person:pierre bourdieu

  • LES GUERRES DE KARL KRAUS
    http://agone.org/libre/ebook_804.pdf


    Meme pas besoin de comprendre l’Allemand pour s’initier à Kraus. C’est en ligne. Bonne lecture :-)

    En guise d’introduction, Gerald Stieg
    Karl Kraus selon Pär Hallström
    Karl Kraus et la construction de la réalité virtuelle, Edward Timms
    Karl Kraus selon Max Horkheimer
    « La Loi ardente ». Elias Canetti auditeur et lecteur de Karl Kraus, Gerald Stieg
    « Lettre de Georges Canetti à Karl Kraus » (1934)
    Freud « et les conséquences ». Kraus et la psychanalyse,
    ou les enjeux d’une hostilité, Jean-François Laplénie
    Karl Kraus selon Stefan Zweig
    Kraus contre Musil : la guerre du silence, Stéphane Gödicke
    Karl Kraus selon Pierre Bourdieu
    « Apprendre à voir des abîmes là où sont des lieux communs » : le satiriste et la pédagogie de la nation, Jacques Bouveresse
    Karl Kraus selon Oskar Kokoschka, Kurt Tucholsky & Bertolt Brecht
    En traduisant Karl Kraus, Jean-Louis Besson et Heinz Schwarzinger — Pierre Deshusses

    DES DERNIERS JOURS À LA TROISIÈME NUIT

    « L’humanité, la balle lui est entrée par une oreille et ressortie par l’autre... », Karl Kraus, Extrait des Derniers Jours de l’humanité (1919), Traduit de l’allemand par Jean-Louis Besson & Henri Christophe

    « Un savetier de Bohême est plus proche du sens de la vie qu’un
    penseur néo-allemand... », Karl Kraus, Extrait de Troisième nuit de Walpurgis (1933), Traduit de l’allemand par Pierre Deshusses

    FACKELKRAUS, Textes traduits de l’allemand par Pierre Deshusses

    Fac-similé du n° 1 de la Fackel (1899)
    Le Flambeau, début avril 1899, Ire année, n° 1
    Fac-similé du n° 888 de la Fackel (1933)
    Fac-similé du n° 917-922 de la Fackel (1936)
    « L’aventure techno-romantique », mai 1918, XXe année, n° 474-483
    Fac-similé de l’appel à la démission du préfet Schober (1927)
    « Réponse d’une non-sentimentale à Rosa Luxemburg », novembre 1920, n° 554-556

    HISTOIRE RADICALE

    « Archives oubliées d’une résistance obscure à la guerre de trente
    ans du capitalisme mondial au XXe siècle. Introduction aux textes de
    Monatte, Chardon & Prudhommeaux », par Charles Jacquier

    « Pourquoi je démissionne du comité confédéral » par Pierre Monatte

    « Les anarchistes & la guerre : deux attitudes », par Pierre Chardon

    TROIS TEXTES SIGNÉS DU « CAMARADE A. P. », André Prudhommeaux

    « L’ordre règne en Allemagne. Le bilan de douze ans de “bolchevisation” du prolétariat allemand — I. De Max Hölz à Van der Lubbe »

    « La barbarie commence à un. Quand la presse bourgeoise découvre les atrocités hitlériennes »

    « Rudolf Rocker & la position anarchiste devant la guerre »

    Wolkenkuckucksheim
    https://de.wikipedia.org/wiki/Wolkenkuckucksheim

    Karl Kraus verfasste 1923 eine modernere Version von Die Vögel mit dem Titel Wolkenkuckucksheim.

    #Autiche #Allemagne #histoire #littérature #Coucouville_les_Nuées

  • La ruse la raison impérialiste, par Pierre Bourdieu & Loïc Wacquant
    http://www.monde-diplomatique.fr/2000/05/BOURDIEU/2269

    L’impérialisme de la raison néolibérale trouve son accomplissement intellectuel dans deux nouvelles figures exemplaires du producteur culturel. D’abord l’expert, qui prépare, dans l’ombre des coulisses ministérielles ou patronales ou dans le secret des think tanks, des documents à forte teneur technique, couchés autant que possible en langage économique et mathématique. Ensuite, le conseiller en communication du prince, transfuge du monde universitaire passé au service des dominants, dont la mission est de mettre en forme académique les projets politiques de la nouvelle noblesse d’Etat et d’entreprise et dont le modèle planétaire est sans conteste possible le sociologue britannique Anthony Giddens, professeur à l’université de Cambridge récemment placé à la tête de la London School of Economics et père de la « théorie de la structuration », synthèse scolastique de diverses traditions sociologiques et philosophiques.

    #technocratie #langage #communication

    • Comme toutes les mythologies de l’âge de la science, la nouvelle vulgate planétaire s’appuie sur une série d’oppositions et d’équivalences, qui se soutiennent et se répondent, pour dépeindre les transformations contemporaines des sociétés avancées : désengagement économique de l’Etat et renforcement de ses composantes policières et pénales, dérégulation des flux financiers et désencadrement du marché de l’emploi, réduction des protections sociales et célébration moralisatrice de la « responsabilité individuelle » :

  • Le fou qui se prend pour le Président de l’Europe exige un Coup d’Etat en Belgique Par Le concierge du Musée le dimanche 23 octobre 2016, Quatrième nuit de Walpurgis
    http://blog.europa-museum.org/post/2016/10/23/Le-fou-qui-se-prend-pour-le-president-de-l-europe-exige-que-la-b

    La différence entre le fou qui se prend pour Napoléon et le Président de la République, c’est que le Président de la République, tout le monde croit qu’il est le Président de la République Pierre Bourdieu

    Après des mois et des années de protestations populaires contre les accords de libre-échange, sur lesquelles les représentations nationales ou régionales, soumises à leurs exécutifs et à toutes les maladies du parlementarisme de cooptation, se sont magnifiquement assises, deux des 7 Parlements compétents en Belgique, celui de la Wallonie et de la Communauté Française ont mis leur véto à l’accord de libre-échange entre le Canada et l’UE (comme toujours négocié sous la pression des lobbies et hors de tout contrôle démocratique) qui ouvre en outre la voie à la perte de compétences des juridictions nationales dans le domaine des "investissements", privatisation de la justice au profit de Cours d’arbitrages privées, consacrant l’irresponsabilité du big business devant la souveraineté nationale (un projet soutenu également par François Hollande dans le cadre du commerce transfrontalier.)

    On ne peut que s’en féliciter, même s’il y a fort à penser qu’un PS menacé de disparition en Belgique comme ailleurs joue d’abord sa propre survie. Et que porter au pinacle une élite politique de remplacement, incarnée par Paul Magnette, sortie directement du sérail (il y a d’autres exemples dans d’autres pays !), c’est se préparer des lendemains qui déchantent, lorsque les politiciens professionnels lâcheront tout ce qu’il reste encore à lâcher en prétendant faire le contraire (l’exemple de la Grèce est sous nos yeux) après avoir relégitimé d’anciens appareils en pleine décadence. Tout simplement parce qu’on les aura crus...

    Mais pour l’heure, c’est la réaction du fou qui se prend pour le Président de l’Europe (successeur de Van Rompuy, lire La boule à neige de l’Europe qui doit retenir l’attention. En adressant un "ultimatum" à la Belgique, celui-ci lui demande tout simplement de violer sa Constitution et de mater le Parlement Wallon, ce qui ne serait rien d’autre qu’un coup d’État. Or les coups d’État se succèdent en Europe. Les derniers ont eu lieu en Grèce, un pays transformé en protectorat des "Institutions" qui n’a même plus de parlementarisme formel, violant systématiquement sa Constitution et même son propre règlement parlementaire. A Chypre, il en va de même.

    En France, les politiciens les plus arrivistes veulent en finir avec l’État de droit, dont on se demande si les Parlementaires comprennent seulement ce que c’est (il faut dire que la zone de non-droit du travail que constitue le Parlement fournit une première indication...). Et Le Premier Ministre, Valls, a lui-même fait l’éloge du nouveau système politique grec (abolition des droits du Parlement).

    Dans un éclair tardif de lucidité (débouchant sur des préconisations tout à l’inverse de ses analyses, ce qui semble être sa marque de fabrique) Alain Lipietz y voyait l’ombre de la pensée juridique de Karl Schmidt. Et il est très clairement avancé que les Constitutions, pour ne pas être violées, doivent tout simplement être adaptées aux exigences des investisseurs. Ce que Noam Chomsky résumait en ces termes, un présent déjà là qui ne demande qu’à être gravé dans le marbre : Un « parlement virtuel » d’investisseurs et de bailleurs, qui « organise en permanence des référendums ».

    L’ultimatum de Donald Tusk, les propos de Valls et des autres, sont des déclarations de purs factieux. La destruction du peu de souveraineté d’un petit État européen comme la Grèce et le sociocide en résultant sont des actes de guerre. Des actes de guerre qui nous rapprochent de guerres internes à nos sociétés (basées sur la solidarité "nationale" territorialisée QUI EST la sécurité sociale) mais aussi de guerres entre sociétés. Car théoriquement les Parlements décident aussi de la guerre et pourraient s’y opposer, particulièrement assiégés par la population, par exemple la guerre qui se déroule entre l’OTAN et la Russie, en Syrie et en Ukraine, en attendant de s’étendre.
    Ces factieux doivent quitter la scène immédiatement car ils violent la souveraineté populaire de façon extraordinaire et non pas, comme on le vit tous les jours hélas !, ordinaire.
    Le Concierge

    _ NDR : Voir l’article original, afin de pouvoir accéder aux liens des références _
    #Donald_Tusk #CETA #valls #hollande #union_européenne #Démocratie #Belgique #Canada #UE #France #UEF #UEF_France #AECG #TTIP

  • Racisme de l’intelligence, par Pierre Bourdieu
    https://www.monde-diplomatique.fr/2004/04/BOURDIEU/11113 #st

    Il faut avoir à l’esprit qu’il n’y a pas un #racisme, mais des racismes : il y a autant de racismes qu’il y a de groupes qui ont besoin de se justifier d’exister comme ils existent, ce qui constitue la fonction invariante des racismes. Il me semble très important de porter l’analyse sur les formes du racisme qui sont sans doute les plus subtiles, les plus méconnaissables, donc les plus rarement dénoncées, peut-être parce que les dénonciateurs ordinaires du racisme possèdent certaines des propriétés qui inclinent à cette forme de racisme. Je pense au racisme de l’#intelligence.

    Le racisme de l’intelligence est un racisme de classe dominante qui se distingue par une foule de propriétés de ce que l’on désigne habituellement comme racisme, c’est-à-dire le racisme petit-bourgeois qui est l’objectif central de la plupart des critiques classiques du racisme, à commencer par les plus vigoureuses, comme celle de Sartre.

    Ce racisme est propre à une classe dominante dont la reproduction dépend, pour une part, de la transmission du capital culturel, capital hérité qui a pour propriété d’être un capital incorporé, donc apparemment naturel, inné. Le racisme de l’intelligence est ce par quoi les dominants visent à produire une « théodicée de leur propre privilège », comme dit Weber, c’est-à-dire une justification de l’ordre social qu’ils dominent. Il est ce qui fait que les dominants se sentent d’une essence supérieure.

    Tout racisme est un #essentialisme et le racisme de l’intelligence est la forme de sociodicée caractéristique d’une classe dominante dont le pouvoir repose en partie sur la possession de titres qui, comme les titres scolaires, sont censés être des garanties d’intelligence et qui ont pris la place, dans beaucoup de sociétés, et pour l’accès même aux positions de pouvoir économique, des titres anciens comme les titres de propriété et les titres de noblesse.

    http://zinc.mondediplo.net/messages/39749 via Le Monde diplomatique

  • Rhétorique réactionnaire. Incitation à la bêtise. Sur « l’excuse sociologique », par Gérard Mauger
    http://www.cairn.info/revue-savoir-agir-2016-1-page-133.htm

    Mais l’explication sociologique est-elle aussi déterministe que celle de la biologie ? En d’autres termes, peut-elle exempter le criminel de la responsabilité de son crime, comme la science médicale exonère le malade de celle de sa maladie ? Peut-on considérer que le genre de déterminations que s’efforce de mettre en évidence la sociologie puisse valoir comme « excuse sociologique » ?

    [...]

    Si l’explication sociologique est évidemment perfectible, elle contribue néanmoins à invalider la croyance au « libre choix de la délinquance ». On peut alors se demander si ce parti pris scientifique (ou explicatif) affranchit le sociologue de tout jugement normatif. La recherche désintéressée de la vérité est-elle possible dans la pratique du métier de sociologue ?
    L’impossible « neutralité axiologique »
    L’invitation wébérienne à la « neutralité axiologique » est-elle possible ? Le sociologue peut-il vraiment « considérer les fait sociaux comme des choses » ? Ou ne s’agit-il là que de leurres imposés par la bienséance académique ? La pratique du métier de sociologue montre à l’évidence que la neutralité axiologique est pratiquement intenable. 1°) Ayant pour objet le monde social, le sociologue, qu’il le veuille ou non, est partie prenante des luttes qui ont pour objet le monopole de la représentation légitime du monde social où s’opposent tous ceux – politiques, journalistes, sociologues, etc. – qui tentent d’imposer leur point de vue. 2°) Appartenant au monde social qu’il étudie, le sociologue a nécessairement une représentation préalable, plus ou moins normative, de l’objet qu’il étudie (dans le cas présent, les délinquants, les djihadistes) : il peut, au mieux, tenter de suspendre son point de vue. En fait, cette représentation initiale et les intérêts politiques ou éthiques qui en sont solidaires décident du choix d’objet. Et c’est dans la mesure où ce rapport initial à l’objet, qui préside à son élection, oriente le regard, qu’il s’agit de l’objectiver pour tenter d’en contrôler les effets. 3°) Le sociologue ayant affaire à un objet qui parle, l’expérience, le point de vue, le vécu de ses enquêtés font partie de son objet (même s’il ne s’y réduit pas). Mais l’essai de compréhension n’implique pas plus une neutralité fictive du sociologue que le devoir d’endosser « la cause » de ses enquêtés, ni d’ailleurs l’interdiction de le faire. Quoi qu’il en soit, si contrôlé soit-il, le rapport initial du sociologue à son objet n’est évidemment pas sans effets dans la pratique de l’enquête. Dans l’adresse « Au lecteur » de La Misère du monde, Pierre Bourdieu invite à « prendre les gens comme ils sont », à « les appréhender comme nécessaires, à [les] nécessiter, en les rapportant méthodiquement aux causes et aux raisons d’être ce qu’ils sont », et, dans cette perspective, à « se situer en pensée » à la place qu’ils occupent dans l’espace social en faisant sien le principe spinoziste : « ne pas rire, ne pas pleurer, ne pas détester mais comprendre ». Si cet appel à « prendre les gens comme ils sont » ne soulève pas de difficultés particulières quand le chercheur éprouve une forme de sympathie à l’égard du groupe qu’il étudie, l’empathie que suppose la compréhension est d’autant plus problématique que l’aversion du sociologue à l’égard de ses enquêtés est plus grande. Dans les deux cas, l’impossible neutralité axiologique du sociologue porte à conséquences. La sympathie l’expose à se voir enrôlé dans le groupe qu’il étudie, à se convertir à « la cause » de l’objet étudié et à la créditer d’une forme de légitimité, le plus souvent en habilitant scientifiquement le point de vue des enquêtés ou de leur porte-parole. À l’inverse, l’antipathie sinon l’aversion du sociologue risquent de le rendre aveugle et sourd au point de vue des enquêtés. Dans les deux cas, ses efforts d’empathie, heureux ou malheureux, l’exposent à deux formes de renoncement à la sociologie : l’alignement sur le discours des enquêtés ou la substitution ethnocentrique de son propre discours à celui des enquê- tés (en toute méconnaissance de leur point de vue). De façon générale, la conversion des intérêts politiques ou éthiques initiaux en intérêt scientifique implique une tension inévitable et plus ou moins déséquilibrée entre engagement et distanciation. Mais, plutôt que de se réclamer d’une neutralité axiologique illusoire, il s’agit d’objectiver autant que faire se peut le rapport du chercheur à son objet de recherche, d’expliciter les références normatives qui guident les sympathies/antipathies du sociologue et tenter d’éviter ainsi le genre de sociologie qui en dit plus long sur le sociologue que sur son objet. 4°) On peut enfin se demander si la pratique de l’enquête et la recherche d’explications sociologiques n’influencent pas le jugement moral du sociologue sinon sur la délinquance ou le djihad, du moins sur les délinquants et les djihadistes. Tenter de rendre raison des trajectoires qui conduisent à ce type de pratiques ou à s’engager dans telle ou telle « cause », les « nécessiter » comme dit Bourdieu, infléchit, me semble-t-il, le regard porté sur elles. Si, comme le note Bernard Lahire, « juger (et punir) n’interdit pas de comprendre » (p. 37), on peut aussi se demander si « l’explication-compréhension » sociologique n’infléchit pas le jugement. Dans la mesure où une pratique réflexive de l’enquête sociologique substitue aux repré- sentations spontanées une représentation mieux informée et contrô- lée, soumet les préjugés à l’examen, contribue à rendre intelligibles des pratiques a priori incompréhensibles et parvient, au moins dans certains cas, à les « nécessiter », on peut supposer qu’elle infléchit le jugement moral porté, sinon sur les pratiques (qu’il s’agisse de délinquance ou d’attentats terroristes), du moins sur les agents. De ce point de vue, le travail sociologique s’apparente à celui des juges d’instruction ou des avocats de la défense qui, selon Bernard Lahire, « cherchent, au-delà de l’établissement des faits, à rendre raison des actes commis et à mettre en lumière la personnalité et les contextes de vie des inculpés » (p. 113). Et s’il est vrai, comme le note Bernard Lahire, que « même la justice ne peut se satisfaire pleinement des visions abstraites de l’Homme libre et maître de son destin » (p. 114) et que l’enquête de personnalité peut valoir des circonstances atténuantes, on voit mal pourquoi ce qui est accordé à l’explication psychologique ne vaudrait pas également pour l’explication sociologique.

    #sociologie_de_l’excuse #explication #compréhension #SHS #Epistémologie #Neutralité_axiologique #Engagement #Distanciation

  • Siné (1928-2016) et l’Inquisition
    http://www.monde-diplomatique.fr/2008/08/RIMBERT/16178 #st

    Cette fois ça n’a pas marché. Depuis le début des années 1990, on ne comptait plus les adversaires de l’impérialisme, du néolibéralisme, des médias dominants, etc., qualifiés d’antisémites, voire de « nazis (1)  » par quelque gardien de l’ordre social. Le prétexte pouvait être léger, inexistant même. Qu’importe : écrasé par la gravité de l’imputation, l’accusé devait aussitôt exciper de ses états de service antiracistes, évoquer la liste de ses amis et parents promptement transformés en cautions de moralité, autopsier un trait d’humour plus ou moins réussi.

    Rien n’y faisait. Car seul le tribunal de l’Inquisition et ses juges inamovibles (Alain Finkielkraut, Ivan Rioufol, Alexandre Adler, Philippe Val, Bernard-Henri Lévy…) avaient la permission de manier l’irrespect, la provocation, de frôler (ou de franchir) la ligne jaune de la stigmatisation collective. Eux pouvaient justifier — au nom de Voltaire et du droit à la caricature — leurs dérapages sur, par exemple, la couleur des joueurs de l’équipe de France ou l’assimilation de l’islam au terrorisme.

    Torquemada n’avait rien à redouter. Quadrillant les médias, il déployait les techniques décrites dans Le Barbier de Séville« Puis tout à coup, on ne sait comment, vous voyez la calomnie se dresser, siffler, s’enfler, grandir à vue d’œil ; elle s’élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient, grâce au Ciel, un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription. » A une différence près : le « on ne sait comment » de Beaumarchais était dépassé puisque nul n’ignorait à cause de qui Edgar Morin, Pierre Péan et Philippe Cohen, Daniel Mermet, Hugo Chávez, Pascal Boniface, Jacques Bouveresse, Charles Enderlin, Pierre Bourdieu, José Bové... sans oublier Le Monde diplomatique, ont été suspectés ou accusés d’antisémitisme.

    En juillet dernier, un journal qui se voulut autrefois « bête et méchant » — et qui s’ingénie sur ce point à passer du second degré au premier — a entrepris d’ajouter à la liste le caricaturiste Siné. Torquemada, cette fois incarné par Val, est l’employeur du contrevenant. Il lui a fallu une semaine pour décréter que l’une des chroniques de Siné publiée, avec son imprimatur, dans Charlie Hebdo était… antisémite. L’accusation, fantaisiste, visait-elle à se débarrasser d’un gêneur, comme le pensent à la fois l’auteur du « délit » et d’autres caricaturistes (Martin, Lefred-Thouron, Plantu, Willem, Tignous, Pétillon) ? Récalcitrant, le prévenu a refusé de signer la lettre d’aveux que le patron du journal, s’inspirant pour le coup d’une tradition assez peu satirique, avait rédigée pour lui. Il a été congédié. L’affaire aurait pu en rester là, et Siné demeurer au banc d’infamie, lâché par la plupart de ses anciens camarades, sa photo bientôt gommée des albums commémoratifs.

    Seulement, cette fois, la manœuvre semble se retourner contre ses instigateurs. En marquant leur solidarité avec le dessinateur calomnié, des milliers de personnalités, d’intellectuels, de journalistes et d’anonymes ont signifié que ce manège devait cesser. Et que l’imputation d’antisémitisme, ce « mot qui tue » du débat intellectuel français, ne saurait être utilisée comme argument de convenance pour discréditer un adversaire trop remuant.

    http://zinc.mondediplo.net/messages/25767 via Le Monde diplomatique

  • Un texte de 2005, mais que je recense pour archivage...
    La #mondialisation de l’(in)sécurité ?

    Cet article se propose de discuter les prémisses sur lesquelles repose une certaine vision de l’#insécurité globale – conséquence « naturelle » des attentats ayant frappé les Etats-Unis, l’Australie, la Turquie, l’Espagne et tout récemment le Royaume-Uni – et le corollaire d’une solution efficace unique : la mondialisation des professionnels de la #sécurité et leur collaboration contre la barbarie. Prenant appui sur les travaux de Pierre Bourdieu et de Michel Foucault, l’auteur se propose de comprendre quand et comment s’est développé ce discours sur la « mondialisation de la sécurité » à travers les notions de champ des professionnels de la gestion des #inquiétudes, et de transnationalisation des processus d’(in)sécurisation. Une attention particulière est portée sur la manière dont ces processus sont liés aux transformations de la #violence_politique mais aussi au développement européen et transatlantique des appareils policiers, militaires, de #renseignement, à leur structuration en un champ professionnel, et à leurs effets sur nos sociétés du risque, du doute, de l’incertitude.


    https://conflits.revues.org/1813

  • Nuit debout : le participant type, un trentenaire diplômé et souvent au chômage - Le Point
    http://www.lepoint.fr/societe/nuit-debout-le-participant-type-un-trentenaire-diplome-et-souvent-au-chomage

    Le collectif Sciences sociales debout s’est donné pour objectif d’« améliorer la compréhension » du mouvement, tout en combattant ce qu’il qualifie de « campagne médiatique injuste contre Nuit debout ».
    [...]
    Après avoir exploité 328 questionnaires, ils ont par exemple établi que la moyenne d’âge de Nuit debout était de 36 ans, avec de fortes variations selon les horaires, et que la population de République était « aux deux tiers masculine ». Les chercheurs ont noté par ailleurs que les participants venaient à 90 % de la région parisienne et que, sur cette proportion, 63 % étaient de Paris même, avec une surreprésentation des arrondissements de l’Est parisien, « plus ancrés à gauche ».
    [...]
    Enfin, notent les chercheurs, « les horizons politiques se situent presque toujours à gauche ». Les références évoquées par les participants se révèlent hétéroclites : Pierre Bourdieu, le film Merci patron !, Trotsky et Marx, mais aussi Mère Teresa, Coluche, Bob Marley ou encore Gérard Depardieu. Soit, au final, des publics « plus variés qu’il n’y paraît »

    #Nuit_debout

  • A Nuit debout, une majorité d’hommes, diplômés et Parisiens
    http://www.leparisien.fr/societe/a-nuit-debout-une-majorite-d-hommes-diplomes-et-parisiens-08-05-2016-5777

    le portrait robot du participant à Nuit debout esquissé par ces recherches est celui d’un trentenaire plus diplômé que la moyenne. Plus souvent au chômage que la moyenne également, il vient très majoritairement de la région parisienne.

    Après avoir exploité 328 questionnaires, « Sciences sociales debout », qui entend combattre ce qu’il qualifie de « campagne médiatique injuste contre Nuit debout », a par exemple établi que la population présente place de la République était « aux deux tiers masculine ». La moyenne d’âge y était de 36 ans. Selon les horaires, il existe néanmoins de fortes variations.

    Les enquêteurs ont aussi distingué trois « formes de présence » : les nouveaux venus, celles et ceux qui « passent régulièrement », et enfin les participants presque permanents, qui viennent quotidiennement. Ce noyau dur représente 15% des sondés.

  • Les Editions de Minuit à travers une collection d’entretiens
    http://www.franceculture.fr/litterature/histoires-d-editeurs-paroles-d-auteurs-les-editions-de-minuit-travers-

    Pierre Bourdieu, Alain Robbe-Grillet, Jean-Philippe Toussaint, Michel Butor... autant d’auteurs phare des Editions de minuit, dont le travail est intimement lié au parcours dans la maison de Jérôme Lindon. Redécouvrez l’intégralité de leurs entretiens « A voix nue » sur France Culture. Source : France Culture

  • Pierre Bourdieu, l’intégrale en cinq entretiens (1988)
    http://www.franceculture.fr/dossiers/pierre-bourdieu-l-integrale-en-cinq-entretiens-1988

    En 1988, Roger Chartier recevait Pierre Bourdieu dans l’émission « A voix nue » sur France Culture.

    ““““““““““““““““““““““““““““““““““
    Pierre Bourdieu : "La vérité sociologique a une telle violence qu’elle fait souffrir"
    http://www.franceculture.fr/sociologie/pierre-bourdieu-la-verite-sociologique-une-telle-violence-qu-elle-fait

    Premier épisode de la série "A voix nue" consacrée à Pierre Bourdieu sur France Culture en 1988. Pierre Bourdieu détaille les conditions selon lesquelles la sociologie peut être considérée comme une science véritable.

    Dans ce premier volet de la série "A voix nue" enregistré en 1988, Pierre Bourdieu se dit constamment attaqué à titre personnel comme sociologue : "La vérité sociologique, enfin je mets « vérité » avec des guillemets, la « vérité » sociologique a une telle violence qu’elle blesse, enfin, elle fait souffrir. Et du même coup les gens se libèrent de cette souffrance en la re-projetant sur celui qui, apparemment, la cause."

    Le sociologue, qui dit vouloir "écailler quelques lieux communs", donne dans cet entretien des exemples des nombreux malentendus qui accompagnent la réception de cette jeune science qu’est la sociologie.

    ““““““““““““““““““
    Pierre Bourdieu : "Nous naissons déterminés et nous avons une petite chance de devenir libres"
    http://www.franceculture.fr/sociologie/pierre-bourdieu-nous-naissons-determines-et-nous-avons-une-petite-chan

    Dans ce deuxième entretien de la série « A voix nue » enregistré en 1988, Pierre Bourdieu compare le sociologue à Socrate, qui descendait dans la rue pour poser des questions et faisait de véritables enquêtes auprès de ses concitoyens. Socrate interrogeait, mais il ne prenait pas non plus les réponses pour argent comptant. Le travail du sociologue consiste à construire des outils spécifiques pour faire advenir plus de transparence dans le champ social. L’élaboration de la vérité se fait à partir d’observations des comportements, des discours et des écrits.

    “““““““““““““““““““““““““““““
    Pierre Bourdieu : "S’il y a quelque chose qui est éternel, c’est les faux problèmes"
    http://www.franceculture.fr/sociologie/pierre-bourdieu-s-il-y-quelque-chose-qui-est-eternel-c-est-les-faux-pr

    Dans ce troisième entretien de la série « A voix nue » enregistré en 1988, Pierre Bourdieu dénombre les difficultés rencontrées par la réception de la sociologie., « difficile parce que nous croyons tous être sociologues ». Il rapproche cette observation de l’illusion de la compréhension immédiate, dénoncée par Emile Durkheim. En effet, chaque individu peut avoir un point de vue sur l’espace social auquel il appartient. Mais il faut étudier les faits vécus par l’individu comme des choses, et faire preuve d’objectivisme - « Par exemple un sociologue qui étudie un système d’éducation, ne se comporte pas du tout comme un père de famille qui cherche le meilleur établissement d’enseignement supérieur pour son fils. » Le sociologue prétend à des schèmes d’interrogations universels et forge ses propres outils scientifiques.

    ““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““
    Pierre Bourdieu : "L’habitus, ce n’est pas le destin, le fatum"
    http://www.franceculture.fr/sociologie/pierre-bourdieu-l-habitus-ce-n-est-pas-le-destin-le-fatum

    Dans ce quatrième entretien de la série "A voix nue" enregistré en 1988, Pierre Bourdieu explique la genèse des structures mentales chez les individus biologiques. Les individus ne sont pas des esprits instantanés : leurs mentalités sont formées à la fois d’un milieu individuel familial et surtout d’un environnement social collectif, l’ "habitus" : "Selon l’habitus que j’ai, je verrai ou je ne verrai pas certaines choses dans la même situation et voyant ou ne voyant pas cette chose, je serai incité par mon habitus à faire ou à ne pas faire certaines choses. Par exemple, entre un travail ennuyeux et bien payé, et un travail intéressant et mal payé, « si je suis fils de professeur, il y a des chances que je choisisse un métier plutôt intéressant et mal payé."

    “““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““
    Pierre Bourdieu : "Il faut avoir du culot pour résister à l’excommunication"
    http://www.franceculture.fr/sociologie/pierre-bourdieu-il-faut-avoir-du-culot-pour-resister-l-excommunication

    Dans ce cinquième entretien de la série « A voix nue » enregistré en 1988, Pierre Bourdieu aborde le destin le peintre Manet, le premier artiste selon lui à « lancer un défi aux institutions et à sauter dans le vide ». « Si Manet ne respecte pas l’institution, va-t-il cesser d’exister ? », interroge le sociologue. Cette démarche du peintre marque la rupture avec l’art académique et le commencement de l’art moderne. Il s’en est suivi des affrontements pour la légitimé, quand celle-ci n’a plus été garantie par l’Académie. Des affrontements que l’on retrouve encore aujourd’hui dans le domaine des sciences et de la sociologie. Il rend hommage à Flaubert,"le premier des sociologues", qui a « expectoré » son expérience du monde social, mais avec le beau style en plus.

  • Pour celles et ceux qui s’intéressent au très en vogue réalisme contemporain en philosophie, une conférence toute fraîche de Meillassoux sur le signe creux ou signe dépourvu de sens :
    https://www.youtube.com/watch?v=Ic8h23MNVWU

    Cartésiens et badiousiens bienvenus, phénoménologues et derridéens s’abstenir. Sémioticiens courir loin très très loin et pleurer beaucoup en latin.

    #Meillassoux #réalisme_spéculatif #sémiotique #philo #signes_creux

    • Juste pour préciser un peu le caractère anti-derridéen du modèle de Meillassoux (disjonction dans le signe de l’itérabilité et de la répétition), une citation de Butler en passant : "Tandis que Pierre Bourdieu souligne la dimension rituelle des conventions qui sous-tendent l’acte de discours chez Austin, Derrida substitue au terme de rituel celui d’"itérabilité", établissant ainsi une explication structurelle de la répétition au lieu d’une conception plus sémantique du rituel social." (Le pouvoir des mots p. 253).
      Ca fait mal à la différance.
      #performatif

  • La professionnalisation des politiques, un verrou français, par Anne Chemin (« Le Monde », 10/03/2015)
    http://lemonde.fr/idees/article/2016/03/10/la-professionnalisation-des-politiques-un-verrou-francais_4880673_3232.html

    ft. Rémi Lefebvre : http://www.monde-diplomatique.fr/2009/10/LEFEBVRE/18193

    En ce jour d’automne 2015, Florent Hérouard affiche une barbe naissante et un sweat-shirt à capuche qui tranchent avec l’allure traditionnelle des hommes politiques. Invité de France Bleu Normandie, ce géographe qui a inventé un système d’attache pour les skateboards est tête de liste aux élections régionales dans le Calvados. Une position qu’il n’a pas conquise au terme d’un long parcours au sein des instances dirigeantes de son parti  : comme tous les candidats de Nouvelle donne, le mouvement de Pierre Larrouturou, Florent ­Hérouard a été désigné au terme d’un tirage au sort. Il est, affirme-t-il avec fierté, un «  candidat-citoyen  » qui rêve de «  faire de la politique autrement  ».

    Autrement  ? Comme un amateur éclairé qui croit en la chose publique sans vouloir pour autant en faire son métier. Une idée que les grands partis considèrent souvent avec un brin de condescendance, comme si elle relevait de l’aimable folklore de la ­démocratie participative. La contribution des profanes à la démocratie est pourtant une idée très ­ancienne  : dans l’Antiquité, les Grecs pratiquaient le tirage au sort et la rotation rapide des mandats afin, justement, de favoriser «  l’autogouvernement de tous par tous, chacun étant à tour de rôle gouvernant et gouverné  », souligne le politiste Yves Sintomer dans un texte publié en 2012 sur le site La Vie des idées.

    Cet usage a survécu dans la justice – les jurés d’assises sont, aujourd’hui encore, tirés au sort –, mais il a ­disparu dans le monde politique  : depuis le début du XXe siècle, et surtout depuis l’avènement de la ­Ve Répu­blique, la démocratie française est entrée dans l’ère de la professionnalisation. «  Aujourd’hui, la politique est un métier, constate Bruno Cautrès, chercheur CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences Po, le Cevipof. Les hommes politiques construisent des carrières longues  : ils occupent tour à tour des fonctions électives, des postes dans la haute fonction publique ou dans des cabinets, des responsabilités dans l’appareil des partis – et ce, parfois, pendant toute une vie. Le temps des néophytes issus de la société civile est terminé.  »

    Les chiffres sont sans ambiguïté  : à l’Assemblée ­nationale, l’entrée «  directe  » de citoyens dénués ­d’expérience politique est en voie de disparition. «  Les trajectoires menant au Palais-Bourbon impliquent un ­investissement professionnel précoce dans la politique et la détention préalable de plusieurs postes de pouvoir, ce qui implique un savoir-faire  », explique Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS (Cevipof), dans une étude sur le profil des députés élus en 2012. Un tiers des députés socialistes ont ainsi «  fait leurs premières armes au sein du PS, très souvent comme ­assistants parlementaires ou membres de cabinets municipaux ou régionaux  », poursuit-il, en soulignant une ­ «  certaine professionnalisation des députés  ».

    Des parcours qui se ressemblent

    Luc Rouban observe une même tendance chez les élus ­locaux des zones urbaines. «  La proportion d’hommes et de femmes d’appareil qui proviennent des entourages locaux (cabinets de maires, collaborateurs de conseils généraux ou régionaux ou d’intercommunalités) continue d’augmenter allègrement pour représenter, en 2014, le quart de tous les maires, constate-t-il dans une étude sur les villes de plus de 30 000 habitants. A cela, il faut ajouter la part croissante prise par les professions politiques dans lesquelles ont été ­intégrés les assistants parlementaires ou les collaborateurs d’élus au niveau national.  » Sa conclusion est sans appel  : «  La décentralisation a créé, en vingt-cinq ans, une élite ­urbaine fermée, professionnalisée et notabiliaire, qui a ­concentré le pouvoir local en accumulant les ressources ­partisanes et sociales.  »

    Avec la professionnalisation, les parcours des hommes politiques de ce début de XXIe siècle se ressemblent de plus en plus. «  Ils militent dans une organisation de jeunesse, ils intègrent un institut de sciences politiques, d’économie ou de droit, ils deviennent assistants d’élus, ils sont membres d’un cabinet, ils briguent un mandat, explique Rémi ­Lefebvre, professeur de sciences politiques à l’université Lille-II. C’est comme cela qu’ils apprennent les ficelles du métier – la capacité à faire campagne, à diviser ses adversaires et à acquérir le sens pratique dont parle Pierre Bourdieu. Le stade ultime de la professionnalisation, c’est l’absence ­totale de passage par une vie professionnelle autre que la politique. Ce phénomène touche tous les partis, à droite comme à gauche – y compris le Front national.  » Au risque, parfois, de créer un monde à part.

    Beaucoup de Français semblent en effet se lasser de cet «   #entre-soi professionnalisé  », selon le mot de Rémi ­Lefebvre. Sondage après sondage, ils plaident pour un ­renouvellement du personnel politique. Le spectre de la répétition du duel Hollande-Sarkozy de 2012 à la présidentielle de 2017  ? Le retour en fanfare de l’ancien secrétaire général de l’UMP, Jean-François Copé  ? La publication du nouveau livre de François Fillon, qui a commencé sa carrière politique comme assistant parlementaire, en 1976  ? Beaucoup de Français ont le sentiment que la vie politique fonctionne en vase clos. Une situation qui fait dire à l’humoriste de France Inter Charline Vanhoenacker qu’«  il y a autant de renouvellement dans la classe politique française que chez les invités de Michel Drucker  »

    Les partis, des « machines »

    Si la professionnalisation est aujourd’hui très marquée, elle ne date pas d’hier  : dès le lendemain de la Grande Guerre, le sociologue allemand Max Weber l’évoque dans une conférence prononcée en 1919 à Munich, «  Politik als beruf  » (la politique comme métier). Il définit alors les professionnels de la politique comme ceux qui vivent «  pour  » et «  de  » la politique. En ce début de XXe siècle, Max Weber ­insiste sur la fin de la domination des notables et l’importance croissante des partis, ces «  immenses appareils  » que les pays anglo-saxons surnomment des «  machines  ». L’élément «  décisif et nouveau  », souligne-t-il, est le fait que les professionnels de la politique que sont les responsables de l’organisation sont désormais à même «  d’imposer dans une mesure assez considérable leur propre volonté  ».

    En France, le mouvement s’amorce au début du XXe siècle. «  Jusqu’à la fin du XIXe, les dirigeants des institutions de l’Etat étaient souvent issus des cercles de notables, analyse le politiste Daniel Gaxie dans un article publié en 2001 dans la revue Mouvements. Ils ne vivaient pas que “pour” la politique puisque leur rang social leur commandait de se prêter à d’autres activités honorifiques et ils ne vivaient pas que “de”la politique puisqu’ils exerçaient souvent leurs fonctions à titre bénévole et que leur fortune leur permettait de vivre sans en attendre de revenus. L’activité politique ­professionnelle apparaît progressivement avec les premiers partis politiques, l’ascension politique d’hommes moins ­fortunés, en particulier dans le mouvement ouvrier, l’instauration d’indemnités versées aux élus et l’élargissement des interventions de l’Etat.  »

    #Expertise et engagement

    Ce mouvement de #professionnalisation s’accentue après la seconde guerre mondiale, et surtout sous la Ve République. «  A la fin des années 1970, on voit apparaître le professionnel de la #politique tel que nous le concevons aujourd’hui, explique Luc Rouban. Son parcours mêle expertise et engagement  : c’est, par exemple, le ­conseiller d’un ministre qui brigue un mandat local avant de repartir dans la haute fonction publique ou un responsable de parti qui s’engage dans un cabinet avant de devenir maire.  » A partir des années 1980, cette évolution est renforcée par la décentralisation. Les maires, les conseillers généraux et les conseillers régionaux, poursuit Luc ­Rouban, «  cessent d’être des amateurs éclairés ou des ­notables qui transmettaient leur mandat à leur fils pour ­devenir de vrais professionnels  ».

    Aujourd’hui, résumait Daniel Gaxie en 2001, la politique est devenue une «  activité différenciée, spécialisée, permanente et rémunérée  ». Faut-il s’inquiéter de cette évolution qui marque, après tout, la fin d’une ère bien peu démocratique, celle des notables  ? Dans un monde où la mise en œuvre des politiques publiques requiert de plus en plus de compétences, n’est-il pas sage de confier leur conception à des professionnels aguerris de la chose publique  ? Ne faudrait-il pas se féliciter que des personnels compétents passent des décennies à apprendre les rouages de l’action ­publique  ? Ne serait-ce pas, par ailleurs, la pente naturelle d’une société qui plaide constamment en faveur de l’élévation du niveau de qualification dans le monde du travail  ?

    «  La compétence est une forme de dépolitisation  »

    Tout dépend, répond Luc Rouban, de la conception que l’on a de la démocratie représentative. «  Si l’on considère que les élus sont censés porter la voix de leurs électeurs et représenter leurs intérêts, la professionnalisation est évidemment un problème. Si l’on considère en revanche que les élus sont de simples mandataires auxquels les citoyens ­confient leurs pouvoirs pendant un certain temps afin qu’ils prennent les décisions à leur place, on favorise naturellement l’émergence d’une classe d’experts. Dans cette conception libérale, le citoyen délègue sa parcelle de souveraineté  : il considère qu’il y a des professionnels pour gérer l’action ­publique et il les juge au résultat. Les universitaires américains John Hibbing et Elizabeth Theiss-Morse ont inventé un mot pour désigner ce système  : la démocratie “furtive”.  »

    Tout, cependant, n’est pas toujours rose dans le monde de la démocratie «  furtive  ». Ne serait-ce que parce que les fameuses compétences dont se réclament les hommes politiques peuvent masquer, voire effacer les clivages politiques. «  La compétence est souvent une forme de dépolitisation, estime Rémi Lefebvre. En intégrant les paramètres technocratiques, en réduisant la politique à un problème technique, le débat politique perd de vue les grands choix, les alternatives. Il est évidemment illusoire d’évacuer toute logique d’expertise des politiques publiques, mais le risque, c’est qu’elle ait la prétention de dire une forme de vérité, qu’elle ferme les possibles. La logique de l’expertise a dévoré la politique française comme elle a dévoré la construction européenne.  »

    En créant un monde à part, la professionnalisation a en outre l’inconvénient de renforcer les logiques «  corporatistes  ». «  Les sciences sociales ont souligné de longue date que la division du travail, la différenciation, la spécialisation et la professionnalisation favorisent l’apparition d’intérêts particuliers dans les nouveaux univers sociaux qu’elles constituent, constate Daniel Gaxie dans Mouvements. (…) En tant que professionnel, l’homme politique a des intérêts propres qu’il est tenté de privilégier. On pense bien sûr au souci des élites de conserver leur place dans l’univers politique, d’être réélus, de progresser dans le cursus honorum ou d’améliorer leur popularité. Plus largement, le milieu politique est le plus souvent tout entier affairé autour des enjeux spécifiques qui le structurent  » – les alliances, les candidatures, les remaniements…

    Enfin, en transformant un mandat de quelques années en un métier que l’on exerce parfois pendant toute une vie, la professionnalisation nourrit une très forte longévité politique – des carrières interminables, des candidatures à répétition, des come-back sans fin. «  La longévité est déjà une tendance forte de la démocratie car en France, le coût d’entrée dans la vie politique est très élevé, poursuit Rémi Lefebvre. Pour obtenir un mandat, il faut être patient, renoncer à sa vie personnelle et faire énormément de sacrifices. Lorsque le seuil de la professionnalisation est franchi, l’élu cherche donc à se maintenir dans le jeu le plus longtemps possible. Les mandats sont à durée limitée mais ­l’engagement politique est souvent appréhendé dans une forme d’irréversibilité.  »

    Le cumul des mandats, mère de toutes les batailles

    La professionnalisation renforce jusqu’à la caricature ce trait de la culture française – en posant, du même coup, des problèmes de légitimité démocratique. Comment, dans un monde aussi figé, accueillir les nouveaux venus de la scène politique que sont les femmes et les représentants de la ­diversité  ? Les portes du monde politique ont en effet un mal fou à s’entrouvrir  : malgré l’inscription, en 1999, du principe de parité dans la Constitution, les femmes représentent seulement 26,9 % des députés, 22,1 % des sénateurs, 13,9 % des conseillers généraux et 9,6 % des maires de villes de plus de 3 500 habitants. Les représentants de la diversité ne sont guère mieux lotis  : l’Assemblée nationale ne compte que huit députés d’origine africaine, maghrébine, asiatique ou brésilienne, soit… 1,4 %.

    Jour après jour, la professionnalisation éloigne donc les élus de la société dont ils sont issus – et pas seulement parce qu’elle manque de femmes ou de descendants d’immigrés. «  Si la professionnalisation consiste à dire que l’on peut, au titre de ses compétences, se maintenir autant de temps que l’on veut à plusieurs fonctions en même temps, cela renforce le fossé entre les règles qui régissent le monde politique et celles qui régissent la société civile, affirme le politiste Bruno Cautrès. Comment voulez-vous que les ­citoyens acceptent que plus de 80 % des députés aient au moins deux mandats alors qu’ils savent qu’il est impossible d’exercer deux métiers à temps plein  ? Comment voulez-vous qu’ils trouvent normal que 60 % des maires aient plus de 60 ans alors qu’à cet âge, la plupart des salariés s’apprêtent à partir à la retraite  ?  »

    Rebattre les cartes

    Comment insuffler du renouvellement dans ce monde à part qu’est la politique  ? Pour beaucoup d’intellectuels, la mère de toutes les batailles est la lutte contre le cumul des mandats. «  Il faut instaurer un mandat unique, comme dans l’immense majorité des pays européens, plaide Rémi Lefebvre. Un premier pas sera accompli en 2017 si la réforme interdisant aux députés et aux sénateurs d’être également président ou vice-président d’un conseil régional ou départemental n’est pas abrogée. C’est déjà une petite révolution, mais il faut aussi limiter les mandats dans le temps en autorisant deux, voire trois mandats maximum. Aujourd’hui, les carrières politiques sont tellement longues que les élus ne peuvent pas revenir en arrière. Il y a un effet cliquet  : ­comment voulez-vous qu’un enseignant qui a été député pendant quinze ou vingt ans revienne devant ses élèves  ?  »

    Pour Eric Keslassy, auteur, en 2009, d’un rapport sur la diversité pour l’Institut Montaigne et enseignant à Sciences Po, le mandat unique, et surtout sa limitation dans le temps, permettrait enfin de faire respirer la démocratie. «  Il faut absolument rebattre régulièrement les cartes car au bout d’un moment les habitudes priment et la motivation s’érode. Lors du premier mandat, l’élu s’installe, lors du deuxième, il donne sa pleine mesure, lors du troisième, il y a une chute de l’activité – la productivité est en recul, diraient les économistes  ! Les élus objectent qu’il serait dommage de se priver d’un élu qui a de l’expérience, mais de nouveaux venus peuvent, eux aussi, réussir leur apprentissage et ­devenir de bons élus. Il est sain, pour la démocratie, que de nouveaux profils parviennent à émerger.  »

    Une réforme du statut de l’élu

    Pour faciliter les allers et retours entre le monde politique et la société civile, beaucoup plaident également en faveur d’une réforme du statut de l’élu afin de susciter de nouvelles vocations, notamment dans le monde de l’entreprise. Si les fonctionnaires peuvent en effet s’engager en politique sans mettre en péril leur carrière professionnelle, les salariés du privé se montrent plus hésitants. Prévoir des congés temporaires, accorder des formations, simplifier le retour à l’emploi  : entré en vigueur en début d’année, le nouveau statut de l’élu local permettra, par exemple, aux maires des villes de plus de 100 000 habitants de réintégrer leur entreprise à la fin de leur mandat. Il fait cependant l’impasse sur les élus nationaux.

    Pour le politiste Bruno Cautrès, il faut aller beaucoup plus loin. «  Le débat sur la professionnalisation renvoie à un mal plus profond  : une gigantesque crise de défiance ­envers le monde politique. Pour en venir à bout, l’installation d’une énième commission proposant des réformes d’ingénierie institutionnelle ne suffira pas  : il faut créer dans ce pays un grand moment délibératif sur le modèle de ce que propose l’universitaire américain James Fishkin, l’un des théoriciens de la démocratie participative. Les Français sont attachés à la démocratie mais leur insatisfaction envers son fonctionnement est immense. C’est un grand chantier, mais il faut prendre au sérieux la parole des citoyens et répondre à cette demande concernant la qualité de la démocratie.  »

    #parti_politique #France #technocratie #entre_soi cc @xavsch

    • J’ai tenté plusieurs fois de jouer le jeu démocratique depuis les coulisses et j’en étais arrivé au même constat.

      Comme dans l’ensemble de la société, la caste politique, qu’elle soit locale ou nationale, tente de justifier sa mainmise sur l’appareil de gouvernement de nos vies par sa seule qualité d’expert. Ainsi, le personnage politique n’est plus celui qui, parmi nous, va prendre quelque temps la charge de la coordination des intérêts communs, mais c’est « celui qui sait », et qui fera ce qu’il doit faire, en dehors de tout contrôle réel et concret de ses actes par la population dont il est en charge. Évidemment, ce point de vue justifie l’hermétisme de l’accès aux fonctions décisionnelles de notre démocratie. Puisque gouverner ne peut être que l’action de ceux qui savent, la professionnalisation du personnel politique devient un horizon indépassable et du coup, l’aspect hiérarchique et conservateur du dispositif est renforcé, au détriment de toute idée de représentativité, ce qui est antinomique de l’intention d’origine.

      http://blog.monolecte.fr/post/2014/03/25/lobsolescence-contrariee-de-notre-systeme-politique

  • Le Corset invisible

    TELERAMA : A quoi sert la jupe ?

    PIERRE BOURDIEU : C’est très difficile de se comporter correctement quand on a une jupe. Si vous êtes un homme, imaginez-vous en jupe, plutôt courte, et essayez donc de vous accroupir, de ramasser un objet tombé par terre sans bouger de votre chaise ni écarter les jambes... La jupe, c’est un corset invisible, qui impose une tenue et une retenue, une manière de s’asseoir, de marcher. Elle a finalement la même fonction que la soutane. Revêtir une soutane, cela change vraiment la vie, et pas seulement parce que vous devenez prêtre au regard des autres. Votre statut vous est rappelé en permanence par ce bout de tissu qui vous entrave les jambes, de surcroît une entrave d’allure féminine. Vous ne pouvez pas courir ! Je vois encore les curés de mon enfance qui relevaient leurs jupes pour jouer à la pelote basque.
    La jupe, c’est une sorte de pense-bête. La plupart des injonctions culturelles sont ainsi destinées à rappeler le système d’opposition (masculin/féminin, droite/gauche, haut/bas, dur/mou...) qui fonde l’ordre social. Des oppositions arbitraires qui finissent par se passer de justification et être enregistrées comme des différences de nature. Par exemple, avec « tiens ton couteau dans la main droite », se transmet toute la morale de la virilité, où, dans l’opposition entre la droite et la gauche, la droite est « naturellement » le côté de la virtus comme vertu de l’homme (vir).

    TELERAMA : La jupe, c’est aussi un cache-sexe ?

    P.B. : Oui, mais c’est secondaire. Le contrôle est beaucoup plus profond et plus subtil. La jupe, ça montre plus qu’un pantalon et c’est difficile à porter justement parce que cela risque de montrer. Voilà toute la contradiction de l’attente sociale envers les femmes : elles doivent être séduisantes et retenues, visibles et invisibles (ou, dans un autre registre, efficaces et discrètes). On a déjà beaucoup glosé sur ce sujet, sur les jeux de la séduction, de l’érotisme, toute l’ambiguïté du montré-caché. La jupe incarne très bien cela. Un short, c’est beaucoup plus simple : ça cache ce que ça cache et ça montre ce que ça montre. La jupe risque toujours de montrer plus que ce qu’elle montre. Il fut un temps où il suffisait d’une cheville entr’aperçue !...

    TELERAMA : Vous évoquez : une femme disant : « Ma mère ne m’a jamais dit de ne pas me tenir les jambes écartées » et pourtant, elle savait bien que ce n’est pas convenable « pour une fille »... Comment se reproduisent les dispositions corporelles ?

    P.B. : Les injonctions en matière de bonne conduite sont particulièrement puissantes parce qu’elles s’adressent d’abord au corps et qu’elles ne passent pas nécessairement par le langage et par la conscience. Les femmes savent sans le savoir que, en adoptant telle ou telle tenue, tel ou tel vêtement, elles s’exposent à être perçues de telle ou telle façon. Le gros problème des rapports entre les sexes aujourd’hui, c’est qu’il y a des contresens, de la part des hommes en particulier, sur ce que veut dire le vêtement des femmes. Beaucoup d’études consacrées aux affaires de viol ont montré que les hommes voient comme des provocations des attitudes qui sont en fait en conformité avec une mode vestimentaire. Très souvent, les femmes elles-mêmes condamnent les femmes violées au prétexte qu’" elles l’ont bien cherché « . Ajoutez ensuite le rapport à la justice, le regard des policiers, puis des juges, qui sont très souvent des hommes... On comprend que les femmes hésitent à déposer une plainte pour viol ou harcèlement sexuel...

    TELERAMA  : Etre femme, c’est être perçue, et c’ est alors le regard de I’homme qui fait la femme ?

    P.B. : Tout le monde est soumis aux regards. Mais avec plus ou moins d’intensité selon les positions sociales et surtout selon les sexes. Une femme, en effet, est davantage exposée à exister par le regard des autres. C’est pourquoi la crise d’adolescence, qui concerne justement l’image de soi donnée aux autres, est souvent plus aiguë chez les filles. Ce que l’on décrit comme coquetterie féminine (l’adjectif va de soi !), c’est la manière de se comporter lorsque l’on est toujours en danger d’être perçu.
    Je pense à de très beaux travaux d’une féministe américaine sur les transformations du rapport au corps qu’entraîne la pratique sportive et en particulier la gymnastique. Les femmes sportives se découvrent un autre corps, un corps pour être bien, pour bouger, et non plus pour le regard des autres et, d’abord, des hommes. Mais, dans la mesure où elles s’affranchissent du regard, elles s’exposent à être vues comme masculines. C’est le cas aussi des femmes intellectuelles à qui on reproche de ne pas être assez féminines. Le mouvement féministe a un peu transformé cet état de fait - pas vraiment en France la pub française traite très mal les femmes ! Si j’étais une femme, je casserais ma télévision ! - en revendiquant le natural look qui, comme le black is beautiful, consiste à renverser l’image dominante. Ce qui est évidemment perçu comme une agression et suscite des sarcasmes du genre » les féministes sont moches, elles sont toutes grosses"…

    TELERAMA : Il faut croire alors que, sur des points aussi essentiels que le rapport des femmes à leur corps, le mouvement féministe n’a guère réussi.

    P.B. : Parce qu’on n’a pas poussé assez loin l’analyse. On ne mesure pas l’ascèse et les disciplines qu’impose aux femmes cette vision masculine du monde, dans laquelle nous baignons tous et que les critiques générales du « patriarcat » ne suffisent pas à remettre en cause. J’ai montré dans La Distinction que les femmes de la petite bourgeoisie, surtout lorsqu’elles appartiennent aux professions de « représentation », investissent beaucoup, de temps mais aussi d’argent, dans les soins du corps. Et les études montrent que, de manière générale, les femmes sont très peu satisfaites de leur corps. Quand on leur demande quelles parties elles aiment le moins, c’est toujours celles qu’elles trouvent trop « grandes » ou trop « grosses » ; les hommes étant au contraire insatisfaits des parties de leur corps qu’ils jugent trop « petites ». Parce qu’il va de soi pour tout le monde que le masculin est grand et fort et le féminin petit et fin. Ajoutez les canons, toujours plus stricts, de la mode et de la diététique, et l’on comprend comment, pour les femmes, le miroir et la balance ont pris la place de l’autel et du prie-dieu.

    [#Bourdieu, P., le corset Invisible, Entretien avec Catherine Portevin, dans Télérama, n°2534, Paris, 5 août 1998 ]

  • Les YouTubeurs de gauche mènent la contre-attaque - L’actu Médias / Net - Télérama.fr
    http://www.telerama.fr/medias/les-youtubeurs-de-gauche-menent-la-contre-attaque,138180.php

    Vous vous demandiez où était passée la gauche ? Eh bien, elle est là, sur YouTube, à gloser (et même pas dans le vide !). Vingt ans après la publication de Sur la télévision, de Pierre Bourdieu, ses jeunes héritiers semblent avoir migré sur Internet où ils mènent une charmante partie de ping-pong rhétorique, s’attaquant au fond des dossiers, sur la longueur, laissant l’écume politique aux médias traditionnels.

    Dans Télérama, ils remarquent ces nouveaux visages, qui se montrent en vidéo sur #youtube expliquant d’une autre manière l’actualité (d’#Osons_Causer au #Fil_d'Actu, en passant par #Usul), tout en les prenant un peu de haut, les ridiculisant légèrement, ironisant… Les commentateurs de l’article sont eux bien plus sceptiques… sur ce qu’écrit Erwan Desplanques dans cet article !

    Pour info, cités dans l’article :
    – Osons Causer : https://www.youtube.com/channel/UCVeMw72tepFl1Zt5fvf9QKQ
    – Le Fil d’Actu : https://www.youtube.com/channel/UC9hHeywcPBnLglqnQRaNShQ
    – Usul : https://www.youtube.com/user/MrUsul2000
    – Le Stagirite : https://www.youtube.com/user/LeStagirite
    – et même Jean Luc Mélanchon : https://www.youtube.com/channel/UCk-_PEY3iC6DIGJKuoEe9bw

    • Frédéric Lordon n’est pas la seule référence et il n’a pas le monopole de la « vérité absolue » sur ces initiatives. Et il faudrait aussi qu’il arrête un peu ses diatribes destructives et démoralisante, sans proposer de trucs pertinents ou un peu inspirant pour reconstruire ce qu’il sait si bien détruire.

    • La non proposition était aussi une critique formulée à l’encontre de Bourdieu, critique à laquelle il a répondu. Si jamais je retrouve le texte...
      Lordon est aussi sociologue.
      De Bourdieu . « Une des difficultés de la lutte politique aujourd’hui, c’est que les dominants, technocrates ou épistémocrates de droite ou de gauche, ont partie liée avec la raison et l’universel : on se dirige vers des univers dans lesquels il faudra de plus en plus de justifications techniques, rationnelles, pour dominer et dans lesquels les dominés, eux aussi ,pourront et devront de plus en plus se servir de la raison pour se défendre contre la domination, puisque les dominants devront de plus en plus invoquer la raison, et la science, pour exercer leur domination. Ce qui fait que les progrès de la raison iront sans doute de pair avec le développement de formes hautement rationalisées de domination (comme on voit, dès aujourd’hui, avec l’usage qui est fait d’une technique comme le sondage), et que la sociologie, seule en mesure de porter au jour ces mécanismes, devra plus que jamais choisir entre le parti de mettre ses instruments rationnels de connaissance au service d’une domination toujours plus rationnelle ou d’analyser rationnellement la domination et tout spécialement la contribution que la connaissance peut apporter à la domination. »
      Pierre Bourdieu, in Intérêt et désintéressement, cours du Collège de France

  • The Frantz Fanon Lifetime Achievement Award: Sonia Dayan-Herzbrun
    http://www.caribbeanphilosophicalassociation.org/frantz-fanon-prize.html

    The Caribbean Philosophical Association is awarding Professor Sonia Dayan-Herzbrun the Frantz Fanon Lifetime Achievement Award for her work as a scholar, builder of institutions, and an activist committed to human dignity. This award is to announce to the world the importance of her contributions as she continues fighting for so many causes—intellectual and political. In the words of President Jane Anna Gordon: “We are so fortunate that someone with a mind like Sonia Dayan-Herzbrun’s also has her unique political, personal, and pedagogical commitments. There is no exaggeration in saying that many of the current generation of scholars in France at the forefront of the work of shifting the geography of reason were either directly or indirectly nurtured and inspired by her and her efforts.”

    A committed intellectual who is also a Shoa survivor, Professor Dayan-Herzbrun has devoted her life to ideas in the service of struggles for human dignity. A world-renown sociologist, philosopher, and activist, she was among a group of activist philosopher social scientists that included Pierre Bourdieu and Gilles Delueze. Now Professor Emerita at the University of Paris 7-Denis Diderot, she is also known for her mentorship of generations of young women and immigrant scholars in France and across the globe. In addition to her research and ethnographical work in North Africa and the Middle East, she also built institutions ranging from Le Centre de sociologie des pratiques et des représentations politiques (CSPRP) and the journal Tumultes. In 2007, she organized the UNESCO conference Penser aujourd’hui à partir de Frantz Fanon, which contributed to recent scholarship on Fanon in the French-speaking world.

    (via Karim Émile Bitar)

  • L’école de la République est-elle islamophobe ?

    https://theconversation.com/lecole-de-la-republique-est-elle-islamophobe-52729

    Un an après les attentats contre Charlie Hebdo, on se doit de poser la question sans détour : l’école de la République est-elle islamophobe ?

    Bien sûr, les mots sont plombés et la terminologie contestée, mais il nous faut penser la fonction sociale et politique de l’école de la République. Les événements dramatiques de janvier 2015 ont mis en agenda l’école dans sa capacité à créer du lien social. Les réactions de certains élèves lors de la minute de silence en hommage aux victimes des attentats contre Charlie Hebdo ont questionné sur le degré d’adhésion à notre République. Les attaques du 13 novembre 2015 nous interrogent aussi sur le ressentiment de jeunes radicalisés qui ont fait leur scolarité au sein du système éducatif français.

    Depuis janvier 2015, les discours proposant des solutions à l’emporte-pièce monopolisent les médias : blouses, uniformes, drapeau, « Marseillaise », sanctions et « cours » de morale laïque.

    Cette nostalgie collective d’une société proprement réactionnaire autour d’une école qui n’a jamais existé en dit long sur le processus d’amnésie, d’oublis sélectifs et de fantasmes qui produit les sociétés et le lien social. Il est donc plus que temps que les débats soient nourris par les sciences sociales.
    Une terminologie constatée et pourtant ….

    Charb écrit dans sa « Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes » :

    Si on l’aborde d’un point de vue purement étymologique, l’islamophobie devrait désigner “la peur de l’islam”. Or les inventeurs, promoteurs et utilisateurs de ce terme l’emploient pour dénoncer la haine à l’égard des musulmans. Il est curieux que ce ne soit pas “musulmanophobie” et, plus largement, “racisme” qui l’aient emporté sur “islamophobie”, non ? (…) Alors, pour quelles raisons le terme “islamophobie” s’est-il imposé ? Par ignorance, par fainéantise, par erreur, pour certains, mais aussi parce que beaucoup de ceux qui militent contre l’islamophobie ne le font pas en réalité pour défendre les musulmans en tant qu’individus, mais pour défendre la religion du prophète Muhammad.

    Cette grille de lecture, très largement répandue, met de côté les travaux scientifiques contemporains qui montrent précisément que l’hostilité à l’encontre de l’islam et le rejet des musulmans sont intrinsèquement corrélés.

    Les discours négatifs visent à la fois l’islam et les musulmans réels ou supposés, qui sont souvent liés de manière indissociable dans les perceptions générales. Même si les mots peuvent être instrumentalisés, essentialisés, détournés : sous couvert de la question musulmane se cache la question ethnique autant que la question sociale.

    Comme l’écrivait Charb avec justesse, si les musulmans de France se convertissaient tous au catholicisme ou bien renonçaient à toute religion, cela n’en serait pas fini du racisme ou de la recherche de boucs émissaires. Des Français arabes, non musulmans, en font déjà l’expérience, lorsqu’ils sont à la recherche d’un logement ou d’un emploi….
    Rapports conflictuels à l’Islam

    Derrière le rejet et la peur de l’islam, se cache la peur de l’autre, de l’autre qui nous ressemble, de l’autre proche, mais pensé comme différent. Il y a une certaine manière de penser la République qui en fait un monolithe, où l’indivisibilité du collectif doit nécessairement passer par l’invisibilité des individus. Cette conception a été largement portée par l’école de la IIIe République.

    La loi de 2004, acceptée par une grande partie des musulmans de France, aurait pu clore la question, mais l’actualité continue à mettre en agenda la laïcité dans ses rapports conflictuels à l’islam : faut-il supprimer les menus de substitution dans les cantines ? Faut-il autoriser l’accompagnement des élèves dans les sorties scolaires par les mamans voilées ? Faut-il interdire le port du voile à l’université ? Les parents d’élèves signeront-ils la charte de laïcité ?

    Une laïcité conquérante, se cherche et se trouve de nouvelles frontières, à moins que l’enjeu ne soit, derrière les objectifs affichés (émancipation de la femme, avancée de la rationalité, lutte contre ledit « communautarisme »…) de réduire le plus possible la visibilité des minorités au sein de l’espace public, tout en donnant des gages aux mouvements d’extrême droite en progression électorale.

    Ces questions émergent dans une société multiconfessionnelle dans laquelle la présence des minorités ne peut plus être pensée comme conjoncturelle. Elles imposent une interrogation sur l’école, qui est l’institution privilégiée pour construire du commun au sein de la République, via précisément cette notion de « laïcité » ?

    Sous couvert d’universalisme et de laïcité, une logique d’assimilation met au pas les différences culturelles, sociales et politiques portées par les jeunes issus de l’immigration et c’est sous l’angle d’un problème posé par l’islam en France que l’on s’interroge, et non sous l’angle d’une incapacité de la République française à penser les mutations du vivre ensemble. Et l’école participe de cette construction collective

    Inverser les termes de la réflexion introduirait pourtant de nouvelles solutions. L’école est au cœur de la fabrique du Commun en ce qu’elle produit les valeurs centrales de cohésion sociétale, mais il nous faut penser ce Commun grâce à une « laïcité d’inclusion ».
    Quand l’école véhicule des stéréotypes

    Chez Jules Ferry, qui fut l’un des pères fondateurs à la fois de l’école publique et de l’empire colonial, tous les peuples allaient petit à petit, grâce à la raison universelle transmise par l’école, accéder à la civilisation universelle incarnée par la patrie des droits de l’homme… Il en était des enfants comme des colonisés…

    Notre passé a beau être partiellement amnésique, il n’en laisse pas moins de traces. Notre idéal républicain est aujourd’hui écorné. Il n’a pas rempli ses promesses et montre ses limites à la lumière des mutations sociales, économiques et culturelles du pays, et ce notamment dans l’école, lieu de ségrégation sociale et ethnique.

    Dans cette tradition politique, la pluralité culturelle est suspecte, en ce qu’elle introduit de la résistance à cette civilisation rationnelle pensée comme uniforme.

    Fatima moins bien notée que Marianne pour un devoir équivalent, Issam et Kader plus punis que Mathieu pour un même comportement, des écoles publiques qui concentrent 90 % d’enfants musulmans quand d’autres n’en comptent aucun, des manuels scolaires qui réduisent l’islam à l’islamisme : une véritable éducation séparée se met en place.

    Il s’agit là, de ce que l’on peut nommer un racisme institutionnel, qui n’est pas à repérer dans l’attitude ou les pensées de quelques individus, mais dans la logique même d’un système qui conduit à désavantager systématiquement certaines catégories socioculturelles et se définit comme l’échec collectif d’une organisation à fournir un service approprié et professionnel à des personnes à cause de leur couleur, culture ou origine ethnique.

    « Quand un maire refuse de servir des repas sans porc, quand on ferme les sorties scolaires aux mamans voilées, quand on ne veut pas de voiles à l’université, la laïcité à la française n’est qu’une manière de dire : les Arabes dehors ! »

    Ainsi s’exprime en 2016 le sociologue François Dubet dans un entretien relayant plus d’une décennie après les propos de Pierre Bourdieu en 2002 : « La question patente- faut-il ou non accepter le port du voile dit islamique – occulte la question latente – faut-il ou non accepter en France les immigrés nord-africains ? ».

    Il nous faut donc penser une « laïcité d’inclusion ».

    Béatrice Mabilon-Bonfils est auteure avec François Durpaire de « Fatima moins bien notée que Marianne ».

  • La vie comme performance : pour une esthétique pragmatiste - Idées - France Culture
    http://www.franceculture.fr/emission-la-suite-dans-les-idees-la-vie-comme-performance-pour-une-est
    http://www.franceculture.fr/player/reecouter?play=5128469

    Le philosophe #Richard_Shusterman refuse de séparer l’art et nos expériences esthétiques des autres dimensions de nos vies publiques ou privées. En 1992, un jeune philosophe américain formé dans le courant analytique à Oxford et converti depuis peu au #pragmatisme, avait l’audace de traiter dans un même volume et avec les même méthodes des poèmes de TS Eliot et des morceaux du groupe de rap Public Enemy. Ce livre, L’Art à l’état vif, fut le dernier titre publié par Pierre Bourdieu dans sa célèbre collection des éditions de Minuit, « Le Sens Commun ». Depuis, Richard Shusterman a poursuivi son œuvre de #philosophie_esthétique en se tournant aussi vers un autre auteur français décisif pour lui, Michel Foucault. C’est une #somaesthétique qu’il propose désormais de fonder, en considérant nos vies comme des performances. C’est le propos d’un livre enfin traduit en français, Le Style à l’état vif, qui nous offre l’occasion de l’inviter à La Suite dans les Idées.

    #audio #radio

  • Comment Pierre Bourdieu a donné du champ à la #sociologie | AlterEco+ Alterecoplus
    http://www.alterecoplus.fr/en-direct-de-la-recherche/comment-pierre-bourdieu-a-donne-du-champ-a-la-sociologie-201511101815-0
    http://www.alterecoplus.fr/sites/default/files/public/styles/for_social_networks/public/field/image/pierre_bourdieu.jpg?itok=pKRkOaEY

    Mais c’est en 1964 qu’il se fait réellement connaître en publiant avec Jean-Claude Passeron Les Héritiers. Statistiques et données qualitatives à l’appui, ils mettent à bas l’idéologie méritocratique au fondement de l’école républicaine en montrant que la plus grande réussite des étudiants d’origine bourgeoise doit davantage à une plus grande proximité culturelle avec les attentes de l’école qu’à leurs efforts ou de supposés dons naturels. Une thèse qu’ils systématisent six ans plus tard dans La Reproduction, qui dénonce un système éducatif qui vient non seulement perpétuer mais aussi légitimer les inégalités sociales initiales en exerçant de ce fait une « violence symbolique » sur les perdants de la compétition scolaire qui, faute d’en voir les biais, pensent ne devoir leur sort qu’à eux-mêmes.

  • Omerta dans la polis - Les mots sont importants (lmsi.net)
    http://lmsi.net/Omerta-dans-la-polis

    Que veut dire Omerta ?

    Le mot omerta a d’abord cet avantage : il permet de penser des actes, des agissements qui peuvent être minoritaires si l’on s’en tient à un point de vue strictement numérique (Sihem Souid parle de 30% de policiers racistes et/ou violents, ce qui fait d’ailleurs une grosse minorité) mais dominants au sens où ils sont très peu dénoncés, combattus, et donc empêchés, et où par conséquent ils « donnent le la » – ou en tout cas ils font partie de « l’ordinaire » de l’univers policier. J’ai envie de dire : si une minorité de 30%, ou même de 10% des agents de police passe à l’acte, profère des propos racistes ou commet des abus de pouvoir, des violences illégitimes, mais si les autres ne s’y opposent pas, cela signifie que dès qu’il y a trois flics, ou cinq, ou dix, on est à peu près sûr de tomber sur un raciste ou un violent qui passe à l’acte, avec les trois autres qui se taisent…

    Cela signifie en gros que, même si c’est minoritaire d’un point de vue numérique, ces abus arrivent régulièrement dans tous les commissariats. De la même manière qu’il y a une omerta dans l’éducation nationale, où je travaille, qui fait que, même si on laisse de côté la violence systémique de l’institution, du déterminisme social (ce que Pierre Bourdieu a appelé la « reproduction » et la « violence symbolique » [1]), et si on pose qu’il y a une minorité d’un prof sur dix qui est vraiment méchant, violent, qui abuse de son statut et « casse » des élèves, chaque élève ayant chaque année une dizaine de professeurs, on arrive à la conclusion que tout élève est exposé à ces abus et humiliations [2].

    C’est la même structure dans les deux cas : une violence systémique, dominante, inquestionnée, qui peut très bien être en même temps minoritaire et dominante, justement parce qu’elle est inquestionnée. La différence entre l’École et la Police, c’est que le professeur peut casser, blesser moralement, éventuellement « tuer » scolairement des élèves (en les excluant, pour un foulard ou pour autre chose), mais qu’il n’a pas d’arme à feu, de flashball, de taser… Ni de technique d’étranglement. Le professeur peut condamner un jeune à une mort scolaire et sociale, ou le blesser mortellement sur un plan psychologique, avec des mots, des notes, des sanctions ; pour le policier c’est plus radical, il a le pouvoir de tuer tout court, physiquement, irréparablement.