décoloniales. On voit moins les #écologies_coloniales interroger leur propre colonialité. C’est ce qu’on va faire ici, en étudiant la colonialité dans le zéro déchet et les écologies de la #sobriété.

    #Colonial n’est pas un compliment. Et si j’étais du mauvais côté ? Si mon #écologie était une de ces écologies coloniales qui s’ignorent ? Plus j’y pense plus c’est crédible, plus je creuse plus ça devient évident. Dans ce billet, je tente de conscientiser la dimension coloniale du #zero_waste et des écologies similaires.

    Pour ça je vais dérouler les implicites du « point de vue zéro déchet » et montrer ce qu’ils ont de problématique. L’idée est de partir du #zéro_gaspillage et d’arriver à la #décolonialité. J’essaie de baliser un parcours qui aide mes camarades écologistes à voir en quoi iels sont concerné⋅es par la #critique_décoloniale, de tracer un chemin que d’autres pourraient emprunter, sans forcément connaître cette pensée en amont.

    Je pars du zéro #gaspillage parce que c’est là où je suis, ce que je connais le mieux, mais la colonialité que je découvre concerne l’écologie de façon beaucoup plus large.

    Des écueils et une méthode

    Mais il y a des écueils. En tant qu’européen blanc issu d’une famille de colons1 je suis mal placé pour comprendre les questions de colonialité et de #racisme. Bénéficier d’avantages dans un système de pouvoir produit de l’#ignorance chez les dominant·es, une incapacité à reconnaître des choses évidentes du point de vue des dominé⋅es2.

    À supposer que je surmonte cet obstacle, je ne suis toujours pas légitime. En abordant ces sujets, je risque d’invisibiliser la voix de personnes plus compétentes que moi et sur qui s’appuie ma réflexion. Même si j’identifie des limites réelles à l’approche zéro gaspillage, je ne suis pas expert en #décolonialité.

    Alors pourquoi parler du sujet ? D’abord parce qu’on n’avancera jamais si j’attends de me sentir à l’aise pour discuter de racisme et de colonialité. Mon écologie est d’une #blanchité aveuglante : étudier sa colonialité est une façon d’adresser une partie du problème. Ensuite, parce que je ne prétends pas produire un discours scientifique ou exhaustif. Je présente un témoignage, un parcours de conscientisation personnel, limité et imparfait.

    Dans les paragraphes qui suivent, j’aborde un à un des aspects du zéro déchet. Pour chaque aspect j’émets une critique, puis je la rattache à une facette de la colonialité. C’est cette dernière qui donne une unité aux défauts présentés ici.

    Un « nous » d’humanité générale

    Préserver « nos #ressources », changer « nos modes de productions », réduire « nos #déchets » : les discours zero waste utilisent régulièrement le possessif « #nos ». Ce n’est pas un usage fréquent, mais il n’est pas anecdotique. On peut même résumer l’approche zéro gaspillage à On peut même résumer l’approche zéro gaspillage à « ne pas faire de nos ressources des déchets3 » (je souligne).

    Mais qui est derrière ces possessifs ? À quel « #nous » renvoient ces expressions ? Je ne crois pas qu’ils ciblent un groupe limité de personnes physiques, des gens qu’on pourrait compter. C’est un « nous » général, qui désigne un ensemble plus abstrait. Selon moi, il englobe toute l’humanité.

    Puisque le zéro déchet pense à l’échelle mondiale, qu’il s’intéresse à l’#intérêt_commun et est anthropocentré, son horizon semble bien être celui de l’#humanité. J’en fais l’expérience dans mes propres textes, quand j’écris « nos besoins », « notre situation » ou « notre planète » dans les articles précédents.

    Un point de vue de nulle part

    Mais les écologistes qui tiennent ces discours en France ne représentent pas toute l’humanité. Ils et elles sont situées sur toute une série de plans : social, économique, géographique… Avec ce « nous », iels endossent un point de vue désitué et désincarné, qui ne correspond à personne. Ce faisant, iels invisibilisent leur propre situation d’énonciation concrète et oublient son impact sur leurs façons d’agir et leur rapport au monde.

    Dans un mouvement inverse, iels invisibilisent la pluralité des voix et la diversité des points de vue au sein des groupes humains. En prétendant que leur voix est universelle, capable d’exprimer celle de « l’humanité », ces écologistes minorent la place des #désaccords, des #conflits et des #hiérarchies entre êtres humains.

    Ce double mouvement n’est possible que pour des personnes habituées à être légitimes, écoutées, à bénéficier d’avantages au sein d’un #système_de_pouvoir. Elles ne perçoivent pas ce que leur position a de singulier et ne s’étonnent pas que leur voix puisse énoncer des normes valables partout. Cette attitude semble correspondre à une facette de la colonialité, qui véhicule un #universalisme, voire un #universalisme_blanc.

    L’illusion d’une #humanité_unie

    Tout se passe comme si l’appartenance à la même espèce créait un lien fort entre les humains, que de ce simple fait, chaque membre de l’espèce avait des intérêts communs ou convergents. De quoi toutes et tous « nous » réunir dans même groupe : l’humanité.

    Les êtres humains auraient collectivement un intérêt commun à maintenir un climat stable et biodiversité abondante. Chacun⋅e aurait une bonne raison, même indirecte ou lointaine, d’agir dans ce sens. Par exemple, si je ne veux pas souffrir d’une chaleur mortelle lors de canicules intenses et fréquentes. Ou si j’ai peur que des guerres pour les ressources en eau, en terres fertiles, en ressources énergétiques ou en métaux adviennent sur mon territoire.

    Mais est-ce vraiment ce qu’on constate ? Partout les #intérêts_divergent, y compris dans des petits groupes. Qui a vraiment les mêmes intérêts que sa famille, ses ami⋅es ou ses collègues ? Plus le collectif est large, moins on trouve d’unité, d’uniformité et d’intérêts partagés. Les liens qu’on y découvre sont faibles, indirects et peu structurants. Chercher des #intérêts_convergents et significatifs à l’échelle de l’humanité semble largement illusoire.

    D’autant que certains ne sont même pas d’accord sur les limites de ce groupe. Qui compte comme un être humain ? Quand certains déshumanisent leurs ennemis en prétendant qu’iels sont des vermines. Que leur génocide n’en est pas un, puisqu’iels ne sont même pas « humains ». Qu’on peut en faire des esclaves, les dominer et les tuer « comme des animaux », puisqu’iels ne sont ne sont pas comme « nous ».

    Une faiblesse militante

    Pour la géographe #Rachele_Borghi, croire que nous somme toustes « dans le même bateau » est un des symptômes de la colonialité (Décolonialité & privilège, p. 110). Et c’est bien de ça qu’il s’agit : les écologies de la sobriété semblent croire que nous partageons la même situation critique, toustes embarqués dans un seul bateau-planète.

    Cette vision explique en partie l’insistance du zéro gaspillage sur la #non-violence et la #coopération. Le mouvement pousse à voir ce qui rapproche les personnes, ce qu’elles ont à gagner en collaborant. Il regarde l’intérêt général, celui qui bénéficie à « tout le monde », sans considération de #race, de #classe, de #genre, et ainsi de suite. Il passe un peu vite ce que chaque groupe a à perdre. Il ignore trop facilement les inimitiés profondes, les conflits irréconciliables et les #rapports_de_force qui traversent les groupes humains.

    Cette attitude constitue une véritable faiblesse militante. Faute d’identifier les tensions et les rapports de force, on risque d’être démuni lorsqu’ils s’imposent face à nous. On est moins capable de les exploiter, de savoir en jouer pour faire avancer ses objectifs. Au contraire, on risque de les subir, en se demandant sincèrement pourquoi les parties prenantes refusent de coopérer.

    Le spectre de l’#accaparement_des_ressources

    Plus profondément, un tel point de vue active un risque d’accaparement des #ressources. Si on pense parler au nom de l’humanité et qu’on croît que tous les êtres humains ont objectivement des intérêts convergents, il n’y a plus de conflits sur les ressources. Où qu’elles soient sur Terre, les #ressources_naturelles sont « nos » ressources, elles « nous » appartiennent collectivement.

    En pensant un objet aussi large que « l’humanité », on évacue la possibilité de conflits de #propriété ou d’#usage sur les ressources naturelles. L’humanité est comme seule face à la planète : ses divisions internes n’ont plus de pertinence. Pour assurer sa survie, l’humanité pioche librement dans les ressources naturelles, qui sont au fond un patrimoine commun, quelque chose qui appartient à tout le monde.

    Dans cette perspective, je peux dire depuis la France que j’ai des droits4 sur la forêt amazonienne au Brésil, car elle produit un air que je respire et abrite d’une biodiversité dont j’ai besoin. Cette forêt n’appartient pas vraiment à celles et ceux qui vivent à proximité, qui y ont des titres de propriété, ou même à l’État brésilien. C’est un actif stratégique pour l’humanité entière, qui « nous » appartient à tous et toutes.

    Sauf que rien ne va là-dedans. À supposer qu’on ait tous et toutes des droits sur certains #biens_communs, ça ne veut pas dire qu’on ait des droits équivalents. La forêt amazonienne m’est peut-être utile, dans un grand calcul mondial très abstrait, mais ce que j’en tire est infime comparé à ce qu’elle apporte à une personne qui vit sur place, à son contact direct et régulier.

    Les ressources naturelles sont ancrées dans des territoires, elles font partie d’écosystèmes qui incluent les humains qui vivent près d’elles. « Tout le monde » n’est pas aussi légitime à discuter et décider de leur avenir. N’importe qui ne peut pas dire que ce sont « ses » ressources, sans jamais avoir été en contact avec.

    Une attitude de colon

    Croire l’inverse, c’est faire preuve d’une arrogance crasse, adopter l’attitude d’un colon, qui arrivant de nulle part dit partout « Ceci est à moi » sur des terrains exploités par d’autres. Il faut une assurance démesurée, un sentiment de légitimité total, pour dire « nos ressources » en parlant de celles qui sont littéralement à autrui.

    Les écologistes qui adoptent ce point de vue ne semblent pas conscient⋅es que leur vision fait écho à des #logiques_prédatrices qui elles aussi, se sont parées de discours positifs et altruistes à leurs époques. Après la mission civilisatrice, la #mission_écologique pourrait prendre le relais. On ne viendrait plus exploiter les richesses des colonies pour l’Europe, mais protéger les ressources naturelles pour l’humanité. Un risque d’autant moins théorique qu’on a déjà évoqué les ambiguïtés et l’utilitarisme du zéro déchet.

    L’#impensé_colonial se manifeste aussi par une absence d’inversion des rôles. On pense le monde comme plein de ressources pour « nous », mais on ne pense jamais « chez soi » comme une ressource pour les autres. Quand on parle de l’épuisement des ressources en sable, on n’imagine pas renoncer aux plages françaises pour satisfaire les besoins d’autres pays qui veulent fabriquer du béton.

    Le « nous » d’humanité générale éclate en morceaux : son caractère fictif devient manifeste. Mis face à une #prédation qui touche à des ressources situées sur notre #territoire, nous, Français⋅es, cessons de considérer que tout est un #bien_commun et que nos intérêts se rejoignent avec ceux du reste du monde. Les crises du climat, de la biodiversité et de l’eau n’ont pas disparues. Mais notre approche ne permet plus d’y pallier.

    Une approche individualiste et dépolitisante

    Un autre défaut de l’approche zéro gaspillage est son aspect individualiste. Le zero waste veut prendre en compte les intérêts de toutes les parties prenantes, mais sa méthode d’action consiste à ne pas consulter les personnes. On s’informe sur ce qui leur arrive, sur leurs conditions de vie et de travail, mais on n’entre pas en contact avec elles. On veut agir pour ces personnes, mais sans devoir leur parler.

    Je vois trois dimensions à cette attitude. D’abord, une telle discussion est matériellement impossible : il y a trop de parties prenantes dans la production mondiale. L’ambition de toutes les prendre en considération est vouée à l’échec. Ensuite, une écologie qui imagine prendre en compte l’intérêt de toute l’humanité n’a pas besoin de parler aux autres. Elle croit pouvoir se projeter dans leurs situations et connaître leurs intérêts. Enfin, un certain mépris de classe n’est pas à exclure. On n’a pas envie de parler à celles et ceux qu’on estime inférieur⋅es : les fréquenter rend visible la #domination et les #injustices dont on profite.

    Depuis ma situation individuelle, je tente d’agir pour les autres, mais sans construire de liens explicites, de relations bidirectionnelles. C’est tout l’inverse d’une approche collective et politique. Certes, la matière et le cycle de vie des objets créent un lien invisible entre les personnes, mais il en faut plus pour créer des solidarités concrètes – pas juste des relations économiques entre clients et fournisseurs.

    Alors que le zéro gaspillage est un projet politique, dont le concept central est intrinsèquement politique, j’ai l’impression qu’il a du mal à dépasser une approche individuelle, à construire de l’#action_collective et des #solidarités. Il reste en ça prisonnier d’une époque néolibérale où les modèles mentaux partent de l’individu, parfois y restent, et souvent y retournent.

    Un risque de #paternalisme

    L’approche zéro gaspillage comporte aussi un risque de paternalisme (https://plato.stanford.edu/entries/paternalism). Si on définit l’intérêt d’autrui sans échanger avec lui, sans écouter sa voix et ses revendications explicites, on va décider seul de ce qui est bon pour lui, de ce qui correspond à ses besoins. On va considérer comme dans son intérêt » des choix que la personne rejetterait, et rejeter des choix qu’elle jugerait positifs pour elle. C’est précisément ce qu’on appelle du paternalisme : agir « dans l’intérêt » d’une personne, contre la volonté explicite de cette personne elle-même.

    Pensez aux travailleurs et travailleuses de la décharge de déchets électroniques d’Agbogbloshie au Ghana (https://fr.wikipedia.org/wiki/Agbogbloshie), qui sont interviewés dans le documentaire Welcom to Sodom (https://www.welcome-to-sodom.com). Iels expliquent que travailler là est là meilleure situation qu’iels ont trouvé, que c’est pire ailleurs : pas sûr qu’iels soient enthousiastes à l’idée d’une réduction globale des déchets. Certes, leur environnement serait moins pollué, leur santé moins en danger, etc. mais leur source de revenu disparaîtrait. Une écologie qui minore les désaccords, la diversité des points de vue et les conflits possibles montre encore une fois ses limites.

    Ce risque de paternalisme rejoint la question de la colonialité. Les Européens et les Européennes ont une longue tradition de hiérarchisation des races, qui met les blancs en haut et les personnes colonisées non-blanches en bas. Les personnes qu’on envahit, domine et tue sont présentées comme incapables de savoir ce qui est bon pour elles. Mais le colonisateur « sait ». Il est prêt à « se sacrifier » pour l’intérêt de ces peuples, qui « ne lui rendent pourtant pas ». Un tel point de vue s’exprime notoirement dans le poème raciste et colonialiste de l’écrivain Rudyard Kipling, Le fardeau de l’homme blanc (https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Fardeau_de_l%27homme_blanc).

    Mais n’est-ce pas quelque chose de similaire qu’on entend, quand j’écris dans l’article précédent (https://blog.whoz.me/zerowaste/le-point-de-vue-zero-dechet) que le zéro gaspillage consiste à mettre son intérêt direct en retrait, au profit de celui d’une personne plus loin dans la chaîne de production ? Le mépris s’est (peut-être) effacé, mais le discours sur le sacrifice altruiste est toujours là.

    Une position centrale qui interroge

    Avec la sobriété, les écologistes occidentaux trouvent une narration qui leur donne une place centrale, positive et active dans la lutte contre les injustices climatiques. Ce sont elles et eux qui proposent d’engager les sociétés contemporaines vers un #futur_désirable. Iels produisent des idées et expérimentent des pratiques qu’iels appellent à devenir la norme (#réemploi, #réparation, etc.). À la fois innovantes, précurseures, bienveillantes, ces personnes n’ont presque rien à se reprocher et plus de raison de se sentir coupables.

    Mais on devrait interroger une #narration qui vous donne la meilleure place, légitime vos choix et vos actions, sans jamais leur trouver d’aspects négatifs. Un tel #discours semble trop parfaitement bénéficier à celui ou celle qui s’y retrouve pour ne pas éveiller un soupçon.

    Je peine à ne pas voir dans la sobriété une sorte de version non-interventionniste du « #sauveur_blanc 5 ». Au lieu de prendre l’avion pour aller « aider » des enfants pauvres dans un pays du Sud, on « agit » à distance, par des effets indirects, incertains, et à moyen terme.

    On s’épargne l’aspect grossièrement raciste et paternaliste d’un « #tourisme_humanitaire » qui intervient sur place, perturbe les dynamiques locales, et laisse les conséquences à gérer à d’autres. Mais cet horizon d’agir de chez soi pour les dominés me semble prolonger des logiques similaires. On passe au sauveur « sans contact », qui sauve par un ruissellement de sobriété.

    On reste dans l’idée de porter secours aux « victimes » d’un système… dont on est l’un des principaux bénéficiaires. Un système construit par son pays, ses institutions, voire ses ancêtres… Et qui nous fabrique par notre éducation et nos socialisations.

    Des logiques d’#appropriation

    D’autant que les écologistes de la sobriété font preuve d’attitudes questionnables, qui tranchent avec leurs postures altruistes. Si j’ai les moyens d’acheter neuf, mais que je choisis l’occasion, je fais une excellente affaire, bien au-delà de l’intention écologique. On peut voir ça comme une façon pour un riche de récupérer des ressources peu chères, qui auraient sinon bénéficié à d’autres catégories sociales.

    En glanant Emmaüs et les #recycleries solidaires, les riches écolos s’introduisent dans des espaces qui ne leur étaient pas destinés au départ. Leur pouvoir économique peut même déstabiliser les dynamiques en place. Emmaüs s’alarme de la baisse de qualité des dons reçus, les objets de valeur étant détournés par des nouveaux #circuits_d’occasion orientés vers le profit ou la #spéculation (#Vinted, néo-friperies « #vintage », etc.).

    Par ailleurs, la façon dont les écologistes de la sobriété se réapproprient des pratiques antérieures questionne. Éviter le gaspillage, emprunter plutôt qu’acheter, composter, réparer, consigner : ces pratiques n’ont pas été inventées par le zéro déchet. L’approche zero waste leur donne surtout une nouvelle justification, une cohérence d’ensemble, et les repositionne au sein de la société.

    Des pratiques anciennement ringardes, honteuses, ou marginales deviennent soudainement à la mode, valorisées, et centrales quand des privilégié·es s’en emparent. L’histoire de ces usages est effacée, et les écolos les récupèrent comme marqueurs de leur groupe social. Une logique qui rappelle celle de l’#appropriation_culturelle, quand un groupe dominant récupère des éléments d’une culture infériorisée, les vide de leur signification initiale et en tire des bénéfices au détriment du groupe infériorisé.

    Une vision très abstraite

    Ma dernière critique porte sur le caractère très abstrait du zéro gaspillage. Les concepts centraux du mouvement présentent un fort niveau d’#abstraction. J’ai détaillé le cas du « gaspillage », mais on peut aussi évoquer les idées de « ressource » ou de « matière ».

    Une « #ressource » n’est pas vraiment une réalité concrète : le mot désigne la chose prise comme moyen d’un objectif, intégrée à un calcul utilitaire qui en fait une variable, un élément abstrait. La « #matière » elle-même relève d’une abstraction. Ce n’est pas un composé précis (de l’aluminium, de l’argile, etc.), mais la matière « en général », détachée de toutes les caractéristiques qui permettent d’identifier de quoi on parle exactement.

    Les dimensions géopolitiques, économiques et sociales liées à une « ressource » naturelle particulière, ancrée dans un territoire, sont impensées. Paradoxalement le zéro déchet insiste sur la matérialité du monde via des concepts qui mettent à distance le réel concret, la matière unique et spécifique.

    Le zéro déchet mobilise aussi ce que lea philosophe non-binaire #Timothy_Morton appelle des #hyperobjets : « l’humanité », la « planète », le « climat », les « générations futures »… Ces objets s’inscrivent dans un espace gigantesque et une temporalité qui dépasse la vie humaine. Ils sont impossibles à voir ou toucher. Quand on parle de « l’humanité » ou de « la planète », on cible des choses trop grosses pour être appréhendées par l’esprit humain. Ce sont des outils intellectuels inefficaces pour agir, qui mènent à une impasse politique.

    Cette fois-ci, le lien à la colonialité m’apparaît mois clairement. Je saisis qu’il y a un lien entre ces abstractions et la modernité intellectuelle, et que la #modernité est intimement liée à la colonisation. J’ai déjà parlé de la dimension calculatoire, optimisatrice et utilitariste du zéro déchet, mais la connexion précise avec la colonialité m’échappe6.

    Balayer devant sa porte

    Bien sûr, tout ce que je dis dans ce billet vaut aussi pour mon travail et les articles précédents. Mes critiques concernent autant le zéro déchet en général que la manière spécifique que j’ai de l’aborder. La colonialité que je reconnais dans le zero waste ne m’est pas extérieure.

    Et encore, ma position sociale et raciale font que je passe forcément à côté de certaines choses. Je sais que mes textes sont marqués de colonialité et de blanchité, par des aspects que je ne perçois pas, ou mal.

    Alors que la blanchité de l’écologie est le point de départ de ma réflexion, j’ai échoué à penser directement le lien entre suprématie blanche et sobriété. Cette réflexion sur la colonialité pourrait n’être qu’un détour, un moyen de ne pas aborder le problème, en en traitant un autre.

    Dans l’impasse

    Le système économique que le zéro gaspillage nous fait voir comme absurde a une histoire. Il est l’héritier de la colonisation du monde par l’Europe depuis le 15e siècle. Il naît d’un processus violent, d’exploitation et de #dépossession de personnes non-blanches par les européens. Son racisme n’est pas un aspect extérieur ou anecdotique.

    Une écologie qui veut sérieusement remettre en cause ce système ne peut pas être composée que de personnes blanches. Au-delà de ses « bonnes » intentions7, une #écologie_blanche est condamnée à reproduire des logiques de domination raciale et coloniale. En ne prenant pas en compte ces dominations, elle prolonge les façons de faire et de penser qui ont conduit à la crise climatique.

    Mais il ne suffit pas de vouloir une écologie décoloniale et antiraciste : il faut comprendre le problème avec l’écologie qui ne l’est pas. C’est ce j’ai tenté de faire dans cet article, malgré ma compréhension limitée de ces sujets. Le risque d’être imprécis, insuffisant, ou même erroné m’a semblé plus faible que celui ne pas en parler, ne pas ouvrir la discussion.

    Et pour qu’elle continue, je vous invite à vous intéresser à celles et ceux qui m’ont permis de recoller les morceaux du puzzle, de reconnaître un motif colonial dans le zéro gaspillage. Ils et elles ne parlent jamais de zéro déchet, rarement d’écologie, mais sans leurs apports, cet article n’existerait pas.

    En podcast

    Kiffe ta race (Rokhaya Diallo, Grace Ly)
    Le Paris noir (Kévi Donat)
    Code Noir (Vincent Hazard)
    Des Colonisations (Groupe de recherche sur les ordres coloniaux)
    Décolonial Voyage (Souroure)
    Décoloniser la ville (Chahut media)
    Isolation termique (Coordination Action Autonome Noire)
    Je ne suis pas raciste, mais (Donia Ismail)

    En livre & articles

    L’ignorance blanche (Charles W. Mills)
    Décolonialité & Privilège (Rachele Borghi)
    Amours silenciées (Christelle Murhula)
    La charge raciale (Douce Dibondo)
    La domination blanche (Solène Brun, Claire Cosquer)
    Le racisme est un problème de blancs (Reni Eddo-Lodge)
    Mécanique du privilège blanc (Estelle Depris)
    Voracisme (Nicolas Kayser-Bril)

    En vidéo

    Histoires crépues

    Notes

    Mes grands-parents et mon père naissent dans le Protectorat français de Tunisie. Ma famille quitte la Tunisie six ans après l’indépendance, lors de la crise de Bizerte. ↩︎
    J’hérite de cette idée générale de sa version spécifique proposée par Charles W. Mills dans son article L’ignorance blanche. ↩︎
    On retrouve cette idée dans Recyclage, le grand enfumage en 2020, même si la formulation de Flore Berligen (p. 15) est plus subtile. À l’inverse, cet article de 2015 reprend littéralement la formule. ↩︎
    Pas au sens de « droit » reconnu par un État ou une structure supra-nationale. C’est un droit au sens de revendication légitime, qui possède une valeur impersonnelle et qui mérite d’être prise en compte par tous et toutes, indépendamment de qui formule cette revendication. C’est un usage du mot « droit » qu’on retrouve en philosophie. ↩︎
    Toutes les personnes qui font du zéro déchet et prônent la sobriété ne sont évidemment pas blanches. Mais vu la quantité de blancs et de blanches dans le mouvement, on ne peut pas faire abstraction de cette dimension pour réfléchir à cette écologie. ↩︎
    Ma copine me souffle que le lien est simple : tout notre système intellectuel (politique, épistémologique, etc.) est produit par des colonisateurs. Il accompagne et légitime la colonisation. Même si je suis d’accord, c’est trop long à détailler à ce stade de l’article. ↩︎
    N’oubliez pas : le racisme n’est jamais une question d’intention. Ce sont les effets concrets et la domination qui constituent un acte comme raciste, pas l’intention de la personne qui le commet. ↩︎

    https://blog.whoz.me/zerowaste/il-ne-suffit-pas-de-vouloir-une-ecologie-antiraciste-le-zero-dechet-la-col
    #dépolitisation #individualisme #innovations #second_hand

  • RSA : le gouvernement envisage une suspension de 30 % à 100 % de l’allocation en cas de manquement
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/03/20/beneficiaires-du-rsa-une-suspension-d-allocation-de-30-a-100-prevue-en-cas-d

    Pour un premier manquement, il est prévu une suspension de l’allocation allant de 30 % à 100 % pour un ou deux mois. Comme la loi le prévoit, si la situation se règle durant la période de la sanction, le montant sera versé rétroactivement, sinon il sera définitivement perdu. En cas de manquement persistant, il est prévu différents types de sanctions, « donnant des marges pour apprécier la gravité », selon le document du ministère. Une nouvelle suspension du versement de 30 % à 100 %, mais cette fois pour un à quatre mois, mais aussi une suppression pure et simple de 30 % à 100 % allant de un à quatre mois. Il est précisé qu’en cas de suppression totale pour quatre mois – la sanction la plus lourde –, l’#allocataire sera également radié de la liste des demandeurs d’emploi et de la liste des bénéficiaires du #RSA.

    [...]

    La contestation du milieu associatif était attendue par le gouvernement, mais pour Thibaut Guilluy [directeur général de France Travail], ces critiques sont exagérées. « Il faut passer par un tel parcours du combattant pour pouvoir radier ne serait-ce que quinze jours ou un mois, que le nombre [de cas] est quand même relativement limité », a-t-il répondu au Sénat.

    https://archive.ph/2bjZa

    #France_travail #radiations #sanctions

  • Marche nocturne féministe interdite à Paris - Le Père Peinard
    https://www.leperepeinard.com/breves/marche-nocturne-feministe-interdite-a-paris

    Le 7 mars, une marche » nocturne féministe radicale « , prévue à Paris, a été interdite par le préfet de police.

    TRUMP POUTINE BITE NOUS SOMMES EN GUERRE J’ENTENDS RIEN TRUMP POUTINE TRALALALALA DEMOCRATIE COUILLE EUROPE QUI PROTEGE TRUMP POUTINE JE VOIS RIEN TRALALALALA
    TRUMP POUTINE

    • Extrait de l’article du Monde :

      La manifestation visait à réclamer « les droits et libertés menacés par un Etat fasciste et la montée de l’extrême droite », d’après les organisatrices. Mais, selon l’arrêté du préfet de police, cette marche était « de nature à troubler l’ordre public », notamment en raison des appels à rejoindre la marche de la part de collectifs propalestiniens Samidoun et Urgence Palestine, qui veulent organiser un cortège « pour la libération de la Palestine de la mer au Jourdain ».

      « Il existe un risque sérieux que le message que les militants des collectifs Samidoun et Urgence Palestine entendent véhiculer conduise à heurter la communauté juive ainsi qu’à provoquer des débordements lors du rassemblement déclaré », expliquait l’arrêté. « Il existe un risque important que des propos appelant à la haine et à la discrimination soient prononcés », poursuivait le document.

      Une manifestation est également prévue samedi, place de la République à Paris, à l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes, à l’appel d’associations et de collectifs comme #NousToutes. Plusieurs associations et organisations syndicales appellent également à une grève féministe « du travail, des tâches domestiques et de la consommation ». Le collectif d’extrême droite Némésis a prévu de tenter de défiler dans le cortège avec l’eurodéputée (Reconquête !) Sarah Knafo, ce à quoi s’opposent les organisations féministes.

  • Marché de l’électricité - Le gouvernement tente de court-circuiter nos constats - Billet de la présidente - UFC-Que Choisir
    https://www.quechoisir.org/billet-de-la-presidente-marche-de-l-electricite-le-gouvernement-tente-de

    L’étude que nous avons publiée la semaine dernière sur l’impact de la nouvelle régulation de l’électricité sur les factures des consommateurs n’a pas manqué de faire réagir le gouvernement. Une réaction de sa part était de toute évidence attendue par de nombreux observateurs puisque nous pointons du doigt sa lourde responsabilité dans les dysfonctionnements actuels du marché de l’électricité, ainsi que ses carences en termes de concertation des parties prenantes pour élaborer la nouvelle régulation.

    (…)

    Le seul moyen de répondre à ce double objectif est pourtant simple : mettre en place un dispositif permettant aux consommateurs de payer leur électricité à un tarif basé sur les coûts de production de l’électricité sur notre territoire. Le gouvernement s’y refuse, en mettant en place une nouvelle régulation encore plus favorable à EDF que la précédente, au détriment des consommateurs.

    Je ne peux donc qu’inviter le gouvernement à ne pas allumer de contre-feux artificiels contre ceux qui dénoncent légitimement la future régulation du marché de l’électricité, mais plutôt à œuvrer pour le pouvoir d’achat des consommateurs en procédant dans les plus brefs délais aux aménagements de cette régulation que nous demandons, et particulièrement une taxation plus importante des bénéfices d’EDF (qui a engendré quand même 11,4 milliards d’euros de profits l’année dernière) et une redistribution intégrale du produit de cette taxe aux consommateurs sur leurs factures.

  • Les tardigrades résistent à (presque) tout, grâce à des gènes d’espèces disparues
    https://theconversation.com/les-tardigrades-resistent-a-presque-tout-grace-a-des-genes-despeces

    Placés dans des cellules humaines ou d’autres organismes de laboratoires (drosophile, bactéries, levures, végétaux, etc.), ces gènes ont été capables d’augmenter leurs résistances de manière spectaculaire face à des traitements normalement mortels comme les rayons X, ultraviolets ou des oxydants puissants. Mieux, des protéines issues de certains de ces gènes ont été capables de protéger des médicaments de la déshydratation et de permettre ainsi leur conservation à température ambiante révélant ainsi un potentiel énorme pour la diffusion de vaccins sans avoir recours à des congélateurs coûteux. L’utilisation future de ces gènes uniques de tardigrades dans le domaine biomédical fait déjà l’objet de nombreux dépôts de brevet annonciateurs de nouvelles technologies biomédicales révolutionnaires qui pourraient en découler bientôt et qui s’étendent de la protection de l’épiderme des astronautes contre les rayons cosmiques jusqu’à la possibilité de conserver par déshydratation médicaments, tissus ou organes en attente de leur utilisation.

    Ah oui mais si ces espèces ont disparu, c’est bien que leurs gènes ne permettent pas de résister à tout (#nous_sachions).

  • #Noustoutes appelle à manifester contre les féminicides, les violences sexuelles et toutes les violences de genre

    À l’occasion de la journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes et minorités de genre, près de 400 collectifs et personnalités (parmi lesquelles Angèle, Judith Godrèche, Corinne Masiero, Assa Traoré, Florence Porcel, Faiza Guene, Pénélope Bagieu, Sandra Nkaké…) appellent à manifester dans toutes les villes de France hexagonale et des Outre-Mer le samedi 23 novembre.

    En France, depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, nous décomptons déjà plus d’un millier de féminicides. UN MILLIER de femmes et filles assassinées par des hommes ! Les féminicides ont lieu partout, dans les foyers mais aussi en dehors. Dans l’espace public, ces crimes visent particulièrement les femmes trans, migrantes, travailleuses du sexes ou SDF qui sont trop souvent invisibilisées. Derrière ce chiffre, ce sont aussi des milliers d’enfants, de familles et de proches endeuilléEs.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/11/13/journee-internationale-de-lutte-contre-les-violences-faites-aux-femmes-2024/#comment-63110

    #feminisme #violence

  • #Nous_sans_l'État

    Une réflexion profonde et vivifiante sur les #résistances aux États-nations, par l’une des voix les plus fécondes de la critique décoloniale en Amérique latine.

    À rebours des assignations et représentations homogénéisantes façonnées par le #pouvoir, ce recueil de textes fondateurs de #Yasnaya_Aguilar, interroge à la source l’« #être_indigène », ce « nous » inscrit dans une catégorie paradoxale, à la fois levier de #résistance et d’#oppression. Yasnaya Aguilar mène la discussion sur trois points-clés de la recherche d’alternatives à la mondialisation néolibérale : l’importance de la #langue et de la #culture dans la résistance, la complexité de situation des #femmes_autochtones face à l’#assimilationnisme et enfin, la critique de l’État-nation colonial par les « premières nations ».

    Nous sans l’État rappelle avec force une donnée fondamentale : les États-nations modernes ont façonné leur politique d’oppression des peuples par le croisement de logiques capitalistes, patriarcales et coloniales.

    Cette parole située nous invite, chacun depuis nos géographies, à décoloniser nos #imaginaires pour une émancipation définitive et globale.

    https://editionsicibas.fr/livres/nous-sans-letat-une-reflexion-profonde-et-vivifiante-sur-les-resistan
    #Etat-nation #nationalisme #décolonial #peuples_autochtones #intersectionnalité #patriarcat #colonialisme #colonialité #capitalisme
    #livre
    ping @karine4 @reka

    • Yásnaya Aguilar: la defensora de lenguas que imagina un mundo sin Estados

      #Yásnaya_Elena_Aguilar_Gil es lingüista, escritora, traductora y activista mixe; su voz es cada vez más relevante en un país enfrentado con su propio racismo y donde los pueblos indígenas aún son discriminados y despojados de sus territorios

      En febrero de 2019, Yásnaya Elena Aguilar Gil subió a una de las tribunas más importantes del país y dio un discurso en mixe, o ayuujk, su lengua natal, con motivo de la celebración del Año Internacional de las Lenguas Indígenas. Advirtió que cada tres meses muere una lengua en el mundo, y que esta pérdida cultural acelerada es resultado de las prácticas y políticas nacionalistas de los Estados, en general, y de México, en particular. Sus oyentes en la sala eran los diputados del Congreso de la Unión, uno de los pilares de esa entidad abstracta que llamamos Estado mexicano.

      “Fue México quien nos quitó nuestras lenguas, el agua de su nombre nos borra y nos silencia”, pronunció Yásnaya en su idioma. “Nuestras lenguas continúan siendo discriminadas dentro del sistema educativo, dentro del sistema judicial y dentro del sistema de salud. Nuestras lenguas no mueren solas, a nuestras lenguas las matan”.

      De acuerdo con los datos presentados por la lingüista originaria de Ayutla Mixe (Oaxaca), en 1820, 65 por ciento de quienes habitaban el recién creado territorio mexicano hablaba una lengua indígena. En la actualidad, dos siglos más tarde, esa proporción se redujo a 6.5 por ciento de la población. “Se quitó el valor a nuestras lenguas en favor de una lengua única, el español. Con el fin de hacer desaparecer nuestras lenguas, a nuestros antepasados se les golpeó, se les regañó y se les discriminó por el hecho de hablarlas”, continuó Yásnaya, quien advierte que, de mantenerse la tendencia, en cien años sólo 0.5 por ciento de los mexicanos se considerarán a sí mismos indígenas.

      La desaparición de la diversidad lingüística es una de las mayores preocupaciones de Aguilar Gil, y por eso trata el tema desde distintos ángulos en buena parte de sus ensayos. Sus ideas pueden encontrarse en diversas publicaciones colectivas e individuales, como la antología de autoras mexicanas que escriben sobre feminismo en Tsunami (Sexo Piso, 2018); o el libro breve Un Nosotrxs sin Estado (OnA Ediciones, 2018), donde la autora se pregunta si “necesitamos al Estado para nombrarnos o podemos gobernarnos nosotrxs mismxs”.

      Su voz se vuelve cada vez más relevante en un país enfrentado con su propio racismo, y en el que las comunidades indígenas aún son despojadas de sus territorios por gobiernos y empresas con proyectos extractivistas. A Yásnaya se le escucha en conferencias y en ferias de libros; en los medios de comunicación y en Twitter, la red que amplifica sus reflexiones, sus demandas y sus historias de Ayutla.

      ¿Cómo llega una lingüista mixe, nacida y criada en la sierra norte de Oaxaca, a plantear un debate sobre la deseable —aunque improbable en el corto plazo— desaparición de los Estados? La propia Aguilar Gil describe su recorrido intelectual en una entrevista telefónica. Cuando cursaba la licenciatura de Literaturas Hispánicas, en la UNAM, la estudiante descubrió su pasión por la gramática, y pronto se dio cuenta de que no conocía la descripción gramatical del mixe. No sabía cómo escribir su propia lengua materna. Por eso, ella y uno de sus amigos se propusieron analizarla.

      “Empezamos a transcribir un casete de mi abuela para tratar de entender la fonología y el funcionamiento de la lengua. Muchos de mis trabajos fueron sobre ese tema y así me conecté, por fin, con el movimiento que estaba escribiendo el mixe desde hacía más de veinte años”, cuenta la escritora, quien más tarde cursó la Maestría en Lingüística en la misma universidad. También, de esa forma, Yásnaya entró en contacto con aquellos con quienes después fundaría el Colmix, un colectivo de jóvenes que realiza actividades de investigación y difusión de la lengua, la historia y la cultura mixes (colmix.org).

      En los periodos vacacionales, cuando regresaba a su pueblo desde Ciudad de México, Aguilar Gil comenzó a notar un proceso de pérdida lingüística en su comunidad: “Veía diferencias respecto a la época en la que yo era una niña; cada vez escuchaba menos hablantes de mixe y esto me empezó a preocupar”. Aunque es verdad que para un observador externo puede parecer una lengua muy viva, hablada por más de 80 por ciento de la población mixe, también es cierto que la tendencia a perder hablantes es la misma en todas las lenguas no oficiales del mundo.

      El foco de atención de Yásnaya se centró entonces en la pérdida de las lenguas indígenas, y su primer objetivo fue buscar el porqué. “La respuesta que encontré, y que hoy me parece evidente —aunque no me lo parecía entonces—, es que el fenómeno tiene que ver con la conformación de los Estados”, dice. En otro de sus ensayos, titulado “Lo lingüístico es político” (2019), Aguilar Gil hace una distinción “entre las lenguas de Estado y las lenguas a pesar del Estado”.

      Como lingüista, analiza el origen y la carga simbólica de las palabras. Indio viene del sánscrito, sindhu, y su uso por los colonizadores españoles fue, como se sabe, el resultado de una confusión geográfica. La autora explica que la palabra indígena comenzó a utilizarse varios siglos después, tras la creación del Estado mexicano, y que, contrario a lo que se cree, ambos términos no tienen una relación etimológica. Indígena viene del latín indi (“de allí”) y gen (“nacido”), y significa “nacido allí” u “originario”. Hoy usamos esta palabra indistintamente para referirnos a las más de 68 naciones y las 12 familias lingüísticas que coexisten en territorio mexicano, aunque haya diferencias radicales entre ellas.

      Por eso, Aguilar Gil sostiene, como una de sus tesis principales, que “la categoría indígena es una categoría política, no una categoría cultural ni una categoría racial (aunque ciertamente ha sido racializada)”. Indígenas, propone, son las más de siete mil naciones en el mundo que no conformaron Estados, tales como “el pueblo ainú en Japón, el pueblo sami en Noruega y el pueblo mixe en Oaxaca”.

      El problema radica en que los cerca de 200 Estados modernos suelen negar o combatir la existencia misma de otras naciones con lengua, territorio y un pasado común propios. Estas naciones son la negación del proyecto de Estado, dice la lingüista, ya que dicho proyecto se fundamenta en una supuesta identidad homogénea, con una sola lengua, una bandera, un himno, una historia, unas fiestas y un territorio. “El nacionalismo mexicano es la narrativa que justifica la violencia racista que han padecido los pueblos indígenas de México”, afirma en su ensayo.

      Pero la autora también nos recuerda que tal división política del mundo funciona apenas desde hace un par de siglos —de los nueve mil años de historia mesoamericana—, y que no tiene por qué ser eterna. En un mundo sin Estados, deduce Aguilar Gil, ella dejaría de ser indígena para ser sólo mixe, y lo mismo pasaría con los ainú, los sami, los mapuche, los rarámuri o los wixaritari. El gran reto es imaginar cómo podría funcionar un mundo así.

      Las primeras lecturas

      Yásnaya Elena Aguilar Gil es parte de la segunda generación en su familia que terminó la educación primaria y la primera en obtener el grado de maestría. En un breve ensayo titulado “Los actos de lectura están inmersos en una red tejida por el colonialismo”, cuenta que su abuelo estudió hasta el segundo grado y que aun así trabajó como escribano, campesino y albañil: “Ayudaba con la correspondencia de las personas, leía las cartas a los destinatarios de mi comunidad cuando así se lo pedían, les traducía al mixe, escuchaba la respuesta, la traducía de nuevo al español, y por fin escribía la contestación con una hermosa letra que nunca he podido lograr”.

      Las letras siguieron presentes en la casa familiar. Los tíos de Yásnaya pudieron salir de Ayutla en la década de 1970 para estudiar la preparatoria y la universidad, y a su regreso se convirtieron en mentores de lectura para la futura escritora. Pero Aguilar confiesa que no siempre disfrutó leer, pues en los inicios tuvo que lidiar con textos complejos sin entender demasiado el español. Sus tíos se habían enfrentado a contextos de discriminación y querían evitar que ella pasara por lo mismo. La solución que idearon fue enseñarla a leer el castellano antes de entrar a la escuela, para eliminar su acento de mixehablante.

      Yásnaya describe la alfabetización que el Estado mexicano llevó a cabo en las comunidades indígenas como “un proyecto castellanizador belicoso y amedrentante”. Sucedió sobre todo a partir de la primera mitad del siglo XX, con el objetivo, afirma, de desaparecer las lenguas indígenas. “Alfabetizar significaba hacer triunfar la llamada lengua ‘nacional’ sobre dialectos que significaban pobreza y atraso en los discursos de educadores rurales oficiales como Rafael Ramírez” (quien colaboró con la reforma educativa impulsada por José Vasconcelos).

      Algunos de los textos con los que Aguilar Gil aprendió a pronunciar las palabras del nuevo idioma, sin entender su significado, provenían de ejemplares traducidos de la revista soviética Sputnik y del Libro Rojo, de Mao Tse-Tung. Los tíos de la autora estaban entusiasmados con el comunismo y con la urss, y gracias a esas lecturas se enteraban de la existencia de lugares “donde los obreros podían asistir a clases de Física o talleres de arte y donde todas las personas eran iguales”. De hecho, Yásnaya se llama así gracias a esa filia por lo ruso que existía en su familia. Su primer nombre lo eligió el mayor de sus tíos a partir de un sitio particular: Yásnaia Poliana, una finca rural a unos 200 kilómetros al sur de Moscú donde nació, vivió y fue enterrado el novelista León Tolstoi.

      “Con el paso del tiempo, conforme fui aprendiendo castellano, los edificios sonoros comenzaron a tomar sentido. Islas de significado iban emergiendo entre los textos del libro Español Lecturas que nos repartían en la escuela”, narra la lingüista. Sus tíos le dejaron una indicación muy concreta antes de tener que emigrar de Ayutla: elegir los libros que estuvieran clasificados como clásicos. Así fue como Yásnaya leyó adaptaciones infantiles de Las mil y una noches, La Ilíada o La Odisea. Y fue gracias a estas historias que comenzó a amar la lectura.

      Agua para Ayutla

      Además de su activismo por la diversidad lingüística, la escritora afirma que su otra gran lucha es por devolverle el agua a su comunidad. Ella ha denunciado una y otra vez, en distintos foros, que, desde junio de 2017, los habitantes de San Pedro y San Pablo Ayutla no tienen acceso al agua potable. Las autoridades estatales lo han llamado un conflicto agrario entre este municipio y su vecino, Tamazulápam del Espíritu Santo. Pero es más que eso, pues los habitantes de este último están respaldados por un grupo armado presuntamente ligado a la siembra de amapola.

      Aguilar Gil habló de este problema en su discurso ante los diputados: “Por medio de armas y de balas nos despojaron del manantial, por medio de armas tomaron y callaron la fuente de agua para nosotros. A pesar de que las leyes dicen que el agua es un derecho humano, ya el agua no llega desde hace dos años a nuestras casas y esto afecta, sobre todo, a ancianos y niños”.

      El día en que su sistema de agua potable fue dinamitado, la comunidad de Ayutla también perdió a uno de sus miembros —Luis Juan Guadalupe, quien fue asesinado—, debió atender a más de seis heridos y sufrió la ausencia temporal de cuatro compañeras que fueron secuestradas y torturadas. En más de dos años y medio, las autoridades responsables no han hecho justicia ni han sido capaces de devolver el servicio básico a un poblado de más de tres mil habitantes.

      La lingüista no duda que el Estado es parte del problema al solapar las violencias cometidas contra su pueblo. “Hay una impunidad activa, voluntaria, que no entiendo. Hay una complicidad, incluso, un dejar hacer”, lamenta.

      A pesar de las enormes dificultades que supone la carencia de agua potable, la comunidad continúa su vida colectiva en Ayutla. Aguilar Gil regresó al pueblo cuando la asamblea comunitaria —el máximo órgano de decisión— la nombró secretaria del presidente municipal y guardiana del archivo. Ahora, explica, se encuentra en un periodo de descanso al que tienen derecho todos los servidores públicos de este sistema normativo propio —conocido como “usos y costumbres”—, gracias al cual algunos pueblos indígenas ejercen un grado de autonomía establecido en la ley.

      En la asamblea comunitaria están obligados a participar todos los ciudadanos mayores de 18 años, excepto los estudiantes, los mayores de 70 o quienes hayan cumplido ya con todos sus cargos. El presidente municipal es nombrado por la asamblea y no puede hacer nada sin consultarla; a escala local no hay partidos políticos ni elecciones tradicionales y las autoridades municipales no cobran sueldos. Por el contrario, un cargo público supone un desgaste económico para quien lo asume.

      Aunque actualmente Yásnaya no tiene un cargo oficial, la asamblea le ha conferido un encargo: acompañar la interlocución con el Estado en el problema del agua. Por eso, el pasado 13 de enero, Aguilar Gil acudió, junto a las responsables de bienes comunales, a interpelar, una vez más, al gobernador de Oaxaca. Alejandro Murat hablaba en el Foro Estatal Hacia una Nueva Ley General de Aguas sobre el derecho humano de acceso a este recurso, cuando la lingüista y sus compañeras se pusieron de pie para mostrar una cartulina con la leyenda: “Agua para Ayutla”.

      La otra gran razón por la que Yásnaya decidió regresar a la vida rural fue su abuela, la persona con la que se crió. Quienes siguen a la lingüista en las redes (su cuenta en Twitter es @yasnayae) saben de su amor incondicional por ella, y lo difícil que ha sido su duelo tras perderla. “Ahora estoy tratando de continuar con todo lo que ella hacía; estoy concentrada en mantener todo vivo: la siembra, sus animales, sus plantas”, cuenta. Esto también la ha obligado a bajar el ritmo en la escritura. Mientras se acopla a sus nuevas labores, dice, escribe sólo cuando tiene un encargo o cuando aterriza alguna nueva idea.

      La organización comunitariacomo alternativa

      El pasado 13 de diciembre, la Banda Filarmónica de Ayutla sufrió el robo de la mitad de sus instrumentos musicales, que estaban resguardados en la escoleta municipal. De inmediato, figuras como el alcalde, el presidente de la banda y la lingüista Yásnaya Aguilar Gil denunciaron el hecho y pidieron ayuda para recuperar los instrumentos que, en su mayoría, son tocados por niños y niñas de entre seis y 13 años. El mensaje se difundió rápidamente. Tanto, que en pocos días la Secretaría de Cultura de Oaxaca resarció parte de los daños al entregar, de manos del gobernador, 36 instrumentos nuevos a los jóvenes músicos.

      El pueblo entero y algunos de sus vecinos se movilizaron para recuperar cuanto antes “el corazón de la comunidad”, como nombró Yásnaya a la agrupación musical. También tuvo un efecto significativo el llamado de la escritora vía su cuenta de Twitter, donde tiene más de 23 mil seguidores. Algunos de ellos hicieron donaciones que se convirtieron en tres flautas transversales, un saxofón alto, un clarinete, un violín, una trompeta, un arpa pequeña, una flauta alto y un atril. El 26 de diciembre, después de que la banda realizara los rituales de agradecimiento, la música en Ayutla volvió a sonar.

      También la lingüista ha puesto a discusión con sus interlocutores tuiteros su idea utópica de la desaparición de los Estados, llamando a aportar ideas sobre posibles formas de autogestión. Aguilar cuenta que, en efecto, ha recibido propuestas interesantes, pero, sobre todo, una lluvia de comentarios que expresan preocupación. “Resulta casi imposible pensar el mundo sin estas divisiones que se asumen como existentes desde siempre”, escribe en Un Nosotrxs sin Estado. Y en la entrevista agrega: “Yo les digo que no se preocupen, no creo que lo lleguemos a ver en esta vida; pero, ¿por qué no podemos imaginarlo? Hay incluso una colonización de la imaginación”.

      Lo que ella imagina “es una diversidad de sistemas políticos; una confederación o alianzas libres de unidades mucho más pequeñas y autogestivas que no dependan del famoso monopolio del uso legítimo de la violencia del Estado”. También señala que, en este ejercicio imaginativo, es importante no caer en la tentación de replicar el modelo de opresión al que siempre han resistido los pueblos indígenas: “Los Estados administran un sistema colonialista, capitalista y patriarcal, ¿por qué habríamos de replicarlo?”.

      Hacia el final de su ensayo, Yásnaya esboza algunas propuestas concretas para este mundo imaginario, relacionadas con la seguridad, la educación, la salud y la impartición de justicia. Además, deja abierta una invitación generalizada: arrebatar cada vez más funciones al Estado. Lo anterior ya se hace, en cierta medida, en Ayutla y otros municipios de Oaxaca, donde las asambleas de comuneros han cooptado la institución municipal.

      Pero el primer gran paso, sostiene Aguilar, sería declarar la existencia de territorios indígenas autónomos en los que el Estado no pueda concesionar proyectos extractivos que atenten contra la salud y la calidad de vida de las personas. “A nuestras lenguas las matan cuando no se respetan nuestros territorios, cuando venden y hacen concesiones con nuestras tierras”, pronunció Yásnaya en mixe durante su discurso en la Cámara de Diputados. “Es la tierra, el agua, los árboles los que nutren la existencia de nuestras lenguas. Bajo el ataque constante de nuestro territorio, ¿cómo se puede revitalizar nuestra lengua?”.

      https://magis.iteso.mx/nota/yasnaya-aguilar-la-defensora-de-lenguas-que-imagina-un-mundo-sin-estados

  • Pour abroger la loi immigration, allons voter !

    Pour abroger la loi immigration, allons voter ! La loi immigration, dite loi Darmanin, menace les couples binationaux et familles binationales. Votons pour une Assemblée nationale capable de l’abroger ! #noussommesici2024

    https://blogs.mediapart.fr/les-amoureux-au-ban-public-amoureuxses-en-couple-binational/blog/260624/pour-abroger-la-loi-immigration-allons-voter

  • « Alerte extrêmement grave » : le dispositif FR-Alert activé pour envoyer un message d’information sur les JO 2024
    https://www.lemonde.fr/sport/article/2024/05/13/alerte-extremement-grave-le-dispositif-fr-alert-active-pour-envoyer-un-messa

    La Préfecture de police de Paris a confirmé, lundi soir, l’usage de ce dispositif d’alerte sur les smartphones présents dans la zone qui constituera le périmètre « sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme (SILT) » lors des JO, sans plus d’explications

    Personne pour évoquer bigbrother et cette ambition du pouvoir, d’avoir accès à tous les écrans, partout, tout le temps.

  • Paris : provocation sioniste à la marche féministe
    8 mars 2024 - Contre Attaque
    https://contre-attaque.net/2024/03/08/paris-provocation-sioniste-a-la-marche-feministe

    Scènes hallucinantes ce vendredi 8 mars à Paris lors de la marche pour les droits des femmes. Un groupe d’hommes cagoulés et armés a frappé et gazé le cortège féministe. Une provocation organisée par l’extrême droite sioniste.

  • Violences sexuelles : « Ce qui se passe dans le milieu du cinéma se passe aussi ailleurs, à l’université, dans les écoles, dans l’édition »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/03/07/violences-sexuelles-ce-qui-se-passe-dans-le-milieu-du-cinema-se-passe-aussi-

    Toutes, nous les connaissons toutes, toutes ces histoires qui circulent quand même, en dépit du silence, entre chercheuses, entre enseignantes, entre étudiantes, entre éditrices, entre écrivaines, entre artistes, collègues, amies, à l’université, dans les maisons d’édition, dans les festivals de littérature, dans le monde des arts. Des histoires comme on se donne des nouvelles des dernières victimes recensées, des dernières injustices accomplies.

    Jamais la littérature n’a adouci les mœurs : dans les départements de littérature, dans les laboratoires, dans les unités de formation et de recherche, mais aussi dans toute l’université, dans les bureaux des maisons d’édition, dans toutes les coulisses possibles de l’écriture littéraire et scientifique, dans les coulisses de la création. Dans les couples aussi.

    La condamnation, le 13 février, pour violences conjugales du professeur émérite, spécialiste du lyrisme et poète Jean-Michel Maulpoix, Prix Goncourt de la poésie 2022, à dix-huit mois de prison avec sursis pour préjudice infligé à son épouse, chercheuse et enseignante en lettres, confirme que ni la littérature ni l’université ne sauvent les femmes.

    Depuis que nous sommes étudiantes, depuis que nous sommes doctorantes, depuis que nous sommes enseignantes, depuis que nous sommes assistantes d’édition, éditrices, écrivaines, chercheuses, artistes, depuis que nous sommes vacataires, précaires, depuis que nous sommes jeunes ou vieilles.

    De l’impunité sous toutes ses formes

    A chaque étape, nous avons subi ou pris connaissance d’injustices, d’agressions, de viols, d’intimidations, de silences imposés, de menaces, de brutalités, d’opérations en tout genre qui rabaissent, de vols de savoirs, de chantages, de destructions d’œuvres, même. De l’impunité sous toutes ses formes. De l’impunité, au résultat, de proclamés « lettrés » ou « diplômés » qui se comportent souvent comme des prédateurs, presque toujours comme des êtres supérieurs. On peut remplir des pages et des pages avec toutes ces histoires.
    La hiérarchie se marie parfaitement avec sexisme et misogynie. Il y a les insultes balancées par un poète institutionnel et il y a les ralentissements de carrière, les opérations de séduction misérables, à tous les âges, pour monnayer les postes, les contrats, les avancements.
    Mais alors, avec #metoo, en littérature, à l’université, dans l’édition, rien n’a changé ? Rien n’a changé dans ce petit monde académique des lettres, dans le milieu littéraire et éditorial qui cohabite avec lui dans l’amour des livres, de la science, des arts, dans l’université en entier ? Rien n’a changé dans ce pays dont le président, sans honte, soutient dans l’émission « C à vous » [en décembre 2023] un présumé innocent violeur et agresseur multirécidiviste ?

    Si. Quelque chose a changé dans cette si masculine République des lettres. Certaines histoires sont si fracassantes qu’elles en deviennent forcément publiques, spectaculairement. Il n’est plus possible de nier. Ce qui se passe dans le milieu du cinéma se passe aussi ailleurs, à l’université, dans les écoles, dans les maisons d’édition, dans le monde des arts… Partout ? Qui se souvient, en 1980, du féminicide d’Hélène Rytmann par le philosophe Louis Althusser ?

    Si tu parles, t’es morte dans le milieu

    Cécile Poisson, nous voulons aujourd’hui te rendre hommage. Pour que ta mémoire et ton souvenir nous aident à ne plus nous laisser violenter d’une manière ou d’une autre. Au nom des femmes. Cécile, tu étais enseignante-chercheuse en lettres, spécialiste des mythes en littérature, « sentinelle égalité » dans ton université. Cette année, tu aurais eu 49 ans. Tu as été assassinée, le 20 mars 2023, par un homme « cultivé », « diplômé », tout ce qu’il faut sur le CV, ton mari : un assassin surtout.

    Ton féminicide a fracassé les murs en béton de l’université au sein de laquelle les #femmes sont souvent agressées sexuellement, menacées de chantage, violentées d’une manière ou d’une autre, plagiées, discriminées, sous emprise, sans que leurs aînés toujours les soutiennent.

    Face à ces crimes, face à tous ces témoignages d’injustice, nous avons le sentiment que l’omerta règne en puissance. Les agresseurs se font passer pour des victimes. Ainsi se poursuit la violence en refusant la reconnaissance. Toutes, nous les connaissons, ceux qui agissent pour le pire.

    Si tu parles, t’es morte dans le milieu. Ta carrière est morte. Ta réputation est morte. Morte pour de vrai ou morte pour de faux, tu es morte. Aujourd’hui, #noustoutes, nous signons sans peur, en notre seul nom, un appel à l’organisation d’Etats généraux pour les femmes dans l’université, dans l’édition, dans la littérature. Et nous appelons nos amies historiennes, philosophes, scientifiques, sociologues, artistes, à nous rejoindre, pour que #metoouniversité, #metoolittérature, #metoophilosophie, #metooarts, #metoosciences inventent un autre monde aussi : sans déni, sans injustice, sans prédation.

    Premiers signataires : Marie Darrieussecq, romancière ; Annie Ernaux, Prix Nobel de littérature 2022 ; Camille Froidevaux-Metterie, professeure de science politique, à l’université de Reims ; Camille Kouchner, autrice et maîtresse de conférences à l’université Paris Cité ; Marielle Macé, directrice d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) ; Laure Murat, professeure au département d’études françaises et francophones à l’université de Californie à Los Angeles ; Lydie Salvayre, romancière ; Tiphaine Samoyault, directrice d’études à l’EHESS ; Gisèle Sapiro, directrice de recherche à l’EHESS ; Vanessa Springora, autrice et éditrice ; Alice Zeniter, romancière.

    Liste complète des signataires https://docs.google.com/document/d/18dAds8Jzit8sM3ZEZqyiCto826BAhA_j7r4NQrar3R0/edit

    #VSS #appel #tribune

  • « Jetzt erst begreiff ich, dass ich offiziell eine Kroatin bin, die in europäischen Städten noch immer allen möglichen Jugoslawen hinterhergeht, um ihre Stimmen zu hören und ihre dazugehörigen Wörter wie weitgereiste Vögel zu erspähen, die mehr oder weniger unversehrt überlebt haben, ganz gleich, ob in Paris, Lissabon, Frankfurt oder Berlin. Und auch begriff ich, wie absurd es eigentlich ist, ein Passbesitzer zu sein, etwas so Ausseres sein zu müssen und es zu werden, weil man hier auf dieser Erde ein Jemand ist, wenn man sich irgendeiner ausgedachten Grenze als Einheit von Gesicht und Name ausweisen kann. »
    #porte-parole #diaspora #yougonostalgie #yougoslavie #communauté #nous #post-yougoslave #transnational #frontière #identité #national #diaspora

    Sterne erben p. 72

  • Jugostalgija war das nicht, wie gemeinhin die Nostalgie, die Sehnsucht nach dem ehemaligen Jugoslawien gennant wird. Niemand wird mir weismachen können, dass es sich um eine Sehnsucht nach Vergangen gehandelt hat? Obwohl wir weinten, war es das reinste Gegenteil von Vergagenheit. Das Ankommen in diesem Moment hatte nichts zu tun mit nostos und nichtz zu tun mit algos.
    Es war gleichsam ein Erkennen, ein gemeinsames Sprachmensch-Sein; am ehesten noch zu beschreiben mit dem Wort Heimwehe (nach meinem Wissen erstmals 1688 in der Dissertation des Schweizer Arztes Johannes Hofer erwähnt). So etwas wie ein Angewehtsein von einem vertrauten Wesen war das, als habe in ihm, und zeitgleich auch in mir, ein Wind gewohnt, der eine tiefer gelegene Sprache kent, einen Urgrund, in dem die Geburt einer neuen Zeit so etwas Einfaches wie ein Lächel war; ein Wort; die unmittelbare Freude am Anderen; das unmittelbare Schwingen von Zelle zu Zelle.“
    #yougonostalgie #yougoslavie #communauté #nous #mémoire

    Sterne erben p. 48

  • L’#Europe et la fabrique de l’étranger

    Les discours sur l’ « #européanité » illustrent la prégnance d’une conception identitaire de la construction de l’Union, de ses #frontières, et de ceux qu’elle entend assimiler ou, au contraire, exclure au nom de la protection de ses #valeurs particulières.

    Longtemps absente de la vie démocratique de l’#Union_européenne (#UE), la question identitaire s’y est durablement installée depuis les années 2000. Si la volonté d’affirmer officiellement ce que « nous, Européens » sommes authentiquement n’est pas nouvelle, elle concernait jusqu’alors surtout – à l’instar de la Déclaration sur l’identité européenne de 1973 – les relations extérieures et la place de la « Communauté européenne » au sein du système international. À présent, elle renvoie à une quête d’« Européanité » (« Europeanness »), c’est-à-dire la recherche et la manifestation des #trait_identitaires (héritages, valeurs, mœurs, etc.) tenus, à tort ou à raison, pour caractéristiques de ce que signifie être « Européens ». Cette quête est largement tournée vers l’intérieur : elle concerne le rapport de « nous, Européens » à « nous-mêmes » ainsi que le rapport de « nous » aux « autres », ces étrangers et étrangères qui viennent et s’installent « chez nous ».

    C’est sous cet aspect identitaire qu’est le plus fréquemment et vivement discuté ce que l’on nomme la « #crise_des_réfugiés » et la « #crise_migratoire »

    L’enjeu qui ferait de l’#accueil des exilés et de l’#intégration des migrants une « #crise » concerne, en effet, l’attitude que les Européens devraient adopter à l’égard de celles et ceux qui leur sont « #étrangers » à double titre : en tant qu’individus ne disposant pas de la #citoyenneté de l’Union, mais également en tant que personnes vues comme les dépositaires d’une #altérité_identitaire les situant à l’extérieur du « #nous » – au moins à leur arrivée.

    D’un point de vue politique, le traitement que l’Union européenne réserve aux étrangères et étrangers se donne à voir dans le vaste ensemble de #discours, #décisions et #dispositifs régissant l’#accès_au_territoire, l’accueil et le #séjour de ces derniers, en particulier les accords communautaires et agences européennes dévolus à « une gestion efficace des flux migratoires » ainsi que les #politiques_publiques en matière d’immigration, d’intégration et de #naturalisation qui restent du ressort de ses États membres.

    Fortement guidées par des considérations identitaires dont la logique est de différencier entre « nous » et « eux », de telles politiques soulèvent une interrogation sur leurs dynamiques d’exclusion des « #autres » ; cependant, elles sont aussi à examiner au regard de l’#homogénéisation induite, en retour, sur le « nous ». C’est ce double questionnement que je propose de mener ici.

    En quête d’« Européanité » : affirmer la frontière entre « nous » et « eux »

    La question de savoir s’il est souhaitable et nécessaire que les contours de l’UE en tant que #communauté_politique soient tracés suivant des #lignes_identitaires donne lieu à une opposition philosophique très tranchée entre les partisans d’une défense sans faille de « l’#identité_européenne » et ceux qui plaident, à l’inverse, pour une « #indéfinition » résolue de l’Europe. Loin d’être purement théorique, cette opposition se rejoue sur le plan politique, sous une forme tout aussi dichotomique, dans le débat sur le traitement des étrangers.

    Les enjeux pratiques soulevés par la volonté de définir et sécuriser « notre » commune « Européanité » ont été au cœur de la controverse publique qu’a suscitée, en septembre 2019, l’annonce faite par #Ursula_von_der_Leyen de la nomination d’un commissaire à la « #Protection_du_mode_de_vie_européen », mission requalifiée – face aux critiques – en « #Promotion_de_notre_mode_de_vie_européen ». Dans ce portefeuille, on trouve plusieurs finalités d’action publique dont l’association même n’a pas manqué de soulever de vives inquiétudes, en dépit de la requalification opérée : à l’affirmation publique d’un « #mode_de_vie » spécifiquement « nôtre », lui-même corrélé à la défense de « l’#État_de_droit », « de l’#égalité, de la #tolérance et de la #justice_sociale », se trouvent conjoints la gestion de « #frontières_solides », de l’asile et la migration ainsi que la #sécurité, le tout placé sous l’objectif explicite de « protéger nos citoyens et nos valeurs ».

    Politiquement, cette « priorité » pour la période 2019-2024 s’inscrit dans la droite ligne des appels déjà anciens à doter l’Union d’un « supplément d’âme
     » ou à lui « donner sa chair » pour qu’elle advienne enfin en tant que « #communauté_de_valeurs ». De tels appels à un surcroît de substance spirituelle et morale à l’appui d’un projet européen qui se devrait d’être à la fois « politique et culturel » visaient et visent encore à répondre à certains problèmes pendants de la construction européenne, depuis le déficit de #légitimité_démocratique de l’UE, si discuté lors de la séquence constitutionnelle de 2005, jusqu’au défaut de stabilité culminant dans la crainte d’une désintégration européenne, rendue tangible en 2020 par le Brexit.

    Précisément, c’est de la #crise_existentielle de l’Europe que s’autorisent les positions intellectuelles qui, poussant la quête d’« Européanité » bien au-delà des objectifs politiques évoqués ci-dessus, la déclinent dans un registre résolument civilisationnel et défensif. Le geste philosophique consiste, en l’espèce, à appliquer à l’UE une approche « communautarienne », c’est-à-dire à faire entièrement reposer l’UE, comme ensemble de règles, de normes et d’institutions juridiques et politiques, sur une « #communauté_morale » façonnée par des visions du bien et du monde spécifiques à un groupe culturel. Une fois complétée par une rhétorique de « l’#enracinement » desdites « #valeurs_européennes » dans un patrimoine historique (et religieux) particulier, la promotion de « notre mode de vie européen » peut dès lors être orientée vers l’éloge de ce qui « nous » singularise à l’égard d’« autres », de « ces mérites qui nous distinguent » et que nous devons être fiers d’avoir diffusés au monde entier.

    À travers l’affirmation de « notre » commune « Européanité », ce n’est pas seulement la reconnaissance de « l’#exception_européenne » qui est recherchée ; à suivre celles et ceux qui portent cette entreprise, le but n’est autre que la survie. Selon #Chantal_Delsol, « il en va de l’existence même de l’Europe qui, si elle n’ose pas s’identifier ni nommer ses caractères, finit par se diluer dans le rien. » Par cette #identification européenne, des frontières sont tracées. Superposant Europe historique et Europe politique, Alain Besançon les énonce ainsi : « l’Europe s’arrête là où elle s’arrêtait au XVIIe siècle, c’est-à-dire quand elle rencontre une autre civilisation, un régime d’une autre nature et une religion qui ne veut pas d’elle. »

    Cette façon de délimiter un « #nous_européen » est à l’exact opposé de la conception de la frontière présente chez les partisans d’une « indéfinition » et d’une « désappropriation » de l’Europe. De ce côté-ci de l’échiquier philosophique, l’enjeu est au contraire de penser « un au-delà de l’identité ou de l’identification de l’Europe », étant entendu que le seul « crédit » que l’on puisse « encore accorder » à l’Europe serait « celui de désigner un espace de circulation symbolique excédant l’ordre de l’identification subjective et, plus encore, celui de la #crispation_identitaire ». Au lieu de chercher à « circonscri[re] l’identité en traçant une frontière stricte entre “ce qui est européen” et “ce qui ne l’est pas, ne peut pas l’être ou ne doit pas l’être” », il s’agit, comme le propose #Marc_Crépon, de valoriser la « #composition » avec les « #altérités » internes et externes. Animé par cette « #multiplicité_d’Europes », le principe, thématisé par #Etienne_Balibar, d’une « Europe comme #Borderland », où les frontières se superposent et se déplacent sans cesse, est d’aller vers ce qui est au-delà d’elle-même, vers ce qui l’excède toujours.

    Tout autre est néanmoins la dynamique impulsée, depuis une vingtaine d’années, par les politiques européennes d’#asile et d’immigration.

    La gouvernance européenne des étrangers : l’intégration conditionnée par les « valeurs communes »

    La question du traitement public des étrangers connaît, sur le plan des politiques publiques mises en œuvre par les États membres de l’UE, une forme d’européanisation. Celle-ci est discutée dans les recherches en sciences sociales sous le nom de « #tournant_civique ». Le terme de « tournant » renvoie au fait qu’à partir des années 2000, plusieurs pays européens, dont certains étaient considérés comme observant jusque-là une approche plus ou moins multiculturaliste (tels que le Royaume-Uni ou les Pays-Bas), ont développé des politiques de plus en plus « robustes » en ce qui concerne la sélection des personnes autorisées à séjourner durablement sur leur territoire et à intégrer la communauté nationale, notamment par voie de naturalisation. Quant au qualificatif de « civique », il marque le fait que soient ajoutés aux #conditions_matérielles (ressources, logement, etc.) des critères de sélection des « désirables » – et, donc, de détection des « indésirables » – qui étendent les exigences relatives à une « #bonne_citoyenneté » aux conduites et valeurs personnelles. Moyennant son #intervention_morale, voire disciplinaire, l’État se borne à inculquer à l’étranger les traits de caractère propices à la réussite de son intégration, charge à lui de démontrer qu’il conforme ses convictions et comportements, y compris dans sa vie privée, aux « valeurs » de la société d’accueil. Cette approche, centrée sur un critère de #compatibilité_identitaire, fait peser la responsabilité de l’#inclusion (ou de l’#exclusion) sur les personnes étrangères, et non sur les institutions publiques : si elles échouent à leur assimilation « éthique » au terme de leur « #parcours_d’intégration », et a fortiori si elles s’y refusent, alors elles sont considérées comme se plaçant elles-mêmes en situation d’être exclues.

    Les termes de « tournant » comme de « civique » sont à complexifier : le premier car, pour certains pays comme la France, les dispositifs en question manifestent peu de nouveauté, et certainement pas une rupture, par rapport aux politiques antérieures, et le second parce que le caractère « civique » de ces mesures et dispositifs d’intégration est nettement moins évident que leur orientation morale et culturelle, en un mot, identitaire.

    En l’occurrence, c’est bien plutôt la notion d’intégration « éthique », telle que la définit #Jürgen_Habermas, qui s’avère ici pertinente pour qualifier ces politiques : « éthique » est, selon lui, une conception de l’intégration fondée sur la stabilisation d’un consensus d’arrière-plan sur des « valeurs » morales et culturelles ainsi que sur le maintien, sinon la sécurisation, de l’identité et du mode de vie majoritaires qui en sont issus. Cette conception se distingue de l’intégration « politique » qui est fondée sur l’observance par toutes et tous des normes juridico-politiques et des principes constitutionnels de l’État de droit démocratique. Tandis que l’intégration « éthique » requiert des étrangers qu’ils adhèrent aux « valeurs » particulières du groupe majoritaire, l’intégration « politique » leur demande de se conformer aux lois et d’observer les règles de la participation et de la délibération démocratiques.

    Or, les politiques d’immigration, d’intégration et de naturalisation actuellement développées en Europe sont bel et bien sous-tendues par cette conception « éthique » de l’intégration. Elles conditionnent l’accès au « nous » à l’adhésion à un socle de « valeurs » officiellement déclarées comme étant déjà « communes ». Pour reprendre un exemple français, cette approche ressort de la manière dont sont conçus et mis en œuvre les « #contrats_d’intégration » (depuis le #Contrat_d’accueil_et_d’intégration rendu obligatoire en 2006 jusqu’à l’actuel #Contrat_d’intégration_républicaine) qui scellent l’engagement de l’étranger souhaitant s’installer durablement en France à faire siennes les « #valeurs_de_la_République » et à les « respecter » à travers ses agissements. On retrouve la même approche s’agissant de la naturalisation, la « #condition_d’assimilation » propre à cette politique donnant lieu à des pratiques administratives d’enquête et de vérification quant à la profondeur et la sincérité de l’adhésion des étrangers auxdites « valeurs communes », la #laïcité et l’#égalité_femmes-hommes étant les deux « valeurs » systématiquement mises en avant. L’étude de ces pratiques, notamment les « #entretiens_d’assimilation », et de la jurisprudence en la matière montre qu’elles ciblent tout particulièrement les personnes de religion et/ou de culture musulmanes – ou perçues comme telles – en tant qu’elles sont d’emblée associées à des « valeurs » non seulement différentes, mais opposées aux « nôtres ».

    Portées par un discours d’affrontement entre « systèmes de valeurs » qui n’est pas sans rappeler le « #choc_des_civilisations » thématisé par #Samuel_Huntington, ces politiques, censées « intégrer », concourent pourtant à radicaliser l’altérité « éthique » de l’étranger ou de l’étrangère : elles construisent la figure d’un « autre » appartenant – ou suspecté d’appartenir – à un système de « valeurs » qui s’écarterait à tel point du « nôtre » que son inclusion dans le « nous » réclamerait, de notre part, une vigilance spéciale pour préserver notre #identité_collective et, de sa part, une mise en conformité de son #identité_personnelle avec « nos valeurs », telles qu’elles s’incarneraient dans « notre mode de vie ».

    Exclusion des « autres » et homogénéisation du « nous » : les risques d’une « #Europe_des_valeurs »

    Le recours aux « valeurs communes », pour définir les « autres » et les conditions de leur entrée dans le « nous », n’est pas spécifique aux politiques migratoires des États nationaux. L’UE, dont on a vu qu’elle tenait à s’affirmer en tant que « communauté morale », a substitué en 2009 au terme de « #principes » celui de « valeurs ». Dès lors, le respect de la dignité humaine et des droits de l’homme, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’État de droit sont érigés en « valeurs » sur lesquelles « l’Union est fondée » (art. 2 du Traité sur l’Union européenne) et revêtent un caractère obligatoire pour tout État souhaitant devenir et rester membre de l’UE (art. 49 sur les conditions d’adhésion et art. 7 sur les sanctions).

    Reste-t-on ici dans le périmètre d’une « intégration politique », au sens où la définit Habermas, ou franchit-on le cap d’une « intégration éthique » qui donnerait au projet de l’UE – celui d’une intégration toujours plus étroite entre les États, les peuples et les citoyens européens, selon la formule des traités – une portée résolument identitaire, en en faisant un instrument pour sauvegarder la « #civilisation_européenne » face à d’« autres » qui la menaceraient ? La seconde hypothèse n’a certes rien de problématique aux yeux des partisans de la quête d’« Européanité », pour qui le projet européen n’a de sens que s’il est tout entier tourné vers la défense de la « substance » identitaire de la « civilisation européenne ».

    En revanche, le passage à une « intégration éthique », tel que le suggère l’exhortation à s’en remettre à une « Europe des valeurs » plutôt que des droits ou de la citoyenneté, comporte des risques importants pour celles et ceux qui souhaitent maintenir l’Union dans le giron d’une « intégration politique », fondée sur le respect prioritaire des principes démocratiques, de l’État de droit et des libertés fondamentales. D’où également les craintes que concourt à attiser l’association explicite des « valeurs de l’Union » à un « mode de vie » à préserver de ses « autres éthiques ». Deux risques principaux semblent, à cet égard, devoir être mentionnés.

    En premier lieu, le risque d’exclusion des « autres » est intensifié par la généralisation de politiques imposant un critère de #compatibilité_identitaire à celles et ceux que leur altérité « éthique », réelle ou supposée, concourt à placer à l’extérieur d’une « communauté de valeurs » enracinée dans des traditions particulières, notamment religieuses. Fondé sur ces bases identitaires, le traitement des étrangers en Europe manifesterait, selon #Etienne_Tassin, l’autocontradiction d’une Union se prévalant « de la raison philosophique, de l’esprit d’universalité, de la culture humaniste, du règne des droits de l’homme, du souci pour le monde dans l’ouverture aux autres », mais échouant lamentablement à son « test cosmopolitique et démocratique ». Loin de représenter un simple « dommage collatéral » des politiques migratoires de l’UE, les processus d’exclusion touchant les étrangers constitueraient, d’après lui, « leur centre ». Même position de la part d’Étienne Balibar qui n’hésite pas à dénoncer le « statut d’#apartheid » affectant « l’immigration “extracommunautaire” », signifiant par là l’« isolement postcolonial des populations “autochtones” et des populations “allogènes” » ainsi que la construction d’une catégorie d’« étrangers plus qu’étrangers » traités comme « radicalement “autres”, dissemblables et inassimilables ».

    Le second risque que fait courir la valorisation d’un « nous » européen désireux de préserver son intégrité « éthique », touche au respect du #pluralisme. Si l’exclusion des « autres » entre assez clairement en tension avec les « valeurs » proclamées par l’Union, les tendances à l’homogénéisation résultant de l’affirmation d’un consensus fort sur des valeurs déclarées comme étant « toujours déjà » communes aux Européens ne sont pas moins susceptibles de contredire le sens – à la fois la signification et l’orientation – du projet européen. Pris au sérieux, le respect du pluralisme implique que soit tolérée et même reconnue une diversité légitime de « valeurs », de visions du bien et du monde, dans les limites fixées par l’égale liberté et les droits fondamentaux. Ce « fait du pluralisme raisonnable », avec les désaccords « éthiques » incontournables qui l’animent, est le « résultat normal » d’un exercice du pouvoir respectant les libertés individuelles. Avec son insistance sur le partage de convictions morales s’incarnant dans un mode de vie culturel, « l’Europe des valeurs » risque de produire une « substantialisation rampante » du « nous » européen, et d’entériner « la prédominance d’une culture majoritaire qui abuse d’un pouvoir de définition historiquement acquis pour définir à elle seule, selon ses propres critères, ce qui doit être considéré comme la culture politique obligatoire de la société pluraliste ».

    Soumis aux attentes de reproduction d’une identité aux frontières « éthiques », le projet européen est, en fin de compte, dévié de sa trajectoire, en ce qui concerne aussi bien l’inclusion des « autres » que la possibilité d’un « nous » qui puisse s’unir « dans la diversité ».

    https://laviedesidees.fr/L-Europe-et-la-fabrique-de-l-etranger
    #identité #altérité #intégration_éthique #intégration_politique #religion #islam

    • Politique de l’exclusion

      Notion aussi usitée que contestée, souvent réduite à sa dimension socio-économique, l’exclusion occupe pourtant une place centrale dans l’histoire de la politique moderne. Les universitaires réunis autour de cette question abordent la dimension constituante de l’exclusion en faisant dialoguer leurs disciplines (droit, histoire, science politique, sociologie). Remontant à la naissance de la citoyenneté moderne, leurs analyses retracent l’invention de l’espace civique, avec ses frontières, ses marges et ses zones d’exclusion, jusqu’à l’élaboration actuelle d’un corpus de valeurs européennes, et l’émergence de nouvelles mobilisations contre les injustices redessinant les frontières du politique.

      Tout en discutant des usages du concept d’exclusion en tenant compte des apports critiques, ce livre explore la manière dont la notion éclaire les dilemmes et les complexités contemporaines du rapport à l’autre. Il entend ainsi dévoiler l’envers de l’ordre civique, en révélant la permanence d’une gouvernementalité par l’exclusion.

      https://www.puf.com/politique-de-lexclusion

      #livre

  • Avec ça, je mourrai moins bête mais bon ...

    Soucoupe volante et faux bébé cloné : comment l’Auvergnat Raël est devenu le gourou d’une secte mondiale - Clermont-Ferrand (63000)
    https://www.lamontagne.fr/clermont-ferrand-63000/actualites/des-extraterrestres-en-auvergne-au-bebe-clone-comment-le-gourou-rael-a-mi

    Il se rêvait Jacques Brel, il est devenu Raël. Le refrain de Claude Vorilhon, sur sa rencontre avec les extraterrestres au sommet d’un volcan d’Auvergne en décembre 1973, a séduit des milliers de personnes dans le monde.

    #nous_sachions

  • ATTAQUES CONTRE LE MOUVEMENT FÉMINISTE ET #METOO : UN PROCÈS INTOLÉRABLE ET INJUSTE
    Communiqué LDH

    A la veille des manifestations contre les violences faites aux femmes, une campagne de dénigrement des organisations féministes a été engagée avec des affiches sur lesquelles on lisait trois slogans : “#Metoo, unless you’re a jew ?” (#Metto, sauf si tu es juive ?), “Féminisme, interdit aux juives ?”, “#Noustoutes sauf les juives ?”. Ces slogans ont été ensuite portés sur le lieu de rassemblement de la manifestation parisienne du 25 novembre.

    Suite à l’exfiltration par la police de ce groupe de manifestants et manifestantes, cette campagne critiquant les organisations féministes à l’initiative des manifestations du 25 novembre contre les violences sexistes et sexuelles a été reprise à une tout autre échelle par l’extrême droite, trouvant écho jusque dans le Parlement.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/11/13/25-novembre-manifestons-contre-toutes-les-violences-sexistes-et-sexuelles/#

    #féminisme

  • Immigration : une autre voie est possible, nécessaire, urgente

    « Ne pas accueillir », et « empêcher les gens d’arriver » : à l’heure où, par la voix de #Gérald_Darmanin, la France s’illustre encore dans le #repli, le #rejet et le manquement à ses obligations éthiques et légales les plus élémentaire, il apparait urgent de déverrouiller un débat trop longtemps confisqué. Quelques réflexions alternatives sur la « #misère_du_monde » et son « #accueil », parce qu’on ne peut plus se rendre complice de cinq mille morts chaque année.

    « Ne pas accueillir », et « empêcher les gens d’arriver » : à l’heure où, par la voix de Gérald Darmanin, la France s’illustre encore dans le repli, le rejet et le manquement à ses obligations éthiques et légales les plus élémentaires, et alors que s’annonce l’examen parlementaire d’un projet de loi plus brutal et liberticide que jamais, signé par le même Darmanin, il apparait urgent de déverrouiller un débat trop longtemps confisqué. C’est ce à quoi s’efforce Pierre Tevanian dans le texte qui suit. Dans la foulée de son livre « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». En finir avec une sentence de mort->, co-signé l’an passé avec Jean-Charles Stevens, et à l’invitation de la revue Respect, qui publie le 21 septembre 2023 un numéro intitulé « Bienvenue » et intégralement consacré à l’accueil des migrants, Pierre Tevanian a répondu à la question suivante : de quelle politique alternative avons-nous besoin ? De son article intitulé « Repenser l’accueil, oser l’égalité », le texte qui suit reprend les grandes lignes, en les développant et en les prolongeant.

    *

    Lorsqu’en juillet 2022 nous mettions sous presse notre ouvrage, « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». En finir avec une sentence de mort, l’association Missing Migrants recensait 23801 morts en méditerranée pour la décennie passée, ainsi que 797 morts aux frontières Nord et Est de la « forteresse Europe ». Un an plus tard, l’hécatombe s’élève à 20 089 morts en méditerranée et 1052 au Nord et à l’Est [Chiffres produits le 20 septembre 2023]. Soit 5340 vies de plus en un an, fauchées par une politique concertée qui, adossée à ce simple dicton sur la « misère du monde », s’arroge insolemment le monopole de la « raison » et de la « responsabilité ».

    C’est de là qu’il faut partir, et là qu’il faut toujours revenir, lorsqu’on parle d’ « immigration » et de « politique d’immigration ». C’est à ce « reste » consenti de la « gestion » technocratique des « flux migratoires » que nous revenons constamment, opiniâtrement, dans notre livre, afin de ré-humaniser un débat public que cinq décennies de démagogie extrémiste – mais aussi de démagogie gouvernante – ont tragiquement déshumanisé.

    L’urgence est là, si l’on se demande quelle politique alternative doit être inventée, et tout le reste en découle. Il s’agit de libérer notre capacité de penser, mais aussi celle de sentir, de ressentir, d’être affectés, si longtemps verrouillées, intimidées, médusées par le matraquage de ce dicton et de son semblant d’évidence. Ici comme en d’autres domaines (les choix économiques néolibéraux, le démantèlement des services publics et des droits sociaux), le premier geste salutaire, celui qui détermine tous les autres mais nécessite sans doute le principal effort, est un geste d’émancipation, d’empowerment citoyen, de sortie du mortifère « TINA » : « There Is No Alternative ».

    Le reste suivra. L’intelligence collective relèvera les défis, une fois libérée par ce préalable nécessaire que l’on nomme le courage politique. La question fatidique, ultime, « assassine » ou se voulant telle : « Mais que proposez-vous ? », trouvera alors mille réponses, infiniment plus « réalistes » et « rationnelles » que l’actuel « pantomime » de raison et de réalisme auquel se livrent nos gouvernants. Si on lit attentivement notre livre, chaque étape de notre propos critique contient en germe, ou « en négatif », des éléments « propositionnels », des pistes, voire un « programme » alternatif tout à fait réalisable. On se contentera ici d’en signaler quelques-uns – en suivant l’ordre de notre critique, mot à mot, du sinistre dicton : « nous » - « ne pouvons pas » - « accueillir » - « toute » - « la misère du monde ».

    Déconstruire le « nous », oser le « je ».

    Tout commence par là. Se re-subjectiver, diraient les philosophes, c’est-à-dire, concrètement : renouer avec sa capacité à penser et agir, et pour cela s’extraire de ce « on » tellement commode pour s’éviter de penser (« on sait bien que ») mais aussi s’éviter de répondre de ses choix (en diluant sa responsabilité dans un « nous » national). Assumer le « je », c’est accepter de partir de cette émotion face à ces milliers de vies fauchées, qui ne peut pas ne pas nous étreindre et nous hanter, si du moins nous arrêtons de l’étouffer à coup de petites phrases.

    C’est aussi se ressouvenir et se ré-emparer de notre capacité de penser, au sens fort : prendre le temps de l’information, de la lecture, de la discussion, de la rencontre aussi avec les concernés – cette « immigration » qui se compose de personnes humaines. C’est enfin, bien entendu, nourrir la réflexion, l’éclairer en partant du réel plutôt que des fantasmes et phobies d’invasion, et pour cela valoriser (médiatiquement, politiquement, culturellement) la somme considérable de travaux scientifiques (historiques, sociologiques, démographiques, économiques, géographiques [Lire l’Atlas des migrations édité en 2023 par Migreurop.]) qui tous, depuis des décennies, démentent formellement ces fantasmagories.

    Inventer un autre « nous », c’est abandonner ce « nous national » que critique notre livre, ce « nous » qui solidarise artificiellement exploiteurs et exploités, racistes et antiracistes, tout en excluant d’office une autre partie de la population : les résidents étrangers. Et lui substituer un « nous citoyen » beaucoup plus inclusif – inclusif notamment, pour commencer, lorsqu’il s’agit de débattre publiquement, et de « composer des panels » de participants au débat : la dispute sur l’immigration ne peut se faire sans les immigré·e·s, comme celle sur la condition féminine ne peut se faire sans les femmes.

    Ce nouveau « nous » devra toutefois être exclusif lui aussi, excluant et intolérant à sa manière – simplement pas avec les mêmes. Car rien de solidement et durablement positif et inclusif ne pourra se construire sans un moment « négatif » assumé de rejet d’une certaine composante de la « nation française », pour le moment « entendue », « comprise », excusée et cajolée au-delà de toute décence : celle qui exprime de plus en plus ouvertement et violemment son racisme, en agressant des migrant·e·s, en menaçant des élu·e·s, en incendiant leurs domiciles. Si déjà l’autorité de l’État se manifestait davantage pour soutenir les forces politiques, les collectifs citoyens, les élus locaux qui « accueillent », et réprimer celles qui les en empêchent en semant une véritable terreur, un grand pas serait fait.

    Reconsidérer notre « impuissance »… et notre puissance.

    Nous ne « pouvons » pas accueillir, nous dit-on, ou nous ne le pouvons plus. L’alternative, ici encore, consisterait à revenir au réel, et à l’assumer publiquement – et en premier lieu médiatiquement. La France est la seconde puissance économique européenne, la sixième puissance économique du monde, et l’un des pays au monde – et même en Europe – qui « accueille », en proportion de sa population totale, le moins de réfugié·e·s ou d’étranger·e·s. Parmi des dizaines de chiffres que nous citons, celui-ci est éloquent : 86% des émigrant·e·s de la planète trouvent refuge dans un pays « en développement ». Ou celui-ci : seuls 6,3% des personnes déplacées trouvent refuge dans un pays de l’Union européenne [Ces chiffres, comme les suivants, sont cités et référencés dans notre livre, « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». En finir avec une sentence de mort, op. cit.].

    Reconsidérer notre puissance, c’est aussi, on l’a vu, se rendre attentif au potentiel déjà existant : publiciser les initiatives locales de centres d’accueil ou de solidarités plus informelles, dont il est remarquable qu’elles sont rarement le fait de personnes particulièrement riches. C’est aussi défendre cette « puissance d’accueil » quand elle est menacée par des campagnes d’extrême droite, la valoriser au lieu de la réprimer. C’est donc aussi, très concrètement, abroger l’infâme « délit de solidarité » au nom duquel on a persécuté Cédric Herrou et tant d’autres. Aucun prétexte ne tient pour maintenir ce dispositif « performatif » (qui « déclare » l’accueil impossible, par l’interdit, afin de le rendre impossible, dans les faits). « Filières mafieuses », sur-exploitation des travailleurs sans-papiers, « marchands de sommeil » : tous ces fléaux sociaux pourraient parfaitement être combattus avec un arsenal légal délesté de ce sinistre « délit de solidarité » : le Droit du travail, le Droit du logement, et plus largement tout l’appareil pénal qui réprime déjà toute forme de violence, d’extorsion et d’abus de faiblesse.

    Repenser l’accueil, oser l’égalité.

    Si notre livre combat le rejet et valorise la solidarité, il critique pourtant la notion d’accueil ou celle d’hospitalité, telle qu’elle est mobilisée dans notre débat public. Pour une raison principalement : en entretenant la confusion entre le territoire national et la sphère domestique, le paradigme de l’hospitalité encourage les paniques sociales les plus irrationnelles (à commencer par le sentiment d’ « invasion »), mais aussi les régressions autoritaires les plus nocives (ce fameux « On est chez nous ! », qui assimile les étranger·e·s, fussent-ils ou elles titulaires d’un logement qui leur est propre, d’un bail ou d’un titre de propriété, à des intrus qui nous placent en situation de « légitime défense »). Ce qui est ainsi évacué du débat, c’est ni plus ni moins qu’un principe constitutionnel : le principe d’égalité de traitement de toutes et tous sur le territoire d’une république démocratique. Plusieurs dispositifs légaux, ici encore, seraient à abroger, parce qu’ils dérogent à ce principe d’égalité : la « double peine » , les « emplois réservés » – sans parler de la citoyenneté elle-même, qui gagnerait à être, comme dans la majorité des pays européens, ouvertes au moins partiellement aux résident·e·s étranger·e·s.

    Enfin, bien en deçà de ces mesures tout à fait réalisables, une urgence s’impose : avant de se demander si l’on va « accueillir », on pourrait commencer par laisser tranquilles les nouveaux arrivants. À défaut de les « loger chez soi », arrêter au moins de les déloger, partout où, avec leurs propres forces, à la sueur de leur front, ils ou elles élisent domicile – y compris quand il s’agit de simples tentes, cabanons et autres campements de fortune.

    Repenser le « tout », assumer les droits indivisibles

    Là encore la première des priorités, celle qui rend possible la suite, serait une pédagogie politique, et avant cela l’arrêt de la démagogie. Car là encore tout est connu, établi et documenté par des décennies de travaux, enquêtes, rapports, publiés par des laboratoires de recherche, des institutions internationales – et même des parlementaires de droite [Nous citons dans notre ouvrage ces différents rapports.].

    Il suffirait donc que ce savoir soit publicisé et utilisé pour éclairer le débat, en lieu et place de l’obscurantisme d’État qui fait qu’actuellement, des ministres continuent de mobiliser des fictions (le risque d’invasion et de submersion, le « coût de l’immigration », mais aussi ses effets « criminogènes ») que même les élus de leurs propres majorités démentent lorsqu’ils s’attèlent à un rapport parlementaire sur l’état des connaissances en la matière. Nous l’avons déjà dit : à l’échelle de la planète, seules 6,3% des personnes déplacées parviennent aux « portes de l’Europe » – et encore ce calcul n’inclut-il pas la plus radicale des « misères du monde », celle qui tue ou cloue sur place des populations, sans possibilité aucune de se déplacer. Cette vérité devrait suffire, si l’on osait la dire, pour congédier toutes les psychoses sur une supposée « totalité » miséreuse qui déferlerait « chez nous ».

    À l’opposé de cette « totalité » factice, prétendument « à nous portes », il y a lieu de repenser, assumer et revendiquer, sur un autre mode, et là encore à rebours de ce qui se pratique actuellement, une forme de « totalité » : celle qui sous-tend l’universalité et l’indivisibilité des droits humains, et du principe d’égalité de traitement : « tout » arrivant, on doit le reconnaître, a droit de bénéficier des mêmes protections, qu’il soit chrétien, juif ou musulman, que sa peau soit claire ou foncée, qu’il vienne d’Ukraine ou d’Afghanistan. Le droit d’asile, les dispositifs d’accueil d’urgence, les droits des femmes, les droits de l’enfant, le droit de vivre en famille, les droits sociaux, et au-delà l’ensemble du Droit déjà existant (rappelons-le !), ne doit plus souffrir une application à géométries variables.

    Il s’agit en l’occurrence de rompre, au-delà des quatre décennies de « lepénisation » qui ont infesté notre débat public, avec une tradition centenaire de discrimination institutionnelle : cette « pensée d’État » qui a toujours classé, hiérarchisé et « favorisé » certaines « populations » au détriment d’autres, toujours suivant les deux mêmes critères : le profit économique (ou plus précisément le marché de l’emploi et les besoins changeants du patronat) et la phobie raciste (certaines « cultures » étant déclarées moins « proches » et « assimilables » que d’autres, voire franchement « menaçantes »).

    Respecter la « misère du monde », reconnaître sa richesse.

    Il n’est pas question, bien sûr, de nier la situation de malheur, parfois extrême, qui est à l’origine d’une partie importante des migrations internationales, en particulier quand on fuit les persécutions, les guerres, les guerres civiles ou les catastrophes écologiques. Le problème réside dans le fait de réduire des personnes à cette appellation abstraite déshumanisante, essentialisante et réifiante : « misère du monde », en niant le fait que les migrant·e·s, y compris les plus « misérables », arrivent avec leurs carences sans doute, leurs traumas, leurs cicatrices, mais aussi avec leur rage de vivre, leur créativité, leur force de travail, bref : leur puissance. Loin de se réduire à une situation vécue, dont précisément ils et elles cherchent à s’arracher, ce sont de potentiels producteurs de richesses, en tant que travailleurs et travailleuses, cotisant·e·s et consommateurs·trices. Loin d’être seulement des corps souffrants à prendre en charge, ils et elles sont aussi, par exemple, des médecins et des aides-soignant·es, des auxiliaires de vie, des assistantes maternelles, et plus largement des travailleurs et des travailleuses du care – qui viennent donc, eux-mêmes et elles-mêmes, pour de vrai, accueillir et prendre en charge « notre misère ». Et cela d’une manière tout à fait avantageuse pour « nous », puisqu’ils et elles arrivent jeunes, en âge de travailler, déjà formé·es, et se retrouvent le plus souvent sous-payé·es par rapport aux standards nationaux.

    Là encore, la solution se manifeste d’elle-même dès lors que le problème est bien posé : il y a dans ladite « misère du monde » une richesse humaine, économique notamment mais pas seulement, qu’il serait intéressant de cultiver et associer au lieu de la saboter ou l’épuiser par le harcèlement policier, les dédales administratifs et la surexploitation. L’une des mises en pratique concrète de ce virage politique serait bien sûr une opération de régularisation massive des sans-papiers, permettant (nous sommes là encore en terrain connu, éprouvé et documenté) de soustraire les concerné·e·s des « sous-sols » de l’emploi « pour sans-papiers », véritable « délocalisation sur place », et de leur donner accès aux étages officiels de la vie économique, ainsi qu’au Droit du travail qui le régit.

    Il y a enfin, encore et toujours, ce travail de pédagogie à accomplir, qui nécessite simplement du courage politique : populariser le consensus scientifique existant depuis des décennies, quelles que soit les périodes ou les espaces (états-unien, européen, français, régional), concernant l’impact de l’immigration sur l’activité et la croissance économique, l’emploi et les salaires des autochtones, l’équilibre des finances publiques, bref : la vie économique au sens large. Que ces études soient l’oeuvre d’institutions internationales ou de laboratoires de recherche, elles n’ont cessé de démontrer que « le coût de l’immigration » est tout sauf avéré, que les nouveaux arrivant·e·s constituent davantage une aubaine qu’une charge, et qu’on pourrait donc aussi bien parler de « la jeunesse du monde » ou de « la puissance du monde » que de sa « misère ».

    Redevenir moraux, enfin.

    Le mot a mauvaise presse, où que l’on se trouve sur l’échiquier politique, et l’on devrait s’en étonner. On devrait même s’en inquiéter, surtout lorsque, comme dans ce « débat sur l’immigration », il est question, ni plus ni moins que de vies et de morts. Les ricanements et les postures viriles devraient s’incliner – ou nous devrions les forcer à s’incliner – devant la prise en considération de l’autre, qui constitue ce que l’on nomme la morale, l’éthique ou tout simplement notre humanité. Car s’il est à l’évidence louable de refuser de « faire la morale » à des adultes consentants sur des questions d’identité sexuelle ou de sexualité qui n’engagent qu’elles ou eux, sans nuire à autrui, il n’en va pas de même lorsque c’est la vie des autres qui est en jeu. Bref : l’interdit de plus en plus impérieux qui prévaut dans nos débats sur l’immigration, celui de « ne pas culpabiliser » l’électeur lepéniste, ne saurait être l’impératif catégorique ultime d’une démocratie saine.

    Pour le dire autrement, au-delà de la « misère » que les migrant·e·s cherchent à fuir, et de la « puissance » qu’ils ou elles injectent dans la vie économique, lesdit·es migrant·e·s sont une infinité d’autres choses : des sujets sociaux à part entière, doté·e·s d’une culture au sens le plus large du terme, et d’une personnalité, d’une créativité, irréductible à toute appellation expéditive et englobante (aussi bien « misère » que « richesse », aussi bien « charge » que « ressource »). Et s’il n’est pas inutile de rappeler tout le potentiel économique, toute l’énergie et « l’agentivité » de ces arrivant·e·s, afin de congédier les fictions anxiogènes sur « l’invasion » ou « le coût de l’immigration », il importe aussi et surtout de dénoncer l’égoïsme sordide de tous les questionnements focalisés sur les coûts et les avantages – et d’assumer plutôt un questionnement éthique. Car une société ne se fonde pas seulement sur des intérêts à défendre, mais aussi sur des principes à honorer – et il en va de même de toute subjectivité individuelle.

    Le réalisme dont se réclament volontiers nos gouvernants exige en somme que l’on prenne en compte aussi cette réalité-là : nous ne vivons pas seulement de pain, d’eau et de profit matériel, mais aussi de valeurs que nous sommes fiers d’incarner et qui nous permettent de nous regarder dans une glace. Personne ne peut ignorer durablement ces exigences morales sans finir par le payer, sous une forme ou une autre, par une inexpugnable honte. Et s’il est précisément honteux, inacceptable aux yeux de tous, de refuser des soins aux enfants, aux vieillards, aux malades ou aux handicapé·e·s en invoquant leur manque de « productivité » et de « rentabilité », il devrait être tout aussi inacceptable de le faire lorsque lesdit·es enfants, vieillards, malades ou handicapé·e·s viennent d’ailleurs – sauf à sombrer dans la plus simple, brutale et abjecte inhumanité.

    https://blogs.mediapart.fr/pierre-tevanian/blog/220923/immigration-une-autre-voie-est-possible-necessaire-urgente

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    • « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde » : la vraie histoire de la citation de #Michel_Rocard reprise par #Macron

      Le président de la République a cité, dimanche 24 septembre, la célèbre phrase de Rocard. L’occasion de revenir sur une déclaration à laquelle on a souvent fait dire ce qu’elle ne disait pas.

      C’est à la fois une des phrases les plus célèbres du débat politique français, mais aussi l’une des plus méconnues. Justifiant la politique de fermeté vis-à-vis des migrants arrivés à Lampedusa, Emmanuel Macron a déclaré hier : « On a un modèle social généreux, et on ne peut pas accueillir toute la misère du monde. »

      https://twitter.com/TF1Info/status/1706009131448983961

      La citation est un emprunt à la déclaration de Michel Rocard. La droite aime à citer cette phrase, ce qui est une manière de justifier une politique de fermeté en matière d’immigration en citant un homme de gauche. Tandis que la gauche a souvent tendance à ajouter que le Premier ministre de François Mitterrand avait ajouté un volet d’humanité en rappelant que la France devait aussi « prendre sa part » (ou « s’y efforcer »), et donc que sa formule, loin d’être un appel à la fermeture des frontières, était en réalité un appel à l’accueil.

      En réalité, comme Libération l’avait expliqué en détail il y a quelques années, les choses sont moins simples. Contrairement à ce que la gauche aime dire, cette déclaration de Michel Rocard n’était, initialement, pas vraiment humaniste, et était invoquée par le responsable socialiste pour justifier la politique draconienne vis-à-vis de l’immigration du gouvernement d’alors.

      On retrouve la trame de cette formule dans un discours prononcé le 6 juin 1989 à l’Assemblée nationale (page 1 797 du document) : « Il y a, en effet, dans le monde trop de drames, de pauvreté, de famine pour que l’Europe et la France puissent accueillir tous ceux que la misère pousse vers elles », déclare ce jour-là Michel Rocard, avant d’ajouter qu’il faut « résister à cette poussée constante ». Il n’est nullement question alors d’un quelconque devoir de prendre part à cet afflux.

      A l’époque, le climat est tendu sur la question de l’immigration. L’exclusion d’un collège de Creil de trois élèves musulmanes ayant refusé d’ôter leur foulard a provoqué, en octobre 1989, un vif débat national. En décembre, le FN écrase la législative partielle de Dreux. Les discours sur l’immigration se durcissent. Celui du PS n’échappe pas à la règle, d’autant que la gauche se voit reprocher d’être revenue sur les lois Pasqua. François Mitterrand déclare dans une interview à Europe 1 et Antenne 2, le 10 décembre 1989, que le « seuil de tolérance » des Français à l’égard des étrangers « a été atteint dans les années 70 ». Se met en place le discours qui va être celui du PS pendant quelques années. D’un côté, une volonté affichée de promouvoir l’intégration des immigrés réguliers en place (c’est en décembre 1989 qu’est institué le Haut Conseil à l’intégration). De l’autre côté, un objectif affirmé de verrouiller les flux migratoires, avec un accent mis sur la lutte contre l’immigration clandestine, mais pas seulement. Dans la même interview à France 2 et Europe 1, Mitterrand explique ainsi que le chiffre de « 4 100 000 à 4 200 000 cartes de séjour » atteint selon lui en 1982 ne doit, « autant que possible, pas être dépassé ».

      C’est dans ce contexte, le 3 décembre 1989, que Michel Rocard prononce la formule qui restera dans les mémoires. Michel Rocard est l’invité d’Anne Sinclair dans l’émission Sept sur sept sur TF1. Il précise la nouvelle position de la France en matière d’immigration et le moins qu’on puisse dire c’est que ses propos sont musclés. La France se limitera au respect des conventions de Genève, point final, explique-t-il : « Nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde. La France doit rester ce qu’elle est, une terre d’asile politique […] mais pas plus. […] Il faut savoir qu’en 1988 nous avons refoulé à nos frontières 66 000 personnes. 66 000 personnes refoulées aux frontières ! A quoi s’ajoutent une dizaine de milliers d’expulsions du territoire national. Et je m’attends à ce que pour l’année 1989 les chiffres soient un peu plus forts. »

      Après l’émission, Michel Rocard décline la formule à l’envi lors de ses discours les mois suivants, pour justifier de sa politique d’immigration. Le 13 décembre 1989, il déclare ainsi à l’Assemblée nationale : « Puisque, comme je l’ai dit, comme je le répète, même si comme vous je le regrette, notre pays ne peut accueillir et soulager toute la misère du monde, il nous faut prendre les moyens que cela implique. » Et précise les moyens en question : « Renforcement nécessaire des contrôles aux frontières », et « mobilisation de moyens sans précédent pour lutter contre une utilisation abusive de la procédure de demande d’asile politique ».

      Il la répète quelques jours plus tard, le 7 janvier 1990, devant des socialistes d’origine maghrébine réunis à l’occasion d’un colloque sur l’immigration. « J’ai beaucoup réfléchi avant d’assumer cette formule. Il m’a semblé que mon devoir était de l’assumer complètement. Aujourd’hui je le dis clairement. La France n’est plus, ne peut plus être, une terre d’immigration nouvelle. Je l’ai déjà dit et je le réaffirme, quelque généreux qu’on soit, nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde », martèle-t-il devant un parterre d’élus pas très convaincus. Avant de conclure : « Le temps de l’accueil de main-d’œuvre étrangère relevant de solutions plus ou moins temporaires est donc désormais révolu. » Le reportage de France 2 consacré au colloque insiste sur le silence qui s’installe alors dans l’auditoire, avec un gros plan sur le visage dubitatif de Georges Morin, en charge du Maghreb pour le PS et animateur des débats.

      Le Premier ministre recycle son élément de langage dans un discours sur la politique d’immigration et d’intégration prononcé dans l’hémicycle le 22 mai 1990 : « Nous ne pouvons pas – hélas – soulager toutes les misères de la planète. » Le gouvernement reprendra aussi à son compte la petite phrase rocardienne, à l’image de Lionel Stoléru, secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre chargé du Plan, qui, face à Jean-Marie Le Pen sur la Cinq le 5 décembre 1989, déclare : « Le Premier ministre a dit une phrase simple, qui est qu’on ne peut pas héberger toute la misère du monde, ce qui veut dire que les frontières de la France ne sont pas une passoire et que quel que soit notre désir et le désir de beaucoup d’êtres humains de venir nous ne pouvons pas les accueillir tous. Le problème de l’immigration, c’est essentiellement ceux qui sont déjà là… » On retrouve le double axe de la politique que revendique le gouvernement : effort pour intégrer les immigrés qui sont présents et limitation au maximum de toute nouvelle immigration.

      Il faudra attendre le 4 juillet 1993 pour une rectification tardive de Michel Rocard, en réaction à la politique anti-immigration de Charles Pasqua, raconte Thomas Deltombe, auteur d’un essai sur l’islamophobie dans les médias, dans un article du Monde diplomatique : « Laissez-moi lui ajouter son complément, à cette phrase », déclare alors Rocard dans Sept sur sept. « Je maintiens que la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde. La part qu’elle en a, elle prend la responsabilité de la traiter le mieux possible. »

      Trois ans plus tard, dans une tribune publiée dans le Monde du 24 août 1996 sous le titre « La part de la France », l’ex-Premier ministre assure que sa formule a été amputée et qu’elle s’accompagnait à l’époque d’un « [la France] doit en prendre fidèlement sa part ». Ce qu’il répète dans les pages de Libé en 2009, affirmant ainsi que sa pensée avait été « séparée de son contexte, tronquée, mutilée » et mise au service d’une idéologie « xénophobe ». Pourtant, cette seconde partie — censée contrebalancer la fermeté de la première — reste introuvable dans les archives, comme le pointait Rue89 en 2009. Une collaboratrice de Michel Rocard avait alors déclaré à la journaliste : « On ne saura jamais ce qu’il a vraiment dit. Lui se souvient l’avoir dit. En tout cas, dans son esprit, c’est ce qu’il voulait dire. Mais il n’y a plus de trace. On a cherché aussi, beaucoup de gens ont cherché mais on n’a rien. »

      Quelques années plus tard, en 2013, le chroniqueur de France Inter Thomas Legrand (désormais à Libération) a reposé la question à Michel Rocard, qui a alors assuré avoir retrouvé le texte d’un discours prononcé en novembre 1989 lors du cinquantenaire de la Cimade (Comité inter-mouvement auprès des évacués) . C’est là, affirme le Premier ministre, que la phrase aurait été prononcée. Voici ce que Rocard dit avoir déclaré : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, raison de plus pour qu’elle traite décemment la part qu’elle ne peut pas ne pas prendre. » Sauf que le verbatim de son discours n’a jamais été publié. Le site Vie publique ne donne qu’un résumé très sommaire de son intervention (« mise en cause du détournement du droit d’asile et importance de la rigueur dans l’admission des réfugiés »).

      Mais que ces mots aient été, ou pas, prononcés, devant la Cimade, ne change rien au fait qu’entre 1989 et 1990, la phrase a bien été assénée par Michel Rocard sans cette seconde partie, comme une justification de sa fermeté vis-à-vis de l’immigration. Et non comme un encouragement à l’accueil des immigrés.

      https://www.liberation.fr/checknews/on-ne-peut-pas-accueillir-toute-la-misere-du-monde-la-vraie-histoire-de-l
      #Emmanuel_Macron

  • « Les cours criminelles départementales contribuent à perpétuer l’invisibilisation des crimes de viol »

    Avec la généralisation des cours criminelles départementales, le viol n’est plus jugé par une cour d’assises. Dans une tribune au « Monde », une centaine de responsables associatifs ou membres des professions du droit et du monde judiciaire, réunis par le collectif #NousToutes, dénoncent ce recul des droits des femmes et appellent les députés à supprimer ces nouvelles juridictions.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/07/08/les-cours-criminelles-departementales-contribu

    #féminisme #viol #droit