• La Minute Nécessaire de Mr Cyclopède : l’intégrale de la saison 1. Étonnant, non ? | Archive INA - YouTube
    https://www.youtube.com/watch?v=4jshTxCZS54&feature=youtu.be

    Ina Pierre Desproges. Étonnant, non ?

    La minute nécessaire de Monsieur Cyclopède Chaque jour, Monsieur Cyclopède (Pierre Desproges) éclairait les Français, grâce à ses conseils sur FR3.
    Voici l’intégrale de la saison 1 (1982 – 1983).
    Vérifions l’infaillibilité du Pape 29/11/1982
    Sachons faire ronronner une secrétaire trilingue 30/11/1982
    Jouons à pince académicien 01/12/1982
    Touchons du doigt le fond de la misère humaine 02/12/1982 Insonorisons une Andalouse 03/12/1982
    Apprenons à vaincre la mort avec un marteau 04/12/1982 (...)

  • Pierre Desproges (1939 - 1988)
    Trente ans après sa mort, portrait intime par ses proches d’un homme tendre et angoissé, à l’humour sans ambiguïté ni concession.
    https://www.franceculture.fr/emissions/une-vie-une-oeuvre/pierre-desproges-1939-1988-je-ne-suis-pas-nimporte-qui

    PEUT-ON RIRE DE TOUT ?
    Alors le rire, parlons-en et parlons-en aujourd’hui, alors que notre invité est Jean-Marie Le Pen. Car la présence de monsieur Le Pen en ces lieux voués plus souvent à la gaudriole para-judiciaire pose problème. Les questions qui me hantent, avec un H comme dans Halimi, sont celles-ci :
    Premièrement, peut-on rire de tout ?
    Deuxièmement, peut-on rire avec tout le monde ?
    À la première question, je répondrai oui sans hésiter (…)
    S’il est vrai que l’humour est la politesse du désespoir, s’il est vrai que le rire, sacrilège blasphématoire que les bigots de toutes les chapelles taxent de vulgarité et de mauvais goût, s’il est vrai que ce rire-là peut parfois désacraliser la bêtise, exorciser les chagrins véritables et fustiger les angoisses mortelles, alors oui, on peut rire de tout, on doit rire de tout. De la guerre, de la misère et de la mort. Au reste, est-ce qu’elle se gêne, elle, la mort, pour se rire de nous ? Est-ce qu’elle ne pratique pas l’humour noir, elle, la mort ? Regardons s’agiter ces malheureux dans les usines, regardons gigoter ces hommes puissants boursouflés de leur importance, qui vivent à cent à l’heure. Ils se battent, ils courent, ils caracolent derrière leur vie, et tout d’un coup ça s’arrête, sans plus de raison que ça n’avait commencé, et le militant de base, le pompeux P.D.G., la princesse d’opérette, l’enfant qui jouait à la marelle dans les caniveaux de Beyrouth, toi aussi à qui je pense et qui a cru en Dieu jusqu’au bout de ton cancer, tous, tous nous sommes fauchés un jour par le croche-pied rigolard de la mort imbécile, et les droits de l’homme s’effacent devant les droits de l’asticot.

    PEUT-ON RIRE AVEC TOUT LE MONDE ?
    Deuxième question : peut-on rire avec tout le monde ? c’est dur… Personnellement, il m’arrive de renâcler à l’idée d’inciter mes zygomatiques à la tétanisation crispée. C’est quelquefois au-dessus de mes forces, dans certains environnements humains : la compagnie d’un stalinien pratiquant me met rarement en joie. Près d’un terroriste hystérique, je pouffe à peine, et la présence à mes côtés d’un militant d’extrême droite assombrit couramment ma jovialité monacale.

    Réquisitoire du Tribunal des Flagrants délires, contre Jean-Marie Le Pen
    http://www.desproges.fr
    #Pierre_Desproges

  • L’Académie française est-elle encore utile ?
    https://www.franceculture.fr/litterature/lacademie-francaise-sert-elle-encore-a-quelque-chose

    "Si demain l’Académie disparaît, on ne s’en rendra pas compte"

    Force est de constater que l’Académie française n’a plus aujourd’hui le même statut. “Ca n’est plus la question ! poursuivait d’ailleurs le poète et philosophe Michel Deguy, toujours dans Du Grain à Moudre. La question est que cette fonction n’a plus lieu, il n’y a plus de rôle normatif de l’Académie. Ça n’intéresse pas grand nombre de bons écrivains, parce que cette espèce de gloire, de réputation, de rôle social fondamental qu’il y a eu pendant des siècles, tout simplement n’a plus lieu.“

    Aujourd’hui, la mission de l’institution est en effet de “contribuer à titre non lucratif au perfectionnement et au rayonnement des lettres” : l’Académie a donc un rôle d’autorité morale, mais elle n’a plus d’autorité normative. Seule lui reste pour fonction d’approuver ou non la publication au Journal officiel d’équivalents francophones de termes techniques étrangers.
    Le rôle tranche profondément avec l’influence qu’a pu avoir par le passé l’Académie française. Si depuis sa création, l’institution a toujours été mise en doute, elle n’en a pas moins fait figure d’autorité pendant des siècles, quand seuls quelques lettrés étaient en mesure de s’y opposer. C’est entre autres l’accès massif de la population à l’éducation, couplé à la professionnalisation des sciences du langage, qui ont achevé de déposséder l’institution du monopole de la normalisation du langage. Signe des temps, il n’y a d’ailleurs eu aucun linguiste à l’académie depuis le décès du philologue Gaston Paris, en 1903.

    Pourtant, curieusement, l’Académie semble toujours être considérée comme responsable du bon fonctionnement de l’orthographe et de la grammaire française, alors même que leur dernier dictionnaire en date, débuté en 1986 et publié en plusieurs volumes, n’est pas terminé, couvrant jusqu’ici les mots de “A” à “Quotité”. “Il faut reconnaître que l’Académie réussit bien ses coups de comm’, poursuit Maria Candea. Comme il y a des gens connus et que le titre d’académicien donne des entrées dans les médias, on les entend et ça donne l’impression qu’il y a des choses à communiquer."

    Quand les académiciens donnent un avis, c’est bien, et quand il n’en donnent pas et bien… il n’y a pas d’avis, c’est tout. C’est anecdotique. Si demain l’Académie disparaît, on ne s’en rendra pas compte, ce n’est pas là que se fait le travail. Maria Candea

    L’entre-soi cultivé à l’Académie, la "célébrité" de ses membres, lui sont depuis longtemps reprochés. En 1985, dans l’émission Grand Angle, François Fossier, auteur de l’ouvrage Au pays des immortels, et pourtant plutôt bienveillant à l’égard de l’Académie française, pointait du doigt cet état de fait : "Les académiciens sont recrutés tous dans le même milieu, dans la mesure où l’Académie se veut l’illustration de ce qu’il y a de mieux dans la France. [...] Il est certain qu’il faut appartenir à un milieu social qui se définit à la fois par une assez grande aisance financière, une parenté d’éducation avec un certain nombre d’études qui ont été menées dans les mêmes conditions, des alliances familiales qui vous font entrer de plain-pied très vite avec d’autres académiciens qui seront vos confrères, des types de carrière aussi qui se font d’une manière similaire. [...] C’est cette espèce de convivialité sélective et un peu élitiste qui est à l’origine de bien des élections."

    Ces gens font partie du même milieu et s’auto-recrutent. Je ne peux pas dire que le talent ne rentre pas en ligne de compte sur ce chapitre, il est évident qu’on considère les qualités littéraires des candidats. Il n’y a plus de cas aussi scandaleux qu’il y a pu y en avoir sous l’Ancien régime et jusqu’au début de ce siècle, d’élus qui n’avaient rien écrit. Mais c’est essentiellement une parenté et une cohésion sociale qui est à l’origine des élections. François Fossier

    Qui décide de la langue ?

    Si l’Académie n’est plus décisionnaire et si son dictionnaire avance si lentement, alors où se décide le sort de la langue française ? C’est essentiellement à la Direction générale de la langue française et des langues de France (DGLFLG), qui dépend du ministère de la Culture.
    Plus de 200 experts appartenant à 19 collèges, sélectionnés en fonction de leurs compétences linguistiques, y sont chargés de normaliser la langue. “Les besoins sont dans l’industrie, dans la technique, où on a besoin de glossaires, assure Maria Candea. Il y a aussi un gros travail qui est mené par l’Afnor. L’enrichissement de la langue se fait surtout par la technique, plus que par les mots dont on parle beaucoup comme le ‘mot-dièze’.” Au rang des institutions qui participent à la Direction générale de la langue française, on retrouve évidemment l’Académie française, chargée de donner son avis sur les néologismes. Mais quand c’est le cas, il s’agit bien plus souvent d’employés de l’Académie membre du service du Dictionnaire, que d’académiciens eux-mêmes.

    L’influence de l’Académie, finalement, est essentiellement de l’ordre du médiatique, preuve en est de sa capacité à régulièrement s’inscrire dans des polémiques à propos de la langue française. Ce que regrette Maria Candea :

    L’Académie a encore une espèce d’aura qui fait que les gens pensent qu’elle a un rôle à jouer. A cause de cela, il y a un déficit de légitimité pour réformer l’orthographe, ce qui est gravissime pour une langue.

    Je me demande pourquoi on conserve ce club de vieux misogynes alors qu’on a le forum 18-25ans de jeux-video.com. Ca fait doublon et il faut faire des économies qu’ils disent. On pourrais les vendre aux quataris, ca pourrai garnir quelques sarcophages dans leur nouveau louvre. En plus finky deviendrais salarié des émirs et ça la république devrait l’offrir comme cadeau aux françaises.

  • C’était son vieux. Il était fier et digne, et savait les vraies choses. Chenu, blanc de moustaches aussi, il avait la peau rose et lisse et le regard bien droit. Sa voix, profonde et grave, belle comme un cor au bois, foutait la trouille aux loups. Il en usait à bon escient, pas pour massacrer des bourrées comme un con folklorique sur FR3-Régions, mais simplement pour chanter aux veillées de novembre en regardant les châtaignes s’éclater sous la braise. Il était beau comme un druide irlandais.

    Pierre Desproges, Des femmes qui tombent, Seuil, «Points», 1985, p. 79.

    #pierre_desproges #desproges #geoculturelim #folklore #châtaigne #loup

  • Ils s’étreignirent gravement comme il sied aux ivrognes émus, et retrinquèrent laborieusement à la santé du petit Robert, en vouant aux abysses les fossoyeurs des accords de temps, les bredouilleurs officiels et les époumonés faméliques de la chanson francophone qui tiennent leurs flatulences buccales pour des licences poétiques et leurs permis de glousser pour des agrégations de lettres.

    Pierre Desproges, Des femmes qui tombent, Seuil, «Points», 1985, p. 74.

    #pierre_desproges #desproges #chanson #chanteur

  • Moi-même, qui suis Limousin, j’ai complètement raté mon couple parce que j’ai épousé une non-Limousine. Une Vendéenne. Les Vendéens ne sont pas des gens comme nous. Il y a le barrage des patois, fort lointains. Et puis nos coutumes divergent et divergent c’est énorme.

    Voilà une femme qui mange du poisson le vendredi en tailleur Chanel. Moi je mange de la viande le mardi en pantalon de coton. Il n’y a pas de compréhension possible.

    Nous avons notre sensibilité limousine. Nous avons bien sûr notre humour limousin qui n’appartient qu’à nous. Nous partageons entre nous une certaine angoisse de la porcelaine peu perméable aux Chouans.
    Il faut avoir souffert à Limoges pour comprendre.

    Pierre Desproges, «Les Juifs», Textes de scène, Seuil, 1988.

    #pierre_desproges #meslectures #citation #humour #geoculturelim

  • Je serais plutôt dégagé qu’engagé, en tant qu’artiste. Mes combats humanistes, je les mène dans le privé. J’ai pas de message, pas de credo, pas d’espoir, pas de colère. Je suis très content de tout ce qui se passe dans le monde. Je n’ai personne à convaincre. Je n’aime pas la chaleur humaine. Et puis j’ai sommeil...

    Pierre Desproges, «SOS-Racisme», Fonds de tiroir, Seuil « Points », 1990, p. 140.

    #pierre_desproges #meslectures #citation #humour #engagement #artiste

  • Jean Giraudoux

    Jean Giraudoux, de son vrai nom Jean Giraudoux, est né à Bellac le 13 octobre 1882, à deux heures et quart du matin, à six mois près, ne chipotons pas.

    Il est mort au printemps 1944, alors même que les Allemands tentaient encore d’entrer à Moscou.

    Giraudoux nous a quittés au moment même où Hitler se demandait si finalement il aurait pas dû se faire peintre. Pour la France des Lettres et des Arts, la perte de Giraudoux fut un coup terrible. Moi-même, je n’arrive pas à m’en remettre. Alors je bois, et pour tuer le temps j’attends l’ouverture du gérant Nicolas.

    Pierre Desproges, «Jean Giraudoux», Fonds de tiroir, Seuil « Points », 1990, p. 73-74.

    #pierre_desproges #meslectures #citation #humour #giraudoux #geoculturelim #bellac

  • Serge Gainsbourg

    Quand j’étais petit garçon il y avait, dans le village limousin où je passais mes vacances, un homme à tout et à ne rien faire qui s’appelait Chaminade. Chaminade tout court. Au reste, il était trop seul au monde pour qu’un prénom lui fût utile.

    C’était un homme simple, au bord d’être fruste. Il vivait dans une cabane sous les châtaigniers des bosquets vallonnés de par chez nous. Sur une paillasse de crin, avec un chien jaune, du pain dur et du lard. L’été, il se louait aux moissons, et bricolait l’hiver à de menus ouvrages dans les maisons bourgeoises. À période fixe, comme on a ses règles ou comme on change de lune, Chaminade entrait en ivrognerie, par la grâce d’une immonde vinasse que M. Préfontaines lui-même n’eût pas confiée à ses citernes. Il s’abreuvait alors jusqu’à devenir violet, spongieux, sourd et comateux. Après sept ou huit jours, sa vieille mère, qui passait par là, le tirait de sa litière et le calait dehors sous la pompe à eau, pour le nettoyer d’une semaine de merde et de vomis conglomérés.

    La plupart du temps, Chaminade n’avait pas le sou pour se détruire. Les petites gens du bourg se mêlaient alors de l’aider. Il faut chercher autour des stades pour trouver plus con qu’un quarteron de ploucs désœuvrés aux abords d’un bistrot.

    – Ah, putain con, les hommes, regardez qui voilà-t-y pas sur son vélo ? Ho, Chaminade, viens-tu causer avec nous autres, fi de garce ? Chaminade ne refusait pas. Quand il rasait ainsi les tavernes à bicyclette, c’est qu’il était en manque.

    Alors les hommes saoulaient Chaminade. Parce qu’on s’emmerde à la campagne, surtout l’hiver à l’heure du loup, et je vous parle d’un temps où la télé n’abêtissait que l’élite. Au bout de huit ou dix verres, Chaminade était fin saoul, il prêtait à rire. C’est pourquoi on l’appelait Chaminade tout court, comme on dit Fernandel.

    Quoi de plus aimablement divertissant, en effet, pour un pauvre honnête, que le spectacle irrésistible d’un être humain titubant dans sa propre pisse en chantant Le Temps des cerises ?

    On s’amusait vraiment de bon cœur, pour moins cher qu’un ticket de loto qui n’existait pas non plus. On lâchait l’ivrogne sur la place du Monument-aux-Morts où il se lançait alors dans un concours de pets avec le poilu cocardier. Parfois, il improvisait sur La Mort du cygne, tenant les pans de sa chemise comme on fait d’un tutu, avant de s’éclater dans la boue pour un grand écart effrayant. Et les hommes riaient comme des enfants.

    En apothéose finale, on remettait de force Chaminade sur son vélo et on lui faisait faire le tour du monument. À chaque tour sans tomber, il avait droit à un petit coup supplémentaire, direct au tonnelet.

    Un jour, Chaminade s’est empalé sur le pic de la grille métallique, mais il n’en est pas mort. « Il y a un Dieu pour les ivrognes », notèrent avec envie les bigotes aquaphiles, qui voguent à sec dans les bénitiers stériles de leur foi rabougrie.

    La dernière fois que j’ai vu Serge Gainsbourg en public, il suintait l’alcool pur par les pores et les yeux, et glissait par à-coups incertains sur la scène lisse d’un palais parisien, la bave aux commissures et l’œil en perdition, cet homme était mourant. Un parterre de nantis bagués et cliquetants l’encourageait bruyamment à tourner autour de rien en massacrant les plus belles chansons nées de son génie.

    Irrésistiblement, ces cuistres-là m’ont fait penser aux ploucs, et lui à Chaminade.

    Pierre Desproges, « Serge Gainsbourg », Fonds de tiroir, Seuil « Points », 1990, p. 65-67.

    #pierre_desproges #meslectures #citation #humour #geoculturelim