Réflexion sur le sketch à la mode que constitue le débat dépenses publiques/recettes fiscales, consécutive à une question de @wiki1000 ici ▻http://seenthis.net/messages/167866
Sur la question de la dépense publique, nos filtres idéologiques jouent énormément.
Le bon sens néolibéral nous martèle que la dépense publique c’est le mal absolu, c’est le fardeau de la paresse et l’incompétence des fonctionnaires qui vient parasiter l’efficacité économique du secteur privé.
Dans le même temps, les missions remplies par les dépenses publiques sont comme qui dirait... un grand tabou !
Quand je vois donc l’usage éhonté de raccourcis idéologiques de la part de quelqu’un qu’on paye une fortune pour consacrer sa compétence à la mise en oeuvre d’une politique européenne censée incarner l’intérêt général, je m’étrangle ▻http://seenthis.net/messages/167866. Surtout que ma conviction profonde, c’est que les néolibéraux ont bâti une doctrine très efficace pour organiser le monde autour de leur pulsion favorite : gagner des sous et ne pas payer d’impôts..
Revenons en détail sur la dépense publique donc, et les automatismes que le discours dominant déclenche dans nos jugements sur le rôle de l’Etat, présenté comme un fardeau, comparé à une entreprise moribonde.
Certains parlent même de la « compétitivité » de l’Etat, le mot est lâché, #lol ! .
►http://www.lemonde.fr/politique/article/2013/08/26/relancer-la-croissance-et-l-emploi-en-france-oui-c-est-possible_3466574_8234
Fort bien, cela me rend service. Ils se caricaturent, moi qui ai à coeur de dénoncer cette dérive où certains citoyens plus puissants que d’autres se permettent de considérer les Etats comme de banales entreprises privées lucratives, desquelles ils seraient les actionnaires
►http://opinionsopiniez.hautetfort.com/archive/2012/12/20/l-etat-chahute-par-ses-actionnaires.html
Il semble que leur statut de gros contribuables leur monte au cerveau et les conduisent à s’auto-considérer en gros « contributeurs » et en « créanciers ». Bref ils s’auto-proclament « actionnaires » des états et vont leur réclamer un « dégraissage », pour améliorer la compétitivité, la rentabilité de l’Etat, sans même évoquer la questions des missions de l’Etat.
Voilà comment l’actionnaire capitaliste a supplanté le citoyen ordinaire dans la conduite réelles des affaires du pays. On peut s’amuser à parler encore de démocratie, pour le fun, ce n’est que du folklore. On élit des représentants. Pas pour nous représenter nous, mais pour représenter l’Etat, comme un PDG représente son entreprise... Missionné pour rassurer ses effectifs, ses clients et ses actionnaires. Un communiquant, quoi (►http://seenthis.net/messages/146287)
Un autre effet de la confusion engendrée par notre aveuglement idéologique, c’est par exemple cette personne qui considère que tout ce qui est brassé par le public ne peut pas être considéré comme richesse (et devrait donc être déduit du PIB), vu que cela échappe aux capitalistes. Confondre « richesse » et « profit », voilà qui en dit long sur notre déformation culturelle ►http://seenthis.net/messages/161287
Donc certes, on peut sortir la courbe de Laffer ▻http://seenthis.net/messages/163060, et raisonner sur des effets d’aubaines à plus ou moins long terme des baisses d’impôt, il y a là aussi un parti pris idéologique et subjectif.. ►http://seenthis.net/messages/160388
Moi qui fonctionne sans avoir besoin de spéculer à l’insu de mon prochain, qui interagis avec mes pairs sans chercher en permanence à tirer un profit à leurs dépens, je ne vois pas les prélèvements fiscaux comme une insupportable spoliation, dans la mesure où selon moi la première et la plus lourde des spoliations, c’est la propriété privée spéculative, celle qui va au delà de notre sphère vitale. Toute accroissement de la propriété privée sur l’espace public visant à offrir aux propriétaire des privilèges aux dépens de ses pairs est pour moi un phénomène socialement et humainement plus grave, que la soit disante oppression qui touche les pauvres citoyens contraints à l’exil économiques, comme de poignants demandeurs d’asile fiscal (re-#lol)
La dépense publique, pourtant, avec un peu de recul, ça peut se voir autrement, même si ça demande un effort (exemple : ▻http://seenthis.net/messages/162372)
Enfin je suis cadre-dirigeant d’une petite entreprise, je manage des gens et je suis content de pousser mon équipe au cul pour ne pas se satisfaire de l’efficacité (système qui fait le job) et viser l’efficience (système qui fait le job à moindre coût humain, matériel, écologique..). J’ai la conviction que c’est une voie nécessaire pour la satisfaction de tous (travailleurs et administrateurs). Aussi je suis favorable à tout ce qui peut aider la fonction publique à gagner en performance et pertinence d’action.
Mais comprenez mon courroux quand un mec débarque au JDD pour nous expliquer qu’il ne faut pas augmenter les impôts et qu’il vaut mieux dégraisser l’Etat. En substance, il vient juste nous dire qu’il faut satisfaire les gros contribuables actionnaires et non les citoyens-contribuables modestes. Et qui nous dit que chacun doit combler le trou de la dette, non pas à hauteur de ses ressources comme la Constitution nous y invite, mais en creusant tous de la même façon quoiqu’il arrive, même si on n’a pas les mêmes outils...