• #Grenoble_Alpes_Métropole : A Third Place for migrant newcomers

    Grenoble Alpes Métropole plans to implement a long-term strategy of migrant involvement through the use of the MUST-A-Lab co-design methodology (Policy Lab) that we wish to irrigate in our current policies at all levels and with Grenoble Alpes Métropole’s local partners. Thanks to MUST-A-Lab, Grenoble – Alpes Métropole will work to ensure a better response to the needs of migrants (and more specifically to those benefiting from international or temporary protection) in Grenoble Alpes Métropole, starting with the co-design of a Home of Hospitality.
    The project will serve to involve stakeholders who implement and think local policies of integration together with new stakeholders who have not previously been involved in the development of the city’s integration strategy, refugees and other newly arrived migrants.

    https://www.youtube.com/watch?v=uqo3Bervn8s


    #Grenoble #accueil #migrations #réfugiés #laboratoire_de_politiques_publiques #tiers-lieu #métropoles #France #must-a-lab #villes #accueil_local #laboratoires_politiques #hospitalité #vidéo #laboratoire_de_l'hospitalité #maison_de_l'hospitalité

  • A Briançon, les migrants laissés sans Refuge  ?

    En cinq ans, le centre associatif d’#accueil_d’urgence de la ville, point de passage depuis l’Italie, a hébergé plus de 20 000 migrants. Faute de #financement public, ce lieu, qui fonctionne grâce à la ténacité de ses bénévoles, pourrait avoir des difficultés à passer l’hiver.

    Franck arrache ses bottes, ses chaussettes et plonge ses pieds frigorifiés dans une bassine d’eau tiède teintée de Bétadine. Dehors, dans les rues enneigées de Briançon, il gèle en ce début de soirée de décembre. Avec deux compagnons guinéens, l’Ivoirien de 24 ans vient de débarquer au Refuge solidaire, centre associatif d’accueil d’urgence des migrants de la ville. Franck a des engelures aux orteils et des crampes dans les cuisses. Il arrive d’Italie, par la montagne et le col de Montgenèvre : « On est passé par la forêt, pour éviter les policiers. On a marché cinq heures, de la neige jusqu’aux genoux… C’était difficile. » La frontière passée, les trois Africains ont rejoint la route. Un automobiliste les a embarqués et déposés au Refuge.

    Franck pianote désespérément sur son téléphone. Son ami Félix, resté derrière lui dans la montagne, ne répond pas : « Je suis inquiet pour lui. » Submergé par le stress accumulé, il craque. Il pleure en silence, le visage entre les mains. Les bénévoles et salariés du Refuge le réconfortent, attentifs et graves, avec une efficacité remarquable. En moins d’une heure, Franck aura englouti un plat chaud, pris une douche, reçu des vêtements secs, avant de rejoindre un lit aux draps et couvertures propres. Il apprendra un peu plus tard que son ami Félix a fini par faire demi-tour. Le lendemain, à tête reposée, il sera écouté, soigné si besoin, conseillé et orienté pour la suite de son périple ou une demande d’asile. L’équipe du refuge est rodée : depuis 2017, début du passage des migrants par les cols du Briançonnais, elle a accueilli plus de 20 300 d’entre eux…

    Si au départ, il s’agissait presque exclusivement de jeunes Africains, les quelque 4 000 migrants passés cette année par le refuge sont à 39 % afghans, à 22 % marocains et à 18 % iraniens. Leur accueil, exemplaire, n’est assuré que par la solidarité citoyenne, locale aux débuts, et devenue nationale. La mairie de Briançon et la communauté de communes du Briançonnais (CCB) ont lâché les solidaires : après son élection en 2020 à la mairie et à la tête de la CCB, #Arnaud_Murgia, ex-LR rallié à Emmanuel Macron, a décidé d’expulser le refuge de l’ancienne caserne de CRS, trop petite et vétuste, mise à disposition par l’ancien maire ex-PS Gérard Fromm.

    Pour #Murgia, c’est à l’Etat de mettre les moyens pour l’accueil des migrants. Mais les demandes d’aides répétées du refuge sont toujours restées lettre morte. La préfecture des Hautes-Alpes tranche auprès de Libération : « Chacun se trouve dans son rôle : l’Etat doit veiller à la sécurité du territoire et donc assurer le contrôle des frontières ; les associations œuvrant dans l’humanitaire apportent une aide aux personnes en situation de grande précarité. »

    « On fait un travail que personne ne veut faire »

    La préfecture souligne qu’elle offre 239 places d’hébergement aux demandeurs d’asile et finance 180 places en hébergement d’urgence, accessibles via le 115. Les solidaires rient jaune : les migrants qui descendent de la montagne en pleine nuit et ont besoin d’être pris en charge immédiatement sont encore loin du statut de demandeur d’asile, tandis que le 115, avec au mieux 10 places toujours occupées à Briançon, n’est en rien une solution lorsque 20 ou 30 exilés débarquent en quelques heures… « On fait un travail que personne ne veut faire et qui est éminemment nécessaire : répondre à un appel au secours, abriter les gens en urgence et sans condition, tranche Jean Gaboriau, guide de haute montagne et l’un des administrateurs de l’association qui gère le refuge. La #mise_à_l’abri défendue par l’Etat et le Président pour les SDF s’arrête aux migrants… »

    Les solidaires de Briançon ont pris le taureau par les cornes pour trouver un nouveau local et les fonds pour le faire tourner. Une SCI créée début 2021 a été dotée d’1,24 million d’euros grâce à l’engagement de grands patrons philanthropes (900 000 euros, amenés via le fonds de dotation Riace France, la fondation Arceal et la société Herovara) et de centaines de citoyens. Un projet ambitieux, dans un ancien centre de santé pour enfants de la commune voisine de Villar-Saint-Pancrace, visait à réunir au sein d’un tiers-lieu le refuge, des chantiers d’insertion, du maraîchage, un restaurant associatif, une radio locale, une maison médicale… La municipalité a préféré préempter le bâtiment avant de le brader à un promoteur.

    Les solidaires ont en urgence trouvé un bâtiment plus petit mais disponible, les Terrasses, ancien sanatorium aux allures de navire, accroché à la pente dans la partie haute de Briançon, qu’ils ont pu acquérir et remettre aux normes sur les deux tiers de ses 1 600 m². Une association, les Terrasses solidaires, a été créée pour gérer le lieu qui accueille depuis l’été 2021 le refuge mais aussi Médecins du monde, partenaire de longue date, qui assure avec l’hôpital de Briançon une précieuse permanence d’accès au soin quotidienne sur place, le mouvement citoyen Tous Migrants, le collectif Maraudes et EKO ! association d’insertion des réfugiés autour d’ateliers de savoir-faire techniques, manuels et écologiques. Les ambitions de #tiers-lieu sont en berne : un tiers du bâtiment restant non utilisable, faute de moyens, l’essentiel des surfaces disponibles a dû être mis à disposition du refuge.

    50 000 euros pour passer l’hiver

    En passant des 35 places de l’ancien refuge à 65 places, voire 81 en utilisant le réfectoire comme dortoir, le refuge a gagné en espace, en salubrité (avec plus de sanitaires et une vraie cuisine) et en sécurité. Il reste pourtant régulièrement bondé. « Cet été et cet automne ont été tendus : pour 70 % des nuits, nous étions entre 65 et 81 personnes, et pour 20 % au-dessus », confirme Jean Gaboriau. Ces soirs de grande affluence, salariés et bénévoles sont sous pression. Emma Lawrence, Briançonnaise d’origine irlandaise, salariée chargée de l’accueil au refuge, insiste : « C’est très inconfortable pour les exilés, il y a beaucoup de stress. On fait appel aux 25 familles locales qui se tiennent prêtes à accueillir chez elles personnes vulnérables et femmes enceintes ou avec des enfants, on remplit la salle paroissiale, on encourage les exilés à repartir dès que possible… »

    Budgétairement et humainement, le refuge est en permanence sous tension. Il tient grâce aux sept indispensables salariés, notamment les pros de l’accueil de nuit, poste le plus éprouvant, aux 16 bénévoles permanents logés dans une annexe des Terrasses, volontaires venus de tout le pays qui se relaient – plus de 400 sur la seule année 2022 – et enfin aux dizaines de bénévoles locaux, Briançonnais mobilisés pour certains depuis des années… Si denrées et vêtements ne manquent pas grâce à la générosité des locaux, particuliers, commerçants, Secours catholique, Secours populaire, le bâtiment peine à être entretenu et le #budget de fonctionnement 2022-2023 du seul refuge, 500 000 euros, n’est pas assuré. Près d’un quart du financement est pérenne, ce sont les dons des particuliers, le reste est assuré par convention avec Emmaüs France, la Fondation de France, la fondation Abbé-Pierre, Caritas et bien d’autres, mais il manque 50 000 euros au refuge pour passer l’hiver.

    L’association s’apprête à intégrer le mouvement Emmaüs, pour gagner en solidité et en perspective de #financements_publics, et réfléchit à développer une activité d’hébergement de tourisme social dans les étages des Terrasses… Il le faut bien. « On est là, on est indispensable, conclut Jean Gaboriau. Nous n’avons d’autre choix que de trouver les moyens de continuer. »

    https://www.liberation.fr/societe/a-briancon-les-migrants-laisses-sans-refuge-20221228_IU3HFCVUQJFPXFCYVH5Z

    #Refuges_solidaires #Refuge_solidaire #Terrasses_solidaires #Briançon #Hautes-Alpes #réfugiés #migrations #asile #accueil #solidarité #frontière_sud-alpine

    –—

    ajouté à la métaliste sur la situation dans le #Briançonnais :
    https://seenthis.net/messages/733721
    et plus précisément ici : https://seenthis.net/messages/733721#message983461

  • Nous, les exilés (sur Briançon et la situation dans les #Hautes-Alpes)

    –-> série : Là où se cristallisent les questions d’aujourd’hui

    #Didier_Fassin (interviewé aux Terrasses solidaires, où il exerce bénévolement en tant que médecin et est présent en tant que chercheur) :
    (à retranscrire :-))

    –-

    Didier Fassin :

    « Des visages fatigués, épuisés. Des regards qui contiennent presque toujours au moins une lueur d’espoir. Malgré les épreuves déjà traversées. Elles et ils … sont environ 80 millions. 80 millions, soit un peu plus d’1% de la population mondiale. Eux, ce sont les exilés d’aujourd’hui. Dans un monde sous haute tension, personne n’est à l’abri. Vous, moi, nous serons peut-être les exilés de demain. En attendant, là maintenant : comment accueillir ces personnes qui arrivent dans nos régions ? Quelle hospitalité sommes-nous prêts à leur réserver ? Quels dispositifs établir aux frontières ? Et faut-il craindre le fameux appel d’air ? Ces questions, nous allons les déplier en altitude, du côté de Briançon, là où des exilés traversent la montagne au péril de leur vie. »

    Avec Isabelle Lorre (la coordinatrice du programme « migrations frontière transalpine » à Médecins du Monde sur Briançon), Sylvain Eymard (gestionnaire de l’association « Les Terrasses solidaires »), Didier Fassin (anthropologue, sociologue et médecin français. Il est professeur à l’Institute for Advanced Study de Princeton et directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris), Jean Gaboriau (l’un des responsables de « Refuges solidaires »), Stéphanie Besson (cofondatrice du mouvement citoyens « Tous migrants » et autrice de « Trouver refuge : histoires vécues par-delà les frontières » chez Glénat), Agnès Antoine ( membre de “Tous migrants”), deux gendarmes et quelques exilés.

    https://www.rtbf.be/auvio/detail_passe-montagne-la-ou-se-cristallisent-les-questions-d-aujourd-hui?id=291

    #podcast #audio #asile #migrations #réfugiés #montagne #Alpes #Briançon #hospitalité #Briançonnais #Hautes-Alpes #Terrasses_solidaires #militarisation_de_la_frontière #risques #chasse_à_l'homme #chutes #traque #tiers-lieu #santé #blessures #efficacité #non-efficacité #spectacle #Didier_Fassin #spectacularisation #performance #inhumanité #inhumanité_institutionnalisée #inhumanité_d'Etat

    ping @_kg_

  • Les #tiers-lieux, entre militantisme, logiques marchandes et stratégies d’aménagement
    https://metropolitiques.eu/Les-tiers-lieux-entre-militantisme-logiques-marchandes-et-strategies

    Les tiers-lieux, symboles de l’urbanisme alternatif, peuvent-ils être autre chose qu’une parenthèse spatiale et temporelle dans la fabrique des métropoles ? Sandra Mallet et Arnaud Mège analysent ici le cas de l’Écosystème Darwin à #Bordeaux, qui tente de trouver sa place entre logiques marchandes et aménagement de ZAC. Situé sur la rive droite de la Garonne, sur les friches de l’ancienne caserne militaire Niel, l’Écosystème Darwin, tiers-lieu « branché » à « l’esprit d’entreprise engagé », est devenu au #Terrains

    / tiers-lieux, Bordeaux, #urbanisme_transitoire, #expérimentation

    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_mege_mallet.pdf

  • #coworking et projets collaboratifs, quel mode d’emploi ?
    https://metropolitiques.eu/Coworking-et-projets-collaboratifs-quel-mode-d-emploi.html

    Dans la dernière décennie, l’offre d’espaces de travail partagés s’est démultipliée et inscrite dans les politiques d’attractivité. Au-delà du modèle économique et de la mise en commun des services, ces lieux peuvent-ils faire émerger une sociabilité de travail spécifique favorable à l’activité et à l’innovation ? Des initiatives singulières d’espaces de travail partagés (ou coworking) s’inscrivent en opposition à la logique de marché (Blein 2016) et puisent dans l’idéal-type du tiers-lieu. Initialement définis #Terrains

    / #tiers-lieux, coworking, #urbanisme, #innovation

    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/ferchaud_huberts.pdf

  • #Projet_Nexus, 13ème semaine… Que se passe t-il à l’#Université_Paul_Valéry ?
    https://solidairesetudiants34.files.wordpress.com/2019/11/affiche.png?w=1400

    Que se passe-t-il à l’UPV ?

    La perte de la 13e semaine d’#enseignement en #Licence depuis la rentrée 2018

    Lors de sa séance du 13 mars 2018, le Conseil d’administration de Paul-Valéry a approuvé la réduction des semestres d’enseignement de 13 à 12 semaines à partir de la rentrée 2018. Pour les Licences, il s’agit d’une réduction sèche du volume horaire des formations : sur l’ensemble des 6 semestres de Licence, ce sont 6 semaines de cours qui sont perdues, soit près de la moitié d’un semestre.

    Pour les Masters, il s’agit d’une simple réduction du nombre de semaines d’enseignement, la masse horaire demeurant la même. Cette relative préservation des Masters peut s’expliquer par la réduction drastique des volumes horaires en Master lors du dernier renouvellement des maquettes, et par le plus grand impact d’une réduction du volume horaire des Licences.

    En effet, il ne s’agit pas d’une simple réorganisation du calendrier universitaire, sans quoi on aurait pu imaginer de conserver le même volume horaire sur un nombre réduit de semaines : l’enjeu est bien de réduire le volume des formations. Dans une université de Lettres, langues et sciences humaines comme Paul-Valéry, la principale dépense est la masse salariale (c’est-à-dire les salaires payés au personnel de l’université), loin devant les dépenses de fonctionnement qui sont très faibles.

    En dépit des multiples mesures d’économie réalisées sur la masse salariale (gel des postes de titulaires, besoins croissants en formation assurés par des précaires sous-payés) et de l’inadéquation criante entre les besoins des étudiant.e.s et le nombre d’enseignant.e.s, la dotation de l’Etat peine à couvrir la masse salariale. Pire, la précarisation croissante du personnel de l’université publique sert d’argumente en faveur de la réduction des formations, puisqu’on entend la DGS de Paul-Valéry affirmer qu’il y aurait “trop de vacataires” dans notre université.

    La décision d’amputer la Licence de 6 semaines est toutefois impopulaire auprès des enseignant.e.s comme des étudiant.e.s, d’où le calendrier opportuniste de cette décision (prise en catimini au printemps 2018, alors qu’étudiant.e.s et enseignant.e.s sont mobilisé.e.s contre la loi ORE et Parcoursup). Pour faire passer la pilule auprès des enseignant.e.s, les directions des UFR leur permettent d’ailleurs de réduire le nombre d’évaluations en cours de semestre. La réduction du semestre à 12 semestres contribue donc aussi à affaiblir le contrôle continu.
    Déploiement du programme Nexus de numérisation des enseignements

    Dans un courriel daté du 9 juillet 2018, le Président de l’UPV Patrick Gilli présentait ainsi le projet Nexus :

    “Le projet Nexus que notre université avait déposé au titre des « Nouveaux cursus à l’université » (NCU) du PIA 3 a été retenu par le jury international. Doté de 7 millions d’euros sur 10 ans, il permettra à notre établissement d’engager la mutation progressive de nos formations qui intègreront des modules d’apprentissage numérique dans toutes les licences, de connecter plus fortement les sciences humaines et sociales à la nouvelle économie de la connaissance et ce faisant, de donner à nos étudiants davantage d’atouts dans leur vie professionnelle.”

    Incroyable ! Paul-Valéry a obtenu plein d’argent pour faire évoluer les formations et faire réussir les étudiant.e.s ! Qui pourrait être contre un tel projet, dont le dossier d’expertise du Bâtiment Nexus de septembre 2019 nous dit que “par ses aspects modernes et innovants, il inscrit l’Université dans la dynamique du XXIième siècle” ?

    Lorsqu’on lit ce même dossier d’expertise, la présentation d’ensemble du projet peut toutefois faire naître des premières inquiétudes, puisqu’il s’agirait de “construire grâce à une spécialisation et à une professionnalisation progressives, à une architecture modulaire et à un accompagnement des étudiants tout au long de leur cursus, des parcours plus flexibles et plus individualisés” et que “Les projets sélectionnés [à l’instar de Nexus] prévoient des actions structurantes, susceptibles de faire l’objet d’un déploiement à grande échelle”.

    En français dans le texte, qu’est-ce que ça veut dire ? Cela veut dire que Nexus organise :

    le démantèlement de l’offre de formation à Paul-Valéry, éclatée en une multitude de modules ;
    la numérisation de l’ensemble de l’offre de formation, l’intégration de modules d’apprentissage numériques dans toutes les licences ne constituant que la première phase du déploiement de Nexus

    L’enseignement à distance (EAD) n’est pas une chose nouvelle à Paul-Valéry, comme le rappelle le dossier d’expertise du projet Nexus :

    “L’UPVM offre un enseignement à distance depuis sa création en 1970. Elle est désormais la première université française pour l’offre de formations complètes à distance (L, M, D) : 10 licences complètes, 1 licence pro, 18 master 1, 22 master 2, 1 Ecole Doctorale (35 mentions), 3 DU, le DAEU A. Les effectifs se sont très fortement accrus depuis une dizaine d’années : 670 étudiants en 2008-2009, 1893 étudiants en 2016-2017 (soit près de 10% de nos étudiants).”

    Toutefois, il est essentiel de distinguer entre l’EAD conçu comme la possibilité de donner accès à l’université à des personnes qui en seraient sinon exclues par des obstacles matériels insurmontables, et l’entreprise généralisée de numérisation des enseignements, guidée par l’austérité et une croyance millénariste dans le caractère inévitable de l’invasion numérique de l’ensemble de nos vies.

    Ne nous contentons pas, toutefois, de cette présentation générale, et allons voir dans le détail ce que le projet Nexus nous prépare. Dans les documents de présentation de Nexus, ce dernier est caractérisé par les actions suivantes :

    création de modules d’apprentissages (les « Briques ») centrés sur les Humanités numériques ;
    labellisation des licences afin d’offrir une meilleure visibilité des parcours professionnels des étudiants ;
    modularité des rythmes d’apprentissage ;
    mise en place d’un tiers lieu, « La Fabrique » ;
    accompagnement et orientation des étudiants

    Création de modules d’apprentissages (les « Briques ») centrés sur les Humanités numériques

    “Les Briques d’Humanités Numériques sont des modules de formation à distance, interdisciplinaires (cadre commun des 10 premières briques) et disciplinaires (10 briques suivantes), bâties sur des sujets propres aux humanités dans leurs liens aux mutations digitales de la société.”

    “Chaque brique […] (Fig. 1) vaut pour 36h d’EQTD et se compose de 9 chapitres thématiques évolutifs, subdivisés en quatre niveaux d’alvéoles (± 1h) de contenu progressif (bases, développement, approfondissement, prolongement) [cf. Fig. 2].”

    “Elles sont conçues par des équipes-projets interdisciplinaires qui font dialoguer les approches LLASHS, au coeur du dispositif, avec les sciences de l’ingénieur, de l’informatique et du codage et, d’autre part, avec les applications industrielles du domaine (sous forme d’études de cas). Diverses activités d’application mettent en oeuvre les savoirs-faire exposés.”

    “Concrètement, les Briques se présentent sous la forme de modules de formation à distance interactifs et adaptables à la diversité des apprenants. Chacune de ces Briques vaudra pour 2 ECTS par semestre, soit 7% de la licence au total (ce pourcentage prenant uniquement en compte les Briques obligatoires ; les étudiants pourront accéder à des Briques supplémentaires grâce au label Humanités numériques).”

    “Les thématiques abordées dans les dix premières briques sont :

    Codage et langage
    Litteracies numériques

    Données et enquêtes

    Espaces digitaux

    Éthique et société connectée

    Intelligences Artificielles

    Industries numériques
    Interfaces humain / machine
    Information et attention
    Art et cultures digitales.”

    Dans un second temps, il est prévu de permettre la création de dix autres briques, plus spécialisées dans un domaine particulier des Humanités numériques (par exemple, philologie numérique, etc.) ou articulant deux à trois disciplines dans ce cadre.”

    “L’offre est en ligne et scénarisée pédagogiquement, ce qui évite la lourdeur organisationnelle des enseignements présentiels tout en autorisant souplesse et personnalisation. Les premières alvéoles de chaque chapitre seront ouvertes en libre accès (dans une double fonction citoyenne et de vitrine de nos LLASHS), les autres seront accessibles sur la base d’une inscription à l’université et feront l’objet d’une validation pédagogique.”

    Notre analyse

    L’argumentaire de présentation de Nexus en révèle immédiatement un enjeu décisif : lorsqu’il est dit que l’offre en ligne permet d’éviter la “lourdeur organisationnelle des enseignements présentiels”, il faut comprendre qu’elle permet d’éviter de recruter et de payer des enseignant.e.s pour assurer des enseignements en présentiel et garantir de bonnes conditions d’apprentissage, et qu’elle permet d’éviter de financer la construction de nouvelles salles de cours nécessaires à l’amélioration des conditions d’études.

    Avec Nexus, Paul-Valéry s’inscrit pleinement dans le programme du gouvernement actuel pour l’Enseignement supérieur et la recherche : plutôt que d’accorder aux universités publiques une dotation budgétaire leur permettant d’assurer une formation à la hauteur des besoins des étudiant.e.s, des dispositifs sont mis en place pour réduire le coût de la formation pour le budget de l’État.
    Labellisation des licences

    “Dans l’offre de formation 2021, à partir de la L2, les labels proposent de donner de la visibilité aux enseignements existants pré-professionnalisant en regroupant ces enseignements sous 5 labels :

    Enseignement
    Académique / Recherche

    International
    Monde socio-économique
    Humanités Numériques”

    “A partir du semestre 3, chaque étudiant pourra ainsi choisir de rejoindre l’un des 5 Labels proposés dans chacune des licences, avec possibilité d’en changer jusqu’au semestre 4, selon son projet professionnel mûri au long de sa Licence 1. Les Labels permettront de valider chacun 4 ECTS par semestre soit 9% de la licence au total. Comme les Briques de formation en Humanités numériques, les labels sont un parfait exemple de mutualisation et d’hybridation des cours. Ces labels sont composés de troncs communs transversaux (proposés à l’ensemble des étudiants de l’université à l’identique) et de développements spécifiques à chaque discipline. La part de tronc commun est variable selon les labels : 20% pour les labels Enseignement et Académique (nourris par les spécialités disciplinaires), 50% pour le label International, 80% pour Entreprise et 100% pour Humanités numériques.”
    Modularité des rythmes d’apprentissage

    “Afin de faciliter le parcours de l’étudiant et sa personnalisation, Nexus permet l’inscription à l’UE en présentiel ou distanciel. L’objectif est de proposer, dans 10 ans, cette alternative pour 80% des cours de licence.”

    “Le projet Nexus souhaite permettre une plus grande flexibilité dans les modalités d’apprentissage. Actuellement, un étudiant se voit proposer une offre de formation exclusivement en EAD ou exclusivement en présentiel, sans possibilité de mixer les deux. Afin d’individualiser davantage son offre, Nexus prévoit le passage en EAD de l’ensemble de ses licences et une inscription à la carte : tout étudiant pourra choisir de s’inscrire en EAD ou en présentiel à chaque module d’enseignement. Cette hybridation des modes d’apprentissage permet de réussir en licence via : i) l’individualisation des emplois du temps « à la carte » rendant la formation adaptable au rythme de vie et disponibilités des apprenants : étudiant salarié, FTLV, étudiant en situation de handicap ou publics empêchés, étudiants à l’étranger ou éloignés une partie de l’année, etc. ; ii) l’individualisation des parcours : l’étudiant peut suivre plusieurs cursus à la fois (double licence) sans pâtir d’incompatibilité d’emplois du temps ; iii) l’individualisation des rythmes d’apprentissage : l’étudiant peut suivre par anticipation des cours en EAD (jusqu’à valider une licence en 2 ans) et compléter sa licence plus rapidement ou libérer du temps pour davantage de stages en fin de licence.”

    Notre analyse

    Tant d’attention portée au rythme de vie et aux disponibilités individuelles des “apprenants”, c’est vraiment touchant ! La numérisation est toutefois conçue comme une réponse aux besoins spécifiques des étudiant.e.s d’une université publique en Lettres, langues et sciences humaines et sociales, dont les conditions d’études sont effectivement affectées par la difficulté à financer leurs études. Plutôt que donner aux étudiant.e.s les conditions financières leur permettant de suivre leurs études dans de bonnes conditions, ce qui supposerait que la collectivité prenne ses responsabilités à l’égard de la jeunesse, Nexus propose aux étudiant.e.s de se contenter de cours en ligne.

    Sur la pertinence de ceux-ci, on se contentera de remarquer qu’une telle numérisation massive des cours n’est envisagée qu’à l’université publique, et certainement pas dans les classes préparatoires aux grandes écoles qui scolarisent les enfants des classes supérieures. La dépense par étudiant.e est, en France, 50% plus élevée pour un.e étudiant.e de CPGE que pour un.e étudiant.e de Licence : cela correspond aux heures beaucoup plus nombreuses d’enseignement (en présentiel) en CPGE, y compris individuellement ou en petits groupes.

    Ensuite, 80% des enseignements de Licence proposés également en distanciel d’ici 10 ans, cela veut dire 80% des enseignements qui pourront n’être plus proposés qu’en distanciel au prochain tour de vis de l’austérité, lorsque le gouvernement exigera que les universités réduisent plus fortement encore leur masse salariale.
    Accompagnement et orientation des étudiants

    “Un test de positionnement sera réalisé par l’ensemble des étudiants dès la cinquième semaine de Licence 1.”

    “Ce test, propre à chaque filière et dont les résultats seront traités de manière automatisée, permettra une meilleure appréhension des compétences, connaissances et sentiment d’auto-efficacité de chaque étudiant. Il sera réalisé en partenariat avec les enseignants pour déterminer quelles compétences évaluer et à quels profils proposer la remédiation. Selon les résultats du test, des réunions collectives et entretiens individuels seront proposés aux étudiants. Ils seront réalisés par les directeurs d’études (mis en place par la loi ORE du 8 mars 2018) et permettront de proposer à chaque étudiant un parcours adapté à sa situation. A la suite, chaque étudiant se verra proposer un parcours adapté à sa situation.”

    “L’offre de formation portée par Nexus a été construite de façon à faciliter l’accompagnement et l’orientation personnalisés des étudiants tout au long de leur cursus. Trois aspects sont essentiels de ce point de vue :

    l’orientation des étudiants néo-entrants dans la structure de la maquette Nexus, en particulier sur le choix de Labels à opérer par la suite
    le repérage des difficultés des étudiants afin de proposer des parcours individualisés (L1 en deux ans) ;
    la possibilité de réaliser le parcours de licence de manière accélérée pour les étudiants le souhaitant (à haut potentiel), par la déclinaison massive des formations permettant l’hybridation. [= possibilité de s’inscrire en distanciel]”

    Notre analyse

    A travers ce dispositif, Nexus s’inscrit complètement dans la continuité de la loi ORE, qui fait reposer les difficultés des étudiant.e.s à terminer leur Licence non pas sur la dégradation des conditions d’études, non pas sur la nécessité pour beaucoup de travailler à côté des études, non pas sur le fait que la L1 peut constituer un lieu d’attente d’une place dans une formation dite sélective, mais sur les seules faiblesses des étudiant.e.s : il serait donc urgent de les classer, dès la 5e semaine de L1, entre des étudiant.e.s en difficulté dont le parcours serait ralenti, et des étudiant.e.s “à haut potentiel” dont le parcours serait accéléré. Avec Nexus, la “modularité des rythmes d’apprentissage” est mise au service du classement des étudiant.e.s selon leur “potentiel”, qui vient remplacer les résultats obtenus aux examens comme déterminant du rythme de la formation.

    Mise en place d’un #tiers_lieu, « La Fabrique »

    “L’approche par compétences vise, conformément au processus de Bologne, à permettre une mise en valeur des formations et des diplômes non pas en fonction des contenus ou de la durée de la formation, mais selon les acquis des étudiants. En conséquence, elle suppose une mise en place de nouvelles conceptions des formations et des évaluations, et impose une clarté permettant la valorisation des diplômes par les professionnels.”

    “La nouvelle offre de formation sera aussi complétée par des dispositifs innovants de formation.

    Fabrique Nexus, un tiers-lieu pour la pédagogie par projet, en lien avec les entreprises (et notamment la French Tech) et le monde socio-économique (institutions, collectivités, associations…)
    L’Atelier, un service d’accompagnement à la transformation et à l’innovation dans l’enseignement et la recherche sera mis en place dès la rentrée 2018. L’ensemble des enseignants seront accompagnés pour permettre la mise en place de dispositifs de formation hybrides permettant la fluidité des apprentissages ;
    Archipel, une salle d’expérimentation pédagogique, préfigurant le Learning center d’Atrium (2020) sera également en place dès la rentrée 2018.”

    “Le projet Nexus requiert des ingénieurs pédagogiques, des développeurs, des espaces d’innovation qui doivent être gérés, mais aussi des responsables financiers, des porteurs de projets, etc. Il doit être arrimé à un environnement institutionnel et administratif à la fois flexible et de proximité : flexible, parce que les personnes qui accompagnent l’innovation sont financées sur des missions spécifiques et temporaires qui nécessitent un accompagnement particulier ; de proximité parce que les enseignants-chercheurs ont besoin de trouver le soutien, en amont comme en aval, de leurs projets, en ayant identifié clairement les lieux et les personnes idoines.”

    Notre analyse

    Le massacre des formations continue, puisqu’il s’agit de structurer celles-ci non plus en fonction de contenus d’enseignement ou de progression pédagogique pensée comme un ensemble d’étapes, mais en termes de compétences. Cela veut dire qu’au lieu d’évaluer des productions/réalisations des étudiant.e.s, ce sont les étudiant.e.s elles-mêmes et eux-mêmes qui sont évalué.e.s pour identifier leur acquisition de compétences.

    Cette nouvelle conception de l’enseignement semble nécessiter, aux yeux de nos dirigeant.e.s éclairé.e.s, la construction d’un bâtiment de prestige, dont le dossier d’expertise précise qu’il sera équipé d’un “showroom”, d’une “salle de créativité”, d’un “grand écran de téléprésence”, ou encore de “murs inscriptibles”. C’est probablement plus important que d’équiper l’ensemble des salles de cours de tableaux vraiment fonctionnels et de systèmes multimédia : est-ce parce que le bâtiment Nexus accueillera “les entreprises et le monde socio-économique”, auxquelles la direction de l’université souhaite offrir des conditions d’accueil meilleures que celles des personnels et des étudiant.e.s ? C’est probablement aussi la raison pour laquelle l’accès à ce bâtiment sera sélectif/select, le dossier d’expertise précisant : “L’accès au bâtiment, puis à certains espaces spécifiques, seront réservés aux porteurs de projets en lien avec les humanités numériques et à leurs partenaires suivant un système de contrôle d’accès avec demande en ligne et autorisation d’accès pour une période déterminée.”

    Nexus, c’est toutefois le prestige au moindre coût, puisqu’il est bien rappelé que “les personnes qui accompagnent l’innovation sont financées sur des missions spécifiques et temporaires” (= précaires), et que l’accueil du bâtiment Nexus sera assuré par un “agent virtuel / écran tactile”. C’est l’occasion de rappeler les gels et suspensions de postes systématiques dans notre université, justifiés notamment par la nécessité d’apporter les garanties budgétaires exigées par les financeurs des nouveaux bâtiments comme Nexus.

    Si Nexus est l’avenir de l’université publique, nous ne sommes pas pressés d’y être !
    Contextualisation
    Numérisation : l’illusion du progrès

    La numérisation des formations prévue par le projet Nexus est présentée comme un outil au service de la réussite étudiante et comme une réponse à la “digitalisation” de l’économie. Il semble utile de rappeler plusieurs choses concernant la numérisation :

    la numérisation n’est pas une dématérialisation écologiquement vertueuse, mais repose sur le déploiement d’une infrastructure (serveurs, réseaux, ordinateurs, etc) consommatrice de ressources produites par les industries d’extraction et d’électricité ;
    la numérisation n’est pas un processus inévitable, mais le résultat de choix politiques visant à l’économie de moyens dans les processus de production (automatisation) et dans la délivrance de services (numérisation des impôts, etc), qui renforcent la précarisation dans l’ensemble des secteurs affectés ;
    la numérisation n’est pas, par elle-même, source de démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur : elle nécessite des ressources matérielles (connexion internet, ordinateur) dont l’ensemble des étudiant.e.s (et de celles et ceux qui souhaitent le devenir) ne disposent pas, et de compétences numériques qui sont inégalement distribuées, si bien qu’elle est susceptible de renforcer les inégalités sociales dans l’accès aux études et la réussite dans celles-ci.

    Logique d’austérité

    La suppression de la treizième semaine du semestre sur le calendrier universitaire correspond à la perte de six semaines sur une licence, soit environ un douzième de la formation.

    Pour justifier cette suppression, la Présidence de l’Université plaide le manque de budget. En effet, cela fait des années que les dotations de l’état n’augmentent pas ou peu, alors que le nombre d’étudiant-e-s ne cesse de croître, d’environ 2,5% chaque années. Le résultat de cela est la stagnation, voire la réduction du nombre de places dans les Universités, ainsi que le non-recrutement de nouveaux-elles enseignant-e-s.

    Face à ce manque d’investissements, le gouvernement a une parade toute trouvée : Il investit en fin de compte dans l’ESR, mais passe par des appels à projets. Ceux-ci ont un effet pervers : d’une part, ils accentuent les inégalités entre établissements, d’autre part, ils incitent fortement les universités à mettre en œuvre la politique du gouvernement pour décrocher ces financements.

    Ceci est une des conséquences de la LRU de 2007 (Loi Relative aux libertés et responsabilités des Université) qui confie la gestion de leur budget aux Universités, c’est à dire que comme le feraient des chefs d’entreprise, les Présidents des Universités gèrent leur masses salariales et leur patrimoine immobilier.

    C’est notamment dans cette logique d’austérité que le projet Nexus est défavorable, à la fois aux enseignant-es mais aussi aux étudiant-es. En effet, numériser toujours plus d’enseignements (Jusqu’à 80% prévu en 2028), revient forcément à réduire la masse salariale enseignante, dans un premier temps par la réduction du nombre de vacataires et dans un second temps par une accélération probable du non-remplacement des départs à la retraite. Dans un troisième temps, on peut tout à fait imaginer un plan de départs volontaires, comme le permet désormais la Loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.
    Le Projet Nexus, droit dans la logique du plan étudiant

    – Réduction de la part de l’enseignement

    L’article 8 de la loi ORE supprime le minimum de 1500 heures de cours en présentiel, c’est à dire que ces 1500 heures pourront maintenant compter des heures de travail en autonomie, de stage, de projet etc. C’est l’aboutissement du Processus de Bologne, à savoir qu’une licence en vient à être définie par l’obtention de 180 ECTS – des crédits dont la modalité d’accumulation importe peu. Cela explique la liberté de plus en plus grande laissée aux établissements quant à la manière dont ces crédits sont obtenus (forme des cours, nombre d’heure de cours, voire pas de cours du tout)… Ce qui laisse la place à des dérives mettant en jeu la valeur du diplôme.

    – Individualisation des parcours : L1 en 2 ans ; Licence accélérée

    L’arrêté licence, complétant la loi ORE, permet la personnalisation des parcours par le contrat pédagogique. Ce contrat pédagogique, qui prend en compte le profil des étudiant-e-s, énonce des “engagements réciproques” entre l’étudiant-e et l’Université mais n’a aucune portée juridique. L’objectif est clairement de concilier le caractère national du diplôme et la mise en place de parcours personnalisés. Le cadre national du diplôme est affaibli lorsque la Licence est est définie principalement par l’acquisition des 180 ECTS, et plus par un nombre d’heures définies.

    Il est dit très clairement que le projet Nexus “s’inscrit dans [la réforme de la loi ORE]. Ainsi, dans la même lignée que cette loi, il propose “la possibilité de réaliser le parcours de licence de manière accélérée”. Il prévoit que les étudiant-e-s passeront un “test de positionnement” dès la cinquième semaine de cours de licence 1. Ces tests permettront de proposer aux étudiant-e-s de passer leur licence en deux ans. L’instauration de cette individualisation des parcours crée une inégalité entre détenteurs du même diplôme.
    Recomposition de l’ESR : une université à deux vitesses

    Le mode de gestion du secteur de l’ESR par le ministère, qui combine austérité budgétaire et inégalité de traitement par l’attribution d’appels à projets, met en concurrence l’ensemble des établissements pour donner la priorité aux quelques rares universités susceptibles d’être concurrentielles à l’échelle internationale.

    Le projet Nexus répond d’ailleurs à l’appel à projets “ANR PIA NCU”, inscrit dans le PIA 3 (Programme d’Investissement d’Avenir), dans lequel le gouvernement a insufflé 700 millions d’euros. Le but est de renforcer leur “stratégies d’excellence” sur les plans de la recherche et de la formation, au travers de “programmes de grande ampleur, à vocation fortement structurante et se déployant dans la durée”. Ceci participe à faire émerger quelques universités d’élite au détriment des autres. Face à cela, nous revendiquons la fin des financements des appels à projets ainsi qu’un investissement massif dans toute les universités selon leur besoin.

    https://solidairesetudiants34.wordpress.com/2019/11/12/defendons-nos-formations-projet-nexus-13eme-semaine

    #ESR #université #France #Nexus #calendrier_universitaire #enseignement #précarisation #précaires #numérisation #numérique #évaluation #contrôles_continus #apprentissage_numérique #nouvelle_économie_de_la_connaissance #it_has_begun #flexibilité #flexibilisation #individualisation #enseignement_à_distance #EAD #austérité #humanités_numériques #souplesse #budget #coût_de_la_formation #loi_ORE #tiers-lieu #French_Tech #innovation #transformation #hybridation #expérimentation_pédagogique #pédagogie #innovation #compétences #créativité #showroom #bâtiment_Nexus

  • L’envers des friches culturelles | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/231218/l-envers-des-friches-culturelles

    Terrains vagues, bâtiments désaffectés, rails à l’abandon… Un peu partout en France, ces espaces qui faisaient auparavant l’objet d’occupations illégales sont convertis en lieux culturels par une poignée d’entrepreneurs ambitieux. Ces sites, souvent éphémères, se présentent comme « engagés » et « créatifs » et participant à la revalorisation de quartiers dépréciés. Mais cette « valorisation » semble avant tout financière. Une enquête parue dans le numéro 11 du Crieur, toujours en librairie.

    • C’est que Ground Control s’inscrit plus largement dans une politique foncière en pleine expansion au sein de la SNCF : l’urbanisme transitoire. « Cette démarche dite d’“urbanisme temporaire” ou transitoire est un levier essentiel de valorisation, avance Fadia Karam, directrice du développement de SNCF Immobilier. Cela permet d’intensifier l’usage de nos sites parfois vides et d’éluder des coûts de gardiennage, d’entretien et de sécurité, en limitant la détérioration et l’obsolescence de notre patrimoine. En dotant nos sites de nouveaux usages, nous développons la valeur de nos actifs. »

      icf-habitat

      La stratégie d’urbanisme transitoire du groupe ferroviaire prend naissance en 2013, quand une galerie de street art propose à ICF Habitat, filiale logement de la SNCF, d’investir provisoirement une de ses tours de logement destinée à la démolition. L’initiative, baptisée Tour Paris 13, est une telle réussite – trente mille visiteurs en un mois – que la SNCF entrevoit rapidement dans ce site culturel éphémère un formidable outil de communication sur la future HLM qui s’érigera en lieu et place de la tour. Et, par ricochet, d’augmentation de l’attractivité de ce quartier résidentiel grâce aux artistes graff les plus célèbres de la scène mondiale venus s’approprier l’immeuble en friche.

      Rapidement surnommée la « cathédrale du street art », la tour a été l’objet d’une grande attention médiatique, à l’image de Télérama, qui ira jusqu’à suivre en direct, avec trois caméras, la destruction du bâtiment en 2014. Trois ans plus tard, le même journal publiait un article élogieux sur le nouvel « immeuble HLM à l’architecture délirante » situé dans l’« eldorado parisien du street art ». Une opération de communication bénéficiant à la fois à l’acteur privé – la galerie Itinerrance – et à la SNCF, qui a pu aisément vendre ses logements flambant neufs à un prix lucratif.

      En 2015, deux ans après Tour Paris 13, l’occupation temporaire du dépôt de train de la Chapelle par Ground Control est appréhendée par SNCF Immobilier comme un projet pilote en vue de mieux formaliser sa démarche d’urbanisme transitoire. Après cette expérience concluante de friche culturelle éphémère, la filiale lance en fin d’année un appel à manifestation d’intérêt afin que seize de ses espaces désaffectés soient reconvertis provisoirement en « sites artistiques temporaires ».

      En réinvestissant une deuxième fois le dépôt de la Chapelle en 2016, puis la Halle Charolais de la gare de Lyon, Denis Legat devient, avec son concept Ground Control, le fer de lance de l’urbanisme transitoire prôné par la société nationale des chemins de fer. Au plus grand bonheur de Marie Jorio, cadre développement au sein de SNCF Immobilier qui, à propos du site de la Chapelle, déclare sans ambages : « Avec Ground Control, nous avons fait exister cette adresse plus rapidement et avons créé de l’attractivité : les opérateurs ont envie d’y aller et d’innover ! »

      Aux yeux de la SNCF, la friche culturelle Ground Control a en effet servi d’outil marketing pour mieux promouvoir l’aménagement urbain qui prévoit la construction de cinq cents logements dans ce coin morne du XVIIIe arrondissement. Quant aux visiteurs, ils ont été les cobayes de la future identité urbaine de ce quartier dévitalisé, Ground Control constituant un showroom hype au service du complexe immobilier en devenir. « L’ADN ferroviaire du site du dépôt Chapelle est ressorti très fortement dans l’appétence et le succès du concept, révèle ainsi SNCF Immobilier. Le projet urbain en cours de définition fera revivre cet ADN et cette identité ferroviaire très forte qui constituent un actif immatériel et un capital fort. »

      Le recours aux occupations temporaires pour accroître la valeur financière d’un projet immobilier et préfigurer ses futurs usages est de plus en plus systématique. En janvier 2018, l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France avait recensé pas moins de soixante-dix-sept projets d’urbanisme transitoire en région francilienne depuis 2012 – dont plus de la moitié sont en cours. Quatre cinquièmes des propriétaires des sites sont des acteurs publics ( collectivités locales, établissements publics d’aménagement, SNCF, bailleurs sociaux ) et les occupations à dimension culturelle sont largement prédominantes.

      Les pouvoirs publics locaux ont par ailleurs décidé d’accompagner pleinement cette dynamique d’optimisation foncière. Le conseil municipal de Paris et le conseil métropolitain du Grand Paris ont tous deux récemment adopté le vœu qu’à l’avenir, tout projet d’aménagement urbain soit précédé d’une opération d’urbanisme transitoire. De plus, sur la quarantaine de projets d’urbanisme temporaire actuels, vingt-sept sont soutenus par la région Île-de-France dans le cadre de son appel à manifestations d’intérêt sur l’urbanisme transitoire lancé en 2016. Une enveloppe qui s’élève à 3,3 millions d’euros.

      Là encore, malgré les incantations à l’« innovation urbaine » et à la « transition écologique » de cet appel à projets, c’est avant tout l’argument économique qui fait mouche. « Il faut en moyenne douze ans pour qu’une ZAC [ zone d’aménagement concerté ] sorte de terre, avançait l’an dernier Chantal Jouanno, alors vice-présidente de la région. Durant ce laps de temps, les immeubles ne servent à personne, peuvent être squattés et perdre leur valeur. » La nature a horreur du vide. Les édiles parisiens également.
      Espace public, bénéfice privé

      Cultplace et La Lune rousse ne se contentent pas d’accaparer des friches. L’ensemble de leurs sites éphémères et établissements présentent en effet la particularité d’être des espaces hybrides, à la fois publics et privatisables, culturels et commerciaux. Des logiques tout autant artistico-festives que marchandes, qui ont permis aux entrepreneurs culturels de s’approprier une dénomination en vogue : celle de « tiers-lieu ».

      810j-of-f0l

      Conceptualisé par le sociologue américain Ray Oldenburg dans un ouvrage intitulé The Great Good Place ( 1989 ), le tiers-lieu désigne à l’origine les espaces de sociabilité situés en dehors du domicile et du travail, comme les cafés ou les parcs publics. Cette expression aux contours flous a été employée afin de qualifier les premiers fablabs, les hackerspaces et autres jardins urbains partagés. Mais au grand dam des tenants de l’éthique open source et de l’esprit collectif de la débrouille, le terme de tiers-lieu s’est progressivement dénaturé jusqu’à qualifier de facto tout espace hébergeant des activités pluridisciplinaires, gratuites comme lucratives.

      « Je vois nos sites comme des écrins pour l’initiative, pour l’émergence d’envies, s’enflamme ainsi Renaud Barillet. Mais la réalité économique d’un tiers-lieu comme la friche 88 Ménilmontant fait qu’on a besoin de clients. Ce que l’on fabrique, ce sont des initiatives privées mais qui peuvent avoir une quote-part d’intérêt général. »

      Loïc Lorenzini, adjoint au maire du XVIIIe arrondissement chargé des entreprises culturelles, porte néanmoins un autre regard sur l’émergence de ces tiers-lieux. « Ground Control au dépôt de la Chapelle, cela n’a pas été évident avec eux au début, se souvient l’élu. Il y avait un service d’ordre avec des vigiles à l’entrée du lieu, ce qui n’a pas vraiment plu aux habitants du quartier. »

      Sa circonscription héberge actuellement deux sites artistiques temporaires de la SNCF : L’Aérosol – un hangar de fret reconverti en espace dédié au graffiti – et La Station-gare des mines – ancienne gare à charbon devenue salle de concert. Ces deux occupations de sites ferroviaires en friche préfigurent d’importants projets d’aménagement urbain comportant des logements, des bureaux ou encore l’Arena 2, une salle omnisports qui devrait être inaugurée en vue des Jeux olympiques de 2024.

      « Ces entreprises culturelles sont venues bousculer la vision classique de la culture, c’est-à-dire une vision subventionnée, avance Loïc Lorenzini. L’enjeu avec ces tiers-lieux, c’est qu’ils ne deviennent pas le cache-sexe de projets privés urbanistiques. Notre rôle est de rappeler que dans un arrondissement populaire comme le XVIIIe, il y a des enjeux locaux forts, telle la gentrification. »

    • Dernier avatar en date des tiers-lieux culturels qui foisonnent dans la capitale, La Recyclerie se présente comme « une start-up innovante qui réinvente le concept du tiers-lieu ( ni la maison ni le travail ) et fédère un large public sur le thème de l’écoresponsabilité ». Inauguré en 2014, cet établissement, composé d’un café-cantine, d’un atelier de réparation et d’une mini-ferme urbaine, est implanté au sein d’une station de train désaffectée de la Petite Ceinture, la gare Ornano, au nord du XVIIIe arrondissement.

      Les quais de la gare désaffectée du boulevard Ornano sur la ligne de Petite Ceinture. Les quais de la gare désaffectée du boulevard Ornano sur la ligne de Petite Ceinture.

      Un emplacement loin d’être anodin : la station à l’abandon se situe en effet porte de Clignancourt, à deux pas des échoppes discount des puces de Saint-Ouen, de la préfecture de police chargée des demandes d’asile de la capitale et d’un bidonville de Roms installé en contrebas de l’ancienne voie ferrée. Un carrefour où vendeurs à la sauvette, chiffonniers et migrants tentent de survivre par l’économie informelle.

      Malgré le fait qu’un tiers-lieu culturel ne soit pas de prime abord le projet urbain le plus pertinent en termes de besoins sociaux dans ce quartier populaire, « le maire de l’époque, Daniel Vaillant, a personnellement appuyé notre dossier, dévoile Marion Bocahut, présentée comme cheffe de projet écoculturel du lieu. La mairie du XVIIIe n’avait pas les moyens financiers d’acheter la gare Ornano, nous avons donc racheté l’intérieur du bâtiment ».

      La Recyclerie appartient à Sinny & Ooko, une société « créatrice de tiers-lieux et d’événements » dirigée par Stéphane Vatinel. Figure du milieu de la nuit, connu pour avoir fondé en 1992 le Glaz’art, un club électro emblématique installé dans un ancien dépôt de bus, l’entrepreneur a repris de 2003 à 2008 les rênes du Divan du monde, salle de spectacle historique de Pigalle.

      Par l’intermédiaire de son entreprise, ce quinquagénaire hyperactif est aujourd’hui l’exploitant de La Machine du Moulin rouge, l’incontournable discothèque techno du nord de la capitale, et du Pavillon des canaux, une bâtisse abandonnée sur les bords du bassin de la Villette réhabilitée en coffice – mi-café, mi-espace de travail.

      Quand il rachète la gare Ornano pour installer son tiers-lieu empreint « des valeurs collaboratives et du Do It Yoursef », Stéphane Vatinel fait appel à son ami Olivier Laffon, qui s’investit financièrement dans l’opération. Cet ancien magnat de l’immobilier devenu millionnaire a été le promoteur de mégacentres commerciaux, à l’instar de Bercy Village, Vélizy 2 ou Plan de campagne dans les Bouches-du-Rhône. Mais avec sa holding C Développement, Olivier Laffon s’est reconverti dans l’entreprenariat social.

      logo100x50

      Sa réalisation la plus célèbre demeure le Comptoir général, un ancien entrepôt au bord du canal Saint-Martin reconverti en 2009 en bar et « espace événementiel écosolidaire » à l’ambiance exotique. Devenu une référence quasi caricaturale du « Paris branché », le Comptoir général a fait appel jusqu’en 2013 aux services de Sinny & Ooko afin de développer et d’animer sa programmation. Une alliance pérenne entre les deux hommes d’affaires puisque C Développement avait précédemment investi dans le rachat du Divan du monde et dans La Machine du Moulin rouge, établissements gérés par Stéphane Vatinel…

      Pour les événements écoculturels de La Recyclerie, Sinny & Ooko a fait appel à un partenaire des plus édifiants : la fondation Veolia. L’entreprise du CAC 40, connue pour être le géant mondial de la privatisation de l’eau, finance en effet en grande partie la programmation du lieu et est partenaire de son cycle de conférences sur l’économie circulaire. La bibliothèque de La Recyclerie a de surcroît été ouverte avec des livres offerts par la multinationale. « Veolia nous accompagne aussi dans notre développement, notamment avec Scale up ( “changement d’échelle” ), un programme de l’Essec Business School qui nous a permis de savoir comment dupliquer un lieu comme La Recyclerie », détaille Marion Bocahut.

      Le concept de La Recyclerie a effectivement depuis peu changé d’échelle. Sinny & Ooko a inauguré en août dernier un nouveau tiers-lieu écoculturel baptisé la Cité fertile. Ici, comme pour Ground Control, SNCF Immobilier a fait signer à Sinny & Ooko, à l’aune de son appel à projets sur l’urbanisme transitoire, une convention d’occupation de trois ans de son ancienne gare de fret basée à Pantin. « Nous sommes là pour opérer une transition entre une gare de marchandises et le futur écoquartier de la ville de Pantin », assume Clémence Vazard, cheffe du projet de la Cité fertile.

      L’écoquartier prévoit mille cinq cents logements et près de cent mille mètres carrés de bureaux et de locaux commerciaux. Une opération foncière des plus rentables pour SNCF Immobilier et les promoteurs. Surnommée la « Brooklyn parisienne », Pantin constitue depuis peu un eldorado de la spéculation immobilière : l’ancienne cité industrielle a vu flamber de 15 % en cinq ans le prix du mètre carré, un record parmi les villes de la petite couronne parisienne.

      En attendant, sur près d’un hectare, la Cité fertile veut « explorer et imaginer la ville de demain » en attirant un million de curieux par an avec ses ateliers, ses conférences et sa cantine approvisionnée en circuits courts. Clémence Vazard explique que l’équipe a consulté la municipalité de Pantin afin d’« identifier les acteurs locaux et demander leurs contacts ». Parmi la cinquantaine de personnes salariées sur le site, une seule pourtant se consacre à cette ouverture sur les Pantinois. « En tout cas, si on a un partenariat comme Veolia qui peut se présenter, ce serait le meilleur pour nous », souligne la cheffe de projet. Avant de préciser : « Sinny & Ooko possède l’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale ( Esus ), en aucun cas nous ne faisons du greenwashing. »

      L’originalité de cette friche éphémère réside cependant ailleurs. La Cité fertile héberge en effet depuis septembre le « campus des tiers-lieux », école de formation et incubateur d’entreprises dont le but est de développer les tiers-lieux culturels en tant que modèles économiques d’avenir. « Depuis l’an dernier, Sinny & Ooko est certifié comme organisme de formation. Nous proposons un module pour apprendre à être responsable de tiers-lieu culturel, détaille Clémence Vazard. Nous avons déjà formé une soixantaine de personnes, dont certaines ont récemment monté leur propre tiers-lieu à Montreuil – la Maison Montreau – ou à Niamey, au Niger – L’Oasis, un espace de coworking parrainé par Veolia. »

      Selon les formateurs Sinny & Ooko, le tiers-lieu culturel est un modèle démultipliable à souhait, telle une unité standardisée qui se résume, selon sa plaquette de présentation, à un « HCR [ hôtel café restaurant ] à portée culturelle », où une activité économique « socle » de bar-restauration permet de financer une programmation qui fait vivre le lieu.
      Friche partout, créativité nulle part

      En moins de cinq ans, Cultplace, La Lune rousse et Sinny & Ooko ont édifié un véritable petit empire économique en Île-de-France. Elles ont même l’ambition de s’implanter durablement à travers l’Hexagone en reproduisant des fac-similés de leurs tiers-lieux respectifs. Renaud Barillet a ainsi récemment remporté deux appels à projets à Bordeaux et un autre à Lyon afin d’édifier « des projets très proches en termes d’ADN et de ventilation des espaces de ce qu’est La Bellevilloise ».

      En Charente-Maritime, à Rochefort, Cultplace est en train de mettre sur pied Grand foin, « une déclinaison rurale de La Bellevilloise », aux dires de Renaud Barillet. Par ailleurs, depuis 2016, Denis Legat et son équipe débarquent chaque été aux Rencontres de la photographie d’Arles, où ils investissent un ancien hangar de la SNCF avec leur habituelle formule Ground Control.

      Stéphane Vatinel, quant à lui, doit ouvrir d’ici 2023 La Halle aux Cheminées, un tiers-lieu dans une ancienne friche militaire de Toulouse dont le concept n’est autre qu’un copier-coller de La Recyclerie. Autant de jalons d’une hégémonie économico-culturelle dont se défend du bout des lèvres Renaud Barillet : « C’est vrai que ceux qui ont commencé à réaliser des tiers-lieux arrivent aujourd’hui à se développer et je pense que pour un nouveau venu, ce n’est pas si simple. Les appels d’offres demeurent très économiques et orientés vers l’immobilier. »

      Ce business model des friches est si bien rodé et rencontre un tel succès qu’il en devient vecteur d’une certaine uniformisation. À Paris, en plus du Poinçon, la gare de Montrouge rénovée par Cultplace, et de La Recyclerie, ex-gare Ornano, la plupart des seize stations de la Petite Ceinture deviendront des tiers-lieux, à l’instar du Hasard ludique, « lieu culturel hybride » niché porte de Saint-Ouen, ou de La Gare-jazz à la Villette – en lieu et place de l’ancien squat artistique Gare aux gorilles.

      La gare Masséna vue depuis la rue Regnault. La gare Masséna vue depuis la rue Regnault.

      Dans le cadre de Réinventer Paris, l’ancienne gare Masséna sera quant à elle réhabilitée en « lieu de vie et de proximité » d’ici 2019 avec bar et cantine, ferme urbaine, boutiques bio, espaces artistico-culturels et bureaux. Enfin, Stéphane Vatinel a l’an dernier remporté l’exploitation de deux sites en friche grâce à Réinventer la Seine, un appel à projets visant à « la construction d’un territoire métropolitain évident et d’envergure internationale ». Une usine désaffectée à Ivry et l’ancien tribunal de Bobigny seront ainsi, à l’horizon 2022, reconvertis tous deux en tiers-lieux écoculturels estampillés Sinny & Ooko.

      À cette dynamique de duplication des tiers-lieux s’ajoutent les dizaines de terrasses temporaires qui essaiment chaque été dans les interstices urbains de la capitale, à l’image de la Base Filante, une friche éphémère de trois mille mètres carrés qui a ouvert ses portes en juillet dernier à deux pas du Père-Lachaise. L’initiative est portée par quatre collectifs, dont certains ont déjà pris part à la conception d’une autre terrasse temporaire, la friche Richard Lenoir, ou à l’aménagement de La Station-gare des mines.

      Au programme de la Base Filante, le sempiternel quatuor bières artisanales, cours de yoga, tables de ping-pong et musique électronique. « On assiste à une sorte de standardisation qui annihile toute créativité : tout espace en friche se voit devenir un lieu éphémère avec un bar et des transats, s’alarme Quentin, du collectif Droit à la ( Belle )ville. La créativité s’arrête dès qu’il y a une tireuse à bière artisanale… »

      Enfin, la mise en avant quasi généralisée de l’imaginaire « squat », via la scénographie récup’ et DIY, comme à travers la rhétorique de l’alternative et du collaboratif dans la communication de ces lieux festifs, participe également à cette uniformisation des sites culturels. « Ces friches font croire à une fausse occupation de l’espace alors qu’il y a des vigiles à l’entrée, fulmine Quentin. On vend de faux espaces de liberté où on dit aux gens ce qu’ils doivent consommer et où. »

      Pour les chercheuses Juliette Pinard et Elsa Vivant, « cette esthétique du squat […], donnant la part belle aux atmosphères brutes et industrielles, participe à la mise en scène de ces lieux temporaires en tant qu’“espaces alternatifs” et expérience singulière ». En institutionnalisant les occupations transitoires, les friches culturelles éphémères ont réussi le tour de force de neutraliser la portée subversive des squats artistiques, qui contestaient la propriété privée en privilégiant le droit d’usage, tout en s’appropriant leurs codes esthétiques.

      « Et le squat devient fréquentable », titrait ainsi Télérama en avril dernier à propos des occupations transitoires après que Libération eut publié sur son blog Enlarge Your Paris un entretien intitulé « Les friches font entrer les villes dans l’ère des squats légaux ».

      Dans le quartier Darwin. Dans le quartier Darwin.

      Le phénomène des friches culturelles se circonscrit de moins en moins à la région Île-de-France. À Bordeaux, les instigateurs du site culturel Darwin Écosystème, installé depuis 2009 dans l’ancienne caserne Niel et qui se présente comme un « lieu d’hybridation urbaine mêlant activités économiques et initiatives citoyennes », ne se sont jamais cachés de s’être inspirés directement de La Bellevilloise. Le promoteur immobilier Résiliance a de son côté mis à disposition un terrain vague de vingt hectares situé au nord de Marseille à Yes We Camp, un collectif de cinquante salariés spécialisé dans la création de friches culturelles éphémères, à Paris comme à Roubaix.

      Depuis cette année, la vaste parcelle en jachère accueille un « parc métropolitain d’un nouveau genre, à la fois lieu de vie, de mémoire, de pratiques culturelles et sportives ». Le site, baptisé Foresta, est inséré dans un projet d’aménagement porté par Résiliance et articulé autour d’un immense entrepôt commercial réservé aux grossistes du marché textile chinois.

      Quant aux anciens abattoirs de Rezé, dans l’agglomération nantaise, ils hébergent depuis juillet dernier Transfert, trois hectares de friche culturelle définie par ses concepteurs comme un « espace qui se mue en un lieu de transition où l’on imagine, invente et fabrique ensemble un lieu de vie qui questionne la ville de demain ». L’occupation provisoire durera cinq ans, le temps nécessaire à accroître l’attractivité et la valeur immobilière de ce no man’s land qui doit accueillir un gigantesque projet d’aménagement urbain prévoyant trois mille logements.

      Cette politique de l’éphémère à fin mercantile semble ainsi définitivement être sur les rails qui la conduiront à se pérenniser et à s’étendre à l’ensemble du territoire. « Nous avons désormais un vivier de porteurs de projets qui nous sollicitent, affirme Charlotte Girerd, de SNCF Immobilier. Depuis 2015, une vingtaine de projets d’urbanisme transitoire ont été mis en œuvre. Notre ambition est que d’ici 2019-2020, deux à trois sites répondant à la démarche d’urbanisme transitoire soient lancés chaque année, avec la volonté de travailler de plus en plus hors d’Île-de-France. »

      Une filiale de la SNCF à la manœuvre d’opérations immobilières spéculatives, des collectivités publiques au service du développement économique, des entreprises culturelles de plus en plus hégémoniques… Si les friches culturelles viennent « questionner la ville de demain », elles soulèvent aussi une tout autre question : comment faire exister une politique culturelle affranchie de toute logique économique ?

    • L’envers des friches culturelles | Mickaël Correia
      https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/231218/l-envers-des-friches-culturelles

      ( ai manqué publié un doublon ; j’ajoute ici pour mémoire l’ensemble de l’article et des #)

      MICKAËL CORREIA
      Terrains vagues, bâtiments désaffectés, rails à l’abandon… Un peu partout en France, ces espaces qui faisaient auparavant l’objet d’occupations illégales sont convertis en #lieux_culturels par une poignée d’#entrepreneurs ambitieux. Ces sites se présentent comme « engagés » et participant à la revalorisation de quartiers dépréciés. Mais cette « valorisation » semble avant tout financière. Une enquête parue dans le numéro 11 du Crieur, toujours en librairie.

      En haut de la rue de Ménilmontant, dans l’Est parisien, une palissade court le long du numéro 88. Pour les passants, impossible de deviner ce que cachent ces hautes planches de bois. Mais depuis l’an dernier, le 88 ouvre ses portes dès les prémices de l’été. Et il suffit de montrer patte blanche à un vigile nonchalant pour y découvrir une vaste friche réhabilitée en terrasse éphémère.

      Tables et chaises de guingois, mobilier en palettes de chantier et buvette en pin, décoration de bric et de broc, fresques street art… Tout respire l’esthétique récup’ et Do It Yourself. Sous la chaleur écrasante, certains sont avachis sur une chaise longue et sirotent une bière. D’autres s’adonnent paresseusement à une partie de ping-pong sur fond de musique électro.
      Durant tout l’été, dans cette scénographie naviguant entre squat urbain et guinguette, la #friche dénommée sobrement 88 Ménilmontant propose pêle-mêle initiations au yoga, ateliers de sophrologie ou performances artistiques. Entre deux palmiers en pot et une « fresque végétale collaborative », quelques rares graffitis semblent avoir été tracés bien avant la réhabilitation de cet espace en jachère. « Ce sont de vieux graffs qu’on pourrait presque qualifier d’historiques, assure une habitante du quartier. Avant, il y avait un squat d’artistes ici et tout a été rasé ! »

      À peine quatre ans auparavant, en lieu et place du 88 Ménilmontant, se dressaient d’anciens ateliers d’artisans miroitiers. Occupé depuis 1999 par un collectif libertaire, le bâtiment, rebaptisé La Miroiterie, était au fil des ans devenu un #squat incontournable de la scène musicale underground parisienne. Ses concerts éclectiques – hip-hop francilien, punk suédois, rap libanais, sans compter les interminables jam-sessions jazz du dimanche – attiraient chaque semaine un public bigarré.

      Certes, le lieu commençait à être insalubre, la qualité sonore n’était pas toujours au rendez-vous et les murs tagués sentaient la bière éventée. Mais comme le soulignent Emy Rojas et Gaspard Le Quiniou, qui y ont organisé une trentaine de concerts sous l’étiquette Arrache-toi un œil, « en passant le portail du squat, il y avait une sensation de liberté difficile à retrouver dans des lieux plus institutionnels ». Avec ses soirées à prix modiques, ses ateliers d’artistes indépendants et ses stands proposant fanzines et autres disques autoproduits, cet espace autogéré incarnait un îlot de #contre-culture mythique bien au-delà des frontières de la capitale.

      En avril 2014, l’effondrement d’un mur vétuste lors d’un concert sonne le glas de cette aventure singulière. Menacés d’expulsion depuis 2009 par un promoteur immobilier ayant acquis la parcelle, les occupants de La Miroiterie sont évacués sans ménagement ni projet de relogement, et ce malgré quinze années d’animation du quartier et le soutien de nombreux habitants.

      À deux pas de l’ex-Miroiterie siège l’imposante Bellevilloise. Fort de ses deux mille mètres carrés de salle de concert, d’espace d’exposition et de restaurant, cet établissement culturel est aujourd’hui l’un des repaires incontournables du Paris branché. Chaque année, le site accueille près de deux cent mille visiteurs qui viennent clubber ou applaudir des groupes estampillés « musique du monde ». À ces activités festives s’ajoutent des débats publics, avec parfois des invités de prestige comme Edgar Morin ou Hubert Reeves, et des soirées privées de grandes entreprises telles que Chanel et BNP Paribas.

      La façade de La Bellevilloise à Paris.

      Plus qu’un temple dédié à la #culture et aux grands événements parisiens, La Bellevilloise est aussi la figure de proue des friches urbaines reconverties en sites culturels. Ancienne coopérative ouvrière de consommation créée peu de temps après la Commune, bastion militant où Jean Jaurès tenait ses rassemblements, l’immeuble à l’abandon, qui hébergea après guerre une caisse de retraites, a été racheté au début des années 2000. À la manœuvre de cette opération immobilière, un trio de jeunes entrepreneurs issus du monde du spectacle et de la publicité. « Nous étions assez pionniers à l’époque. Mobiliser une surface aussi importante sur Paris pour des activités culturelles, c’était novateur », reconnaît Renaud Barillet, l’un des trois fondateurs et directeur général associé de La Bellevilloise.

      Quand le site est inauguré en 2006, le chef d’entreprise est pleinement dans l’air du temps. Motrice de nombreuses occupations illégales de friches industrielles, la vague techno qui a submergé l’Europe à la fin des années 1980 est alors en train de progressivement s’éteindre. Les warehouses berlinoises, ces entrepôts désaffectés investis le temps d’une soirée clandestine, se transforment en clubs électros commerciaux. À Paris, l’organisation en 2001 d’une fête techno sauvage dans l’ancienne piscine désaffectée Molitor, en plein XVIe arrondissement, marque le chant du cygne des free parties urbaines.

      La façade de La Condition publique à Roubaix.

      Le tournant des années 2000 voit dès lors les débuts de la réhabilitation des lieux industriels en #espaces_culturels. L’ancien marché couvert Sainte-Marie à Bruxelles est reconverti en 1997 en complexe culturel baptisé Les Halles de Schaerbeek. De son côté, la manifestation Lille 2004 Capitale européenne de la culture fait émerger nombre d’établissements dans des usines abandonnées par l’industrie textile locale. « Nous nous sommes inspirés de La Condition publique, un lieu culturel installé dans un ancien entrepôt de laine à Roubaix depuis Lille 2004, mais aussi de ce que fabriquait Fazette Bordage, la créatrice du Confort moderne à Poitiers, première friche culturelle en France », détaille Renaud Barillet.

      Du point de vue de l’équipe de La Bellevilloise, se pencher sur le 88 de la rue de Ménilmontant était une démarche des plus évidente. « Nous avons toujours été préoccupés par ce que La Miroiterie allait devenir, car un squat, par définition, c’est éphémère, explique l’entrepreneur. Comme elle est située juste derrière La Bellevilloise, nous nous sommes dit que si une opération immobilière se préparait, il fallait être attentif à l’ensemble architectural, aux problèmes de nuisances sonores, etc. »

      Ayant eu vent de ce que le récent propriétaire du lieu voulait édifier un immeuble d’un seul tenant, les dirigeants de La Bellevilloise interpellent Bertrand Delanoë, à l’époque maire de la capitale. À peine quelques mois plus tard, #Paris_Habitat, bailleur social de la ville de Paris, rachète le lot immobilier et un projet de réhabilitation est ficelé avec Renaud Barillet et ses comparses : côté rue, des logements étudiants avec, au rez-de-chaussée, sept ateliers-boutiques d’artistes design. En fond de cour, l’entrepreneur a prévu « une fabrique d’image et de son [ un studio de production et une salle de concert – ndlr ], des espaces de coworking, des bureaux et un spa à dimension artistique ».

      Bertrand Delanoë en 2010.

      Partant, l’ancienne Miroiterie est démolie. Afin de rentabiliser cette friche et d’engranger des recettes qui serviront à la construction du nouvel établissement (dont l’ouverture est prévue en 2021), l’équipe a mis sur pied une terrasse éphémère dès le printemps 2017. Bien éloigné des visées culturelles à but non lucratif de La Miroiterie, le 88 Ménilmontant n’est pas sans susciter l’ire des riverains et des anciens occupants du squat.

      Figure historique de La Miroiterie, Michel Ktu déclare ainsi par voie de presse : « Ils montent des salles en piquant nos idées parce qu’eux n’en ont pas. Ils récupèrent un décor de squat, mettent des câbles électriques apparents, des trous dans le mur, des canapés défoncés et des graffs, mais ils ne savent pas accueillir les gens ni les artistes. » « Il y a une surface vide, autant qu’elle soit utilisée, se défend Renaud Barillet. Quant à la forme “transat et tireuses à bière”, on ne va pas réinventer l’eau chaude : c’est un modèle basique et provisoire. »

      Faire du blé sur les friches

      Renaud Barillet n’en est pas à son galop d’essai. Avec son acolyte, Fabrice Martinez, également cofondateur de La Bellevilloise et ancien chef de publicité chez Nike et Canal+, il a récemment créé le groupe Cultplace, qui s’affiche comme une « fabrique de lieux de vie à dimension culturelle ». Les ambitieux entrepreneurs ont ainsi reconverti en 2013 un coin des halles de La Villette, anciens abattoirs aux portes de la capitale rénovés au début des années 2000. Dans cet écrin de métal et de verre appartenant au patrimoine public, ils ont conçu un restaurant-scène de jazz baptisé La Petite Halle.

      La rotonde du bassin de la Villette.

      Au sud du bassin de la Villette, La Rotonde, ex-barrière d’octroi du nord de Paris datant du XVIIIe siècle, a quant à elle été réhabilitée par ces businessmen en Grand Marché Stalingrad, hébergeant des « comptoirs food », un concept-store design et un club. Le bâtiment, alors à l’abandon, avait été restauré à l’initiative de la ville de Paris en 2007.

      Durant la seule année 2018, deux friches industrielles reconverties en site culturel ont ouvert sous la houlette de #Cultplace. L’ancienne gare désaffectée de Montrouge-Ceinture a été confiée par Paris Habitat et la mairie du XIVe arrondissement à Renaud Barillet afin d’être rénovée en café-restaurant culturel. Sur les bords du canal de l’Ourcq, à Pantin, les gigantesques Magasins généraux ont été quant à eux réhabilités en 2016. Longtemps surnommés le « grenier de Paris », ces entrepôts stockaient auparavant les grains, farines et charbons qui approvisionnaient la capitale.

      Si l’immeuble de béton accueille depuis peu le siège du géant de la publicité BETC, Cultplace y a niché à ses pieds Dock B – le B faisant référence à La Bellevilloise –, mille deux cents mètres carrés de cafés-comptoirs, scène artistique et terrasse qui devraient être inaugurés à la rentrée 2018. « Tous nos lieux sont indépendants, car nous ne sommes pas sous tutelle publique ni même subventionnés, insiste Renaud Barillet. Nous ne dépendons pas d’un grand groupe ou d’un seul investisseur. »

      Logo de CultPlace.

      Cultplace n’est cependant pas la seule entreprise partie à la conquête des friches industrielles de la métropole parisienne. En vue de concevoir et d’animer le Dock B, Renaud Barillet s’est associé à l’agence Allo Floride. Avec La Lune rousse, une société organisatrice d’événementiels, cette dernière a été à l’initiative de Ground Control, un bar temporaire inauguré en 2014 à la Cité de la mode et du design. Depuis cette première expérience lucrative, La Lune rousse s’est fait une spécialité : l’occupation provisoire, sous l’étiquette Ground Control, de sites désaffectés appartenant à la SNCF.

      Ainsi, en 2015, quatre mille mètres carrés du dépôt ferroviaire de la Chapelle, dans le XVIIIe arrondissement, ont été mis à disposition de l’entreprise le temps d’un été afin de le reconvertir en « bar éphémère, libre et curieux ». La manifestation s’est révélée si fructueuse en termes d’affluence qu’elle a été renouvelée l’année suivante par la SNCF, attirant quatre cent mille personnes en cinq mois.

      Espace insolite chargé d’histoire industrielle, musique électro, transats, ateliers de yoga, comptoirs food et esthétique récup’, le concept Ground Control utilise exactement les mêmes ficelles que Cultplace pour produire ses friches culturelles. Quitte à réemployer les mêmes éléments de langage. Se définissant ainsi comme un « lieu de vie pluridisciplinaire » ou comme une « fabrique de ville, fabrique de vie », Ground Control, couronné de son succès, a pris place depuis 2017 au sein de la Halle Charolais, un centre de tri postal de la SNCF situé près de la gare de Lyon. Un million de visiteurs annuels sont cette fois-ci attendus dans le hangar à l’abandon.

      Ouvertes en février, la « Halle à manger », qui peut servir trois cents couverts par jour, les boutiques et les galeries-ateliers de Ground Control se réclament toutes d’un commerce équitable ou bio. Et si, sur la cinquantaine de #salariés sur le site, quarante-deux sont employés en tant que #saisonniers, ce « laboratoire vivant d’utopie concrète », aux dires de ses créateurs, n’hésite pas à s’afficher comme un « lieu engagé » accueillant tous ceux qui sont en « mal de solidarité ».

      Toutefois, Denis Legat, directeur de La Lune rousse, ne s’est pas seulement attelé à la réhabilitation d’une jachère urbaine en friche culturelle « alternative et indépendante ». Depuis plus de vingt ans, cet homme d’affaires s’est solidement implanté dans le business de l’organisation des soirées d’entreprise. Sa société compte à son actif la mise en œuvre de la Nuit électro SFR (si_ c)_ au Grand Palais, afin de « célébrer l’arrivée de la 4G à Paris », ou encore la privatisation de la salle Wagram lors d’une soirée Bouygues Bâtiment.

      Récemment, La Lune rousse a conçu un « bar à cocktail domestique et connecté » pour le groupe Pernod Ricard, présenté lors d’un salon high-tech à Las Vegas, et scénographié la summer party de Wavestone, un cabinet de conseil en entreprise coté en bourse. Des clients et des événements bien éloignés des « initiatives citoyennes, écologiques et solidaires » brandies par Ground Control…

      Malgré l’ambivalence éthique de La Lune rousse, la SNCF s’est très bien accommodée de cette entreprise acoquinée avec les fleurons du secteur privé français pour occuper plusieurs de ses friches. « Ce sont des lieux qui nous appartiennent et que nous ne pouvons pas valoriser immédiatement, justifie Benoît Quignon, directeur général de SNCF Immobilier, la branche foncière du groupe. Nous choisissons donc de les mettre à disposition d’acteurs qui se chargent de les rendre vivants. »

      En faisant signer à La Lune rousse une convention d’occupation temporaire de la Halle Charolais jusque début 2020, l’objectif de SNCF Immobilier est assurément de rentabiliser financièrement cet espace vacant sur lequel un programme urbain dénommé « Gare de Lyon-Daumesnil » prévoit la création de six cents logements, de bureaux et d’équipements publics d’ici 2025.

      C’est que #Ground_Control s’inscrit plus largement dans une politique foncière en pleine expansion au sein de la SNCF : l’#urbanisme_transitoire. « Cette démarche dite d’“urbanisme temporaire” ou transitoire est un levier essentiel de valorisation, avance Fadia Karam, directrice du développement de SNCF Immobilier. Cela permet d’intensifier l’usage de nos sites parfois vides et d’éluder des coûts de #gardiennage, d’entretien et de #sécurité, en limitant la détérioration et l’obsolescence de notre patrimoine. En dotant nos sites de nouveaux usages, nous développons la valeur de nos actifs. »

      La stratégie d’urbanisme transitoire du groupe ferroviaire prend naissance en 2013, quand une galerie de street art propose à ICF Habitat, filiale logement de la SNCF, d’investir provisoirement une de ses tours de logement destinée à la démolition. L’initiative, baptisée Tour Paris 13, est une telle réussite – trente mille visiteurs en un mois – que la SNCF entrevoit rapidement dans ce site culturel éphémère un formidable outil de #communication sur la future HLM qui s’érigera en lieu et place de la tour. Et, par ricochet, d’augmentation de l’attractivité de ce quartier résidentiel grâce aux artistes graff les plus célèbres de la scène mondiale venus s’approprier l’immeuble en friche.

      Rapidement surnommée la « cathédrale du #street_art », la tour a été l’objet d’une grande attention médiatique, à l’image de Télérama, qui ira jusqu’à suivre en direct, avec trois caméras, la destruction du bâtiment en 2014. Trois ans plus tard, le même journal publiait un article élogieux sur le nouvel « immeuble HLM à l’architecture délirante » situé dans l’« #eldorado parisien du street art ». Une opération de communication bénéficiant à la fois à l’acteur privé – la galerie Itinerrance – et à la SNCF, qui a pu aisément vendre ses logements flambant neufs à un prix lucratif.

      En 2015, deux ans après Tour Paris 13, l’occupation temporaire du dépôt de train de la Chapelle par Ground Control est appréhendée par SNCF Immobilier comme un projet pilote en vue de mieux formaliser sa démarche d’urbanisme transitoire. Après cette expérience concluante de friche culturelle éphémère, la filiale lance en fin d’année un appel à manifestation d’intérêt afin que seize de ses espaces désaffectés soient reconvertis provisoirement en « sites artistiques temporaires ».

      En réinvestissant une deuxième fois le dépôt de la Chapelle en 2016, puis la Halle Charolais de la gare de Lyon, Denis Legat devient, avec son concept Ground Control, le fer de lance de l’urbanisme transitoire prôné par la société nationale des chemins de fer. Au plus grand bonheur de Marie Jorio, cadre développement au sein de SNCF Immobilier qui, à propos du site de la Chapelle, déclare sans ambages : « Avec Ground Control, nous avons fait exister cette adresse plus rapidement et avons créé de l’attractivité : les opérateurs ont envie d’y aller et d’innover ! »

      Aux yeux de la SNCF, la friche culturelle Ground Control a en effet servi d’outil #marketing pour mieux promouvoir l’#aménagement_urbain qui prévoit la construction de cinq cents logements dans ce coin morne du XVIIIe arrondissement. Quant aux visiteurs, ils ont été les cobayes de la future identité urbaine de ce quartier dévitalisé, Ground Control constituant un showroom hype au service du complexe immobilier en devenir. « L’ADN ferroviaire du site du dépôt Chapelle est ressorti très fortement dans l’appétence et le succès du concept, révèle ainsi SNCF Immobilier. Le projet urbain en cours de définition fera revivre cet ADN et cette identité ferroviaire très forte qui constituent un actif immatériel et un capital fort. »

      Le recours aux occupations temporaires pour accroître la valeur financière d’un projet immobilier et préfigurer ses futurs usages est de plus en plus systématique. En janvier 2018, l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France avait recensé pas moins de soixante-dix-sept projets d’urbanisme transitoire en région francilienne depuis 2012 – dont plus de la moitié sont en cours. Quatre cinquièmes des propriétaires des sites sont des acteurs publics ( collectivités locales, établissements publics d’aménagement, SNCF, bailleurs sociaux ) et les occupations à dimension culturelle sont largement prédominantes.

      Les pouvoirs publics locaux ont par ailleurs décidé d’accompagner pleinement cette dynamique d’optimisation foncière. Le conseil municipal de Paris et le conseil métropolitain du Grand Paris ont tous deux récemment adopté le vœu qu’à l’avenir, tout projet d’aménagement urbain soit précédé d’une opération d’urbanisme transitoire. De plus, sur la quarantaine de projets d’urbanisme temporaire actuels, vingt-sept sont soutenus par la région Île-de-France dans le cadre de son appel à manifestations d’intérêt sur l’urbanisme transitoire lancé en 2016. Une enveloppe qui s’élève à 3,3 millions d’euros.

      Là encore, malgré les incantations à l’« innovation urbaine » et à la « transition écologique » de cet appel à projets, c’est avant tout l’argument économique qui fait mouche. « Il faut en moyenne douze ans pour qu’une ZAC [ zone d’aménagement concerté ] sorte de terre, avançait l’an dernier Chantal Jouanno, alors vice-présidente de la région. Durant ce laps de temps, les immeubles ne servent à personne, peuvent être squattés et perdre leur valeur. » La nature a horreur du vide. Les édiles parisiens également.

      Espace public, bénéfice privé

      Cultplace et La Lune rousse ne se contentent pas d’accaparer des friches. L’ensemble de leurs sites éphémères et établissements présentent en effet la particularité d’être des espaces hybrides, à la fois publics et privatisables, culturels et commerciaux. Des logiques tout autant artistico-festives que marchandes, qui ont permis aux entrepreneurs culturels de s’approprier une dénomination en vogue : celle de « #tiers-lieu ».

      Conceptualisé par le sociologue américain Ray Oldenburg dans un ouvrage intitulé The Great Good Place ( 1989 ), le tiers-lieu désigne à l’origine les espaces de sociabilité situés en dehors du domicile et du travail, comme les cafés ou les parcs publics. Cette expression aux contours flous a été employée afin de qualifier les premiers fablabs, les hackerspaces et autres jardins urbains partagés. Mais au grand dam des tenants de l’éthique open source et de l’esprit collectif de la débrouille, le terme de tiers-lieu s’est progressivement dénaturé jusqu’à qualifier de facto tout espace hébergeant des activités pluridisciplinaires, gratuites comme lucratives.

      « Je vois nos sites comme des écrins pour l’initiative, pour l’émergence d’envies, s’enflamme ainsi Renaud Barillet. Mais la réalité économique d’un tiers-lieu comme la friche 88 Ménilmontant fait qu’on a besoin de clients. Ce que l’on fabrique, ce sont des initiatives privées mais qui peuvent avoir une quote-part d’intérêt général. »

      Loïc Lorenzini, adjoint au maire du XVIIIe arrondissement chargé des entreprises culturelles, porte néanmoins un autre regard sur l’émergence de ces tiers-lieux. « Ground Control au dépôt de la Chapelle, cela n’a pas été évident avec eux au début, se souvient l’élu. Il y avait un #service d’ordre avec des #vigiles à l’entrée du lieu, ce qui n’a pas vraiment plu aux habitants du quartier. »

      Sa circonscription héberge actuellement deux sites artistiques temporaires de la SNCF : L’Aérosol – un hangar de fret reconverti en espace dédié au graffiti – et La Station-gare des mines – ancienne gare à charbon devenue salle de concert. Ces deux occupations de sites ferroviaires en friche préfigurent d’importants projets d’aménagement urbain comportant des logements, des bureaux ou encore l’Arena 2, une salle omnisports qui devrait être inaugurée en vue des Jeux olympiques de 2024.

      « Ces entreprises culturelles sont venues bousculer la vision classique de la culture, c’est-à-dire une vision subventionnée, avance Loïc Lorenzini. L’enjeu avec ces tiers-lieux, c’est qu’ils ne deviennent pas le cache-sexe de projets privés urbanistiques. Notre rôle est de rappeler que dans un arrondissement populaire comme le XVIIIe, il y a des enjeux locaux forts, telle la gentrification. »

      Les friches culturelles, têtes de pont de la gentrification ? C’est justement ce que dénonce le collectif d’habitants Droit à la (Belle)ville, créé en 2015 dans l’est de Paris. « Ces tiers-lieux excluent symboliquement les #habitants les plus #précaires du quartier, fustige Claudio, l’un des membres de l’association. On autorise temporairement des occupations de friche par des acteurs privés mais en parallèle, dès qu’il y a une occupation informelle de l’espace public à Belleville, comme quand, encore récemment, des jeunes font un barbecue improvisé dans la rue ou des militants organisent un marché gratuit, la police est systématiquement envoyée. »
      Et Quentin, également du collectif, d’ajouter : « Pour ces entrepreneurs et pour les élus, les artistes ne sont que des créateurs de valeur. Les sites culturels qui les hébergent participent à changer l’image de notre quartier, à le rendre plus attractif pour les populations aisées. Ce sont des espaces qui sont pleinement inscrits dans la fabrication de la ville pilotée par le #Grand_Paris. »

      Ambitionnant de faire de la région Île-de-France une métropole compétitive et mondialisée, le projet d’aménagement territorial du Grand Paris entrevoit dans les tiers-lieux culturels un outil de promotion de son image de #ville_festive, innovante et écoresponsable à même d’attirer une « #classe_créative ». Une population de jeunes cadres qui serait, aux yeux des décideurs, vectrice de développement économique.

      Les futures friches estampillées La Bellevilloise sont ainsi pleinement ancrées dans la stratégie de développement urbain et de #marketing_territorial portée par les élus de la #métropole. Dans l’ancienne station électrique Voltaire, au cœur du XIe arrondissement, Renaud Barillet prévoit pour 2021 un cinéma et un « restaurant végétalisé et solidaire ». L’exploitation de ce bâtiment industriel a été remportée par l’entrepreneur dans le cadre de Réinventer Paris, un appel à projets urbains lancé fin 2014 par la mairie de Paris afin de développer « des modèles de la ville du futur en matière d’architecture, de nouveaux usages, d’innovation environnementale et d’écoconstruction ».

      Le dirigeant de La Bellevilloise vient même de réussir à faire main basse sur l’ancienne piscine municipale de Saint-Denis, via le concours Inventons la métropole du Grand Paris. Avec l’aide d’un investissement financier de la part de #Vinci Immobilier, la piscine dyonisienne à l’abandon sera « à la frontière entre l’hôtel, le gîte et l’auberge de jeunesse » et le relais d’« initiatives entrepreneuriales, culturelles, artistiques, sportives et citoyennes ».

      « On est conscient de notre impact dans un quartier mais la gentrification est un rouleau compresseur sociologique qui nous dépasse », assure pourtant Renaud Barillet. « Nous ne sommes pas dans un processus naturel mais bien dans un conflit de classes. À Paris, nous sommes dans une continuité d’expulsion des #classes_populaires qui a débuté depuis la Commune en 1871, analyse Chloé, du collectif Droit à la (Belle)ville. Dans ces friches, les entrepreneurs vont jusqu’à récupérer le nom, l’imaginaire politique, les anciens tags de ces espaces pour les transformer en valeur marchande. »

      La Bellevilloise n’hésite ainsi nullement à s’afficher sur ses supports de communication comme « Le Paris de la Liberté depuis 1877 » et, dans le futur projet du 88 de la rue Ménilmontant, le spa pourrait s’appeler « Les Thermes de La Miroiterie ». « Ils accaparent des ressources que les habitants ont créées, que ce soient les ouvriers qui ont mis sur pied La Bellevilloise à la fin du XIXe siècle ou les punks libertaires de La Miroiterie au début des années 2000, souligne Claudio. Ces tiers-lieux culturels transforment des valeurs d’usage en valeur d’échange… »

      Rien ne se perd, tout se transforme

      Dernier avatar en date des tiers-lieux culturels qui foisonnent dans la capitale, La Recyclerie se présente comme « une start-up innovante qui réinvente le concept du tiers-lieu ( ni la maison ni le travail ) et fédère un large public sur le thème de l’écoresponsabilité ». Inauguré en 2014, cet établissement, composé d’un café-cantine, d’un atelier de réparation et d’une mini-ferme urbaine, est implanté au sein d’une station de train désaffectée de la Petite Ceinture, la gare Ornano, au nord du XVIIIe arrondissement.

      Un emplacement loin d’être anodin : la station à l’abandon se situe en effet porte de Clignancourt, à deux pas des échoppes discount des puces de Saint-Ouen, de la préfecture de police chargée des demandes d’asile de la capitale et d’un bidonville de Roms installé en contrebas de l’ancienne voie ferrée. Un carrefour où vendeurs à la sauvette, chiffonniers et migrants tentent de survivre par l’économie informelle.
      Malgré le fait qu’un tiers-lieu culturel ne soit pas de prime abord le projet urbain le plus pertinent en termes de besoins sociaux dans ce quartier populaire, « le maire de l’époque, Daniel Vaillant, a personnellement appuyé notre dossier, dévoile Marion Bocahut, présentée comme cheffe de projet écoculturel du lieu. La mairie du XVIIIe n’avait pas les moyens financiers d’acheter la gare Ornano, nous avons donc racheté l’intérieur du bâtiment ».

      La Recyclerie appartient à #Sinny_&_Ooko, une société « créatrice de tiers-lieux et d’événements » dirigée par Stéphane Vatinel. Figure du milieu de la nuit, connu pour avoir fondé en 1992 le Glaz’art, un club électro emblématique installé dans un ancien dépôt de bus, l’entrepreneur a repris de 2003 à 2008 les rênes du Divan du monde, salle de spectacle historique de Pigalle.

      Par l’intermédiaire de son entreprise, ce quinquagénaire hyperactif est aujourd’hui l’exploitant de La Machine du Moulin rouge, l’incontournable discothèque techno du nord de la capitale, et du Pavillon des canaux, une bâtisse abandonnée sur les bords du bassin de la Villette réhabilitée en coffice – mi-café, mi-espace de travail.

      Quand il rachète la gare Ornano pour installer son tiers-lieu empreint « des valeurs collaboratives et du Do It Yoursef », Stéphane Vatinel fait appel à son ami #Olivier_Laffon, qui s’investit financièrement dans l’opération. Cet ancien magnat de l’immobilier devenu millionnaire a été le promoteur de mégacentres commerciaux, à l’instar de Bercy Village, Vélizy 2 ou Plan de campagne dans les Bouches-du-Rhône. Mais avec sa holding C Développement, Olivier Laffon s’est reconverti dans l’#entreprenariat_social.

      Sa réalisation la plus célèbre demeure le Comptoir général, un ancien entrepôt au bord du canal Saint-Martin reconverti en 2009 en bar et « espace événementiel écosolidaire » à l’ambiance exotique. Devenu une référence quasi caricaturale du « Paris branché », le Comptoir général a fait appel jusqu’en 2013 aux services de Sinny & Ooko afin de développer et d’animer sa programmation. Une alliance pérenne entre les deux hommes d’affaires puisque C Développement avait précédemment investi dans le rachat du Divan du monde et dans La Machine du Moulin rouge, établissements gérés par Stéphane Vatinel…

      Pour les événements écoculturels de La Recyclerie, Sinny & Ooko a fait appel à un partenaire des plus édifiants : la fondation Veolia. L’entreprise du #CAC_40, connue pour être le géant mondial de la privatisation de l’eau, finance en effet en grande partie la programmation du lieu et est partenaire de son cycle de conférences sur l’économie circulaire. La bibliothèque de La Recyclerie a de surcroît été ouverte avec des livres offerts par la multinationale. « Veolia nous accompagne aussi dans notre développement, notamment avec Scale up ( “changement d’échelle” ), un programme de l’Essec Business School qui nous a permis de savoir comment dupliquer un lieu comme La Recyclerie », détaille Marion Bocahut.

      Le concept de La Recyclerie a effectivement depuis peu changé d’échelle. Sinny & Ooko a inauguré en août dernier un nouveau tiers-lieu écoculturel baptisé la Cité fertile. Ici, comme pour Ground Control, SNCF Immobilier a fait signer à Sinny & Ooko, à l’aune de son appel à projets sur l’urbanisme transitoire, une convention d’occupation de trois ans de son ancienne gare de fret basée à Pantin. « Nous sommes là pour opérer une transition entre une gare de marchandises et le futur #écoquartier de la ville de Pantin », assume Clémence Vazard, cheffe du projet de la Cité fertile.

      L’écoquartier prévoit mille cinq cents logements et près de cent mille mètres carrés de bureaux et de locaux commerciaux. Une opération foncière des plus rentables pour SNCF Immobilier et les promoteurs. Surnommée la « Brooklyn parisienne », Pantin constitue depuis peu un eldorado de la spéculation immobilière : l’ancienne cité industrielle a vu flamber de 15 % en cinq ans le prix du mètre carré, un record parmi les villes de la petite couronne parisienne.

      En attendant, sur près d’un hectare, la Cité fertile veut « explorer et imaginer la ville de demain » en attirant un million de curieux par an avec ses ateliers, ses conférences et sa cantine approvisionnée en circuits courts. Clémence Vazard explique que l’équipe a consulté la municipalité de Pantin afin d’« identifier les acteurs locaux et demander leurs contacts ». Parmi la cinquantaine de personnes salariées sur le site, une seule pourtant se consacre à cette ouverture sur les Pantinois. « En tout cas, si on a un partenariat comme Veolia qui peut se présenter, ce serait le meilleur pour nous », souligne la cheffe de projet. Avant de préciser : « Sinny & Ooko possède l’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale ( Esus ), en aucun cas nous ne faisons du greenwashing. »

      L’originalité de cette friche éphémère réside cependant ailleurs. La Cité fertile héberge en effet depuis septembre le « campus des tiers-lieux », école de formation et incubateur d’entreprises dont le but est de développer les tiers-lieux culturels en tant que modèles économiques d’avenir. « Depuis l’an dernier, Sinny & Ooko est certifié comme organisme de formation. Nous proposons un module pour apprendre à être responsable de tiers-lieu culturel, détaille Clémence Vazard. Nous avons déjà formé une soixantaine de personnes, dont certaines ont récemment monté leur propre tiers-lieu à Montreuil – la Maison Montreau – ou à Niamey, au Niger – L’Oasis, un espace de coworking parrainé par Veolia. »

      Selon les formateurs Sinny & Ooko, le tiers-lieu culturel est un modèle démultipliable à souhait, telle une unité standardisée qui se résume, selon sa plaquette de présentation, à un « HCR [ hôtel café restaurant ] à portée culturelle », où une activité économique « socle » de bar-restauration permet de financer une programmation qui fait vivre le lieu.

      Friche partout, créativité nulle part

      En moins de cinq ans, Cultplace, La Lune rousse et Sinny & Ooko ont édifié un véritable petit empire économique en Île-de-France. Elles ont même l’ambition de s’implanter durablement à travers l’Hexagone en reproduisant des fac-similés de leurs tiers-lieux respectifs. Renaud Barillet a ainsi récemment remporté deux appels à projets à Bordeaux et un autre à Lyon afin d’édifier « des projets très proches en termes d’ADN et de ventilation des espaces de ce qu’est La Bellevilloise ».

      En Charente-Maritime, à Rochefort, Cultplace est en train de mettre sur pied Grand foin, « une déclinaison rurale de La Bellevilloise », aux dires de Renaud Barillet. Par ailleurs, depuis 2016, Denis Legat et son équipe débarquent chaque été aux Rencontres de la photographie d’Arles, où ils investissent un ancien hangar de la SNCF avec leur habituelle formule Ground Control.

      Stéphane Vatinel, quant à lui, doit ouvrir d’ici 2023 La Halle aux Cheminées, un tiers-lieu dans une ancienne friche militaire de Toulouse dont le concept n’est autre qu’un copier-coller de La Recyclerie. Autant de jalons d’une hégémonie économico-culturelle dont se défend du bout des lèvres Renaud Barillet : « C’est vrai que ceux qui ont commencé à réaliser des tiers-lieux arrivent aujourd’hui à se développer et je pense que pour un nouveau venu, ce n’est pas si simple. Les appels d’offres demeurent très économiques et orientés vers l’immobilier. »

      Ce business model des friches est si bien rodé et rencontre un tel succès qu’il en devient vecteur d’une certaine uniformisation. À Paris, en plus du Poinçon, la gare de Montrouge rénovée par Cultplace, et de La Recyclerie, ex-gare Ornano, la plupart des seize stations de la #Petite_Ceinture deviendront des tiers-lieux, à l’instar du Hasard ludique, « lieu culturel hybride » niché porte de Saint-Ouen, ou de La Gare-jazz à la Villette – en lieu et place de l’ancien squat artistique Gare aux gorilles.

      La gare Masséna vue depuis la rue Regnault.

      Dans le cadre de Réinventer Paris, l’ancienne gare Masséna sera quant à elle réhabilitée en « lieu de vie et de proximité » d’ici 2019 avec bar et cantine, ferme urbaine, boutiques bio, espaces artistico-culturels et bureaux. Enfin, Stéphane Vatinel a l’an dernier remporté l’exploitation de deux sites en friche grâce à Réinventer la Seine, un appel à projets visant à « la construction d’un territoire métropolitain évident et d’envergure internationale ». Une usine désaffectée à Ivry et l’ancien tribunal de Bobigny seront ainsi, à l’horizon 2022, reconvertis tous deux en tiers-lieux écoculturels estampillés Sinny & Ooko.

      À cette dynamique de duplication des tiers-lieux s’ajoutent les dizaines de #terrasses_temporaires qui essaiment chaque été dans les interstices urbains de la capitale, à l’image de la Base Filante, une friche éphémère de trois mille mètres carrés qui a ouvert ses portes en juillet dernier à deux pas du Père-Lachaise. L’initiative est portée par quatre collectifs, dont certains ont déjà pris part à la conception d’une autre terrasse temporaire, la friche Richard Lenoir, ou à l’aménagement de La Station-gare des mines.

      Au programme de la Base Filante, le sempiternel quatuor bières artisanales, cours de yoga, tables de ping-pong et musique électronique. « On assiste à une sorte de standardisation qui annihile toute créativité : tout espace en friche se voit devenir un lieu éphémère avec un bar et des transats, s’alarme Quentin, du collectif Droit à la ( Belle )ville. La créativité s’arrête dès qu’il y a une tireuse à bière artisanale… »

      Enfin, la mise en avant quasi généralisée de l’imaginaire « squat », via la scénographie récup’ et DIY, comme à travers la rhétorique de l’alternative et du collaboratif dans la communication de ces lieux festifs, participe également à cette uniformisation des sites culturels. « Ces friches font croire à une fausse occupation de l’espace alors qu’il y a des vigiles à l’entrée, fulmine Quentin. On vend de faux espaces de liberté où on dit aux gens ce qu’ils doivent consommer et où. »

      Pour les chercheuses Juliette Pinard et Elsa Vivant, « cette #esthétique_du_squat […], donnant la part belle aux atmosphères brutes et industrielles, participe à la #mise_en_scène de ces lieux temporaires en tant qu’“espaces alternatifs” et expérience singulière ». En institutionnalisant les occupations transitoires, les friches culturelles éphémères ont réussi le tour de force de neutraliser la portée subversive des squats artistiques, qui contestaient la propriété privée en privilégiant le droit d’usage, tout en s’appropriant leurs codes esthétiques.

      « Et le squat devient fréquentable », titrait ainsi Télérama en avril dernier à propos des occupations transitoires après que Libération eut publié sur son blog Enlarge Your Paris un entretien intitulé « Les friches font entrer les villes dans l’ère des squats légaux ».

      Dans le quartier Darwin.

      Le phénomène des friches culturelles se circonscrit de moins en moins à la région Île-de-France. À Bordeaux, les instigateurs du site culturel Darwin Écosystème, installé depuis 2009 dans l’ancienne caserne Niel et qui se présente comme un « lieu d’hybridation urbaine mêlant activités économiques et initiatives citoyennes », ne se sont jamais cachés de s’être inspirés directement de La Bellevilloise. Le promoteur immobilier Résiliance a de son côté mis à disposition un terrain vague de vingt hectares situé au nord de Marseille à Yes We Camp, un collectif de cinquante salariés spécialisé dans la création de friches culturelles éphémères, à Paris comme à Roubaix.
      Depuis cette année, la vaste parcelle en jachère accueille un « parc métropolitain d’un nouveau genre, à la fois lieu de vie, de mémoire, de pratiques culturelles et sportives ». Le site, baptisé Foresta, est inséré dans un projet d’aménagement porté par Résiliance et articulé autour d’un immense entrepôt commercial réservé aux grossistes du marché textile chinois.

      Quant aux anciens abattoirs de Rezé, dans l’agglomération nantaise, ils hébergent depuis juillet dernier Transfert, trois hectares de friche culturelle définie par ses concepteurs comme un « espace qui se mue en un lieu de transition où l’on imagine, invente et fabrique ensemble un lieu de vie qui questionne la ville de demain ». L’occupation provisoire durera cinq ans, le temps nécessaire à accroître l’attractivité et la valeur immobilière de ce no man’s land qui doit accueillir un gigantesque projet d’aménagement urbain prévoyant trois mille logements.

      Cette politique de l’éphémère à fin mercantile semble ainsi définitivement être sur les rails qui la conduiront à se pérenniser et à s’étendre à l’ensemble du territoire. « Nous avons désormais un vivier de porteurs de projets qui nous sollicitent, affirme Charlotte Girerd, de SNCF Immobilier. Depuis 2015, une vingtaine de projets d’urbanisme transitoire ont été mis en œuvre. Notre ambition est que d’ici 2019-2020, deux à trois sites répondant à la démarche d’urbanisme transitoire soient lancés chaque année, avec la volonté de travailler de plus en plus hors d’Île-de-France. »

      Une filiale de la SNCF à la manœuvre d’opérations immobilières spéculatives, des collectivités publiques au service du développement économique, des entreprises culturelles de plus en plus hégémoniques… Si les friches culturelles viennent « questionner la ville de demain », elles soulèvent aussi une tout autre question : comment faire exister une politique culturelle affranchie de toute logique économique ?

  • #Tiers-lieux : rendez-vous au centre non-commercial ! par Erwan Manac’h | Politis

    http://www.politis.fr/articles/2017/12/rendez-vous-au-centre-non-commercial-38110

    Tiers lieux, friches, ZAD… Le succès des espaces alternatifs entérine une nouvelle manière de vivre et de travailler. Au risque de la récupération.

    Cet article est en accès libre. Politis ne vit que par ses lecteurs, en kiosque, sur abonnement papier et internet, c’est la seule garantie d’une information véritablement indépendante. Pour rester fidèle à ses valeurs, votre journal a fait le choix de ne pas prendre de publicité sur son site internet. Ce choix a un coût, aussi, pour contribuer et soutenir notre indépendance, achetez Politis, abonnez-vous.

    Les allées de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, dans le XIVe arrondissement de Paris, baignent dans un froid humide et une tempête de sentiments contradictoires. Mélange d’euphorie et d’amertume, de fierté et d’épuisement. Les deux années écoulées entre ces murs décrépis étaient « extraordinaires » et « difficiles », glisse un amoureux du lieu. Et il faut décamper. Déjà.

    En 2015, l’hôpital tombé en désuétude a donné naissance aux « Grands Voisins » : un gigantesque village d’alternatives regroupant 250 associations, des artistes et des artisans, un millier de travailleurs, des cafés, des restaurants, un camping, une galerie d’art, une université populaire et d’innombrables espaces d’expérimentations écologiques et solidaires. L’originalité de ce gigantesque « tiers lieu » est d’être organisé autour de cinq centres d’hébergement d’urgence de l’association Aurore, qui ont accueilli jusqu’à 600 personnes. Une manière inédite de tisser la ville autour du social.

    #espace_public #dfs #centre_commerciaux #lieux #mémoire_des_lieux #espaces_commerciaux

  • Les conflits sont-ils solubles dans la “bibliothèque troisième lieu” ?
    https://www.actualitte.com/article/tribunes/les-conflits-sont-ils-solubles-dans-la-bibliotheque-troisieme-lieu/84419

    Heureusement, l’aménagement a été entièrement revu pour être plus accueillant et plus fluide : plus de gros comptoir mais des petits pupitres où l’on se tient debout, un canapé, un piano, un babyfoot, des couleurs vives !

    Demandez aux personnes qui travaillent là comment elles se sentent, écoutez leurs réponses sur l’absurdité de certains ordres et le gouffre entre la com’ et ce qu’elles vivent au quotidien, mesurez par vous-mêmes les effets de ces « modernisations » au-delà des auto-congratulations des cadres supérieurs. En tant qu’usager.e.s comme en tant que professionnel.le.s, est-ce cela que nous voulons ?

    Les bibliothèques peuvent avoir un rôle éminemment important à jouer dans un monde en proie aux élans nihilistes. Quand tout s’accélère perpétuellement, l’audace ne serait-elle pas de ne pas sauter les yeux fermés dans le train du progrès ? Pour contribuer à redonner du sens, les bibliothèques ne pourraient-elles pas justement prendre le temps de la réflexion, s’inscrire dans une forme de sérénité, plutôt qu’appliquer à la baguette les mêmes recettes que tout le monde ? Si nous voulons privilégier les relations humaines, ne devrions-nous pas nous méfier des idées déshumanisantes, quand bien même elles apparaissent sur un canapé violet, devant un mur vert anis, un cappucino à la main ?

    #Bibliothèques #Tiers-lieux #Service_public

  • par Anne gononEspaces de coworking, #fab_labs, #tiers-lieux… Les « nouveaux territoires de l’art » ont-ils muté ?
    http://www.nectart-revue.fr/nectart-4-anne-gonon

    Il y a plus de quinze ans, en juin 2001, Fabrice Lextrait rendait son rapport intitulé Friches, laboratoires, fabriques, squats, projets pluridisciplinaires : une nouvelle époque de l’action culturelle. Il y décrivait et analysait une trentaine de lieux alternatifs, pour la plupart implantés dans des friches, où s’inventait une nouvelle façon de faire art et culture. Alors que ces « nouveaux territoires de l’art » sont toujours très actifs dans le paysage culturel français, ils cherchent encore pour beaucoup les moyens et la reconnaissance permettant de pérenniser leur action. Parallèlement, on assiste à l’émergence d’une autre galaxie de lieux, dits « tiers-lieux collaboratifs » (espaces de coworking, fab labs, makerspaces, etc.), qui témoignent de l’influence majeure des technologies du numérique dans (...)

    #Nectart_#4 #Transformations_artistiques #espaces_de_coworking #friches_industrielles #lieux_intermédiaires #NTA #rapport_lextrait

  • Face à la prise en otage du monde, hackons nos existences
    https://reflets.info/face-a-la-prise-en-otage-du-monde-hackons-nos-existences

    La période que nous vivons est difficile, perturbante. D’un point de vue collectif, et individuel. Chacun ou presque tente de trouver une issue aux énormes défis qui se dressent devant la société française : écroulement économique, destruction sociale, marchandisation et mort de la culture, extinction des principes du vivre-ensemble universels, agonie du #Politique. Mon regard […]

    #Tribunes #changement_de_société #coopératives #FAI_alternatif #FFDN #hacker_la_société #Hacking #Indignés #indignez-vous #pouvoir_collectif #pouvoir_individuel #Stéphane_Hessel #tiers-lieux

    • L’indignation est une forme de reconnaissance du pouvoir établi. S’indigner ne mène nulle part, et n‘a aucune chance d’améliorer quoi que ce soit sur la planète, au contraire. Plus les individus s’indignent, plus leur énergie est détournée de l’action concrète, de la fabrication, de la construction. (...) En électronique, une résistance sert à empêcher un trop plein d’énergie électrique de passer, elle affaiblit le courant qui la traverse.

  • Nouveau service de réparation informatique au centre du savoir de Manengouba

    C’est officiel le centre de savoir va bientôt offrir des services de réparation informatique dans la région du Manengouba. Le projet était en gestation depuis fin 2014 et il est actuellement lancé, en fait cela fait 2 mois qu’il est véritablement engagé.

    http://i2.wp.com/centredesavoirmanengouba.org/wp-content/uploads/2015/05/pc2-csm-0714-8-bbd-Lw.jpg?resize=690%2C460

    Il y a un double objectif avec cette activité . Le premier consiste à proposer dans le secteur du village de Mbouroukou et de la ville la plus proche Melong un service de réparation informatique à la population mais aussi aux entrepreneurs et aux entreprises de la région. Ainsi il sera possible de faire réparer son ordinateur lui prolongeant ainsi sa vie, évitant d’avoir a racheter du matériel qui est très cher encore pour une bonne partie de la population. Le deuxième objectif consiste à permettre au centre d’être autonome aussi bien sur l’aspect financier qu’avec son matériel informatique lui permettant de prolonger d’avantage la vie des ordinateurs ou de récupérer le maximum de pièces pouvant être réutilisé. L’autonomie autant technique que financière est de première importance pour le centre de savoir. Cela permet d’avoir des revenus tout en évitant d’avoir des frais pour faire réparer le matériel du centre l’impact est donc double.

    Le service se passe dans la salle informatique du centre de savoir . Cela comprend la réparation effective et intégrale des ordinateurs. Une vérification minutieuse de l’architecture de chaque ordinateur sera opérée pour détecter tous les problèmes, ensuite il sera fait une fiche descriptive des problèmes identifiés. L’interaction se fera entre le coordonnateur et le technicien permettant de dresser une liste des pièces de rechange qui seront achetées par le centre. Comme l’évoque Randau Ngoua le coordo « L’autre aspect du projet consiste à donner une bonne formation en ce domaine à l’équipe à l’aide des supports choisis d’un commun accord entre le coordonnateur et le technicien ».

    Les plages horaires pour la réparation sont le mercredi et le vendredi de 14h à 16h, ce sont donc 4 heures hebdomadaires qui sont consacrées à ce service.

    Les impacts de ce service de réparation des ordinateurs a un grand impact à court mais aussi à long terme. A court terme cela apporte au centre une nouvelle corde à son arc avec ce service apporté à la communauté qui est en premier lieu la bénéficiaire du matériel informatique. C’est également impactant pour l’équipe du centre lui-même qui bénéficie du développement de ses capacités et l’acquisition de nouvelles compétences dans un domaine qui sera de plus en plus en demande. A long terme ce service va se développer offrant de nouvelles options de développement au centre avec une activité génératrice de revenus. Mais cela tout en répondant aux besoins de la communauté en informatique.

    Et après ?
    C’est souvent la question que poserons certains ? L’idée derrière ce projet est de pouvoir boucler la boucle commençant par l’apprentissage de l’informatique jusqu’à être capable de réparer mais aussi de recycler . Bien que le recyclage fasse déjà partie de l’actuel projet cet aspect prendra de plus en plus de place à l’avenir puisqu’il est essentiel de recycler dans de bonnes conditions les pièces sensibles des ordinateurs et écrans comprenant des métaux lourds (plomb etc.) pouvant provoquer de graves préjudices en polluant les sols comme par exemple si des écrans cathodiques devaient être jetés dans la nature. Compte tenu des énormes besoin dans ce domaine au Cameroun cette projection dans l’avenir nous met en face d’un gros problème environnemental et social mais fait émerger un énorme potentiel pour le centre de savoir.

    Cette nouvelle activité de réparation possède de nombreux bienfaits mais aussi un fort potentiel. Le centre démontre une réelle volonté d’aller de l’avant. Il continue bien évidement ses activités habituelles d’initiation à l’informatique, tout comme les activités récréatives pour les enfants et bien sur les échanges sur des thématiques agricoles. Il n’en reste pas moins que les défis sont de taille entre le développement à court et long terme les services rendus à la population tout en assurant l’autonomie financière.

    Rappelons également que le centre est très jeune puisque il a commencé officiellement ses activités en juillet 2013 c’est un bébé plein de potentiel qui fait ses premiers pas… en réparation informatique. Raison de plus pour l’encourager dans son élan.

    http://centredesavoirmanengouba.org/nouveau-service-en-reparation-informatique-au-centre-de-sa

    #recycler-vieux-pc
    #cameroun
    #tiers-lieux
    #centre-savoir

  • WeWork : un Linked-in... utile - Wired
    http://alireailleurs.tumblr.com/post/103535984133

    WeWork est un réseau de co-working spaces, d’espaces de travail partagés, implanté dans 7 grandes villes américaines (et à Londres), qui existe depuis 4 ans, qui a triplé ses adhésions en un an et qui n’arrive pas à répondre à la demande qu’il rencontre.

    Ce développement, il le doit à son réseau social, WeWork Commons, qui vise à apporter l’expérience que les coworkers connaissent dans les bureaux physiques en ligne, à tout le monde, partout. C’est un réseau social (de 15 000 personnes) où les membres partagent conseils et entraides. L’enjeu, apporter un outil de travail vraiment utile aux travailleurs indépendants, aux entrepreneurs de la freelance economy. L’abonnement mensuel (45 dollars) donne accès à des salles de conférence et également à une assurance santé intéressante ainsi qu’à des espaces (...)

    #softplace #citelabo #tiers-lieux #coworking

  • POC21 : accélérateur de projets #open_source pour le développement durable
    http://alireailleurs.tumblr.com/post/103108134220

    Benjamin Tincq (@btincq) de OuiShare (@ouishare), le réseau de l’économie du partage, vient de publier une intéressante présentation de POC21, un projet d’accélérateur de projets open source pour la durabilité qui devrait voir le jour d’ici 2015 dans la banlieue parisienne, à l’occasion de la grande conférence sur le climat. POC21 : Accelerating Open Source Sustainability from OuiShare

    #tiers-lieux #lab #innovation #écologie