person:gustave lefrançais

  • La République est une idole, par Émile Carme
    Revue Ballast : http://www.revue-ballast.fr/la-republique

    Leur République pose, joli paravent, et se pavane pour tenter de dissimuler ce qu’elle fut presque toujours : un régime oligarchique, un pouvoir de privilégiés. Leur République, abritée derrière un triptyque en fronton de mairies, se rit des moins que rien et se plaît à coucher dans le lit des importants. L’enseignant socialiste libertaire Gustave Lefrançais, exilé au lendemain de la Commune, acheva ainsi ses Souvenirs d’un révolutionnaire : « Entre républicains et monarchistes il n’existe de sérieuse dissidence que sur les moyens de tondre le troupeau... ce dernier n’étant jamais bon qu’à être tondu. [...] Le grand honneur de la Commune de Paris de 1871, c’est de l’avoir compris. C’est aussi pour cela que, malgré les griefs que les travailleurs peuvent relever contre elle, elle marquera dans l’histoire — véritable révolution populaire — le point de départ de la rupture définitive entre le prolétariat et ses exploiteurs monarchistes absolus ou constitutionnels, républicains plus ou moins radicaux ou même intransigeants. Et, que les prolétaires ne l’oublient pas, ces derniers ne sont pas les moins dangereux parmi leurs implacables ennemis3. » Fort peu soucieux du grand nombre, celui qui trime, peine et fait tourner le pays, nos républicains n’ont plus que des « principes » et des « valeurs » à la bouche : voyons plutôt le fond de leurs dents.

    (...)

    2005 : le « non » l’emporte à 54,68 % ; le peuple français n’entend pas ratifier le traité constitutionnel européen. Le gouvernement piétine l’avis et la souveraineté de ses sujets et signera, sans consultation citoyenne, le traité de Lisbonne – Valéry Giscard d’Estaing confiera : « Les outils sont exactement les mêmes. Seul l’ordre a été changé dans la boîte à outils. » Mais, oui, « les principes de la République ».

    #République #Revue_Ballast #chronologie

    • L’économiste Frédéric Lordon s’est récemment saisi du flambeau dans les colonnes du Monde diplomatique. « La #république bourgeoise n’épuise pas la République. Car si l’histoire a amplement montré ce dont la première était capable, elle a aussi laissé entrevoir une autre forme possible pour la seconde : la république sociale, la vraie promesse de la république générale. […] La république sociale, c’est la #démocratie totale. » Un appel comme un défi. Ne boudons pas l’initiative, en cette époque sordide où les défaites empiètent aisément sur les espoirs, mais admettons les doutes qui nous saisissent. La République a trop longtemps dormi, affalée sur ses trop rares lauriers, pantouflarde, un pied à droite et l’autre à gauche, étalant son prestige pour mieux masquer ses méfaits sur son sol et ceux qu’elle a cru siens. Un astre à l’article de la mort. Une vieille étoile qui, sait-on, brilla un jour mais dont l’éclat n’est plus qu’affaire de mémoire et de mélancolie. Il est d’anciens volcans qui se réveillent, promet la chanson... Nous ne fermons pas la porte. Nous tendons l’oreille et le futur dira ce qu’il en est de la main – Marx aimait la République à condition qu’elle n’impliquât pas seulement l’abolition de la monarchie mais celle « de la domination de classe elle-même ». Nous ne négocierons qu’à cette seule condition. Et il faudra plus que des mots pour redonner à la République le rouge qui cruellement manque à ses joues – un miracle ? Préférons une révolte.

      Pour la république sociale
      http://www.monde-diplomatique.fr/2016/03/LORDON/54925

      Cependant, on ne se rassemble pas par décret. La chose se fait ou elle ne se fait pas. On sait toutefois qu’un mouvement de transformation n’admet la colère que comme comburant : le vrai carburant, c’est l’espoir. Mais précisément, ne nous trouvons-nous pas dans une situation chimiquement favorable, où nous avons les deux produits sous la main ? On conviendra que ce ne sont pas les barils de colère qui manquent. Il suffirait d’ailleurs de les mettre ensemble pour que leur potentiel détonant devienne aussitôt manifeste. C’est que l’injustice est partout : Goodyear, Conti, Air France, donc, mais aussi « faucheurs de chaises », lanceurs d’alerte LuxLeaks, professeur d’université coupable d’avoir rappelé (parodiquement) de quelle manière l’actuel premier ministre parle (sérieusement) des « white » et des « blancos » : tous traînés devant la « justice républicaine ».

      L’indignation, le comburant. Le carburant, l’espoir. L’espoir commence quand on sait ce qu’on veut. Mais ce que nous voulons, nous le savons confusément depuis longtemps en fait. Nous en avions simplement égaré l’idée claire, et jusqu’au mot, alors qu’ils étaient là, dans les plis de l’histoire, en attente d’être retrouvés. La république sociale, c’est la démocratie totale. C’est surtout le vrai, l’unique lieu de la gauche, qui ne sait plus ce qu’elle est lorsqu’elle le perd de vue, et à qui un républicain peut alors logiquement promettre la mort prochaine. En passant, il faudrait demander à la « primaire à gauche » si elle a seulement… une définition de la gauche — et il y aurait sans doute de quoi rire longtemps. Or ce qu’est la gauche, c’est l’idée même de république sociale qui le dit : la démocratie à instaurer partout où elle n’est pas encore, et donc à imposer à l’empire propriétaire.

      Beaucoup d’initiatives « à gauche » cherchent à tâtons des solutions et pensent en avoir trouvé une dans la substitution du clivage « eux/nous » au clivage « droite/gauche ». C’est une parfaite erreur. Tous ceux qui, Podemos en tête, pensent s’en tirer ainsi, par exemple en se contentant de dire que « eux » c’est « la caste » et « nous » « le peuple », se perdront, et l’idée de gauche avec eux. Mais tout change au moment où l’on restitue au clivage son sens véritable : « eux », ce sont tous les fondés de pouvoir de l’ordre propriétaire ; et « nous », c’est le grand nombre de ceux qui, condamnés à y vivre, doivent en souffrir la servitude.

      Tout cela mis ensemble, il se pourrait, comme on dit au jeu de cartes, que nous ayons une main : un clivage « eux/nous » aux toniques propriétés, mais dont le contenu, reformulé autour du conflit propriétaire, revitalise l’idée de gauche au lieu de l’évacuer ; la république, dont le mot est parfaitement accoutumé, mais sociale, et par là réinscrite dans une #histoire #politique longue ; la démocratie, enfin, ce signifiant incontestable, dont par conséquent nul ne peut refuser la pleine extension. Et pourtant il ne faut pas imaginer que tout cela nous sera donné de bonne grâce. Comme tout ce qui s’est jusqu’ici opposé à la souveraineté propriétaire, et a fortiori comme tout ce qui se proposerait d’y mettre un terme pour de bon, la république sociale et la démocratie totale ne seront offertes qu’à une conquête de haute lutte.

    • Leur République pose, joli paravent, et se pavane pour tenter de dissimuler ce qu’elle fut presque toujours : un régime oligarchique, un pouvoir de privilégiés. Leur République, abritée derrière un triptyque en fronton de mairies, se rit des moins que rien et se plaît à coucher dans le lit des importants. L’enseignant socialiste libertaire Gustave Lefrançais, exilé au lendemain de la Commune, acheva ainsi ses Souvenirs d’un révolutionnaire : « Entre républicains et monarchistes il n’existe de sérieuse dissidence que sur les moyens de tondre le troupeau... ce dernier n’étant jamais bon qu’à être tondu.

  • D’une révolution l’autre
    http://cqfd-journal.org/D-une-revolution-l-autre

    Gustave Lefrançais, jeune instituteur, se trouve immergé de plain-pied dans le mouvement populaire qui saisit Paris au printemps 1848. La répression sanglante menée par les républicains en juin 48 est l’acte fondateur de l’engagement de sa vie. Sur les barricades, Lefrançais comprend qu’il existe désormais deux républiques irréconciliables, la bourgeoise et la sociale. « Qu’aurait pu faire de plus la plus exécrable des monarchies ? », se demande-t-il. L’ordre règne à Paris. Arrêté sous prévention de société secrète, il est assigné à résidence à Dijon. Quand Louis-Napoléon Bonaparte organise le coup d’État en 1851, Lefrançais ne s’étonne guère, mais opte pour l’exil à Londres. Sur place, il est sommé de choisir sa faction : celle de Ledru-Rollin ou celle de Félix Pyat. Ne choisissant ni l’une ni l’autre, il crève de faim. Tout au long du récit, il écorne l’auteur des Châtiments et des Misérables qu’il considère comme un opportuniste : « La plupart des proscrits ayant quelque fortune – Victor Hugo en tête – sont partis de Londres pour Jersey afin de “n’être pas navrés du spectacle de la misère de leurs camarades” mais surtout afin d’éviter de leur venir en aide. »

    #histoire #France #Allemagne

    • La légende de #Victor_Hugo, #Paul_Lafargue

      Victor Hugo appartient désormais à l’impartialité de l’histoire.

      Dès le coup d’Etat de 1852 la légende s’est emparée de Hugo. Durant l’Empire, dans l’intérêt de la propagande anti-bonapartiste et républicaine, on n’osait s’opposer à cette cristallisation de la fantaisie, en quête de demi-dieux : après le 16 mai, il n’y avait pas nécessité de troubler les dernières années d’un homme âgé, dont le rôle était fini. Mais aujourd’hui que le poète, célébré par la presse, reconnu et proclamé le « grand homme du siècle » dort au Panthéon, « la colossale tombe des génies », la critique reconquiert ses droits. Elle peut sans crainte de compromettre des intérêts politiques et de blesser inutilement un vieillard devenu inoffensif étudier la vie de cet homme, au nom retentissant. Elle a le devoir de dégager la vérité enfouie sous les mensonges et les exagérations.

      Les hugolâtres se scandaliseront de ce qu’une critique impie, ose porter la main sur leur idole : mais qu’ils en prennent leur parti. – La critique historique ne cherche pas à plaire et ne craint pas de déplaire. Cette étude, écrite sur des notes recueillies en 1869, n’a pas la prétention d’épuiser le sujet, mais simplement de mettre en lumière le véritable caractère de Victor Hugo, si étrangement méconnu.

      P. L.
      Sainte Pélagie, 23 juin 1885.

      http://www.marxists.org/francais/lafargue/works/1885/06/hugo.htm

    • À propos de Victor Hugo et le coup d’État du 2 décembre 1851 :

      Le coup d’Etat du 2 décembre 1851 par lequel Louis-Napoléon s’empare de la totalité du pouvoir, en France, en attendant de devenir, l’année suivante, l’empereur Napoléon III, donne à Marx l’occasion de produire son œuvre historique la plus éclatante. Alors que #Victor_Hugo, dans l’Histoire d’un crime, se livre seulement à une dénonciation indignée de l’auteur du coup d’Etat et de ses complices militaires et civils, Marx montre dans Le Dix-Huit Brumaire de Louis Bonaparte l’enchaînement historique implacable qui a conduit du massacre des prolétaires parisiens, durant les Journées de Juin 1848, à la dictature d’un aventurier, porteur d’un nom illustre qui lui a valu, comme président de la République, le ralliement des ruraux, c’est-à-dire de la masse des paysans propriétaires. Marx analyse le bonapartisme comme un phénomène historique dans lequel la bourgeoisie menacée par une crise fondamentale est conduite à céder le pouvoir politique à un homme et, à travers lui, à un appareil militaire et administratif afin de sauvegarder et de conforter son pouvoir économique sur la société…

      (#Marx, de Pierre Fougeyrollas)

      #Karl_Marx #marxisme #lutte_de_classe