• "Pour ce qui concerne la conception que l’on a du monde, on appartient toujours à un groupe déterminé, et précisément au groupe de tous les éléments sociaux qui partagent une même façon de penser et d’agir. Nous sommes donc toujours les conformistes d’un quelconque conformisme, nous sommes des hommes-masses ou hommes-collectifs. La question est la suivante : de quel type historique est le conformisme, l’homme-masse, dont on fait partie ?

    Quand la conception que l’on a du monde n’est ni critique ni cohérente, mais désagrégée et occasionnelle, on appartient simultanément à une multiplicité d’hommes-masses, la personnalité est composée de façon bizarre ; on y trouve des éléments de l’homme des cavernes et des principes de la science la plus moderne et la plus avancée, on y trouve les préjugés de toutes les phases historiques passées dans l’étroitesse de leur localisation, pêle-mêle avec les intuitions d’une philosophie à venir, qui sera la philosophie propre au genre humain unifié mondialement.

    Critiquer sa propre conception du monde signifie donc la rendre unitaire et cohérente et l’élever jusqu’au point où elle rencontre la pensée mondiale la plus avancée. Cela signifie aussi par conséquent critiquer toute la philosophie qui a existé jusqu’ici, dans la mesure où elle a laissé de solides stratifications dans la philosophie populaire.

    Le point de départ de l’ élaboration critique est la conscience de ce qui est réellement, c’est-à-dire un « connais-toi toi-même » en tant que produit du processus historique qui s’est déroulé jusqu’ici et qui a laissé en toi-même une infinité de traces, reçues sans bénéfice d’inventaire. C’est un tel inventaire qu’il faut faire pour commencer ."

    (#Gramsci, Cahiers de prison )

  • Falsifications autour du #Génocide des Tutsi
    http://survie.org/genocide/article/falsifications-autour-du-genocide-4593

    L’intervention militaire française en Centrafrique et la mort de Nelson Mandela ont été l’occasion de plusieurs prises de paroles de journalistes ou hommes politiques français faisant allusion au génocide des Tutsi en 1994. Certaines de ces déclarations tendent à falsifier cette histoire ou à occulter le rôle des autorités françaises de l’époque. Ainsi, Hubert Védrine, sur France Culture, oppose : « le monde contemporain qui raisonne plutôt en termes, disons, de crimes imprescriptibles » à la « (...)

    Génocide

    / Médias / Communication, #Complicité_de_la_France_dans_le_génocide_des_Tutsi_au_Rwanda

    #Médias_/_Communication

  • Jusqu’ici c’est le meilleur papier sur l’univers d’un fan de Dieudonné : lecture obligatoire pour les "gauchistes" qui n’ont jamais les pieds dans un quartier populaire...

    "A en croire Internet, Nabil, 26 ans, est un dangereux « nazillon » qui inculque aux enfants « la haine raciale » et pose volontiers avec un fusil à pompes pour honorer Mohamed Merah.

    C’est en tout cas le portrait tord-boyaux brossé par le site JSS News, proche de la droite israélienne, qui s’est lancé dans une croisade anti-quenelle sur les réseaux sociaux.Parce qu’il a été mis en avant par ce site et qu’il n’a pas hésité à faire faire aux gamins dont il avait la charge une quenelle franchement grasse, l’éducateur a perdu son travail. Employé dans un centre de loisirs à Ferrières-en-Brie (Seine-et-Marne), Nabil explique avoir été contraint à la démission au début du mois de décembre.

    Mis à la porte, le jeune homme assume, se défend, regrette qu’on l’ait « mal compris », mais croit tout de même distinguer dans son évincement la mainmise d’un supposé « lobby qui contrôle les médias ».

    On s’est décidé à rendre visite à ce Nabil, « persécuté » pour la cause, qui va rejoindre l’« association des Justes », dernière provocation en date de l’humoriste Dieudonné.

    C’est un costaud plutôt avenant qui émerge quand on débarque. Barbe fine façon La Fouine, bras encré de son nom de scène (il est rappeur), T-shirt de l’association qu’il a fondée pour concilier musique et encadrement des gamins du quartier.

    Nabil vit chez ses parents. On passe du salon à la chambre. De la télé, toujours allumée, à l’ordinateur bardé d’enceintes. En dehors de la bestiole, pas grand-chose. Une guitare dans un coin, des fringues un peu partout. Pas un bouquin.

    Nabil regarde BFM-TV pour « écouter les conneries qu’on y raconte » et préfère « s’informer sur YouTube », en cliquant de vidéos en vidéos. Ça démarre avec un sketch ou un podcast de Dieudonné, et puis l’algorithme de Google fait le reste : Alain Soral, Tariq Ramadan et autres, de la période « Ce soir ou jamais », quand les comparses étaient encore invités sur les plateaux pour jouer les dézingue-bobos.

    C’est comme ça qu’il fabrique sa grille de lecture, en picorant sur Internet, fasciné par « ces mecs qui ont la tchatche, qui cassent ».

    Lui n’a jamais vu Dieudonné en spectacle (« Un peu cher, trop compliqué »), mais s’est gorgé des vidéos et des DVD de l’humoriste, de « Mes excuses » à « Foxtrot » :

    « Je fais des soirées Dieudo, comme j’ai fait des soirées Gad Elmaleh à l’époque. Je le connaissais déjà quand il était avec Elie Semoun, mais je le suis vraiment depuis qu’il y a eu son scandale [sur le plateau de Fogiel, en décembre 2003, ndlr]. Pour moi, c’est un humoriste comme un autre. »

    Encouragé par les saillies de ce dernier, il s’est mis à faire le geste de la quenelle sur son lieu de travail. Voilà quelques mois qu’il est employé comme éducateur par la mairie de la Ferrières. Il a toujours travaillé dans l’animation et l’encadrement, après un bac STI à Champigny.

    Quenelle, ananas, doigt tendu vers le ciel, bouche en cœur... Il poste sur Internet un paquet de références à Dieudonné, allant même jusqu’à faire poser les enfants dont il s’occupe, ses « petits quenelliers »..."

    http://www.rue89.com/2014/01/02/quenelle-nabil-perd-emploi-sans-comprendre-pourquoi-248704

  • Mourir de rire avec Canal +

    « Ah ce qu’on allait rire ! C’était sur Canal +, vendredi 20 décembre. Ça s’appelait le Débarquement. Tous ceux qui font rire étaient là. Le grand soir du rire. Tous les rieurs qui avaient payé leur abonnement étaient, dans leur canapé, bien décidés à mourir de rire. Alors a-t-on de quoi rire ? Voyons, voyons : pourquoi pas un génocide ? C’est ce qui fait encore le plus rire en ces temps de déprime. Pour la Shoah, c’est trop tard, il y a quelqu’un qui s’y colle. Heureusement, il reste le Rwanda. C’est loin le Rwanda, c’est en Afrique, un petit génocide, tout juste un petit million de morts.

    Mais attention, chers téléspectateurs, ne croyez pas que sur Canal + on ose se moquer d’un génocide même africain. Vous n’y êtes pas. On se moque gentiment d’une de ces émissions où une vedette ou assimilée comme telle va passer un week-end chez les sauvages, des primitifs, quoi ! des peuples premiers si vous préférez ! La vedette ou son équivalent habite leurs cases inhabitables,mange leur nourriture immangeable… A la fin, les sauvages sont devenus bien sympathiques et la vedette bien courageuse… »

    http://www.liberation.fr/monde/2013/12/29/canal-a-mourir-de-rire_969525

  • L’arbitraire du signe

    « Le lien unissant le signifiant au signifié est arbitraire, ou encore, puisque nous entendons par signe le total résultant de l’association d’un signifiant à un signifié, nous pouvons dire plus simplement : le signe linguistique est arbitraire. » (Ferdinand de Saussure)

    http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/stele-la-princesse-nefertiabet-devant-son-repas

  • Le couple infernal

    Aujourd’hui, c’est Manuel Valls, représentant du « système », qui accrédite la posture de résistant (bidon) de Dieudonné. Dans l’Affaire Dieudonné, on assiste à une collaboration de fait, à un accord « win-win » entre deux cynismes. Si le premier se sert du second comme d’un divertissement permettant de cacher la « courbe du chômage » et comme d’un objet transitionnel permettant d’incarner la fermeté républicaine. Le second bénéficie, d’une part, de l’aura de subversion que lui fournit le Ministère de l’intérieur. Et d’autre part, il tire profit d’une campagne de publicité à l’échelle nationale qui ne lui coûtera pas un rond. C’est pourquoi, ceux qui passent leur temps à dénoncer Dieudonné, surtout quand ils ne dénoncent que Dieudonné, font eux-mêmes partie du cirque ambiant...

    Rôle de la presse en ligne : http://blogs.mediapart.fr/blog/remy-p/301213/une-quenelle-tres-mediatisee-le-role-de-la-presse-en-ligne

  • "La possibilité politique de retravailler la force des actes de discours pour la faire jouer contre la force de l’injure consiste à se réapproprier la force du discours en le détournant de ses contextes précédents. Le langage qui s’efforce de contrer les injures du discours doit répéter ces injures justement sans les rejouer [reenact]. Une telle stratégie consiste à affirmer que le discours de haine ne détruit pas la puissance d’agir requise pour formuler une réponse critique. Ceux qui affirment que le discours de haine produit une « classe victime » dénient l’existence de la puissance d’agir et ont tendance à prôner un type d’intervention dans lequel la puissance d’agir est entièrement assumée par l’État. Au lieu de la censure d’État, une lutte linguistique, sociale et culturelle, se déroule, où la puissance d’agir est dérivée de l’injure et où l’injure est contrée par cette dérivation même. Détourner la force du langage injurieux pour contrer son fonctionnement, c’est adopter une stratégie qui refuse, d’une part, la solution représentée par la censure d’Etat et, d’autre part, l’impossible retour à une conception de la liberté souveraine de l’individu."

    [ Judith Butler ]

  • Intéressante analyse du blog Quartiers Libres sur l’utilité de #Dieudonné pour l’#extrême-droite
    http://quartierslibres.wordpress.com/2013/12/27/les-nationalistes-ne-blaguent-pas-avec-nous

    Dans l’inconscient collectif de beaucoup de personnes, Dieudonné ne peut pas servir la cause du racisme parce qu’il est métis. Les déclarations de Dieudonné, qui rendent coupable de tous les maux de la terre les « sionistes », ont un immense intérêt pour les nationalistes et skinheads : elles les disculpent de leurs responsabilités http://quartierslibres.wordpress.com/2013/11/26/le-rire-est-aussi-larme-des-puissants-dieudonne-defenseur. Lorsqu’un raciste cogne une femme voilée, c’est toujours une conséquence du sionisme. Le jeune cap-verdien agressé à Chelles devient un dommage collatéral du sionisme par des skinheads et expliqué de manière exaltée par Soral. C’est désormais relayé par Rockin Squat. Les agressions deviennent acceptables au final par des personnes qui pourraient en être la cible.

    Logan Djian, Alexandre Gabriac, Serge « Batskin » Ayoub, Alain Soral, soutiennent Dieudonné car ils peuvent commettre leurs forfaits en toute impunité en raison de l’attachement sentimental aveugle qu’un nombre considérable d’habitants des quartiers conservent à son égard.

    Si une femme voilée se fait agresser par des skinheads, c’est la faute des « sionistes ».

    Si des policiers dérapent de manière islamophobe ou raciste, c’est la preuve qu’ils en ont marre du toupet de la communauté juive, comme l’affirme Soral.

    La diversion fonctionne, alors que la vérité nue est sous nos yeux : le racisme monte et s’exprime de manière violente dans les rues. La plupart regarde ailleurs en cherchant des explications alambiquées pour ne pas réagir.

    Le point commun de Dieudonné, Soral et de Rockin Squat est qu’ils font partie du monde du spectacle et qu’ils en vivent : ils vendent du rêve et du divertissement. Pour une majorité de personnes, il est préférable de se raccrocher à la croyance que le malheur vient d’un petit groupe de personnes désignées comme « sionistes », pour des raisons opportunistes et racistes. On évite de remettre en cause les injustices sociales et on espère créer une unité illusoire sur des contresens.

    Ce discours sert à assurer une position hégémonique au bloc culturel et économique dominant mais les faits sont têtus et démontrent toujours que les paroles des dominants sont démentis par leurs actes. http://quartierslibres.wordpress.com/2013/05/27/leurs-actes-dementent-leurs-paroles

    lien avec http://bougnoulosophe.blogspot.fr/2009/05/imbroglio-dieudo.html de @le_bougnoulosophe

  • “Le Père Noël supplicié”

    "Dès lors, les caractères apparemment contradictoires des rites de Noël s’éclairent : pendant trois mois, la visite des morts chez les vivants s’était faite de plus en plus insistante et oppressive. Pour le jour de leur congé, on peut donc se permettre de les fêter et de leur fournir une dernière occasion de se manifester librement, ou, comme dit si fidèlement l’anglais, to raise hell. Mais qui peut personnifier les morts, dans une société de vivants, sinon tous ceux qui, d’une façon ou de l’autre, sont incomplètement incorporés au groupe, c’est-à-dire participent de cette altérité qui est la marque même du suprême dualisme : celui des morts et des vivants ? Ne nous étonnons donc pas de voir les étrangers, les esclaves et les enfants devenir les principaux bénéficiaires de la fête. L’infériorité de statut politique ou social, l’inégalité des âges fournissent à cet égard des critères équivalents. En fait, nous avons d’innombrables témoignages, surtout pour les mondes scandinave et slave, qui décèlent le caractère propre du réveillon d’être un repas offert aux morts, où les invités tiennent le rôle des morts, comme les enfants tiennent celui des anges, et les anges eux-mêmes, des morts. Il n’est donc pas surprenant que Noël et le Nouvel An (son doublet) soient des fêtes à cadeaux : la fête des morts est essentiellement la fête des autres, puisque le fait d’être autre est la première image approchée que nous puissions nous faire de la mort.

    Nous voici en mesure de donner réponse aux deux questions posées au début de cette étude. Pourquoi le personnage du Père Noël se développe-t-il, et pourquoi l’Église observe-t-elle ce développement avec inquiétude ?

    On a vu que le Père Noël est l’héritier, en même temps que l’antithèse, de l’Abbé de Déraison. Cette transformation est d’abord l’indice d’une amélioration de nos rapports avec la mort ; nous ne jugeons plus utile, pour être quitte avec elle, de lui permettre périodiquement la subversion de l’ordre et des lois. La relation est dominée maintenant par un esprit de bienveillance un peu dédaigneuse ; nous pouvons être généreux, prendre l’initiative, puisqu’il ne s’agit plus que de lui offrir des cadeaux, et même des jouets, c’est-à-dire des symboles. Mais cet affaiblissement de la relation entre morts et vivants ne se fait pas aux dépens du personnage qui l’incarne : on dirait au contraire qu’il ne s’en développe que mieux ; cette contradiction serait insoluble si l’on n’admettait qu’une autre attitude vis-à-vis de la mort continue de faire son chemin chez nos contemporains : faite, non peut-être de la crainte traditionnelle des esprits et des fantômes, mais de tout ce que la mort représente, par elle-même, et aussi dans la vie, d’appauvrissement, de sécheresse et de privation. Interrogeons-nous sur le soin tendre que nous prenons du Père Noël ; sur les précautions et les sacrifices que nous consentons pour maintenir son prestige intact auprès des enfants. N’est-ce pas qu’au fond de nous veille toujours le désir de croire, aussi peu que ce soit, en une générosité sans contrôle, une gentillesse sans arrière-pensée ; en un bref intervalle durant lequel sont suspendus toute crainte, toute envie et toute amertume ? Sans doute ne pouvons-nous partager pleinement l’illusion ; mais ce qui justifie nos efforts, c’est qu’entretenue chez d’autres, elle nous procure au moins l’occasion de nous réchauffer à la flamme allumée dans ces jeunes âmes. La croyance où nous gardons nos enfants que leurs jouets viennent de l’au-delà apporte un alibi au secret mouvement qui nous incite, en fait, à les offrir à l’au-delà sous prétexte de les donner aux enfants. Par ce moyen, les cadeaux de Noël restent un sacrifice véritable à la douceur de vivre, laquelle consiste d’abord à ne pas mourir."

    Claude Lévi-Strauss

    http://histoireetsociete.wordpress.com/2013/12/24/claude-levi-strauss-le-pere-noel-supplicie

  • Noel en Palestine

    Même dans leur situation carcérale, les #Palestiniens ne manquent pas de savoir-vivre...

    Pourrait-on en dire autant de #Wikipédia qui définit ce « Mur » par l’#euphémisme de « Barrière de séparation » ?

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Barri%C3%A8re_de_s%C3%A9paration_isra%C3%A9lienne

    Le mur israélien de l’apartheid érigé devant l’Eglise St James de #Londres, comme à #Bethléem : http://http://www.youtube.com/watch?v=ke7QVF0paqc

    #Pouvoir_Symbolique
    #Palestine
    #Mur

  • The Ambassador

    « Pour son nouveau rôle, Mads Brügger prévient d’emblée : » Je ne suis pas très bon diplomate, mais je suis bon en alcool « . Après la Corée du Nord, c’est donc dans l’ancienne colonie française, la République centrafricaine, que le reporter ( ?) a décidé de mener sa nouvelle enquête. Dans la peau d’un ambassadeur bling bling (costume blanc, cigare et lunettes d’aviateur), il a traversé le pays, rencontré les dirigeants locaux, déclarant un peu partout qu’il souhaitait ouvrir une manufacture d’allumettes –qui emploierait exclusivement des autochtones. Une couverture acquise sans grande difficulté par le journaliste :

     » J’ai trouvé un lien sur Internet vers une entreprise qui vend des titres de diplomates dans les pays du Tiers-monde à des occidentaux qui recherchent un peu de panache et de prestige " explique Mads Brügger dans une interview accordée au Danish Film Institute.

    Pendant des semaines, le danois a mené son entreprise fake, filmé par une petite équipe ou en caméra cachée. Mais son véritable objectif était d’investir les réseaux clandestins de trafic de diamants –un commerce juteux dans l’ancienne colonie française, livrée depuis son indépendance (1960) aux coups d’état à répétition et aux luttes rebelles. Si The Ambassador est présenté comme une comédie ( "pourquoi ne pas aller en Afrique, filmer des assassins en caméra cachée, juste pour le fun ?" s’interroge Mads Brügger), et joue à fond la carte du déguisement, le film n’en reste pas moins une enquête à charge dans un pays pourri par la corruption entretenue depuis Paris.

    « 

    Le film est une critique violente contre le modèle postcolonial de la Françafrique, explique Mads Brügger. La République Centrafricaine pourrait être la Suisse de l’Afrique, ils ont tout : l’or, des diamants en grande quantité, le pétrole, le cobalt (…) Toutes ces ressources, nécessaires au développement du pays, sont utilisées pour lutter contre l’armée rebelle. Le Chef de la sécurité d’Etat m’a expliqué que l’aviation française envoie deux engins par jour survoler la zone pour pister les rebelles. Mais la France refuse de collaborer, de donner ses informations.

     »

    Un journalisme dévoyé ?

    Le réalisateur semble être allé très loin dans sa mission d’infiltration, frayant avec les politiciens ripoux et les trafiquants de diamants. Trop loin même selon le Danish Film Institute, qui pose la question des limites (déontologiques, morales) de ce journalisme next-gen –où le reporter et son avatar diplomate se confondent parfois. Au-delà de l’humour très grinçant du film (des scènes où Mads Brügger insiste un peu sur la satire du néo colon), c’est la position ambigüe du journaliste qui dérange.

    «  Précisément parce que je suis dans la peau d’un diplomate je peux rencontrer des propriétaires sinistres de mines de diamants (…). Pour un journaliste, ce serait beaucoup plus problématique » se défend Mads Brügger, dont le film, produit par la société Zentropa (propriété d’un autre agitateur danois, Lars Von Trier), sortira en octobre prochain au Danemark. Pas sûr qu’il trouve un distributeur français ."

    http://www.lesinrocks.com/2011/08/11/cinema/the-ambassador-une-satire-trash-de-la-francafrique-1111183

  • Politique étrangère : Hollande dans le « bain néoconservateur »
     
    Le « néoconservatisme » est un mouvement qui a émergé dans les années 1960 aux États-Unis, parti de la gauche anti-communiste jusqu’à former l’aile droite du parti républicain. Concrètement, les “néocons”, grands inspirateurs de la guerre en Irak, se moquent totalement de l’Onu, pensent qu’il faut défendre l’Occident, dont la pointe avancée est Israël, contre les puissances émergentes, méprisent les pays arabes, jugent que la démocratie est le meilleur régime parce qu’il garantit le plus sûrement la paix et la sécurité et qu’il faut l’instaurer, y compris militairement, à l’étranger.

    Mais ils sont tellement liés à une conception de l’Amérique et à une défense de la première puissance mondiale que parler de « néoconservateurs français » confine au contresens. Sauf qu’en France, un certain nombre d’intellectuels et de diplomates se sont inspirés de cette doctrine – c’est le cas de figures comme Bernard-Henri Lévy ou André Glucksmann et d’un petit groupe de fonctionnaires du Quai d’Orsay dont la plupart ont été en poste aux États-Unis et/ou en Israël au plus fort de la vague “néocon”, au début des années 2000. Ils ont même longtemps pensé avoir trouvé leur George W. Bush avec Nicolas Sarkozy, élu avec la volonté de rompre avec Jacques Chirac et de se rapprocher des États-Unis et d’Israël, et leur Donald Rumsfeld avec Bernard Kouchner. Ils ont été partiellement déçus.

    L’élection de François Hollande en mai 2012 aurait pu sceller leur marginalisation définitive. Pendant la campagne, deux courants s’opposaient dans l’entourage du candidat socialiste, entre, d’un côté, les “jospino-védriniens”, fidèles à la ligne dite gaullo-mitterrandienne, et, de l’autre, certains membres de l’entourage de Pierre Moscovici, plus poreux à certaines théories néoconservatrices. Mais “Mosco” n’a pas obtenu le Quai d’Orsay et, dans les cabinets, ce sont les premiers qui ont d’abord occupé les postes les plus importants, avec Paul Jean-Ortiz qui dirige à l’Élysée la cellule diplomatique et Denis Pietton, premier directeur de cabinet de Laurent Fabius au Quai d’Orsay. Tous deux furent conseillers d’Hubert Védrine dans le gouvernement de Lionel Jospin. L’ancien ministre socialiste des affaires étrangères qui exerce toujours une influence importante au PS s’est aussi vu confier, au lendemain du 6 mai, un rapport sur la France dans l’Otan – récemment, il en a coordonné un second, sur les échanges économiques avec l’Afrique.
    Sauf que, six mois à peine après l’arrivée de Hollande à l’Élysée, les premières inquiétudes se sont exprimées, mezza vocce d’abord, puis de plus en plus franchement. Le premier épisode a été celui de l’adhésion de la Palestine à l’Onu. Candidat, le socialiste avait promis de voter pour. Président, il a longuement hésité, avant de finalement tenir sa promesse. En voyage à Jérusalem et à Ramallah, le mois dernier, le président français a fini par rappeler la position historique de la France en faveur d’un État palestinien, mais après de longues discussions dans son entourage, et en restant plus réservé que Nicolas Sarkozy sur la colonisation. Son « chant d’amour pour Israël et pour ses dirigeants » a aussi fait grincer des dents (voir cette vidéo de Canal Plus).

    Aux côtés du premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou, François Hollande a également multiplié les déclarations très fermes à l’égard de l’Iran – un dossier sur lequel il avait choisi, dès son arrivée à l’Élysée, de conserver la même ligne que celle adoptée par Nicolas Sarkozy. Jusqu’à l’accord intérimaire trouvé fin novembre à Genève,la France, avec Laurent Fabius, a choisi d’être le pays négociateur mettant le plus en scène sa méfiance vis-à-vis du régime de Téhéran.
    En janvier 2013, quand il lance l’opération Serval au Mali, certains mots prononcés par le président laissent aussi pantois une grande partie des spécialistes des relations internationales. François Hollande parle alors de « lutte contre le terrorisme » et son ministre de la défense Jean-Yves Le Drian parle de « guerre contre le terrorisme », une expression tellement connotée que son emploi est confondant. Le chef de l’État appelle aussi à « détruire » les terroristes. « Vous vous demandez ce que nous allons faire des terroristes si on les retrouvait ? Les détruire », dit-il le 15 janvier.
    Ce sont encore les mots qui détonnent dans la bouche d’un président socialiste lorsqu’il annonce être prêt à envoyer l’armée française en Syrie, après le massacre à l’arme chimique commis fin août par le régime de Damas. « La France est prête à punir ceux qui ont pris la décision infâme de gazer des innocents », explique alors Hollande.« Punir » : le terme renvoie sans ambiguïté à la phraséologie morale des néoconservateurs, d’autant plus que le chef de l’État est alors disposé à employer la force sans l’aval de l’Onu, où la Chine et la Russie s’opposent fermement à toute intervention contre Bachar al-Assad.

    « Sur les autres dossiers, comme la Palestine à l’Onu ou le discours de Tunis où François Hollande a jugé l’islam compatible avec la démocratie, ses décisions ont été lentes et ouvertes jusqu’au dernier moment, mais elles ont, à chaque fois, fini par reprendre les constantes de la politique étrangère française. La vraie embardée, c’est l’aventure syrienne », explique un proche du président, aujourd’hui retiré des affaires. Un avis partagé par le chercheur Pascal Boniface, dans une tribune récente publiée dans La Croix. « Une telle action, illégale et contraire aux intérêts de la France comme membre permanent du Conseil de sécurité, aurait accrédité sérieusement l’idée d’un tournant néoconservateur », explique-t-il, avant de conclure finalement à une continuité de la politique étrangère sous Hollande.

    À chacun de ses épisodes sont aussi revenus du Quai d’Orsay les récits de l’opposition, historique, entre la direction Afrique du Nord-Moyen-Orient et celle des affaires stratégiques, surnommée « la secte » par ses contempteurs et accusée d’être noyautée par les “néocons” – c’est cette dernière qui est en pointe sur le dossier du nucléaire iranien. Les “védriniens” ou les tenants du “gaullo-mitterrandisme” s’inquiètent aussi de voir confirmer la carrière de certains diplomates influencés par les “néocons”. 

    C’est par exemple le cas de Gérard Araud, ambassadeur de la France à l’Onu, ancien directeur des affaires stratégiques et ex-ambassadeur en Israël dans les années 2000, dePhilippe Errera, nommé par la gauche directeur des affaires stratégiques du ministère de la défense après avoir été représentant de la France à l’Otan, ou de François Richier, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy à l’Élysée, passé lui aussi par les affaires stratégiques, et ambassadeur en Inde depuis 2011.
    Au Quai d’Orsay, Jacques Audibert, nommé par Bernard Kouchner, occupe toujours le poste clef de directeur des affaires politiques et de sécurité, et l’ambassadeur Éric Chevallier, proche de Kouchner, a la main sur la politique française en Syrie. Quant à Laurent Fabius, son cabinet a été fortement remanié en juin dernier, avec le départ de plusieurs arabisants et de Denis Pietton, directeur de cabinet pour le Brésil. Le ministre a depuis choisi comme directeur de cabinet adjoint un des visages de cette génération de diplomates, souvent jugés brillants et poreux aux thèses néoconservatrices, Martin Briens. 

    Ainsi, Mediapart citait en 2009 un diplomate européen à propos des négociations avec l’Iran : « L’équipe qui travaille aujourd’hui sur ce dossier à l’Élysée et au Quai d’Orsay reste sur la ligne ferme fixée avec l’administration Bush en 2003. Ce sont des gens comme François Richier, Martin Briens ou Philippe Errera, qui sont des idéologues assez durs. Ils ont été en poste à Washington à l’époque Bush et ils ont baigné dans l’atmosphère néoconservatrice de l’époque. »
    ançois Hollande, ont fait tiquer une partie du staff présidentiel, même si le président de la République a choisi à son arrivée à l’Élysée de renoncer à toute « chasse aux sorcières »dans les ministères, convaincu qu’il fallait s’en tenir à la vision, très française, d’une haute administration pérenne, au-delà des alternances politiques. « Hollande n’était pas néocon mais, effectivement, après le 6 mai, certains ont pu penser qu’il pourrait le devenir », témoigne un proche, aujourd’hui en poste dans un cabinet ministériel.
    La thèse fait bondir au Quai d’Orsay, parmi les proches de Laurent Fabius ou le ministre délégué au développement Pascal Canfin. « Les bras m’en tombent. Sur tous les points de doctrine de base des néocons, on fait l’inverse ! » dit-il d’emblée. L’écologiste en veut pour preuve le recours à l’Onu – au Mali et en République centrafricaine (RCA), la France intervient sous mandat international –, la coopération avec des forces africaines – « on n’intervient pas seul » – , et la volonté affichée lors du Sommet de l’Élysée début décembre de bâtir une force africaine d’intervention rapide pour que « les Africains assurent eux-mêmes leur sécurité ».

    « Et parler de “faucons” est également totalement faux. Au Mali et en RCA, notre intention première n’était pas d’intervenir. L’intervention militaire est le dernier recours pour la France. Simplement, la réalité nous rattrape », juge encore Pascal Canfin, qui vient de boucler son projet de loi sur le développement, le premier du genre en France, censé bâtir « une nouvelle relation avec l’Afrique », loin des démons de la Françafrique. « Nous avons une doctrine que nous essayons de bâtir. L’idée, c’est que la sécurité n’est pas possible sans développement et que le développement n’est pas possible sans sécurité », dit l’ancien député européen.

    Quant à la Syrie, et l’absence de mandat onusien sur lequel Hollande était prêt à s’asseoir, le ministre reprend l’argumentation de l’Élysée sur « l’épuisement de la réalité diplomatique de l’Onu face à Vladimir Poutine ». « Cela revenait à se condamner à l’impuissance », dit Canfin, dont le parti, les Verts, avait déjà défendu l’intervention française au Kosovo en 1999, sans le feu vert de l’Onu. C’est à peine s’il admet certains écarts de langage. « Sur les terroristes au Mali, ce qui était important, c’était d’éviter de les appeler “djihadistes” donnant l’idée d’une guerre contre les musulmans, menée au nom du choc des civilisations par des croisés chrétiens », rappelle le ministre.

    En réalité, les spécialistes interrogés s’accordent tous à dire que « la guerre contre le terrorisme » ou le « punir » syrien relevaient surtout de maladresses de langage, sans doute partiellement liées au « bain néocon » de certains conseillers, mais pas d’une doctrine établie au sommet de l’État. Comme en politique intérieure, François Hollande« est le contraire d’un doctrinaire », rappelle un ancien haut responsable du Quai d’Orsay : « Il a une grande confiance dans son sens tactique. Un peu comme en bureau national élargi (du PS - ndlr), il se demande ce qu’il peut faire avec Poutine ou Obama. Chez Hollande, la tactique l’emporte toujours sur le reste. »

    Elle l’emporte d’autant plus que François Hollande n’a jamais été un grand spécialiste des relations internationales (même s’il s’en est occupé quand il était premier secrétaire du PS) et, durant sa campagne, il avait évité de prononcer un grand discours sur le sujet.« Hollande n’est pas du tout néoconservateur. Cela impliquerait d’avoir des convictions claires et la volonté de les mettre en œuvre. Il est plutôt quelqu’un qui s’adapte à des situations de façon pragmatique », jugeJean-Paul Chagnollaud, directeur de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée-Moyen-Orient (iReMMO). Y compris sur la Syrie, estime ce chercheur qui était favorable à une intervention militaire contre Bachar al-Assad.

    « Le terme “punir” était maladroit parce qu’il sous-entendait une substitution à la justice internationale, et parce qu’il renvoyait à la politique coloniale. Alors que l’action pouvait avoir du sens, on a pris un terme extrêmement maladroit. Tout cela relève d’un bricolage intellectuel », dit Chagnollaud. « Sur les armes chimiques, Hollande a eu une réaction émotionnelle. Il a considéré que la France se devait de fixer des lignes rouges parce que, plus que d’autres, elle avait souffert des armes chimiques… Hollande connaît les doctrines mais il s’en sent libre », dit aussi un proche du président. Avant d’ajouter : « François Hollande a une vision mais elle prend du temps à se développer. Il a aussi pris le temps d’entrer dans le costume présidentiel. »

    Dans ce flou idéologique, plusieurs fins connaisseurs de la politique étrangère du PS perçoivent d’ailleurs davantage « une résurgence inattendue de réflexes SFIO », selon l’expression d’un ancien haut responsable du Quai d’Orsay, qu’une conversion dogmatique au néoconservatisme. La SFIO, l’ancêtre du PS, avait, à l’époque, soutenu la diplomatie du président américain Wilson (le néoconservatisme est un « wilsonisme botté », selon l’expression rappelée par le chercheur et diplomate Justin Vaïsse), avant de défendre, avec Guy Mollet, l’expédition de Suez en 1956 et de s’opposer au retrait de l’Otan décidé par le général de Gaulle.

    Au bout du compte, c’est dans ce balancement permanent entre différentes inspirations que se meut continûment François Hollande, dans « un consensus mou qui ressemble à un “continuisme discret” », selon l’expression du chercheur Bertrand Badie. Et c’est dans sa réaction face à un événement historique qu’il se définira. L’accord scellé avec l’Iran n’est pour l’instant que provisoire. Dans six mois, il s’agira de le transformer définitivement. L’attitude de la France sera déterminante.

    Lénaïg Bredoux

    http://www.mediapart.fr/journal/international/151213/politique-etrangere-hollande-dans-le-bain-neoconservateur?page_article=1

  • Lexicologie de la blackness

    « Black, Negroes, spades, niggers, colored, Afro-Americans » : à l’instar de tous les mots qui impliquent l’appellation, la définition d’un groupe sujet à des relations de domination anciennes et fortement enracinées, ceux utilisés pour désigner les Noirs, ceux utilisés par les Noirs eux-mêmes pour se désigner sont tributaires de tensions et de phénomènes de réappropriation. Jusque dans les années 1960, le terme Negro est le plus fréquent et considéré comme le moins péjoratif, à l’inverse de Nigger. Le terme sera ainsi utilisé tant par l’administration blanche que par les Noirs et leurs mouvements (Marcus Garvey baptisera ainsi son organisation l’ Universal Negro Improvement Association ). Au cours des années 1960, sous l’influence du mouvement pour les droits civiques, le terme est de moins en moins utilisé et, surtout, utilisé dans un sens différent, en étant souvent opposé à Black dans le langage du mouvement noir. Black, le terme le plus ancien, utilisé très tôt par les colons et les esclavagistes pour parler des Africains, sera peu utilisé par les Afro-Américains eux-mêmes jusqu’aux années 1950-1960. Dans les discours de Martin Luther King, par exemple, Negro(e) demeure largement employé mais son usage renvoie désormais davantage aux situations d’oppression, par opposition à Black chargé de connotations plus positives : le Black man est celui qui a reconquis sa dignité et lutte pour sa liberté. Une opposition que l’on retrouve également chez Malcolm X chez qui le Negro est le « Nègre » soumis, l’« oncle Tom », par opposition là encore au Black. Dans son discours « Message to the grassroots », il opère ainsi une distinction entre « black revolution », un processus d’affirmation autonome qui assume le conflit, et « negro revolution » (« la seule révolution fondée sur l’amour de votre ennemi est la révolution nègre »). Cette opposition est plus explicite encore chez Stokely Carmichael, dans un discours de 1966, précisément sur le Black Power : « Si nous avions dit “negro power” personne n’aurait eu peur. Tout le monde nous aurait soutenus. Si nous disions pouvoir aux gens de couleur (“colored people”) tout le monde y serait favorable, mais c’est bien le mot “black” qui dérange les gens de ce pays, et ça c’est leur problème, pas le mien. » Quant au terme Nigger, il est celui qui a marqué le plus l’infériorisation des Noirs. Outre ses usages racistes blancs plus anciens, il sera employé par les Afro-Américains dans les années 1970 pour établir des distinctions au sein de la communauté noire : le Nigger est le Noir intégré, individualiste. Les Black Panthers utilisaient le terme dans le même sens et parfois aussi pour parler du nationalisme culturel, comme une pose, une caricature de Noir. Plus tard, à partir des années 1990, c’est le hip-hop qui se réappropriera le terme en introduisant sa variante le Nigga. Et ce, pour signifier que les Noirs demeurent des Niggers, des Nègres. Le rappeur Tupac Shakur introduira une nuance entre Nigger et Nigga :« Nigger : un Noir avec une chaîne d’esclave autour du cou / Nigga : un Noir avec une chaîne en or autour du cou ». Nous avons choisi dans cet ouvrage de traduire Negro par « Nègre » lorsqu’il s’agissait de citations antérieures aux années 1960, et par « Noir » ensuite, sauf lorsque le terme est utilisé en opposition à Black, et non comme son simple synonyme. Le terme Nigger a, quant à lui, été traduit par « Nègre » ou « Négro » selon le contexte. Ainsi, s’il s’agit d’un écrit ou d’un discours datant des années 1930, il nous est apparu plus judicieux de traduire « Nigger » par « Négro », pour restituer sa valeur d’insulte, d’infériorisation raciale, puisque « Nègre » était alors le terme le plus courant parmi les Noirs.

  • Notes sur la « question des immigrés » (Guy Debord)

    "Faut-il donc les assimiler ou « respecter les diversités culturelles » ? Inepte faux choix. Nous ne pouvons plus assimiler personne : ni la jeunesse, ni les travailleurs français, ni même les provinciaux ou vieilles minorités ethniques (Corses, Bretons, etc.) car Paris, ville détruite, a perdu son rôle historique qui était de faire des Français. Qu’est-ce qu’un centralisme sans capitale ? Le camp de concentration n’a créé aucun Allemand parmi les Européens déportés. La diffusion du spectacle concentré ne peut uniformiser que des spectateurs. On se gargarise, en langage simplement publicitaire, de la riche expression de « diversités culturelles ». Quelles cultures ? Il n’y en a plus. Ni chrétienne ni musulmane ; ni socialiste ni scientiste. Ne parlez pas des absents. Il n’y a plus, à regarder un seul instant la vérité et l’évidence, que la dégradation spectaculaire-mondiale (américaine) de toute culture.

    Ce n’est surtout pas en votant que l’on s’assimile. Démonstration historique que le vote n’est rien, même pour les Français, qui sont électeurs et ne sont plus rien (1 parti = 1 autre parti ; un engagement électoral = son contraire ; et plus récemment un programme — dont tous savent bien qu’il ne sera pas tenu — a d’ailleurs enfin cessé d’être décevant, depuis qu’il n’envisage jamais plus aucun problème important. Qui a voté sur la disparition du pain ?). On avouait récemment ce chiffre révélateur (et sans doute manipulé en baisse) : 25 % des « citoyens » de la tranche d’âge 18-25 ans ne sont pas inscrits sur les listes électorales, par simple dégoût. Les abstentionnistes sont d’autres, qui s’y ajoutent.

    Certains mettent en avant le critère de « parler français ». Risible. Les Français actuels le parlent-ils ? Est-ce du français que parlent les analphabètes d’aujourd’hui, ou Fabius (« Bonjour les dégâts ! ») ou Françoise Castro (« Ça t’habite ou ça t’effleure ? »), ou B.-H. Lévy ? Ne va-t-on pas clairement, même s’il n’y avait aucun immigré, vers la perte de tout langage articulé et de tout raisonnement ? Quelles chansons écoute la jeunesse présente ? Quelles sectes infiniment plus ridicules que l’islam ou le catholicisme ont conquis facilement une emprise sur une certaine fraction des idiots instruits contemporains (Moon, etc.) ? Sans faire mention des autistes ou débiles profonds que de telles sectes ne recrutent pas parce qu’il n’y a pas d’intérêt économique dans l’exploitation de ce bétail ; on le laisse donc en charge aux pouvoirs publics.

    Nous nous sommes faits américains. Il est normal que nous trouvions ici tous les misérables problèmes des U.S.A., de la drogue à la Mafia, du fast-food à la prolifération des ethnies. Par exemple, l’Italie et l’Espagne, américanisées en surface et même à une assez grande profondeur, ne sont pas mélangées ethniquement. En ce sens, elles restent plus largement européennes (comme l’Algérie est nord-africaine). Nous avons ici les ennuis de l’Amérique sans en avoir la force. Il n’est pas sûr que le melting-pot américain fonctionne encore longtemps (par exemple avec les Chicanos qui ont une autre langue). Mais il est tout à fait sûr qu’il ne peut pas un moment fonctionner ici. Parce que c’est aux U.S.A. qu’est le centre de la fabrication du mode de vie actuel, le cœur du spectacle qui étend ses pulsations jusqu’à Moscou ou à Pékin ; et qui en tout cas ne peut laisser aucune indépendance à ses sous-traitants locaux (la compréhension de ceci montre malheureusement un assujettissement beaucoup moins superficiel que celui que voudraient détruire ou modérer les critiques habituels de « l’impérialisme »). Ici, nous ne sommes plus rien : des colonisés qui n’ont pas su se révolter, les béni-oui-oui de l’aliénation spectaculaire. Quelle prétention, envisageant la proliférante présence des immigrés de toutes couleurs, retrouvons-nous tout à coup en France, comme si l’on nous volait quelque chose qui serait encore à nous ? Et quoi donc ? Que croyons-nous, ou plutôt que faisons-nous encore semblant de croire ? C’est une fierté pour leurs rares jours de fête, quand les purs esclaves s’indignent que des métèques menacent leur indépendance ! "

    Guy Debord

    http://bougnoulosophe.blogspot.be/2009/11/la-version-debordienne-de-lidentite.html

  • Du rapport sur l’intégration

    "Mais revenons aux rapports, que peu de ceux qui s’en offusquent ont lus, probablement. Alors, ces rapports, ils disent quoi, ils proposent quoi ? Rien de plus et rien d’autre que ce qui se dit et que ce qu’on propose, depuis des années, dans les milieux universitaires. Rien de bien révolutionnaire.

    Utiliser le mot « #intégration » à propos de personnes issues de l’#immigration mais nées en France est évidemment un non-sens. Thierry Tuot, conseiller d’Etat, le disait avec éloquence dans un autre rapport, présenté au Premier Ministre en février 2013... et lui aussi aussitôt enterré (il y a beaucoup de places au cimetière des rapports) ! Sa liberté de parole lui a coûté son poste. Ne savait-il donc pas qu’on préfère la langue de bois ? Titre de son œuvre ? La Grande Nation. Pour une société inclusive.

    Ca s’annonçait mal, c’est sûr. M. Tuot, qui avait dirigé le Fasild et qui, à ce titre, connaissait bien le sujet, appelait déjà à une refonte de la politique d’intégration, il utilisait déjà le mot « inclusion ». Or les rapports qui font jaser aujourd’hui abordent de la même manière certaines des questions soulevées par M. Tuot. Les auteurs de V ers une politique française de l’égalité demandent ainsi qu’on travaille le sentiment d’appartenance, plaident pour un « Nous inclusif et solidaire », et pour cela préconisent de reformuler la question nationale. Ils ajoutent, avec raison, que l’altérisation des populations perçues comme « étrangères » a pour conséquence immédiate et nocive de restreindre la définition du « Nous ». La stigmatisation de l’immigration, de l’islam ou des populations dites Roms renforce et relégitime le « Nous » nationaliste qui périphérise d’emblée des groupes entiers tenus pour des « outsiders ».

    La récurrente instrumentalisation politique de quelques populations construites en ’bouc émissaire’, insistent les auteurs du même rapport, se retrouve à peu de choses près dans les discours de tout l’échiquier politique". Qui pourrait dire le contraire ? Mais cela ne plaît évidemment pas à ceux qui se croyaient vertueux en la matière et découvrent qu’ils ne le sont guère... Allons, encore une belle phrase qui froissera les mêmes, je suppose : « le grand retour du thème de la laïcité est moins lié à un enjeu de religion (et de rapport de l’Etat avec les religions, problème qui est globalement réglé) qu’avec un enjeu idéologique pour le nationalisme : utiliser la question de la religion pour maintenir à distance la reconnaissance des populations vues comme ’musulmanes’. » Cela me semble assez clair.

    Ce diagnostic est posé par les concernés eux-mêmes. Pas par des technocrates à la langue de bois. Pas par des chercheurs théorisant dans leur cabinet sans avoir à salir leurs mocassins dans les quartiers. Cette parole-là, les politiques ont du mal à l’entendre. Ils préfèreront toujours, sur ces sujets, un autisme protecteur à la prise de conscience, qui oblige à faire retour sur ses préjugés et qui dérange. Ceux qui parlent là savent de quoi ils parlent, ils l’approchent avec les outils de la critique, mais ils l’ont aussi vécu dans leur chair. Insupportable prise de parole qui est une prise de pouvoir.

    C’est sans doute ce qui fait dire au chercheur Hervé Le Bras, de son bureau du 6e arrondissement de Paris, dans le JDD du 15 février : « aucun des chercheurs qui font autorité sur ces questions à droite comme à gauche, n’y a participé ». C’est sûr : ces chercheurs aux noms à consonance arabe (à côté, tout de même, de quelques autres aux noms « bien français »), ces associatifs qui sont sur le terrain, tous ces auditionnés venus d’"en bas" ne sont de toute évidence pas les mieux placés pour parler de ce dont ils parlent... On le sait depuis longtemps, et on n’est pas étonné : les élites sont un vrai frein pour l’"inclusion", le grand « Nous » préconisé par les rapporteurs leur fait peur. Et si ces gens-là, si mal-nommés, venaient un jour leur prendre leurs places ?"

    Esther Benbassa

    http://www.huffingtonpost.fr/esther-benbassa/quand-les-arabes-prennent_b_4451281.html

  • Du pouvoir symbolique

    « Le pouvoir symbolique, pouvoir subordonné, est une forme transformée, c’est-à-dire méconnaissable, transfigurée et légitimée, des autres formes de pouvoir, on ne peut dépasser l’alternative des modèles énergétiques qui décrivent les relations sociales comme des rapports de force et des modèles cybernétiques qui en font des relations de communication, qu’à condition de décrire les lois de transformation qui régissent la transmutation des différentes espèces de capital en capital symbolique et en particulier le travail de dissimulation, et de transfiguration (en un mot, d’ euphémisation ) qui assure une véritable transsubstantiation des rapports de force en faisant méconnaître-reconnaître la violence qu’ils enferment objectivement et en les transformant ainsi en pouvoir symbolique, capable de produire des effets réels sans dépense apparente d’énergie. »

    Bourdieu

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1977_num_32_3_293828

  • De l’injonction à l’intégration

    "L’injonction à l’intégration est la « sommation », l’« obligation » pour les héritiers de l’immigration postcoloniale de s’intégrer pour pouvoir participer pleinement à la citoyenneté française, ce qui est vraiment irritant : pourquoi s’intégrer lorsqu’on est né et qu’on a toujours vécu en France ? A partir de quel moment est-on intégré ? A quoi doit-on s’intégrer ? On retrouve aujourd’hui cette injonction à travers plusieurs canaux. Par exemple, lorsqu’un étranger fait une demande naturalisation en vue de l’acquisition de la nationalité française, il doit passer par un entretien d’assimilation, doit faire la preuve de sa « francité », même si on ne sait pas trop ce que cela veut dire. Mais cette injonction s’exprime tous les jours, à l’école (la prohibition du port du voile étant une des formes les plus violentes), au travail, dans les médias (comme pendant la guerre du Golfe de 1991), bref, tout l’espace public et politique porte en lui cette « sommation ».

    Historiquement, cette injonction est étroitement liée à la construction nationale française. En effet, elle s’est caractérisée par la volonté, de la part des groupes dominant le territoire, d’une véritable homogénéisation de la nation (à l’époque, les « autres » sont les Bretons, les Occitans, et autres « patois » locaux). La nation française n’a pas existé en tant que tel, comme s’il existait une continuité entre « nos ancêtres les Gaulois » et la France moderne. Cette continuité est une fiction nationaliste, parce que la nation française est le fruit d’un processus de « nationalisation », qui a marqué une rupture avec la Révolution française, et qui a connu une apogée sous la 3ème République. La nationalisation de la France est allée de pair avec une domination culturelle (le Français de la bourgeoisie parisienne), et les groupes dominés devaient s’assimiler, se transformer pour faire partie de la nation. Ainsi pour être citoyen français, il faut être « français », c’est-à-dire « culturellement » français, ce qui n’est qu’un euphémisme pour ne pas dire « racialement » français. Ainsi citoyenneté (l’exercice des droits et devoirs du citoyen) est liée à la nationalité (les attributs « culturels » d’un individu). En fait, l’injonction à l’intégration correspond à la nécessité de faire allégeance : il faut accepter les conditions des dominants pour faire partie du jeu. L’injonction à l’intégration est la solution indispensable pour la nation française pour résoudre un paradoxe insoluble sans elle : l’homogénéité culturelle est « menacée » par ces « autres » étrangers, il faut donc les assimiler pour résoudre ce « problème ». Nous héritons aujourd’hui de cette logique assimilationniste de la construction nationale française, et elle se combine avec la logique propre du rapport colonial.

    Le mot intégration est polysémique et chacun met un peu ce qu’il veut à l’intérieur. Mais on peut retracer la généalogie du mot, et étudier les usages qui en est fait. Le mot intégration, dans le discours politique et médiatique, est arrivé dans le « marché symbolique » dans un contexte bien précis. Il vient succéder à d’autres termes qui ont perdu leur « valeur » sociale et politique : adaptation (des nouveaux ouvriers à l’ordre capitaliste et urbain du 19ème siècle), insertion (à l’entreprise) ou assimilation (des colonisés à la métropole). Ce dernier a perdu sa valeur à cause des connotations coloniales. Au moment de la remise en cause de l’ordre colonial, en particulier par le début de l’insurrection indépendantiste en Algérie, justifier la politique française en Algérie par une politique d’assimilation était devenue anachronique. C’est vers 1955 que Soustelle, nouveau gouverneur général d’Algérie, affirme que « la France a fait un choix : celui de l’intégration ». Ainsi, le concept d’intégration est venu légitimé la continuité de l’existence l’Algérie française.

    Pour ce qui est du sens, assimilation signifie, de manière idéale, le passage de l’altérité totale à l’identité totale (au sens de identique). L’#intégration était censée définir ce même processus mais dans le « respect des cultures ». En fait, il existe une continuité de sens entre assimilation et intégration, et donc une continuité entre période coloniale et période #postcoloniale. Pour ma part, je refuse d’utiliser ce terme pour comprendre la situation des héritiers de l’immigration postcoloniale, sauf pour l’analyser comme tel. La logique intégrationniste se base sur au moins trois mécanismes : 1) elle établit une frontière entre deux cultures (pour ne pas dire « race », ou « religion ») supposées être radicalement « différentes » ; 2) elle construit une hiérarchie entre ces cultures, l’une étant supérieure à l’autre ; et 3) elle veut que la culture « inférieure » disparaisse en s’assimilant à la culture inférieure (c’est le versant « assimilationniste »), ou bien, en fonction du contexte historique, elle accepte la « différence » mais une différence toujours inférieure et séparée (versant « ségrégationniste »)."

    #Abdellali_Hajjat

    #immigration
    #rhétorique

  • De l’intégration

    « L’#intégration est cette espèce de processus dont on ne peut parler qu’après coup, pour dire qu’elle a réussi ou échoué ; un processus qui consiste, idéalement, à passer de l’altérité la plus radicale à l’identité la plus totale (ou voulue comme telle) ; un processus dont on constate le terme, le résultat, mais qu’on ne peut saisir en cours d’accomplissement car il engage tout l’être social des personnes concernées et celui aussi de la société dans son ensemble. C’est un processus continu, de tous les instants de la vie, de tous les actes de l’existence, auquel on ne peut assigner ni commencement ni aboutissement ; un processus qui, dans le meilleur des cas, peut se constater sans plus, et dont il n’est pas sûr qu’il puisse être orienté, dirigé, volontairement favorisé. Et surtout, il faut se garde d’imaginer que ce processus est tout en harmonie, qu’il est indemne de tout conflit. C’est là une illusion qu’on se plaît à entretenir, chacun des partenaires ayant son intérêt propre à cette fiction inversée après coup qui, par ailleurs, trouve dans le vocabulaire du monde social et politique le lexique tout désigné pour la dire. Dans l’imaginaire social, en tant qu’elle fabrique de l’identité, c’est-à-dire de l’identique, du même et que, par là, elle nie ou réduit de l’altérité, l’intégration finit par prendre la valeur commune de principe et processus d’accord, de concorde, de consensus. »

    [ Abdelmalek #Sayad ]

    Refondation de la politique d’intégration : http://www.gouvernement.fr/gouvernement/refondation-de-la-politique-d-integration

    #Intégration
    #Lexique
    #immigration

  • La femme musulmane

    "Quelles images avons-nous, aux États-Unis ou en Europe, des femmes musulmanes, ou des femmes de la région connue sous le nom de Moyen-Orient ? Nos vies sont saturées d’images, et ces images sont étrangement limitées à un nombre très restreint de figures ou de thèmes : la femme musulmane opprimée ; la femme musulmane voilée ; la femme musulmane qui ne jouit pas des mêmes libertés que nous ; la femme régie par sa religion ; la femme régie par ses hommes.

    Ces images ont une longue histoire dans l’Occident, mais elles sont devenues particulièrement visibles et omniprésentes depuis le 11 septembre. Beaucoup de femmes se sont mobilisées aux États-Unis autour de la cause des femmes afghanes opprimées par les talibans fondamentalistes – ces femmes étant représentées par les médias comme recouvertes de la tête aux pieds par leur burqa, sans la possibilité ni d’aller à l’école ni de porter du vernis à ongles. Un gouvernement – celui de George W. Bush – se servit ensuite de l’oppression de ces femmes musulmanes pour légitimer moralement l’invasion militaire de l’Afghanistan. Ces images de femmes opprimées et voilées furent utilisées pour susciter le soutien de l’intervention. Je voudrais, ici, défendre l’idée que, outre les indicibles horreurs, les bouleversements et la violence dont ces interventions américaines ont accablé les vies des femmes musulmanes en Afghanistan et en Irak, l’utilisation de ces images a aussi été néfaste pour nous, dans les pays occidentaux où elles circulent, en ce qu’elles tendent à étouffer notre capacité à apprécier la complexité et la diversité des vies des femmes musulmanes, à les considérer comme des êtres humains.

    Comme l’avait noté Edward Said dans son célèbre ouvrage, L’Orientalisme , une étude critique novatrice de la relation entre les études occidentales sur le Moyen-Orient et le monde musulman et les projets plus généraux de domination et de colonisation de ces régions, l’une des caractéristiques les plus distinctives des représentations, tant littéraires qu’universitaires, de l’« Orient » musulman est leur nature citationnelle. Par là, il entendait que les travaux plus récents asseyaient leur autorité en se référant à des travaux antérieurs, chacun citant les précédents en une chaîne infinie qui s’affranchissait de tout ancrage dans l’actualité de l’Orient musulman. C’est ce que nous constatons encore aujourd’hui dans les représentations visuelles de la femme musulmane."

    http://bougnoulosophe.blogspot.be/2013/12/la-femme-musulmane-le-pouvoir-des.html#links

    Lila Abu-Lughod

    #Feminisme
    #islam

  • "Je viens de terminer un chapitre de « Femmes, culture et politique » d’Angela Davis, chapitre qui se base sur ses expériences après un séjour en Egypte. Je cherchais ce chapitre depuis des mois, parce que je pensais que ce serait un texte particulièrement intéressant sur ​​la façon dont le féminisme transnational pourrait se ressembler si il était pratiqué dans une perspective marxiste et postcoloniale. Angela Davis est bien sûr l’une des plus célèbres féministes afro-américaines, connues pour ses opinions communistes et son activisme anti-raciste. J’ai aussi pensé qu’il serait intéressant de comprendre quel regard porterait une féministe, à partir d’un fond américain, sur des féministes égyptiennes. En d’autres termes, allait-elle reproduire les idées féministes blanches sur les femmes égyptiennes ou se rapporterait-elle à des femmes égyptiennes en raison de ses propres expériences (négatives) avec le féminisme occidental ?"

    http://neocolonialthoughts.wordpress.com/2013/12/01/angela-davis-in-egypt-on-feminist-solidarity

    #Féminisme
    #Angela_Davis
    #Egypte

  • Les fossoyeurs de l’antiracisme

    "A la fin des années ’70, une victoire majeure a été obtenue sur le champ des idées. Elle n’a pas été saluée à sa juste valeur. Comme le monde est oublieux. Elle concerne le racisme et son invention. Et c’est à la Nouvelle Droite (et tout particulièrement au GRECE) qu’on la doit.

    Une Nouvelle Droite allée à l’Ecole de Lévi-Strauss. Une victoire lourde de sens et de conséquence. Mais en quoi consistait-elle ? En une « transmutation » et en un art consommé du détournement et de l’inversion. Alain de Benoist et ses amis avaient réalisé un coup de maître en remplaçant habilement le racisme biologique et inégalitaire (grevé par l’aventure génocidaire nazie) par un racisme culturel et se voulant non-hiérarchique (appelé aussi racisme différentialiste ou racisme sans race).

    Cela nécessitait pour ce faire de s’accaparer et de retourner deux notions clé : le « droit à la différence » et le « relativisme culturel ». Notions qui, malgré leur ambiguïté, avaient été à l’origine des conquêtes remportées de haute lutte sur le discours de la « mission civilisatrice » du temps béni des colonies. Et cette trouvaille avait de l’avenir. Puisqu’elle devint la doxa d’aujourd’hui.

    Le génie de la démarche, à l’évidente ironie, résidait dans le fait qu’elle singeait au plus près l’antiracisme (traditionnel) qui se voulait une réponse au racisme biologique. Et par un jeu de renversement et de symétrie, elle y instalait la confusion.
    Depuis Lévi-Strauss, on distingue un racisme de type universaliste, fondé sur un déni d’identité, et un (néo)racisme de type différentialiste, fondé sur un déni d’humanité ; le premier est dit « hétérophobe » tandis que le second est défini comme « hétérophile »(1).

    L’ironie pouvait se poursuivre, puisque la réplique qu’on trouva à ce nouveau racisme différentialiste n’était autre que l’universalisme, dans sa version nationale républicaine. C’est-à-dire l’autre forme de racisme, celui par le déni d’identité.
    Trois ouvrages ont ponctué et popularisé les « moments » clé de ce passage paradoxal. « La force du préjugé. Essai sur le racisme et ses doubles. » de Pierre-André Taguieff (le péri-situationniste passé à l’ennemi et aficionado des notes de bas de page), « La défaite de la pensée » d’Alain Finkielkraut (le philosophe contrarié et mentor de Breivik) et enfin « La France de l’intégration. Sociologie de la nation en 1990. » de Dominique Schnapper (la fille à papa qui continue la boutique).

    Trois Moments qu’on peut résumer par trois formules lapidaires : 1. la crise de l’antiracisme (Taguieff) , 2. l’antiracisme est un racisme (Finkielkraut) et 3. le salut par la République universelle (Schnapper etc.). "

    http://bougnoulosophe.blogspot.be/2011/10/les-fossoyeurs-de-lantiracisme.html

    Un exemple : http://www.polemia.com/antiracisme-identitaire-versus-antiracisme-egalitaire