• #Gramsci, défenseur des subalternes dans « un monde grand et terrible »

    Avec « L’Œuvre-vie d’Antonio Gramsci », Romain Descendre et Jean-Claude Zancarini nous plongent dans les combats et le laboratoire intellectuel d’une figure majeure de la tradition marxiste. Victime du fascisme et opposant au tournant stalinien du communisme, il a développé une pensée encore stimulante.

    « Gramsci« Gramsci, ça vous dit quelque chose ? Il était né en Sardaigne, dans une famille pauvre. À deux ans, une tuberculose osseuse le frappa à la moelle épinière, si bien qu’il ne mesura jamais plus d’un mètre et demi. Vous comprenez ? Un mètre et demi. Et pourtant, c’était un géant ! » Voilà comment, dans Discours à la nation (Les Éditions Noir sur Blanc, 2014), le dramaturge Ascanio Celestini présente le membre fondateur du Parti communiste italien (PCI), martyr du régime fasciste de Mussolini, aujourd’hui considéré comme un monument de la pensée marxiste.

    La même admiration pour « un des plus grands [philosophes] de son siècle » se ressent à la lecture du livre de Romain Descendre et Jean-Claude Zancarini, consacré à L’Œuvre-vie d’Antonio Gramsci (Éditions La Découverte). S’il existe déjà des biographies du révolutionnaire sarde (notamment celle de Jean-Yves Frétigné) ou des introductions de qualité à son œuvre (aux Éditions sociales ou à La Découverte), les deux spécialistes en études italiennes proposent, avec cet ouvrage de plus 500 pages, une enquête lumineuse et inégalée.

    Ils suivent pas à pas l’élaboration de la pensée gramscienne, liée aux événements de sa vie personnelle et militante, elle-même affectée par les soubresauts d’une époque que Gramsci a décrite comme un « monde grand et terrible ».

    Les deux auteurs embrassent ainsi tous les textes produits depuis ses premières années de militantisme socialiste dans les années 1910, jusqu’aux Cahiers de prison rédigés dans les années 1930, en passant par son implication dans le mouvement turinois des conseils d’usine en 1919-1920, puis son engagement comme responsable et chef du PCI dans les années 1920.

    « Sa vie, son action et sa pensée, écrivent Descendre et Zancarini, l’ont conduit à produire un corpus de textes ayant une double caractéristique rare : il conserve aujourd’hui encore une grande pertinence théorique et politique, en même temps qu’il hisse son auteur au rang des plus grands “classiques” européens. »

    Si c’est le cas, c’est parce que Gramsci a suivi une évolution intellectuelle singulière. Nourri de la lecture de philosophes italiens de son temps, il est imprégné d’une culture très idéaliste lorsqu’il découvre le marxisme. Tout en dépassant ses premières conceptions, il a développé une pensée subtile sur l’ordre politique et les moyens de le subvertir, en intégrant l’importance des conditions socio-économiques, mais en accordant toujours un rôle crucial aux idées et à la culture.
    La culture et l’organisation, clés de l’émancipation

    Certes, « Gramsci n’a jamais écrit ni pensé qu’il suffisait de gagner la bataille des idées pour gagner la bataille politique ». Pour autant, les deux auteurs repèrent chez lui une réflexion constante « sur les mots (idées ou images) qui permettent de mettre en mouvement une volonté collective et sur l’articulation entre pensée et action, entre interprétation et transformation du monde ».

    L’émancipation des groupes subalternes est le moteur de Gramsci, au sens où « possibilité [devrait être] donnée à tous de réaliser intégralement sa propre personnalité ». La chose est cependant impossible dans une société capitaliste, sans parler des autres dominations qui se combinent à l’exploitation du prolétariat ouvrier et paysan.

    Pour changer cet état de fait, la prise du pouvoir est nécessaire. Elle requiert des tâches d’organisation auxquelles Gramsci consacrera une bonne partie de sa vie, mais présuppose aussi un minimum de conscience, par les subalternes eux-mêmes, de leur condition, des tâches à accomplir pour la dépasser et de l’idéal de société à poursuivre. C’est pourquoi Gramsci insiste régulièrement dans son œuvre sur l’importance de s’approprier la culture classique existante, afin de la dépasser dans un but révolutionnaire.

    Citant un texte de 1917, Descendre et Zancarini pointent que selon Gramsci, « l’ignorance est le privilège de la bourgeoisie. […] Inversement, l’éducation et la culture sont un devoir pour les prolétaires, car la “civilisation socialiste”, qui vise la fin de toutes les formes de privilèges catégoriels, exige “que tous les citoyens sachent contrôler ce que décident et font tour à tour leurs mandataires” ». Avant que ce contrôle s’exerce à l’échelle de la société, Gramsci pensait nécessaire qu’il se déploie dans le parti révolutionnaire lui-même.

    À la même époque, des auteurs comme Roberto Michels délivrent des diagnostics sans concession sur les tendances oligarchiques qui finissent par affecter les partis de masse, y compris ouvriers. Or Gramsci est attaché à la forme-parti, qu’il juge indispensable pour affronter de manière « réaliste » la domination sociale et politique de la bourgeoisie. Contre tout fatalisme, il veut donc croire en la possibilité d’une dialectique démocratique, propre à éviter les « phénomènes d’idolâtrie, […] qui font rentrer par la fenêtre l’autoritarisme que nous avons chassé par la porte ».
    Un opposant au « tournant sectaire » de Staline

    Certes, Gramsci a été le dirigeant d’un parti de l’Internationale communiste dans lequel on ne plaisantait pas avec la discipline une fois l’orientation tranchée. Mais son attachement à la libre discussion n’était pas feint, et lui-même n’a pas hésité à interpeller de manière critique le parti frère russe, dans une missive d’octobre 1926 fort mal reçue par les intéressés, à l’époque où la majorité dirigée par Staline attendait un alignement sans discussion.

    L’épisode peut se lire comme un prélude à son rejet du « tournant sectaire » imprimé par Staline au mouvement communiste en 1928 – rejet qui l’a placé en porte-à-faux avec ses propres camarades, qui eux s’y sont ralliés. Gramsci était alors incarcéré, et doutait que tout soit fait, à l’extérieur, pour faciliter sa libération. Le constat de son « isolement », affirment Descendre et Zancarini, a en tout cas été « un élément déclencheur de sa réflexion » dans les Cahiers de prison.

    Les deux auteurs restituent bien les conditions compliquées dans lesquelles Gramsci a travaillé, en devant lutter contre la maladie, négocier l’accès aux lectures multiples qui le nourrissaient, et déjouer la surveillance de ses écrits. La ligne qu’il développait était originale, en ce qu’elle s’opposait tout autant au stalinisme qu’au trotskisme, sans se replier sur un réformisme social-démocrate. Mais « cette opposition de l’intérieur [ne devait] surtout pas être comprise ni récupérée par les autorités fascistes. D’où le caractère partiellement crypté – et donc ardu – de l’écriture de Gramsci. »

    Appuyés sur une nouvelle édition en cours des Cahiers de prison, Descendre et Zancarini décryptent comment le penseur sarde a élaboré un réseau de notions telles que « l’hégémonie politique », « la révolution passive », ou encore la « guerre de position » distinguée de la « guerre de mouvement ».

    En raison de la puissance de sa réflexion, ces notions peuvent encore nous aider à penser notre situation politique. Mais les deux spécialistes préviennent : « Le travail théorique de Gramsci ne produit jamais de catégories abstraites, encore moins un système à visée universelle : toute son élaboration critique et conceptuelle […] est en prise sur la réalité internationale autant qu’italienne. »

    Un exemple permet de bien le comprendre. Fin 1930, Gramsci défend auprès des autres détenus communistes une proposition hétérodoxe. Face au régime de Mussolini, estime-t-il, le PCI devrait travailler avec les autres forces antifascistes derrière le mot d’ordre de Constituante républicaine. Puisque « l’inutilité de la Couronne est désormais comprise par tous les travailleurs, même par les paysans les plus arriérés de Basilicate ou de Sardaigne », il s’agit d’un point de départ intéressant pour politiser des masses, avant d’aller plus loin.

    Au-delà du cas italien, il ne croit pas que la crise du capitalisme fournisse les conditions suffisantes à une offensive du prolétariat, du moins à court terme. Le refus du déterminisme économique est renforcé par le constat, préalable aux Cahiers de prison, des différences qui existent entre les pays d’Europe de l’Ouest et la Russie de 1917. Dans les premiers, la société civile et la société politique apparaissent beaucoup plus denses, et les élites dirigeantes sont mieux parvenues à reproduire le consentement des populations.

    C’est ce qui convainc Gramsci que la priorité est à la « guerre de position », c’est-à-dire une période longue d’apprentissages, d’accumulation de force, et d’élaboration d’une « contre-hégémonie ». Il ne croit certes pas à une transition pacifique vers le socialisme. Mais même après la dimension « militaire » de la prise du pouvoir, il estime qu’il restera beaucoup à faire pour qu’émerge un État nouveau, permettant à la société de s’autogouverner. Une « perspective anti-autoritaire et anti-bureaucratique » en contradiction avec l’évolution de l’État soviétique, que Gramsci cible en mettant en garde contre « le fanatisme aveugle et unilatéral de “parti” » et les risques d’une « statolâtrie » prolongée.

    Dans leur conclusion, Descendre et Zancarini rappellent que Gramsci s’était lui-même défini, dans une phrase terrible, comme « un combattant qui n’a pas eu de chance dans la lutte immédiate ». Si ses efforts n’ont toujours pas suffi à ce que triomphe une hégémonie des subalternes, ils lui auront néanmoins assuré une postérité impressionnante dans le champ de la pensée critique, bien au-delà de l’Italie et même de l’Occident.

    Pour les deux auteurs, Gramsci appartient à une génération « broyée dans les affrontements de cette époque, entre fascisme et communisme et au sein même du communisme ». Il se distingue cependant par « la force de [sa] résistance morale et intellectuelle ».

    C’est ce que traduit, à sa façon, le texte théâtral d’Ascanio Celestini par lequel nous avons commencé, et qui se poursuit ainsi : « Je suis en train de parler de Gramsci, le type qui fonda le Parti communiste italien et qui fit un seul discours au Parlement vu qu’ensuite les fascistes l’arrêtèrent et le jetèrent en prison où il passa dix années pendant lesquelles il transforma la pensée socialiste. Il sortit de prison cinq jours avant de mourir et pourtant, près d’un siècle plus tard, il nous rappelle que nous devons nous opposer au pessimisme de la raison en ayant recours à l’optimisme de la volonté. »

    https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/101223/gramsci-defenseur-des-subalternes-dans-un-monde-grand-et-terrible
    #Antonio_Gramsci #marxisme #culture #émancipation #organisation #exploitation #capitalisme #dominations #privilèges #civilisation_socialiste #éducation #ignorance #dialectique_démocratique #autoritarisme #idolâtrie #tournant_sectaire #Staline #hégémonie_politique #révolution_passive #guerre_de_position #guerre_de_mouvement #contre-hégémonie #socialisme #statolâtrie

    • L’Oeuvre-vie d’Antonio Gramsci

      Antonio Gramsci (1891-1937) reste l’un des penseurs majeurs du marxisme, et l’un des plus convoqués. L’Œuvre-vie aborde les différentes phases de son action et de sa pensée – des années de formation à Turin jusqu’à sa mort à Rome, en passant par ses activités de militant communiste et ses années d’incarcération – en restituant leurs liens avec les grands événements de son temps : la révolution russe, les prises de position de l’Internationale communiste, la montée au pouvoir du fascisme en Italie, la situation européenne et mondiale de l’entre-deux-guerres. Grâce aux apports de la recherche italienne la plus actuelle, cette démarche historique s’ancre dans une lecture précise des textes – pour partie inédits en France –, qui permet de saisir le sens profond de ses écrits et toute l’originalité de son approche.
      Analysant en détail la correspondance, les articles militants, puis les Cahiers de prison du révolutionnaire, cette biographie intellectuelle rend ainsi compte du processus d’élaboration de sa réflexion politique et philosophique, en soulignant les leitmotive et en restituant « le rythme de la pensée en développement ».
      Au fil de l’écriture des Cahiers, Gramsci comprend que la « philosophie de la praxis » a besoin d’outils conceptuels nouveaux, et les invente : « hégémonie », « guerre de position », « révolution passive », « subalternes », etc. Autant de concepts qui demeurent utiles pour penser notre propre « monde grand et terrible ».

      https://www.editionsladecouverte.fr/l_oeuvre_vie_d_antonio_gramsci-9782348044809
      #livre

  • How it all Began, Moses Dobruška • Ill Will
    https://illwill.com/how-it-all-began

    19. In the 1950s, in the cafeteria of the Rand Corporation where they worked, the founders of game theory used to play a board game of their own invention, entitled “Fuck your buddy!” “Fuck your buddy” forms the implicit moral code of all current social relationships, whether emotional or professional, casual or commercial, virtual or everyday. There’s nothing less playful than universal gamification. Once even the number of one’s “friends” becomes a field of competition, sympathy becomes merely a moment within the generalized hostility.

    20. Social fictions are by nature effective. In the old fiction, man was presented as the owner of his labor power, who then sold it to the owner of the means of production. The classical subject remains sovereign even at the moment he alienates his time and forces by selling them to another. His dignity and integrity were established for all eternity, even if they were violated on a daily basis. This was the subject of classical humanism, about whom jurists and trade-unionists never speak without a tinge of nostalgia, even if they remain unwilling to acknowledge its complete obsolescence as a social fiction. The prevailing fiction today is that of human capital. The subject of human capital is defined as the aggregate of his or her social capital, his health capital, relational capital, cultural capital, hair capital and so on. In no case is he the owner of the capital that he is. He is his social capital, his health capital, his relational capital, his cultural capital, his reputational capital, his hair capital, and so on. These aren’t things he can rent out, alienate, or make available to others without losing them thereby, without losing himself. As such, he is all the more jealous of them. Nor are they things that exist in themselves, outside of the social interactions that bring them into being, and which must for that matter be multiplied as much as possible. 

    Just as there are expiring currencies, these are expiring capitals: they must be activated, maintained, accumulated, cherished, maximized, in short: produced at every moment and through every interaction — protected against their own tendential devaluation. The subject of human capital, servant of the capital that he is far more than master of himself, entrepreneur of himself far more than serene owner of his person, therefore knows only strategic interactions whose outcome must be optimized. Game theory — for which no feint, lie, or betrayal is too extreme in the service of its ends — is the theory of this “subject” marked by absolute precarity, programmed obsolescence, and such extreme inconsistency that it can be canceled at the slightest misstep according to the unpredictable movements of opinion and the codes of the day. To have transformed the human animal into this frantic, anguished, and empty information processor: this is the anthropological mutation crowned by social networks.

    21. A particularly jealous mistress, this society welcomes as a heartfelt token of loyalty every occasion where one of its members agrees to betray a friend, a loved one, or a relative, for its own sake and that of its misguided “values.” What is emerging, behind the media ritual of public confession, is a society of betrayal — a society in which mutual betrayal, and its possibility at each and every moment, serves as a new social pact. The parrhesia spilling out into the public is the same one that never appeared in the very relationships it calls into question, whose definitive spectrality is only further confirmed through this groveling.

    22. The imperative ideological alignment required of citizens during Operation Covid — followed by Operation Ukraine, Operation Climate and Operation Palestine — was the occasion for the sort of revolt of the mediocre that always accompanies the fascization of societies.

    23. Fascism already won when everyone renounced the task of thinking through the “Covid episode.” We all saw just what “culture” was worth, and how all these “critical intellectuals” were in fact more attached to their social status than to their own thought. By its complicit silence, this zombified Left already displayed its contempt for culture and intelligence, long before the fascists came to trample it underfoot.

    24. Those who pretend that there exists somewhere a constituted force, a given movement on which to base the possibility of a revolution, or even simply to counter the actions of the government, are not only misleading and deceiving themselves. By occupying the terrain in this way, they block the emergence of something new, something capable of grasping ahold of the epoch and wringing its neck.

    #capital_humain #écologie #gauche #covid #fascisme #conspirationnisme

    • Je n’ai pas la version française, si elle existe, il est possible qu’elle ne soit pas en ligne.

      La dernière fois, à ma connaissance, que ce pseudo a été utilisé, c’était en introduction à « Fragmenter le monde » de Josep Rafanell i Orra, dont voici les 1eres pages
      https://lundi.am/IMG/pdf/fragment_de_fragmenter.pdf

      Un bref extrait de la préface

      Nous vivons un temps d’anarchie, d’anarchie des phénomènes. Plus aucun principe hégémonique ne parvient à ordonner du dehors ce qui advient. Les singularités affirment opiniâtrement leur propre ordre immanent. Chaque phénomène parle sa propre langue. Et c’est bien là leur dernier trait commun à tous. Ceux qui cherchent encore un principe d’unification ne perçoivent plus rien, ou bien cherchent à opérer en sous-main à leur avantage. Le seul principe hégémonique, c’est qu’il n’y en a plus. Maintenir l’unité du monde ne se fait plus qu’au prix de l’enserrer dans une gigantesque broyeuse technologique et spirituelle. — Moses Dobruška.

      Le texte tel que "traduit" par Ill will.

      The text that follows is being published simultaneously in English and in German, where it will appear in the inaugural issue of Neue illustrierte Berliner Zeitung, a newspaper that, in addition to being sold in Berlin newsstands, will also be pasted to the city’s walls like a Dazibao.

      The animus of the text can be distilled from a consideration of its title. On the one hand, it calls up the mysterious 1961 “Hamburg Theses” composed by Guy Debord, Raoul Vaneigem, and Attila Kotányi over three days during a drunken “drift” across the northern port city following the acrimonious “5th Conference of the Situationist International.” Although never written down, the “Theses” are considered by many (including Debord himself) as a turning point in the group’s history, the moment in which the SI affirmed its commitment to “realize philosophy,” that is, to relaunch the revolutionary movement. If a new beginning was needed, this is because, as Debord later recalled, one could “no longer attribute the least importance to any of the ideas of the revolutionary groups that still survived as heirs of the old social emancipation movement destroyed in the first half of our century.” What was urgently needed was to initiate a new wave of contestation “as soon as possible,” while “revitalizing all the basic starting points.”

      A clear reference can also be heard to Bommi Baumann’s memoir, Wie alles anfing [How it all Began], assembled from interviews taken while Baumann was living as a fugitive of the West German state. Three years prior, in July 1971, Baumann and his friend Georg von Rauch founded the 2nd of June Movement, an anarchist urban guerilla group responsible for a wave of armed robberies, bombings, sabotage, and rioting, as well as the high-profile kidnapping of Peter Lorenz, a right-wing mayoral candidate for Berlin, who was successfully exchanged for the release of various imprisoned comrades.

      By 1974, however, there was “stagnation in the whole movement everywhere…Everyone [was] touched by it.” The time had come, “for those who have been at it for a long time, to reflect once more...” For Baumann, the central question was how an excessively militaristic armed struggle might give way to a constructive phase of antagonism that could “continue to fight, on a different level, in a different arena,” through forms not circumscribed by the question of “extermination.” In short, a new beginning was needed to ensure that the autonomous revolutionary movement does not “get buried in the rubble of the collapsing system.”

      For Dubruska, who speaks from a position of “active conspiracism,” the need for a new beginning has other contours. In our society of rubble, a society ruled by competing fictions concerning the causes of its own collapse, there is a risk that our efforts to escape the catastrophe become the unwitting midwives of an ecological rescue of the capitalist system itself. How, in our efforts to construct and defend places of life, can we avoid unwittingly securing the platform for a newly revamped project of “mobilizing, exploiting, ravaging, massacring, and producing”?

      If we’ve been defeated, there is nothing else to do but to start again from the beginning. Fortunately, the brief interval of rest allowed to us between the close of the first and the beginning of the second act of the movement, gives us time for a truly necessary part of our task: to seek out the causes that both necessitated this most recent uprising, and, at the same time, led to its defeat. —Engels, Revolution and Counter-Revolution in Germany (1851)

      1. In its inward collapse, this society has found no better trick to play on its opponents than to snatch from them its new Ersatz morality. In the final stretches of nihilism, oppression will thus be expressed in the language of ecology, feminism and anti-racism. Fascists, in turn, have an easier time portraying themselves as the true advocates of freedom, democracy, counter-hegemonic alternatives and, ultimately, revolution.

      2. These are the days of Barbie feminism and the Pfizer left, pro-censorship anarchists and pro-NATO autonomists, authoritarian horizontalism, green nuclear power and vaccine Stalinism, bombing for LGBTQIA+ rights and the anti-pope — the pope who, when it comes to migrants, ecology, criticism of capitalism, war or hierarchy, returns leftism to its inanity by returning it to its origin.

      3. Nothing is more serious, and more seriously contemporary, than theology. The ignorance of theology is what enables theology to perpetuate its reign, under the guise of politics, economics, science, philosophy, literature and even everyday life. To overcome theology, we must overcome our ignorance of it. Atheists, one more effort if you wish to be revolutionaries!

      4. “We’re witnessing a veritable mania for the consecration of feminism, with society going so far as to adopt an attitude of promotion... The modes are multiple and devious, and while we don’t want to, we run the risk of falling into them and becoming trapped. Women’s particular need for recognition is stimulated by a climate of interest and practical opportunities. Society has come to accept the premises of feminism without grasping the evolution that clarifies these very premises. It sees feminism as an ideology, in other words, as power, and as such respects it because it confirms — rather than places into crisis — what we on the other hand want to subvert” (Carla Lonzi, Ecrits, voix d’Italie, 1977).

      5. “The great danger would be to replace the myth of the working classes as the bearers of future values with that of environmental protection and safeguarding the biosphere, which could just as easily take on an entirely totalizing, totalitarian character. […] Industry would love nothing more than to harness the ecology movement in the same way it harnessed the trade union movement to structure its own society. […] Therefore, in my opinion, the ecological movement should first worry about its own social and mental ecology” (Félix Guattari, Chimères n° 28, 1991-1992).

      6. The labor movement was defeated by criticizing bourgeois society in its own language — that of economics. Today, we have cranks who claim to challenge cybernetic society in its own language — that of ecology. If society casts such a benevolent eye over these activists, it’s only because they intend to lead us to an equivalent defeat.

      7. Environmentalist science-fiction writer Kim Stanley Robinson recently declared: “I meet a lot of technocrats, and there are some who would like to see a lot more activism. (...) Between technocrats, activists and mass citizen actions, synergy and alliances are possible.” No one allies himself with someone stronger than him without becoming, whether consciously or not, his vassal. To act, while governed by one’s unconscious, has never served as an excuse.

      8. Ecological activists deplete the last remaining subjective resources by mobilizing them uselessly against those who “deplete natural resources.” Like their “enemies,” they give little thought to how such precious resources — resources of courage, enthusiasm, confidence, know-how — are formed and replenished. It is as extractivists in their own way that they aspire to be recognized as equal interlocutors by the other extr/activist mafias.

      9. Ecology is the name of a problem, by no means that of a solution. When what is collapsing is an entire civilization, when it is the very way that we pose our problems that has itself become problematic, there’s no “solution” to be found. “Ecologists teach us why and how man’s future is at stake. But it is up to man, not the ecologist, to decide his future” (Georges Canguilhem, “The Question of Ecology,” 1973).

      10. The discourse of progress enabled Capital to overcome any inner resistance to the devastation wrought by modernization. Its function had less to do with legitimization than disinhibition. It was employed less for external than for internal conviction. Today it yields nothing, where it is not purely counterproductive. Judging by its results, no one can believe in progress any longer. Paradoxically, it is ecological discourse that has stepped in to take over. With its bioeconomy and its green new deal, Capital now turns to ecology to find the strength to continue doing what it has always done — mobilizing, exploiting, ravaging, massacring, and producing. Ecological rhetoric is not that in spite of which everything proceeds as before, but that which authorizes the continuation of business as usual and the deepening of the disaster. Therefore, it is in the name of ecology that we will see biotechnologies, nuclear power and geo-engineering in the future.

      11. The latest way this society has found to silence women is to allow them to speak only as “we women.” Anti-feminism is achieved as feminism in precisely the same way that anti-ecologism is achieved as ecologism.

      12. The current state of society is a hallucinatory one. Psychopathological categories have become the most fitting categories for political analysis; to locate them, we must simply look beyond the DSM. The ubiquitous reign of truly Orwellian lies is not an evil, but a disease.

      12bis. Contemporary nihilism is the existential expression of an ordinary material condition, namely, that of an omnilateral dependency on the infrastructures of Capital. It is an unsound thing to allow your life to rest, day after day, in the hands of your executioner.

      13. The symptom is the outcome of a state of suffering with no way out. When you cannot find, in the History you’re offered, any thread leading back to the world you’re born into, you can’t find the thread of your own life. "The fathers have eaten sour grapes; but it is the children’s teeth that have become blunt.”

      14. There are those who make history, and those who tell it. Those who make history know that those who tell it lie, but this lie is also the condition, for them, of being able to continue making it, unhindered.

      15. “It was military servicemen in Soviet Russia who taught the Germans the tactics of tank warfare by which they submerged France during the Second World War; likewise, it was Soviet cadres that trained the first German assault pilots, who proved to be such a surprise at the start of the same conflict” (Franz Jung, The Way Down). In August 1936, that is, after the outbreak of the Spanish Civil War, the entire Central Committee of the Italian Communist Party signed an appeal “for the salvation of Italy and the reconciliation of the Italian people.” It reads: “The Communists adopt the Fascist program of 1919, which is a program of peace, freedom, and defense of the interests of the workers, and say to you: let us fight together for the realization of this program.” Good luck making sense of that!

      16. Never have so few spoken in their own name as in our society of generalized narcissism. It’s through the ego that social magic grasps hold of you. To operate beyond the ego is not a moral injunction, but a precondition of strategy.

      17. At bottom, all activism is essentially therapeutic. Leaving aside the temporary media uproar it can occasionally solicit, its true purpose is to enable activists to “feel better about themselves,” to give them the distinctive feeling of not being “like everyone else” — that passive mass of anesthetized morons and bastards. For the activist, pretending to act “for others,” "for the planet," or “for the common good” is merely a cunning modality of narcissism and universal self-promotion. Through this trade in indulgences, one strives, under the cover of generic and generous motives, for one’s own individual moral advancement.

      18. It was through game theory that the peculiar mixture of cooperation and competition, information and dissimulation, pacification and war, bounded rationality and sheer insanity, rugged individualism and social injunctions that weave the present imperial society was engineered. It’s not without reason that the site in California where this theory was developed is the same spot where all the individualized cybernetic devices for which it constitutes the base code were subsequently developed. To the question, “What do applications apply?”, the response is simple: game theory.

      19. In the 1950s, in the cafeteria of the Rand Corporation where they worked, the founders of game theory used to play a board game of their own invention, entitled “Fuck your buddy!” “Fuck your buddy” forms the implicit moral code of all current social relationships, whether emotional or professional, casual or commercial, virtual or everyday. There’s nothing less playful than universal gamification. Once even the number of one’s “friends” becomes a field of competition, sympathy becomes merely a moment within the generalized hostility.

      20. Social fictions are by nature effective. In the old fiction, man was presented as the owner of his labor power, who then sold it to the owner of the means of production. The classical subject remains sovereign even at the moment he alienates his time and forces by selling them to another. His dignity and integrity were established for all eternity, even if they were violated on a daily basis. This was the subject of classical humanism, about whom jurists and trade-unionists never speak without a tinge of nostalgia, even if they remain unwilling to acknowledge its complete obsolescence as a social fiction. The prevailing fiction today is that of human capital. The subject of human capital is defined as the aggregate of his or her social capital, his health capital, relational capital, cultural capital, hair capital and so on. In no case is he the owner of the capital that he is. He is his social capital, his health capital, his relational capital, his cultural capital, his reputational capital, his hair capital, and so on. These aren’t things he can rent out, alienate, or make available to others without losing them thereby, without losing himself. As such, he is all the more jealous of them. Nor are they things that exist in themselves, outside of the social interactions that bring them into being, and which must for that matter be multiplied as much as possible.

      Just as there are expiring currencies, these are expiring capitals: they must be activated, maintained, accumulated, cherished, maximized, in short: produced at every moment and through every interaction — protected against their own tendential devaluation. The subject of human capital, servant of the capital that he is far more than master of himself, entrepreneur of himself far more than serene owner of his person, therefore knows only strategic interactions whose outcome must be optimized. Game theory — for which no feint, lie, or betrayal is too extreme in the service of its ends — is the theory of this “subject” marked by absolute precarity, programmed obsolescence, and such extreme inconsistency that it can be canceled at the slightest misstep according to the unpredictable movements of opinion and the codes of the day. To have transformed the human animal into this frantic, anguished, and empty information processor: this is the anthropological mutation crowned by social networks.

      21. A particularly jealous mistress, this society welcomes as a heartfelt token of loyalty every occasion where one of its members agrees to betray a friend, a loved one, or a relative, for its own sake and that of its misguided “values.” What is emerging, behind the media ritual of public confession, is a society of betrayal — a society in which mutual betrayal, and its possibility at each and every moment, serves as a new social pact. The parrhesia spilling out into the public is the same one that never appeared in the very relationships it calls into question, whose definitive spectrality is only further confirmed through this groveling.

      22. The imperative ideological alignment required of citizens during Operation Covid — followed by Operation Ukraine, Operation Climate and Operation Palestine — was the occasion for the sort of revolt of the mediocre that always accompanies the fascization of societies.

      23. Fascism already won when everyone renounced the task of thinking through the “Covid episode.” We all saw just what “culture” was worth, and how all these “critical intellectuals” were in fact more attached to their social status than to their own thought. By its complicit silence, this zombified Left already displayed its contempt for culture and intelligence, long before the fascists came to trample it underfoot.

      24. Those who pretend that there exists somewhere a constituted force, a given movement on which to base the possibility of a revolution, or even simply to counter the actions of the government, are not only misleading and deceiving themselves. By occupying the terrain in this way, they block the emergence of something new, something capable of grasping ahold of the epoch and wringing its neck.

      25. The need to hallucinate the existence of a movement stems from the fact that, for a certain number of ambitious losers, this fiction provides some sort of social consistency: they would be “part of it.” When you don’t know what you want, it’s common to want to exist — and then, inevitably, to fail, since existence can never be the result of a will. Clearly, some people believe that we can apply the “fake it until you make it” principle, so successful in the start-up economy, to the revolution.

      26. Just as social networks have captured the essence of social existence and the value attached to it, so radical activists have gradually been reduced to a marginal sub-sector of these networks, which has all but subsumed them. The impossibility — and ultimate superfluity — of having an effective strategy follows logically from this. Henceforth, social movements are primarily there as a support for the individual existence of activists on social networks. If these movements lead nowhere, if it matters so little whether they result in victory or defeat, it’s because they already amply fulfill this sufficient function.

      27. For the activist, the raison d’être of action is only relative to the images that can be produced of it, and even more so to the political exploitation of these images. As such, there’s no need to be scandalized by the strategic aberration or tactical who-fucking-cares attitude of these actions. The true efficacy of the act lies outside itself, in the media spin-offs it is designed to facilitate. From this point of view, a serious casualty is not necessarily a loss, and a crushing defeat can just as easily become a resounding success, provided we are not too sensitive to the suffering of the martyrs.

      28. Misplaced triumphalism, followed by silence about defeat once it is assured, counts among the most perverse forms of the left’s love of defeat, for activists and trade unionists alike. The celebration of non-existent victories conveniently masks the final retreat or, more often than not, the complete absence of strategy altogether. It’s no real paradox to consider that the real defeatists are those who, always positive, never stop applauding and congratulating themselves. Whereas it is those who unapologetically criticize “the movement” who most clearly demonstrate their refusal to be foolishly defeated, and thus their determination to win.

      29. There are those who want to win, and there are those who wish to be recognized — that is, those who consider it a victory to be recognized. True victory is not about the enemy, but about the possibility, in the wake of tactical success, of deploying one’s own plans. For this, you have to have plans.

      30. The way in which, during the coup du monde occasioned by the Covid syndemic, there was suddenly no one left to confront the government supports this hypothesis: that everyone is somewhere else.

      31. Political conscience affords no privilege. No one has proved more deluded in recent years than those who believe themselves to be “politicized.” No one has acted more stupidly than the “cultured.” It’s everywhere else than among the “politicized” that we must seek out those with whom we’ll make the revolution — they have too much social capital to lose not to be stupid and cowardly.

      32. You won’t hear from us again, or only by accident. We’re deserting your public space. We’re moving to the side of the real construction of forces, and of forms. We’re moving to the side of conspiracy, to the side of active conspiracism. We are “exiting the vampire’s castle.” See you on the outside!

      33. Believe enough in what you think not to say it. Believe enough in what we do not to publicize it. Leave it to the Christians and the leftists to enjoy the martyr’s taste for publicity.

      34. There will only be what we build. It’s precisely because there’s no one to save that a revolution is so necessary. The central political question of the 21st century is how to construct collective realities not based on sacrifice.

      35. “It is from here that we want to contribute to creating, as a collective front arriving in waves, the conditions for an ethical cultural change that allows us to escape the trap of the current cultural cohabitation, centered as it is on relations of mistrust and control, domination and competition specific to the patriarchal-matriarchal culture that we maintain practically all over the planet” (Humberto Maturana & Ximena Davila, Habitar Humano).

      36. Those who have won the war speak only of “peace.” Those who have appropriated everything speak only of inclusiveness. Those who are driven by the latest cynicism never forget to call for “benevolence.” They have even managed the miracle of converting just about every leftist in the world to these “values.” This is how they have managed to suppress even the possibility of revolution. And indeed, the victors are well placed to know that there is no such thing as an inclusive revolution, since it consists minimally in their violent exclusion. Nor is there such a thing as a benevolent or ecological revolution — unless you consider that burning palaces, confronting armed forces, or sabotaging major infrastructures would be such. “Where violence reigns, only violence helps,” Brecht said. For the victors, peace is but the eternity of their victory.

      37. Assholes deploy every possible humanitarian ideology in order to outlaw any clear-cut divide within humanity, which would obviously be to their disadvantage. We’re partisans of a world without assholes. This seems to us a minimal, coherent, and satisfying program.

      38. Learning to recognize assholes, even admitting their existence for a start, lies at the origins of our strength: illiteracy and indifference in ethical matters obviously only benefits assholes.

      39. The Party is strengthened by purging itself of its opportunist, nihilist, skeptical, Covidist, malignant, narcissistic, and postmodernist (etc.) elements.

      40. True collective power can only be built with those who have ceased to fear being alone.

      #fragmentation

    • sous deepl

      Le texte qui suit est publié simultanément en anglais et en allemand, où il paraîtra dans le numéro inaugural du Neue illustrierte Berliner Zeitung, un journal qui, en plus d’être vendu dans les kiosques à journaux de Berlin, sera également collé sur les murs de la ville comme un Dazibao.

      L’animosité du texte peut être distillée à partir de son titre. D’une part, il évoque les mystérieuses « thèses de Hambourg » de 1961, composées par Guy Debord, Raoul Vaneigem et Attila Kotányi en trois jours, lors d’une « dérive » alcoolisée à travers la ville portuaire du nord, à la suite de l’acrimonieuse « 5e conférence de l’Internationale situationniste ». Bien qu’elles n’aient jamais été écrites, les « Thèses » sont considérées par beaucoup (y compris par Debord lui-même) comme un tournant dans l’histoire du groupe, le moment où l’IS a affirmé son engagement à « réaliser la philosophie », c’est-à-dire à relancer le mouvement révolutionnaire. Si un nouveau départ était nécessaire, c’est parce que, comme le rappellera plus tard Debord, on ne pouvait « plus accorder la moindre importance à aucune des idées des groupes révolutionnaires qui survivaient encore comme héritiers du vieux mouvement d’émancipation sociale détruit dans la première moitié de notre siècle ». Il était urgent d’initier une nouvelle vague de contestation « le plus tôt possible », tout en « revitalisant tous les points de départ fondamentaux ».

      On peut également entendre une référence claire aux mémoires de Bommi Baumann, Wie alles anfing [Comment tout a commencé], rassemblées à partir d’interviews réalisées alors que Baumann vivait en tant que fugitif de l’État ouest-allemand. Trois ans auparavant, en juillet 1971, Baumann et son ami Georg von Rauch avaient fondé le Mouvement du 2 juin, un groupe de guérilla urbaine anarchiste responsable d’une vague de vols à main armée, d’attentats à la bombe, de sabotages et d’émeutes, ainsi que de l’enlèvement très médiatisé de Peter Lorenz, candidat de la droite à la mairie de Berlin, qui fut échangé avec succès contre la libération de plusieurs camarades emprisonnés.

      En 1974, cependant, on constate « une stagnation de l’ensemble du mouvement partout... Tout le monde est touché par cette stagnation ». Le temps est venu, « pour ceux qui sont là depuis longtemps, de réfléchir une fois de plus... » Pour Baumann, la question centrale est de savoir comment une lutte armée trop militariste peut faire place à une phase constructive de l’antagonisme qui peut « continuer à se battre, à un autre niveau, dans une autre arène », à travers des formes qui ne sont pas circonscrites par la question de « l’extermination ». Bref, un nouveau départ est nécessaire pour que le mouvement révolutionnaire autonome ne soit pas « enseveli sous les décombres du système qui s’effondre ».

      Pour Dubruska, qui parle depuis une position de « conspirationnisme actif », la nécessité d’un nouveau départ a d’autres contours. Dans notre société de décombres, une société régie par des fictions concurrentes sur les causes de son propre effondrement, il y a un risque que nos efforts pour échapper à la catastrophe deviennent les accoucheurs involontaires d’un sauvetage écologique du système capitaliste lui-même. Comment, dans nos efforts pour construire et défendre des lieux de vie, pouvons-nous éviter de sécuriser involontairement la plate-forme d’un projet nouvellement réorganisé de « mobilisation, exploitation, ravage, massacre et production » ?

      *

      Si nous avons été vaincus, il n’y a rien d’autre à faire que de recommencer depuis le début. Heureusement, le bref intervalle de repos qui nous est accordé entre la fin du premier et le début du second acte du mouvement, nous donne le temps d’accomplir une partie vraiment nécessaire de notre tâche : rechercher les causes qui ont à la fois rendu nécessaire ce dernier soulèvement et, en même temps, conduit à sa défaite.

      –Engels, Révolution et contre-révolution en Allemagne (1851)

      1. Dans son effondrement intérieur, cette société n’a pas trouvé de meilleur tour à jouer à ses adversaires que de leur arracher son nouvel Ersatz de morale. Dans les derniers retranchements du nihilisme, l’oppression s’exprimera ainsi dans le langage de l’écologie, du féminisme et de l’antiracisme. Les fascistes, quant à eux, auront plus de facilité à se présenter comme les véritables défenseurs de la liberté, de la démocratie, des alternatives contre-hégémoniques et, en fin de compte, de la révolution.

      2. C’est l’époque du féminisme Barbie et de la gauche Pfizer, des anarchistes pro-censure et des autonomistes pro-OTAN, de l’horizontalisme autoritaire, du nucléaire vert et du stalinisme vaccinal, des bombardements pour les droits des LGBTQIA+ et de l’anti-pape - le pape qui, en matière de migrants, d’écologie, de critique du capitalisme, de la guerre ou de la hiérarchie, renvoie le gauchisme à son inanité en le renvoyant à son origine.

      3. Rien n’est plus grave, et plus gravement contemporain, que la théologie. C’est l’ignorance de la théologie qui permet à celle-ci de perpétuer son règne, sous couvert de politique, d’économie, de science, de philosophie, de littérature et même de vie quotidienne. Pour vaincre la théologie, il faut vaincre l’ignorance que nous en avons. Athées, encore un effort si vous voulez être révolutionnaires !

      4. « Nous assistons à une véritable manie de la consécration du féminisme, la société allant jusqu’à adopter une attitude de promotion... Les modes sont multiples et sournois et, sans le vouloir, nous risquons d’y tomber et d’être piégés. Le besoin particulier de reconnaissance des femmes est stimulé par un climat d’intérêt et d’opportunités pratiques. La société en est venue à accepter les prémisses du féminisme sans saisir l’évolution qui clarifie ces mêmes prémisses. Elle considère le féminisme comme une idéologie, c’est-à-dire comme un pouvoir, et à ce titre elle le respecte parce qu’il confirme - au lieu de mettre en crise - ce que nous voulons au contraire subvertir » (Carla Lonzi, Ecrits, voix d’Italie, 1977).

      5. « Le grand danger serait de remplacer le mythe de la classe ouvrière porteuse des valeurs d’avenir par celui de la protection de l’environnement et de la biosphère, ce qui pourrait tout aussi bien prendre un caractère totalement totalisant et totalitaire. [...] L’industrie ne demanderait pas mieux que d’instrumentaliser le mouvement écologiste comme elle a instrumentalisé le mouvement syndical pour structurer sa propre société. [C’est pourquoi, à mon avis, le mouvement écologiste devrait d’abord se préoccuper de sa propre écologie sociale et mentale » (Félix Guattari, Chimères n° 28, 1991-1992).

      6. Le mouvement ouvrier a été vaincu en critiquant la société bourgeoise dans son propre langage, celui de l’économie. Aujourd’hui, des hurluberlus prétendent contester la société cybernétique dans son propre langage, celui de l’écologie. Si la société porte un regard si bienveillant sur ces activistes, c’est qu’ils ont l’intention de nous conduire à une défaite équivalente.

      7. L’écrivain de science-fiction écologiste Kim Stanley Robinson a récemment déclaré : « Je rencontre beaucoup de technocrates, et il y en a qui aimeraient voir beaucoup plus d’activisme. (...) Entre les technocrates, les activistes et les actions citoyennes de masse, des synergies et des alliances sont possibles ». Personne ne s’allie à un plus fort que lui sans devenir, consciemment ou non, son vassal. Agir en étant gouverné par son inconscient n’a jamais servi d’excuse.

      8. Les militants écologistes épuisent les dernières ressources subjectives en les mobilisant inutilement contre ceux qui « épuisent les ressources naturelles ». Comme leurs « ennemis », ils ne se préoccupent guère de savoir comment se forment et se reconstituent ces ressources si précieuses que sont le courage, l’enthousiasme, la confiance, le savoir-faire. C’est en tant qu’extractivistes à leur manière qu’ils aspirent à être reconnus comme des interlocuteurs égaux par les autres mafias extras/activistes.

      9. L’écologie est le nom d’un problème, en aucun cas celui d’une solution. Quand c’est toute une civilisation qui s’effondre, quand c’est la façon même dont nous posons nos problèmes qui est devenue elle-même problématique, il n’y a pas de « solution » à trouver. « Les écologistes nous apprennent pourquoi et comment l’avenir de l’homme est en jeu. Mais c’est à l’homme, et non à l’écologiste, de décider de son avenir » (Georges Canguilhem, « La question de l’écologie », 1973).

      10. Le discours du progrès a permis au Capital de surmonter toute résistance intérieure aux ravages de la modernisation. Sa fonction est moins de légitimation que de désinhibition. Il servait moins à convaincre à l’extérieur qu’à l’intérieur. Aujourd’hui, elle ne donne rien, quand elle n’est pas purement contre-productive. A en juger par ses résultats, plus personne ne peut croire au progrès. Paradoxalement, c’est le discours écologique qui a pris le relais. Avec sa bioéconomie et son green new deal, le Capital se tourne désormais vers l’écologie pour trouver la force de continuer à faire ce qu’il a toujours fait : mobiliser, exploiter, ravager, massacrer, produire. La rhétorique écologique n’est pas celle malgré laquelle tout continue comme avant, mais celle qui autorise la poursuite du business as usual et l’aggravation du désastre. C’est donc au nom de l’écologie que nous verrons à l’avenir les biotechnologies, le nucléaire et la géo-ingénierie.

      11. La dernière façon que cette société a trouvée pour faire taire les femmes est de leur permettre de parler uniquement en tant que « nous, les femmes ». L’antiféminisme est réalisé en tant que féminisme de la même manière que l’anti-écologisme est réalisé en tant qu’écologisme.

      12. L’état actuel de la société est hallucinatoire. Les catégories psychopathologiques sont devenues les catégories les plus adaptées à l’analyse politique ; pour les repérer, il suffit de regarder au-delà du DSM. Le règne omniprésent du mensonge orwellien n’est pas un mal, mais une maladie.

      12bis. Le nihilisme contemporain est l’expression existentielle d’une condition matérielle ordinaire, celle d’une dépendance omnilatérale à l’égard des infrastructures du Capital. Il n’est pas sain de laisser sa vie reposer, jour après jour, entre les mains de son bourreau.

      13. Le symptôme est l’aboutissement d’un état de souffrance sans issue. Quand on ne trouve pas, dans l’Histoire qu’on nous propose, un fil qui nous ramène au monde dans lequel on est né, on ne trouve pas le fil de sa propre vie. "Les pères ont mangé des raisins aigres, mais ce sont les dents des enfants qui se sont émoussées.

      14. Il y a ceux qui font l’histoire et ceux qui la racontent. Ceux qui font l’histoire savent que ceux qui la racontent mentent, mais ce mensonge est aussi la condition, pour eux, de pouvoir continuer à la faire, sans entrave.

      15. « Ce sont les militaires de la Russie soviétique qui ont enseigné aux Allemands la tactique de la guerre des chars par laquelle ils ont submergé la France pendant la Seconde Guerre mondiale ; de même, ce sont les cadres soviétiques qui ont formé les premiers pilotes d’assaut allemands, qui se sont révélés si surprenants au début de ce même conflit » (Franz Jung, The Way Down). En août 1936, c’est-à-dire après le déclenchement de la guerre civile espagnole, l’ensemble du comité central du parti communiste italien a signé un appel « pour le salut de l’Italie et la réconciliation du peuple italien ». Elle se lit comme suit : « Les communistes adoptent le programme fasciste de 1919, qui est un programme de paix, de liberté et de défense des intérêts des travailleurs, et vous disent : luttons ensemble pour la réalisation de ce programme. » Bonne chance pour donner un sens à tout cela !

      16. Jamais aussi peu de gens n’ont parlé en leur nom propre que dans notre société de narcissisme généralisé. C’est par le biais de l’ego que la magie sociale s’empare de vous. Opérer au-delà de l’ego n’est pas une injonction morale, mais une condition préalable de la stratégie.

      17. Au fond, tout activisme est essentiellement thérapeutique. Abstraction faite de l’agitation médiatique temporaire qu’il peut occasionnellement susciter, son véritable objectif est de permettre aux militants de « se sentir mieux dans leur peau », de leur donner le sentiment distinctif de ne pas être « comme tout le monde » - cette masse passive de crétins et de salauds anesthésiés. Pour le militant, prétendre agir « pour les autres », « pour la planète » ou « pour le bien commun » n’est qu’une modalité astucieuse du narcissisme et de l’autopromotion universelle. Par ce commerce d’indulgences, on s’efforce, sous couvert de motifs génériques et généreux, d’assurer sa propre promotion morale.

      18. C’est grâce à la théorie des jeux que le mélange particulier de coopération et de concurrence, d’information et de dissimulation, de pacification et de guerre, de rationalité limitée et de folie pure, d’individualisme exacerbé et d’injonctions sociales qui tisse la société impériale actuelle a été conçu. Ce n’est pas sans raison que le site californien où cette théorie a été élaborée est le même que celui où tous les dispositifs cybernétiques individualisés dont elle constitue le code de base ont été développés par la suite. À la question « Quelles sont les applications ? », la réponse est simple : la théorie des jeux.

      19. Dans les années 50, à la cafétéria de la Rand Corporation où ils travaillaient, les fondateurs de la théorie des jeux avaient l’habitude de jouer à un jeu de société de leur invention, intitulé « Fuck your buddy ! ». « Fuck your buddy » constitue le code moral implicite de toutes les relations sociales actuelles, qu’elles soient affectives ou professionnelles, occasionnelles ou commerciales, virtuelles ou quotidiennes. Rien de moins ludique que la gamification universelle. Dès lors que le nombre même de ses « amis » devient un champ de compétition, la sympathie n’est plus qu’un moment de l’hostilité généralisée.

      20. Les fictions sociales sont par nature efficaces. Dans l’ancienne fiction, l’homme était présenté comme le propriétaire de sa force de travail, qui la vendait ensuite au propriétaire des moyens de production. Le sujet classique reste souverain même au moment où il aliène son temps et ses forces en les vendant à un autre. Sa dignité et son intégrité sont établies pour l’éternité, même si elles sont violées quotidiennement. Tel était le sujet de l’humanisme classique, dont les juristes et les syndicalistes ne parlent jamais sans une pointe de nostalgie, même s’ils se refusent à reconnaître sa totale obsolescence en tant que fiction sociale. La fiction qui prévaut aujourd’hui est celle du capital humain. Le sujet du capital humain est défini comme l’agrégat de son capital social, de son capital santé, de son capital relationnel, de son capital culturel, de son capital capillaire, etc. Il n’est en aucun cas le propriétaire du capital qu’il est. Il est son capital social, son capital santé, son capital relationnel, son capital culturel, son capital réputationnel, son capital capillaire, etc. Ce ne sont pas des choses qu’il peut louer, aliéner, mettre à disposition des autres sans les perdre par là même, sans se perdre lui-même. Il en est d’autant plus jaloux. Ce ne sont pas non plus des choses qui existent en soi, en dehors des interactions sociales qui les font naître, et qu’il faut d’ailleurs multiplier le plus possible.

      Tout comme il y a des monnaies qui expirent, il y a des capitaux qui expirent : ils doivent être activés, entretenus, accumulés, chéris, maximisés, bref : produits à chaque instant et à travers chaque interaction - protégés contre leur propre dévaluation tendancielle. Le sujet du capital humain, serviteur du capital qu’il est bien plus que maître de lui-même, entrepreneur de lui-même bien plus que propriétaire serein de sa personne, ne connaît donc que des interactions stratégiques dont l’issue doit être optimisée. La théorie des jeux - pour laquelle aucune feinte, aucun mensonge, aucune trahison n’est trop extrême au service de ses fins - est la théorie de ce « sujet » marqué par la précarité absolue, l’obsolescence programmée, et une inconsistance si extrême qu’il peut être annulé au moindre faux pas selon les mouvements imprévisibles de l’opinion et les codes du jour. Avoir transformé l’animal humain en ce processeur d’information frénétique, angoissé et vide : telle est la mutation anthropologique couronnée par les réseaux sociaux.

      21. Maîtresse particulièrement jalouse, cette société accueille comme un chaleureux témoignage de loyauté chaque fois qu’un de ses membres accepte de trahir un ami, un proche, un parent, pour son propre bien et celui de ses « valeurs » dévoyées. Ce qui émerge, derrière le rituel médiatique de la confession publique, c’est une société de la trahison - une société dans laquelle la trahison mutuelle, et sa possibilité à chaque instant, sert de nouveau pacte social. La parrhésie qui s’étale sur la place publique est celle-là même qui n’est jamais apparue dans les relations qu’elle met en cause, et 2, un mouvement donné sur lequel fonder la possibilité d’une révolution, ou même simplement pour contrer les actions du gouvernement, ne font pas que se tromper et se trompent eux-mêmes. En occupant ainsi le terrain, ils bloquent l’émergence de quelque chose de nouveau, capable de saisir l’époque et de lui tordre le cou.

      25. Le besoin d’halluciner l’existence d’un mouvement vient du fait que, pour un certain nombre de perdants ambitieux, cette fiction fournit une sorte de cohérence sociale : ils en feraient « partie ». Quand on ne sait pas ce que l’on veut, il est courant de vouloir exister - et puis, inévitablement, d’échouer, puisque l’existence ne peut jamais être le résultat d’une volonté. Manifestement, certains pensent que l’on peut appliquer à la révolution le principe du « fake it until you make it », qui a si bien réussi dans l’économie des start-up.

      26. De même que les réseaux sociaux ont capturé l’essence de l’existence sociale et la valeur qui lui est attachée, les activistes radicaux ont été progressivement réduits à un sous-secteur marginal de ces réseaux, qui les a pratiquement subsumés. L’impossibilité - et la superfluité ultime - d’avoir une stratégie efficace en découle logiquement. Désormais, les mouvements sociaux sont avant tout là pour servir de support à l’existence individuelle des militants sur les réseaux sociaux. Si ces mouvements ne mènent nulle part, s’il importe si peu qu’ils aboutissent à une victoire ou à une défaite, c’est qu’ils remplissent déjà amplement cette fonction suffisante.

      27. Pour le militant, la raison d’être de l’action n’est que relative aux images que l’on peut en produire, et plus encore à l’exploitation politique de ces images. Il n’y a donc pas lieu de se scandaliser de l’aberration stratégique ou du je-m’en-foutisme tactique de ces actions. La véritable efficacité de l’acte se situe à l’extérieur de lui-même, dans les retombées médiatiques qu’il est censé faciliter. De ce point de vue, une perte grave n’est pas nécessairement une perte, et une défaite cuisante peut tout aussi bien devenir un succès retentissant, à condition de ne pas être trop sensible à la souffrance des martyrs.

      28. Le triomphalisme déplacé, suivi du silence sur la défaite une fois qu’elle est assurée, compte parmi les formes les plus perverses de l’amour de la gauche pour la défaite, tant pour les militants que pour les syndicalistes. La célébration de victoires inexistantes masque opportunément le recul final ou, le plus souvent, l’absence totale de stratégie. Il n’est pas vraiment paradoxal de considérer que les vrais défaitistes sont ceux qui, toujours positifs, ne cessent d’applaudir et de se féliciter. Alors que ce sont ceux qui critiquent sans complexe « le mouvement » qui manifestent le plus clairement leur refus d’être bêtement vaincus, et donc leur détermination à gagner.

      29. Il y a ceux qui veulent gagner et ceux qui veulent être reconnus, c’est-à-dire ceux qui considèrent que c’est une victoire d’être reconnu. La vraie victoire ne concerne pas l’ennemi, mais la possibilité, à la suite d’un succès tactique, de déployer ses propres plans. Pour cela, il faut avoir des plans.

      30. La façon dont, lors du coup du monde provoqué par la syndromie Covid, il n’y avait soudain plus personne pour affronter le gouvernement confirme cette hypothèse : tout le monde est ailleurs.

      31. La conscience politique n’est pas un privilège. Personne ne s’est autant trompé ces dernières années que ceux qui se croient « politisés ». Personne n’a agi plus bêtement que les « cultivés ». C’est partout ailleurs que chez les « politisés » qu’il faut chercher ceux avec qui nous ferons la révolution - ils ont trop de capital social à perdre pour ne pas être stupides et lâches.

      32. Vous n’entendrez plus parler de nous, ou seulement par accident. Nous désertons votre espace public. Nous passons du côté de la construction réelle des forces et des formes. Nous passons du côté de la conspiration, du côté du conspirationnisme actif. Nous « sortons du château du vampire ». Rendez-vous à l’extérieur !

      33. Croyez suffisamment en ce que vous pensez pour ne pas le dire. Croyez suffisamment en ce que nous faisons pour ne pas le rendre public. Laissons aux chrétiens et aux gauchistes le goût du martyr pour la publicité.

      34. Il n’y aura que ce que nous construirons. C’est précisément parce qu’il n’y a personne à sauver qu’une révolution est si nécessaire. La question politique centrale du XXIe siècle est de savoir comment construire des réalités collectives qui ne soient pas fondées sur le sacrifice.

      35. « C’est à partir de là que nous voulons contribuer à créer, en tant que front collectif arrivant par vagues, les conditions d’un changement culturel éthique qui nous permette d’échapper au piège de la cohabitation culturelle actuelle, centrée comme elle l’est sur les relations de méfiance et de contrôle, de domination et de compétition propres à la culture patriarcale-matriarcale que nous maintenons pratiquement sur toute la planète » (Humberto Maturana & Ximena Davila, Habitar Humano).

      36. Ceux qui ont gagné la guerre ne parlent que de « paix ». Ceux qui se sont tout approprié ne parlent que d’inclusion. Ceux qui sont animés par le dernier cynisme n’oublient jamais d’appeler à la « bienveillance ». Ils ont même réussi le miracle de convertir à ces « valeurs » à peu près tous les gauchistes du monde. C’est ainsi qu’ils ont réussi à supprimer toute possibilité de révolution. En effet, les vainqueurs sont bien placés pour savoir qu’il n’existe pas de révolution inclusive, puisqu’elle consiste minimalement en leur exclusion violente. Il n’y a pas non plus de révolution bienveillante ou écologique - à moins de considérer que brûler des palais, affronter des forces armées ou saboter des infrastructures majeures en soit une. « Là où règne la violence, seule la violence aide », disait Brecht. Pour les vainqueurs, la paix n’est que l’éternité de leur victoire.

      37. Les connards déploient toutes les idéologies humanitaires possibles pour proscrire tout clivage net au sein de l’humanité, ce qui serait évidemment à leur désavantage. Nous sommes partisans d’un monde sans trous du cul. Cela nous semble un programme minimal, cohérent et satisfaisant.

      38. Apprendre à reconnaître les cons, voire admettre leur existence pour commencer, est à l’origine de notre force : l’analphabétisme et l’indifférence en matière d’éthique ne profitent évidemment qu’aux cons.

      39. Le Parti se renforce en se purgeant de ses éléments opportunistes, nihilistes, sceptiques, covidistes, malins, narcissiques, postmodernistes (etc.).

      40. Le véritable pouvoir collectif ne peut se construire qu’avec ceux qui ont cessé de craindre d’être seuls.

      Novembre 2023

  • Non, le « #choc_des_civilisations » n’aide pas à comprendre notre époque

    Depuis le 7 octobre, les idées du professeur américain #Samuel_Huntington sont à nouveau vantées, au service d’un idéal de #repli_identitaire. Pourtant, ces thèses fragiles ont été largement démontées, sur le plan empirique comme théorique.

    C’est un des livres de relations internationales les plus cités au monde. Publié en 1996, trois ans après un article dans Foreign Affairs, Le Choc des civilisations a fourni un concept qui a proliféré dans le débat public. À la faveur de sa republication en poche aux éditions Odile Jacob, la journaliste et essayiste Eugénie Bastié a eu une révélation : son auteur, le politiste Samuel Huntington (1927-2008), était le prophète de notre époque. Sacrément épatée, elle affirme dans Le Figaro que « chaque jour, l’actualité donne raison » à ce livre « majeur ».

    Elle n’est ni la première ni la seule à le penser. À chaque attentat ou chaque guerre mettant aux prises des belligérants de religions différentes, la théorie est ressortie du chapeau comme une grille explicative. Depuis les massacres du Hamas du 7 octobre, c’est à nouveau le cas. Dans Le Point, Franz-Olivier Giesbert n’a pas manqué de la convoquer dans un de ses éditoriaux. Dans la plus confidentielle et vénérable Revue politique et parlementaire, un juriste s’est appuyé sur Huntington pour conclure tranquillement à « une certaine incompatibilité civilisationnelle entre Arabes et Israéliens et, partant, entre Orient et Occident ».

    Huntington pensait qu’avec la fin de la Guerre froide, les #facteurs_culturels allaient devenir prédominants pour expliquer la #conflictualité dans le système international. Il ajoutait que les risques de conflictualité seraient maximisés aux points de rencontre entre « #civilisations ». À l’en croire, ces dernières seraient au nombre de neuf. La #religion serait un de leurs traits distinctifs essentiels, parmi d’autres caractéristiques socio-culturelles ayant forgé, selon lui, des différences bien plus fondamentales que celles qui existent entre idéologies ou régimes politiques.

    De nombreuses critiques ont été faites aux thèses d’Huntington. Aujourd’hui, ces dernières sont largement considérées comme infirmées et inutilisables dans sa propre discipline. Elles ne sont plus reprises que par des universitaires qui ne sont pas spécialistes de relations internationales, et des acteurs politico-médiatiques qui y trouvent un habillage scientifique aux obsessions identitaires qui les habitent déjà.

    Il faut dire que dans la réflexion d’Huntington, la reconnaissance des #identités_civilisationnelles à l’échelle globale va de pair avec un rejet du multiculturalisme à l’intérieur des États. Eugénie Bastié l’a bien compris, se délectant des conclusions du professeur américain, qu’elle reprend à son compte : « La #diversité est bonne au niveau mondial, mortifère au niveau national. L’#universalisme est un danger à l’extérieur, le #multiculturalisme une #menace à l’intérieur. »

    Des résultats qui ne collent pas

    Le problème, c’est que les thèses d’Huntington ont été largement démontées, sur le plan empirique comme théorique. Comme l’a déjà rappelé Olivier Schmitt, professeur à l’Université du Sud au Danemark, des chercheurs ont « testé » les prédictions d’Huntington. Or ils sont tombés sur des résultats qui ne collent pas : « Les actes terroristes, comme les conflits, ont historiquement toujours eu majoritairement lieu – et continuent d’avoir majoritairement lieu – au sein d’une même civilisation. »

    Dans Philosophies du multiculturalisme (Presses de Sciences Po, 2016), le politiste Paul May relève que « les arguments avancés par Huntington pour justifier sa thèse du choc des civilisations ne reposent pas sur de larges analyses empiriques, mais plutôt sur une série d’anecdotes et d’intuitions ». Il dresse le même constat à propos des alertes angoissées d’Huntington sur le supposé moindre sentiment d’appartenance des #minorités à la nation états-unienne, notamment les Hispaniques.

    Huntington procède en fait par #essentialisation, en attribuant des #valeurs_figées à de vastes ensembles socio-culturels, sans prendre au sérieux leur #variabilité dans le temps, dans l’espace et à l’intérieur des groupes appartenant à ces ensembles. Par exemple, son insistance sur l’hostilité entre l’#Occident_chrétien et la #civilisation_islamique néglige de nombreux épisodes de coopération, d’influences mutuelles, d’alliances et de renversement d’alliances, qui ont existé et ont parfois répondu à des intérêts politico-stratégiques. Car si les #identités_culturelles ont bien un potentiel mobilisateur, elles sont justement intéressantes à enrôler et instrumentaliser dans une quête de puissance.

    Le « #déterminisme_culturaliste » d’Huntington, écrivait le professeur Dario Battistella dès 1994, « mérite une #critique approfondie, à l’image de toutes les explications unifactorielles en sciences sociales ». Au demeurant, les frontières tracées par Huntington entre les civilisations existantes reposent sur des critères peu clairs et discutables. Le chercheur Paul Poast a remarqué, dans un fil sur X, que ses choix aboutissent à une superposition troublante avec une carte des « races mondiales », « produite par Lothrop Stoddard dans les années 1920, [ce dernier étant connu pour être] explicitement un suprémaciste blanc ».

    Les mauvais exemples d’#Eugénie_Bastié

    Les exemples mobilisés par Eugénie Bastié dans Le Figaro illustrent toutes les limites d’une lecture outrancièrement culturaliste de la réalité.

    « Dans le cas du conflit israélo-palestinien, écrit-elle, l’empathie n’est plus dictée par des choix rationnels ou idéologiques mais par des appartenances religieuses et identitaires. » Il était toutefois frappant, avant le 7 octobre, de constater à quel point les États du monde arabe et musulman s’étaient désintéressés de la question palestinienne, l’un des objectifs du #Hamas ayant justement été de faire dérailler la normalisation des relations en cours. Et si la composante islamiste de l’identité du Hamas est indéniable, la situation est incompréhensible sans tenir compte du fait qu’il s’agit d’un conflit pour la terre, que d’autres acteurs palestiniens, laïques voire, socialisants, ont porté avant le Hamas.

    Concernant l’#Ukraine, Bastié explique qu’« entre un Ouest tourné vers l’Occident et un Est russophone, Huntington prévoyait trois scénarios : une Ukraine unie pro-européenne, la division en deux avec un est annexé à la Russie, une Ukraine unie tournée vers la Russie. On sait désormais que l’on s’achemine plus ou moins vers le deuxième scénario, le plus proche du paradigme du choc des civilisations. »

    Remarquons d’abord la précision toute relative d’une théorie qui « prédit » des issues aussi contradictoires. Soulignons ensuite que malgré tout, Huntington considérait bien que « si la #civilisation est ce qui compte, la probabilité de la #violence entre Ukrainiens et Russes devrait être faible » (raté). Pointons enfin la séparation caricaturale établie par l’essayiste entre les parties occidentale et orientale du pays. Comme l’a montré l’historien Serhii Plokhy, les agressions russes depuis 2014 ont plutôt contribué à homogénéiser la nation ukrainienne, « autour de l’idée d’une nation multilingue et multiculturelle, unie sur le plan administratif et politique ».

    Enfin, Bastié devait forcément glisser qu’Huntington a formulé sa théorie du choc des civilisations avant même les attentats du 11 septembre 2001, censés illustrer « la résurgence du conflit millénaire entre l’islam et l’Occident ».

    Reprenant sa critique du politiste américain à l’aune de cet événement, Dario Battistella a cependant souligné que « loin de constituer les prémices d’une bataille à venir entre deux grandes abstractions, #Occident et #Islam, les attentats du 11 septembre sont bien l’expression d’une forme pervertie de l’islam utilisée par un mouvement politique dans sa lutte contre la puissance hégémonique américaine ; quant aux bombardements américano-britanniques contre Al-Qaïda et les talibans, ce sont moins des croisades que des opérations de police, de maintien de la “pax americana”, entreprises par la puissance impériale et sa principale alliée parmi les puissances satisfaites de l’ordre existant. »

    À ces illustrations guère convaincantes du prophétisme de Samuel Huntington, il faut ajouter les exemples dont Eugénie Bastié ne parle pas, et qui ne collent pas non plus avec sa grille de lecture.

    Avec la tragédie du Proche-Orient et l’agression russe en Ukraine, l’autre grand drame historique de cette année s’est ainsi joué en #Arménie et en #Azerbaïdjan, avec le #nettoyage_ethnique du #Haut-Karabakh. Or si ce dernier a été possible, c’est parce que le régime arménien a été lâché par son protecteur russe, en dépit de populations communiant majoritairement dans le #christianisme_orthodoxe.

    Cet abandon, à laquelle la difficile révolution démocratique en Arménie n’est pas étrangère, a permis au dirigeant azéri et musulman #Ilham_Aliev de donner libre cours à ses ambitions conquérantes. L’autocrate a bénéficié pour cela d’armes turques, mais il a aussi alimenté son arsenal grâce à l’État d’Israël, censé être la pointe avancée de l’Occident judéo-chrétien dans le schéma huntingtonien interprété par Eugénie Bastié.

    Le côté « chacun chez soi » de l’essayiste, sans surprendre, témoigne en parallèle d’une indifférence aux revendications démocratiques et féministes qui transcendent les supposées différences civilisationnelles. Ces dernières années, ces revendications se sont données à voir avec force en Amérique latine aussi bien qu’en #Iran, où les corps suppliciés des protestataires iraniennes témoignent d’une certaine universalité du combat contre la #domination_patriarcale et religieuse. Cela ne légitime aucune aventure militaire contre l’Iran, mais rappelle que toutes les actions de soutien aux peuples en lutte pour leurs droits sont positives, n’en déplaise au fatalisme huntingtonien.

    On l’aura compris, la thématique du choc des civilisations n’aide aucunement à comprendre notre chaotique XXIe siècle. Il s’agit d’un gimmick réactionnaire, essentialiste et réductionniste, qui donne une fausse coloration scientifique à une hantise du caractère mouvant et pluriel des identités collectives. Sur le plan de la connaissance, sa valeur est à peu près nulle – ou plutôt, elle est la pire manière d’appeler à prendre en compte les facteurs culturels, ce qui souffre beaucoup moins la contestation.

    Sur le plan politique, la théorie du choc des civilisations est un obstacle aux solidarités à construire dans un monde menacé par la destruction de la niche écologique dont a bénéficié l’espèce humaine. Ce sont des enjeux de justice climatique et sociale, avec ce qu’ils supposent de réparations, répartition, redistribution et régulation des ressources, qu’il s’agit de mettre en avant à toutes les échelles du combat politique.

    Quant aux principes libéraux et démocratiques, ils méritent également d’être défendus, mais pas comme des valeurs identitaires opposées à d’autres, dont nous serions condamnés à vivre éloignés. L’universalisme n’est pas à congédier parce qu’il a servi d’alibi à des entreprises de domination. Quand il traduit des aspirations à la paix, à la dignité et au bien-être, il mérite d’être défendu, contre tous les replis identitaires.

    https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/231223/non-le-choc-des-civilisations-n-aide-pas-comprendre-notre-epoque
    #Palestine #Israël

    #Huntington

  • #Recherche : les tours de #passe-passe d’#Emmanuel_Macron

    Le chef de l’Etat s’est targué d’un #bilan flatteur en matière d’investissement pour le monde de la recherche, en omettant des #indicateurs inquiétants et des promesses non tenues, tout en vantant une #concurrence délétère.

    Devant un parterre de plusieurs centaines de scientifiques, le 7 décembre, à l’Elysée, le président de la République, Emmanuel Macron, était à l’aise, volontaire, et « en compagnonnage » avec la communauté académique, comme il l’a confessé. Mais c’est moins en passionné de science qu’en magicien qu’il s’est en fait comporté, escamotant ce qui ne rentrait pas dans son cadre, multipliant les tours de passe-passe, sortant quelques lapins du chapeau, pour aboutir à transformer les flatteries adressées à son auditoire en cinglantes critiques. Au point de faire « oublier » un autre discours célèbre, celui de Nicolas Sarkozy en janvier 2009, qui avait lâché : « Un chercheur français publie de 30 % à 50 % en moins qu’un chercheur britannique. (…) Evidemment, si l’on ne veut pas voir cela, je vous remercie d’être venu, il y a de la lumière, c’est chauffé… »

    Premier tour de magie classique, celui de l’embellissement du bilan. Comme une baguette magique, son arrivée en 2017 aurait mis fin à des années de « #désinvestissement_massif ». Sauf que cela ne se voit pas dans le critère habituel de la part du PIB consacrée en recherche et développement (R&D), qui est restée stable depuis le début du premier quinquennat, à 2,2 %. Les estimations indiquent même une baisse à 2,18 % pour 2022.

    Cela ne se voit pas non plus dans la part des #publications nationales dans le total mondial, dont il a rappelé qu’elle a baissé, sans dire qu’elle continue de le faire malgré ses efforts. Même les annexes au projet de loi de finances pour 2024 prévoient que cela va continuer. Pire, côté bilan, compte tenu de l’inflation, la « magique » #loi_de_programmation_de_la_recherche de 2020 donne en fait des #moyens en baisse aux #laboratoires l’an prochain.

    Avec plus de « réussite », le président de la République a littéralement fait disparaître du paysage 7 milliards d’euros. Il s’agit de l’enveloppe, dont se prive volontairement l’Etat chaque année, pour soutenir la recherche et développement des entreprises – le #crédit_d’impôt_recherche – sans résultat macroéconomique. La part des dépenses de #R&D des #entreprises ne suit pas la progression du crédit d’impôt recherche. Mais il n’est toujours pas question d’interroger l’#efficacité du dispositif, absent de l’allocution, comme celle des mesures sur l’#innovation, le 11 décembre à Toulouse.

    Autre rituel classique des discours, faire oublier les précédents. Le chef de l’Etat l’a tenté à deux reprises sur des thèmes centraux de son argumentaire : l’#évaluation et la #simplification. Dans son allocution de 2023, il regrette qu’en France « on ne tire toujours pas assez conséquence des évaluations », quand en novembre 2019, pour les 80 ans du CNRS, il critiquait « un système mou sans conséquence ». Entre ces deux temps forts, il a nommé à la tête de l’agence chargée des évaluations son propre conseiller recherche, #Thierry_Coulhon, qui n’a donc pas réussi à « durcir » l’évaluation, mais a été nommé à la tête du comité exécutif de l’Institut polytechnique de Paris.

    Il y a quatre ans, Emmanuel Macron promettait également la « simplification », et obtenu… le contraire. Les choses ont empiré, au point qu’un rapport publié en novembre du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur enjoint au CNRS de lancer une « opération commando » pour régler des #problèmes_administratifs, qu’un médaillé d’argent, ulcéré, renvoie sa médaille, et que le conseil scientifique du #CNRS dénonce les « #entraves_administratives ».

    #Violence_symbolique

    L’#échec de la #promesse de simplifier pointe aussi lorsqu’on fait les comptes des « #annonces » concernant le « #pilotage » du système. Emmanuel Macron a prévu pas moins de cinq pilotes dans l’avion : lui-même, assisté d’un « #conseil_présidentiel_de_la_science » ; le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ; le « ministère bis » qu’est le secrétariat général à l’investissement, qui distribue des milliards jusqu’en 2030 sur des thématiques pour la plupart décidées à l’Elysée ; auxquels s’ajoutent les organismes de recherche qui doivent se transformer en « #agences_de_programmes » et définir aussi des stratégies.

    Au passage, simplification oblige sans doute, le thème « climat, biodiversité et société durable » est confié au CNRS « en lien naturellement avec l’#Ifremer [Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer] pour les océans, avec l’#IRD [Institut de recherche pour le développement] pour le développement durable » ; enfin, dernier pilote, les #universités, qui localement géreront les personnels employés souvent par d’autres acteurs.

    Finalement, le principal escamotage du magicien élyséen consiste à avoir parlé pendant une heure de recherche, mais pas de celles et ceux qui la font. Ah si, il a beaucoup été question des « meilleurs », des « gens très bons », « des équipes d’excellence » . Les autres apprécieront. Le Président promet même de « laisser toute la #liberté_académique aux meilleurs », sous-entendant que ceux qui ne sont pas meilleurs n’auront pas cette liberté.

    Cette #invisibilisation et cette #privation_de_droits d’une bonne partie des personnels fonctionnaires sont d’une rare violence symbolique pour des gens qui, comme dans d’autres services publics, aspirent à bien faire leur métier et avoir les moyens de l’exercer. Ces derniers savent aussi, parfois dans leur chair, quels effets délétères peuvent avoir ces obsessions pour la #compétition permanente aux postes et aux moyens. Et accessoirement combien elle est source de la #complexité que le chef de l’Etat voudrait simplifier.

    La « #révolution », terme employé dans ce discours, serait évidemment moins d’accélérer dans cette direction que d’interroger ce système dont on attend encore les preuves de l’#efficacité, autrement que par les témoignages de ceux qui en bénéficient.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/21/recherche-les-tours-de-passe-passe-du-president-macron_6207095_3232.html
    #ESR #Macron #France #université #facs

  • A Amsterdam et à Edimbourg, de nouvelles règles pour limiter les échanges de maisons
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/12/24/a-amsterdam-et-a-edimbourg-de-nouvelles-regles-pour-limiter-les-echanges-de-

    Le système s’est développé jusque-là sans entraves. Mais aux #Pays-Bas et en Ecosse, les pouvoirs publics s’inquiètent de le voir se déployer hors de tout contrôle, craignant d’avoir affaire à un futur Airbnb. A la différence de la plate-forme américaine, #HomeExchange n’implique cependant pas d’échange d’argent : l’accueil de personnes chez soi permet de percevoir des points (des « guest points »). Une #monnaie virtuelle utilisable pour se rendre ensuite dans une maison ou un appartement.

    Mais la municipalité d’Amsterdam estime que cette forme de transaction place le système dans la case des #locations_touristiques. La plate-forme HomeExchange recense 2 000 logements disponibles dans la métropole hollandaise, ce qui en fait un acteur majeur en termes d’offre d’hébergement. « Sauf que les logements sont loin d’être libres tout le temps ! Ils sont prêtés deux ou trois semaines par an »_, rétorque Emmanuel Arnaud, le directeur de HomeExchange. Au total, cette année, 3 900 groupes ou familles sont venus à Amsterdam par HomeExchange, soit 71 000 « nuitées touristiques » (nombre total de nuits par personne).

    #Contrôles et#sanctions

    A partir du 1er mars 2024, la ville va appliquer des restrictions similaires à celles qui concernent Airbnb. Les utilisateurs de HomeExchange et d’autres sites d’échanges devront enregistrer leur logement sur le site de la municipalité, payer un #permis_annuel (43 euros), limiter le prêt de leur logement à trente jours par an, et signaler à la ville dès lors qu’ils recevront des personnes chez eux. La ville interdit aussi d’utiliser ce système avec une résidence secondaire, et restreint à quatre maximum le nombre de personnes accueillies par logement (sauf les familles avec plus de deux enfants). Des contrôles, avec sanctions associées, sont prévus à partir de 2025.

    « Amsterdam mène depuis de nombreuses années une politique visant à lutter contre les locations touristiques, car cela a des conséquences négatives sur la qualité de vie dans certains quartiers de la ville », explique Rory van den Bergh, porte-parole de la ville d’Amsterdam, qui a déployé diverses actions pour limiter l’impact du #tourisme_de_masse. En 2023, elle a par exemple lancé une campagne sur les réseaux sociaux (« Stay away ») pour décourager la venue de visiteurs nuisibles à la tranquillité des résidents, à savoir les groupes « d’hommes de 18 à 35 ans », Britanniques en particulier.

    #prêt #échange

    • L’article parle des points comme d’une monnaie virtuelle, mais il y a aussi l’échange réciproque sans point ! Pas mal d’utilisateurs précisent qu’ils ne veulent utiliser la plateforme qu’en échanges réciproques.

      Pour Amsterdam, HE représente donc 0.5% des nuitées touristiques, avec des profils ne collant pas aux « visiteurs nuisibles » et ne se rendant pas forcément dans les quartiers les plus touristiques. Je comprends pas trop la logique, comme de taxer dans toute l’Ecosse.

      Après, la plateforme est loin d’être vertueuse - elle est par exemple utilisée par certains multipropriétaires en complément d’airbnb.

      « 30% des maisons que nous proposons sur HomeExchange sont des résidences secondaires. Les trois quarts d’entre elles sont soit déjà proposées à la location, soit leurs propriétaires sont intéressés pour le faire », nous explique Emmanuel Arnaud, fondateur de [la nouvelle plateforme de locations saisonnières] WelcomeClub.

      https://www.tourmag.com/HomeExchange-lance-WelcomeClub-la-location-entre-particuliers-sur-invitatio

  • Les cartes ou la mise en ordre du monde
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-suite-dans-les-idees/les-cartes-ou-la-mise-en-ordre-du-monde-6293300


    Carte de la Guyane

    Les cartes ou la mise en ordre du monde
    Samedi 23 décembre 2023

    La Suite dans les idées
    Provenant du podcast La Suite dans les idées
    Depuis toujours, les zones blanches des cartes apportent paradoxalement de nombreuses informations. Mais depuis la géonumérisation du monde et la multiplication des cartographies, le #blanc_des_cartes a changé. Avec le géographe Matthieu Noucher et l’architecte Francesco Sebregondi.

    Avec
    Matthieu Noucher géographe
    Francesco Sebregondi Architecte, fondateur et directeur de l’association INDEX

    Pour composer son Livre blanc, paru en 2007, l’écrivain Philippe Vasset avait arpenté de long en large l’Île de France à la découverte systématique de toutes les zones qui apparaissaient en blanc sur les cartes de l’Institut National de Géographie. Ce blanc des cartes fascine depuis toujours les géographes. Mais le blanc des cartes n’est plus ce qu’il était. Non pas qu’il disparaisse à mesure que progresse la connaissance des territoires, au contraire. Avec la numérisation du monde et la multiplication des cartes, les zones blanches prolifèrent. Matthieu Noucher a mené l’enquête pour comprendre comment désormais les boites noires des algorithmes produisent les blancs des cartes. Il est cette semaine l’invité de La Suite dans les Idées. Rejoint par Francesco Sebregondi, un architecte, qui lui aussi produit des cartes et d’autres types de données pour Index, l’ONG qu’il a fondée.

    Pour aller plus loin
    L’ouvrage de Matthieu Noucher, Blancs des cartes et boîtes noires algorithmiques, CNRS éditions, mai 2023
    Le site web de l’association INDEX, fondée par Francesco Sebregondi : index.ngo

    Musique : William Eggleston - Over the rainbow

    #contre_cartes #contre_enquêtes #géo-numérisation_du_monde #cartes_personnalisées #trait_de_côte

  • La #désinformation qui déstabilise la #démocratie

    « La désinformation est un bouton fantastique sur lequel appuyer pour déstabiliser les démocraties. C’est la #menace la plus sournoise. Parce que la démocratie fonctionne si on a accès à l’#information, pour pouvoir porter un jugement et participer au #débat_public ». C’est ainsi que le professeur adjoint en communication publique et politique à l’ENAP, Philippe Dubois, résumait le problème qui était au coeur du forum La démocratie au temps de la désinformation, tenu le 30 novembre à Montréal.

    La démocratie recule, soulignait d’ailleurs cette année un rapport du Varieties of Democracy Institute de l’Université de Göteborg (Suède) (https://v-dem.net/documents/29/V-dem_democracyreport2023_lowres.pdf), fruit d’une collaboration de près de 4000 experts de 180 pays. La désinformation, la #polarisation et l’#autocratisation se renforcent mutuellement.

    Avec l’ajout récent de la Thaïlande et du Mali, pour la première fois depuis plus de 20 ans, la liste des pays compte plus d’#autocraties que de démocraties : 5,7 milliards de personnes vivent dans des autocraties (72% de la population mondiale) contre 1 milliard de personnes pour les démocraties libérales —soit à peine 13%. Et près d’un tiers du premier groupe vit même au sein d’autocraties fermées (Chine, Iran, Myanmar et Vietnam, par exemple).

    Bref, le niveau de démocratie pour le citoyen mondial moyen est en recul, pour revenir au niveau de 1986. L’Europe de l’Est et l’Asie centrale, ainsi que l’Amérique latine et les Antilles, ont retrouvé leur niveau de la fin de la guerre froide.

    « C’est souvent un idéal que l’on prend pour acquis avec ses opportunités de délibération : presse libre, débats publics, et des institutions publiques pour faire fonctionner cela », avance Philippe Dubois. Ce « modèle le moins pire », comme l’aurait dit Churchill, « a bien souffert lors de la récente pandémie ». Avec ses mesures exceptionnelles et restrictives, la Covid-19 a vu reculer, de manière temporaire, certains droits et libertés. Cela a entaché la confiance dans les institutions démocratiques, et dans leurs acteurs, confiance qui n’était déjà pas si élevée avant la crise sanitaire.

    Or, les #réseaux_sociaux jouent eux aussi un rôle dans cette #régression. Peut-être parce qu’ils répercutent plus les #frustrations et la #colère que la #raison et les #nuances, il y aurait, semble-t-il, plus de cyniques et de mécontents qu’avant. Certaines tranches de la population s’avèrent aussi moins attachées à la démocratie, comme les jeunes, qui s’informent eux-mêmes davantage que les plus vieux par les algorithmes. « Cela ne signifie pas qu’ils rejettent la démocratie. Cela signifie plutôt qu’ils partagent davantage un type de contenu » qui la rejette, note le chercheur.

    L’École des médias de l’UQAM avait mandaté cet été la firme Léger pour sonder la population québécoise sur leurs perceptions sur des enjeux liés à la démocratie et à la désinformation. Le rapport montre que 25% de la population québécoise pense que les gouvernements cachent la réalité sur la nocivité des vaccins —18% pensent que c’est probable, alors que 8% pensent que c’est certain.

    C’est une #méfiance envers les institutions qui augmente, tout comme celle envers les #médias, car selon ce sondage, 44% de la population québécoise pense que les médias manipulent l’information qu’ils diffusent.

    En quête de #littératie_scientifique

    « Nous vivons une #crise_épistémologique avec une remise en question des #figures_d’autorité » constatait, lors du forum du 30 novembre, le professeur au département sciences humaines, lettres et communications de la TÉLUQ, Normand Landry. « Les gens parlent d’#esprit_critique mais c’est un mot galvaudé : où est notre capacité de se remettre en question et de changer d’idées et d’admettre nos erreurs ? »

    D’où l’importance de l’#éducation_aux_médias et de la littératie scientifique, soulignait-on dans ce forum organisé par les Fonds de recherche du Québec. Mélissa Guillemette, rédactrice en chef du magazine Québec Science, note que « moins de la moitié des Canadiens ont des bases solides en science (42%), c’est donc à mettre au premier plan. La littératie en santé au Québec reste elle aussi très faible chez 2 personnes sur 3 et pour 95% des 60 ans et plus, il s’avère même difficile de comprendre un médecin. »

    Les #jeunes ont particulièrement du mal à distinguer le #vrai du #faux. « Les adolescents ont du mal à reconnaître la désinformation. Ils manquent de bons critères d’évaluation pour juger de la qualité d’une bonne information », relève l’étudiante à la maîtrise en sciences de l’éducation de l’Université de Sherbrooke, Élise Rodrigue-Poulin.

    « Chez les enseignants aussi, le niveau de pensée critique varie souvent de faible à moyen. Et lorsque la nouvelle fait appel à trop d’#émotion, la plupart d’entre nous ne sommes plus capables de l’évaluer correctement », ajoute-t-elle.

    La solution serait de s’éduquer à reconnaître la désinformation, mais il faudrait aussi développer du contenu scolaire pour soutenir l’esprit critique chez les jeunes – et par ricochet, le personnel enseignant. Des éléments inclus dans le nouveau programme Culture et citoyenneté québécoise, vont dans ce sens.

    Ce serait toutefois insuffisant. « Le programme a plusieurs points positifs : donner des outils et des critères sur les informations et les médias, et l’explication de ce qu’est la démocratie. Comme enseignante, je trouve ça bon, mais il n’est pas obligatoire cette année et il a été présenté aux enseignants quelques jours avant la rentrée », explique Mme Rodrigue-Poulin. Il doit être implanté dans toutes les écoles en septembre 2024.

    Normand Landry renchérit : « Je salue l’adoption d’un programme mais je le pense moins sérieux dans le soutien à développer ce savoir. Depuis plus de 20 ans, l’#école développe du contenu d’éducation aux médias – par exemple, sur les compétences numériques, adopté en 2019 – mais sans se donner les conditions de déploiement et des ressources pour les enseignants. »

    La désinformation à gogo

    « Nous sommes dans une espèce de jungle et trouver la vérité, c’est un casse-tête. La désinformation, cela ne date pas d’hier mais c’est le volume qui augmente. », rappelle Nicolas Garneau, chercheur postdoctoral en informatique à l’Université de Copenhague.

    Et nous pouvons tous partager de la désinformation. Les réseaux sociaux sont conçus pour nous inviter à générer du contenu – « exprimez-vous », « posez des actions » – à partir de messages qui en appellent à nos #émotions.

    Il faut donc apprendre à se méfier des choix des #algorithmes et développer son esprit critique – « d’où ça sort ? », « quelle est la source de l’info ? »

    « Il ne faut pas oublier que ce sont des modèles économiques basés sur nos données. Ils enregistrent ce que l’on regarde et lorsqu’on s’exprime. Les plateformes exploitent nos #failles_psychologiques », rappelle Emmanuelle Parent, directrice générale et recherche du Centre pour l’intelligence émotionnelle en ligne (Le Ciel).

    Le professeur en journalisme à l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal, Jean-Hugues Roy, s’intéresse plus spécifiquement à Facebook. Il remarque qu’il y a beaucoup de contenus viraux —et religieux— qui circulent. Qui plus est, en l’absence de véritables informations – en raison du blocage du contenu des médias par Meta – « il n’y a plus rien de pertinent. C’est un véritable marché aux puces de #contenus_viraux dont certains peuvent être toxiques. Cela peut prendre l’apparence de contenu journalistique, en ajoutant des éléments mensongers et trompeurs uniquement pour faire des clics. »

    Il est temps d’encadrer ces plateformes, poursuit-il. Une démarche entamée par le Canada avec le projet de loi C-18 qui vise à forcer les « géants du web » à indemniser les médias d’information —c’est ce projet de loi qui est la raison du boycottage des médias entrepris en ce moment par Meta au Canada.

    « Ce sont des entreprises privées et on s’attend à ce qu’elles prennent leurs responsabilités ou que les autorités le fassent. Nous avons une agence d’inspection des aliments au Canada, il est possible d’imaginer une agence d’inspection des réseaux sociaux alors que nos vies sont dessus et qu’ils font beaucoup d’argent avec nos données », pense M. Roy.

    Autrement dit, il faut un encadrement de ces outils par l’humain. « Leur raison d’être est de nous donner un coup de main, pas de décider à notre place », tranche encore Nicolas Garneau.

    https://www.sciencepresse.qc.ca/actualite/2023/12/15/desinformation-destabilise-democratie

  • « Un bidouillage ahurissant » : à quoi joue Emmanuel #Macron en saisissant le #Conseil_constitutionnel ?

    « Emmanuel Macron va saisir le Conseil constitutionnel sur la loi #immigration. L’opposition de gauche également. De nombreuses mesures pourraient être retoquées. (...) » #politique #France #président #irresponsable #double_jeu #double_langage #en_même_temps #tartuffe

    https://actu.fr/politique/un-bidouillage-ahurissant-a-quoi-joue-emmanuel-macron-en-saisissant-le-conseil-

  • Des collections en résistance
    https://laviedesidees.fr/Des-collections-en-resistance

    Si l’art est incapable d’arrêter la guerre, il rend possible des formes de #résistance symbolique et institutionnelle, explique Marion Slitine, commissaire associée de l’exposition Palestine à l’IMA et spécialiste de la création contemporaine palestinienne. Entretien avec Marion Slitine à propos de l’exposition « Ce que la Palestine apporte au monde », à l’Institut du monde arabe, jusqu’au 31 décembre 2023.

    #Arts #conflit_israélo-palestinien #art_contemporain
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20231222_palestine-2.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20231222_palestine-2.pdf

  • US pressuring Switzerland to ignore Israeli war crimes | Al Mayadeen English
    https://english.almayadeen.net/news/politics/us-pressuring-switzerland-to-ignore-israeli-war-crimes
    https://alpha-en-media.almayadeen.net/archive/image/2023/12/21/30586f44-46e5-4735-a60c-f38154dedd73.jpg?width=1000

    #Israël et #conventions_de_Genève

    While “Israel” continues to massacre civilians unpunished, US State Department officials are discreetly attempting to impede efforts to increase global pressure on the occupation.

    State Department documents obtained by HuffPost indicate how US diplomats are finalizing a démarche to Switzerland that Washington hopes will cancel the preparations for an event to discuss Israeli violations of the Geneva Conventions in Palestine.

    Formal rulings that “Israel” breached the treaties in its US-backed war in Gaza would be a severe worldwide condemnation of both parties and would support the accusations of human rights groups that have amassed evidence that stands as proof of such violations.

    Switzerland, which has always been neutral, decides when meetings of the parties concerned to discuss compliance take place.

  • #François_Héran : « A vouloir comprimer la poussée migratoire à tout prix, on provoquera l’inverse »

    Le professeur au Collège de France estime, dans une tribune au « Monde », que la #régularisation « au compte-gouttes » des étrangers prévue dans la loi adoptée le 19 décembre finira en réalité par accroître l’immigration irrégulière, tant l’offre et la demande de travail sont fortes.

    La #loi_sur_l’immigration votée mardi 19 décembre n’est ni de droite ni de gauche. Quoi qu’en dise le président de la République, elle a sa source à l’#extrême_droite. Lors des débats du mois de mars, les sénateurs Les Républicains (LR) avaient repris en chœur les formules outrancières du Rassemblement national (RN) :« #submersion_migratoire », « #chaos_migratoire », « #immigration_hors_de_contrôle », « #explosion » des demandes d’asile, etc. Or les #données disponibles, rassemblées par Eurostat et l’ONU, ne disent rien de tel. C’est entendu, en France, comme dans le reste de l’Occident libéral, la migration progresse depuis l’an 2000, de même que la demande de refuge, mais de façon linéaire et non pas exponentielle quand on fait la part de la pandémie de Covid-19 en 2020-2021.

    Comment peut-on soutenir que la #migration_familiale vers notre pays serait une « #pompe_aspirante » qu’il faudrait réduire à tout prix, alors qu’elle est en recul depuis dix ans à force d’être prise pour cible par les lois antérieures ? Au sein de ce courant, une faible part relève du « #regroupement_familial » stricto sensu, soit 14 000 personnes par an environ, conjoints ou enfants mineurs, réunis en vertu d’un droit qui n’a rien d’automatique, contrairement à une légende tenace. Mais l’#erreur la plus flagrante, celle qui alimente largement la nouvelle loi, consiste à vouloir priver les étrangers, selon les mots prononcés par Eric Ciotti, le patron des Républicains, à l’issue du vote, des avantages « du modèle social le plus généreux d’Europe, qui fait de la France la #destination_privilégiée pour les migrants ». Il s’agit là d’une #croyance jamais démontrée.

    Marchands d’#illusion

    Il ne suffit pas, en effet, de constater que tel dispositif d’#aide_sociale existant en France au bénéfice des migrants est sans équivalent à l’étranger ou affiche un montant supérieur, pour qu’on puisse en conclure que la France serait plus « attractive ». Ceci vaut pour tous les dispositifs visés par la loi : allocation pour demandeur d’asile, aide médicale d’Etat, aide au logement, droit du sol, accès à la naturalisation…

    La seule démonstration qui vaille consiste à examiner les « #préférences_révélées », comme disent les économistes, c’est-à-dire à vérifier si les demandeurs de séjour ou d’asile ont effectivement privilégié la France comme destination depuis cinq ou dix ans, dans une proportion nettement supérieure à celle de son poids démographique ou économique au sein de l’Union européenne. Or, il n’en est rien, au vu des données d’Eurostat rapportées à la population et à la richesse de chaque pays. La France réunit 13 % de la population de l’Union européenne et 18 % de son PIB, mais n’a enregistré que 5 % des demandes d’asile déposées en Europe depuis 2013 par les réfugiés du Moyen-Orient, et 18 %, pas plus, des demandes d’origine africaine. Comment croire qu’elle pourra durablement se défausser sur les pays voisins après la mise en œuvre du Pacte européen ? Les politiciens qui font cette promesse à l’opinion sont des marchands d’illusions.

    Trop de loi tue la loi. A vouloir comprimer la poussée migratoire à tout prix au lieu de la réguler de façon raisonnable, on provoquera l’inverse du résultat recherché. Loin de tarir l’afflux des immigrés en situation irrégulière, la régularisation au compte-gouttes finira par l’accroître, tant sont fortes l’offre et la demande de travail. On a beau multiplier les effectifs policiers aux frontières, les entrées irrégulières ne cessent de progresser, quitte à se frayer de nouvelles voies.

    S’il est heureux que la régularisation des travailleurs sans papiers ne dépende plus du bon vouloir de l’employeur, le renforcement des pouvoirs du préfet dans la décision finale va dans le mauvais sens. A l’heure actuelle, déjà, comme l’a rappelé un avis sur la loi de finances 2023, un tiers au moins des préfets n’utilisent pas la #circulaire_Valls sur les #admissions_exceptionnelles_au_séjour, par idéologie ou par manque de moyens. La nouvelle loi fera d’eux plus que jamais des potentats locaux, en creusant l’#inégalité_de_traitement entre les territoires. Dans son rapport de 2013 sur le « #droit_souple », le Conseil d’État avait salué la circulaire Valls, censée rapprocher les critères de régularisation d’une #préfecture à l’autre au profit de l’« #équité_de_traitement ». C’est le contraire qui s’est produit, et l’ajout de critères civiques n’atténuera pas le caractère local et subjectif des décisions.

    Le contraire du #courage

    On nous oppose l’#opinion_publique, la fameuse « attente des Français » véhiculée par les sondages. Faut-il rappeler que la #démocratie ne se réduit pas à la #vox_populi et à la « #sondocratie » ? Elle implique aussi le respect des minorités et le respect des #droits_fondamentaux. Les enquêtes menées avec rigueur sur des échantillons suffisamment solides révèlent que les opinions recueillies sur le nombre des immigrés, leur utilité ou leur comportement dépendent fortement des affiliations politiques : les répondants ne livrent pas des #constats mais des #jugements.

    Dès que les questions précisent les contextes et les situations, comme c’est le cas de l’enquête annuelle de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, les opinions se font plus nuancées, le niveau de tolérance augmente. Mais les recherches qui font état de ces résultats ne peuvent s’exposer dans les limites d’une tribune, et rares sont les quotidiens qui font l’effort de les exposer.

    Osera-t-on enfin porter un regard critique sur les formules magiques ressassées ces derniers mois ? La « #fermeté », d’abord, affichée comme une qualité positive a priori, alors que la fermeté n’a aucune #valeur indépendamment du but visé : de grands démocrates ont été fermes, mais de grands autocrates aussi. Il en va de même du « #courage », tant vanté par les LR (le projet de loi initial « manquait de courage », le nouveau texte est « ferme et courageux », etc.), comme s’il y avait le moindre courage à caresser l’opinion publique dans le sens de ses #peurs.

    La #démagogie est le contraire du courage ; la parole « décomplexée » n’est qu’un discours sans scrupule. Le vrai courage aurait été de rééquilibrer les discours destinés à l’opinion publique en exposant les faits, si contrastés soient-ils. Le président de la République avait souhaité « un compromis intelligent au service de l’intérêt général » : il a entériné une #compromission irréfléchie qui lèse nos #valeurs_fondamentales.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/21/francois-heran-a-vouloir-comprimer-la-poussee-migratoire-a-tout-prix-on-prov

    #loi_immigration #France #19_décembre_2023 #chiffres #statistiques #fact-checking #afflux #idées_reçues #propagande #discours

    voir aussi cet extrait :
    https://mastodon.social/@paul_denton/111617949500160420

    ping @isskein @karine4

  • Responsable Maintenance Technique avec Logement dans notre Écovillage (Suisse)
    https://ecovillageglobal.fr/23782

    Offre : Mission : maintenance technique de 3 lotissements (CH 1529 Cheiry avec possibilité de logement sur place, ou Lucens ou Grandvaux), avec créativité et autoformation guidée. Temps de travail : 60% (108h/mois) à 100% ( 180h/mois) / Formation initiale 2-6 mois d’essai (sous forme de volontariat défrayé (nourri, logé, prime selon degré d’autonomie dans la résolution des problèmes et la communication). Le poste inclus la mission d’encadrement d’assistant.e.s en formation pour des activités de décoration et d’assistance technique (bois, rangements, créations de luminaires…). Envoyer votre CV - Rubriques : Contacts et Echanges / Emploi et Entreprise - Plus d’info et contact : (...)

    #Contacts_et_Echanges_/_Emploi_et_Entreprise

  • EU’s AI Act Falls Short on Protecting Rights at Borders

    Despite years of tireless advocacy by a coalition of civil society and academics (including the author), the European Union’s new law regulating artificial intelligence falls short on protecting the most vulnerable. Late in the night on Friday, Dec. 8, the European Parliament reached a landmark deal on its long-awaited Act to Govern Artificial Intelligence (AI Act). After years of meetings, lobbying, and hearings, the EU member states, Commission, and the Parliament agreed on the provisions of the act, awaiting technical meetings and formal approval before the final text of the legislation is released to the public. A so-called “global first” and racing ahead of the United States, the EU’s bill is the first ever regional attempt to create an omnibus AI legislation. Unfortunately, this bill once again does not sufficiently recognize the vast human rights risks of border technologies and should go much further protecting the rights of people on the move.

    From surveillance drones patrolling the Mediterranean to vast databases collecting sensitive biometric information to experimental projects like robo-dogs and AI lie detectors, every step of a person’s migration journey is now impacted by risky and unregulated border technology projects. These technologies are fraught with privacy infringements, discriminatory decision-making, and even impact the life, liberty, and security of person seeking asylum. They also impact procedural rights, muddying responsibility over opaque and discretionary decisions and lacking clarity in mechanisms of redress when something goes wrong.

    The EU’s AI Act could have been a landmark global standard for the protection of the rights of the most vulnerable. But once again, it does not provide the necessary safeguards around border technologies. For example, while recognizing that some border technologies could fall under the high-risk category, it is not yet clear what, if any, border tech projects will be included in the final high-risk category of projects that are subject to transparency obligations, human rights impact assessments, and greater scrutiny. The Act also has various carveouts and exemptions in place, for example for matters of national security, which can encapsulate technologies used in migration and border enforcement. And crucial discussions around bans on high-risk technologies in migration never even made it into the Parliament’s final deal terms at all. Even the bans which have been announced, for example around emotion recognition, are only in place in the workplace and education, not at the border. Moreover, what exactly is banned remains to be seen, and outstanding questions to be answered in the final text include the parameters around predictive policing as well as the exceptions to the ban on real-time biometric surveillance, still allowed in instances of a “threat of terrorism,” targeted search for victims, or the prosecution of serious crimes. It is also particularly troubling that the AI Act explicitly leaves room for technologies which are of particular appetite for Frontex, the EU’s border force. Frontex released its AI strategy on Nov. 9, signaling an appetite for predictive tools and situational analysis technology. These tools, which when used without safeguards, can facilitate illegal border interdiction operations, including “pushbacks,” in which the agency has been investigated. The Protect Not Surveil Coalition has been trying to influence European policy makers to ban predictive analytics used for the purposes of border enforcement. Unfortunately, no migration tech bans at all seem to be in the final Act.

    The lack of bans and red lines under the high-risk uses of border technologies in the EU’s position is in opposition to years of academic research as well as international guidance, such as by then-U.N. Special Rapporteur on contemporary forms of racism, E. Tendayi Achiume. For example, a recently released report by the University of Essex and the UN’s Office of the Human Rights Commissioner (OHCHR), which I co-authored with Professor Lorna McGregor, argues for a human rights based approach to digital border technologies, including a moratorium on the most high risk border technologies such as border surveillance, which pushes people on the move into dangerous terrain and can even assist with illegal border enforcement operations such as forced interdictions, or “pushbacks.” The EU did not take even a fraction of this position on border technologies.

    While it is promising to see strict regulation of high-risk AI systems such as self-driving cars or medical equipment, why are the risks of unregulated AI technologies at the border allowed to continue unabated? My work over the last six years spans borders from the U.S.-Mexico corridor to the fringes of Europe to East Africa and beyond, and I have witnessed time and again how technological border violence operates in an ecosystem replete with the criminalization of migration, anti-migrant sentiments, overreliance on the private sector in an increasingly lucrative border industrial complex, and deadly practices of border enforcement, leading to thousands of deaths at borders. From vast biometric data collected without consent in refugee camps, to algorithms replacing visa officers and making discriminatory decisions, to AI lie detectors used at borders to discern apparent liars, the roll out of unregulated technologies is ever-growing. The opaque and discretionary world of border enforcement and immigration decision-making is built on societal structures which are underpinned by intersecting systemic racism and historical discrimination against people migrating, allowing for high-risk technological experimentation to thrive at the border.

    The EU’s weak governance on border technologies will allow for more and more experimental projects to proliferate, setting a global standard on how governments will approach migration technologies. The United States is no exception, and in an upcoming election year where migration will once again be in the spotlight, there does not seem to be much incentive to regulate technologies at the border. The Biden administration’s recently released Executive Order on the Safe, Secure, and Trustworthy Development and Use of Artificial Intelligence does not offer a regulatory framework for these high-risk technologies, nor does it discuss the impacts of border technologies on people migrating, including taking a human rights based approach to the vast impacts of these projects on people migrating. Unfortunately, the EU often sets a precedent for how other countries govern technology. With the weak protections offered by the EU AI act on border technologies, it is no surprise that the U.S. government is emboldened to do as little as possible to protect people on the move from harmful technologies.

    But real people already are at the centre of border technologies. People like Mr. Alvarado, a young husband and father from Latin America in his early 30s who perished mere kilometers away from a major highway in Arizona, in search of a better life. I visited his memorial site after hours of trekking through the beautiful yet deadly Sonora desert with a search-and-rescue group. For my upcoming book, The Walls have Eyes: Surviving Migration in the Age of Artificial Intelligence, I was documenting the growing surveillance dragnet of the so-called smart border that pushes people to take increasingly dangerous routes, leading to increasing loss of life at the U.S.-Mexico border. Border technologies as a deterrent simply do not work. People desperate for safety – and exercising their internationally protected right to asylum – will not stop coming. They will instead more circuitous routes, and scholars like Geoffrey Boyce and Samuel Chambers have already documented a threefold increase in deaths at the U.S.-Mexico frontier as the so-called smart border expands. In the not so distant future, will people like Mr. Alvarado be pursued by the Department of Homeland Security’s recently announced robo-dogs, a military grade technology that is sometimes armed?

    It is no accident that more robust governance around migration technologies is not forthcoming. Border spaces increasingly serve as testing grounds for new technologies, places where regulation is deliberately limited and where an “anything goes” frontier attitude informs the development and deployment of surveillance at the expense of people’s lives. There is also big money to be made in developing and selling high risk technologies. Why does the private sector get to time and again determine what we innovate on and why, in often problematic public-private partnerships which states are increasingly keen to make in today’s global AI arms race? For example, whose priorities really matter when we choose to create violent sound cannons or AI-powered lie detectors at the border instead of using AI to identify racist border guards? Technology replicates power structures in society. Unfortunately, the viewpoints of those most affected are routinely excluded from the discussion, particularly around areas of no-go-zones or ethically fraught usages of technology.

    Seventy-seven border walls and counting are now cutting across the landscape of the world. They are both physical and digital, justifying broader surveillance under the guise of detecting illegal migrants and catching terrorists, creating suitable enemies we can all rally around. The use of military, or quasi-military, autonomous technology bolsters the connection between immigration and national security. None of these technologies, projects, and sets of decisions are neutral. All technological choices – choices about what to count, who counts, and why – have an inherently political dimension and replicate biases that render certain communities at risk of being harmed, communities that are already under-resourced, discriminated against, and vulnerable to the sharpening of borders all around the world.

    As is once again clear with the EU’s AI Act and the direction of U.S. policy on AI so far, the impacts on real people seems to have been forgotten. Kowtowing to industry and making concessions for the private sector not to stifle innovation does not protect people, especially those most marginalized. Human rights standards and norms are the bare minimum in the growing panopticon of border technologies. More robust and enforceable governance mechanisms are needed to regulate the high-risk experiments at borders and migration management, including a moratorium on violent technologies and red lines under military-grade technologies, polygraph machines, and predictive analytics used for border interdictions, at the very least. These laws and governance mechanisms must also include efforts at local, regional, and international levels, as well as global co-operation and commitment to a human-rights based approach to the development and deployment of border technologies. However, in order for more robust policy making on border technologies to actually affect change, people with lived experiences of migration must also be in the driver’s seat when interrogating both the negative impacts of technology as well as the creative solutions that innovation can bring to the complex stories of human movement.

    https://www.justsecurity.org/90763/eus-ai-act-falls-short-on-protecting-rights-at-borders

    #droits #frontières #AI #IA #intelligence_artificielle #Artificial_Intelligence_Act #AI_act #UE #EU #drones #Méditerranée #mer_Méditerranée #droits_humains #technologie #risques #surveillance #discrimination #transparence #contrôles_migratoires #Frontex #push-backs #refoulements #privatisation #business #complexe_militaro-industriel #morts_aux_frontières #biométrie #données #racisme #racisme_systémique #expérimentation #smart_borders #frontières_intelligentes #pouvoir #murs #barrières_frontalières #terrorisme

    • The Walls Have Eyes. Surviving Migration in the Age of Artificial Intelligence

      A chilling exposé of the inhumane and lucrative sharpening of borders around the globe through experimental surveillance technology

      “Racism, technology, and borders create a cruel intersection . . . more and more people are getting caught in the crosshairs of an unregulated and harmful set of technologies touted to control borders and ‘manage migration,’ bolstering a multibillion-dollar industry.” —from the introduction

      In 2022, the U.S. Department of Homeland Security announced it was training “robot dogs” to help secure the U.S.-Mexico border against migrants. Four-legged machines equipped with cameras and sensors would join a network of drones and automated surveillance towers—nicknamed the “smart wall.” This is part of a worldwide trend: as more people are displaced by war, economic instability, and a warming planet, more countries are turning to A.I.-driven technology to “manage” the influx.

      Based on years of researching borderlands across the world, lawyer and anthropologist Petra Molnar’s The Walls Have Eyes is a truly global story—a dystopian vision turned reality, where your body is your passport and matters of life and death are determined by algorithm. Examining how technology is being deployed by governments on the world’s most vulnerable with little regulation, Molnar also shows us how borders are now big business, with defense contractors and tech start-ups alike scrambling to capture this highly profitable market.

      With a foreword by former U.N. Special Rapporteur E. Tendayi Achiume, The Walls Have Eyes reveals the profound human stakes, foregrounding the stories of people on the move and the daring forms of resistance that have emerged against the hubris and cruelty of those seeking to use technology to turn human beings into problems to be solved.

      https://thenewpress.com/books/walls-have-eyes
      #livre #Petra_Molnar

  • Loi « immigration » : les mesures susceptibles d’être censurées par le Conseil constitutionnel
    https://archive.ph/NMzBO#selection-2047.0-2057.103

    C ’est un drôle d’aveu que Gérald Darmanin a fait, mardi 19 décembre, à la tribune du Sénat, à propos de la loi « immigration ». « Des mesures sont manifestement et clairement contraires à la Constitution. Le travail du Conseil constitutionnel fera son office, mais la politique ce n’est pas être juriste avant les juristes, a avancé le ministre de l’intérieur. La politique est d’élaborer des normes et de constater si elles sont ou pas, d’après nous, conformes. »

    Suite de https://seenthis.net/messages/1032496
    et en particulier le post de @monolecte

    D’un point de vue constitutionnel, ça devrait dégager : c’est une rupture d’égalité.

    et celui de @biggrizzly

    Les sages sauront réécrire ce que signifie l’égalité vraie.

    Encore une nouvelle "victoir◙_id◙ologiqu◙"

  • L’#activisme_écologiste, nouveau terrain d’#expérimentation de la #Technopolice

    Drones, reconnaissance faciale, marqueurs codés… Outre l’arsenal administratif et répressif déployé par l’État pour les punir, le ministère de l’Intérieur expérimente et perfectionne sur les activistes écologiques ses nouveaux outils technopoliciers.

    Plusieurs affaires récentes ont mis en lumière la surveillance particulièrement intensive subie par les militantes écologistes. Outre l’arsenal administratif et répressif déployé par l’État pour les punir, c’est la nature des moyens utilisés qui interpelle : drones, reconnaissance faciale, marqueurs codés… Le ministère de l’Intérieur expérimente et perfectionne sur les activistes écologiques ses outils technopoliciers.

    Plusieurs articles ont révélé le caractère intensif des moyens de surveillance et de répression déployés par l’État pour punir certaines actions militantes écologistes. Si cela avait déjà été documenté pour le mouvement de résistance nucléaire à Bure, c’est dernièrement le cas de l’affaire Lafarge pour laquelle un article paru sur Rebellyon a détaillé les outils mis en œuvre par la police afin d’identifier les personnes ayant participé à une action ciblant une usine du cimentier.

    Vidéosurveillance, analyse des données téléphoniques, réquisitions aux réseaux sociaux, relevés ADN, virements bancaires, traceurs GPS… La liste paraît infinie. Elle donne une idée de la puissance que peut déployer l’État à des fins de surveillance, « dans un dossier visant avant tout des militants politiques » – comme le souligne Médiapart dans son article.

    Pour avoir une idée de l’étendue complète de ces moyens, il faut y ajouter la création des cellules spécialisées du ministère de l’Intérieur (la cellule Démeter, créée en 2019 pour lutter contre « la délinquance dans le monde agricole » et la cellule « anti-ZAD », mise en place en 2023 à la suite de Sainte-Soline) ainsi que l’alerte donnée par la CNCTR (l’autorité de contrôle des services de renseignement) qui en 2023 a souligné son malaise sur l’utilisation accrue des services de renseignement à des fins de surveillance des organisations écologistes.

    Les forces de sécurité semblent continuer de perfectionner et expérimenter sur les organisations écologistes leurs nouveaux outils de surveillance : drones, caméras nomades, reconnaissance faciale, produits de marquages codés… Parce que ces organisations leur opposent une résistance nouvelle, souvent massive, déployée sur un ensemble de terrains différents (manifestations en milieu urbain, ZAD, méga-bassines…), les forces de police semblent trouver nécessaire l’utilisation de ces outils de surveillance particulièrement invasifs.
    Capter le visage des manifestantes

    Outil phare de la Technopolice, le drone a été expérimenté dès ses débuts sur les écologistes. Difficile d’y voir un hasard quand (d’après la gendarmerie), la première utilisation d’un drone à des fins de surveillance par la gendarmerie a lieu dans le Tarn en 2015, pour évacuer la ZAD du barrage de Sivens. En 2017, c’est Bure (site prévu pour l’enfouissement de déchets nucléaires) qui sert d’expérimentation avant une utilisation officialisée pour la ZAD de Notre-Dame-des-Landes en 2018.

    La gendarmerie y décrit dans sa revue officielle un contexte idéal d’expérimentation avec une utilisation permettant un « grand nombre de premières » : utilisation simultanée de drones et d’hélicoptères de surveillance, retransmission en direct des divers flux vidéos, guidage des tirs de lacrymogènes… Des utilisations qui seront ensuite reprises et normalisées dans les futures utilisations des drones, en particulier pour la surveillance des manifestations. À noter dans la revue officielle de la gendarmerie l’utilisation répétée du terme d’ « adversaires » pour décrire les militantes : « marquage d’adversaire », « manœuvre de l’adversaire »….

    Ce n’est pas non plus un hasard si dans le Livre blanc de la sécurité intérieure, document publié fin 2020 par le ministère de l’Intérieur pour formuler un ensemble de propositions sur le maintien de l’ordre, l’exemple de Notre-Dame-des-Landes est cité pour justifier l’utilisation massive de drones, comme une « une étape importante dans la planification et l’exécution d’une opération complexe de maintien de l’ordre ».

    Résultat : après la généralisation des drones dès 2020 avec le Covid-19, on a ensuite assisté, une fois l’ensemble légalisé à posteriori (et non sans difficultés), à la normalisation de l’usage des drones pour la surveillance des manifestations. Les drones sont aujourd’hui encore bien utiles à la police pour suivre les actions militantes écologistes, que ce soit récemment pour le Convoi de l’eau ou la mobilisation contre les travaux de l’A69.

    À noter que l’imagination de la police et de la gendarmerie ne se limite pas aux drones en ce qui concerne les nouveaux moyens de surveillance vidéo. Plusieurs organisations ont documenté l’utilisation de caméras nomades ou dissimulées pour épier les allées et venues des activistes : caméras dans de fausses pierres ou troncs d’arbres pour la ZAD du Carnet, caméras avec vision nocturne en 2018 dans la Sarthe…
    Ficher le visage des manifestantes

    Autre outil phare de la Technopolice : la reconnaissance faciale. Rappelons-le : la reconnaissance faciale est (malheureusement) autorisée en France. La police ou la gendarmerie peuvent identifier des personnes grâce à leurs visages en les comparant à ceux enregistrés dans le fichier du traitement des antécédents judiciaires (TAJ). L’utilisation qui en est faite par les services de sécurité est aujourd’hui massive, estimée à plus de 600 000 fois en 2021 (donc plus de 1600 fois par jour).

    Il est néanmoins assez rare d’avoir des exemples concrets de son utilisation pour comprendre comment et sur qui la police utilise ce dispositif. À ce titre, comme souligné dans l’article de Rebellyon, la reconnaissance faciale a été utilisée pour incriminer des personnes censément impliquées dans l’affaire Lafarge, avec l’utilisation d’images tirées de la réquisition des vidéosurveillances des bus de la ville pour les comparer au fichier TAJ. Médiapart dénombre dans son enquête huit personnes identifiées via ce dispositif.

    Même chose pour la manifestation de Sainte-Soline : dans un article de juillet 2023, Médiapart relate que les quatre personnes qui ont comparu ont été retrouvées grâce à la reconnaissance faciale. Un premier procès plus tôt, déjà sur Sainte Soline, fait également mention de l’utilisation de la reconnaissance faciale.

    Notons bien qu’au vu des chiffres cités plus haut, l’utilisation de la reconnaissance faciale est massive et n’est pas concentrée sur les militant·es écologistes (voir ici une utilisation récente pour retrouver une personne soupçonnée de vol). On constate néanmoins une utilisation systématique et banalisée de la reconnaissance faciale du TAJ, normalisée au point de devenir un outil d’enquête comme les autres, et de plus en plus présentée comme élément de preuve dans les tribunaux.

    En 2021, nous avions attaqué devant le Conseil d’État cette reconnaissance faciale en soulevant que celle-ci devait légalement être limitée à la preuve d’une « nécessité absolue », un critère juridique qui implique qu’elle ne soit utilisée qu’en dernier recours, si aucune autre méthode d’identification n’est possible, ce qui n’était déjà pas le cas à l’époque. Cela l’est encore moins aujourd’hui à lire les comptes-rendus de Rebellyon ou de Médiapart.
    Marquer les manifestantes

    D’autres outils de surveillance, encore au stade de l’expérimentation, semblent testés dans les mobilisations écologistes. Parmi les plus préoccupants, les produits de marquage codés. Il s’agit de produits, tirés par un fusil type paintball, invisibles, indolores, permettant de marquer une personne à distance et persistant sur la peau et les vêtements. Ils peuvent être composés d’un produit chimique ou d’un fragment d’ADN de synthèse, se révélant à la lumière d’une lampe UV, porteurs d’un identifiant unique pour « prouver » la participation à une manifestation.

    Comme rappelé par le collectif Désarmons-les, c’est dès 2021 que Darmanin annonce l’expérimentation de ce dispositif. Il semble être ensuite utilisé pour la première fois en 2022 lors d’une première manifestation contre la bassine de Sainte-Soline (via l’utilisation par la police de fusils spéciaux, ressemblant à ceux utilisés par les lanceurs paintball). En 2022, Darmanin dénombrait déjà plus de 250 utilisations de ce dispositif.

    En 2023, son utilisation est de nouveau remarquée pour la manifestation contre la bassine de Sainte-Soline. Elle entraîne la garde à vue de deux journalistes qui ont détaillé à la presse la procédure suivie par la police et la gendarmerie pour récupérer et analyser la trace de peinture laissée par le fusil PMC.

    Cet usage ne semble être aujourd’hui qu’à ses débuts. Dans le cadre d’un recours contentieux contre les drones, la préfecture de police, dans une surenchère sécuritaire sans limite, avait notamment émis le souhait de pouvoir équiper ses drones d’un lanceur de PMC. Le ministre de la Justice a également vanté l’utilisation de ces outils dans une récente audition sur le sujet, « utiles pour retrouver la trace d’un individu cagoulé ». Un rapport parlementaire de novembre 2023 rappelle néanmoins que son utilisation se fait aujourd’hui sans aucun cadre légal, ce qui la rend purement et simplement illégale. Si certains parlementaires semblent également s’interroger sur son efficacité, d’autres, dans un rapport sur « l’activisme violent », appellent à sa pérennisation et sa généralisation. Côté gouvernement, après l’avoir expérimenté sur les militants sans aucun cadre légal, le ministère de l’intérieur semble pour l’instant avoir suspendu son utilisation.

    Les mouvements militants ne sont évidemment pas les seuls à connaître cette intensité dans le déploiement des moyens de surveillance : les exilées, les habitantes des quartiers populaires ont toujours été les premières à subir la militarisation forcenée des forces du ministère de l’Intérieur. Néanmoins, cette expérimentation des technologies sur les organisations écologistes est une nouvelle preuve de l’escalade sécuritaire et déshumanisée de la police et de la gendarmerie en lien avec la criminalisation des mouvements sociaux. La France est à l’avant-garde de la dérive autoritaire en Europe, puisqu’il semble être l’un des pays du continent ayant une pratique régulière et combinée de ces nouveaux outils

    https://blogs.mediapart.fr/la-quadrature-du-net/blog/191223/l-activisme-ecologiste-nouveau-terrain-d-experimentation-de-la-techn

    #répression #contrôle #surveillance #écologie #résistance #activisme #technologie #technologie_de_surveillance #cellule_Démeter #cellule_anti-ZAD #CNCTR #drone #ZAD #Sivens #Bure #Notre-Dame-des-Landes #reconnaissance_faciale

  • Israël était au courant du projet d’attaque du Hamas depuis plus d’un an
    https://www.les-crises.fr/israel-etait-au-courant-du-projet-d-attaque-du-hamas-depuis-plus-d-un-an

    Un plan détaillé de l’attaque a été analysé par le Times. Les responsables israéliens l’ont balayé d’un revers de main, le qualifiant d’idéaliste et ont fait fi des mises en garde concrètes. Source : The New York Times, Ronen Bergman, Adam GoldmanTraduit par les lecteurs du site Les-Crises Par Ronen Bergman et Adam Goldman de […]

    #Géopolitique #Conflit_Israélo-Palestinien #Géopolitique,_Conflit_Israélo-Palestinien

  • « Loin de créer un “choc des savoirs”, Gabriel Attal va produire un choc d’ignorance », Pierre Merle, spécialiste des questions scolaires
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/19/pierre-merle-specialiste-des-questions-scolaires-loin-de-creer-un-choc-des-s

    La réforme souhaitée par le ministre de l’éducation nationale, Gabriel Attal, sous l’appellation « choc des savoirs », est fondée sur des diagnostics erronés. Première contrevérité, le collège français n’est nullement « uniforme ». En 2022, les collèges publics scolarisent près de 40 % d’élèves défavorisés. Les collèges privés en scolarisent moins de 16 %. Encore ne s’agit-il que de moyenne ! Dans les réseaux d’éducation prioritaire (REP et REP+), la proportion d’élèves d’origine populaire dépasse parfois 70 % alors qu’elle est souvent inférieure à 10 % dans les collèges privés du centre-ville des capitales régionales.

    A cette #ségrégation_sociale interétablissement, à laquelle correspondent des différences considérables de compétences des élèves, s’ajoute, énonce notamment une étude publiée en 2016 par le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco), une ségrégation intraétablissement d’une importance équivalente en raison de la multiplication des #sections bilangues et européennes, des classes à horaires aménagés, des langues rares, etc.

    Vouloir créer des groupes de niveau (faible, moyen, fort) dans des classes déjà homogènes est une triple erreur. D’abord, l’idée (en elle-même bienvenue) de réduire à 15 le nombre de collégiens dans les groupes de niveau d’élèves faibles profitera à des élèves moyens, voire bons, scolarisés dans les collèges très favorisés, au détriment des élèves réellement faibles scolarisés en REP.

    Ensuite, en 2019, une synthèse des recherches publiée par Sciences Po Paris a montré un effet bénéfique de la mixité sociale et scolaire sur les progressions des élèves faibles, sans effet négatif sur les meilleurs. Séparer encore davantage les élèves faibles des élèves moyens et forts ne fera qu’accentuer leurs difficultés d’apprentissage.

    Mixité sociale bénéfique à tous

    Enfin, l’évaluation des expériences de mixité sociale réalisées en France, souligne une note publiée en avril par le Conseil scientifique de l’éducation nationale, se traduit par un accroissement du bien-être de l’ensemble des élèves, y compris celui des élèves favorisés. La mixité sociale favorise aussi le développement des capacités socioémotionnelles, réduit la prévalence des #stéréotypes raciaux et sociaux et, pour les élèves socialement défavorisés, améliore leur insertion professionnelle (note de l’Institut des politiques publiques, publiée en novembre). Autant d’effets bénéfiques à tous les élèves. L’établissement scolaire et la classe sont des petites sociétés. Il faut créer de l’unité, non des groupes de niveau.

    La seconde contrevérité du projet ministériel est d’accréditer l’idée d’un redoublement favorable aux élèves en difficulté. Un large consensus scientifique a montré que cette politique débouche sur un résultat inverse. Le redoublement produit des effets négatifs en termes d’estime de soi, de motivation et d’apprentissages ultérieurs. Les seules exceptions concernent, outre la classe de terminale, les classes de 3e et de 2de dans lesquelles les élèves faibles, en cas de redoublement, sont motivés pour éviter une orientation non choisie.

    Tout comme la création des groupes de niveau, des redoublements plus fréquents pénaliseront les élèves faibles, majoritairement d’origine défavorisée. Alors même que, pour l’école française, le constat principal de l’édition 2022 du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) est l’écart considérable entre le niveau des élèves d’origine défavorisée et favorisée, le ministre Gabriel Attal, loin de créer un choc des savoirs, va produire un choc d’ignorance fondé sur une mise à l’écart encore plus accentuée des élèves les plus faibles.

    Le projet ministériel contient d’autres contradictions. Par exemple, Gabriel Attal souhaite une réforme des programmes et une labellisation des manuels scolaires, non pas en référence avec les cycles actuels de trois ans, mais avec des « objectifs annuels », voire « semi-annuels ». Finalement, après avoir dénoncé une uniformité fantasmée du collège, le ministre veut imposer un rythme de progression identique à tous les élèves alors même que, dès l’âge de 2 ans, les inégalités socio-économiques différencient sensiblement leurs compétences langagières.

    De surcroît, la décision de réformer au plus vite le « socle commun » [de connaissances, de compétences et de culture] signifie que l’expérience des #professeurs, les plus avertis des difficultés des élèves, ne sera pas prise en compte. Gabriel Attal veut renforcer leur autorité et, dans le même temps, a déjà décidé d’une modification des programmes sans même les consulter. Un bel exemple de déni de leurs compétences. Pourquoi, aussi, faut-il changer d’urgence des #programmes déjà réécrits par Jean-Michel Blanquer ? Sont-ils à ce point médiocres ? Et pourquoi la nouvelle équipe ministérielle ferait-elle mieux que l’ancienne ?

    Effets délétères

    Dernier exemple, bien que les résultats de #PISA 2022 montrent une baisse des compétences des élèves en #mathématiques, le ministre a décidé la création, à la fin des classes de premières générales et technologiques, d’une nouvelle épreuve anticipée du bac consacrée aux mathématiques et à la culture scientifique. Le ministre se targue de provoquer un choc des savoirs tout en supprimant une année entière d’enseignement scientifique ! Un projet paradoxal dont la genèse tient à l’absence d’une réelle réflexion sur un problème incontournable : la #crise_de_recrutement des professeurs, particulièrement en mathématiques.

    La réforme Blanquer, en reportant le concours d’accès au professorat de la fin du master 1 à celle du master 2, a réduit l’attractivité déjà insuffisante du métier d’enseignant. Certes, Gabriel Attal souhaite revenir sur cette réforme désastreuse, mais son projet est controversé. Au mieux, une réforme ne s’appliquera qu’à la rentrée 2025. En attendant, le ministre se contente d’expédients tels que le recrutement de #contractuels non formés, choix incompatible avec l’élévation du niveau scolaire des élèves.

    L’analyse du projet ministériel montre les effets délétères des mesures envisagées. Groupes de niveau, #redoublement, fin du collège « uniforme », énième réforme des programmes, renforcement de l’autorité du professeur… ne sont que les poncifs éculés de la pensée conservatrice. Ils ne répondent en rien à la crise de l’école française. En revanche, électoralistes et populistes, ces mesures sont susceptibles de servir l’ambition présidentielle de l’actuel ministre de l’éducation.

    Pierre Merle est sociologue, spécialiste des questions scolaires et des politiques éducatives, et il a notamment publié « Parlons école en 30 questions » (La Documentation française, 2021).

    https://seenthis.net/messages/1031680

    #élitisme #obscurantisme #autorité #école #éducation_nationale #élèves #éducation #groupes_de_niveau #ségrégation #Gabriel_Attal #hétérogénéité #coopération

  • Les castors.
    Le premier mouvement organisé d’autoconstruction est né en 1921 en France, sous l’impulsion initiale de l’ingénieur Georgia Knapp et favorisé par la loi Loucheur de 1928 sous le nom de “cottages sociaux”. Il s’agissait de groupes qui construisaient de 20 à 78 maisons avec une technique, un financement et une organisation spécifiques. L’organisation du chantier et la quasi totalité des travaux étaient effectuées par les membres de ces groupes pendant leurs loisirshttps://les-castors.fr
    #association#construction_logements_participatif

  • Réception pour l’avenir de la recherche française – Docs en stock : dans les coulisses de la démocratie universitaire
    Blog de Julien Gossa
    https://blog.educpros.fr/julien-gossa/2023/12/12/reception-pour-lavenir-de-la-recherche-francaise

    Le Président Emmanuel Macron a reçu plus de 300 chercheurs, représentants d’établissements supérieurs, instituts de recherche, institutionnels et chefs d’entreprises, pour présenter sa vision pour l’avenir de la recherche française, ce jeudi 7 décembre 2023 au Palais de l’Élysée. Gros verbatim et petit résumé.
    [...]
    [Résumé du contenu de la réforme en] Trois grands axes
    – Faire de nos organismes nationaux de recherche de vraies agences de programme.

    – Écrire l’acte II de l’autonomie des universités.

    – Installer le Conseil présidentiel de la science.
    Pas de nouveauté...
    [...]
    Mais une opportunité [sic]
    Damage Control
    [...]
    En clair, les deux annonces principales de M. Macron viennent d’être à la fois saluées et torpillée par les managers. La confusion est donc à son comble, comme en atteste la demande de clarification du SNCS-FSU. Cette confusion est tout à fait dommageable à une réforme qui vise à clarifier. L’avenir nous dira si ces managers étaient sincères, ou s’il ne s’agissait que d’une manœuvre pour endormir les personnels et pouvoir travailler en paix à la réforme de leurs statuts.

    #université #recherche #statuts #précarisation #concentration #_excellence_ #Macron #ivresse_du_pouvoir #hubris jamais d’#évaluation des politiques publiques menées #déclin de la science française #Pécresse

  • Le Hezbollah face à la guerre de Gaza
    https://laviedesidees.fr/Le-Hezbollah-face-a-la-guerre-de-Gaza

    Le Hezbollah libanais se déclare solidaire de la cause palestinienne et fait de la lutte contre #Israël l’un de ses principes. Mais le décryptage des discours de Hassan Nasrallah, son secrétaire général, permet de comprendre pourquoi il n’engage pas ses troupes contre l’armée israélienne.

    #International #Liban #conflit_israélo-palestinien
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20231215_hezbollah.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20231215_hezbollah.pdf

  • Les #Agences_de_l’eau en mode essorage

    Indépendantes de l’État, ces structures décisives dans la gestion de la ressource sont pourtant l’objet de multiples #pressions pour financer le #lobby agricole.

    Depuis quelques jours, les grands acteurs des guerres de l’eau en France jouent aux chaises musicales. On a ainsi vu mercredi dernier, le 6 décembre, #Arnaud_Rousseau, le président de la #FNSEA (#Fédération_nationale_des_syndicats_d’exploitants_agricoles), annoncer lui-même depuis le perron de Matignon que le gouvernement renonçait d’une part à taxer les agriculteurs qui polluent les sols et les eaux en utilisant des #pesticides et d’autre part à augmenter la #redevance de ceux qui irriguent tant et plus. La Première ministre, Élisabeth Borne, s’est contentée d’observer sagement la scène. Ce mardi, à Rennes, d’autres agriculteurs ont exprimé leur colère. Ils ont manifesté et même occupé des bâtiments de l’État pour demander, entre autres, l’arrêt du glyphosate et la taxation des pesticides. Évidemment, ils étaient pour la plupart affiliés à la Confédération paysanne. Ils revendiquaient surtout le paiement de plusieurs dizaines de millions d’euros de subventions qui leur ont été promis et qui doivent financer des mesures agro-écologiques dans leurs fermes. Le grand perdant de ce jeu de chaises musicales, où chacun semble prendre une place inattendue ? Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, qui n’a visiblement aucune assise. Il laisse la parole à la FNSEA, et il laisse – vous le verrez, c’est un document que se sont procuré Les Jours – son homologue chargé de l’Agriculture, Marc Fesneau, lui remonter les bretelles sur un dossier qui concerne pourtant de très près l’environnement et des établissements publics dont il a la charge, les Agences de l’eau.

    Pour comprendre cette situation, il faut vous présenter un peu plus ces mastodontes aussi importants que méconnus. La France compte six Agences de l’eau, dont les territoires sont délimités en fonction de l’écoulement des eaux : chacune règne sur un grand bassin hydrographique. Les personnes qui connaissent bien ces assemblées – et elles sont plutôt rares – en sont fières et les surnomment les « parlements de l’eau ». Car, en théorie, ces agences dotées d’un budget conséquent – plus de 12 milliards d’euros sur la période 2019-2024 – sont indépendantes de l’État et gérées par des collèges représentants tous les utilisateurs de la ressource : consommateurs, collectivités, industriels, agriculteurs, pêcheurs… Chacun de ces acteurs finance le budget des Agences via des taxes appelées « redevances » et, ensemble, ils doivent parvenir à concilier trois objectifs de plus en plus difficiles à atteindre : que chacun dispose de suffisamment d’eau, que les cours d’eau et les êtres qui y vivent soient en bonne santé, mais aussi que l’eau soit suffisamment peu polluée pour pouvoir être bue par tous.

    Depuis au moins une décennie, ces belles intentions sont largement mises à mal. En 2015, un rapport de la Cour des comptes dénonçait déjà le noyautage des Agences de l’eau par ceux qui la polluent – les industriels, notamment –, ainsi que par ceux qui en usent tant qu’ils en sont les plus grands consommateurs du pays : les agriculteurs… qui parfois polluent aussi. Le rapport pointait notamment le poids de plus en plus important pris par la FNSEA dans les décisions concernant la ressource. La situation ne s’est pas améliorée depuis. Un autre rapport de la même Cour des comptes, publié en juillet dernier et consacré à la gestion de l’eau face au changement climatique, regrettait, lui, que les redevances soient réparties de façon extrêmement inégale. Les consommateurs paient plus de 70 % des taxes via leur facture d’eau, quand les agriculteurs irrigants ne payent que 6 % de ces redevances et les agriculteurs consommateurs de pesticides à peine 4 %. Une situation d’autant plus injuste que l’impact de l’agriculture sur le coût de l’eau est de plus en plus grand : peu à peu, on se rend compte que l’eau potable est ainsi très largement contaminée par les résidus de pesticides, et que la dépollution va coûter une fortune aux collectivités.

    En prime, beaucoup d’agents et responsables des Agences de l’eau ont l’impression qu’on tape dans leurs caisses. Car depuis les années 2010, l’État a régulièrement décidé de ponctionner leur budget pour financer des mesures censées être favorables à l’environnement. Avec des conséquences lourdes sur les moyens de ces établissement mais aussi sur la taille des couleuvres à avaler : en 2018 a par exemple été instaurée une « contribution financière des Agences de l’eau à l’Agence française pour la biodiversité et à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage » d’un montant de 20 millions d’euros. Une somme qui permettait de compenser la perte de budget de ce dernier Office due à la promesse présidentielle – celle-là même qui avait poussé Nicolas Hulot à la démission – de diviser par deux le prix des permis de chasse. C’est ainsi que l’argent des parlements de l’eau a depuis été utilisé pour faciliter la pratique du fusil en milieu rural.

    En avril dernier, le même Emmanuel Macron a annoncé du côté du lac de Serre-Ponçon, dans les Hautes-Alpes, son « plan eau », censé porter des objectifs de sobriété. Cette feuille de route, que Les Jours décrivaient comme très favorable aux agriculteurs (lire l’épisode 2, « Tu cherches un plan eau près de chez toi ? »), devait en partie être financée via les deux taxes auxquelles le gouvernement vient donc de renoncer. Une annulation vécue comme une injustice de trop pour le président du comité de bassin de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne, Thierry Burlot (pourtant ex-candidat macroniste aux régionales). Il se dit « abasourdi » : « On a construit ce plan eau pendant des mois. On s’était mis d’accord sur le financement, de façon collective. On a imaginé une taxe sur les pesticides qui, au regard du coût de la pollution, est franchement minime. Et on découvre que la FNSEA est allée négocier seule à Paris, dans le dos de tout le monde. On découvre qu’ils ne veulent même pas payer pour financer un plan dont ils sont de très loin les plus grands bénéficiaires. C’est trop, cette décision va générer beaucoup de tension. »

    À Rennes, l’élu PS et vice-président d’Eau du bassin rennais Ludovic Brossard tance : « On n’est même plus face à du renoncement, on est face à un choix idéologique du gouvernement de soutenir le fonctionnement actuel de l’économie agricole plutôt que de donner une réponse aux enjeux environnementaux. » Du côté des agents de ces Agences, la déception est tout aussi grande. Élue au Syndicat national de l’environnement (SNE-FSU), Delphine Jacono déplore qu’« une fois de plus, on constate un arbitrage au profit des intérêts agricoles et au détriment de l’intérêt général. Ces taxes sont prévues pour abonder des budgets, mais doivent aussi faire changer les pratiques. Y renoncer est dommageable pour tout le monde ».

    Et ce n’est pas le seul dossier financier chaud qui divise les Agences de l’eau et le monde agricole. Les agents rennais de la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt l’ont découvert ce mardi en voyant débarquer une centaine d’agriculteurs en colère. L’objet de leur courroux est né de plusieurs échanges épistolaires entre membres de la majorité. Fin octobre, une flopée de parlementaires bretons écrivent au ministre l’Économie Bruno Le Maire et à Marc Fesneau. Ils alertent : des agriculteurs de la région se sont engagés à prendre dans leurs exploitations des « mesures agro-environnementales et climatiques » (Maec) en échange de subventions, et ils attendent leur dû. Victimes de leur succès, ces aides ont explosé les plafonds prévus. Près de 3 000 agriculteurs bretons attendraient aujourd’hui un montant global de 53 millions d’euros. Qui peut les payer ?

    Dans un courrier que « Les Jours » se sont procuré, Marc Fesneau exige de Christophe Béchu que les Agences de l’eau sortent le chéquier. Encore

    Cette missive a été bien reçue et entendue par Marc Fesneau. Selon un document que Les Jours se sont procuré, ce dernier a renvoyé quelques jours plus tard la patate chaude à Christophe Béchu. Son courrier évalue les besoins de financements à 143 millions d’euros à l’échelle nationale et se termine ainsi : « Cette insuffisance de financement provient des Agences de l’eau qui sont sous votre tutelle. » En clair, Marc Fesneau veut encore que lesdites agences sortent le chéquier. Il l’a fait savoir directement à leurs dirigeants, précise Thierry Burlot : « Marc Fesneau a invité les présidents de comité de bassin il y a un mois pour nous le dire. On n’était pas au courant de cet arbitrage, on ne savait pas que c’était à nous de le payer. Je vais être tout à fait clair sur ma position : je suis favorable au financement des Maec. Mais je ne peux pas les payer. On ne peut payer que si on a de l’argent dans la caisse. »

    Sur le terrain, on avance enfin un autre argument, de poids : il faudrait veiller à ne pas subventionner tout et n’importe quoi sous la pression du ministère de l’Agriculture. Un anonyme contrôleur de la Politique agricole commune (PAC), qui a évalué de très nombreux dossiers de Maec, détaille : « Les Maec sont censées inciter à un changement de pratiques et compenser une perte de rendement. Une partie sont très intéressantes, mais dans une majorité de dossiers, on finance des pratiques déjà existantes ou pas forcément pertinentes. » Delphine Jacono, du SNE-FSU, confirme qu’« il y a Maec et Maec, avec des ambitions environnementales très variables ». Elle alerte donc sur le fait que « faire du saupoudrage indifférencié serait une nouvelle atteinte aux objectifs environnementaux et climatiques ».

    Thierry Burlot, qui craint que l’affaire ne décourage les agriculteurs partisans d’un changement de modèle, se veut, lui, beaucoup plus conciliant avec les Maec. Quant à Ludovic Brossard, qui est allé à la rencontre des agriculteurs en colère ce mardi, il assure que la grande majorité de ces exploitants s’engagent dans des mesures vraiment intéressantes pour l’environnement. « Ces agriculteurs se disent qu’il leur manque des millions d’euros et que quelques jours plus tôt la FNSEA a été écoutée en déversant du lisier sur les préfectures. Forcément, ils se disent que les choses marchent comme ça. » Mais n’est pas la FNSEA qui veut : ce mardi soir, les agriculteurs de la Confédération paysanne ont été évacués avec force par la police.

    https://lesjours.fr/obsessions/eau-guerres/ep9-agences-eau-fnsea
    #eau #France #lobbying #agriculture #industrie_agro-alimentaire #indépendance #irrigation #pollution #taxe #glyphosate #Confédération_paysanne #subventions #agro-écologie #Marc_Fesneau #Christophe_Béchu #cour_des_comptes #eau_potable #prix #coût #contamination #dépollution #plan_eau #économie_agricole #mesures_agro-environnementales_et_climatiques (#Maec)

  • PENDANT CE TEMPS, les #connards de #FACEBOOK, qui se prennent pour le nombril du monde...
    « Votre compte est restreint pendant 23 jours »
    "Vos publications précédentes ne respectaient pas nos Standards de la communauté. Vous ne pouvez donc pas effectuer certaines actions, comme publier ou commenter."

    KC & Sunshine Band : Soul Train Shake Your Booty (vers 1975)

    #société #seenthis #vangauguin

    https://www.youtube.com/watch?v=l3fZuW-aJsg&ab_channel=steve3

    #art #musique #swing #soul #danse #funk #groove

  • La France augmente d’un tiers sa contribution à l’agence de l’ONU pour les réfugiés
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/12/13/la-france-augmente-d-un-tiers-sa-contribution-a-l-agence-de-l-onu-pour-les-r

    La France augmente d’un tiers sa contribution à l’agence de l’ONU pour les réfugiés
    Le Monde avec AFP
    La France va augmenter d’un tiers cette année sa contribution au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) pour la porter à 120 millions d’euros, a rapporté la cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna, à Genève. La France « s’efforcera de la maintenir à ce niveau en 2024 », a-t-elle déclaré à l’ouverture du Forum de l’ONU sur les réfugiés, que la France coparraine avec la Colombie, le Japon, la Jordanie et l’Ouganda. « La France continuera donc à soutenir le HCR, et elle a décidé de tripler, en trois ans, sa contribution financière, comme elle s’y était engagée », a insisté la ministre française.En 2022, cette contribution était de 91,6 millions d’euros, et d’environ 30 millions d’euros il y a trois ans, selon des chiffres du ministère. A l’ouverture du forum, le haut-commissaire de l’ONU pour les réfugiés, Filippo Grandi, avait rappelé que son agence avait encore besoin de 400 millions de dollars (371 millions d’euros) d’ici la fin de l’année.
    (...) Alors que les crises et les conflits se multiplient, plus de 114 millions de personnes étaient déplacées à la fin septembre dans le monde, un nombre record, selon le HCR. La population mondiale de réfugiés a doublé au cours des sept dernières années, atteignant 36,4 millions de personnes à la mi-2023, un autre record. Cela représente une augmentation de 3 % par rapport à la fin de 2022.
    « Alors que s’achève la COP28 avec un consensus appelant à une sortie des énergies fossiles, afin de permettre d’arriver au “net zéro” en 2050 comme c’est indispensable – ambition qu’il va maintenant falloir concrétiser –, je tiens aussi à rappeler que le dérèglement climatique a des conséquences très lourdes sur les mouvements migratoires », a développé Mme Colonna.
    Elle a par ailleurs appelé la communauté internationale « à lutter résolument contre les réseaux criminels » et « à nous mobiliser davantage collectivement pour éliminer la traite des êtres humains par des poursuites judiciaires, par des sanctions sévères et par le tarissement des financements de ces trafics ». La ministre a également appelé à « soutenir les pays limitrophes des zones de conflit armé, qui sont les premiers pays d’accueil ». Et « nous devons contribuer à alléger la pression qui s’exerce sur les pays d’accueil », a-t-elle dit. La ministre française a expliqué que la France « accueille 3 000 réfugiés par an dans le cadre du programme de réinstallation du HCR, et [qu’]elle maintiendra cet engagement en 2024 et 2025 ». Le programme de réinstallation du HCR permet aux réfugiés ayant trouvé refuge dans un premier pays de s’installer dans un autre pays qui a accepté de leur assurer une protection internationale et, à terme, une résidence permanente.
    Catherine Colonna a également annoncé que la France « s’engage à réinstaller en France [par le biais du] dispositif “Femmes en danger” des femmes réfugiées isolées et particulièrement vulnérables, notamment les victimes de violences, d’exploitation ou de traite des êtres humains ».

    #Covid-19#migrant#migration# france#HCR#refugie#traite#femme#crise#conflit

  • Prosulfocarbe : « Combien de potagers contaminés sans que les gens ne le sachent ? » - Basta !
    https://basta.media/prosulfocarbe-combien-potagers-et-vergers-contamines-herbicide-volatile-pol

    (...)
    Au total, les surfaces avec des cultures traitées au prosulfocarbe représentent 7,6 millions d’hectares en France, soit un quart de la surface agricole utile [2]. Si les surfaces traitées n’augmentent pas depuis quelques années, la quantité d’herbicides, elle, progresse. Cela signifie une hausse des doses épandues à l’hectare. « Ce recours croissant s’explique notamment par la montée de résistances de certaines adventices [mauvaises herbes] » souligne l’INRAE.
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    L’une des caractéristiques du prosulfocarbe est son extrême volatilité, c’est-à-dire sa très forte dispersion dans l’air. Des travaux suggèrent que le prosulfocarbe puisse parcourir « de longues, voire très longues distances après évaporation » souligne l’Anses. Le problème n’est pas nouveau. De 2008 à 2013, le prosulfocarbe fait partie des 20 molécules les plus détectées dans l’air ambiant [4]. De manière générale, sa concentration dans l’air en France a augmenté depuis 2019. De très récentes données indiquent que le prosulfocarbe fait partie des pesticides les plus fréquemment retrouvés dans l’air ambiant partout en France, parmi 72 substances recherchées.