person:phil minton

  • Pas le début de la queue
    D’un moindre rêve
    Inconscient au repos depuis séance d’hier

    Je souris en imaginant déjà
    La fin de Faire du mur avec McEnroe
    Non pas déjà. Pas encore fini avec McEnroe

    Je m’octroie
    Une grasse matinée
    De baleine échouée

    J’envoie un petit mot à Sophie
    La décrivant de dos avec les deux autres musiciennes
    Et la liberté et la force qui se dégageaient d’elles

    Je l’amuse en écrivant
    Avoir échoué
    De me transformer en souris au Tracé

    Réponse forcément décalée de Sophie
    Angelica Castello
    Mexicaine parlant français avec l’accent québécois

    Du coup envie
    De musique improvisée
    Pour aller avec mon café

    http://desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/agnel_minton.mp3

    Sophie Agnel
    Donc &
    Phil Minton

    Un peu de lecture
    Lundi matin papier
    L’affaire de Tarnac

    http://desordre.net/bloc/ursula/2017/images/sophie/sons/the_world_aint_square_001.mp3

    Du coup je passe
    A disque de Phil Minton 4Walls
    The Anarchist’s Anthem

    Un vent de liberté souffle sur moi
    Je pars au BDP, plaisir d’un café
    Et de corriger Frôlé par un V1, afflux

    Retour maison
    Penne aux sardines écrasées
    Un peu d’abondance, café

    Anguille de sieste
    La pochette du futur disque
    Du trio aperçu hier

    Les trois musiciennes
    Bariolées, faut voir comme
    Assises sur un télésiège autrichien

    Un café et je me mets au travail
    J’écris une énième autobiographie imaginaire
    Je n’aurais fait que cela de ma vie

    Je suis bien lancé
    Quand soudain
    Le traitement de texte

    Le traitement de texte devient fou
    Avale les dernières modifications
    Et les éparpille partout dans le texte

    D’abord j’enrage
    Puis comme chaque fois
    Me demande si ce n’est pas un don du ciel

    Si Dieu existe, après tout, pourquoi pas ?
    Il est logé dans le cœur de nos ordinateurs
    Et c’est quand ça plante qu’il donne la mesure de son talent

    http://www.desordre.net/musique/waits.mp3

    The Devil does not exist
    It’s only God
    When he’s drunk
    (Tom Waits)

    Je pars retrouver
    Michele et Raffaella
    Pour un concert à Beaubourg

    Codec error
    Alexander Schubert
    Et un stroboscope

    Des avertissements à propos de ce concert
    Le spectacle est déconseillé
    Aux épileptiques

    Je trouve que c’est un peu court
    Il est également déconseillé
    Aux cardiaques, aux personnes avec rage de dents

    En fait il devrait être déconseillé
    A toute personne qui ne serait pas masochiste
    Qui tiendrait (bêtement) à l’intégrité de ses oreilles

    Déconseillé
    A toute personne qui aurait éduqué son regard
    A toute personne qui n’a pas le goût de la violence

    Sur scène des jeunes gens contents d’eux
    Ont sans doute le sentiment de dominer le public
    Parce qu’ils sont du bon côté du manche

    De jeunes fascistes
    Jouissent du pouvoir d’emmerder
    Leur prochain pendant trois quarts d’heure

    La musique est moins plaisante
    Que d’avoir les oreilles frôlées
    Par une scie électrique

    Quant à la dimension visuelle
    Regarder en pleine face un flash
    Répéter plusieurs fois

    Dans un monde juste
    Le public devrait avoir le droit
    De gifler les abrutis derrière cette affaire

    Deuxième partie
    Chronostasis
    Frank Vigroux et Antoine Schmitt

    Regarder une heure durant
    La modélisation d’une boule à facettes
    Se rapprocher, s’éloigner, se démultiplier

    Spectacle pas très captivant
    Accompagné par de la musique de robots
    Cela a l’air de leur donner du contentement

    Tandis que je comprends immédiatement
    Qu’il n’y aura que cela à voir pendant une heure
    Je tente de me rappeler quelques chefs d’œuvres du musée

    Après pareil déluge
    Je remercie chaleureusement Michele
    D’une telle invitation : nous éclatons de rire

    Longue attente de ma rame
    De Réseau Express Régional
    En lisant les Monarques

    #mon_oiseau_bleu

  • Difficulté inédite à trouver le sommeil
    Réveil en sursaut et en retard
    Le rêve de cette nuit, enfui

    Alerte rouge, alerte rouge
    Tous les personnels à leurs postes de combat
    Ceci n’est pas un exercice

    Vieille rengaine
    Du temps de l’enfance
    Quand nous réveillions en retard

    Zoé
    Se souvient
    En souriant

    On file chez l’orthophoniste
    Je file au café, hagard
    Je tente de la lecture, recouverte par TV

    Si j’étais dictateur
    J’interdirais la télévision
    Dans les cafés

    Il y a beaucoup de choses
    Que j’interdirais, mais en commençant là
    Je n’aurais pas à être un dictateur longtemps

    Rentrés, je prépare
    Une quiche aux légumes
    Et une salade de chicons

    Café
    Et hop
    Au travail

    Dans Frôlé par un V1
    Il y a un catalogue raisonné
    De mes œuvres invisibles

    J’y ajoute une énumération
    De toutes sortes de petits objets
    Que j’ai renvoyés préaffranchis

    Dans de belles enveloppes
    Frappées d’un T majuscule
    Pour dire que c’est eux qui paient

    Dans ces belles enveloppes
    J’ai souvent mis la première saloperie
    Qui me tombait sous la main

    Oh bien sûr ce n’est pas grand-chose
    Un mouvement d’humeur de rien du tout
    Mais cela fait une trentaine d’années que je le fais

    Une facture d’électricité
    Une carte postale
    Une épluchure de mandarine

    Une coupure de journal
    Une prise électrique défectueuse
    Le mode d’emploi d’un meuble à monter soi-même

    Un bouton de tiroir
    Une pile usagée
    Une photographie ratée barrée de la mention non facturée

    L’offre d’abonnement d’un concurrent
    Dûment remplie en leur nom
    J’ai déjà abonné Valeurs actuelles à Téléapapa, et inversement

    Un éclat de verre de vaisselle ? Je sais, c’est mal
    L’emballage du nouveau masque de mon respirateur
    Une lettre de mise en demeure de paiement d’une facture d’eau non acquittée

    Des cigarettes confisquées à mon fils Émile,
    Un petit aileron de requin en pâte à modeler verte
    Un CD rayé de 4Walls

    Mais sur lequel disque,
    Le seul morceau encore écoutable est
    The Anarchist’s Anthem, admirablement chanté par Phil Minton

    Un reçu de restaurant avec le détail alléchant de son menu
    Un dessin original représentant un champignon
    Une golmotte, sur un post-it de couleur jaune

    Une vingtaine de pages de tapuscrit
    Aux nombreuses annotations et corrections toutes reportées
    Et les vingt pages désormais déchirées en huit morceaux

    Un puzzle de 160 pièces
    Donc sur deux faces pour corser un peu l’affaire
    Ne me remerciez pas pour des récréations aussi inespérées

    Une pièce de puzzle
    Ou une carte à jouer
    Trouvées sur le trottoir

    Un petit réveil qui ne fonctionne plus
    Arrêté, et l’aiguille du réveil positionnée sur six heures et demie
    Un ready-made presque ?

    La clef d’une serrure définitivement déposée
    Et récemment remplacée, défectueuse
    Une clef qui n’ouvre plus rien en somme

    Des bulletins de vote inutilisés
    Lors des dernières élections présidentielles
    En fait TOUS les bulletins de vote, anarchiste mais recensé

    Ce dont on peut déduire que je n’ai pas voté
    Information qui, quand on la couple
    Avec The Anarchist’s Anthem ...

    Une clef à six pans, dite de Allen, du 8
    Je dois en avoir une douzaine déjà
    Qui encombrent ma caisse à outils

    Du papier-bulle,
    Une feuille entière sur laquelle subsiste
    Une dernière bulle à éclater

    Une feuille de ginko
    Une bobine de fil blanc
    Sur laquelle il ne doit plus rester qu’un mètre de fil

    L’emballage de la salade dans une feuille de chou
    Ma maraichère est encore à l’ancienne
    Elle emballe la salade dans du papier journal

    Un préservatif dont je doute un peu de la fraicheur
    Si j’en juge par l’état de son enveloppe
    Longtemps resté au fond de ma besace de photographe

    Un emballage de carambar avec sa blague encore lisible
    Une feuille de salade
    Les vis surnuméraires d’un meuble à monter soi-même

    Et puis c’est l’heure
    D’aller chercher Zoé
    À la céramique

    Au retour
    On passe boire un thé
    Au BDP

    Au retour
    On passe chez Laurent et Marie
    On parle de Harry Dean Stanton

    Je dépose Zoé
    Avec les instructions en kit
    Pour le dîner et je file chercher Émile

    Au rugby
    J’échange avec mes copains
    À propos de leur dernier match

    Gnocchis aux épinards
    De la mort qui tue
    Clémentines

    J’écoute une conférence
    De Geoffroy de Lagasnerie
    Et d’Édouard Louis

    Inventer
    Une pensée
    Dysfonctionnelle

    De temps en temps
    Ma pensée vacille
    Time to go to bed

    #mon_oiseau_bleu

  • Au réveil
    Impossible de poser le pied par terre
    Je clopine jusqu’aux toilettes. Kafka

    Dans le miroir de la salle de bain
    Ma tête de cévenol
    Et le corps d’un scarabée vouté

    Un peu de lecture, mais rattrapé par
    Du sommeil lourd et sans rêve
    Julia, prévenue, monte et prend peur

    Les Moins que rien

    Pour Mon Oncle Stanley avec lequel j’ai passé l’une des nuits les plus étranges de ma vie et pour la docteure D. qui m’a bien soigné, ma gratitude à tous les deux

    Fontenay-sous-Bois, le 10 août 2017

    Chère Docteure

    Je ne sais pas comment vous remercier. Déjà, pour commencer, cela vous fera plaisir d’entendre que je vais mieux, grâce à vous, grâce à votre équipe. Les heures que j’ai passées aux urgences de lundi à mardi comptent parmi les plus riches de mon existence, qui compte déjà quelques trésors.

    Quand vous êtes entrée dans notre chambre à l’Oncle Stanley et moi, je dois vous dire que je n’en menais pas large et le désespoir guettait. Et j’ai repris espoir en vous voyant beurrer les biscottes de l’Oncle Stanley, je me suis cette toubib qui beurre les tartines du vieux Mr Lawson, je peux d’emblée lui faire confiance.

    Vous ne connaissez peut-être pas un photographe helvético-états-unien qui s’appelle Robert Frank et que j’ai étudié il y a une trentaine d’années. Robert Frank a photographié son voisin d’hôpital à Halifax en Nouvelle Écosse au Canada et dans la gélatine il a écrit sa tendresse pour ce Mr Lawson, l’Oncle Stanley. Et c’est à cette série d’images que j’ai tout de suite pensé quand j’ai fait la connaissance du vieux monsieur avec qui j’ai partagé ma chambre.

    Vous faites un travail admirable. Vous êtes manifestement compétente, mais vous êtes aussi tellement dévouée et attentionnée, je ne sais pas si en haut-lieu on vous le dit de temps en temps, les hauts-lieux sont parfois ingrats, comme nous allons le voir, en tout cas, moi, je vous le dis. Cela ne changera pas grand-chose à pas grand-chose, cela vous fera peut-être plaisir de l’entendre.

    Il y a un peu plus d’un mois, le petit morveux que les veaux de Français ont été guidés d’élire pour président a eu cette parole remarquablement révélatrice, il a parlé des anonymes, en disant « des gens qui ne sont riens ». Vous n’imaginez pas à quel point cela m’a mis en colère. J’ai eu une envie irrépressible de le gifler comme on ne devrait pas gifler un adolescent présomptueux qui vous manque de respect.

    Depuis, je prends note de toutes sortes de situations dans lesquelles des moins que rien étalent des richesses insoupçonnées, surtout d’humanité et, cette nuit, dans votre service, j’ai été servi de très copieuses rations de pareils trésors. Vous, votre confrère infectiologue, Kevin, les infirmiers, les aides-soignantes et Mon (inénarrable) Oncle Stanley. À toutes et tous, merci, du fond du cœur, j’ai l’intuition qu’on ne doit pas vous le dire assez. Vous êtes à la fois des sentinelles et des remparts de ce qu’il y a et doit rester de meilleur en nous.

    Pour vous remercier, toutes et tous, je vous envoie un extrait d’un texte en cours que je suis en train d’écrire. Cela s’intitule Mon Oiseau bleu , ce sont des poèmes très brefs en trois vers librement écrits sans bien suivre des règles japonaises ancestrales eux appellent cela des haïkus , je ne suis pas très sûr que mes petits poèmes en soient de très bons et surtout de très authentiques, mais au moins ils vous raconteront comment un patient vit les choses dans votre service, dans lequel, je dois vous le dire, on dort très mal !

    Avec mon respect, mon amitié et mes remerciements

    Philippe De Jonckheere

    PS : je joins à cet envoi, un exemplaire de mon roman Une Fuite en Égypte pour la bibliothèque du CE (vous pouvez être la première à le lire avant de le verser à la bibliothèque !). Mon prochain livre sorte en 2018, il s’intitulera Raffut et il parle de rugby et de handicap mental, vous pourrez l’offrir à votre mari !

    Aux urgences de Bry-sur-Marne
    Dans la salle d’attente
    Une belle variété de personnes

    Un téléviseur allumé
    Longtemps que je n’en avais vu un
    En fait tout va bien dans le monde

    En fait tout va bien dans le monde
    Macron a déjà tout réparé
    Encore un peu de terrorisme qui fait chier

    Encore un peu de terrorisme qui fait chier
    Mais dans l’ensemble tout va
    Dormez braves gens

    Dormez braves gens
    Et, de fait, personne ne regarde
    Le téléviseur muet

    Le téléviseur muet
    Suis-je le seul à le remarquer ?
    Tous plongés dans leur téléphone

    Une très chouette infirmière
    Me demande si je suis belge
    Son compagnon s’appelle comme moi

    Profession ?
    J’ose (pour rire)
    Écrivain !

    Ah ? dans nos fichiers
    Vous êtes connu comme informaticien
    J’emmerde l’informatique !

    Une chouette docteure
    Se frotte les mains avec intérêt
    Pour mes rougeurs pas ragoûtantes

    Je lui propose de la cartographie expérimentale
    Elle dessine au stylo-bille
    Les contours de mes rougeurs

    Je suis aux urgences
    Et je pense aux cartographes
    De mon Facebook®©™ bio

    Je grelote
    En plein mois d’août
    Autour de moi les gens sont en nage

    On me propose la nuitée
    Je ne refuse jamais
    De dormir ailleurs

    Mon hôte s’appelle Kevin
    Un chouette infirmier
    Qui me parle comme à un vieillard

    Kevin me propose un plateau-repas, j’accepte
    Mais je préviens Kevin que je n’ai pas mangé
    Depuis trois jours, je vais picorer, au mieux

    Kevin, le chouette infirmier
    Me fait remarquer que cela ne le changera
    Pas des autres patients, tous très âgés

    Et, de fait, on amène mon compagnon de la nuit
    Un très vieux monsieur qui me fait penser
    Immédiatement à Mr Lawson de Robert Frank

    Mon Mr Lawson,
    Mon Oncle Stanley à moi
    S’appelle Roger

    Mon Oncle Stanley ne tient plus sur ses jambes
    Ne maîtrise plus ni mains ni sphincters
    Mais il a une bouille. Et un sourire édenté !

    Il n’entend plus très bien
    Du coup il parle
    Très très très, très, très fort

    Et aussi, et ça j’aime
    À un point ! il rit
    Très très très, très, très fort

    Et, le pauvre !
    Il a mal partout
    Dans n’importe quelle position

    Mais il rit
    Il a l’œil
    Qui pétille

    Je comprends mal
    Ce qu’il me dit
    Mais on se comprend bien

    Kevin est un peu las des nombreuses demandes
    De changements de positions de Mon Oncle Stanley
    Alors j’apprends à me servir des commandes du lit

    Mon Oncle Stanley et moi
    On trouve des positions
    Pas toutes dans le manuel

    Et ça le fait rire
    Mais rire
    Très très très, très, très fort

    Je ne vais pas tarder
    À découvrir que Mon Oncle Stanley
    A d’autres talents

    Julia s’égare
    Pour me rapporter mes affaires
    Fine psychologue, sans sens de l’orientation

    Elle a oublié mon respirateur
    On rit très très très, très, très fort
    Fine psychologue, tête en l’air

    Je m’endors
    Je me réveille, Julia a branché mon respirateur
    Et me tend le masque, m’embrasse, s’en va, je dors

    Choses entendues et choses vues
    La nuit sera longue aux urgences
    Et les nerfs de tous très éprouvés

    Des hommes sombres (pompiers ?)
    Poussent un brancard sur lequel
    Git un homme sans vie

    Mais trouvez-nous quelqu’un
    Elle est en train de se maculer
    Avec ses selles !

    Voix de Kevin, paniqué
    Mais Madame où est-ce que
    Vous allez, vous ne pouvez pas marcher ?

    Chute (bruyante)
    Kevin hurle (bruyamment)
    Un numéro codé

    Des collègues rappliquent
    Saint-Lazare à 8 heures serait
    Plus tranquille pour dormir

    Kevin, lampe de poche dans la bouche
    Soulève mon bras, prend mes constantes
    Et répond au téléphone, il est trois heures

    Mais pourquoi ils nous l’amènent
    Il ne va pas passer six heures ?
    Je ne dors plus, je ne veux plus

    Aux toilettes je découvre
    Que les rougeurs ont fraudé les frontières
    Et sont désormais dans l’aine. J’ai peur

    Je prends mon téléphone de poche
    Et je tâche de prendre en note
    Mes poèmes de ma nuit aux urgences

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/agnel_minton.mp3

    J’ai passé la nuit
    Avec Phil Minton
    Et Sophie Agnel

    Le vieux monsieur à côté de moi
    A un très étonnant répertoire
    De raclements de gorge

    Et avec la tringlerie de son lit
    Il produit une grande variété sonore
    Nuit aux urgences

    (Tête de Sophie Agnel
    Quand elle a reçu
    Ces neuf lignes !)

    Arrivée de l’équipe du matin, soupirs
    Des aides-soignantes qui doivent passer la wassingue
    Sur les scènes de guerre de la nuit

    La vieille dame qui ne peut plus marcher
    Fait une nouvelle tentative d’évasion
    J’ai de l’admiration pour son opiniâtreté

    Quant à la dame qui fait du Gasiorowski
    Elle a, apparemment
    De nouvelles idées

    Mon Oncle Stanley à moi
    A des accidents de pistolet
    C’est comme ça qu’on dit

    Bref, c’est la foire
    La visite de la docteure
    Arrive avec le petit-déjeuner, tard

    Mon Oncle Stanley à moi
    N’a plus aucune maîtrise de ses mains
    Mais il tente de se débrouiller

    Un jour, peut-être
    Je me battrais avec la cellophane
    D’un duo de biscottes

    La docteure est chouette
    Elle vient en aide à l’Oncle Stanley
    Elle lui beurre ses biscottes

    La docteure est chouette
    Elle beurre les biscottes, pendant que cela
    Continue d’être la guerre pour les aides-soignantes

    La docteure est chouette
    Elle prend beaucoup de précautions
    Pour ménager l’Oncle Stanley

    Elle note deux ou trois trucs
    Mesure une plaie avec un petit décimètre
    D’écolière, bonne élève, débrouillarde (et souple)

    Elle voit que les aides-soignantes sont au clip
    Aide l’Oncle Stanley avec son jus d’orange
    Et d’un très beau sourire, s’excuse

    Vous êtes Monsieur De Jonckheere
    Vous êtes arrivé hier à 1800 avec épisodes fébriles
    Vous avez un érysipèle, dites-moi

    Elle est chouette,
    Elle écoute tout attentivement
    Elle me fait préciser des trucs

    Elle regarde attentivement la cartographie expérimentale
    Les rouges gagnent du terrain, mais reculent pas endroits
    Elle est rassurante, pas d’amputation ? Non pas encore !

    Elle est chouette,
    Elle me rassure
    Ce n’est pas moche, dit-elle

    Elle est chouette
    Elle promet de revenir avec un confrère
    Infectiologue, pour être sûre, dit-elle

    J’échange quelques messages avec Julia
    Avec Clément, je rassure mon monde
    Mais quelle nuit !

    On emmène Mon Oncle Stanley
    À la radiographie, ça l’amuse beaucoup
    Il rit très très très, très, très fort

    http://www.desordre.net/musique/zappa_illinois_ennema_bandit.mp3

    Où je découvre que, par je ne sais quel miracle
    J’ai dû faire un test, que sais-je ? sur mon téléphone
    Se trouve tout Bongo Fury de Frank Zappa

    Je profite de l’absence de Mon Oncle Stanley
    Pour écouter Zappa au téléphone
    Comme Proust écoutait du théâtre

    Sophie Agnel me répond
    Je suis devenu ami avec elle
    On rigole à propos de Phil Minton

    Je lis Les Beaux jours d’Aranjuez
    De Peter Handke, splendide
    Aux antipodes du navet de Wenders

    Dans le couloir j’entends
    La chouette toubib parler de moi
    C’est un Monsieur, la soixantaine

    Arrive l’infectiologue
    Je ne savais pas qu’un jour
    Je serais content d’en voir un

    La chouette toubib lui dit que ma CPS
    Était à 220, je corrige, 227
    C’est bon, j’ai leur attention

    L’infectiologue étudie la cartographie expérimentale
    Inspecte mes pieds, trouve à redire
    Un mois dans les Cévennes, des pieds de Cévenol

    Il montre une région de la carte
    Où il décèle le recul des Rouges
    Je suis confiant, dit-il

    La chouette toubib me sourit
    Cette docteure aime ce qu’elle fait
    Elle est complètement du côté de la vie

    Je vais tout de suite signer
    Vos papiers de sortie
    Appelez votre fils

    Huit heures plus tôt
    Je considérais la vie
    Amputé

    Arrivent Mon Oncle Stanley et son plateau
    Pas d’aide soignante, je lui propose de l’aider
    Je lui coupe sa viande et lui donne une bouchée

    Il a un sourire extraordinaire
    Elle est bonne exulte-t-il
    Cet homme a encore du plaisir

    Il rate une bouchée
    On rit très très très, très, très fort
    Je voudrais l’embrasser

    L’aide-soignante me voit catastrophée
    Je la rassure, j’aime ce que je fais
    Tellement plus que l’ open space , pense-je

    Et je pense justement que si mes collègues
    Me voyaient et m’entendaient
    Rire très très très, très, très fort…

    Avec l’aide-soignante qui a repris les commandes
    Pendant qu’elle donne à manger à Mon Oncle Stanley
    On parle des citronniers de son enfance, en Algérie

    Clément arrive, quand je sors
    La guerre est finie
    Mme Gasiorowski est passée à autre chose

    La chouette toubib me signe les papiers
    Elle me donne des prescriptions
    Et des conseils, elle rayonne

    Elle me demande comment je me sens ?
    Je réponds soulagé, mais très fatigué
    Je n’entrerai pas dans une mêlée, dis-je

    Ah je me disais aussi
    Vous êtes comme mon mari
    Un faux sauvage, un rugbyman

    Je la remercie, j’ai tellement d’admiration
    Pour cette docteure qui beurre les tartines
    De Mon Oncle Stanley, elle est solaire

    Je fais mes adieux à Mon Oncle Stanley
    Je suis obligé de guider sa main dans la mienne
    Cet homme m’a redonné de l’espoir, pour longtemps

    Et quand je pars finalement
    Il dit très très très, très, très fort
    Au revoir mon petit gars !

    Je pourrais pleurer
    D’être le petit gars
    De Mon Oncle Stanley

    Arrivés à la maison
    Clément m’aide
    Je n’ai toujours pas faim

    Je tente de grappiller
    Quelques heures de sommeil
    En pensant à Mon Oncle Stanley

    Cela faisait longtemps
    Que je n’avais pas vécu
    Une telle aventure !

    Le reste de la journée
    Est évidemment
    Très morne

    Cela ne peut pas être
    Urgences à Bry-sur-Marne
    Tous les jours !

    #mon_oiseau_bleu

  • Quel matin lumineux !
    Et dire qu’aujourd’hui
    Des gens vont mourir

    Ecouter de la musique
    Le matin
    Comme on fait sa prière

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/agnel_minton.mp3

    Phil Minton
    Axel Dörner
    Thomas Lehn

    Aller se recoucher
    Finir de Lire
    Holocaust de Reznikoff

    Tu lis Holocaust
    En écoutant
    Duke Ellington

    http://desordre.net/musique/ellington.mp3

    Aux États-Unis
    Noirs et Blancs
    Peinent à se dire oui

    carrefour.com
    Gagnez votre voyage
    À Los Angeles !

    Divorced
    For being
    Too fat


    À la piscine en faisant tes longueurs
    Tu écris de nombreux poèmes
    Aucun que tu ne puisses enregistrer

    Un kilomètre à la nage
    Mille pensées
    Aucune dont tu te souviennes

    Tu reprends ton dernier roman
    Tu ne cesses de faire ajouts et retraits
    Jusqu’à quand ? Épuisant !

    Une jeune femme pas pudique
    Montre ses poils pubiques
    Dans une bibliothèque publique

    En rangeant tes livres
    Tu as isolé quarante-neuf livres
    Que tu n’as pas encore lus !

    Tu as pourtant fini d’écrire
    Le rapport sexuel n’existe pas
    Et tu continues de penser à elle ?

    La seule personne à qui
    Tu as parlé aujourd’hui
    La guichetière de la piscine

    Longueurs et poèmes aquatiques
    Une jeune femme montre ses poils pubiques
    Le rapport sexuel n’existe pas

  • http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/images/sophie/sons/the_world_aint_square_001.mp3

    J– 27 : Levé du bon pied. Je bricole une page secrète pour A.. J’emmène Adèle au stade où je la dépose. On se marre bien en route. Elle se fout gentiment de ma poire, elle est drôle, c’est un excellente remède. Un remède contre quoi ? Une diversion, dirons-nous. Je repasse prendre Nathan à la maison. Je l’emmène chez son psychologue, nous discutons un moment dans le jardin, qui fait office de salle d’attente, à propos de ce qui semble tout de même être du vague à l’âme chez Nathan, en ce moment, il ne parle pas beaucoup, le psychologue m’indique que Nathan ne parle pas beaucoup en séance non plus, nous évoquons la piste de déceptions récentes pour Nathan. La séance démarre, je bouquine dans le jardin, il fait frais, je ne pense décidément pas grand-chose d’Hors du charnier natal de Claro. Que j’achève malgré tout. Lorsque le psychologue ressort de sa cabane, d’un acquiescement il me signifie que nous avions vu juste, Nathan a l’air de bonne humeur, presque apaisé. Dans la voiture nous évoquons le programme de cet après-midi, j’ai notamment promis à Nathan que nous ferions des financiers dont il a rapporté une recette de son établissement. Je pars chercher Adèle au collège. J’y croise mon amie Caroline qui me présente deux parents d’une enfant pour laquelle il est question d’une orientation en Unité Locale d’Inclusion Scolaire, nous discutons sans réserve, je suis toujours frappé par les réflexes de solidarité entre parents d’enfants handicapés, c’est comme si toutes les différences d’opinion sur d’autres sujets tombaient d’un coup, je crois même que je pourrais avoir une relation d’amitié avec un couple d’électeurs de droite si par ailleurs ils étaient les parents d’un enfant handicapé. De retour à la maison, je cuisine des darnes de saumon au citron et au piment, concert de soupirs d’aise de la part des enfants. Je monte faire une sieste, lorsque je me réveille d’un somme d’un petit quart d’heure particulièrement réparateur, je reçois quelques messages tendres. Je me fais un café, je répare le vélo d’Adèle, je fais un peu de jardinage avec Nathan dont l’attention au détail dans ce domaine me surprend toujours autant. Puis nous lançons les financiers, Nathan est un peu tendu mais je parviens à bien le canaliser. Je passe un long coup de téléphone à Isa, je lui parle d’A. pour la première fois. Profonde conversation, comme souvent avec Isa. Nous recevons la visite surprise de Marie et Laurent dont c’est l’anniversaire. Laurent me dit son émotion de recevoir tous les premiers avril un coup de téléphone de Madeleine, de son ancienne élève de CM1. Nous prenons le thé, je raconte à Marie et Laurent que le dimanche dernier j’ai fait la rencontre d’Emmanuel Adely au salon du livre et qu’il vit tout près de Monsuéjouls, où séjournent souvent Laurent et Marie. Je fais quelques parties d’échecs rapides avec Nathan, qui redevient ce chouette garçon dans l’échange, ses soucis du moment un peu derrière lui, apparemment. J’ai une longue conversation avec Clémence au téléphone, elle me fait même pleurer en évoquant un de nos meilleurs souvenirs sans doute, je la traite de morue, cela la fait bien rire. Je prépare un petit dîner avec Nathan et Adèle puis ressors prendre un verre en terrasse avec A. Le soir j’écoute l’infernal quartet de 4walls avec Phil Minton qui chante l’hymne des anarchistes, c’est à pleurer tellement c’est beau. What a day !

    #qui_ca

  • http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/dans_les_arbres.mp3

    Dans les arbres, le seul gropupe de musique improvisée avec trois Norvégiens et un Français

    Et pour clore cette semaine fort musicale, quand on y pense trois concerts dans la même semaine, il doit être possible pour un mélomane de passer des semaines plus arides, je suis invité par Sophie Agnel (qui a bien aimé ma chornique de son concert avec Phil Minton, du coup on s’écrit un peu) au concert de la formation Dans les arbres à l’Atelier du tampon .

    Dans les arbres , d’habitude ils sont quatre, un Dromois égaré à la clarinette pas prête parmi trois musiciens norvégiens, au piano préparé, guitare préparée et aux percussions en cours de préparation. Et d’habitude Christian Wallumrød joue du piano préparé et non du synthétiseur hérissé de fiches, et donc il sont quatre, il y a Ivar Grydeland à la guitare préparée qui ce soir s’est fait porter pâle comme on dit au rugby, mais sans doute pas dans le milieu de la musique contemporaine improvisée qui n’a sans doute pas les mêmes codes.

    Le concert était en deux parties à la fois semblables et très différentes, dans la première partie j’ai aimé la seconde partie et dans la seconde partie j’ai aimé la seconde partie, moins la première partie de la seconde partie et moins encore la première partie de la première partie. Dit comme ça cela ne vous dit pas grand chose mais j’ai été très surpris qu’échangeant avec Sophie Agnel , elle pensait pareil à propos des parties et des sous parties qu’elle appelait aussi des parties et des premières et secondes parties des parties, un peu comme on fait au rugby finalement en parlant de la première et de la deuxième partie de la première mi-temps et de la première et de la deuxième partie de la seconde mi-temps, la seconde partie de la seconde mi-temps, on appelle cela aussi money time , qui est généralement suivi de la troisième mi-temps, c’est là qu’on prend l’avantage sur les musiciens de musique contemporaine improvisée. Encore que. Pas sûr.

    La première partie de la première partie m’a fait redouter que Dans les arbres soit une formation de musique qui mise beaucoup sur la répétition, parce qu’ils ont été un peu longs à installer ce qu’ils voulaient mettre en place et là je ne suis pas nécessairement un très bon juge de savoir si c’était suffisamment bien installé ou pas assez quand ils se sont vraiment mis à jouer ce qu’ils jouent et que je trouve vraiment très beau.

    Dans Dans les arbres , il y a d’abord ce très beau set de percussions, un immense tome sur la membrane duquel Ingar Zach s’évertue à produire de toutes petites sonorités, minuscules pour un tel instrument, puis petit à petit ajoute des éléments à même cette membrane, tandis que Christian Wallumrød installe lui aussi des touches très ténues de synthétiseur, mais un peu a contrario de ce que l’on demande habituellement à cet instrument maléable de produire, des nappes et des grooves que sais-je encore, non, Christian Wallumrød produit plutôt de petites allusions, percussives presque, tandis que ces deux Norvégiens-là laissent la ponctuation au clarinettiste qui serait bien du genre à tout faire pour s’étrangler avec sa clarinette sans que cette dernière ne rende la moindre note, une manière de clarinette paradoxale.

    L’ensemble joué par ces trois admirables musiciens paraît admirablement fragile et pourtant brique à brique il semble bien que ce soit non pas un simple mur que l’on monte mais bien une de ces merveilleuses petites chapelles gothiques au milieu d’une lande battue par les vents. C’est une musique à la fois enveloppante et envoûtante qui ne semble exister qu’en songe, qu’elle cesse à la fin de la première partie ou à la fin de la seconde partie, et elle disparaît entièrement et nous rend à nos rumeurs et au bruit de la ville, mais alors rumeurs et bruit deviennent étrangement supportables, Dans les arbres c’est une sorte de yoga sonore, on ne pourrait pas mettre le doigt dessus mais après on se sent mieux, terriblement mieux, entièrement délassé et maître de soi.

    Et j’ai été bien heureux de pouvoir échanger avec Sophie Agnel à propos de son très beau concert avec Phil Minton et Audrey Chen. Je peine à croire que ce dernier concert, de Dans les arbres , était une manière de bonus sur la longue liste de dates que j’avais repérées en janvier dernier, Fred Van Rohe avec Roger Turner, être mon préféré, Jonas Kocher avec Joke Lanz et le magnifique travail spectacle de Johanny Melloul avec Ogrob et Annie Lam, Phil Minton avec Sophie Agnel, Jean-Luc Guionnet avec Seijiro Murayama et Olivier Benoit, Fred Frith et Dans les arbres . Et encore j’ai manqué deux dates, Phil Minton avec Isabelle Duthoit et Mark Charig, Michel Pilz, Quentin Rollet, Marcio Mattos et Jean-Noël Cognard, mais je n’avais plus de crédits pour ma téléporteuse.

    #qui_ca

  • Il y a deux semaines j’avais écrit une petit chronique à propos du concert de Phil Minton avec Sophie Agnel et Audrey Chen https://seenthis.net/messages/567952 ). Sophie Agnel vient de refaire son site internet qui est assez généreux de toutes sortes de ressources, notamment sonores, cela va sans dite.

    https://www.sophieagnel.com

  • http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/videos/054.htm

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/agnel_minton.mp3

    J – 89 : Une jolie dame brune, habillée comme toutes les jolies dames en hiver, un loden sombre sur les épaules sur lesquelles est accroché un sac de dame, sorte de grande fourre-tout, dans lequel les dames puisent, souvent en aveugle, les accessoires qui font d’elles des dames, beaucoup plus rarement de ces sacs elles tirent des balles de ping-pong, du fil de fer, des baguettes de bois, une mailloche, une enclume, un vibrato électrique — habituellement l’apanage des guitaristes électriques —, quelques objets contondants, un peigne, une enclume de secours, dingue tout ce que l’on peut sortir dans le sac d’une dame et que cette dernière, et quelle dame ! dispose sur les côtés du Bösendorfer des Instants Chavirés qui doit trembler en se demandant ce qu’il va prendre à nouveau et qu’est-ce qu’on va encore essayer de tirer de lui ce soir ? et, les outils de la dame étant disposés sur les flancs du piano, elle se penche sous le capot comme le fait un garagiste, et effectivement tel un garagiste triture avec science un ou deux câbles, putain c’est encore la tête de delco qui fuit, rebouchonne le merdier, remet le contact, la la la la, oui, c’est bon ça sonne, sourire amusé de cette jolie dame, Sophie Agnel, merveilleuse pianiste qui remet son manteau pour ressortir aller en griller une et qu’on l’appelle quand on aura besoin d’elle.

    Ce qui finit par se produire quand Phil Minton, délicieux vieux monsieur anglais, finit par s’installer sur son siège haut de bar face à un microphone auquel il va raconter des histoires à dormir debout tout en chuintements, sifflements, raclements de gorge, soupirs, respirations exaltées, reniflements, percussion des cordes vocales, vocalises, fredonnements, chant, chuchotements, paroles inaudibles, charabia, tachycardie, imitations, appeaux vocaux, expectorations, claquements de la langue, claquements des dents, grincement des dents, percussion de la langue contre les dents, léchage sonore des babines, mimiques diverses pas toutes sonores, paroles qui lui passent par la tête, imitation, très drôle, de Donald Duck, roucoulements, amples respirations, expirations modulées, vibrations diverses de la gorge, tapes sur les joues, enfoncement de la langue dans les joues, grattements de la barbe très amplifiés, fermeture très outrée des lèvres, clapotements d’on ne sait pas d’où ils viennent, rythmes de gorge divers, circulation bruyante de la salive dans les bajoues, hésitations puis de nouveau, murmures et conciliabules, sifflements de comptines et de Nursery Rhymes, bref un arsenal assez exhaustif de ventriloquie bouche ouverte.

    Le délicieux vieux monsieur anglais et la belle dame ont l’air de très bien s’entendre que c’en est fusionnel entre eux, ils se relancent sans cesse, s’interrogent en commun, tentent, essayent, ratent, essayent encore, ratent encore, ratent mieux, divaguent et digressent, reviennent au carré un, recommencent, sautent des passages, improvisent et inventent, dialoguent, ne sont pas d’accord sur tout, mais s’entendent sur l’essentiel, démarrent au car de Tours, ou manquent de concert le train pour Caen, essayent des nouveaux trucs, cherchent à étonner, séduire désarçonner l’autre, hésitent, ne peuvent plus avancer mais avancent, se jettent dans le vide ensemble mais ne tombent pas, se relèvent, partent en croisière sans quitter le port, partent à la pêche au gros et trouvent des champignons, partent à la chasse et gardent leur place, échangent des points de vue, pèsent et soupèsent, trient ou mélangent c’est selon, assemblent et construisent, puis démolissent avec de grands gestes empressés ou au contraire sabotent en silence, échangent de place sans bouger ? ce qui n’est pas le plus piètre de leurs tours, quand on ne sait plus bien qui produit quelle sonorité ? se disputent et se rabibochent, s’aiment et s’admirent même, se sourient, rient sous cape, ont peur, n’ont plus peur, affrontent les grandes décisions, partent mais ne bougent pas. Rideau.

    C’est ensuite une jeune femme qui se joint au vieux monsieur anglais, Audrey Chen, et là pareil, mais à deux et sans piano, amples respirations, expirations modulées, appeaux vocaux, chant, charabia, chuchotements, chuintements, circulation bruyante de la salive dans les bajoues, clapotements d’on ne sait pas d’où ils viennent, claquements de la langue, claquements des dents, enfoncement de la langue dans les joues, expectorations, fermeture très outrée des lèvres, fredonnements, grattements de la barbe très amplifiés, grincement des dents, hésitations puis de nouveau, imitation, très drôle, de grimaces de Donald Trump, imitations, léchage sonore des babines, mimiques diverses pas toutes sonores, murmures et conciliabules, paroles inaudibles, paroles qui lui passent par la tête, percussion de la langue contre les dents, percussion des cordes vocales, raclements de gorge, reniflements, respirations exaltées, roucoulements, rythmes de gorge divers, sifflements de comptines et de Haïkus de Ryôkan, sifflements, soupirs, tachycardie, tapes sur les joues, vibrations diverses de la gorge, vocalises, essais et débats à propos de la ventriloquie en milieu ouvert, on dira que la jeune femme a plus de capacités, notamment purement sonore, mais elle n’a pas encore l’imagination débridée du vieux monsieur.

    Pause d’un quart qui dure une demi-heure.

    Ensuite ils ont fait un peu comme on fait au bureau, une réunion de synthèse mais ils sont cependant procédé très différemment, d’abord le patron si tant est qu’il y en est un, disons que ce soit Phil Minton, puissance invitante est resté en retrait pour bien écouter Sophie Agnel jouer avec Audrey Chen, puis quand elles étaient bien lancées sur un bon rythme de croisière pour ce qui est d’affronter les grandes décisions, assembler et construire, avoir peur, chercher à étonner, démarrer au car de Tours, désarçonner l’autre, dialoguer, digresser, divaguer, échanger de place sans bouger, échanger des points de vue, essayer des nouveaux trucs, essayer encore, essayer, hésiter, improviser, inventer, mais avancer, mais ne pas tomber, mais s’entendre sur l’essentiel, ne pas être d’accord sur tout, ne plus avoir peur, ne plus pouvoir avancer, ou au contraire saboter en silence, ou manquer de concert le train pour Caen, partir, partir à la chasse et garder sa place, partir à la pêche au gros et trouver des champignons, partir en croisière sans quitter le port, peser et soupeser, puis démolir avec de grands gestes empressés, rater encore, rater mieux, rater, recommencer, revenir au carré un, rire sous cape, s’admirer même, s’aimer, s’interroger en commun, sauter des passages, se disputer, se jeter dans le vide ensemble, se rabibocher, se relancer sans cesse, se relever, se sourire, séduire, tenter, trier ou mélanger c’est selon, il est venu progressivement ajouter son grain de sel qui ne manquait pas de sel et emmener, les trois ensemble, ce trio vers des rivages inconnus, pas tous beaux, certains oui, tous inconnus, jamais foulés. Rideau.

    Tonnerre d’applaudissements. Mérités. Je suis reparti des Instants en empochant vivement le disque de Phil Minton avec Sophie Agnel que j’écoute en boucle depuis et donc depuis je vis dans un monde infiniment décalé, un monde dans lequel les objets ne produisent pas les sonorités que l’on attend d’eux, une verre en tombant et en se brisant fait le bruit du vent qui lorsque ce dernier souffle et me décoiffe produit le son de mes doigts sur le clavier lequel me renvoie des chants d’oiseaux, lesquels en piaillant font des bruits de démarreurs poussifs un matin d’hiver, monde curieux dans lequel les uns et les autres échangent librement dans des langues de Pentecôte, des lambeaux d’affiche sur les panneaux de la ville ont tenté, un moment, sans succès d’attirer notre attention sur la nécessité de remplacer l’ancien chef par un nouveau chef, nous les ignorons tous en suivant, médusés, les mimiques du vieux monsieur anglais délicieux.

    #qui_ca

  • http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/agnel_minton.mp3

    J – 90 : C’est souvent que je pense et repense au livre de Peter Handke, Essai sur la journée réussie , qui pour moi aura longtemps été une manière de modus vivendi, peut-être pas autant que Mon Année dans la baie de personne , mais malgré tout une référence. J’aime, par-dessus tout, cette idée qu’il faut réussir sa journée. Que c’est une manière d’œuvre. Qu’il faut pour cela déployer les mêmes moyens que ceux que l’on met en branle qui pour un texte réussi, qui pour une sculpture réussie, qui pour une image réussie, qui pour une musique réussie et dans cette forme très singulière de la réussite que l’on soit son seul juge impartial. J’ai même essayé il y a un an, quand j’avais réarrangé ma chambre après le funeste été 2015 et son invasion de punaises de lit, de laisser le livre un peu en évidence, comme je le fais d’autres livres dont j’aime bien soit la couverture en elle-même, c’est par exemple le cas de la Perte de l’image de Peter Handke avec sa photographie d’Arnaud Class, effet de décoration un peu stupide dans mon cas puisque je dispose de l’originale, je sais c’est idiot, ou encore Breakdows d’Art Spiegelman, Les Américains de Robert Frank, Mon Année dans la baie de personne de Peter Handke, naturellement le Temps retrouvé de Marcel Proust, on ne se refait pas, mais aussi Les Saisons de Maurice Pons, La Chambre claire de Roland Barthes et en fait toutes sortes d’objets aussi, parmi lesquels, en plus des œuvres au mur, une immense tête de lièvre en céramique de Martin, et des ailerons de requins dont quelques-uns en céramique, les autres en pâte à modeler et j’espérais que la simple vue du titre de ce livre en me levant agirait chaque fois comme une admonestation à une telle réussite et tout ce que cela demandais finalement d’effort.

    Mais comme l’explique si clairement Peter Handke, c’est souvent le hasard qui réussit la journée pour nous, et ce n’est pas juste une manière d’enchainements heureux, de dispositions des petits astres de notre journée selon des alignements prometteurs qui est la traduction du hasard, je pense qu’au contraire il s’agit d’une disposition d’esprit, quelque chose qui aurait à voir avec notre capacité d’accueil de la nouveauté. Là c’est moi qui extrapole, Handke est plus engagé dans des enjeux littéraires notamment des ingrédients de la journée réussie.

    Par exemple, cela fait quelques temps que j’ai décidé de me moquer éperdument du jour de la semaine, non pas l’ignorer mais décider une mauvaise fois pour toutes qu’il n’y avait pas de journées noires parce qu’elles étaient mangées par le travail en open space ou encore qu’il pouvait se produire que je ne fasse pas grand-chose d’un samedi ou d’un dimanche au cours desquels j’étais seul et sans enfants à la maison et que si cela me chantait d’écouter de la musique ou de bouquiner tout du long du week-end en buvant des hectolitres de café, be it. Il importait en revanche que je sois accueillant de ce qui viendrait qu’un lundi matin en arrivant au travail, au lieu d’être morose de me réjouir d’une joie simple d’être parvenu à me garer dans la dernière place du parking, dans le troisième sous-sol tout au fond, sans manœuvre et en roue libre tout du long. Que cela en soi était une réussite exemplaire, de noter que j’y étais parvenu en écoutant les Variations Golberg de Bach, et du coup de me connecter un peu plus vaillant que d’autres fois à mon poste de travail, après tout pourquoi pas ? en soi ce n’était pas plus idiot comme désir d’une émancipation minuscule que cet autre chantier que je conduisais par ailleurs, à savoir tout ignorer de la campagne électorale en cours, désormais certain que ce qui serait présenté comme des faits immenses seraient en fait des taupinières et qu’au contraire rien de ce qui importe ne serait abordé, juste par acquis de conscience, rassurez-moi, est-ce que le moindre des candidats à cette mascarade aborde quotidiennement le sujet des réfugiés ou encore celui de la politique carcérale ou encore de l’évasion fiscale ou bien encore de la part de la dette odieuse qui écrase els fiances publiques ? non sans doute pas. Je fais donc bien de continuer à ignorer toutes ces gesticulations et à poursuivre mes petites expériences d’émancipation minuscule.

    Et à défaut de réussir toute la journée aujourd’hui, je pense que j’aurais au moins réussi ma pause méridienne, j’ai aimé, comme chaque midi arriver dans les tout premiers et bénéficier de ce fait d »un réfectoire encore calme et non saturé par la brouhaha de discussions qui toutes ne me font pas plaisir pour le peu que j’en capte, j’ai aimé mon filet de poisson et ses carottes bicolores, j’ai aimé la salade de cœurs d’artichaut et la part d’ananas, j’ai aimé ressortir de la cantine au moment même où cette dernière allait bientôt être saturée par le vacarme collectif, j’ai aimé le tour du pâté de maison que j’ai fait, en prenant quelques photographies à l’aide du téléphone de poche offert par Clémence pour mon anniversaire, j’ai aimé m’arrêter au Bistro du Marché pour prendre un café au comptoir, j’ai aimé tomber par hasard — c’est à cet endroit précis que le hasard a frappé avec grâce — lire cet article du journal Libération qui trainait sur le comptoir et que je n’ai pas eu à ouvrir puisque l’article que j’ai lu était le portrait en dernière page de Cédric Herrou, je n’ai pas aimé la photographie mise en scène de ce portrait, l’article lui était plus neutre et meilleur, mais j’ai aimé cette petite lecture le temps d’avaler mon café, j’ai aimé boucler le tour du pâté de maison en photographiant mes premières affiches détournées de cette campagne électorale, c’est idiot mais je ne demande pas de plus grande récréation visuelle que celle de quelques affiches arrachées t les formes qu’elles produisent par hasard à la manière des travaux de Raymond Hains et Jacques Villeglé. J’ai aimé échanger quelques messages textuels avec Madeleine qui m’informe qu’elle n’a pas trop mal réussi son épreuve de bac blanc d’histoire géo, non sans redouter un hors sujet, j’ai ironisé avec elle sur le faut que l’on ne pouvait pas être hors sujet en histoire que l’histoire n’avait ni de début ni de fin, cela nous a bien fait rire.

    Et je suis remonté au travail, prendre note de tout cela. J’ai un peu réfléchi à la question du repas de ce soir, je pense que je vais faire une quiche et je me suis fait toute une joie d’aller au concert ce soir aux Instants écouter Phil Minton, qui plus est en duo avec Sophie Agnel.

    Après tout ce n’était peut-être pas que la pause méridienne qui était réussie.

    #qui_ca

  • Comme promis à @intempestive et @reka

    J – 100 : Pour faire une chouette tarte tatin aux poires. Installez sur la platine le disque de Paul Bley (piano) avec John Surman (anches), Gary Peacock (contrebasse) et Toni Oxley (batterie préparée), versez un monticule approximatif de farine, creusez-y un petit puis dans lequel il faut ajouter une quantité approximative de beurre, un peu de seul et un filet d’huile. Mélangez jusqu’à obtenir quelque chose d’à peu près homogène, puis ajoutez un peu d’eau, pétrissez, rajoutez un peu d’eau, pétrissez, répétez l’opération jusqu’à ce que la boule formée transpire, roulez la alors dans la farine, puis la réservez dans un bol au réfrigérateur. Sortez avec votre fils faire le tour du lac des Minimes dans le Bois de Vincennes, prendre une petite centaine de photographies notamment du petit lac gelé, d’abord à contrejour, puis au contraire dans un éclairage très favorable à la fois chaud et rasant de fin de journée. Partagez une boisson chaude avec vos enfants, eux chocolats chauds, vous un thé. Mettez un disque de Bill Evans au Village Vanguard (Scott La Faro à la contrebasse juste avant de mourir dans un accident de moto, Paul Motian, unique rescapé à l’heure actuelle de ce trio, à la batterie), sortez la pâte du réfrigérateur et laissez-la pas très loin de vos prochaines activités près du réchaud, pour qu’elle se réchauffe gentiment. Préparez un caramel dans lequel vous faites fondre un bon morceau de beurre, ce que votre amie Isa appelle un caramel (un peu) cochon, tout est dans le un peu. Beurrez très légèrement les bords du moule à tarte et faites couler le caramel dans le fond du moule, répartissez le uniformément à l’aide d’une maryse, ou, plus difficile et qui demande un peu de sang-froid étant donné la température du caramel, en agitant élégamment le moule dans des mouvements elliptiques et déliés. Pelez les poires entières à l’économe, répartissez les en quartiers, retirez les trognons puis débitez en quatre ou cinq tranches les quartiers et rangez les harmonieusement dans le caramel qui entretemps a figé (nulle crainte dans la chaleur du four, il va refondre). Mettre un autre disque, Axel Dörner (trompette) avec Phil Minton (voix et autres effets produits avec la gorge), farinez votre plan de travail et un rouleau à pâtisserie, et roulez votre pâte avec lenteur. Décollez-la lentement, pliez-la en deux puis en quatre et posez-la sur les poires et dépliez-la, bordez-la en enfonçant bien la pâte contre les bords beurrés du moule, faites un trou au centre qui servira de cheminée d’évacuation, mettez au four à 200 degrés Celsius pendant une quarantaine de minutes, démoulez dans un plat plus grand (foncez chez vos voisins en emprunter un si vous n’aviez pas bien prévu le truc) juste à la sortie du four. Photographiez votre tarte, ratez votre photographie, pas votre tarte.

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/bley_surman_peacock_oxley.mp3

    http://www.desordre.net/musique/evans_vanguard.mp3

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/axel_dorner.mp3

    Et la promenade au bois de Vincennes avec Nathan : http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/images/winter_leaves/index_masque.htm

    #qui_ca

  • Trois labels célèbrent Joëlle Léandre
    http://www.citizenjazz.com/Trois-labels-celebrent-Joelle-Leandre.html

    Il fallait au moins ça !
    Trois labels majeurs, trois maisons de disques françaises, Fou Records, Nato et RogueArt, s’associent pour fêter les 40 ans de carrière de #Joëlle_Léandre en organisant un concert
    le 28 novembre à l’Eglise Saint-Eustache à Paris, en présence de la contrebassiste.
    Elle n’y sera pas seule.
    Le violoniste, altiste américain Mat Maneri (partenaire de Cecil Taylor, Paul Motian, Marilyn Crispell, Craig Taborn, Barre Phillips…), la chanteuse écossaise Maggie Nicols (John Stevens, Johnny Dyani, Keith Tippett, Phil Minton, Robert Wyatt, Dudu Pukwana…) et la tromboniste française Christiane Bopp (Kent Carter, Dominique Pifarély, Hélène Breschand …), qui figure dans le tentet de Joëlle Léandre, la rejoindront.

    Cette soirée sera l’occasion de revenir sur ce parcours émeraude.

    Les places peuvent être pré-achetées en suivant ces liens :
    http://web.roguart.com/shop/album/id/109 (tarif plein à 12 euros)
    http://web.roguart.com/shop/album/id/110 (tarif réduit à 8 euros : étudiants, chômeurs, RSA)

    #whouah #ça_va_être_top !

  • ▶ Phil Minton, The Cutty Wren - YouTube
    https://www.youtube.com/watch?v=7i7zdS7MHp8

    Phil Minton sings the traditional English folk song from the Peasants’ Revolt (1381) which was caused by many grievances, one of which was excessive Poll Tax. The Cutty Wren were the mercenary police whom the peasants fought and occasionally killed. When this happened, the peasants would destroy the evidence as well as stave off hunger and starvation. So the song is about eating policemen.

    #chant #révolte #police