• « Il n’y a rien à attendre du corps enseignant » - Frustration Magazine
    https://www.frustrationmagazine.fr/corps-enseignant

    Prendre conscience que l’on n’est qu’un rouage dans cette grande machine à reproduction sociale constitue à mon sens un préalable pour questionner le rapport de l’enseignant aux élèves et à l’institution. Déconstruire l’idée rassurante selon laquelle nous serions au service de la réussite des élèves. Cesser de penser l’école comme un “sanctuaire”, c’est-à-dire comme un espace évoluant en dehors du régime capitaliste. Ne plus se leurrer quant à l’idée que les élèves sont triés en fonction de leur aptitude à se montrer dociles et maîtrisant les codes de la culture dominante. C’est ici qu’intervient la question de la laïcité, pensée comme le mode opératoire central de l’autorité.

    #éducation_nationale #reproduction_sociale #ségrégation #mépris_de_classe #corps_enseignant

    • À cela s’ajoutent les injonctions contradictoires que doivent subir ces adolescent-e-s. On leur martèle au quotidien l’idée que la liberté d’expression est sacrée lorsque dans le même temps tout propos non conforme à ce qu’attend l’institution est signalé à la direction et/ou au procureur. Dans mon collège, des enfants se sont ainsi retrouvés avec leurs parents au commissariat après des paroles formulées en classe. Ce qu’ont compris ces élèves, c’est que la laïcité sert de paravent à l’islamophobie de l’Etat et du service public de l’éducation. Dans le même temps, rien d’étonnant de constater qu’ils ont intériorisé une vision punitive et répressive de la laïcité. La novlangue de l’institution cache mal la fonction première de la laïcité, consistant à racialiser les problèmes sociaux et donc à appréhender ces élèves à partir de leur condition de racisés.

    • le “syndrome du bon élève” que j’ai pu observer chez une majorité d’enseignants : n’étant jamais sorti du système éducatif, ces derniers rejouent ce qu’ils ont vécu comme élève, en intériorisant les normes à respecter et en faisant ce qu’on attend d’eux. Beaucoup de profs ont donc des dispositions innées au conformisme et/ou à l’indifférence, tout en se vautrant dans le fatalisme et l’apitoiement. C’est, à mon sens, ce qui explique la dépolitisation d’une partie du corps enseignant et son incapacité à se mobiliser massivement. C’est ce qui explique aussi que la nature anti-démocratique des instances scolaires ne soit pas questionnée.

      j’ai lu ailleurs : 25% des profs ont voté LePen. ?!?

    • L’élève est libre d’exprimer son opposition à l’ordre dissident et il lui est interdit d’afficher son opposition à l’ordre dominant.

      Son éducation consiste à lui laver le cerveau pour qu’il réagisse instinctivement de cette manière.

    • j’ai lu ailleurs : 25% des profs ont voté LePen

      Pas surprenant : déjà en 2002, il m’avait été rapporté que certains « collègues » avaient voté Le Pen (père). Je ne connais pas le pourcentage national mais ces gens-là étaient en poste sur des ZEP (zones d’éducation prioritaire).

    • Mais ce positionnement de gauche [des votes des enseignants du public] est désormais de 50% environ si l’on intègre le vote pour les candidats d’extrêmegauche. La majorité des enseignants du public (52%) ont voté pour le centre-droit ou la droite en y incluant les 20% d’entre eux qui ont voté pour les candidats de la droite radicale [MLP+EZ+NDA], ce qui paraît peu par rapport aux 47% que cette droite réunit chez les policiers et militaires mais ce qui témoigne d’une évolution profonde du milieu enseignant qui, jusque-là, était resté un bastion de lutte contre l’extrême-droite.

      https://sciencespo.hal.science/hal-03790691

  • Le pouvoir de l’homme sur l’homme
    https://www.piecesetmaindoeuvre.com/documents/le-pouvoir-de-l-homme-sur-l-homme

    En librairie : Manifeste des chimpanzés du futur contre le transhumanisme, par Pièces et main d’oeuvre, nouvelle édition (Service compris, 2023) Maurice Daumas (1910-1984), chimiste et chroniqueur scientifique, tient une rubrique depuis 1945 dans Combat, le journal d’Albert Camus . Le 10 décembre 1946, seize mois après les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, il expose les prochaines retombées de la science, leurs « menaces » et leurs « promesses ». Ce nouveau front de la science (...) #Documents

    https://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/le_pouvoir_de_l_homme_sur_l_homme.pdf

  • Sur le climat, les frontières, la subsistance, le soin et la lutte | Out of the Woods
    https://cabrioles.substack.com/p/sur-le-climat-les-frontieres-la-subsistance

    Ainsi, nous devons penser l’organisation contre le changement climatique en prenant en compte le fait qu’il est médiatisé par un monde dominé par le capital colonial et hétéropatriarcal. La violence est organisée et différenciée par ces structures, et c’est par la lutte contre ces structures qu’il nous sera possible de subsister. Nous pouvons nous faire une image précise de ce qui a toujours été fait dans les luttes contre les catastrophes — des luttes reposant sur le soin, la reproduction sociale et l’hospitalité. Ce sont ces choses qui ont toujours permis aux gens de survivre aux catastrophes. Même si les choses vont de pis en pis, ça ne s’arrête pas là ; il y a toujours de la place pour la lutte collective.

    Out of the Woods est un collectif international de recherche partisane qui s’attelle, depuis 2014, à penser la #crise_écologique dans une perspective communiste, décoloniale, féministe et queer.

    · Notes de Cabrioles : Les éditions Présence(s) ont récemment traduit et publié L’Utopie Maintenant ! Perspectives communistes face au désastre écologique [https://presences-editions.me/utopie-maintenant ], le receuil des écrits d’Out the Woods, un collectif dont les analyses et perspectives résonnent particulièrement avec le travail que nous avons mené ici. Cette publication est importante et riche de la variété des thèmes abordés. L’entretien qui suit, réalisé en 2017, en est extrait. Nous remercions chaleureusement les éditions Présence(s) de nous avoir confié cette publication ·

    #présent_catastrophique #covid #écologie #migrants_climatiques #climat #racisme #environnementalisme #frontière #nécropolitique #expertise_populaire #dystopies #luttes #communisme_de_désastre #planification_fugitive #soin #reproduction_sociale #hospitalité #travail_reproductif #traitre #indigène #Terre_cyborg #nation_indigène

    • Ce à quoi nous devons résister ici, c’est au romantisme colonial occidental — il faut absolument le détruire, et il ne s’agit pas d’une sorte de problème littéraire abstrait, il est ce qui impulse une grande partie du mouvement écologiste au Royaume-Uni à l’heure actuelle. Il existe encore un imaginaire populaire d’une sorte de nature originelle que l’on retrouve aussi bien chez les membres de la Société royale pour la protection des oiseaux (Royal Society for the Protection of Birds) que chez les militants écologistes purs et durs, et il faut à tout prix le refuser. Et dans le même temps, nous devons nous assurer de ne pas devenir des technofuturistes prêts à embrasser l’idée d’une invasion technologique de tout ce qui existe, sans tenir compte du paradigme colonial et du développement de la technologie européenne comme arme et arbitre du « progrès » colonial. D’un certain point de vue, nous sommes ici coincés entre le marteau et l’enclume, entre l’idéalisation de la wilderness et l’idéalisation de la technologie, aussi néfastes l’une que l’autre.

      Mérite un dialogue avec l’œuvre de Charbonneau, qu’illes ne connaissent peut-être pas.

      une adhésion à la possibilité antinationaliste d’une Terre cyborg — qui ne nie pas en même temps la possibilité d’une nation indigène — est le genre de contradiction sur lequel nous devons travailler

      Par contre je ne sais pas ce qu’illes entendent pas là, ayant parlé plusieurs fois au cours de la conversation d’écologie cyborg (mmmh ?) sans définir ce que c’est (seulement « voir le chapitre XXX plus loin »). Donc soit faut lire le bouquin en entier, soit faut trouver une explication ailleurs du concept et de ce que ça implique.

  • Antje Vollmers Vermächtnis einer Pazifistin : „Was ich noch zu sagen hätte“
    https://www.berliner-zeitung.de/politik-gesellschaft/ein-jahr-ukraine-krieg-kritik-an-gruenen-antje-vollmers-vermaechtni

    Au début les verts allemands étaient des pacifistes conséquents. Antje Vollmer en a fait partie et n’a pas changé de cap depuis. Elle va bientôt nous quitter. Ce texte est son testament politique.

    23.2.2023 von Antje Vollmer - Ich stand auf dem Bahnhof meiner Heimatstadt und wartete auf den ICE. Plötzlich näherte sich auf dem Nebengleis ein riesiger Geleitzug, vollbeladen mit Panzern – mit Mardern, Geparden oder Leoparden. Ich kann das nicht unterscheiden, aber ich konnte geschockt das Bild lesen. Der Transport fuhr von West nach Ost.

    Es war nicht schwer, sich das Gegenbild vorzustellen. Irgendwo im Osten des Kontinents rollten zur gleichen Zeit Militärtransporte voller russischer Kampfpanzer von Ost nach West. Sie würden sich nicht zu einer Panzerschlacht im Stile des Ersten Weltkrieges irgendwo in der Ukraine treffen.

    Nein, sie würden diesmal erneut den waffenstarrenden Abgrund zwischen zwei Machtblöcken markieren, an dem die Welt sich vielleicht zum letzten Mal in einer Konfrontation mit möglicherweise apokalyptischem Ausgang gegenübersteht. Wir befanden uns also wieder im Kalten Krieg und in einer Spirale der gegenseitigen existenziellen Bedrohung – ohne Ausweg, ohne Perspektive. Alles, wogegen ich mein Leben lang politisch gekämpft habe, war mir in diesem Moment präsent als eine einzige riesige Niederlage.

    Bei Geschichte ist es immer wichtig, von welchem Anfang man sie erzählt

    Es ist üblich geworden, zu Beginn jeder Erwähnung der ungeheuren Tragödie um den Ukraine-Krieg wie eine Schwurformel von der „Zeitenwende“, vom völkerrechtswidrigen brutalen Angriffskrieg Putins bei feststehender Alleinschuld der russischen Seite zu reden und demütig zu bekennen, wie sehr man sich geirrt habe im Vertrauen auf eine Phase der Entspannung und der Versöhnung mit Russland nach der großen Wende 1989/90.

    Diese Schwurformel wird wie ein Ritual eingefordert, wie ein Kotau, um überhaupt weiter mitreden zu dürfen. Die Feststellung ist ja auch nicht falsch, sie verdeckt aber häufig genau die zentralen Fragen, die es eigentlich zu klären gäbe.

    Wo genau begann die Niederlage? Wo begann der Irrtum? Wann und wie entstand aus einer der glücklichsten Phasen in der Geschichte des eurasischen Kontinents, nach dem nahezu gewaltfreien Ende des Kalten Krieges, diese erneute tödliche Eskalation von Krieg, Gewalt und Blockkonfrontation? Wer hatte Interesse daran, dass die damals mögliche friedliche Koexistenz zwischen Ost und West nicht zustande kam, sondern einem erneuten weltweitem Antagonismus anheimfiel?

    Und dann die Frage aller Fragen: Warum nur fand ausgerechnet Europa, dieser Kontinent mit all seinen historischen Tragödien und machtpolitischen Irrwegen, nicht die Kraft, zum Zentrum einer friedlichen Vision für den bedrohten Planeten zu werden?

    Für die Deutung historischer Ereignisse ist es immer entscheidend, mit welchen Aspekten man beginnt, eine Geschichte zu erzählen.

    Ich widerspreche der heute üblichen These, 1989 habe es eine etablierte europäische Friedensordnung gegeben, die dann Schritt um Schritt einseitig von Seiten Russlands unter dem Diktat des KGB-Agenten Putin zerstört worden sei, bis es schließlich zum Ausbruch des Ukrainekrieges kam.

    Das ist nicht richtig. Richtig ist: 1989 ist eine Ordnung zerbrochen, die man korrekter als „Pax atomica“ bezeichnet hat, ohne dass eine neue Friedensordnung an ihre Stelle trat. Diese zu schaffen, wäre die Aufgabe der Stunde gewesen. Aber die visionäre Phantasie Europas und des Westens in der Wendezeit reichte nicht aus, um sich das haltbare Konzept einer stabilen europäischen Friedensordnung auszudenken, das allen Ländern der ehemaligen Sowjetunion einen Platz verlässlicher Sicherheit und Zukunftshoffnungen anzubieten vermocht hätte.

    Zwei Gründe sind dafür entscheidend. Beide haben mit alten europäischen Irrtümern zu tun: Zum einen wurde der umfassende wirtschaftliche und politisch Zusammenbruch der Sowjetunion 1989 einseitig als triumphaler Sieg des Westens im Systemkonflikt zwischen Ost und West interpretiert, der damit endgültig die historische Niederlage des Ostens besiegelte. Dieser Hang, sich zum Sieger zu erklären, ist eine alte westliche Hybris und seit jeher Grund für viele Demütigungen, die das ungleiche Verhältnis zum Osten prägen.

    Die Unfähigkeit, nach so umfassenden Umbrüchen andere gleichberechtigte Lösungen zu suchen, hat in dieser fatalen Überheblichkeit ihre Hauptursache. Vor allem aber wurde so das ungeheure und einzigartige Verdienst der sowjetischen Führung unter Michail Gorbatschow mit einer verblüffenden Ignoranz als gerngesehenes Geschenk der Geschichte eingeordnet: Die große Vorleistung des Gewaltverzichts in der Reaktion auf das Freiheitsbestreben der Völker des Ostblocks galt als nahezu selbstverständlich.

    Das aber war es gerade nicht. Bis heute ist erstaunlich, ja unfassbar, wie wenig Gewicht dem beigemessen wurde, dass die Auflösung eines sowjetischen Weltimperiums nahezu gewaltfrei vonstatten ging. Die naive Beschreibung dieses einmaligen Vorgangs lautete dann etwa so: Wie ein Kartenhaus, hochverdient und unvermeidlich, sei da ein ganzes System in sich zusammengesackt.

    Dass gerade diese Gewaltfreiheit das größte Wunder in einer Reihe wundersamer Ereignisse war, wurde kein eigenes Thema. Sie wurde vielmehr als Schwäche gedeutet. Es gibt aber kaum Vorbilder in der Geschichte für einen solchen Vorgang. Selbst die schwächsten Gewaltregime neigen gerade im Stadium ihres Untergangs gesetzmäßig dazu, eine Orgie von Gewalt, Zerstörung und Selbstzerstörung anzurichten und alles um sie herum in ihren eigenen Untergang mitzureißen – wie exemplarisch beim Untergang des NS-Reiches zu sehen war.

    Die Sowjetunion des Jahres 1989 unter Gorbatschow, wiewohl politisch und wirtschaftlich geschwächt, verfügte über das größte Atompotential, sie hatte eigene Truppen auf dem gesamten Gebiet ihrer Herrschaft stationiert. Es wäre ein Leichtes gewesen, das alles zu mobilisieren. Das wurde ja auch von vielen Vertretern des alten Regimes vehement gefordert.

    Mit dem historischen Abstand wird noch viel deutlicher, welche staatsmännische Leistung es war, lieber „Helden des Rückzugs“ (Enzensberger) zu sein, als in einem letzten Aufbäumen als blutige Rächer und Schlächter von der Geschichte abzutreten. Die Wahl, die Michail Gorbatschow fast allein getroffen hat, hat ihm nicht zuletzt die Enttäuschung vieler seiner Bürger eingebracht. Es hieß, er habe nachträglich den Großen Vaterländischen Krieg verloren.

    Wie ein stummes Mahnmal gigantischer europäischer Undankbarkeit steht dafür der erschreckend private Charakter der Trauerfeier um den wohl größten Staatsmann unserer Zeit auf dem Moskauer Prominenten-Friedhof. Es wäre ein Gebot der Stunde gewesen, dass die Granden Europas Michail Gorbatschow, der längst im eigenen Land isoliert war, ihre Hochachtung und ihren Respekt erwiesen hätten, indem sie sich vor ihm verneigten.

    Zumindest aus Deutschland, das fast ihm allein das Glück der Wiedervereinigung verdankt, hätte ein Bundespräsident Steinmeier an diesem Grab stehen müssen. Die Einsamkeit um diesen Toten war unerträglich. So nutzte ausgerechnet Viktor Orbán die Chance, diesen Boykott einer angemessenen Würdigung zu unterlaufen. Es bleibt ein beschämendes Zeichen, ein Menetekel historischer Ignoranz. Wenige Tage später drängelten sich die Repräsentanten des europäischen Zeitgeistes dann alle mediengerecht am Grab der englischen Queen und des deutschen Papstes Benedikt XVI.

    Bis heute ist mir schwer verständlich, warum es nicht zumindest eine Demonstration der Dankbarkeit bei den eigentlichen Profiteuren dieses Gewaltverzichtes, bei den Bewegungen der friedlichen Bürgerproteste gegeben hat. Gerade sie hatten ja hautnah die Ängste erfahren, was alles hätte passieren können, wenn es 1989 in Ost-Berlin eine ähnliche Reaktion wie bei den Studentenprotesten in Peking gegeben hätte.

    Und tatsächlich ist ein Teil der heutigen Zurückhaltung im Osten Deutschlands gegenüber der einseitigen Anprangerung Russlands wohl dieser anhaltenden Dankbarkeit zuzuschreiben. Mediale Wortführer und Interpreten aber wurden andere – und sie wurden immer dreister. Immer kleiner wurde in ihren Interpretationen der Anteil am Verdienst der Gewaltfreiheit auf sowjetischer Seite, immer wirkmächtiger wurde die Legende von der eigenen großartigen Widerstandsleistung.

    Alle kundigen Zeitzeugen wissen genau, dass der Widerstand und der Heldenmut von Joachim Gauck, Marianne Birthler, Katrin Göring-Eckardt durchaus maßvoll war und den Grad überlebenstüchtiger Anpassung nicht wesentlich überschritt. Manche Selbstbeschreibungen lesen sich allerdings heute wie Hochstapelei. Sie verschweigen oder verkennen, was andere Kräfte zum großen Wandel beitrugen und dass mancher Reformer im System keineswegs weniger Einsatz und Mut gewagt hatte.

    Billige antirussische Ressentiments

    Das mag menschlich, allzu menschlich sein und also nicht weiter erwähnenswert. Fatal allerdings ist, dass dieser Teil der Bürgerrechtler heute zu den eifrigsten Kronzeugen eines billigen antirussischen Ressentiments zählt. Dies knüpft dabei bruchlos an jene Ideologie des Kalten Krieges an, die vom berechtigten Antistalinismus über den verständlichen Antikommunismus bis hin zur irrationalen Slawenphobie viele Varianten von westlichen Feindbildern bis heute prägt.

    Die wichtigsten Fragen, die heute zwischen Ost und West verhandelt werden müssten, lauten: Was bedeutet es eigentlich, eine europäische Nation zu sein? Was unterscheidet uns von anderen? Welche Fähigkeiten muss eine Nation erwerben, um dazuzugehören? Was sind die Lehren unserer Geschichte? Welche Ideale prägen uns? Welche Irrtümer und Verbrechen? Diese Fragen werden in aller Deutlichkeit wachgerufen am Beispiel der Ukraine und ihres Abwehrkampfes gegen die russische Aggression.

    In unseren Medien verkörpert die Ukraine das Ideal und Vorbild einer freiheitsliebenden westlichen Demokratie heroischen Zuschnitts. Die Ukraine, so heißt es, kämpfe nicht nur für ihre eigene Nation, sondern zugleich für die universale historische Mission des Westens. Wer sich machtpolitisch behauptet, wer seine Existenz mit blutigen Opfern und Waffen verteidigt, gilt als Bollwerk für die europäischen Ideale der Freiheit, koste es, was es wolle. Wer aber den Weg des Konsenses, der Kooperation, der Verständigung und der Versöhnung sucht, gilt als schwach und deswegen als irrelevant, ja als verachtenswert. Von daher sind Gorbatschow und Selenskyj die eigentlichen Antitypen in der Frage, was es heute heißt, Europäer zu sein und die europäischen Tugenden zu verkörpern.

    Neben diesem Hang zum Heroischen und zur Selbsterhöhung liegt hier die Wurzel, die ich für den Grundirrtum einer europäischen Identität halte: das scheinbar unausrottbare Bedürfnis nach nationalem Chauvinismus. Jahrhundertelang haben nationale Exzesse die Geschichte unseres Kontinents geprägt. Keine Nation war frei davon: nicht die Franzosen, schon gar nicht die Briten, nicht die Spanier, nicht die Polen, nicht die Ukrainer, nicht die Balten, nicht die Schweden, nicht die Russen, noch nicht einmal die Tschechen – und schon gar nicht die Deutschen.

    Es ist ein fataler Irrtum, zu meinen, durch den Widerstand gegen die anderen imperialen Mächte gewinne der eigene Nationalismus so etwas wie eine historische Unschuld. Das ist Selbstbetrug und einer der folgenschwersten europäischen Irrtümer. Er verführt auch heute noch viele junge Demokratien dazu, sich nur als Opfer fremder Mächte zu sehen und die eigene Gewaltgeschichte, die eigenen Gewaltphantasien für berechtigt zu halten. Was Europa immer wieder zu lernen hatte und historisch meist verfehlte, ist die Kunst der Selbstbegrenzung, der friedlichen Nachbarschaft, der Fairness, der Wahrung gegenseitiger Interessen und des Respektes voreinander. Was Europa endlich verlernen muss, ist das ständige Verteilen von Ketzerhüten, das Ausmachen von Achsen des Bösen und von immer neuen Schurkenstaaten.

    Ach Europa! Jedes Mal, wenn wieder eine der großen Krisen und Kriege des Kontinents überstanden war – nach dem 30-jährigen Krieg, nach dem Feldzug Napoleons gegen Russland, nach zwei Weltkriegen, nach dem Kalten Krieg –, konnte man hoffen, der machtpolitische Irrweg sei nun durch bittere Erfahrung widerlegt und gebe einem überlebenstüchtigeren Weltverständnis endlich Raum. Und jedes Mal fielen wie durch einen Fluch die Völker Europas wieder der Versuchung anheim, den Weg der Dominanz und der Konfrontation zu gehen.

    Umso wertvoller ist aber das große Gegenbeispiel: Gorbatschows Hoffnung, dass auch für alle ehemaligen Staaten der Sowjetunion eine neue Sicherheitsordnung möglich sei, die den unterschiedlichen Sicherheitsbedürfnissen gerecht werden würde, war in der Charta von Paris durchaus angedacht als Raum gemeinsamer wirtschaftlicher und politischer Kooperation zwischen dem alten Westeuropa und den neuen östlichen Staaten. Das war damals auch die Vision von Helmut Kohl und Hans-Dietrich Genscher. Aber es gab keinen Plan, kein Konzept, die Vision war einfach zu undeutlich.

    Wie schnell sich wieder das Gefühl des leichten Triumphes einstellte, lässt sich an einem traurigen Beispiel gut ablesen: am Umgang mit Jugoslawien. Jugoslawien gehörte zu den blockfreien Staaten, es hatte sich rechtzeitig vom Stalinismus gelöst und die jahrhundertealten nationalen Rivalitäten aus der Zeit der Donau-Monarchie einigermaßen befriedet. Es wäre nichts leichter gewesen, als diesem Jugoslawien als Ganzem 1989 eine Öffnung nach Europa und zur EU anzubieten.

    Es hätte Zeit gebraucht, aber es wäre möglich gewesen. Man hätte nur darauf verzichten müssen, dem nationalen Drängen der Slowenen und Kroaten zu schnell nachzugeben und das neue Feindbild der aggressiven Serben zu pflegen. Solche Weisheit allerdings fehlte völlig im Überbietungswettstreit um die Anerkennung neuer Nationalstaaten auf dem Balkan. Der bosnische Bürgerkrieg, Srebrenica, die Zerstörung Sarajewos, Hunderttausende Tote und traumatisierte Menschen, der völkerrechtswidrige Angriffskrieg der Nato gegen Belgrad, die völkerrechtswidrige Anerkennung des Kosovo als selbständiger Staat, das vielfältige Aufbäumen von neuen nationalen Chauvinismen wären vermeidbar gewesen.

    Was bedeutet das alles für die unmittelbare Gegenwart und für die deutsche Politik im Jahre 2023?

    Die Koordinaten haben sich entscheidend verschoben. Bis zum Ende der Regierung Schröder konnte man davon ausgehen, dass gerade Deutschland aus der Zeit der Entspannungspolitik einen privilegierten Zugang, zumindest einen gewissen Spielraum zum Konfliktausgleich zwischen den großen geopolitischen Spannungsherden innehatte. Diese Zeit ist endgültig vorbei.

    Ungefähr im Jahre 2008 begann Putin, dem Status quo zu misstrauen und seinen Machtbereich gegen den Westen auszurichten. Deutschland begann, sich als europäischer Riegenführer im neuen Konzept der Nato zu definieren. Im Rahmen der Reaktionen auf den Ukrainekrieg rückte es endgültig ins Zentrum der antirussischen Gegenstrategien. Das begrüßenswerte, aber medial vielgescholtene Zögern des Kanzlers Olaf Scholz war zu wenig von einer haltbaren politischen Alternative unterfüttert und geriet so ins Rutschen.

    Wirtschaftlich und politisch zahlen wir dafür einen hohen Preis. Der deutsche Wirtschaftsminister bemüht sich, die alten Abhängigkeiten von Russland und China durch neue Abhängigkeiten zu Staaten zu ersetzen, die keineswegs als Musterdemokratien durchgehen können. Die Außenministerin ist die schrillste Trompete der neuen antagonistischen Nato-Strategie.

    Ihre Begründungen verblüffen durch argumentative Schlichtheit. Dabei wachsen die Rüstungskosten und der Einfluss der Rüstungs- und Energiekonzerne ins Unermessliche. Der Krieg verschlingt sinnlos die Milliarden, die für die Rettung des Planeten und gegen die Armut des globalen Südens dringend gebraucht würden. Das aufsteigende China aber wird propagandistisch als neuer geopolitischer Gegner ausgemacht und in der Taiwan-Frage ständig provoziert. Das sind alles keine guten Auspizien.

    Der Frieden und das Überleben des ganzen Planeten

    Und dennoch: Wenn mich nicht alles täuscht, steht Europa kurz vor der Phase einer großen Ernüchterung, die das eigene Selbstbild tief erschüttern wird. Für mich aber ist das ein Grund zur Hoffnung. Der so selbstgewisse Westen muss einfach lernen, dass die übrige Welt unser Selbstbild nicht teilt und uns nicht beistehen wird. Die eilig ausgesandten Sendboten einer neuen antichinesischen Allianz im anstehenden Kreuzzug gegen das Reich der Mitte scheinen nicht besonders erfolgreich zu sein.

    Wie konnten wir nur annehmen, dass das große China und die Hochkulturen Asiens die Zeit der willkürlichen Freihandels- und Opiumkriege je vergessen würden? Wie sollte der leidgeprüfte afrikanische Kontinent die zwölf Millionen Sklaven und die Ausbeutung all seiner Bodenschätze je verzeihen? Warum sollten die alten Kulturen Lateinamerikas den spanischen und portugiesische Konquistadoren ihre Willkürherrschaft vergeben? Warum sollten die indigenen Völker weltweit das Unrecht illegaler Siedlungen und Landraubs einfach beiseiteschieben in ihrem historischen Gedächtnis?

    Meine Hoffnung besteht darin, dass sich aus all dem eine neue Blockfreienbewegung ergeben wird, die nach der Zeit der vielen Völkerrechtsbrüche wieder am alleinigen Recht der UNO arbeiten wird, dem Frieden und dem Überleben des ganzen Planeten zu dienen.

    Die Grünen waren mal Pazifisten

    Meine ganz persönliche Niederlage wird mich die letzten Tage begleiten. Gerade die Grünen, meine Partei, hatte einmal alle Schlüssel in der Hand zu einer wirklich neuen Ordnung einer gerechteren Welt. Sie war durch glückliche Umstände dieser Botschaft viel näher als alle anderen Parteien.

    Wir hatten einen echten Schatz zu hüten: Wir waren nicht eingebunden in die machtpolitische Blocklogik des Kalten Krieges. Wir waren per se Dissidenten. Wir waren gleichermaßen gegen die Aufrüstung in Ost wie West, wir sahen die Gefährdung des Planeten durch ungebremstes Wirtschaftswachstum und Konsumismus. Wer die Welt retten wollte, musste ein festes Bündnis zwischen Friedens- und Umweltbewegung anstreben, das war eine klare historische Notwendigkeit, die wir lebten. Wir hatten dieses Zukunftsbündnis greifbar in den Händen.

    Was hat die heutigen Grünen verführt, all das aufzugeben für das bloße Ziel, mitzuspielen beim großen geopolitischen Machtpoker, und dabei ihre wertvollsten Wurzeln als lautstarke Antipazifisten verächtlich zu machen?

    Gegen Hass und den Krieg

    Ich erinnere mich an meine großen Vorbilder: Die härtesten Bewährungsproben hatten die großen Repräsentanten gewaltfreier Strategien immer in den eigenen Reihen zu bestehen. Gandhi hat mit zwei Hungerstreiks versucht, den Rückfall der Hindus und Moslems in die nationalen Chauvinismen zu stoppen, Nelson Mandela hatte äußerste Mühe, die Gewaltbereitschaft seiner jungen Mitstreiter zu brechen, Martin Luther King musste sich von den Black Panthers als zahnloser Onkel Tom verhöhnen lassen. Ihnen wurde nichts geschenkt. Und das gilt auch heute für uns letzte Pazifisten.

    Der Hass und die Bereitschaft zum Krieg und zur Feindbildproduktion ist tief verwurzelt in der Menschheit, gerade in Zeiten großer Krisen und existentieller Ängste. Heute aber gilt: Wer die Welt wirklich retten will, diesen kostbaren einzigartigen wunderbaren Planenten, der muss den Hass und den Krieg gründlich verlernen. Wir haben nur diese eine Zukunftsoption.

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    Antje Vollmer war Vizepräsidentin des Deutschen Bundestages und hat als Erstunterzeichnerin das Friedensmanifest von Sahra Wagenknecht und Alice Schwarzer unterschrieben. Vollmer ist Pazifistin und war Gegnerin des Kosovo- , Irak- und Afghanistan-Krieges. Als Autorin hat sie sich intensiv mit den Akteuren des 20. Juli 1944 und dem antifaschistischen Widerstand beschäftigt. Antje Vollmer ist schwer erkrankt. Man kann ihren Text als politisches Vermächtnis lesen – er ist eine große Abrechnung mit dem Zeitgeist. Wir veröffentlichen den Gastbeitrag in voller Länge. Die Redaktion.

    „…und wehret Euch täglich. Ein grünes Tagebuch“ (1984) Antje Vollmer wurde am 31. Mai 1943 in Lübbecke, Westfalen, geboren. Sie ist ehemalige Vizepräsidentin des Deutschen Bundestages und Grünen-Politikerin. Sie erhält unter anderem die Carl-von-Ossietzky-Medaille (1989), den Hannah-Arendt-Preis (1998) und den 2002 den Masaryk-Orden der tschechischen Republik für Verdienste um die deutsch- tschechische Aussöhnung (verliehen durch Staatspräsident Vaclav Havel). Sie schrieb zahlreiche Bücher, unter anderem: „…und wehret Euch täglich. Ein grünes Tagebuch“ (1984), „Heißer Frieden. Über Gewalt, Macht und das Geheimnis der Zivilisation“ (1995), „Doppelleben. Heinrich und Gottliebe von Lehndorff im Widerstand gegen Hitler und von Ribbentrop“ (2010), „Stauffenbergs Gefährten“ mit Lars Broder-Keil (2013).

    #Allemagne #pacifisme #histoire

    • Une personne probablement sympathique, pétrie de belles valeurs humanistes, mais qui n’en demeure pas moins perchée et accumulant en masse les contresens les plus toxiques de l’#idéologie_dominante.

      Non, « la haine et la volonté de faire la guerre et de produire des images de l’ennemi [ne] sont [pas] profondément enracinées dans l’humanité », elles sont les fruits pourris d’une société de classe et, plus encore, aujourd’hui de la prédation impérialiste — laquelle n’est pas un mauvais choix politique des politiciens des puissances occidentales, mais une nécessité de la #reproduction_du_capital.

      Pour « sauver le monde, cette précieuse planète unique et merveilleuse, il [ne] faut [pas] désapprendre la haine et la guerre en profondeur », il faut abattre un système, le capitalisme, qui « porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage » (Jaures).

      Non, il ne faut pas prendre en modèle des personnalités comme Mandela ou Gandhi (le premier qui dirigea l’appareil d’État de la bourgeoisie sud-africaine, garant de la perpétuation de l’apartheid social, le second qui condamna à la passivité les travailleurs indiens quand ils avaient la force d’une révolution sociale), ni attendre quoi que ce soit d’une institution telle que l’ONU, témoin muet voire l’acteur de bien des exactions impérialistes depuis 1945, de la guerre en Corée à la première guerre du Golfe, à la reconnaissance de fait de toutes les dictatures, du soutien indéfectible à la politique américaine à la bénédiction quotidienne de la libre entreprise, des trusts et des milliardaires…

      Non, il ne faut pas promouvoir des stratégies non-violentes — la #bourgeoisie peut être reconnaissante à des gens qui prétendent lutter contre les #guerres de cette façon  ! —, il faut
      prêcher la nécessité de la #révolution_sociale, en démontrer l’utilité et d’y préparer le prolétariat et les exploités.

      Au lieu de cela, #Antje_Vollmer aura été complice active d’un système et, en dépit de ses réserves pacifistes, de sa barbarie meurtrière.

      #impérialisme

  • Le capitalisme : un système économique à l’agonie, un ordre social à renverser

    Cercle Léon Trotsky n°159 (22 février 2019)

    Le texte : https://www.lutte-ouvriere.org/publications/brochures/le-capitalisme-un-systeme-economique-lagonie-un-ordre-social-renvers

    Sommaire :

    La dynamique du capitalisme… et ses contradictions
    – Le travail humain, source de la valeur ajoutée
    – Le secret du #capital
    – La #reproduction_du_capital et ses #contradictions
    – La baisse du #taux_de_profit
    – Le capital, un produit collectif
    – La révolution sociale, une nécessité
    – L’#accumulation_du_capital… et de ses contradictions
    – Sans révolution sociale, la putréfaction continue

    Le #capitalisme aujourd’hui
    – Une courte phase de reconstitution des forces productives
    – Un #taux_de_profit restauré au détriment des travailleurs
    – La financiarisation de l’économie
    – La politique des banques centrales
    – L’#endettement général de la société… et ses conséquences
    – La #finance draine la plus-value créée dans la production
    – La flambée de la bourse et les #Gafam
    – La faiblesse des #investissements productifs
    – Baisse de la #productivité du travail
    – L’#intelligence_artificielle (#IA) et la fin du travail ?
    – La #Chine, moteur de la croissance mondiale ?
    – L’#informatique, nouvelle révolution industrielle ?

    La #révolution_sociale, seule voie pour sortir de l’impasse
    – Les forces productives sont plus que mûres pour le #socialisme
    – Réimplanter une #conscience_de_classe, reconstruire des partis révolutionnaires

    #lutte_de_classe #parti_ouvrier #parti_révolutionnaire #communisme #classe_ouvrière

  • La dernière bouse du sociologue obscurantiste #Gérald_Bronner est sortie.

    Pour Bronner, nous ne sommes pas réductibles à notre origine sociale, et les récits qu’en font habituellement les « #transclasses » en insistant sur les difficultés de leur parcours sont faussés par une multitude de biais inconscients. C’est pourquoi il a la dent dure contre les plus connus des transfuges, les écrivains #Annie_Ernaux et #Edouard_Louis, la philosophe Chantal Jaquet, autrice des Transclasses ou la non-reproduction (2014, PUF) et le sociologue #Didier_Eribon, auteur du célèbre Retour à Reims (Fayard)qui marqua un tournant pour l’émergence de cette catégorie sociale dans le débat public en 2009. Tous ont analysé ce que l’ascension sociale avait provoqué en eux et dans leurs relations avec leurs familles. […]

    Direct dans la déchiqueteuse.

    #transfuge_de_classe #sociologie_réactionnaire #anti-déterminisme #anti-matérialisme #reproduction_sociale #obscurantisme

  • Temporal trends in sperm count: a systematic review and meta-regression analysis of samples collected globally in the 20th and 21st centuries | Human Reproduction Update | Oxford Academic
    https://academic.oup.com/humupd/advance-article/doi/10.1093/humupd/dmac035/6824414

    This analysis is the first to report a decline in sperm count among unselected men from South/Central America–Asia–Africa, in contrast to our previous meta-analysis that was underpowered to examine those continents. Furthermore, data suggest that this world-wide decline is continuing in the 21st century at an accelerated pace. Research on the causes of this continuing decline and actions to prevent further disruption of male reproductive health are urgently needed.

    Ben Wilson sur Twitter
    https://twitter.com/BenWilsonTweets/status/1598091125658914819

    New sperm meta-analysis. Big takeaways:
    • Sperm reduction is not localized, happening globally
    • 50% reduction in avg sperm count since 1973
    Following this trend, the average man will not be able to have children unassisted by 2050

  • « La loi sur le pouvoir d’achat écarte le #salaire comme instrument principal de la relation sociale de travail », Louis-Albert Serrut, syndicaliste.

    La série de mesures votées par l’Assemblée nationale le 22 juillet dans le cadre de la loi sur le pouvoir d’achat [définitivement adoptée, mercredi 3 août, à l’Assemblée nationale puis au Sénat] dissimule, sous les bruits d’une bataille médiatique opportune, des enjeux et des effets qui vont au-delà des aménagements annoncés comme des avancées pour les salariés.

    Ces mesures ponctuelles (prime annuelle, intéressement) se substituent aux discussions des organisations syndicales de salariés et d’employeurs sur les rémunérations, devenues inutiles. Plus grave, elles les ignorent, confirmant le dénigrement macronien des organismes intermédiaires de la démocratie.

    Les #primes dont le montant, triplé, peut atteindre jusqu’à 6 000 euros par an, ne ciblent pas les ménages modestes. Les sans-emploi, exclus de fait du dispositif, sont confrontés au durcissement des conditions d’accès à l’#assurance-chômage et aux réductions de leur indemnisation. Quant aux retraités, la revalorisation des pensions ne répare pas leurs gels successifs ni même l’inflation.

    Travail dissimulé

    Lorsque l’exécutif menace de fusionner d’autorité les branches dans lesquelles des salaires sont inférieurs au smic, il feint d’ignorer que durant son précédent mandat, Macron a inversé les normes, permettant qu’un accord d’entreprise, validé par une seule organisation de salariés même minoritaire, prévale sur les accords de branche nationaux et même sur la loi.

    Les critères de ces primes entérinent les pratiques du travail dissimulé : versement au bon vouloir de l’employeur, #exonération_de_cotisations_sociales et #défiscalisation. C’est d’une certaine manière la légalisation des pratiques du travail au noir.

    Toutes les composantes sociales du salaire, les cotisations, la complémentaire santé, l’épargne salariale, sont ainsi réduites ou plus précisément contournées. Comme les ordonnances Macron de septembre 2017 ont contourné le Parlement pour casser le code du travail, la loi sur le pouvoir d’achat écarte le salaire comme instrument principal de la relation sociale de travail.

    Les exonérations de cotisations – Sécurité sociale, assurance-chômage, retraite complémentaire – appauvrissent un peu plus encore les assurances sociales, déjà affectées par la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) de 2019. Ces exonérations visent à fragiliser les organismes de protection sociale, c’est la « politique des caisses vides » dont parle l’économiste Michaël Zemmour (Le Monde, 21 juillet 2022), pour justifier la nécessité d’une réforme et le recours aux assurances privées de tous ordres, complémentaires santé, accident, retraite.

    Malhonnêteté

    Il ne s’agit pas seulement, comme l’écrit Michaël Zemmour, d’une stratégie de réforme, mais de la continuation dans la recherche constante d’un objectif, celui de la liquidation du programme des « jours heureux ». #Denis_Kessler, alors vice-président du Medef, l’a clairement défini dans une déclaration en 2007 : « Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance (…). Il est grand temps de le réformer (…). La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! »

    Tous les députés de droite (LRM-Renaissance, Les Républicains) et d’extrême droite (Rassemblement national) se sont associés dans cette démarche et ont voté cette loi dite malhonnêtement « pouvoir d’achat », dont l’objectif véritable est de contribuer à l’effacement du modèle social français. Et cet effacement commence par celui du Conseil national de la Résistance (CNR), dont l’acronyme va être remplacé par celui du Conseil national de la refondation, CNR, annoncé pour septembre.

    La malhonnêteté tient au procédé, la dissimulation, autant que dans les arguments, la falsification des besoins de financement.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/08/24/la-loi-sur-le-pouvoir-d-achat-ecarte-le-salaire-comme-instrument-principal-d

    #travail #reproduction_de_la_force_de_travail
    #droit_du_travail #droits_sociaux

  • La puissance féministe - Ou le désir de tout changer

    L’#Amérique_du_Sud est un des coeurs battants du féminisme contemporain. Des millions de #femmes y prennent la rue contre les #féminicides, les #violences qui frappent les minorités de race et de genre, les lois qui répriment l’#avortement et le développement #néo-extractiviste. Figure majeure du féminisme latino-américain, #Verónica_Gago réinscrit ces bouleversements dans l’émergence d’une internationale féministe et propose, avec La #puissance_féministe, un antidote à tous les discours de #culpabilité et de #victimisation. En se réappropriant l’arme classique de la #grève, en construisant un #féminisme_populaire, radical et inclusif, les mouvements sud-américains ont initié une véritable #révolution. C’est à partir de l’expérience de ces luttes que Gago reconceptualise la question du #travail_domestique et de la #reproduction_sociale, expose les limites du #populisme de gauche et dialogue avec Spinoza, Marx, Luxemburg ou Federici. Parce qu’il unit la verve politique du manifeste aux ambitions conceptuelles de la théorie, La puissance féministe est un livre majeur pour saisir la portée internationale du féminisme aujourd’hui.

    https://www.editionsdivergences.com/livre/la-puissance-feministe-ou-le-desir-de-tout-changer
    #féminisme #livre #changement #résistance #extractivisme #intersectionnalité #Amérique_latine

    ping @cede @karine4

  • Espace urbain et distanciation sociale
    https://acta.zone/espace-urbain-et-distanciation-sociale

    Cet entretien avec Stefan Kipfer a été réalisé au beau milieu du confinement. Un an après la publication de son livre « Le temps et l’espace de la décolonisation. Dialogue entre Frantz Fanon et Henri Lefebvre », édité par Eterotopia France, on a voulu revenir sur certaines de ses idées et hypothèses pour interroger le présent et développer des pistes d’analyse concernant la manière dont la crise actuelle investit la production de l’espace urbain. Source : ACTA

    • [...] On pourrait dire, pour retourner très vite au passé, que l’influence hygiéniste dans la période haussmannienne du XIXème siècle et dans la période fonctionnaliste à partir des années 1930, a renforcé l’aspect contre-révolutionnaire de ces deux moments de l’urbanisme moderne. Cet urbanisme a répondu à la fois aux mouvements révolutionnaires des classes populaires en métropole et aux mouvements qui essayaient de résister au colonialisme dans les colonies pour après se transformer en mouvements pour l’indépendance au XXème siècle.

      L’hygiénisme transforme une analyse médicale et sociale des conditions de santé des habitants en idéologie sanitaire qui considère que les classes subalternes et les peuples colonisés sont des éléments pathogènes, notamment quand ils se concentrent dans leur habitats géographiques « naturels » (la foule, les taudis, les faubourgs, les bidonvilles, les banlieues etc.). L’hygiénisme comme idéologie sanitaire comporte donc un déterminisme spatial qui propose que la forme urbaine serait la cause des problèmes sociaux, ce qui amène à des solutions spatiales qui essaient avant tout de séparer les classes dominantes (ou bien les administrateurs coloniaux) des classes populaires ou bien des peuples colonisés. Souvent ces stratégies essaient aussi de dissoudre l’habitat populaire. Si on regarde l’histoire de certains instruments d’intervention d’aménagement – le zonage, l’aménagement des parcs métropolitains, la méthode de la coulée verte – on voit bien comment l’urbanisme moderne est influencé par l’idéologie sanitaire hygiéniste.

      À plusieurs moments de l’histoire moderne de l’urbanisme on voit que ces interventions comprennent une volonté de disperser ou de déconcentrer les classes populaires. Ceci a amené à la production de la banlieue standardisée au milieu du XXème siècle et à l’ urban sprawl (l’étalement urbain), accentué depuis deux générations. L’étalement urbain prend des formes très différentes selon les régions, mais il est devenu une tendance à l’échelle mondiale depuis les années 1980. Il est une force qui a contribué à la destruction des habitats écologiques et à la création d’une situation structurelle favorable à la circulation des virus, des pathogènes et des pandémies16. La première conclusion à tirer est que n’importe quelle stratégie visant à dédoubler la déconcentration de la population aura certainement pour effet de renouveler les conditions qui ont contribué à la production accélérée de pandémies depuis la deuxième moitié du vingtième siècle.

      Espace urbain et distanciation sociale

      Il est vrai qu’aux États-Unis, au Canada, en France et ailleurs, il y a eu une remontée de la critique de la densité, de la vie urbaine dense et intense17. Certaines de ces critiques reprennent le même déterminisme spatial que l’idéologie sanitaire hygiéniste classique, affirmant en gros que ce n’est pas le virus qui tue, mais la morphologie urbaine. Il y a là un déplacement du regard de l’analyse biomédicale du virus à une manière de stigmatiser la forme urbaine. Ceci est une manœuvre classique dans l’idéologie sanitaire. Et pourtant on sait déjà très bien que la densité démographique, la densité de population n’est pas une explication suffisante pour l’avancée de la pandémie. Les premières études portant sur la Chine et New York City ont bien montré que le taux d’infection est déterminé par les conditions sociales et sanitaires et non par la densité elle-même18.

      En fait, il y a toute une série de pays et de villes qui sont soit aussi denses soit plus denses que Milan, Madrid, Paris, et New York, et qui ont réussi beaucoup mieux que ces villes à maîtriser la pandémie : Taiwan, la Corée du Sud, et, avant tout, Hong Kong19. Ils ont réussi ce coup justement à cause de la qualité de leurs infrastructures sanitaires et grâce à leur capacité de poursuivre des démarches proactives de prévention. Je crois que le cas plus impressionnant, le cas le plus frappant qui nous aide à contrer les critiques vulgaires de la densité est le Kerala20. Le Kerala est un État indien qui est trois fois plus dense que la moyenne indienne. C’est un État qui est très lié au niveau international, avec un pourcentage de travailleurs migrants assez important qui partent et qui retournent au pays. Mais le Kerala a un taux d’infection de coronavirus qui est beaucoup plus bas que la moyenne indienne. Pourquoi ? Le Kerala est géré depuis longtemps par un gouvernement de gauche, qui se voulait communiste à un certain moment mais qui est plus ou moins social-démocrate, qui a construit un réseau décentralisé d’infrastructures sanitaires et qui a donc développé une capacité d’action proactive assez impressionnante. Ceci a permis aux autorités et aux citoyens du Kerala de répondre très rapidement lorsque le premier cas de Covid 19 est arrivé dans cet État fin de janvier. Le Kerala nous montre que la densité n’est pas forcément un problème dans une pandémie. Elle peut même être un atout dans le combat contre la propagation du virus.
      Je crois qu’il y une conclusion importante et générale à tirer de cette discussion de l’idéologie sanitaire. Il ne faut jamais faire l’amalgame entre (1) les conditions sanitaires et médicales concrètes, (2) la morphologie urbaine (la forme physique de l’urbain), et (3) les rapports sociaux et politiques qui influencent à la fois la forme urbaine et les conditions sanitaires. Pour éviter une idéologie hygiéniste sanitaire, il faut toujours faire une distinction analytique entre ces trois aspects de la vie urbaine.

      #Stefan_Kipfer #urbanisme #classes_populaires #hygiénisme #Smart_City #capitalisme_High_Tech #surveillance #capitalisme_de_surveillance #atomisation #individualisation #racialisation #État #luttes #travail_essentiel #reproduction_sociale

  • Une crise de la reproduction sociale inédite à l’heure de la pandémie – Agitations
    https://agitationautonome.com/2020/05/10/une-crise-de-la-reproduction-sociale-inedite-a-lheure-de-la-pande

    Dans cet article publié initialement dans Developing Economics, Alessandra Mezzadri présente ce qui, selon elle, fait la singularité de la crise du coronavirus. En tant que crise sanitaire, cette pandémie affecte les conditions de réalisation du travail reproductif. Plus que jamais, la nécessité du travail du care pour la reproduction du rapport social capitaliste s’est fait sentir ces derniers mois. Mezzadri revient sur plusieurs aspects de cette crise sans précédent de la reproduction : la confusion entre le temps de travail salarié et le temps de travail reproductif pour les classes moyennes en télétravail, le retour vers les campagnes des populations qui étaient venues chercher du travail en ville, en passant par les inégalités de genre et de race que la pandémie est venue aggraver. En conclusion, Mezzadri défend que l’impasse dans laquelle se trouve aujourd’hui l’économie réside dans cette contradiction entre la nécessité de la distanciation sociale pour la survie des individus, et celle du maintien des interactions pour la survie du capital.

    #reproduction_sociale

  • Notes sur la reproduction sociale – Simona de Simoni - ACTA
    https://acta.zone/notes-sur-la-reproduction-sociale

    Avec le déclenchement de la pandémie de Covid-19, la contradiction entre une « logique capitaliste du profit » et une « logique de reproduction de la vie » semble avoir été poussée à sa limite. Si, dans ce contexte, la catégorie de la « reproduction sociale » a été mobilisée dans des nombreuses analyses, elle apparaît souvent floue, peu compréhensible, ou bien réduite à un secteur professionnel en particulier (celui du care). Au contraire, dans le féminisme critique contemporain, cette catégorie vise à produire une « théorie unitaire » du capitalisme : c’est-à-dire une théorie capable d’analyser conjointement les processus d’exploitation et d’oppression dans différents contextes mondiaux. 

    Dans ce texte – issu d’une intervention en dialogue avec Cinzia Arruzza (co-autrice de l’ouvrage Féminisme pour les 99%. Un manifeste), Simona de Simoni revient sur la généalogie de cette catégorie, sur sa place dans la pensée marxienne, ainsi que sur sa réappropriation par les féministes marxistes depuis les années 1970 pour analyser « l’ensemble des activités qui reproduisent quotidiennement la société et ses membres ». L’autrice esquisse enfin l’hypothèse d’un renversement subsomptif dans le capitalisme néolibéral contemporain : c’est-à-dire un renversement par lequel la réorganisation des besoins reproductifs devient la matrice principale des transformations de la sphère productive. Ce renversement appelle d’une part à élargir le concept de production, en intégrant la reproduction de la vie en tant que travail. De l’autre, à reconnaître dans l’organisation de la reproduction la matrice de l’organisation globale du capitalisme actuel.

    Introduction

    Avec le déclenchement de la pandémie mondiale et la mise en oeuvre de diverses politiques d’endiguement à l’échelle planétaire, la catégorie de la reproduction sociale a été remise au goût du jour dans de nombreuses analyses. En particulier, plusieurs théoriciennes et militantes féministes ont insisté sur cette question1. On pourrait dire, en fait, que celle-ci s’est imposée, que la propagation de l’épidémie a mis en lumière les caractéristiques et les contradictions inhérentes à la manière dont la reproduction sociale est organisée dans notre société.
    Tout d’abord, l’ampleur et la valeur sociale des « travaux reproductifs » ont émergé : c’est-à-dire tous ces travaux ultra-prolétarisées (tant sur le plan matériel que symbolique), fortement connotées en termes de genre2 et de race, qui permettent quotidiennement la reproduction de personnes et l’entretien d’individus non autonomes (qu’il s’agisse d’enfants, de personnes âgées, de malades ou d’handicapés). Au cours de l’urgence pandémique, ces travaux ont été célébrés de diverses manières par les autorités institutionnelles des différents pays et par les médias mainstream : des articles de journaux et des discours officiels ont parlé de héros, d’anges et de guerriers tandis que l’appareil idéologique et discursif qui accompagne historiquement le travail de reproduction et s’appuie sur diverses images de vocation et de sacrifice a été largement mobilisé.

    Cette reconnaissance superficielle n’a toutefois pas été accompagnée de mesures de protection et de soutien matériel adéquats : les travailleurs et les travailleuses impliqués sur le front de la reproduction sont et ont été exposés à de graves risques de contagion et à des rythmes de travail épuisants. Outre l’ensemble du secteur des soins externalisé dans les services publics ou privés, en raison de l’organisation privée et domestique de la quarantaine, le travail domestique (lui aussi fortement connoté en termes de genre) s’est intensifié avec des conséquences sociales désastreuses à court et moyen terme.

    Deuxièmement, des régimes de reproduction très différents dans les espaces urbains ont été mis en lumière, avec des taux de contagion répartis selon la race, la classe, la marginalité, le sexe, etc. Par exemple, la situation des prisonniers et des sans-abri a été emblématique. Plus généralement, la crise sanitaire a transformé les lieux de travail et d’habitation en véritables variables de survie, exposant certaines catégories à un risque de contagion beaucoup plus élevé que d’autres et, à moyen terme, à une détérioration des conditions de vie d’une grande partie de la population.

    Troisièmement, en raison du confinement de masse, on a assisté à une accélération assez impressionnante de la subsomption capitaliste de larges portions de la reproduction sociale au moyen de dispositifs numériques, ce qui exige une réflexion urgente sur la relation entre la reproduction, les processus d’extraction et la valorisation, ainsi que l’élaboration de pratiques de soustraction, de contre-utilisation et de « ré-endogénisation » de la reproduction. Un exemple clair de ce problème est fourni par le monde de l’éducation à tous les niveaux – de l’école primaire à l’université – et sa réorganisation à distance grâce à l’utilisation de plateformes numériques : dans le secondaire, par exemple, sans aucune discussion critique (ou très peu), les géants Google et Microsoft sont devenus les outils « naturels » pour faire face à l’urgence pandémique. Ainsi, la réponse du secteur de l’éducation à la crise pandémique tend à coïncider tout court avec sa subsomption approfondie à la logique du capitalisme et avec une forte endogénéisation du processus éducatif.

    Enfin, sur un plan plus général, la crise pandémique a mis en évidence la contradiction inhérente au processus de reproduction sociale : une tension profonde entre « vie » et « profit », entre la protection de la vie et la sécurité des travailleurs et des travailleuses d’une part, et la logique contraire de la production à tout prix d’autre part. À ce niveau, l’Italie est un exemple emblématique : la tragédie qui a submergé certains territoires de la région de Lombardie – en particulier Bergame et ses vallées – ne serait pas compréhensible sans une analyse du tissu productif de la région et sans la reconnaissance d’intérêts et de pressions économiques spécifiques (et donc de responsabilités connexes).

    Pour toutes ces raisons – d’autres pourraient être ajoutées ou explicitées – une réflexion sur la reproduction sociale est nécessaire et urgente. À cet égard, il est toutefois utile de prendre du recul et d’essayer de mieux définir ce que l’on entend par reproduction sociale. Il arrive souvent, en effet, que la formule apparaisse nébuleuse, peu compréhensible ou, au contraire, qu’elle se réduise à une sorte d’étiquette qui identifie un secteur professionnel.

    #reproduction_sociale #capitalisme

  • Notes sur le jour où je suis devenue une vieille personne | Alisa del Re
    https://acta.zone/notes-sur-le-jour-ou-je-suis-devenue-une-vieille-personne

    Dans ce texte qui relève à la fois de l’expression subjective personnelle et des considérations stratégiques, Alisa del Re, figure de l’opéraïsme et du féminisme italien, s’interroge sur la construction de la vulnérabilité des personnes âgées durant l’épidémie de Covid-19 et ses conséquences. Ce faisant, elle rappelle la nécessité de replacer la question des corps et de la reproduction sociale au centre de la réflexion politique, et plaide pour une réorganisation sociale qui permette à chacun·e, sans considération pour sa classe d’âge, de bénéficier d’une santé et d’une vie décentes. Source : Il Manifesto via Acta

    • Nous sommes aujourd’hui scandalisé·e·s par ce massacre des personnes âgées, par ce manque de soins pour les corps faibles, qui a montré toutes ses limites parce qu’il n’est pas au centre de l’attention politique, parce qu’il est marginalisé et qu’il est géré suivant les logiques du profit. Face à la pandémie, on découvre, comme si cela était une nouveauté, que nous sommes tou·te·s dépendant·e·s des soins, que nous devons tou·te·s être reproduit·e·s par quelqu’un, que chacun·e d’entre nous porte la faiblesse du vivant en lui ou en elle, que seul·e·s, nous ne pouvons pas grand chose. Nous ne sommes pas des machines disponibles au travail sans conditions, les travailleur·se·s ont été les premier·e·s à faire grève pour que leur santé soit protégée avant le profit, avant même les salaires.

      Au contraire, c’est précisément cette situation exceptionnellement dramatique et sans précédent qui a mis les corps et leur reproduction au premier plan, en soulignant l’étroite relation entre la reproduction, les revenus et les services sociaux – étroite relation qui doit nous servir de programme pour la phase à venir. Même le pape a saisi cette nécessité dans son discours du dimanche de Pâques : « Vous, les travailleurs précaires, les indépendants, le secteur informel ou l’économie populaire, n’avez pas de salaire stable pour supporter ce moment… et la quarantaine est insupportable. Peut-être le moment est-il venu de penser à une forme de salaire universel de base qui reconnaisse et donne de la dignité aux tâches nobles et irremplaçables que vous accomplissez ; un salaire capable de garantir et de réaliser ce slogan humain et chrétien : « pas de travailleur sans droits » ».

      #soin #corps #santé #reproduction_sociale #travailleurs_précaires #indépendants #salaire #revenu_garanti

    • Et #pape. Je ne comprends pas du tout comment son propos sur les droits liés au travail et devant assurer la continuité du revenu dans des situations comme celles-ci (et d’autres : chômage, vieillesse) peut être entendu comme la demande d’un revenu sans contrepartie. C’est bien de droits dérivés du travail qu’il est question.

    • @antonin1, aie l’amabilité s’il te plait de pardonner cette réponse embrouillée et digressive, ses fôtes, erreurs terminologiques et conceptuelles, élisions impossibles et répétitions. Sache qu’elle n’est pas non plus suffisamment mienne à mon goût (je reviendrais peut-être sur ces notes, là, j’en ai marre.).

      Ce revenu là est sans contrepartie car le travail vient avant lui (renversement politique de la logique capitaliste du salaire, payé après la prestation de travail, contrairement au loyer, payable d’avance). C’est reconnaître le caractère social de la production, sans la passer au tamis des perspectives gestionnaires actuellement dominantes à un degré... inusité, bien qu’il s’agisse d’un conflit central. "Chamaillerie" séculaire du conflit de classe prolongé, revisité (quelle classe ? que "sujet" ?) : Qui commande ? Ce point vue selon lequel la contrepartie est par avance déjà assurée, remet en cause le commandement sur le travail (non exclusivement dans l’emploi et l’entreprise) provient pour partie de la lecture politique des luttes sur le salaire, dans l’usine taylorisée, le travail à la chaine, qui ont combattu l’intenable mesure des contributions productives à l’échelon individuel (salaire aux pièces, à la tâche) en exigeant que soit reconnu le caractère collectif de la production avec la revendication durante les années soixante et ensuite d’augmentations de salaire égales pour tous (idem en Corée du Sud, dans l’industrie taylorienne des années 80, ou depuis un moment déjà avec les luttes ouvrières du bassin industriel de la Rivière des Perles chinoise), et pas en pourcentage (ou les ouvriers luttent pour le plus grand bénéfice des « adres », qui accroît la hiérarchie des salaires), ce à quoi on est souvent retourné avec l’individualisation des salaires des années 80, sous l’égide d’une valeur morale, le mérite. Comment peut-on attribuer une "valeur" individuelle à une activité qui est entièrement tributaire de formes de coopération, y compris auto-organisée, mais essentiellement placée y compris dans ces cas "exceptionnels", sous contrainte capitaliste, directe ou indirecte ?

      La est le coup de force sans cesse répété auquel s’oppose tout processus de libération, dans et contre le travail. Avoir ou pas pour finalité LA Révolution, événement qui met fin à l’histoire et en fait naître une autre, qu’on la considère comme peu probable, retardée ou dangereuse - hubris du pouvoir révolutionnaire qui se renverse en domination, à l’exemple de la "soviétique" qui a assuré le "développement" du capitalisme en Russie, entre violence de l’accumulation primitive, bureaucratie, police et archipel pénal, ou faillite, épuisement de la politisation populaire-, ne modifie ça que relativement (et c’est beaucoup, c’est l’inconnu : reprise des perspectives communalistes, mais à quelle échelle ? apologie de la révolution dans la vie quotidienne, de la désertion, de la fragmentation, perte de capacité à imaginer comment la coopération sociale, la production, la circulation, les échanges, la recherche, etc. pourraient être coordonnées autant que de besoin), avoir ou pas La révolution à la façon du Grand soir pour perspective ne supprime pas ce qui fonde des processus de libération, ces contradictions sociales, politiques, existentielles (chez tous, spécialement les femmes et les « colorés » pour employer une désignation étasunnienne, faute de mieux, car réticent au sociologique « racisés »), l’immanence de tensions agissantes, ou seulement potentielles (la menace est toujours là, bien qu’elle ne suffise en rien à elle seule, confère par exemple l’époque ou, actualisée ou rémanente, l’ivresse mondiale du socialisme pouvait partout potentialiser la conflictualité sociale). Ne pas en rester aux « alternatives » de la politique gestionnaire, impose de s’appuyer sur des avancées pratiques seules en mesures de relancer cet enjeu de lutte... Il y aurait sans doute à le faire aujourd’hui à partir du #chômage_partiel provisoirement concédé sous les auspices de la crise sanitaire à plus de la moitié des salaires du privé et d’autres phénomènes, massifs ou plus ténus. Être dans la pandémie réintroduit une étrange forme de communauté, et à quelle échelle ! Quels agencements collectifs d’énonciation se nicheraient là depuis lesquels pourraient être brisée la chape de la domination et dépassée le fragmentaire, sans dévaster des singularités encore si rares (si on excepte les pratiques comme champ propice à l’invention de mondes, si l’on excepte les vivants non bipèdes dont nous avons à attendre une réinvention de notre capacité d’attention), ça reste à découvrir.

      Nos tenants du revenu d’existence ou de base s’appuient d’ailleurs sur ces contradictions, latentes ou visibles (le scandale de la misère, d’une rareté organisée , ce en quoi je ne peux qu’être d’accord au cube) et déclarées, pour promettre de les résorber peu ou prou. Comme on parlait du "socialisme à visage humain" après Staline, la mort du Mouvement ouvrier, et non des luttes ouvrières, fait promettre une consolation impossible, un capitalisme à visage humain, ce qu’on retrouve chez les actuels enchantés actuels l’après qui sera pas comme avant qui refusent d’envisager qu’il s’agit de force à constituer et à mettre en oeuvre, contre la violence du capital, ne serait- ce que pour modestement, mais quelle ambition !, la contenir (sans jamais tabler outre mesure sur le coût d’arrêt écologique). Pourtant, il n’y a aucun espace pour le "réformisme » sans tension révolutionnaire, sans conflit, ouvert ou larvé, qui remette en cause avec force le business as usal.

      Je digresse à profusion, mauvais pli. Le travail déjà là qui « justifie » (que de problèmes inabordés avec l’emploi de ce terme) le revenu garanti, doit se lire au delà de l’usine et de toute entreprise : l’élevage des enfants, le travail des femmes, la scolarisation et la formation, l’emploi aléatoire et discontinu, le travail invisible(ils sont plusieurs, dont une part décisive des pratique du soin), la retraite (qu’elle a déjà bien assez travaillée avant d’avoir lieu, les comptables pourraient servir à quelque chose si on les collait pas partout où ils n’ont rien à faire que nuire), les périodes de latence elles-mêmes, et donc la santé (pas tant la "bonne santé" que la santé soignée, défaillante et « réparée », soutenue) prérequis à l’existence de la première des forces productives (souvent réduites au capital fixe et à la science) le travail vivant, d’autant que c’est toujours davantage la vie même qui est mise au travail (jusqu’aux moindres manifestations d’existence et échanges : data), ici le revenu garanti est une politique des besoins radicaux autant qu’il signe une acceptation de l’égalité. C’est du moins comme cela que je veux le voir (bien des seenthissiens sont en désaccord avec divers points évoqués ici, et avec une telle caractérisation de la portée révolutionnaire du revenu garanti, qui fait par ailleurs l’objet de nombreuses critiques se prévalant de l’émancipation, de la révolution, etc.).

      Antériorité du travail vivant sur le rapport de capital donc. L’économie venant recouvrir cela, si l’on veut bien en cela "suivre" Marx sans renoncer à une rupture des et d’avec les rapports sociaux capitalistes (modalités diverses : intellectuelles, lutte, Révolution, révolutions..) - compris dans ses versions marxistes (décadence objectiviste et économiciste de la critique de l’économie politique alors que ce type d’approche ne peut aller sans poser la question du pouvoir, du commandement capitaliste (micro, méso, macro, global).
      L’approche d’Alisa del Re, l’intro à son texte le rappelle, a partie liée avec un courant théorico-politique né dans l’Italie au début des années 60, l’opéraïsme, un marxisme hérétique et une pratique de pensée paradoxale.
      [Voilà comment j’ai relevé ce jour les occurrences de La Horde d’or pour leur coller tous le # La_Horde_d’or, (parfois, je ne disposais pas d’un post perso où ajouter ce #, s’cusez), livre en ligne http://ordadoro.info où on trouve de quoi satisfaire en partie la curiosité sur ce courant et ces histoires, par recherche internet sur le site dédié ou en employant l’index].

      La revendication d’un revenu garanti, d’une généralisation égalitaire des "droits sociaux" qui soit substantielle, (niveau élevé, absence de conditionnalité, de familialisation comme mécanisme de base, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faille pas tenir compte positivement de l’ampleur du ménage, des enfants, etc. ) peut (a pu, pourra ?) mettre crise la politique du capital (une vie soumise à la mesure du temps de travail, une disponibilité productive gouvernée, cf. chômage) et entrouvrir à un autre développement que le "développement" capitaliste, de faire que la "libre activité" actuellement interdite, bridée, exploitée et toujours capturée -ce qui limite singulièrement la définition des prolos et précaires comme surnuméraires , même si celle-ci décrit quelque chose de l’idéologie agissante de l’adversaire, qui n’est pas un rapport social sans agents agissants, ni une simple oligarchie sans assise sociale réelle, mais bien l’organisation de fait de militants de l’économie fabriqués en série dans les écoles faites pour ça, et pas seulement la télé -, que la libre activité ou la "pulsion" à oeuvrer, transformer, inventer (présente sous le travail qui est nécessité économique avant tout) absorbe comme n voudra capturée pour le profit puisse relever de satisfaction des besoins)

      Travail, revenu et communisme t’intriguent. Si ce qui précède ne te refroidit pas, il y a ici même des # utilisables pour un parcours, petites promenades ou randonnée sans fin : revenu_garanti refus_du_travail general_intellect opéraïsme salaire_social salaire_garanti Mario_Tronti Toni_Negri Silvia_Federici Paolo_Virno Nanni_Ballestrini ... labyrinthe étendu lorsque s’y ajoute dess # trouvé dans les textes abordés ou la colonne de droite du site.

    • Pardon @colporteur mais ça fait vingt ans que j’entends virevolter les abeilles de YMB, traducteur de tout ce beau monde, et je ne comprends toujours pas comment dans le cadre où nous sommes, une société capitaliste libérale, une revendication de revenu garanti peut ne pas être une mesure libérale. Dans une société idéale, peut-être, sans accumulation, sans marché du travail, où nous sommes plus proches des bases matérielles de nos vies, où le travail fait donc sens et s’impose sans être imposé... Mais pour l’instant, je ne vois pas comment on peut sortir de la condition surnuméraire par la magie d’un revenu sans fonction sociale. Serait-ce le plus beau métier du monde, tellement beau que les mecs se battent pour l’exercer, justement la fête des mères se rapproche.

    • [Les # du post précédent ne s’enregistrant pas, j’essaie ici] il y a ici même des # utilisables pour un parcours, petites promenades ou randonnée sans fin : #revenu_garanti #refus_du_travail #general_intellect #opéraïsme #salaire_social #salaire_garanti #Mario_Tronti #Toni_Negri #Silvia_Federici #Paolo_Virno #Nanni_Balestrini ... labyrinthe étendu lorsque s’y ajoute des # trouvés dans les textes abordés ou/et dans la colonne de droite du site.

  • On Social Reproduction and the Covid-19 Pandemic

    Thesis 1
    Capitalism prioritizes profit-making over life-making: We want to reverse it

    This pandemic, and the ruling class response to it, offers a clear and tragic illustration of the idea at the heart of Social Reproduction Theory: that life-making bows to the requirements of profit-making.

    Capitalism’s ability to produce its own life blood—profit—utterly depends upon the daily “production” of workers. That means it depends upon life-making processes that it does not fully and immediately control or dominate. At the same time, the logic of accumulation requires that it keeps as low as possible the wages and taxes that support the production and maintenance of life. This is the major contradiction at the heart of capitalism. It degrades and undervalues precisely those who make real social wealth: nurses and other workers in hospitals and healthcare, agricultural laborers, workers in food factories, supermarket employees and delivery drivers, waste collectors, teachers, child carers, elderly carers. These are the racialized, feminized workers that capitalism humiliates and stigmatizes with low wages and often dangerous working conditions. Yet the current pandemic makes clear that our society simply cannot survive without them. Society also cannot survive with pharmaceutical companies competing for profits and exploiting our right to stay alive. And it is apparent that the ‘invisible hand of the market’ will not make and run a planet-wide health infrastructure which, as the current pandemic is showing, humanity needs.

    The health crisis is thus forcing capital to focus on life and life-making work such as healthcare, social care, food production and distribution. We demand that this focus remains even when the pandemic has passed so that health, education and other life-making activities are decommodified and made accessible to all.

    Thesis 2
    Social reproduction workers are essential workers: We demand they be recognized as such in perpetuity

    While most commodity-producing companies lacking workers have seen their profits and stock values drop precipitously, they find themselves beholden to the people-making organizations, communities, households and individuals. But, given capitalism’s need to prioritize profit-making over life-making, such organizations, communities, households and individuals are barely equipped to meet the challenge. It is not just that Covid-19 has taken a toll on healthcare, public transit and grocery store workers, various community volunteers and others. Years and years of dismantling essential social services in the name of austerity means that social reproductive workforces are smaller than they used to be, and community organizations fewer and less well resourced.

    To compensate for decades of neglect in a crisis, many capitalist states and corporations are shifting their priorities, but only partially and temporarily. They are sending cheques to households, extending unemployment insurance to precarious workers, ordering automakers to switch from producing cars to producing masks and ventilators. In Spain, the state temporarily took over for-profit hospitals; in the US, insurance companies are forfeiting co-payments for Covid-19 testing. Among other things, this shows just how readily available and plentiful are the resources to actually meet people’s needs when there is political will.

    We demand that workers in social reproduction sectors—nurses, hospital cleaners, teachers, garbage removal staff, food makers and supermarket employees—be permanently recognized for the essential service they perform, and their wages, benefit and social standing be improved to reflect their importance in maintaining society as a whole.

    Thesis 3
    Bail out people not banks

    Our rulers are devoting far more resources to bailing out businesses, in the hope of staving off an utter collapse of capitalist value. The very profits produced, we remind you, by the labor power that social reproductive labor supplies. CEOs of hotel and restaurant chains, tech and airline companies, and more are throwing millions of workers off their payroll, while largely preserving their own hyper-inflated salaries and benefits. This is because the capitalist system requires that the contradiction between life and wage labour always be resolved to the benefit of capital rather than people’s lives.

    We demand that all financial resources and stimulus packages be invested in life-making work, and not in keeping capitalist companies running.

    Thesis 4
    Open borders, close prisons

    This pandemic is hitting immigrants and detainees very hard: those who are stuck in prisons or detention centers with indecent hygienic conditions and no health resources, those who are undocumented and suffer in silence for fear of seeking help and getting deported, those who work in life-making activities (health and social care, agriculture, etc.) and are more at risk of being infected because they have no choice but go to work (lacking adequate or any protective gear), those who are in transit between countries trying to reach their families, and those who cannot leave their countries because of travel bans and sanctions.

    Pandemic or not, Trump will retain the sanctions against Iran (where infection rates and deaths are skyrocketing). And neither Trump nor the European Union will pressure Israel to lift sanctions that rob the 2 million people imprisoned in Gaza of much needed medical supplies. This differentiated response to the pandemic draws upon and reinforces the racist and colonialist oppression that is capitalism’s underbelly.

    We demand that healthcare needs take precedence over any immigration regulations, that those imprisoned for most crimes be released immediately and alternative compassionate sanctions are found for those who are sick, that detention centers and other carceral institutions aimed at disciplining rather than nourishing life be closed.

    Thesis 5
    Solidarity is our weapon: Let’s use it against capital

    The pandemic has revealed to the world how working people in a crisis always get by through a wide and creative array of survival strategies. For most, that has meant relying on immediate friends and family. Some, however, are managing through mutual aid initiatives. For the homeless and those capitalist society has rejected as a burden, support has come from heroic initiatives of social reproduction volunteers who are offering to others nothing less than the right to life. Neighborhoods across the UK are creating Whatsapp groups to stay in touch with the most vulnerable and help them obtain food and medication. Schools are sending food vouchers to poor families with children eligible for free meals. Food banks and charities are seeing the number of volunteers rising. Social reproduction commons are arising as an urgent necessity. But we have also learned the lessons of the past: we will not allow capitalist governments to use social reproduction commons as an excuse for the state’s withdrawal from responsibility.

    As socialist feminists, we need to push this further, to work together to call for public provision of all that is necessary for human life to thrive. This means building solidarity across the different communities that are unequally affected and resourced. This means supporting the most marginalized and arguing for those with any social resources—trade unions, NGOs, community organizations—to share and support those without. This means demanding that the state recognize social reproduction work as the cornerstone of social existence.

    We demand that governments learn from the people and replicate in policy terms what ordinary people are doing to help and support each other.

    Thesis 6
    Feminist Solidarity against Domestic Violence

    The lockdown measures adopted by most countries to contain the spread of Covid-19, while absolutely necessary, have severe consequences for millions of people who live in abusive relationships. Reports of domestic violence against women and LGBTQ folk have multiplied during the pandemic as victims are forced to stay indoors with violent partners or family members. Stay-at-home campaigns that do not take into account the specific plight of domestic abuse are particularly worrisome in a context in which years of rampant neoliberalism have meant that funds have been withdrawn from anti-violence shelters and services

    We demand that governments immediately reverse years of defunding of anti-violence services, and provide the resources agencies need to operate and widely publicize their helplines.

    Thesis 7
    Social reproduction workers have social power: We can use it to reorganize society

    This pandemic can, and should, be a moment when the left puts forward a concrete agenda for how to support life over profit in a way that will help us move beyond capitalism. This pandemic has already shown us how much capitalism needs social reproductive workers—waged and unwaged, in hospitals and infrastructure work, in households, in communities. Let’s keep reminding ourselves of that, and of the social power that such workers hold. This is the moment when we, as social reproduction workers, must develop the consciousness of the social power we hold, in our national contexts, at the borders that divide us, and across the globe.

    If we stop, the world stops. That insight can be the basis of policies that respect our work, it can also be the basis of political action that builds the infrastructure for a renewed anti-capitalist agenda in which it is not profit-making but life-making that drives our societies.

    https://spectrejournal.com/seven-theses-on-social-reproduction-and-the-covid-19-pandemic

    #propositions #thèses #féminisme #reproduction_sociale #le_monde_d'après #marxisme #capitalisme #profit #travail #frontières #ouverture_des_frontières #prisons #solidarité #violence_domestique #solidarité_féminine #pouvoir #pouvoir_social #féminisme_marxiste

    Traduction en français :
    Sept thèses féministes sur le #covid-19 et la reproduction sociale

    Alors que la pandémie de Covid-19 continue de sévir dans le monde entier, il apparaît de plus en plus clairement que les intérêts de l’#économie mondiale sont en contradiction avec la #préservation_de_la_vie. Ainsi a été rendue visible aux yeux de tou·te·s l’importance fondamentale de celles et ceux qu’on trouve en première ligne – les infirmier·e·s et les autres personnels de santé, les ouvrier·e·s agricoles, les ouvrier·e·s des usines alimentaires, les employé·e·s des supermarchés etc. –, celles et ceux dont l’emploi permet la reproduction de la vie même. A travers ces sept thèses que nous traduisons aujourd’hui, le collectif féministe marxiste montre combien la théorie de la reproduction sociale peut nous aider à penser l’épidémie, mais aussi à dresser des pistes pour abolir le monde qui l’a produite.

    https://acta.zone/sept-theses-feministes-sur-le-covid-19-et-la-reproduction-sociale

    via @isskein
    ping @karine4

  • Covid-19, crise du commandement capitaliste et contagion sociale. Comment intervenir ? – ACTA, Texte initialement publié sur le site Infoaut.
    https://acta.zone/covid-19-crise-du-commandement-capitaliste-et-contagion-sociale

    Le Covid-19 est l’incursion violente, rapide et incontrôlable d’un virus qui fragilise la santé de la population mondiale en se propageant par le contact humain dans les voies respiratoires. Il a déjà contaminé et tué des dizaines de milliers de personnes.

    En se propageant à travers les réseaux du commerce international, le Covid-19 a constitué d’emblée une crise sanitaire mondiale. Il a rendu visible les effets des coupes dans les investissements publics sur la qualité des services sanitaires, thérapeutiques et de prévention primaire ; le manque de stratégies de prévention et de formation épidémiologique des responsables institutionnels ; l’absence d’organisation structurée en « couloirs sanitaires », de réseaux d’assistance sur le territoire et de moyens de protection adéquats (tests de dépistage, équipements de protection) pour le personnel médical qui s’infecte à tout-va.

    Mais la crise sanitaire est en train de devenir ou est déjà devenue une crise « du social » : restrictions de mobilité et isolement humain ; propagation régulière et continue du virus le long des lignes de la productivité ; absence de réponses économiques (face à la faim et aux dettes) et de services pour la population (il suffit de penser au deuil sans l’encadrement rituel des funérailles). Elle deviendra une crise économique, avec un ralentissement de l’accumulation et de la production de valeur. Licenciements, faillites, saisies, compétition inter-capitalistes dans le transfert et l’absorption de la crise n’en sont que quelques aspects triviaux déjà visibles pour tout un chacun.

    Insister sur la crise du commandement capitaliste

    Mais une autre prise de conscience habite l’élite mondiale. « L’alternative – une destruction permanente de la capacité de production et donc de l’assiette fiscale – serait beaucoup plus préjudiciable pour l’économie et éventuellement la confiance dans le gouvernement »1. Tels sont les mots de Mario Draghi dans son vibrant appel à prendre conscience de l’état de guerre dans lequel nous nous trouvons, incitant les autorités à se débarrasser du dogme de l’équilibre budgétaire en injectant des centaines de milliards de dollars dans les veines du patient mourant formé par le corps socio-économique tout entier. Leur grande crainte est que la crise se transforme en effondrement, que ce soit la prise du Gouvernement sur les événements qui soit en jeu dans la contagion pandémique, c’est-à-dire l’organisation hiérarchique de la société en fonction de leur Économie. L’hypothèse qu’elle débouche sur une « crise » du commandement se manifeste dans l’incapacité systémique à penser des alternatives efficaces capables de réorganiser de façon durable et cohérente la production de biens en lien avec la reproduction sociale de l’être humain. Les propositions de voies de sortie venues du camp capitaliste et sagement esquissées par l’ancien président de la Banque centrale européenne, énoncent et renouvellent les causes de la crise actuelle. Davantage de dettes pour sauver le capital fictif, peut-être un peu d’helicopter money [NdT : en anglais dans le texte] pour permettre à la valeur de se réaliser sur le marché. Ainsi, le plan visant à « desserrer les cordons de la bourse » pour transformer une partie de la finance en revenu de consommation est le premier grand signe d’opposition des classes dominantes à l’effondrement de la civilisation capitaliste.

    Cependant, sous les latitudes plus ordinaires de la réalité sociale, celles où nous nous trouvons presque tous en quarantaine, au travail ou à l’hôpital, la crise de la reproduction capitaliste contenue dans la situation d’urgence soulève de nouvelles questions, auparavant ensevelies sous le flux continu de l’ordre social. C’est un peu comme un hamster qui cesse soudainement de tourner dans son manège, et découvre, stupéfait, une nouvelle perspective. Il remarque la cage, la scrute, jette un œil au dehors. Il essaie de comprendre à quoi ce dehors ressemble, avant même de penser à scier ses barreaux pour s’échapper. Dans cette « guerre contre le Covid-19 », le blocage partiel mais significatif de la reproduction capitaliste ouvre une nouvelle série d’expériences collectives et massifiées et de nouvelles dimensions de la vie sociale. Cette fois-ci, elles ne sont pas complètement dirigées par d’autres car elles condensent un travail humain et parce qu’elles sont « influencées » par la propagation du virus lui-même, comme élément d’ingouvernabilité. Par là, ces expériences peuvent contribuer à faire varier le cours de l’Histoire. C’est donc à ce niveau que nous devons réfléchir à une action commune à la hauteur de la tâche.

    L’hypothèse politique que nous proposons dans ces pages est de se saisir de l’urgence pandémique, comme destruction et comme opportunité, dans les termes subjectifs d’un sujet encore à construire : transformer l’objectivité de la crise en déstructuration du commandement capitaliste. C’est-à-dire faire ressortir et renforcer la nature antagoniste au système dominant présente dans les actions des sujets sociaux dans le cadre d’un affrontement qui a déjà commencé. Cet affrontement ne peut, à ce jour, être une question de pouvoir, de force, de combat frontal avec le camp adverse, de conflit d’autorité sur ce qu’est et qui décide dans l’état dit d’exception. Il ne peut en être ainsi, non pas parce qu’il s’agit d’une conception dépassée des rapports de force entre les classes, mais parce que le Sujet historique n’existe pas en tant que tel. Pour l’instant, il est matériellement dispersé sous la forme d’une présence au sein des ganglions de la reproduction sociale. Il existe en puissance, sous la forme de femmes et d’hommes engagés d’une certaine manière dans la lutte pour survivre à l’intérieur et contre l’urgence du Covid-19.

    #crise_sanitaire #crise_économique #reproduction_sociale #Commandement_capitaliste

  • Sept thèses féministes sur le Covid-19 et la reproduction sociale – ACTA
    https://acta.zone/sept-theses-feministes-sur-le-covid-19-et-la-reproduction-sociale

    Cette pandémie, et la réponse qu’y donne la classe dirigeante, illustre de manière claire et tragique l’idée qui est au cœur de la théorie de la reproduction sociale : la production de la vie se plie aux exigences du profit.

    La capacité du capitalisme à produire son propre flux vital – le profit – dépend de la « production » quotidienne de travailleurs. Autrement dit, elle dépend du processus de création de la vie qu’il ne contrôle ou ne domine pas entièrement ni directement. Dans le même temps, la logique de l’accumulation exige de maintenir au plus bas tant les salaires que les impôts qui soutiennent la production et la préservation de la vie. Il s’agit là de la contradiction majeure qui est au cœur du capitalisme : il dénigre et sous-évalue précisément celles et ceux qui produisent la vraie richesse sociale : les infirmier·e·s et les autres personnels de santé, les ouvrier·e·s agricoles, les ouvrier·e·s des usines alimentaires, les employé·e·s des supermarchés et les livreur·se·s, les collecteur·trice·s de déchets, les enseignants·e·, celles et ceux qui s’occupent des enfants ou des personnes âgées. Ce sont les travailleuses1 racialisées, féminisées, que le capitalisme humilie et stigmatise en leur imposant des salaires bas et des conditions de travail souvent dangereuses. Pourtant, la pandémie actuelle montre clairement que notre société ne peut tout simplement pas survivre sans elles. La société ne peut pas non plus survivre avec des sociétés pharmaceutiques qui se font concurrence pour les profits et qui exploitent notre droit à rester en vie. Et il est évident que la « main invisible du marché » ne pourra pas créer et gérer l’infrastructure sanitaire planétaire dont la pandémie actuelle montre bien que l’humanité a besoin.

    #reproduction_sociale #féminisme #marxisme #féminisme_marxiste #Bhattacharya #Bromberg #Dimitrakaki #Farris #Ferguson #HM #covid_19

  • Des #pêcheurs pris dans un étau

    « La mer c’est la liberté. Aujourd’hui nous sommes emprisonnés à même l’eau » déplore Slah Eddine Mcharek, président de l’Association Le Pêcheur pour le développement et l’environnement[1] à #Zarzis. Leurs projets sont ambitieux : protection des ressources aquatiques, développement d’une pêche durable et responsable et défense de la pêche artisanale. Mais les obstacles sont de taille : pris entre la raréfaction des ressources halieutiques, les menaces à leur sécurité, la réduction de leur zone de pêche et la criminalisation du sauvetage des migrants en mer, les pêcheurs se retrouvent enserrés dans un véritable étau.

    Au-delà de la petite ville de Zarzis et de ses plages où se côtoient hôtels de luxe, corps de naufragés et pêcheurs en lutte, le récit de Slah Eddine rappelle l’importance de la justice migratoire et environnementale.

    La mer, déchetterie nationale

    Depuis quelques années, un phénomène prend de l’ampleur : les rejets de déchets plastiques envahissent les rives et encombrent les zones où travaillent les pêcheurs. Faute d’un système opérationnel de collecte des ordures ménagères et de sensibilisation aux risques liés à la pollution des eaux par le plastique, ces déchets s’entassent dans les canaux de la ville avant de se disperser dans la mer, au point que les pêcheurs réclament l’interdiction des sacs plastiques.

    Aux déchets ménagers s’ajoute le problème des rejets industriels. Slah Eddine déploie une carte du bassin méditerranéen et pointe du doigt le sebkhet el melah (marais salant) des côtes de Zarzis. Le salin appartient à Cotusal, vestige colonial d’une filiale française qui a exploité pendant longtemps les ressources salines de la Tunisie, dans le cadre de concessions avantageuses qui n’ont pas été renégociées depuis l’indépendance[2]. L’exploitation du sel dans cette région, en plus de saliniser les terres agricoles, rejette des produits de traitement du sel dans la mer. Surtout, les eaux zarzisiennes sont polluées par les rejets du Groupe Chimique Tunisien, notamment le phosphogypse, et par les eaux usées non traitées par l’ONAS (Office National de l’Assainissement). Cette dernière ne remplit pas sa mission de traitement des eaux industrielles et ménagères, notamment sur l’île de Djerba. Une partie des eaux est traitée de manière inefficace et insuffisante, l’autre non traitée du tout.

    Un équilibre écologique rompu

    Pour les êtres vivants qui habitent ces eaux, les rejets industriels mêlés aux déchets et eaux usées ne peuvent faire que mauvais mélange. « La mer est devenue des toilettes à ciel ouvert » s’indigne Slah Eddine, pointant cette fois du doigt deux poissons dessinés sur une affiche. L’un est le loup de mer et l’autre la dorade. « Là où les usines rejettent leurs eaux, ces poissons n’y vivent plus » explique-t-il. La contamination de ces eaux rompt un équilibre essentiel à la survie de la faune et la flore maritimes.

    Dans ces eaux, la reproduction marine est difficile sinon impossible, entraînant la disparition de plusieurs espèces de poissons et notamment les espèces cartilagineuses. Les éponges souffrent quant à elles du réchauffement climatique et présentent depuis quelques années des signes de maladies, au désespoir des familles qui vivent de leur commerce. Ainsi, en 2017, suite à la montée des températures (24°C à 67m de profondeur !), de nombreuses éponges sont mortes, par leur fragilité aux changements du milieu ou par une épidémie favorisée par cette augmentation de température[3].

    L’accumulation des pollutions a fini par asphyxier toute forme de vie dans les eaux proches de Djerba et Zarzis et notamment dans le golfe quasi fermé de Boughrara. Les pêcheurs estiment que 90 % des poissons et mollusques auraient disparu en dix ou vingt ans, privant beaucoup de personnes, notamment des jeunes et des femmes, d’un revenu stable. Mais alors que les pêcheurs de Gabès reçoivent des compensations à cause de la pollution et viennent pêcher sur les côtes de Zarzis, les pêcheurs zarzisiens ne reçoivent rien alors qu’ils sont aussi affectés.

    Plus au nord, sur les côtes sfaxiennes, c’est un autre phénomène qui s’est produit deux fois cette année, en juin puis en novembre, notamment à Jbeniana : la mer est devenue rouge, entrainant une forte mortalité de poissons. Le phénomène a été expliqué par la présence de microalgues eutrophisant la mer, c’est-à-dire la privant de son oxygène. Mais la version officielle s’arrête là[4], la prolifération de ces microalgues n’a pas été expliquée. Or, des phénomènes similaires sont connus à d’autres endroits de la planète, notamment dans le golfe du Mexique où la prolifération des algues est due à l’excès d’engrais phosphaté et azoté qui se retrouve dans la mer, ou du rejet d’eaux usées, qui produisent des concentrations trop importantes de matières organiques[5]. Il est donc fort probable que les rejets concentrés en phosphate du Groupe Chimique Tunisien à Gabès et Sfax, d’autres rejets industriels et ménagers et/ou des rejets d’engrais agricoles par les oueds soient à l’origine du phénomène.

    Le coût de Daesh

    Alors que certaines espèces disparaissent, d’autres se multiplient en trop grand nombre. Le crabe bleu, surnommé « Daesh » par les pêcheurs de la région du fait de son potentiel invasif et destructeur, en est le meilleur exemple. Cette espèce, apparue fin 2014 dans le golfe de Gabès[6], a rapidement proliféré au large des côtes, se nourrissant des poissons qui jusque-là constituaient le gagne-pain des pêcheurs du coin. « Daesh détruit tout : les dorades, les crevettes, les seiches …. Tous les bons poissons ! » s’exclame-t-il. La voracité du crabe bleu a aggravé les problèmes économiques de bien des pêcheurs. Si la chair de cette espèce invasive fait le bonheur de certains palais et qu’un marché à l’export est en plein développement en direction de l’Asie et du Golfe, les habitants de Zarzis qui vivent de la pêche artisanale, eux, ne s’y retrouvent pas. « Un kilo de loup ou de dorade se vend 40 dinars. Un kilo de crabe bleu, c’est seulement 2 dinars ! » affirme un pêcheur de l’association.

    Le calcul est vite fait, d’autant plus que les crabes bleus font assumer aux pêcheurs un coût du renouvellement du matériel beaucoup plus important, leurs pinces ayant tendance à cisailler les filets. « Avant l’arrivée de Daesh, nous changions les filets environ deux fois par an, maintenant c’est quatre à cinq fois par ans ! » se désole l’un d’entre eux.

    Bloqués dans un Sahara marin

    Comme le martèlent les pêcheurs, « la zone de pêche de Zarzis est devenue un Sahara, un véritable désert ». Suite au partage international de la Méditerranée, les pêcheurs zarzisiens sont cantonnés dans des eaux côtières, qui se vident de poisson suite aux désastres écologiques et à la surpêche.

    « Avant 2005 et le dialogue 5+5[7] on pouvait accéder à des zones de pêche intéressantes, mais depuis les autres pays ont agrandi leur territoire marin ». En effet, c’est en 2005 que la Libye met en place sa zone de pêche exclusive, interdisant ainsi l’accès aux pêcheurs tunisiens. La Tunisie met elle aussi en place sa zone économique exclusive[8], mais, à la différence de la zone libyenne[9], elle autorise des navires étrangers à y pêcher. Les chalutiers égyptiens sont particulièrement présents, et s’ajoutent aux chalutiers tunisiens (de Sfax notamment) qui ne peuvent plus pêcher dans les eaux poissonneuses libyennes. Il arrive même que ces chalutiers pénètrent dans les eaux territoriales, en toute impunité. En plus des désastres écologiques, les eaux du sud tunisien se vident ainsi de leurs poissons à cause de la surpêche.

    Limites des différentes zones maritimes tunisiennes[10] :

    Or, les frontières officielles ne semblent pas délimiter la zone où les pêcheurs tunisiens peuvent réellement travailler, cette dernière étant manifestement beaucoup plus restreinte et empiétée par la zone libyenne. Sur la carte maritime qu’il a déployée devant lui, Slah Eddine matérialise la zone où les pêcheurs de Zarzis peuvent pêcher de manière effective et montre en resserrant ses doigts l’évolution de la zone de pêche libyenne au détriment de la zone tunisienne. Mais alors, pourquoi ce déplacement de frontière maritime n’apparaît dans aucun texte ou accord international[11] ? Y a-t-il des accords cachés ? Les garde-côtes libyens s’arrogent-ils le droit de pénétrer les eaux tunisiennes ? Ou les pêcheurs tunisiens auraient-ils intégré l’obligation de ne pas pénétrer une zone tampon pour ne pas craindre pour leur sécurité ?

    Les pêcheurs sous les feux des groupes armés libyens

    Au-delà des problèmes économiques auxquels ils doivent faire face, les pêcheurs de Zarzis sont confrontés à de graves problèmes de sécurité dans les eaux où ils naviguent. Alors que les bateaux de pêche libyens ne se gênent pas, selon Slah Eddine, pour venir exploiter les eaux tunisiennes, il n’existe aucune tolérance pour les pêcheurs tunisiens qui s’aventurent en dehors de leur zone. Ces dernières années, le pêcheur ne compte plus les cas d’agressions, de saisies de bateaux, de menaces et prises d’otages, par les groupes armés, et parmi eux les gardes côtes officiels libyens, équipés par les programmes européens de lutte contre la migration non réglementaire.

    En 2012, un pêcheur tunisien mourrait ainsi sous les balles tirées d’une vedette côtière libyenne tandis que les 18 autres membres de l’équipage étaient faits prisonniers à Tripoli[12]. En 2015, quatre bateaux de pêche tunisiens qui avaient pénétré les eaux libyennes étaient également pris en otage par des groupes armés libyens et acheminés au port d’El Zaouira[13]. Les attaques ont eu lieu jusque dans les eaux tunisiennes, comme en février 2016 lorsque treize chalutiers tunisiens avec soixante-dix marins à bord ont été arraisonnés et emmenés dans le même port, la partie libyenne exigeant alors une rançon contre leur libération[14]. L’année suivante, en 2017, des pêcheurs libyens de Zaouira menaçaient de kidnapper tous les marins tunisiens qu’ils rencontreraient en mer en représailles au contrôle d’un chalutier libyen dans le port de Sfax par la garde maritime tunisienne. Depuis, les prises d’otage se multiplient. Enième épisode d’une saga sans fin, la dernière attaque libyenne date de septembre dernier.

    L’insécurité ne touche pas que les pêcheurs de Zarzis, mais tous les pêcheurs tunisiens qui naviguent à proximité des zones frontalières : au Sud-Est, ce sont les feux des groupes libyens qui les menacent ; au Nord-Ouest, ceux de la garde côtière algérienne. Le 31 janvier de cette année, un pêcheur originaire de Tabarka et âgé de 33 ans a été tué par les autorités algériennes alors que son bateau avait pénétré les eaux territoriales de l’Algérie[15]. « Le danger est partout ! », « on se fait tirer dessus ! », s’exclament les pêcheurs de l’Association. Entre deuil et colère, ils dénoncent l’absence de réponse ferme des autorités tunisiennes contre ces agressions et se font difficilement à l’idée qu’à chaque départ en mer leur vie puisse être menacée.

    Les autres damnés de la mer

    Comme tout marin, les pêcheurs de Zarzis doivent porter assistance aux bateaux en détresse qu’ils croisent sur leur chemin. Et des bateaux en détresse, ce n’est pas ce qui manque au large de Zarzis. Le hasard a fait que leur zone de pêche se trouve sur la route des migrants qui fuient la Libye sur des embarcations de fortune et les accidents sont fréquents dans ces eaux dangereuses. Porter secours aux survivants, prendre contact avec le Centre de Coordination des Sauvetages en Mer, ramener les corps de ceux pour lesquels ils arrivent trop tard afin de leur offrir une sépulture digne, c’est aussi cela, le quotidien des pêcheurs de Zarzis. L’effroi et la colère de l’impuissance lorsque des cadavres se prennent dans les filets pêche, l’inquiétude et le soulagement lorsque le pire est évité et que tout le monde arrive à bon port.

    Sauver des vies lorsqu’il est encore temps, c’est avant tout un devoir d’humanité pour ces hommes et ces femmes de la mer. La question ne se pose même pas, malgré les heures de travail et l’argent perdus. Pour être plus efficaces dans leurs gestes et secourir le plus grand nombre, plus d’une centaine de pêcheurs de Zarzis ont suivi en 2015 une formation de 6 jours sur le secours en mer organisée par Médecins sans frontières[16]. Alors que les politiques européennes de criminalisation des ONG menant des opérations de recherche et de secours en mer ont laissé un grand vide en Méditerranée, les pêcheurs tunisiens se retrouvent en première ligne pour les opérations de sauvetage. Aussi, quand ils partent en mer, prévoient-ils toujours de l’eau et de la nourriture en plus, des fois qu’un bateau à la dérive croise leur chemin.

    Des sauveurs que l’Europe veut faire passer pour des criminels

    Au-delà d’un devoir d’humanité, porter secours aux embarcations en détresse est une obligation inscrite dans le droit international maritime et en particulier dans la Convention internationale sur la Sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS), qui s’applique à tous les navires. Le texte prévoit l’obligation pour tous les Etats de coordonner leurs secours et de coopérer pour acheminer les personnes dans un lieu sûr[17], où la vie des survivants n’est plus menacée et où l’on peut subvenir à leurs besoins fondamentaux.

    Aussi, lorsque l’équipage de Chameseddine Bourrasine croise lors l’été 2018 une embarcation avec 14 migrants à la dérive, c’est sans hésitation qu’il décide de leur porter secours. Mais alors que les rescapés menacent de se suicider s’ils sont ramenés en Tunisie et qu’il ne saurait être question de les livrer aux garde-côtes de Libye où c’est l’enfer des geôles qui les attend, le capitaine décide d’appeler la garde côtière du pays sûr le plus proche, à savoir l’Italie. Après plusieurs tentatives de contact restées sans réponse, il décide alors de remorquer le bateau vers l’Italie pour débarquer les migrants dans un lieu où ils seront en sécurité[18]. Accusé avec son équipage de s’être rendu coupable d’aide à l’immigration dite « clandestine », ce sauvetage coûtera aux 7 marins-pêcheurs 22 jours d’incarcération en Sicile.

    Si le procès s’est résolu par un non-lieu, les pêcheurs de Zarzis restent dans le collimateur des autorités italiennes. « Nous les pêcheurs tunisiens, l’Italie voudrait nous contrôler et encore limiter la zone dans laquelle nous pouvons pêcher » se désole Slah Eddine, « les Italiens nous surveillent ! ». Il évoque aussi la surveillance d’EUNAVFOR Med, également appelée Sophia, opération militaire lancée par l’Union européenne en 2015 en Méditerranée pour, selon les mots de la Commission « démanteler le modèle économique des passeurs et des trafiquants d’êtres humains »[19]. Si l’opération militaire les surveille de près lorsqu’il s’agit du secours en mer, lorsqu’il est question d’attaques par des milices libyennes, Sophia détourne le regard et abandonne les pêcheurs tunisiens à leur sort.

    Les harraga de demain ? [20]

    « On ne peut plus, ce n’est plus possible, il n’y a plus rien », répètent les pêcheurs, acquiesçant les paroles par lesquelles Slah Eddine vient de présenter leur situation. Entre les eaux polluées, les problèmes économiques, le fléau de Daesh, les poissons qui ne se reproduisent plus, les éponges malades, les attaques libyennes, les pressions italiennes et européennes, être un pêcheur en Tunisie, « ce n’est plus une vie ». Leurs fils à eux sont partis pour la plupart, en Europe, après avoir « brûlé » la mer. Ils savent que dans cette région qui vit surtout de la pêche, il n’y a pas d’avenir pour eux.

    Et puis il y a ceux qui, privés de toute autre source de revenus, sont contraints à se reconvertir dans des activités de passeurs. Nés dans des familles où la pêche se transmet de père en fils, ils connaissent la mer, ses vents, tempêtes, marées et courants. Ils savent où se procurer des bateaux. Lorsque ces loups de mer sont à la barre, le voyage est plus sûr pour celles et ceux risquent la traversée vers l’Europe à bord d’un rafiot. Alors que les harragas tunisiens sont de plus en plus systématiquement déportés lorsqu’ils sont arrêtés par les autorités italiennes[21], certains passeurs ont troqué leur clientèle tunisienne pour une clientèle subsaharienne, de plus en plus nombreuse à mesure que leur situation en Libye se dégrade. Faute de voies régulières pour les migrants, la demande de passage vers l’Europe augmente. Et faute de ressources alternatives pour les pêcheurs, l’offre se développe.

    Or ce n’est ni la « main invisible » ni une quelconque fatalité qui poussent ces pêcheurs au départ ou à la diversification de leurs activités, mais le mélange entre le modèle de développement polluant et incontrôlé, l’inaction des autorités tunisiennes en matière de protection de l’environnement, et le cynisme des politiques migratoires sécuritaires et meurtrières de l’Union européenne.

    https://ftdes.net/des-pecheurs-pris-dans-un-etau
    #environnement #sauvetage #Méditerranée #pêche #développement #émigration #Cotusal #pollution #plastique #colonialisme #sel #salines #phosphogypse #Groupe_Chimique_Tunisien #eaux_usées #reproduction_marine #poissons #éponges #Djerba #mollusques #Gabès #Jbeniana #microalgues #phosphate #crabe_bleu #Libye #différend_territorial #zone_économique_exclusive #surpêche #asile #migrations #réfugiés #criminalisation #Chameseddine_Bourrasine #EUNAVFOR_Med #Operation_Sophia #harraga

    #ressources_pédagogiques #dynamiques_des_suds

  • Je ne MÉRITE PAS mon SUCCÈS.
    https://www.youtube.com/watch?v=ezdtQIrO8oI

    #mérite #talent

    Le syndrome de l’imposteur : pourquoi nous hante-t-il ?
    https://www.youtube.com/watch?v=IEhpr0VnnZA


    #imposture #syndrome_de_l'imposteur #syndrome_de_l'imposture

    Détérminisme sociale - Reproduction sociale
    Chantal Jaquet : « Le déterminisme social n’est pas une fatalité. »
    https://www.youtube.com/watch?v=uUTBIbwVmmM


    #determinisme_sociale #reproduction_sociale #héroïsation #sur_homme #grand_homme #excellence (les filière d’excellence implique qu’il y a des filière de médiocrité)

  • Tiens… des nouvelles d’Alexis Escudero pour l’édition italienne de la Reproduction artificielle de l’humain

    Post-face à l’édition italienne de la Reproduction artificielle de l’humain | Alexis Escudero
    https://alexisescudero.wordpress.com/2017/01/05/post-face-a-ledition-italienne-de-la-reproduction-artifici

    Enfin, c’est le sens de votre question, il existe bien des raisons féministes de refuser la reproduction artificielle. Certaines féministes s’en sont emparé. Elles restent malheureusement minoritaires. Après les chasses aux sorcières et l’accaparement de l’accouchement par les médecins, l’artificialisation de la reproduction parachève le mouvement de médicalisation et de dépossession de la maternité par le pouvoir médical (essentiellement masculin). La reproduction artificielle s’en prend exclusivement au corps des femmes, diagnostiquées, manipulées, prélevées, expertisées, encouragées par le pouvoir médical à retenter indéfiniment leurs chances d’avoir un enfant, subissant alors examens, interventions chirurgicales, fausses couches à répétition, hémorragies. La marchandisation du corps touche principalement celui des femmes : vente d’ovules, gestation pour autrui. Dans un monde où la réussite sociale passe par le fait d’avoir des enfants (et en attendant l’utérus artificiel), la PMA accroît l’injonction à la maternité sur les femmes. En Israël, la politique nataliste agressive de l’Etat, est un fardeau pour les femmes qui ne veulent ou ne peuvent avoir d’enfants. Les nouvelles méthodes de FIV avec injection cytoplasmique du spermatozoïde permettent à des hommes quasi stériles de procréer. La responsabilité de la stérilité repose encore et toujours sur les femmes.

    Vous parlez d’un « féminisme anarchiste, queer » dans lequel on trouverait des voix contre la procréation artificielle. Je ne connais pas le contexte italien. En France, s’il existe une poignée de féministes anarchistes queers, une minorité d’entre elles s’oppose à l’artificialisation de la reproduction, sans parvenir à peser dans le débat public. Dans leur majorité, les personnes qui se réclament de la théorie queer soutiennent ouvertement la PMA. En partie parce que critiquer l’artificialisation de la reproduction revient selon elles à faire le jeu des réactionnaires. Sans doute aussi parce que la reproduction artificielle et le transhumanisme sont des outils formidables pour déconstruire les rôles masculins et féminins, « troubler le genre », remettre en cause la dichotomie entre sexe et genre. Leurs critiques de la médicalisation, du pouvoir médical, s’effacent devant les promesses offertes par les technologies reproductives.

    #critique_techno #féminisme #PMA #GPA #reproduction_artificielle

  • Three Theses on Neoliberal Migration and Social Reproduction

    Today there are more than 1 billion regional and international migrants, and the number continues to rise: within 40 years, it might double because of climate change. While many of these migrants might not cross a regional or international border, people change residences and jobs more often, while commuting longer and farther to work. This increase in human mobility and expulsion affects us all. It should be recognized as a defining feature of our epoch: The twenty-first century will be the century of the migrant.

    The argument of this paper is that the migrant is also a defining figure of neoliberal social reproduction. This argument is composed of three interlocking theses on what I am calling the “neoliberal migrant.”

    Thesis 1 : The first thesis argues that the migrant is foremost a socially constitutive figure. That is, we should not think of the migrant as a derivative or socially exceptional figure who merely travels between pre- constituted states. The movement and circulation of migrants has always played an important historical role in the social and kinetic production and reproduction of society itself.1

    Thesis 2 : The second thesis therefore argues that social reproduction itself is a fundamentally kinetic or mobile process. The fact that a historically record number of human beings are now migrating and commuting between countries, cities, rural and urban areas, multiple part time precarious jobs, means that humans are now spending a world historical record amount of unpaid labor-time just moving around. This mobility is itself a form of social reproduction.

    Thesis 3 : The third thesis is that neoliberalism functions as a migration regime of social reproduction. Under neoliberalism, the burden of social reproduction has been increasingly displaced from the state to the population itself (health care, child care, transportation, and other traditionally social services). At the same time, workers now have less time than ever before to do this labor because of increasing reproductive mobility regimes (thesis two). This leads then to a massively expanded global market for surplus reproductive laborers who can mow lawns, clean houses, and care for children so first world laborers can commute longer and more frequently. Neoliberalism completes the cycle by providing a new “surplus reproductive labor army” in the form of displaced migrants from the global South.

    We turn now to a defense of these theses.

    Thesis 1 : The Migrant is Socially Constitutive

    This is the case, in short, because societies are themselves defined by a continual movement of circulation, expansion, and expulsion that relies on the mobility of migrants to accommodate its social expansions and contractions.

    The migrant is the political figure who is socially expelled or dispossessed, to some degree as a result, or as the cause, of their mobility. We are not all migrants, but most of us are becoming migrants. At the turn of the twenty- first century, there were more regional and international migrants than ever before in recorded history—a fact that political theory has yet to take seriously.2

    If we are going to take the figure of the migrant seriously as a constitutive, and not derivative, figure of Western politics, we have to change the starting point of political theory. Instead of starting with a set of pre-existing citizens, we should begin with the flows of migrants and the ways they have circulated or sedimented into citizens and states in the first place—as well as emphasizing how migrants have constituted a counterpower and alternative to state structures.

    This requires first of all that we take seriously the constitutive role played by migrants before the 19th century, and give up the arbitrary starting point of the nation-state. In this way we will be able to see how the nation-state itself was not the origin but the product of migration and bordering techniques that existed long before it came on the scene.3

    Second of all, and based on this, we need to rethink the idea of political inclusion as a fundamentally kinetic process of circulation, not just as a formal legal, economic, or other kind of status. In other words, instead of a formal political distinction between inclusion/exclusion or a formal economic distinc- tion between productive/unproductive, we need a material one of circulation/ recirculation showing how social activity is defined by lived cycles of socially reproductive motions.

    One way to think about the constitutive role played by migrants is as a kinetic radicalization of Karl Marx’s theory of primitive accumulation.

    Primitive Accumulation
    Marx develops this concept from a passage in Adam Smith’s Wealth of Nations: “The accumulation of stock must, in the nature of things, be previous to the division of labour.”4 In other words, before humans can be divided into owners and workers, there must have already been an accu- mulation such that those in power could enforce the division in the first place. The superior peoples of history naturally accumulate power and stock and then wield it to perpetuate the subordination of their inferiors. For Smith, this process is simply a natural phenomenon: Powerful people always already have accumulated stock, as if from nowhere.

    For Marx, however, this quote is perfectly emblematic of the historical obfuscation of political economists regarding the violence and expulsion required for those in power to maintain and expand their stock. Instead of acknowledging this violence, political economy mythologizes and naturalizes it just like the citizen-centric nation state does politically. For Marx the concept of primitive accumulation has a material history. It is the precapitalist condition for capitalist production. In particular, Marx identifies this process with the expulsion of peasants and indigenous peoples from their land through enclosure, colonialism, and anti-vagabond laws in sixteenth-century England. Marx’s thesis is that the condition of the social expansion of capitalism is the prior expulsion of people from their land and from their legal status under customary law. Without the expulsion of these people, there is no expansion of private property and thus no capitalism.

    While some scholars argue that primitive accumulation was merely a single historical event in the sixteenth to eighteenth centuries, others argue that it plays a recurring logical function within capitalism itself: In order to expand, capitalism today still relies on non-capitalist methods of social expulsion and violence.5

    The idea of expansion by expulsion broadens the idea of primitive accumulation in two ways. First, the process of dispossessing people of their social status (expulsion) in order to further develop or advance a given form of social motion (expansion) is not at all unique to the capitalist regime of social motion. We see the same social process in early human societies whose progressive cultivation of land and animals (territorial expansion) with the material technology of fencing also expelled (territorial dispossession) a part of the human population. This includes hunter-gatherers whose territory was transformed into agricultural land, as well as surplus agriculturalists for whom there was no more arable land left to cultivate at a certain point. Thus social expulsion is the condition of social expansion in two ways: It is an internal condition that allows for the removal of part of the population when certain internal limits have been reached (carrying capacity of a given territory, for example) and it is an external condition that allows for the removal of part of the population outside these limits when the territory is able to expand outward into the lands of other groups (hunter gatherers). In this case, territorial expansion was only possible on the condition that part of the population was expelled in the form of migratory nomads, forced into the surrounding mountains and deserts.

    We later see the same logic in the ancient world, whose dominant polit- ical form, the state, would not have been possible without the material tech- nology of the border wall that both fended off as enemies and held captive as slaves a large body of barbarians (through political dispossession) from the mountains of the Middle East and Mediterranean. The social conditions for the expansion of a growing political order, including warfare, colonialism, and massive public works, were precisely the expulsion of a population of barbarians who had to be walled out and walled in by political power. This technique occurs again and again throughout history, as I have tried to show in my work.

    The second difference between previous theories of primitive accumulation and the more expansive one offered here is that this process of prior expulsion or social deprivation Marx noted is not only territorial or juridical, and its expansion is not only economic.6 Expulsion does not simply mean forcing people off their land, although in many cases it may include this. It also means depriving people of their political rights by walling off the city, criminalizing types of persons by the cellular techniques of enclosure and incarceration, or restricting their access to work by identification and checkpoint techniques.

    Expulsion is the degree to which a political subject is deprived or dispossessed of a certain status in the social order. Accordingly, societies also expand and reproduce their power in several major ways: through territorial accumulation, political power, juridical order, and economic

    profit. What is similar between the theory of primitive accumulation and the kinetic theory of expansion by expulsion is that most major expan- sions of social kinetic power also require a prior or primitive violence of kinetic social expulsion. The border is the material technology and social regime that directly enacts this expulsion. The concept of primitive accu- mulation is merely one historical instance of a more general kinopolitical logic at work in the emergence and reproduction of previous societies.

    Marx even makes several general statements in Capital that justify this kind of interpretive extension. For Marx, the social motion of production in general strives to reproduce itself. He calls this “periodicity”: “Just as the heavenly bodies always repeat a certain movement, once they have been flung into it, so also does social production, once it has been flung into this movement of alternate expansion and contraction. Effects become causes in their turn, and the various vicissitudes of the whole process, which always reproduces its own conditions, take on the form of periodicity.”7 According to Marx, every society, not just capitalist ones, engages in some form of social production. Like the movements of the planets, society expands and contracts itself according to a certain logic, which strives to reproduce and expand the conditions that brought it about in the first place. Its effects in turn become causes in a feedback loop of social circulation. For Marx, social production is thus fundamentally a social motion of circulation or reproduction.

    In short, the material-kinetic conditions for the expansion of societies re- quires the use of borders (fences, walls, cells, checkpoints) to produce a system of marginalized territorial, political, legal, and economic migrants that can be more easily recirculated elsewhere as needed. Just as the vagabond migrant is dispossessed by enclosures and transformed into the economic proletariat, so each dominant social system has its own structure of expansion by expulsion and reproduction as well.

    Expansion by Expulsion

    Expulsion is therefore a social movement that drives out and entails a deprivation of social status.8 Social expulsion is not simply the deprivation of territorial status (i.e., removal from the land); it includes three other major types of social deprivation: political, juridical, and economic. This is not a spatial or temporal concept but a fundamentally kinetic concept insofar as we understand movement extensively and intensively, that is, quantitatively and qualitatively. Social expulsion is the qualitative transformation of deprivation in status, resulting in or as a result of extensive movement in spacetime.

    The social expulsion of migrants, for example, is not always free or forced. In certain cases, some migrants may decide to move, but they are not free to determine the social or qualitative conditions of their movement or the degree to which they may be expelled from certain social orders. Therefore, even in this case, expulsion is still a driving-out insofar as its conditions are not freely or individually chosen but socially instituted and compelled. Expulsion is a fundamentally social and collective process because it is the loss of a socially determined status, even if only temporarily and to a small degree.9

    Expansion, on the other hand, is the process of opening up that allows something to pass through. This opening-up also entails a simultaneous extension or spreading out. Expansion is thus an enlargement or exten- sion through a selective opening. Like the process of social expulsion, the process of social expansion is not strictly territorial or primarily spatial; it is also an intensive or qualitative growth in territorial, political, juridical, and economic kinopower. It is both an intensive and extensive increase in the conjunction of new social flows and a broadening of social circulation. Colonialism is a good example of an expansion which is clearly territorial as well as political, juridical, and economic.

    Kinopower is thus defined by a constitutive circulation, but this circulation functions according to a dual logic of reproduction. At one end, social circulation is a motion that drives flows outside its circulatory system: expulsion. This is accomplished by redirecting and driving out certain flows through exile, slavery, criminalization, or unemployment. At the other end of circulation there is an opening out and passing in of newly conjoined flows through a growth of territorial, political, juridical, and economic power. Expansion by expulsion is the social logic by which some members of society are dispossessed of their status as migrants so that social power can be expanded elsewhere. Power is not only a question of repression; it is a question of mobilization and kinetic reproduction.

    For circulation to open up to more flows and become more powerful than it was, it has historically relied on the disjunction or expulsion of mi- grant flows. In other words, the expansion of power has historically relied on a socially constitutive migrant population.

    Thesis 2: Mobility is a form of Social Reproduction

    People today continually move greater distances more frequently than ever before in human history. Even when people are not moving across a regional or international border, they tend to have more jobs, change jobs more often, commute longer and farther to their places of work,10 change their residences repeatedly, and tour internationally more often.11

    Some of these phenomena are directly related to recent events, such as the impoverishment of middle classes in certain rich countries after the financial crisis of 2008, neoliberal austerity cuts to social-welfare programs, and rising unemployment. The subprime-mortgage crisis, for example, led to the expul- sion of millions of people from their homes worldwide (9 million in the United States alone). Globally, foreign investors and governments have acquired 540 million acres since 2006, resulting in the eviction of millions of small farmers in poor countries, and mining practices have become increasingly destructive around the world—including hydraulic fracturing and tar sands.

    In 2006, the world crossed a monumental historical threshold, with more than half of the world’s population living in urban centers, compared with just fifteen percent a hundred years ago. This number is now expected to rise above seventy-five percent by 2050, with more than two billion more people moving to cities.12 The term “global urbanization,” as Saskia Sassen rightly observes, is only another way of politely describing large-scale human migration and displacement from rural areas, often caused by corporate land grabs.13 What this means is not only that more people are migrating to cities but now within cities and between suburban and urban areas for work. This general increase in human mobility and expulsion is now widely recognized as a defining feature of the twenty-first century so far.14

    Accordingly, this situation is having and will continue to have major social consequences for social relations in the twenty-first century. It there- fore demands the attention of critical theory. In particular, it should call our attention to the fact that this epic increase in human mobility and migration around the world is not just a minor or one-time “inconvenience” or “eco- nomic risk” that migrants make and then join the ranks of other “settled” urban workers. It is a continuous, ongoing, and nearly universal massive ex- traction of unpaid reproductive labor.

    Urban workers have become increasingly unsettled and mobile.The world average commuting time is now 40 minutes, one-way.15 This unpaid transport time is not a form of simply unproductive or unpaid labor. It is actually the material and kinetic conditions for the reproduction of the worker herself to arrive at work ready for labor. Not only this, but unpaid transport labor also continuously reproduces the spatial architecture of capitalist urban centers and suburban peripheries.16 The increasing neoliberal privatization of roadway construction and tollways is yet another way in which unpaid transport labor is not “unproductive” at all but rather continues to reproduce a massive new private transport market.This goes hand in hand with the neoliberal decline of affordable public transportation, especially in the US.

    Unfortunately, transport mobility has not traditionally been considered a form of social reproductive activity, but as global commute times and traffic increase, it is now becoming extremely obvious how important and constitu- tive this migratory labor actually is to the functioning of capital. If we define social reproduction as including all the conditions for the worker to arrive at work, then surely mobility is one of these necessary conditions. Perhaps one of the reasons it has not been recognized as such is because transport is an activity that looks least like an activity, since the worker is typically just sitting in a vehicle. Or perhaps the historical identification of vehicles and migration as sites of freedom (especially in America) has covered over the oppressive and increasingly obligatory unpaid labor time they often entail.

    The consequences of this new situation appeared at first as merely tempo- ral inconveniences for first-world commuters or what we might call BMWs (bourgeoise migrant workers).This burden initially fell and still falls dispropor- tionally on women who are called on to make up for the lost reproductive labor of their traveling spouses (even if they themselves also commute). Increasingly, however, as more women have begun to commute farther and more often this apparently or merely reproductive neoliberal transport labor has actually pro- duced a growing new market demand for a “surplus reproductive labor army” to take up these domestic and care labors. This brings us to our third thesis.

    Thesis: 3: Neoliberal Migration is a Regime of Social Reproduction

    The third thesis is that neoliberalism functions as a migration regime of social reproduction. This is the case insofar as neoliberalism expands itself in the form of a newly enlarged reproductive labor market, accomplished through the relative expulsion of the workers from their homes (and into

    vehicles) and the absolute expulsion of a migrant labor force from the global south to fill this new market.

    Migration therefore has and continues to function as a constitutive form of social reproduction (thesis one). This is a crucial thesis because it stresses the active role migrants play in the production and reproduction of society, but it is not a new phenomenon. Marx was of course one of the first to identify this process with respect to the capitalist mode of production. The proletariat is always already a migrant proletariat. At any moment an employed worker could be unemployed and forced to relocate according to the demands of capitalist valorization. In fact, the worker’s mobility is the condition of modern industry’s whole form of motion. Without the migration of a surplus population to new markets, from the rural to the city, from city to city, from country to country (what Marx calls the “floating population”) capitalist accumulation would not be possible at all. “Modern industry’s whole form of motion,” Marx claims, “therefore depends on the constant transformation of a part of the working population into unemployed or semi-employed ‘hands.’”17 As capitalist markets expand, contract, and multiply “by fits and starts,” Marx says, capital requires the possibility of suddenly adding and subtracting “great masses of men into decisive areas without doing any damage to the scale of production. The surplus population supplies these masses.”18

    What is historically new about the neoliberal migration regime is not merely that it simply expels a portion of the population in order to put it into waged labor elsewhere. What is new is that late-capitalist neoliberalism has now expelled one portion of the workers from a portion of their ownun-waged reproductive activity in order open up a new market for the waged activity of an as yet unexploited productive population of migrants from the global South. In other words reproductive labor itself has become a site of capitalist expansion. Wherever objects and activities have not yet been commodified, there we will find the next frontier of capitalist valorization.

    The consequence of this is a dramatic double expulsion. On the one hand, the bourgeois migrant worker is expelled from her home in the form of unpaid reproductive transport labor so that on the other hand the proletarian migrant worker can be expelled from her home as an international migrant and then expelled from her home again as a commuting worker to do someone else’s reproductive activity. The burden of social reproduction then falls disproportionately on the last link in the chain: the unpaid reproductive labor that sustains the domestic and social life of the migrant family. This is what must be ultimately expelled to expand the market of social reproduction at another level. This expulsion falls disproportionally on migrant women from the global south who must somehow reproduce their family’s social conditions, commute, and then reproduce someone else’s family’s conditions well.19

    Neoliberalism thus works on both fronts at the same time. On one side it increasingly withdraws and/or privatizes state social services that aid in social reproductive activities (child care, health care, public transit, and so on) while at the same increasing transport and commute times making a portion of those activities increasingly difficult for workers. On the other side it introduces the same structural adjustment policies (curtailed state and increased privatization) into the global South with the effect of mass economic migration to Northern countries where migrants can become waged producers in what was previously an “unproductive” (with respect to capital) sector of human activity: social reproduction itself.

    Conclusion

    This is the sense in which migrants play a constitutive role in the kinopolitics of social reproduction and neoliberal expansion. In other words, neoliberal migration has made possible a new level of commodification of social reproduction itself. Waged domestic labor is not new, of course, but what is new is the newly expanded nature of this sector of labor and its entanglement with a global regime of neoliberal expulsion and forced migration.

    One of the features that defines the uniquely neoliberal form of social reproduction today is the degree to which capitalism has relied directly on economically liberal trade policies and politically liberal international governments in order to redistribute record-breaking numbers of “surplus migrant reproductive labor” into Western countries. Global migration is therefore not the side-effect of neoliberal globalization; it is the main effect. Neoliberalism should thus be understood as a migration regime for expanding Western power through the expulsion and accumulation of migrant reproductive labor.

    https://philosophyofmovementblog.com/2019/02/28/three-theses-on-neoliberal-migration-and-social-reproducti

    #migrations #exploitation #néolibéralisme #mobilité #travail #main_d'oeuvre #reproduction_sociale #philosophie

    Mise en exergue d’une citation (fin de l’article) :

    Global migration is therefore not the side-effect of neoliberal globalization; it is the main effect. Neoliberalism should thus be understood as a migration regime for expanding Western power through the expulsion and accumulation of migrant reproductive labor.

    Article publié ici :


    https://polygraphjournal.com/issue-27-neoliberalism-and-social-reproduction

  • La puissance insoupçonnée des travailleuses, par Pierre Rimbert (Le Monde diplomatique, janvier 2019)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2019/01/RIMBERT/59406

    La présence sur les ronds-points d’une forte proportion de femmes des classes populaires a frappé les observateurs. Ces travailleuses font tourner les rouages des services essentiels : santé, éducation. Au-delà du soulèvement de cet automne, elles représentent le pouvoir ignoré du mouvement social.
    par Pierre Rimbert  

    Elles portent un gilet jaune, filtrent la circulation sur les ronds-points, parlent de leur #vie_quotidienne, se battent. Infirmières, auxiliaires de vie sociale, assistantes maternelles ont elles aussi endossé la parure fluorescente pour déchirer le voile qui d’ordinaire dérobe au regard extérieur les travailleuses des coulisses. Femmes et salariées, double journée de labeur et revenu modique, elles tiennent à bout de bras la charpente vermoulue de l’État social.

    Et pour cause : les secteurs majoritairement féminins de l’éducation, des soins, du travail social ou du nettoyage forment la clé de voûte invisible des sociétés libérales en même temps que leur voiture-balai. L’arrêt de ces services fondamentaux paralyserait un pays. Qui, alors, s’occuperait des personnes dépendantes, des nourrissons, du nettoyage, des enfants ? Cadres briseurs de grève et forces de l’ordre lancées à l’assaut des barrages cette fois n’y pourraient rien : à l’école de gendarmerie, on n’apprend pas à laver les vieillards. Transférées au siècle dernier de l’univers familial, religieux ou charitable à celui du #travail salarié, ces tâches ne sautent aux yeux que lorsqu’elles ne sont plus prises en charge. À force d’infliger à ces travailleuses réputées endurantes des réductions de moyens alors que la demande croît, ça craque. #Femmes de ménage dans les hôtels et dans les gares, employées des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), personnel hospitalier ont tour à tour mené depuis la fin de l’année 2017 des batailles âpres et souvent victorieuses.

    La figure du mineur ou du travailleur à la chaîne, père d’une famille dont il assurait le revenu unique, a si puissamment symbolisé la classe ouvrière au cours du xxe siècle qu’on associe encore les classes populaires aux hommes. Qui pense spontanément aux travailleuses quand on lui parle de prolétariat ? Certes, les ouvriers, depuis longtemps remisés par les médias dans la galerie des espèces sociales disparues, représentent encore à eux seuls plus d’un actif sur cinq. Mais la féminisation du monde du travail compte au nombre des bouleversements les plus radicaux du dernier demi-siècle, en particulier à la base de la pyramide sociale. En France, les travailleuses représentent 51 % du salariat populaire formé par les ouvriers et employés ; en 1968, la proportion était de 35 % (1). Depuis un demi-siècle, le nombre d’emplois masculins n’a guère varié : 13,3 millions en 1968, contre 13,7 millions en 2017 ; dans le même temps, les emplois occupés par des femmes passaient de 7,1 millions à 12,9 millions. En d’autres termes, la quasi-totalité de la force de travail enrôlée depuis cinquante ans est féminine — dans des conditions plus précaires et pour un salaire inférieur d’un quart. À elles seules, les salariées des activités médico-sociales et éducatives ont quadruplé leur effectif : de 500 000 à 2 millions entre 1968 et 2017 — sans compter les enseignantes du secondaire et du supérieur.

    Alors qu’au XIXe siècle la montée en puissance du prolétariat industriel avait déterminé la stratégie du mouvement ouvrier, le développement prodigieux des services vitaux à dominante féminine, leur pouvoir potentiel de blocage et l’apparition de conflits sociaux victorieux n’ont pas jusqu’ici connu de traduction politique ou syndicale. Mais, sous une telle poussée, la croûte se craquelle et deux questions s’imposent : à quelles conditions ces secteurs pourraient-ils déployer leur puissance insoupçonnée ? Peuvent-ils s’organiser en un groupe dont la force rejoigne le nombre, forger une alliance sociale capable de lancer des initiatives, d’imposer son rapport de forces et de mobiliser autour d’elle d’autres secteurs ? À première vue, l’hypothèse paraît extravagante. Les travailleuses des services vitaux forment une nébuleuse de statuts éparpillés, de conditions d’exercice et d’existence hétéroclites, de lieux de travail éloignés. Mais, de même que l’absence d’unité interne n’a pas empêché le mouvement des « #gilets_jaunes » de faire corps, ce qui divise le prolétariat féminin des services paraît à l’examen moins déterminant que les facteurs d’agrégation. À commencer par la force du nombre et par un adversaire commun.

    Des classes populaires aux classes moyennes, ces salariées chargées de l’entretien et de la #reproduction_de_la_force_de_travail (2) se distinguent par leurs effectifs massifs (voir l’infographie ci-dessous). On y trouve les #ouvrières des services aux entreprises (elles sont 182 000 à nettoyer les locaux), mais surtout le prolétariat des services directs aux particuliers. Cinq cent mille aides ménagères, 400 000 assistantes maternelles et plus de 115 000 domestiques interviennent le plus souvent à domicile. Un plus grand nombre encore exercent dans des institutions publiques : 400 000 aides-soignantes, 140 000 auxiliaires de puériculture et aides médico-psychologiques et plus d’un demi-million d’agents de service — sans compter le personnel administratif. À ces effectifs féminins s’ajoutent ceux des hommes, très minoritaires. Ce salariat populaire mal payé, aux horaires décalés, qui effectue dans des conditions difficiles des tâches peu valorisées, côtoie dans la production des services vitaux les professions dites « intermédiaires » de la santé, du social et de l’éducation. Mieux rémunérées, plus qualifiées, plus visibles, les 2 millions de travailleuses de ce groupe en croissance continue exercent comme infirmières (400 000), enseignantes en primaire (340 000), puéricultrices, animatrices socioculturelles, auxiliaires de vie scolaire, éducatrices spécialisées, techniciennes médicales, etc.

    Population active par catégories socioprofessionnelles, Cécile Marin


    Bien sûr, un fossé sépare l’infirmière d’un hôpital public et la nounou sans papiers employée chez un particulier. Mais cet ensemble disparate, qui, avec les hommes, regroupe plus du quart des actifs, concourt à la production d’une même ressource collective et présente plusieurs points communs. En premier lieu, la nature même des services à la personne, des soins, du travail social et de l’éducation rend ces emplois non seulement indispensables, mais aussi non délocalisables et peu automatisables, car ils exigent un contact humain prolongé ou une attention particulière portée à chaque cas. Ensuite, tous ces secteurs subissent les politiques d’#austérité ; de l’école à l’Ehpad, leurs conditions d’exercice se dégradent et les conflits couvent. Enfin, ils jouissent d’une bonne réputation auprès d’une population qui peut s’imaginer vivre sans hauts-fourneaux, mais pas sans écoles, hôpitaux, crèches ou maisons de retraite.

    Cette configuration unique dessine les contours d’une coalition sociale potentielle qui rassemblerait le prolétariat des services vitaux, les professions intermédiaires des secteurs médico-social et éducatif, ainsi qu’une petite fraction des professions intellectuelles, comme les enseignants du secondaire.

    Au cœur du conflit entre les besoins collectifs et l’exigence de profit

    Si la formation effective d’un tel bloc se heurte à quantité d’obstacles, c’est peut-être qu’on a rarement tenté de les surmonter. Malgré la crue entêtante des statistiques, aucun parti, syndicat ou organisation n’a jusqu’ici fait le choix de placer ce socle à dominante féminine et populaire au cœur de sa stratégie, de faire part systématiquement de ses préoccupations, de défendre prioritairement ses intérêts. Et pourtant, les acteurs les plus conscients et les mieux organisés du mouvement ouvrier regroupés autour du rail, des ports et des docks, de l’électricité et de la chimie savent que les luttes sociales décisives ne pourront éternellement reposer sur eux, comme l’a montré en 2018 le conflit sur la réforme des chemins de fer. Ils ont vu depuis quatre décennies le pouvoir politique détruire leurs bastions, briser les statuts, privatiser leurs entreprises, réduire leurs effectifs, tandis que les médias associaient leur univers à un passé dépassé. À l’opposé, les secteurs féminins des services à la personne et des services publics pâtissent d’une organisation souvent faible et de traditions de lutte encore récentes ; mais ils croissent et occupent dans l’imaginaire un espace dont les classes populaires ont été depuis longtemps chassées : l’avenir. Pendant que les réflexions sur les transformations contemporaines exaltent ou maudissent les multinationales de la Silicon Valley et les plates-formes numériques, la féminisation du salariat impose une modernité sans doute aussi « disruptive » que la faculté de tweeter des photographies de chatons.

    D’autant qu’elle pourrait encore s’amplifier. Aux États-Unis, la liste des métiers à forte perspective de croissance publiée par le service statistique du département du travail prédit, d’un côté, la création d’emplois typiquement masculins, tels qu’installateur de panneaux photovoltaïques ou d’éoliennes, technicien de plate-forme pétrolière, mathématicien, statisticien, programmateur ; de l’autre, une myriade de postes traditionnellement occupés par des femmes, tels qu’aide de soins à domicile, aide-soignante, assistante médicale, infirmière, physiothérapeute, ergothérapeute, massothérapeute. Pour un million d’emplois de développeur informatique prévus d’ici à 2026, on compte quatre millions d’aides à domicile et d’aides-soignantes — payées quatre fois moins (3).

    Deux raisons fondamentales empêchent l’ancien sidérurgiste de Pittsburgh dont l’activité a été délocalisée en Chine de se reconvertir en auxiliaire de puériculture. La frontière symbolique des préjugés, d’abord, si profondément inscrite dans les têtes, les corps et les institutions qu’elle dresse encore un mur entre la culture ouvrière virile et les rôles sociaux assignés par les clichés patriarcaux au genre féminin. Mais aussi le décrochage scolaire masculin, qui freine sensiblement les possibilités de reconversion professionnelle. « Les adolescents des pays riches courent une fois et demie plus de risques que les filles d’échouer dans les trois disciplines fondamentales : les mathématiques, la lecture et les sciences », notait l’hebdomadaire The Economist dans un dossier spécial consacré aux hommes et intitulé « Le sexe faible » (30 mai 2015). À cette déconfiture correspond une hausse spectaculaire du niveau d’instruction féminin qui, a contrario, facilite la mobilité professionnelle. Cette grande transformation passée inaperçue installe un peu plus les travailleuses au cœur du salariat. Depuis la fin du siècle dernier, la part des femmes parmi les diplômés du supérieur dépasse celle des hommes : 56 % en France, 58 % aux États-Unis, 66 % en Pologne, selon l’Agence des Nations unies pour l’éducation, les sciences et la culture (Unesco)... En 2016, 49 % des Françaises de 25 à 34 ans détenaient un diplôme des cycles courts — brevet de technicien supérieur (BTS), diplôme universitaire de technologie (DUT) — ou longs — licence, master, doctorat —, contre 38 % des hommes (4). Ces derniers dominent toujours la recherche, les filières de prestige, les postes de pouvoir et l’échelle des salaires. Mais l’université forme désormais une majorité de diplômées susceptibles d’occuper les emplois qualifiés mais peu prestigieux de l’économie dite des services.

    En effet, ce basculement ne remet pas en cause la prépondérance masculine dans les formations liées aux mathématiques, à l’ingénierie informatique et aux sciences fondamentales. Résultat : une opposition de genre et de classe s’accentue entre deux pôles du monde économique. D’un côté, l’univers féminin, de plus en plus qualifié mais précarisé, dont les services médico-socio-éducatifs constituent le centre de gravité. De l’autre, la bulle bourgeoise de la finance spéculative et des nouvelles technologies, qui domine l’économie mondiale et où le taux de testostérone bat des records : les jeunes entreprises de la Silicon Valley emploient comme ingénieurs informatiques 88 % d’hommes, et les salles de marché 82 % d’analystes masculins (5). De ces deux cosmos que tout oppose, l’un domine l’autre, l’écrase et le dépouille. Le chantage à l’austérité des « marchés » (6) et la prédation qu’exercent les géants du numérique sur les finances publiques à travers l’évasion fiscale se traduisent par des réductions d’effectifs ou de moyens dans les Ehpad, les crèches, les services sociaux. Avec des conséquences inégalement réparties : en même temps que leur activité affaiblit les services publics, banquiers, décideurs et développeurs emploient quantité d’aides à domicile, d’auxiliaires de vie, de professeurs particuliers.

    Plus généralement, les ménages de cadres, professions intellectuelles supérieures et dirigeants d’entreprise recourent massivement aux services domestiques à la personne (7). Ils seraient les premiers touchés si les femmes souvent issues des classes populaires et, dans les métropoles, de l’immigration venaient à cesser le travail. Verrait-on alors professeurs d’université, notaires, médecins et sociologues féministes expliquer à leurs femmes de ménage qu’il faut continuer le travail au nom de l’obligation morale d’attention et de bienveillance, vertus que la domination masculine a érigées au cours des siècles en qualités spécifiquement féminines ? C’est pourquoi la coalition des services vitaux qui rassemblerait employées et ouvrières, professions intermédiaires et personnel de l’enseignement primaire et secondaire ne pourrait se constituer que par opposition aux classes supérieures qui les emploient.

    D’abord, le pourrait-elle, et à quelles conditions ? Isolées, parcellisées, peu organisées, plus souvent issues de l’immigration que la moyenne, les travailleuses des services à la personne ou du nettoyage cumulent les formes de domination. Mais surtout, leur addition ne forme pas un groupe. Transformer la coalition objective qui se lit dans les tableaux statistiques en un bloc mobilisé requerrait une conscience collective et un projet politique. Il incombe traditionnellement aux syndicats, partis, organisations et mouvements sociaux de formuler les intérêts communs qui, au-delà des différences de statut et de qualification, relient l’infirmière et la femme de ménage. De chanter aussi la geste d’un agent historique qui naît, sa mission, ses batailles, afin de ne laisser ni à BFM TV ni aux experts le monopole du récit. Deux thèmes pourraient y contribuer.

    Le premier est la centralité sociale et économique de ce groupe. De la statistique nationale aux médias, tout concourt à ce que le salariat féminin des services vitaux demeure invisible dans l’ordre de la production. Le discours politique renvoie les soins, la santé et l’éducation à la notion de dépense, tandis qu’on associe généralement ces métiers « relationnels » aux qualités supposément féminines de prévenance, de sollicitude et d’empathie. Que la soignante ou l’enseignante les engage nécessairement dans son travail n’implique pas qu’il faille l’y réduire. Assimiler les services vitaux à des coûts, évoquer ces bienfaits dispensés par des femmes dévouées plutôt que les richesses créées par des travailleuses permet d’éluder l’identité fondamentale des aides-soignantes, auxiliaires de vie ou institutrices : celle de productrices (8). Produire une richesse émancipatrice qui pave les fondements de la vie collective, voilà un germe autour duquel pourrait cristalliser une conscience sociale.

    Le second thème est celui d’une revendication commune à l’ensemble du salariat, mais qui s’exprime avec une intensité particulière aux urgences hospitalières, dans les Ehpad ou les écoles : obtenir les moyens de bien faire son travail. L’attention parfois distraite du grand public aux conditions de labeur des cheminots et des manutentionnaires se change en préoccupation, voire en révolte, lorsqu’il s’agit de réduire le temps de toilette d’un parent dépendant, de fermer une maternité en zone rurale ou de laisser des équipes sous-dimensionnées s’occuper de malades mentaux. Chacun le sait d’expérience : la qualité des soins croît en proportion de la quantité de travail investie dans leur production. D’apparence bonhomme, la revendication des moyens d’accomplir sa tâche dans de bonnes conditions se révèle très offensive. La satisfaire, c’est remettre en cause l’austérité, l’idée qu’on peut faire toujours plus avec toujours moins, les gains de productivité arrachés au prix de la santé des salariés. Et aussi les boniments culpabilisateurs qui reportent sur les agents la responsabilité de « prendre sur eux » pour atténuer les effets des restrictions budgétaires. Nombre d’Ehpad dispensent par exemple des formations « humanitude » — des techniques de « bientraitance » mobilisant le regard, la parole, le toucher, transformées en label dont se prévalent les établissements — à des employées qu’on prive simultanément des moyens de traiter les anciens avec l’humanité requise. Comme si la maltraitance dérivait non pas principalement d’une contrainte économique extérieure, mais d’une qualité individuelle qui manquerait au personnel...

    Que l’exigence de ressources allouées aux besoins collectifs contredise l’exigence de profit et d’austérité place les services vitaux et leurs agents au cœur d’un conflit irréductible. Depuis le tournant libéral des années 1980, et plus encore depuis la crise financière de 2008, dirigeants politiques, banquiers centraux, Commission européenne, patrons ingénieurs des nouvelles technologies, hauts fonctionnaires du Trésor, éditorialistes et économistes orthodoxes exigent la réduction du « coût » de ces activités. Et provoquent ce faisant leur dégradation intentionnelle au nom d’un bon sens des beaux quartiers : le bien-être général se mesure à la prospérité des premiers de cordée. Ce bloc conscient de ses intérêts a trouvé en M. Emmanuel Macron son chargé d’affaires.

    Un socialisme des services à dominante féminine contrôlé par les travailleurs eux-mêmes

    En face, la coalition potentielle dont les productrices de services vitaux forment le moyeu ne peut naître à sa propre conscience qu’en formulant explicitement la philosophie et le projet qu’elle porte en actes au quotidien sous les préaux, dans les chambres et les salles de soins. C’est l’idée qu’un financement collectif des besoins de santé, d’éducation, de propreté et, plus largement, de transports, de logement, de culture, d’énergie, de communication ne constitue pas un obstacle à la liberté, mais au contraire sa condition de possibilité. Le vieux paradoxe qui subordonne l’épanouissement individuel à la prise en charge commune des premières nécessités dessine une perspective politique de long terme susceptible de rassembler le salariat féminin et de le constituer en agent de l’intérêt général : un socialisme des services à la couverture étendue qui lui donnerait les moyens d’accomplir sa mission dans les meilleures conditions, prioritairement déployé auprès des classes populaires vivant dans les zones périurbaines frappées par le retrait de l’État social et contrôlé par les travailleurs eux-mêmes (9).

    Car, en plus d’accomplir le prodige de s’organiser, la coalition des services à dominante féminine aurait pour tâche historique, épaulée par le mouvement syndical, de rallier à elle l’ensemble des classes populaires, et notamment sa composante masculine décimée par la mondialisation et parfois tentée par le conservatisme. Ce dernier trait n’a rien d’une fatalité.

    On jugera volontiers irréaliste d’assigner à ces travailleuses qui cumulent toutes les dominations un rôle d’agent historique et une tâche universelle. Mais l’époque ne sourit décidément pas aux réalistes qui jugeaient en 2016 impossible l’élection de M. Donald Trump sur une stratégie symétriquement inverse : coaliser une fraction masculine des classes populaires frappées par la désindustrialisation avec la bourgeoisie conservatrice et les couches moyennes non diplômées. Ravis de cette capture, médias et politiques aimeraient réduire la vie des sociétés occidentales à l’antagonisme qui opposerait désormais les classes populaires conservatrices, masculines, dépassées, incultes et racistes qui votent en faveur de M. Trump, de M. Benyamin Netanyahou ou de M. Viktor Orbán à la bourgeoisie libérale cultivée, ouverte, distinguée, progressiste qui accorde ses suffrages aux formations centristes et centrales qu’incarne M. Macron. Contre cette opposition commode, qui occulte la passion commune aux dirigeants de ces deux pôles pour le capitalisme de marché (10), le salariat féminin des services vitaux met en avant un autre antagonisme. Celui-ci place d’un côté de la barrière sociale les patrons-informaticiens de la Silicon Valley et les cadres supérieurs de la finance, masculins, diplômés, libéraux. Pilleurs de ressources publiques et squatteurs de paradis fiscaux, ils créent et vendent des services qui, selon l’ancien vice-président chargé de la croissance de l’audience de Facebook, M. Chamath Palihapitiya, « déchirent le tissu social » et « détruisent le fonctionnement de la société » (11). De l’autre côté se regroupent les classes populaires à base féminine, fer de lance du salariat, productrices de services qui tissent la vie collective et appellent une socialisation croissante de la richesse.

    L’histoire de leur bataille commencerait ainsi :

    « Nous exigeons les moyens de bien faire notre travail ! » Depuis des semaines, les auxiliaires de vie, puéricultrices, aides-soignantes, infirmières, enseignantes, nettoyeuses, agentes administratives avaient prévenu : faute de voir leur revendication satisfaite, elles se mettraient en grève. Et ce fut comme si la face cachée du travail paraissait à la lumière. Les cadres et professions intellectuelles, les femmes d’abord puis les hommes, à contrecœur, durent à leur tour quitter leur poste pour s’occuper de leurs parents dépendants, de leurs nourrissons, de leurs enfants. Le chantage affectif échoua. Parlement, bureaux, rédactions se clairsemaient. En visite dans une maison de retraite, le premier ministre expliqua sentencieusement à une gréviste qu’une minute suffit bien à changer une couche ; des études d’ailleurs le démontraient. Au regard qu’elle lui lança, chacun comprit que deux mondes s’affrontaient. Après cinq jours de chaos, le gouvernement capitula. Les négociations sur la création du Service public universel s’engageaient avec un rapport de forces si puissant que le mouvement gagna le nom de « second front populaire » : celui de l’ère des services.

    Pierre Rimbert
    (1) Sources : « Enquête emploi 2017 », Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) ; Données sociales 1974, Paris (recodées conformément à la classification actuelle).

    (2) Cf. Siggie Vertommen, « Reproduction sociale et le féminisme des 99 %. Interview de Tithi Bhattacharya », Lava, no 5, Bruxelles, juillet 2018.

    (3) « Fastest growing occupations », Bureau of Labor Statistics, Washington, DC.

    (4) « Vers l’égalité femmes-hommes ? Chiffres-clés » (PDF), ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Paris, 2018.

    (5) Kasee Bailey, « The state of women in tech 2018 », DreamHost, 26 juillet 2018. ; Renee Adams, Brad Barber et Terrance Odean, « Family, values, and women in finance » (PDF), SSRN, 1er septembre 2016.

    (6) Lire Renaud Lambert et Sylvain Leder, « L’investisseur ne vote pas », Le Monde diplomatique, juillet 2018.

    (7) François-Xavier Devetter, Florence Jany-Catrice et Thierry Ribault, Les Services à la personne, La Découverte, coll. « Repères », Paris, 2015.

    (8) Lire Bernard Friot, « En finir avec les luttes défensives », Le Monde diplomatique, novembre 2017.

    (9) Lire « Refonder plutôt que réformer », Le Monde diplomatique, avril 2018.

    (10) Lire Serge Halimi et Pierre Rimbert, « Libéraux contre populistes, un clivage trompeur », Le Monde diplomatique, septembre 2018.

    (11) James Vincent, « Former Facebook exec says social media is ripping apart society », The Verge, 11 décembre 2017.

    • Quand parlera-t-on de Sonia, employée de maison pour 600 euros brut par mois ? Alizée Delpierre
      http://www.slate.fr/story/171990/employees-maison-domestique-precarite-conditions-de-travail

      Beaucoup de #travailleuses_domestiques partagent les constats et revendications des « gilets jaunes », mais leurs histoires sont encore trop souvent invisibilisées. [...]

      L’intensité des journées de travail interpelle. Sonia travaille quotidiennement en Île-de-France de 6h à 19h pour faire des ménages chez des particuliers. Elle est employée directement par quatre familles et travaille pour chacune d’elles entre deux et trois heures par semaine.
      Elle fait donc au maximum douze heures de ménage par semaine, mais ses journées s’étendent bien au-delà, car ses employeurs vivent loin les uns des autres (il faut compter entre 45 minutes et 1h30 de trajet entre leurs maisons), et à plus d’1h15 de chez elle.
      Sonia, qui n’utilise pas sa voiture car cela lui coûte trop cher, prend les transports en commun plusieurs heures par jour. Elle doit à la fois planifier son temps de transport entre chaque maison, et prévoir les retards fréquents des trains qu’elle prend : « Je pars à 4h50 de chez moi, le temps de marcher trente minutes jusqu’à la gare, et je prends le premier train même si je commence un peu plus tard, car on ne sait jamais. »
      De nombreuses études statistiques produites sur le secteur des services à la personne dressent un portrait-type de l’#emploi_domestique en France, relativement stable depuis le début des années 2000 : un emploi majoritairement à temps partiel, faiblement rémunéré, qui pousse les employées de maison à multiplier les employeurs pour travailler plus d’heures.
      D’après les dernières données produites par la Dares, les employées embauchées directement par les particuliers-employeurs –soit 65% d’entre elles– ont en moyenne près de trois employeurs, et ce nombre passe à 4,5 lorsqu’elles travaillent à la fois directement pour un employeur et via un organisme.