Réflexions intéressantes, ça c’est sûr
D’autres explications que la science expliquent-elles la norme de l’exclusivité sexuelle ?
Oui, la culture : le romantisme a contribué à magnifier cette exclusivité, cette appartenance à l’autre, en en faisant quelque chose d’extrêmement beau. Tellement beau que tout le monde s’est mis à le rechercher. Il y a aussi la fameuse culture du conte de fée. « Et ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. » Tout le cheminement de ma pièce consiste à changer ces références culturelles et à faire quelque chose d’esthétique, pour mon montrer qu’on peut faire parler de sexualité, sans que ce soit moche. Aujourd’hui, l’image de la sexualité, ce n’est quand même pas glorieux. Elle a mauvaise presse.
La norme de l’exclusivité sexuelle reste en place pour d’autres raisons il me semble, car elle convient à divers courants de pensées :
– la pensée religieuse, prônant la loi naturelle du couple reproducteur, le don de soi et l’abnégation à vie pour un ordre divin
– la pensée égalitariste, qui du coup exclue toute forme de polygamie, source d’asymétries donc d’inégalités (et bien entendu de domination)
– la pensée « patrimoniale », matérialiste-consumériste, le « lopin de terre » auquel a droit tout individu pour sa propre sécurité, sa propre consommation, sa propre jouissance, quitte à accepter en échange d’être lui aussi la propriété réciproque de son partenaire. Je te tiens, tu me tiens, par la barbichette, jusqu’à ce que la mort nous sépare, mais au moins j’ai une possession garantie, un contrat à durée indéterminée. L’exclusivité, c’est une garantie, au prix du renoncement à sa propre liberté.
Ce qui a détruit le théorie des années 68, c’est davantage la drogue que le sexe. Et cette consommation effrénée de sexe a été faite sans aucune culture du désir, sans aucun érotisme. Moi, je veux juste enlever des barrières sociales qui existent. Je ne suis pas dans la recherche de la consommation de la sexualité, mais dans celle de vivre ses désirs à son rythme. Il y a eu un sondage récemment : 75 % des Français se déclarent insatisfaits de leur vie sexuelle. Et aujourd’hui, avec la règle qu’on a, c’est normal.
Drogue, donc consumérisme, prédation, et ça me fait penser à la question de la pornographie, entre libération sexuelle et prostitution
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D’ailleurs en parlant de consumérisme, qu’est-ce que l’échangisme tel qu’il se banalise via le web en particulier, si ce n’est une sexualité quasi-prostitutive basée sur le troc de proximité, façon « le bon coin », on s’échange pour consommer du plaisir sexuel ? Une évolution de « bon sens » pour échapper au système marchand, mais où le sexe est entièrement désacralisé, désérotisé, comme n’importe quelle autre activité restant tout à fait compatible avec le schéma du couple monogame exclusif ?