• Des citoyens « enquêteurs » révèlent au grand jour un trafic illicite de bois vers la Chine

    La gendarmerie a corroboré la piste de l’exportation de bois vers l’Asie, jusqu’à aboutir au placement en garde à vue des gérants d’#Euro_Bois. Au cours de la perquisition, 27 000 euros en liquide sont saisis, ainsi que des documents faisant état de transferts d’argent de la Chine vers une entreprise turque, pour un montant d’environ 100 000 euros.

    Grâce à leur persévérance, des habitants du département francilien des #Yvelines ont contribué à mettre à jour une filière d’#exportation illégale de bois vers le continent asiatique. Plus de 350 arbres, en majorité des #chênes issus d’espaces boisés classés, auraient été coupés pour être envoyés en Chine.

    Des arbres rasés dans des « Espaces boisés classés »

    Difficile d’y croire tant l’histoire paraît rocambolesque, et pourtant : grâce à la vigilance de citoyens, inquiets de voir les forêts des Yvelines « massacrées », une filière d’exportation illégale de bois entre les Yvelines et la Chine a été révélée au grand jour en mars dernier.

    Retour à l’automne 2022. A cette époque, dans la forêt de #Septeuil (Yvelines), des habitants remarquent des #coupes_d’arbres « anormales » sur des parcelles privées où la société d’exploitation forestière Euro Bois intervient.

    Sur certaines parcelles, d’ailleurs classées « #Espaces_boisés_classés » (#EBC), « les coupes, qui visaient essentiellement des chênes, étaient autorisées, puisque des demandes d’autorisation de coupe avaient été déposées en mairie et que les propriétaires des parcelles avaient donné leur accord, rembobine Virginie Meurisse pour La Relève et La Peste.

    Mais alors que la société disait effectuer des coupes sanitaires, elle ne coupait que des arbres sains, continue la présidente de #Sauvons_La_Tournelle, une association dédiée notamment à la défense des sites naturels des Yvelines. Il y avait également des irrégularités dans les demandes d’autorisation ».

    Des citoyens devenus « enquêteurs en herbe »

    Rapidement, les associations Sauvons la Tournelle, #Jade et #Sauvons_les_Yvelines portent plainte face à ce que toutes trois qualifient alors de « #massacre_à_la_tronçonneuse », comme Virginie Meurisse l’expliquait déjà pour La Relève et La Peste à l’hiver 2022.

    « On a également écrit à la mairie de Septeuil pour qu’elle prenne un Arrêté interruptif de travaux (AIT) qui permette l’arrêt des coupes le temps d’instruire notre plainte, mais le maire a refusé », développe la militante, amère.

    Si sur place, l’#abattage des chênes continue, une enquête est néanmoins ouverte, dont sont saisis les gendarmes de la Communauté de brigades (CoB) de Septeuil.

    « On a eu de la chance parce qu’on a été reçu par un gendarme qui a pris la question très au sérieux », insiste Virginie Meurisse.

    Surtout, quelques mois plus tard, en avril 2023, un habitant remarque en forêt des Yvelines de nouveaux troncs abattus, prêts à être chargés dans un conteneur maritime. Par réflexe, l’habitant prend une photo et à partir de là, tout s’accélère. En possession de l’immatriculation du conteneur, et grâce à des sites de pistage en open source, les militants écologistes réussissent à pister le conteneur jusqu’au port de Yantian, au sud de la Chine.

    « Si ce n’était pas si grave, ça en en serait presque drôle, lâche Virginie Meurisse. On s’est vraiment transformés en enquêteurs en herbe. »

    Les gérants attendus devant le tribunal correctionnel de Versailles

    En parallèle, la gendarmerie corrobore la piste de l’exportation de bois vers l’Asie, jusqu’à aboutir au placement en garde à vue des gérants d’Euro Bois le 6 mars dernier. Au cours de la perquisition, conduite par les enquêteurs dans les locaux de l’entreprise, 27 000 euros en liquide sont saisis, ainsi que des documents faisant état de transferts d’argent de la Chine vers une entreprise turque, pour un montant d’environ 100 000 euros, détaille la gendarmerie.

    « Sur les déclarations préalables, les motifs de coupe sont erronés, apprend-on également. Les taux de prélèvement sont dépassés, et des arbres sont abattus et volés sur des parcelles non-déclarées, sans l’autorisation des propriétaires. »

    Poursuivis pour coupe illicite d’arbres et vols de bois depuis janvier 2021, les gérants de la société d’exploitation forestière, une mère et son fils, sont attendus devant le Tribunal correctionnel de Versailles le 21 mai prochain. Une audience que les associations de préservation de l’environnement des Yvelines attendent avec impatience, d’autant que l’entreprise avait déjà été condamnée en 2022 pour des faits similaires dans la commune de Grosrouvre (Yvelines).

    « Avec cette audience, on espère comprendre comment ces coupes ont pu avoir lieu alors qu’elles seraient illégales », détaille Virginie Meurisse, qui estime qu’au moins 350 arbres auraient été coupés illégalement sur environ 10 hectares de forêt.

    Des coupes qui visaient essentiellement des gros chênes valorisables sur le marché mondial, et notamment en Chine où la coupe de chênes est interdite depuis 2017.

    Répertorier toutes les coupes de bois des Yvelines

    Heureuse de voir les efforts des militants associatifs payer, Virginie Meurisse garde cependant un goût amer de ces longs mois de combat.

    « On va certainement taper sur cette entreprise, à juste titre, mais je regrette qu’on ne soit pas allé plus vite, dit-elle. Dès le départ, on a alerté la mairie de Septeuil, qui n’a rien fait. Dans des situations similaires, d’autres maires ont pris des AIT et ont pu empêcher des massacres. Nous, ça n’a pas été le cas », insiste-t-elle, alors que d’après l’Office national des forêts (ONF), le montant du préjudice s’élève à 160 000 euros.

    Loin de baisser les bras pour autant, Virginie Meurisse et les associations écologistes du territoire disent vouloir rester attentifs aux coupes de bois « suspectes » dans les Yvelines, où « c’est l’hécatombe ».

    Ces derniers travaillent d’ailleurs à créer une carte interactive qui permettrait de répertorier l’ensemble des coupes d’arbres des Yvelines, en forêt privée comme dans les forêts gérées par l’ONF. Un travail titanesque qui nécessiterait la contribution de cartographes, de naturalistes ou encore d’écologues.

    L’objectif : « connaître le volume réel de bois abattu dans le département, explique Virginie Meurisse. On cherche à alerter sur les trafics de bois, comme ça a été le cas dans la forêt de Septeuil, mais aussi plus largement sur la quantité de coupes de bois autorisées.

    Pour nous, il est urgent de revoir les plans de gestion des forêts qui, bien que légaux, sont parfois obsolètes face au dérèglement climatique et au dépérissement de la forêt. »

    Contactée, la mairie de Septeuil n’a pas répondu à notre demande d’interview.

    https://lareleveetlapeste.fr/des-citoyens-enqueteurs-revelent-au-grand-jour-un-trafic-illicite-

    #France #Chine #bois #Franchine (?) #bois #trafic_de_bois

  • Les cartes sont-elles « objectives » ?

    Alors que des milliards de milliards de données sont créées sans cesse sur tout, l’ensemble du territoire n’est aujourd’hui pas entièrement cartographié. Que signifient la présence de blancs dans les cartes ? Quels en sont les enjeux de #pouvoir ?

    Tout part de l’observation de cartes anciennes qui représentent des contrées mal connues par les cartographes européens. L’Afrique, L’Amérique latine, dont a vient juste de découvrir les côtes. Dans les espaces encore inconnus, on laisse de larges #espaces_blancs, agrémentés d’animaux exotiques qu’on imagine se trouver là : des tigres, des éléphants, de petites montagnes stylisés ou des humains représentés sous une forme exotique. Il y a comme une part de rêve dans ce qui n’est pas représenté par la carte : le #vide semble nous raconter plus d’histoire que le plein et nous dire : « il était une fois, dans une contrée très éloignée... ». D’ailleurs les informations dessinées dans le blanc des cartes étaient imaginaires, c’était une époque où la géographie avait à voir avec la fiction. Ce #blanc_des_cartes avait un effet puissant sur l’imagination des explorateurs…

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/geographie-a-la-carte/les-cartes-sont-elles-objectives-6785331
    #audio #podcast #cartographie #objectivité #Matthieu_Noucher #géographie_du_vide #imaginaire #imagination #blanc

    ping @visionscarto

    –—

    Voir aussi :
    Blancs des cartes et boîtes noires algorithmiques


    https://seenthis.net/messages/1004355
    #livre

    • Dans l’article d’origine, une explication toute bête, pour Paris au moins :

      « Actuellement, la question de l’entretien est fondamentale dans les aménagements urbains et les projets de rénovation, car cela a un coût, encore plus quand des villes sont sous pression austéritaire – comme beaucoup de communes de Seine-Saint-Denis, poursuit Matthieu Adam. Embaucher des jardiniers formés pour entretenir les arbres est plus cher que d’avoir un agent qui vient nettoyer une dalle au jet d’eau. Ce qui fait qu’en banlieue la végétation est moins présente. »

      Par ailleurs, nombre de projets de rénovation proposent encore des aménagements très minéralisés, en partie pour réaliser de la prévention situationnelle. « En somme, ne pas planter des arbres est plus pratique pour laisser l’espace urbain ouvert afin de contrôler la population via des caméras de vidéosurveillance, des drones ou la simple vue des patrouilles de police », précise le chargé de recherche CNRS.

    • Pour Marseille, un peu différent, les riches privatisent les quartiers végétalisés :

      « En réalité, Marseille reste une ville très minérale où la végétation est plutôt absente, et la saisonnalité invisible. Les espaces verts urbains représentent seulement 4,6 m² par habitant. C’est moins que Paris (14 m2), indique le géographe Allan Popelard, qui dirige la collection « L’ordinaire du capital » aux éditions Amsterdam. Marseille compte environ dix fois moins d’arbres d’alignement par habitant que les autres grandes villes européennes étudiées. »

      Par ailleurs, le nombre d’arbres y est en nette régression : en 75 ans, le cœur historique de Marseille a perdu la moitié de son patrimoine arboré. Professeure à Aix-Marseille Université et chercheuse au Laboratoire Population Environnement Développement, Élisabeth Dorier précise pour Mediapart : « Dans le centre-ville de Marseille, il existe encore quelques rares cours intérieures avec des arbres. C’est une adaptation ancienne aux chaleurs des quartiers historiques qu’il faut à tout prix préserver. »
      [...]
      Allan Popelard : « Cette division socio-environnementale Nord-Sud résulte des choix d’aménagement opérés notamment sous les mandatures de Gaston Defferre (1953-1986) et Jean-Claude Gaudin (1995-2020). Une politique de classe qui a concentré les externalités négatives dans les quartiers nord. »
      [...]
      Les cartographies de la végétalisation et des revenus des ménages font apparaître au sud de la métropole les quartiers chics du Roucas-Blanc et de la colline Périer (7e et 8e arrondissements) où se trouvent des résidences fermées et végétalisées sous vidéosurveillance.

      Depuis 2007, Élisabeth Dorier se penche avec son équipe de recherche sur l’essor de ces résidences sécurisées. « Dans ces quartiers réservés aux privilégiés, les espaces verts sont progressivement privatisés. La colline Périer est devenue un écrin de verdure privé et bien gardé avec murs, patrouilles de gardiennage et vidéosurveillance, détaille la chercheuse. La fermeture résidentielle est ici un outil de valorisation foncière et d’exclusivité sociale. »

    • @olaf sur le « jardinage urbain », voir les travaux de mon ex-collègue #Marion_Ernwein :

      Les natures de la #ville_néolibérale

      « Zéro phyto », gestion écologique : les #espaces_verts_urbains longtemps conçus sur le mode « nature morte » de la tradition horticole se font de plus en plus vivants. Plus participatifs aussi, comme en témoigne la prolifé­ration des programmes de jardinage collectif. Cet ouvrage invite à com­prendre l’insertion de ces transforma­tions dans les nouvelles logiques de production de la ville et des services urbains.
      Sur la base d’enquêtes de terrain menées à Genève (Suisse) – auprès de responsables administratifs, politiques et associatifs, de travail­leurs de la nature, et de citadins-jar­diniers – il illustre la manière dont les politiques urbaines néolibérales faisant la part belle à l’événement, au managérialisme et aux #partenariats_publics-privés modèlent la ville vi­vante et le rôle qu’y jouent humains et non-humains. En détaillant le traitement réservé à différentes formes de végétaux – horticoles, vivriers, bio-divers – l’ouvrage développe des outils conceptuels pour une #écologie_politique du #végétal_urbain.

      https://www.uga-editions.com/les-natures-de-la-ville-neoliberale-544600.kjsp

      –—

      Et une recension du #livre :
      https://journals.openedition.org/cybergeo/35592

      #nature_en_ville

  • Vague de répression contre les migrants en Turquie : « J’envisage de retourner au Sénégal »

    Des vidéos amateurs envoyées à notre rédaction montrent des migrants africains arrêtés par la police turque dans le cadre d’une campagne de répression de l’immigration clandestine. Sur ces images, envoyées par des migrants du Sénégal, du Cameroun, de Guinée et d’Angola, des officiers hurlent sur les migrants et, dans certains cas, les violentent physiquement. Nos Observateurs, dont l’une des victimes visible dans une #vidéo, racontent.

    Les autorités turques ont lancé la répression au début du mois de juillet. Dans une interview publiée le 9 juillet, le ministre de l’intérieur, #Ali_Yerlikaya, a déclaré que la lutte contre l’immigration clandestine était l’une de ses priorités et que la #police d’Istanbul et des 81 provinces de Turquie intensifiait ses efforts pour arrêter et détenir les personnes se trouvant illégalement dans le pays.

    À Istanbul, la police a ainsi entamé le 4 juillet une série d’opérations de #ratissage de soir et de nuit, en se concentrant sur les lieux de sorties et les #espaces_publics. Elle affirme avoir arrêté 3 535 personnes au cours de la première semaine, soupçonnées d’être entrées illégalement en Turquie, d’avoir travaillé sans autorisation ou d’avoir dépassé la durée de validité de leur visa.

    Les vidéos envoyées à la rédaction des Observateurs par des migrants africains vivant en Turquie suggèrent un comportement violent de la part de la police.

    Une vidéo envoyée par des migrants du Sénégal et de Guinée montre la police plaquant au sol un homme africain au milieu d’une foule. Les policiers ne portaient pas d’uniforme, mais des menottes. La victime a demandé son téléphone à plusieurs reprises, ce qui a mis en colère le policier qui le maintenait au sol. Le policier lui a crié dessus et l’a ensuite giflé.

    Dans cette vidéo, envoyée par des migrants africains aux Observateurs de France 24 via WhatsApp et également postée sur Twitter, on voit le propriétaire d’un salon de coiffure sénégalais se faire gifler par un policier turc après avoir été arrêté pour un contrôle d’immigration. L’homme sénégalais a déclaré aux observateurs de France 24 que son permis de séjour était en cours de renouvellement.

    L’incident a eu lieu à Istanbul le mercredi 19 juillet. En utilisant les images disponibles sur Google Maps, notre rédaction a pu déterminer que l’incident s’est produit à l’entrée du centre commercial souterrain. Plusieurs migrants subsahariens vivant à Istanbul ont confirmé l’endroit.

    Le quartier environnant, Aksaray, regorge de magasins de vêtements et d’alimentaire tenus par des Africains.

    "Chaque fois que des policiers me voient, ils me demandent mes papiers"

    La rédaction des Observateurs a réussi à identifier et à contacter l’homme que l’on voit dans la vidéo : il s’agit de Mohamed Preira, un Sénégalais qui s’est installé en Turquie en 2019 et qui possède un salon de coiffure à Aksaray. Il déclare qu’il se rendait à son salon lorsqu’il a été arrêté par la police et avoir assuré aux agents ne pas avoir de permis de séjour sur lui parce qu’il était en cours de renouvellement.

    Ils ont pris mon téléphone et mon argent. Ils m’ont mis dans une voiture et m’ont conduit à un endroit où ils m’ont laissé partir. Eux-mêmes savent qu’ils n’ont pas le droit de m’arrêter. Mais je ne peux même pas porter plainte contre eux.

    J’ai déposé mes documents [pour renouveler mon statut de résident] et on m’a donné un reçu. Je suis en train d’obtenir les documents pour avoir le droit de vivre ici.

    Ce n’est pas la première fois qu’on m’arrête. Chaque fois que des policiers me voient, ils me demandent mes papiers. Mais ces policiers étaient tout simplement racistes. Maintenant, tout mon corps me fait mal.

    J’ai mon propre salon de coiffure à Istanbul. Je paie mon loyer. Mais la situation s’est aggravée, les contrôles sont de plus en plus nombreux. Maintenant, j’envisage de retourner au Sénégal. Vivre dans un autre pays, sans argent, c’est trop dur.

    #Turkey is one of the countries where #refugees are most often subjected to violence, both by society and the authorities.
    This video showing police violence was shared on social media yesterday.
    In #Istanbul, a migrant-refugee from #Africa was beaten and detained by the police.… pic.twitter.com/l4S1UAh2Ld
    — Vedat Yeler (@vedatyeler_) July 14, 2023

    Notre rédaction a reçu de très nombreuses vidéos montrant l’usage de la force par la police. L’une de ces vidéos, également publiée sur Twitter, montre deux policiers en uniforme tenant un migrant africain tandis qu’un troisième policier peut être vu en train de lui pousser la tête vers le sol. Alors qu’ils l’éloignent, le troisième policier se moque apparemment de la victime en lui tapant dans la main.

    Plusieurs migrants africains nous ont déclaré que l’incident avait eu lieu dans le quartier d’Esenyurt à Istanbul. L’imagerie satellite semble confirmer l’endroit, mais nous n’avons pas pu contacter l’homme qui a été arrêté.

    "Nous avons été traités comme des criminels parce que nous n’avons pas les papiers qu’ils refusent de nous donner”

    En novembre 2022, un rapport de Human Rights Watch estimait que les migrants détenus en Turquie sans papiers étaient souvent incarcérés dans des centres de détention surpeuplés, sans accès suffisant à une assistance juridique et à leurs familles.

    "Cédric" (pseudonyme) un Camerounais qui a parlé à notre rédaction de France 24 sous couvert d’anonymat, a été arrêté à Istanbul en décembre 2022 alors qu’il attendait une mise à jour de son statut de résident :

    Nous étions 12 à être détenus dans des chambres prévues pour six personnes. Nous étions censés avoir le droit de parler à nos familles, mais ils ont pris nos téléphones. Les conditions étaient horribles. J’ai vu beaucoup de suicides. Nous avons été traités comme des criminels parce que nous n’avions pas les papiers qu’ils refusaient de nous donner. Ils ne nous permettent pas d’avoir nos propres avocats. Ils ne vous laissent voir que leurs avocats.

    “Cédric” raconte qu’il a été autorisé à quitter le centre au bout de deux mois et qu’on lui a remis un document qui l’autorisait uniquement à vivre à Bartin, une petite ville située à 400 km d’Istanbul. Mais il n’est pas resté : "Il n’y avait pas d’opportunités là-bas et les gens étaient racistes, alors je suis retourné à Istanbul” dit-il.

    "Les migrants de toutes nationalités sont confrontés à de nombreuses violations des droits de l’Homme"

    Contacté, Mahmut Kaçan, un avocat turc spécialisé dans les droits des migrants, affirme que le système d’immigration du pays est devenu plus restrictif au cours des deux dernières années.

    Au cours des deux dernières années, les demandes d’asile n’ont pas été acceptées, que l’on soit un migrant régulier ou irrégulier. Ces dernières années, et pendant les élections [de mai 2023], il y a eu un débat. Le gouvernement actuel et l’opposition affirment qu’ils expulseront tous les réfugiés.

    Les migrants de toutes nationalités sont confrontés à de nombreuses violations des droits de l’Homme. Je reçois des plaintes, mais comme ces migrants ne sont pas correctement enregistrés, ils ne sont pas en mesure de déposer des plaintes et de contacter des ONG.

    https://observers.france24.com/fr/moyen-orient/20230721-turquie-migrants-violence-arrestations

    #migrations #Turquie #répression #asile #réfugiés #racisme_anti-noirs #sans-papiers #rafles

  • Our digital public squares aren’t so healthy. Can we fix that ? | Salon.com
    https://www.salon.com/2023/01/28/our-digital-public-squares-arent-so-healthy-can-we-fix-that

    Despite living in a hyper-connected world, rates of loneliness and depression are higher than ever. We know a great deal about how to design our physical spaces to encourage community connections – libraries, town parks, and adult education centers – but we are just scratching the surface in figuring out how to strengthen social connections and build civic engagement in our online spaces. Can we translate these real world designs into our online platforms to bolster our communities and our democracy?

    Digital pioneers are demonstrating the value that online spaces can provide in fostering community and social cohesion. Some of these groups are not new, like Black Twitter, but are finding ways to survive, and even thrive, within larger toxic social media platforms. Others, like gift sharing communities, are working out exit strategies from traditional social media sites because they have found these structures are overly focused on profit over public interest. Still other pioneers are growing their own platforms to ensure a design that emphasizes local community values.

    Ethan Zuckerman, from the Institute for Digital Public Infrastructure, points out that in addressing issues of misinformation and vitriol online we may be too focused on trying to fix our old social media platforms. Instead, we should focus on creating new spaces that have explicit civic goals and are designed for equity and social cohesion. Real-world communities need to be involved in intentionally designing their own local digital public spaces rather than leaving this work to global tech companies.

    People have found ways to thrive on Black Twitter, but being on Twitter is not without its challenges. Platformed racism is the result of a design ethos in Silicon Valley that applauds a hands-off philosophy to support innovation and growth. Outsiders sometimes jump on Black Twitter hashtags and post racist comments and there are reports of police gathering information from Black Twitter. Trolls, cancel culture, and harassment can make Twitter a traumatizing place for many people. Algorithms designed to drive engagement end up promoting offensive content. Community guidelines addressing negative behavior are under-enforced and with Elon Musk’s tenure the hands-off philosophy has shot through the roof and further escalated vitriol and misinformation on the platform.

    Twitter’s design encourages simplicity, impulsivity and incivility. It cues emotional thinking rather than encouraging us to analyze content or re-consider making a post. But, despite its design flaws, small private groups have also emerged on Twitter and have been able to thrive by blocking trolls and curating feeds to minimize the toxicity that is built into the platform. Private student groups on Twitter, such as those that started among friends who attended Historically Black Colleges and Universities (HBCU), continue after graduation to provide community and networking. Both the larger Black Twitter public space and the small private groups provide members with valuable support and shared experiences, despite the design of Twitter, not because of it.

    The Buy Nothing Project is an early model of how to build a value-based platform with a hyper-local focus. Their biggest challenge has been trying to promote values from within a system that runs counter to those values. The design of Facebook actively encourages people to stay online and join more groups. Many Facebook private groups are wonderful — groups that support cancer patients, new Moms, church youth groups — but the platform’s focus on growth and keeping people online, rather than fostering better social cohesion and improving our offline lives, sets the wrong tone.

    Buy Nothing has now created its own app to better foster community as it transitions off of Facebook. They have found that size matters and small is better in order to limit posting and emphasize real world connections. Size also impacted feelings of safety as real-life local connections became more difficult when local groups got too big. The infrastructure of Facebook made it difficult to limit group size and to draw flexible boundaries around neighborhoods to connect diverse groups while keeping it local.

    Tiens, Front Porch (Vermont) me fait penser aux raisons du succès de Biblio-fr dans les années 1990-2000

    Facebook is opaque about how it addresses harmful content and how its algorithms are designed. Content is posted immediately. With 4.75 billion posts shared daily it is impossible to track and remove users who are engaged in selling drugs, child pornography, and spreading misinformation. On Front Porch, posts are first reviewed by paid human moderators and then posted. If someone behaves badly, such as writing insults about a neighbor, that person is contacted and the guidelines are explained: Neighbors can disagree with something someone has posted and voice their opinion, but personal attacks are not allowed. The design of Front Porch prevents illegal activities from being posted. It may be that what works for many towns across Vermont may not be the best design for those in Nevada or New York City, but this type of locally based platform could be modified to accommodate different community values.

    Third places are places outside of our homes and workplaces that provide essential neutral places where we can relax, interact with friends and strangers and enjoy ourselves. Ray Oldenburg first described third places decades ago, at a time when people were moving to the suburbs and third places were disappearing. These informal community gathering places provide a sense of belonging and connection that can strengthen community ties. Libraries, gyms, and cafes can be accessible to everyone and conversation and community building, rather than solely pursuing commerce, are top priorities.

    Sociologist Eric Klinenberg’s book Palaces for the People, traces the importance of public squares throughout history. These “palaces” can offer neutral spaces where everyone is welcome. Klinenberg argues that the future of democratic society rests on developing shared values and shared spaces. These spaces provide connections where people can linger and make friends across group lines and are intentionally designed to promote socialization and connection.

    Tech companies maintain that they cannot moderate online communities because that would jeopardize our right to free speech and because there is simply too much content flying across these networks to track. Both these issues are false flags. We now know that the core infrastructure of these platforms is intentionally designed to amplify vitriol and misinformation because this increases engagement, keeps us online longer, and provides tech companies with billions of dollars from ad revenue. It doesn’t have to be this way.

    #Espaces_publics #Médias_sociaux #relations #Bien_être

  • Edith Maruéjouls, géographe : repenser la cour de récréation

    #Edith_Maruéjouls, géographe du genre, intervient depuis 20 ans dans les écoles, où les garçons ont tendance à s’approprier l’#espace de la cour de récréation, essentiellement en jouant au foot. Elle explique comment elle travaille dans l’ouvrage « Faire je(u) égal ».

    https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/une-semaine-en-france/une-semaine-en-france-du-vendredi-16-septembre-2022-7688356

    #cour_de_récréation #récréation #école #genre #filles #garçons #inégalités #football #foot #géographie #cour_d'école

  • « Ville féministe » de Leslie Kern
    https://topophile.net/savoir/ville-feministe-de-leslie-kern

    Les études urbaines privilégiant le genre sont encore rares, aussi convient-il de saluer cet ouvrage de la géographe Leslie Kern, qui dirige des recherches sur le genre à l’Université Mount Alison au Nouveau-Brunswick. Évitant toute langue de bois, l’auteure rend compte, subjectivement, de sa propre expérience de femme enceinte (où s’asseoir ?), puis de jeune mère... Voir l’article

  • Alors, on te voit plus aux soirées ? Pour une santé communautaire. - Paris-luttes.info
    https://paris-luttes.info/alors-on-te-voit-plus-aux-soirees-15592

    Parce que la forme pandémie n’est pas simplement naturelle, mais fortement impactée par l’organisation sociale, je m’oppose à toute méthode qui consisterait à « laisser faire la nature », à « faire confiance à son corps » et « booster son immunité naturelle ». Pire encore, l’idée qu’« il faut bien mourir de quelque chose ». L’immunité naturelle et collective, pour autant qu’elle soit atteignable (ce qui n’est pas certain), a un coût humain. Et, ce coût humain est d’abord payé par les plus fragiles (que ce soit une fragilité naturelle ou créée par le monde dans lequel on vit), ce qui n’est rien d’autre qu’un nouvel eugénisme dégueulasse.
    Je dois t’avouer que j’ai été effaré de la porosité de nos milieux aux discours niant la dangerosité du virus et aux scientifiques "alternatifs" (pour ne pas dire escrocs). Pourtant, tu sais à quel point je suis sensible à un certain nombre d’arguments techno-critiques ou anti-industriels… Mais, dans le champ étroit du médical et de la lutte contre le virus (traitements, vaccins, moyens de prévention), qui d’autre que les experts ? Questionner ces experts, c’est par exemple les interpeller sur les mystérieux « covid longs », construire des groupes patient-e-s/médecins, plutôt que leur opposer des chiffres manipulés ou des scientifiques alternatifs (eux aussi en blouse blanche et poursuivant également un business personnel très lucratif…). Quant à nous, quelques séances d’éducation populaire sur la thématique de l’immunité nous seraient sans doute fortement bénéfiques !!

    enfin des textes comme ça bordel.

    (aaaaaah une #piqûre)

  • Espaces non mixtes : l’entre-soi contre les inégalités ?
    https://metropolitiques.eu/Espaces-non-mixtes-l-entre-soi-contre-les-inegalites.html

    L’organisation d’espaces « non mixtes » est utilisée par de nombreux mouvements sociaux, mais également par plusieurs politiques publiques, comme un instrument de lutte contre les inégalités. À distance des polémiques, le dossier retrace l’histoire et les raisons de ce recours à la non-mixité et met en lumière ses effets sur les inégalités. ▼ Voir le sommaire du dossier ▼ Le fait de se réunir en « non-mixité », sur la base d’une expérience et d’une identité sociales communes en proie aux inégalités et aux #Dossiers

    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_introductiondossierenm.pdf

  • L’Actu des Oublié.e.s :: : Saison II

    Episode 4 - Ouganda : Faire face au cauchemar écocidaire de Total

    400 puits de pétrole et un pipeline qui doit traverser des espace naturels protégés et des centaines de villages : le projet de Total en Ouganda implique le déplacement de près de 100 000 personnes et menace la biodiversité.

    Malgré une répression féroce, la résistance s’organise sous diverses formes, notamment grâce à une dynamique éco-féministe puissante et déterminée.

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    https://audioblog.arteradio.com/blog/157476/l-actu-des-oublie-e-s

    MUSIQUES
    Man’s Lady de Twig
    Ting Badi Malo MC Yallah
    Wuliliza de GNL & Ernest Nsimbi Zamba
    Ukiwi de Tafash

  • La « ville de demain » : vers une « déspécialisation » des bâtiments pour s’adapter aux nouveaux modes de vie ?
    https://www.banquedesterritoires.fr/la-ville-de-demain-vers-une-despecialisation-des-batiments-pour

    La crise du Covid-19 est venue accélérer les changements en cours dans les #modes_de_vie et de travail, avec l’essor du #télétravail, des #espaces_partagés... Lors de la quatrième table-ronde « Travailler, se déplacer, consommer, habiter », organisée le 21 septembre 2021 dans le cadre de la réflexion « Habiter la France de demain », sociologues, architectes, acteurs du bâtiment, partenaires publics et privés, ont esquissé les évolutions nécessaires pour s’adapter à ces mutations profondes. L’un des leitmotiv : la « #déspécialisation » des bâtiments.

    #urbanisme

  • L’urbanisme écologique : un nouvel impératif ?
    https://metropolitiques.eu/L-urbanisme-ecologique-un-nouvel-imperatif.html

    L’extension rapide des surfaces urbanisées affecte la biodiversité, homogénéise les paysages et transforme les modes de vie en raréfiant les expériences sensibles des milieux naturels. Ce dossier explore les réponses que les concepteurs d’espaces urbains peuvent apporter aux urgences écologiques et politiques. ▼ Voir le sommaire du dossier ▼ À l’échelle mondiale et depuis trois décennies, les surfaces urbanisées gagnent en moyenne 110 km² par jour, soit environ la superficie de la ville de Paris. D’ici #Dossiers

    / #écologie, #urbanisme, biodiversité, #environnement, #architecture

    #biodiversité
    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/introduction_dossierurbanisme-ecologique.pdf

  • Les dimensions spatiales du maintien de l’ordre.

    Carnets de débats

    Marion Lecoquierre et Félix Tréguer. #Villes sous contrôle et #technologisation du maintien de l’ordre. Entretien avec #Félix_Tréguer [Texte intégral]

    Carnets de recherches

    Clément Monseigne. Maintien de l’ordre et maintien des ordres : les #logiques_spatiales du régiment des Gardes-françaises à Paris à la veille de la Révolution

    Jonas Campion. Des espaces « exceptionnels » à sécuriser : éléments d’histoire de la cohabitation policière à la frontière franco-belge (xxe- xxie siècles)

    Camille Guenebeaud. Au-delà des murs. Maintenir l’ordre à la #frontière franco-britannique

    Andrea Kretschmann. Les #villes_artificielles comme espaces de formation de l’ordre politique : l’entrainement aux scénarios apocalyptiques des polices européennes

    Aurélien Restelli. « Avant la manif ». L’#aménagement_préventif de l’espace manifestant

    Aïcha Bourad et Fanny Parent. La #foule et l’#ordre : gouvernement spatial des conduites dans les meetings électoraux

    Naoko Tokumitsu. Le développement de dispositifs techniques de #surveillance des #espaces_publics et la participation des habitants au maintien de l’ordre au #Japon

    Romane Joly et Vincent Lebrou. Des #jardins pour maintenir l’ordre ? Enquête ethnographique dans un quartier populaire strasbourgeois

    Carnets de terrain

    Bénédicte Michalon, Tristan Bruslé, Olivier Clochard, Mathilde Darley, Olivier Milhaud et Marie Morelle. Enquêter dans les lieux d’#enfermement. Retour collectif sur une expérience de recherche

    Damien Carrière
    Garde-à-vous à Manesar. Une observation participante parmi les gardiens de sécurité en Inde [Texte intégral]

    Carnets de lectures

    Franck Ollivon. Marie Morelle, #Yaoundé carcérale. Géographie d’une ville et de sa #prison. Lyon : ENS Editions, 2019, 228 p.

    Léopoldine Manac’h. BABELS, La police des migrants. Filtrer, disperser, harceler. Paris : éditions du Passager clandestin, 2019, 120 p.

    Alex Mahoudeau. Mathieu Rigouste, La Domination Policière. Une violence industrielle. Paris : La Fabrique, 2012, 257 p.

    Carnets de soutenances

    Franck Ollivon. La prison chevillée au corps. Pour une approche géographique du placement sous #surveillance_électronique

    Arthur Oldra. Spatialités individuelles et jeux de places dans l’espace public urbain. De quelques perspectives géographiques à propos des #militaires en opération #Vigipirate/#Sentinelle.

    https://journals.openedition.org/cdg/6590
    #maintien_de_l'ordre #géographie #espace #revue

    #espace_public #quartiers_populaires #Strasbourg #lieux_d'enfermement

    ping @davduf

  • Greece, ABR: The Greek government are building walls around the five mainland refugee camps

    The Greek government are building walls around the five mainland refugee camps, #Ritsona, #Polykastro, #Diavata, #Makakasa and #Nea_Kavala. Why this is necessary, and for what purpose, when the camps already are fenced in with barbed wire fences, is difficult to understand.
    “Closed controlled camps" ensuring that asylum seekers are cut off from the outside communities and services. A very dark period in Greece and in EU refugee Policy.
    Three meter high concrete walls, outside the already existing barbed wire fences, would makes this no different than a prison. Who are they claiming to protect with these extreme measures, refugees living inside from Greek right wing extremists, or people living outside from these “dangerous” men, women and children? We must remember that this is supposed to be a refugee camps, not high security prisons.
    EU agreed on financing these camps, on the condition that they should be open facilities, same goes for the new camps that are being constructed on the island. In reality people will be locked up in these prisons most of the day, only allowed to go out on specific times, under strict control, between 07.00-19.00. Remember that we are talking about families with children, and not criminals, so why are they being treated as such?
    While Greece are opening up, welcoming tourists from all over the world, they are locking up men, women and children seeking safety in Europe, in prisons behind barbed wire fences and concrete walls, out of sight, out of mind. When these new camps on the islands, financed by Europe are finished, they will also be fenced in by high concrete walls. Mark my words: nothing good will come of this!
    “From Malakasa, Nea Kavala, Polycastro and Diavata camps to the world!!
    “if you have find us silent against the walls,it doesn’t mean that we agree to live like prisoners,but in fact we are all afraid to be threaten,if we speak out and raise our voices!!”

    (https://twitter.com/parwana_amiri/status/1395593312460025858)

    https://www.facebook.com/AegeanBoatReport/posts/1088971624959274

    #murs #asile #migrations #réfugiés #camps_de_réfugiés #Grèce #camps_fermés #barbelés

    • "Ø double military-grade walls
      Ø restricted entrance and exit times (8am-8pm: itself a questionable suggestion: why should people be banned from going outside at any time of day or night? Under what possible justification?)
      Ø a CCTV system and video monitors
      Ø drone flights over the ‘camps’
      Ø camera-monitored perimeter alarms
      Ø control gates with metal detectors and x-ray devices
      Ø a system to broadcast announcements from loudspeakers
      Ø a control centre for the camps at the ministry’s HQ
      And this will be paid for – a total bill of €33m – by the EU.
      As this cash is on top of the €250m the EU has already promised to build these camps – described, we must stress, as ‘closed’ repeatedly in the Greek governments’ ‘deliverability document’ even though the EU, and specifically its Commissioner for Home Affairs Ylva Johansson who confirmed the €250m payment on her visit to the Aegean islands in March this year, promised the EU would not fund closed camps - it is absolutely vital that the Union is not misled into handing over millions of Euros for a programme designed to break international law and strip men, women and children of their fundamental human rights and protections.
      We must stress: these men, women and children have committed no crime. Even if they were suspected of having done so, they would be entitled to a trial before a jury before having their freedom taken away from them for – based on the current advised waiting period for asylum cases to be processed in Greece – up to five years.»

      ( text by Koraki : https://www.facebook.com/koraki.org)
      source : https://www.facebook.com/yorgos.konstantinou/posts/10223644448395917


      source : https://www.facebook.com/yorgos.konstantinou/posts/10223644448395917

      –—


      source : https://www.facebook.com/yorgos.konstantinou/posts/10223657767448885

      #caricature #dessin_de_presse by #Yorgos_Konstantinou

    • Pétition:

      EU: Build Schools, Not Walls

      We strongly stand against allocating European funds to build walls around Greek refugee camps.

      The ongoing fencing work at the Ritsona, Polykastro, Diavata, Malakasa and Nea Kavala camps must stop immediately.

      Greece, with the full support of the European Union, is turning refugee camps into de-facto prisons.

      Millions of euros allocated for building walls should be spent on education, psychological support and the improvement of hygienic conditions in the refugee camps.

      What happened?

      In January and February 2021, the International Organization for Migration (IOM) published two invitations to bid for the construction of fences in refugee camps in mainland Greece.

      However, the fences became concrete walls. In March the Greek Ministry of Migration and Asylum commissioned to build NATO type fences and introduce additional security measures.

      Nobody - including camp residents - was informed about it.

      The walls are a jeopardy for integration, safety and mental health

      Residents of refugee camps fled their country in search for safety. In Europe their (mental) health is worsening because of the horrific conditions in the camps.

      Building the walls after a year of strict lockdown will lead to a further deterioration in their mental state.

      Moreover, it will:
      – deepen divisions between people: it will make the interaction between refugees and the local community even more difficult, if not impossible.
      – make it even harder for journalists and NGO’s to monitor the situation in the camp
      – put the residents of the camps in danger in case of fire.

      As EU citizens we cannot allow that innocent people are being locked behind the walls, in the middle of nowhere. Being a refugee is not a crime.

      Seeking asylum is a human right.

      Democracy and freedom cannot be built with concrete walls.

      Building walls was always the beginning of dark periods in history.

      Crushing walls - is the source of hope, reconciliation and (what is a foundation of European idea) solidarity.

      No more walls in the EU!

      https://secure.avaaz.org/community_petitions/en/notis_mitarachi_the_minister_of_migration_of_greec_eu_build_schools_no

    • La Grèce construit des camps barricadés pour isoler les réfugiés

      L’Union européenne a investi cette année 276 millions d’euros pour la construction de camps de réfugiés sur cinq îles grecques. À #Leros, où un camp de 1 800 places ouvrira bientôt, habitants et ONG s’indignent contre cet édifice barricadé. Le gouvernement assume.

      L’Union européenne a investi cette année 276 millions d’euros pour la construction de camps de réfugiés sur cinq îles grecques. À Leros, où un camp de 1 800 places ouvrira bientôt, habitants et ONG s’indignent contre cet édifice barricadé. Le gouvernement assume.

      Le champ de #conteneurs blancs s’étale sur 63 000 mètres carrés sur une colline inhabitée. Depuis les bateaux de plaisance qui pénètrent dans la baie de Lakki, dans le sud de Leros, on ne voit qu’eux. Ils forment le tout nouveau camp de réfugiés de 1 860 places, interdit d’accès au public, qui doit ouvrir ses portes d’ici à la rentrée sur cette île grecque de 8 000 habitants, qui compte aujourd’hui 75 demandeurs d’asile.

      « Il sera doté de mini-supermarchés, restaurants, laveries, écoles, distributeurs d’argent, terrains de basket », détaille #Filio_Kyprizoglou, sa future directrice. Soit un « village, avec tous les services compris pour les demandeurs d’asile ! », s’emballe-t-elle.

      Mais le « village » sera cerné de hauts murs, puis d’une route périphérique destinée aux patrouilles de police, elle aussi entourée d’un mur surplombé de #barbelés. Depuis sa taverne sur le port de Lakki, Theodoros Kosmopoulou observe avec amertume cette « #nouvelle_prison », dont la construction a démarré en février, sur des terres appartenant à l’État grec.

      Ce nouveau centre barricadé est l’un des cinq camps de réfugiés grecs en construction sur les îles à proximité de la Turquie et ayant connu des arrivées ces dernières années. Ces structures sont financées à hauteur de 276 millions d’euros par l’Union européenne (UE). Si celui de Leros est bien visible dans la baie de Lakki, les centres qui s’élèveront à #Kos, #Samos, #Chios et #Lesbos seront, eux, souvent isolés des villes.

      Ces camps dits éphémères pourront héberger au total 15 000 demandeurs d’asile ou des personnes déboutées. Ils seront tous opérationnels à la fin de l’année, espère la Commission européenne. Celui de Samos, 3 600 places, sera ouvert cet été, suivi de Kos, 2 000 places, et Leros. L’appel d’offres pour la construction des camps de Chios (de 1 800 à 3 000 places) et Lesbos (5 000 places) a été publié en mai.

      Si l’Europe les qualifie de « #centres_de_premier_accueil_multifonctionnels », le ministère grec de l’immigration parle, lui, de « #structures_contrôlées_fermées ». Elles doivent remplacer les anciens camps dits « #hotspots », déjà présents sur ces îles, qui abritent maintenant 9 000 migrants. Souvent surpeuplés depuis leur création en 2016, ils sont décriés pour leurs conditions de vie indignes. Le traitement des demandes d’asile peut y prendre des mois.

      Des compagnies privées pour gérer les camps ?

      Dans ces nouveaux camps, les réfugiés auront une réponse à leur demande dans les cinq jours, assure le ministère grec de l’immigration. Les personnes déboutées seront détenues dans des parties fermées – seulement les hommes seuls - dans l’attente de leur renvoi.

      Un membre d’une organisation d’aide internationale, qui s’exprime anonymement, craint que les procédures de demande d’asile ne soient « expédiées plus rapidement et qu’il y ait plus de rejets ». « Le gouvernement de droite est de plus en plus dur avec les réfugiés », estime-t-il. Athènes, qui compte aujourd’hui quelque 100 000 demandeurs d’asile (chiffre de mai 2021 donné par l’UNHCR), a en effet durci sa politique migratoire durant la pandémie.

      La Grèce vient aussi d’élargir la liste des nationalités pouvant être renvoyées vers le pays voisin. La Turquie est désormais considérée comme un « pays sûr » pour les Syriens, Bangladais, Afghans, Somaliens et Pakistanais.

      (—> voir https://seenthis.net/messages/919682)

      Pour la mise en œuvre de cette #procédure_d’asile, le gouvernement compte sur l’organisation et surtout la #surveillance de ces camps, au regard des plans détaillés que Manos Logothetis, secrétaire général du ministère de l’immigration, déplie fièrement dans son bureau d’Athènes. Chaque centre, cerné de murs, sera divisé en #zones compartimentées pour les mineurs non accompagnés, les familles, etc. Les demandeurs d’asile ne pourront circuler entre ces #espaces_séparés qu’avec une #carte_magnétique « d’identité ».

      "Je doute qu’une organisation de défense des droits humains ou de la société civile soit autorisée à témoigner de ce qui se passe dans ce nouveau camp." (Catharina Kahane, cofondatrice de l’ONG autrichienne Echo100Plus)

      Celle-ci leur permettra également de sortir du camp, en journée uniquement, avertit Manos Logothetis : « S’ils reviennent après la tombée de la #nuit, les réfugiés resteront à l’extérieur jusqu’au lendemain, dans un lieu prévu à cet effet. Ils devront justifier leur retard auprès des autorités du centre. » Les « autorités » présentes à l’ouverture seront l’#UNHCR, les services de santé et de l’asile grec, #Europol, l’#OIM, #Frontex et quelques ONG « bienvenues », affirme le secrétaire général - ce que réfutent les ONG, visiblement sous pression.

      Le gouvernement souhaite néanmoins un changement dans la gestion des camps. « Dans d’autres États, cette fonction est à la charge de compagnies privées […]. Nous y songeons aussi. Dans certains camps grecs, tout a été sous le contrôle de l’OIM et de l’UNHCR […], critique Manos Logothetis. Nous pensons qu’il est temps qu’elles fassent un pas en arrière. Nous devrions diriger ces camps via une compagnie privée, sous l’égide du gouvernement. »

      « Qui va venir dans ces centres ? »

      À Leros, à des centaines de kilomètres au nord-ouest d’Athènes, ces propos inquiètent. « Je doute qu’une organisation de défense des droits humains ou de la société civile soit autorisée à témoigner de ce qui se passe dans ce nouveau camp, dit Catharina Kahane, cofondatrice de l’ONG autrichienne Echo100Plus. Nous n’avons jamais été invités à le visiter. Toutes les ONG enregistrées auprès du gouvernement précédent [de la gauche Syriza jusqu’en 2019 – ndlr] ont dû s’inscrire à nouveau auprès de la nouvelle administration [il y a deux ans - ndlr]. Très peu d’organisations ont réussi, beaucoup ont été rejetées. »

      La municipalité de Leros s’interroge, pour sa part, sur la finalité de ce camp. #Michael_Kolias, maire sans étiquette de l’île, ne croit pas à son caractère « éphémère » vendu aux insulaires. « Les autorités détruisent la nature pour le construire ! », argumente celui-ci. La municipalité a déposé un recours auprès du Conseil d’État pour empêcher son ouverture.

      Ce camp aux allures de centre de détention ravive également de douloureux souvenirs pour les riverains. Leros porte, en effet, le surnom de l’île des damnés. La profonde baie de Lakki a longtemps caché ceux que la Grèce ne voulait pas voir. Sous la junte (1967-1974), ses bâtiments d’architecture italienne sont devenus des prisons pour des milliers de communistes. D’autres édifices néoclassiques ont également été transformés en hôpital psychiatrique, critiqué pour ses mauvais traitements jusque dans les années 1980.

      C’est d’ailleurs dans l’enceinte même de l’hôpital psychiatrique, qui compte toujours quelques patients, qu’a été construit un premier « hotspot » de réfugiés de 860 places, en 2016. Aujourd’hui, 75 demandeurs d’asile syriens et irakiens y sont parqués. Ils s’expriment peu, sous la surveillance permanente des policiers.

      Il n’y a presque plus d’arrivées de migrants de la Turquie depuis deux ans. « Mais qui va donc venir occuper les 1 800 places du nouveau camp ?, interpelle le maire de Leros. Est-ce que les personnes dublinées rejetées d’autres pays de l’UE vont être placées ici ? » Le ministère de l’immigration assure que le nouveau camp n’abritera que les primo-arrivants des côtes turques. Il n’y aura aucun transfert d’une autre région ou pays dans ces centres des îles, dit-il.

      La Turquie, voisin « ennemi »

      Le gouvernement maintient que la capacité importante de ces nouveaux camps se justifie par la « #menace_permanente » d’arrivées massives de migrants de la #Turquie, voisin « ennemi », comme le souligne le secrétaire général Manos Logothetis. « En Grèce, nous avons souffert, elle nous a attaqués en mars 2020 ! », lâche le responsable, en référence à l’annonce de l’ouverture de la frontière gréco-turque par le président turc Erdogan, qui avait alors entraîné l’arrivée de milliers de demandeurs d’asile aux portes de la Grèce.

      Selon l’accord controversé UE-Turquie de 2016, Ankara doit, en échange de 6 milliards d’euros, réintégrer les déboutés de l’asile - pour lesquels la Turquie est jugée « pays sûr »- et empêcher les départs de migrants de ses côtes. « Elle ne collabore pas […]. Il faut utiliser tous les moyens possibles et légaux pour protéger le territoire national ! »,avance Manos Logothetis.

      Pour le gouvernement, cela passe apparemment par la #fortification de sa frontière en vue de dissuader la venue de migrants, notamment dans le nord-est du pays. Deux canons sonores viennent d’être installés sur un nouveau mur en acier, le long de cette lisière terrestre gréco-turque.

      De l’autre côté de cette barrière, la Turquie, qui compte près de quatre millions de réfugiés, n’accepte plus de retours de migrants de Grèce depuis le début de la pandémie. Elle aura « l’obligation de les reprendre », répète fermement Manos Logothetis. Auquel cas de nombreux réfugiés déboutés pourraient rester longtemps prisonniers des nouveaux « villages » de l’UE.

      https://www.mediapart.fr/journal/international/240621/la-grece-construit-des-camps-barricades-pour-isoler-les-refugies
      #business #HCR #privatisation

    • Grèce : sur l’île de Samos, les migrants découvrent leur nouveau centre aux allures de « prison »

      Sur l’île grecque de Samos, proche de la Turquie, un nouveau camp de réfugiés dit « fermé », isolé et doté d’une structure ultra-sécuritaire vient d’entrer en service. Les quelque 500 demandeurs d’asile qui se trouvaient encore dans l’ancien camp de Vathy ont commencé à y être transférés. Reportage.

      « Camp fermé ? On ne sait pas ce que c’est un camp fermé. C’est une prison ou bien c’est pour les immigrés ? Parce qu’on m’a dit que c’était conçu comme une prison. » Comme ce jeune Malien, assis à côté de ses sacs, les demandeurs d’asile s’interrogent et s’inquiètent, eux qui s’apprêtent à quitter le camp de Vathy et ses airs de bidonville pour le nouveau camp de l’île de Samos et sa réputation de prison.

      Au Cameroun, Paulette tenait un commerce de pièces détachées qui l’amenait à voyager à Dubaï voire en Chine. Ce nouveau camp, elle s’y résigne à contrecœur. « Ça me fend le cœur, dit-elle. Moi je n’ai pas le choix. Si j’avais le choix, je ne pourrais pas accepter d’aller là-bas. C’est parce que je n’ai pas le choix, je suis obligée de partir. »

      Comme elle s’est sentie obligée aussi de quitter le Cameroun. « À Buea, il y a la guerre, la guerre politique, on tue les gens, on kidnappe les gens. Moi, j’ai perdu ma mère, j’ai perdu mon père, j’ai perdu mon enfant, j’ai perdu ma petite sœur, mon grand frère… Donc je me suis retrouvée seule. Et moi je ne savais pas. S’il fallait le refaire, moi je préfèrerais mourir dans mon pays que de venir ici. Oui. Parce que ces gens-ci, ils n’ont pas de cœur. »

      Alors que les transferts entre les deux camps démarrent tout juste, la pelleteuse est déjà prête. La destruction de l’ancien camp de Vathy est prévue pour la fin de semaine.

      https://www.infomigrants.net/fr/post/35176/grece--sur-lile-de-samos-les-migrants-decouvrent-leur-nouveau-centre-a

    • Grèce : ouverture de deux nouveaux camps fermés pour migrants

      La Grèce a ouvert samedi deux nouveaux camps fermés pour demandeurs d’asile dans les îles de #Leros et de #Kos, un modèle critiqué par des défenseurs des droits humains pour les contrôle stricts qui y sont imposés.

      La Grèce a ouvert samedi deux nouveaux camps fermés pour demandeurs d’asile dans les îles de Leros et de Kos, un modèle critiqué par des défenseurs des droits humains pour les contrôle stricts qui y sont imposés.

      « Une nouvelle ère commence », a déclaré le ministre des Migrations Notis Mitarachi en annonçant l’ouverture de ces deux nouveaux camps.

      Les nouveaux camps sécurisés, entourés de barbelés, pourvus de caméras de surveillance et de portails magnétiques où les demandeurs d’asile doivent présenter des badges électroniques et leurs empreintes digitales pour pouvoir entrer, sont fermés la nuit.

      Les demandeurs d’asile peuvent sortir dans la journée mais doivent impérativement rentrer le soir.

      Ces nouvelles installations que la Grèce s’est engagée à mettre en place grâce des fonds de l’Union européennes, sont appelées à remplacer les anciens camps sordides où s’entassaient des milliers de migrants dans des conditions insalubres.

      « Nous libérons nos îles du problème des migrants et de ses conséquences », a ajouté le ministre. « Les images des années 2015-2019 appartiennent désormais au passé ».

      Le premier camp sécurisé de ce type a été ouvert en septembre sur l’île de Samos, après le démantèlement du vieux camp, véritable bidonville, qui avait abrité près de 7.000 demandeurs d’asile au plus fort de la crise migratoire entre 2015 et 1016.

      La Grèce avait été la principale porte d’entrée par laquelle plus d’un million de demandeurs d’asile, principalement des Syriens, des Irakiens et des Afghans, étaient arrivés en Europe en 2015.

      Le situation en Afghanistan a fait redouter l’arrivée d’une nouvelle vague de migrants.

      Les nouveaux camps à accès contrôlé sont dotés de commodités comme l’eau courante, les toilettes et de meilleures conditions de sécurité qui étaient absentes dans les anciens camps.

      La Grèce a prévu d’ouvrir deux autres nouveaux camps sécurisés sur les îles de Lesbos et de Chios.

      La contribution de l’UE pour la mise en place de ces nouvelles installations s’élève à 276 millions d’euros (326 millions de dollars).

      Des ONG se sont toutefois inquiétées de l’isolement des personnes qui y sont hebergées, estimant que leur liberté de mouvement ne devrait pas être soumise à des restrictions aussi sévères.

      Selon des estimations de l’ONU, quelque 96.000 réfugiés et demandeurs d’asile se trouvent sur le territoire grec.

      https://www.mediapart.fr/journal/fil-dactualites/271121/grece-ouverture-de-deux-nouveaux-camps-fermes-pour-migrants

  • #Marseille privatopia : les #enclaves_résidentielles à Marseille : logiques spatiales, formes et représentations

    Marseille : privatopia ?

    La forte multiplication des « #résidences_fermées_sécurisées » est une tendance observée dans les #villes européennes et françaises, après celles d’Amérique latine, des USA, d’Afrique du sud etc. En #France, elle a surtout été repérée et analysée en contextes péri-urbains (Ile de France, Côte d’Azur, banlieues de Toulouse et Montpellier). Partout où elle se développe, cette tendance est souvent attribuée aux inquiétudes des habitants pour la #sûreté, ou leur #qualité_de_vie, ainsi qu’à des #replis_sociaux, thèmes récurrents dans les médias et discours politiques. Elle est aussi liée au rôle d’une « offre » portée par les majors de l’immobilier. Mais elle est aussi soutenue indirectement, dans le contexte néolibéral, par des pouvoirs publics qui se déchargent ainsi de l’aménagement et de la gestion d’#espaces_de_proximité.

    Nous observons et analysons depuis 2007 cette prolifération des #fermetures à Marseille. Après un premier état des lieux (Dorier et al, 2010), nous avons mené une second #inventaire exhaustif en 2013-2014. Et depuis lors, nous menons une veille ciblée sur certains secteurs. Démarrée au début des années 90, la diffusion des #enclosures atteint des sommets à Marseille où elle n’a quasiment pas été régulée : des #marges et des #enclaves se construisent ainsi dès qu’on s’éloigne du centre historique (Dorier, Dario, 2016). Au point que la #fermeture des #espaces_résidentiels, de leurs #rues et espaces de plein air semble en train de devenir la norme (Dorier, Dario, 2018)

    Depuis 25 ans, Marseille n’a cessé de se cloisonner de plus en plus et ce processus est venu aggraver les #inégalités d’#accès_aux_équipements et aux « #aménités » urbaines. Le #parc bâti du centre ville paupérisé s’est dégradé jusqu’à l’effondrement et au risque de péril imminent de centaines d’immeubles, qui ont du être évacués en urgence depuis novembre 2018, comme on le voit sur la carte de droite (voir aussi page dédiée). Pendant ce temps, les quartiers du sud et de l’est, ainsi que les zones en rénovation, se sont transformées en mosaïques résidentielles clôturées, sous le double effet de la #promotion_immobilière et de ré-aménagements voulus par les associations de #copropriétaires. Ils dessinent des espaces pour classes moyennes à aisées, sous forme de #lotissements et d’#ensembles_immobiliers majoritairement fermés et sécurisés, chacun doté de ses propres espaces « communs » privés : parkings, voirie privée, jardins.

    Cette « #Privatopia » tourne d’abord le dos au centre historique, à ses ilots anciens décrépis où l’action publique s’est illustrée par son inefficience pendant des décennies. La fermeture se diffuse d’abord dans les zones favorisées, puis dans les périphéries ouvertes à l’urbanisation, enfin dans les zones de rénovation urbaine : la création de nouvelles résidences fermées est devenue un moyen pour valoriser des opérations immobilières et y attirer des classes moyennes, face aux copropriétés dégradées et aux ensembles HLM appauvris. Lorqu’un bailleur rénove un ensemble de logements sociaux, celui-ci est également « résidentialisé », même si, avec des années de recul sur cette pratique, on sait désormais que clôturer ne résoud pas les problèmes socio-économiques des quartiers, ni même les problèmes de sécurité. Au contraire, la fragmentation physique pourrait bien alimenter les tendances aux séparatismes sociaux en tous genres.

    D’après nos enquêtes, en dehors des formes d’entresoi spécifique de quartiers particulièrement aisés, comme la colline Périer, et ses « gated communities » surplombant la mer, la fermeture est d’abord fortement associée au « tout voiture » qui caractérise encore Marseille et à la concurrence pour le stationnement résidentiel : les premiers espaces à être clôturés sont les parkings. Elle est également liée à 25 années de désengagement croissant de la municipalité dans la gestion de proximité (propreté, entretien des espaces verts, sécurisation publique des rues) ainsi qu’un encouragement de l’urbanisation privée par des ventes de parcelles publiques ou des zones d’aménagement favorisant la promotion immobilière. La fermeture résidentielle traduit l’affirmation d’une économie résidentielle, le rôle des promoteurs, syndics, copropriétés étant crucial : la « sécurisation » (privée) est supposée faire augmenter la valeur marchande des biens immobiliers… Enfin, la fermeture traduit une accentuation des replis sociaux : à Marseille la clôture « a posteriori » de rues qui étaient auparavant ouvertes au passage représente 55% des cas observés.

    Certains espaces du 8ème, 9ème, 12ème , nord du 13ème arrondissements (Les Olives), caractéristiques de cette urbanisation privée, deviennent un assemblage désordonné de copropriétés et d’enclaves de moins en moins accessibles et traversantes. La fermeture se diffuse par mimétisme, les ensembles résidentiels forment des « agrégats », qui bloquent les circulations : une véritable situation de thrombose dans certains quartiers, anciens comme récents (les Olives, Ste Marthe). Le comble, c’est que dans ces quartiers, les plus favorisés, au cadre de vie « a priori » le plus agréable, les déplacements à pied ou en vélo tiennent désormais de l’exploit. Les détours imposés par les barrières qui enserrent chaque rue ou jardin privé de résidence obligent à prendre la voiture pour accompagner un enfant à l’école du coin, acheter le pain… La ville perd de plus en plus en cohérence, et, avec cette juxtaposition de résidences sécurisées certains quartier ressemblent plus à une mosaïque de co-propriétés qu’à… une ville. Cela a été mis en évidence et modélisé par la toute récente thèse de Julien Dario (2019), réalisée dans le cadre de ce projet.

    A Marseille, depuis 2007, nous avons opté pour une étude empirique, directe, sur le terrain. Nous pu ainsi vérifier l’hypothèse qu’aux initiatives spontanées de fermeture de rues et de lotissements a posteriori, longtemps après leur construction, s’ajoutent des stratégies nouvelles. Elles associent promotion privée et action publique, et sont destinées à faire évoluer le peuplement de quartiers de la ville, à travers la production de logement « de qualité » attirant des classes moyennes et supérieures. Promoteurs et décideurs semblent juger utile de les rassurer à travers la livraison d’ensembles qui sont quasiment tous fermés dès la construction … En 12 ans, de 2008 à 2020 une série d’études, de masters et thèses ont permis de décrire et quantifier ce processus, d’observer la progression d’une fragmentation urbaine qui s’accroît aux échelles fines et d’évaluer ses impacts.

    Nos études se sont focalisées sur les fermetures massives des aires privilégiées (Colline Périer, Littoral Sud, Nord-Est avec la technopole de Chateau Gombert), et la transformation résidentielle de certains territoires périphériques en zones d’investissements immobiliers rentables, attirant des classes moyennes et supérieures (Littoral Nord, Sainte Marthe, grand centre ville/Euromed, franges du parc National des Calanques comme la ZAC de la Jarre). les résidences fermées deviennent ainsi un outil de plus value foncière… et de recompositions urbaines, valorisant toutes les zones ayant un attrait environnemental, tout en en restreignant l’accès.

    La diffusion d’un modèle

    Notre méthodologie a permis de prendre la mesure du phénomène à l’échelle d’une ville entière, et sur la durée, ce qui n’a pas été réalisé ailleurs en France. A deux reprises (2008-2009 et 2013-2014), la commune entière a été arpentée, chaque ensemble résidentiel fermé a été géolocalisé dans un SIG, inventorié, décrit, photographié, afin d’établir un corpus exhaustif : 1001 résidences ou lotissements étaient enclos en 2009, plus de 1550 en 2014. L’ensemble des clôtures ont été datées à partir d’enquête directe ou par photo-interprétation. Cette démarche est relatée dans deux rapports de recherche (Dorier et al., 2010 et 2014), 13 masters et une thèse (Dario, 2019).

    Le recours au SIG (Système d’information géographique) a permis de tracer leur histoire, en croisant les localisations avec des images aériennes anciennes, le cadastre, la chronologie des programmes immobiliers. En 2011 et 2012, la première étude du LPED est actualisée à travers plusieurs mémoires d’étudiants sous la direction d’E.Dorier et S.Bridier. Ceux-ci observent une accélération des dynamiques d’enclosures dans les quartiers sud (Dario J. 2010, Toth P.2012), leur multiplication et leur diffusion dans les quartiers nord (Balasc et Dolo 2011, Dolo 2012, Robillard 2012). La propagation se fait beaucoup par mimétisme : plus de la moitié des ensembles fermés sont collés les uns aux autres, par grappes, transformant la physionomie et les usages possibles de l’espace urbain et développant des « marges » urbaines cloisonnées. On peut le vérifier, à travers l’exemple d’une marge Nord-Est de Marseille, sur les franges ville-espaces péri-urbains Les Olives : une juxtaposition désordonnée de lotissements fermés.

    Nous avons aussi beaucoup observé, recueilli de nombreux témoignages auprès de résidents, de riverains, de syndics, d’agences, de techniciens de l’urbanisme… Nous avons séjourné dans plusieurs de ces résidences. Nous poursuivons la veille sur certains contextes sensibles à haut potentiel spéculatif immobilier, comme la frange du massif des calanques ou sainte Marthe, ou encore des espaces où les fermetures sont conflictuelles. Par des analyses d’archives, des enquêtes fines sur des contextes urbains, des entretiens avec acteurs et habitants, des analyses de périmètres de la politique de la ville, le suivi de conflits de voisinages nous avons ensuite analysé les facteurs historiques et les impacts associés à cette dynamique d’enclosures, les inégalités sociales, les impacts sur la circulation, les inégalités environnementale (D.Rouquier 2013, J.Dario, 2019 et la thèse en cours de P. Toth, consacrée aux 8ème et 9ème arrondissements).

    Au final, on met à jour une dynamique de transition libérale, individualiste et sécuritaire, associée au règne de la voiture dans la ville (beaucoup de clôtures ont au départ pour justification le seul parking), qui freine d’autres évolutions souhaitables (transition écologique, inclusion sociale). Si le phénomène se banalise, on constate aussi une complexité territoriale du processus et son épaisseur historique. Dans des contextes de fortes recompositions urbaines (spatiales, foncières, sociales, démographiques), et dans les périmètres de nouvellement urbain, la fermeture d’espaces résidentiels est utilisée comme outil de diversification de l’habitat et de mixité sociale. Le processus n’a pas partout les mêmes motifs ni les mêmes impacts socio-environnementaux. D’où l’intérêt d’approches qualitatives par observations sensibles, entretiens avec des acteurs et habitants, dépouillements d’archives historiques (histoires de rues).

    Les quartiers sud

    En observant le facteur de proximité dans la diffusion, ainsi que le potentiel de valorisation immobilière des terrains vacants ou susceptibles de l’être, plusieurs scénarios de prospective ont été mis au point par Julien Dario pour anticiper l’évolution des espaces susceptibles d’être fermés, transmis à la Ville dans le cadre d’un contrat, comme aide à la décision (Dario 2011, 2014 et 2019). Dans les quartiers sud, on est frappé par la perspective de 53% de taux d’évolution spontané probable de la fermeture dans les 8ème et 9ème arrondissements, si aucune intervention publique ne vient réguler la tendance. Les surfaces touchées par les enclosures (résidences et périmètres d’entreprises) déjà localement très importantes pourraient y atteindre le tiers de la surface totale urbanisée. Des études de cas à échelle fine ont permis d’anticiper plusieurs conflits liés à ces processus (progressifs ou brutaux) en lien avec des dynamiques sociale locales.

    Les cas des lotissements « Coin Joli » et « Barry » (analysés ici par J.Dario entre 2011 et 2019) montrent comment certains dispositifs informels préfigurant l’enclosure sont mis en place progressivement, informellement, parfois subrepticement : enrochements, systèmes physiques fixes contraignants (plots métalliques) permettant encore le passage prudent de deux roues et piétons ; panneaux de sens interdit « privés » et informels apposés à l’extrémité de certaines rues. On passe d’une délimitation par panneautage à une fermeture symbolique et partielle, avant d’évoluer vers l’enclosure, qui peut être conflictuelle en privant de passage les riverains, en réduisant les perméabilités urbaines.

    Les quartiers nord : diffusion des ensembles résidentiels fermés dans les contextes de rénovation urbaine

    Un fait remarquable est la diffusion des enclaves résidentielles fermées au cœur et en bordure des zones urbaines sensibles (ZUS) telles qu’elles ont été définies par l’Agence Nationale de la Rénovation Urbaine (ANRU). Bénéficiant de la TVA réduite, les promoteurs sont incités à y produire une nouvelle offre de logement privée, afin de permettre une diversification et l’installation de classes moyennes. Mais les enclosures, supposées rassurer les candidats à l’accession à la propriété, et maintenir un niveau de prix élevé ne favorisent pas les relations sociales … et nos études montrent qu’en fait de « mixité », apparaissent de nouvelles formes de fragmentations et même de tensions résidentielles (Dorier et al, 2010, 2012), qui s’accompagnent, par ailleurs de formes d’évitement fonctionnel (Audren, 2015, Audren Baby-Collin, Dorier 2016 , Audren, Dorier, Rouquier, 2019). Le secteur du Plan d’Aou dans le 15ème arrondissement de Marseille, où la restructuration résidentielle est achevée a été analysé à l’aide d’étudiants (Balasc et Dolo 2011). Dans ce secteur cohabitent des zones de logements HLM en fin de réhabilitation, des lotissements anciens qui se sont fermés ou sont en cours de fermeture, des projets immobiliers récents, conçus sécurisés. La juxtaposition de ces différents types d’habitats aux profils sociaux différenciés engendre plus une fragmentation qu’une mixité Fonctionnelle, malgré la proximité. Les interrelations sont faibles entre les ensembles et les espaces. (Dorier, Berry-Chikahoui et Bridier, 2012)

    une crise des urbanités

    Tandis que cette transformation des espaces de copropriétés et rues privées de Marseille se poursuit, des pans entiers de vieux quartiers populaires se délabrent. En 2019, notre cartographie de ces ensembles résidentiels privés fermés ainsi que des HLM « résidentialisés » et enclos (dans les projets de rénovation urbaine) tranche avec la géographie des constructions déclarées en péril et brutalement évacuées de leurs habitants, suite à l’effondrement de deux immeubles vétustes du quartier Noailles, près du Vieux port de Marseille. Notre carte révèle des politiques de l’habitat à plusieurs vitesses, où des décennies de laisser-faire public face à la ville privée s’expriment d’un côté par la dégradation du bâti, et de l’autre par la multiplication de formes de repli et d’entre soi urbain ayant des impacts sur les circulations et sur l’accès aux équipements. A ce stade, des rééquilibrages publics sont indispensables. Quelques initiatives publiques pour maintenir des traverses piétonnières ont été lancées dans certains quartiers très touchés, elles sont compliques par les évolutions législatives (qui facilitent la clôture des espaces privés) ainsi que par la dévolution de la compétence en matière de voirie à la Métropole. Rétablir des accès et servitudes de passage pour les piétons est compliqué dans les espaces privés : il faut passer par une DUP, puis par l’achat d’une bande de terrain par la collectivité pour tracer un cheminement piétonnier. Des interventions seraient possibles dans certains cas où les clôtures ont été posées sur des rues non privées, ou hors de la légalité. Mais la collectovité ne s’auto-saisit pas des cas d’infraction. Les actions au cas par cas risquent de ne pas suffire à endiguer cette véritable crise d’urbanité.

    (observations menées conjointement à nos études sur le mal logement et des évacuations à Marseille).

    le projet ci-dessous a fait l’objet d’une exposition art-science, présentée à l’Espace Pouillon, campus centre Saint Charles de l’Université Marseille Privatopia 8-24 octobre 2020.

    Depuis 2014, une collaboration avec l’artiste peintre Anke Doberauer (photos et tableaux) a été rendue possible grâce à une résidence commune à la Fondation Camargo (2014). La jeune cinéaste Marie Noëlle Battaglia a également réalisé en 2020 un documentaire « En remontant les murs » inspiré par nos recherches, et en lien avec l’équipe (avant première le 18 octobre 2020, dans le cadre du festival Image de ville). Ces collaborations ont déjà donné lieu à des présentations croisées, comme celle du 3 avril 2019 organisée par le Goethe Institut à la Friche de la belle de mai, et pourraient déboucher sur une exposition et un ouvrage commun.

    Rapports de recherche-action :

    Dorier E. Dario J. Rouquier D. Bridier S. , (2014), Bilan scientifique de l’étude « Marseille, ville passante », Contrat de collaboration de recherche : « Développement urbain durable à Marseille » n°12/00718, 13 cartes, 18 croquis, 24 tableaux. juin 2014, 90 p.

    Dorier E. (dir), BERRY-CHIKHAOUI I., BRIDIER S., BABY-COLLIN V., AUDREN G., GARNIAUX J. (2010), La diffusion des ensembles résidentiels fermés à Marseille. Les urbanités d’une ville fragmentée, rapport de recherche au PUCA, Contrat de recherche D 0721 ( E.J. 07 00 905), 202 p, 35 cartes et croquis, 30 graphiques, 68 illustrations photographiques.

    Ces rapports ont donné lieu à de nombreuses restitutions publiques auprès des services de l’Urbanisme de la Ville, la Communauté urbaine, l’Agence d’Urbanisme (Agam), le département.

    Articles scientifiques :

    Dorier E. Dario J., 2018, « Gated communities in Marseille, urban fragmentation becoming the norm ? », L’Espace géographique, 2018/4 (Volume 47), p. 323-345. URL : https://www.cairn.info/journal-espace-geographique-2018-4-page-323.htm (traduction texte intégral ) texte intégral (ENG.) DORIER DARIO Espace geo anglais EG_474_0323

    Dorier E. Dario J., 2018, « Les espaces résidentiels fermés à Marseille, la fragmentation urbaine devient-elle une norme ? » l’Espace géographique, 2018-4 pp. 323-345.

    Dorier E., Dario J., 2016, « Des marges choisies et construites : les résidences fermées », in Grésillon E., Alexandre B., Sajaloli B. (cord.), 2016. La France des marges, Armand Colin, Paris, p. 213-224.

    Audren, G., Baby-Collin V. et Dorier, É. (2016) « Quelles mixités dans une ville fragmentée ? Dynamiques locales de l’espace scolaire marseillais. » in Lien social et politiques, n°77, Transformation sociale des quartiers urbains : mixité et nouveaux voisinages, p. 38-61 http://www.erudit.org/revue/lsp/2016/v/n77/1037901ar.pdf

    Audren, G., Dorier, É. et Rouquier, D., 2015, « Géographie de la fragmentation urbaine et territoire scolaire : effets des contextes locaux sur les pratiques scolaires à Marseille », Actes de colloque. Rennes, ESO, CREAD, Université de Rennes 2. Actes en ligne.

    Dorier E, Berry-Chickhaoui I, Bridier S ., 2012, Fermeture résidentielle et politiques urbaines, le cas marseillais. In Articulo– – Journal of Urban Research, n°8 (juillet 2012).

    Thèses

    Audren Gwenaelle (2015), Géographie de la fragmentation urbaine et territoires scolaires à Marseille, Université d’Aix Marseille, LPED. Sous la dir. d’Elisabeth Dorier et de V.Baby-Collin

    Dario Julien (2019) Géographie d’une ville fragmentée : morphogenèse, gouvernance des voies et impacts de la fermeture résidentielle à Marseille, Sous la dir. d’Elisabeth Dorier et de Sébastien Bridier. Telecharger ici la version complète. Cette thèse est lauréate du Grand prix de thèse sur la Ville 2020 PUCA/ APERAU/ Institut CDC pour la Recherche, Caisse des Dépôts

    Toth Palma (soutenance prévue 2021), Fragmentations versus urbanité(s) : vivre dans l’archipel des quartiers sud de Marseille Université d’Aix Marseille, LPED , Sous la direction de Elisabeth Dorier

    Posters scientifiques :

    Dario J. Rouquier D. et Dorier E., 2014, Les Ensembles résidentiels fermés à Marseille, in SIG 2014, Conférence francophone ESRI, 1-2 octobre 2014 – http://www.esrifrance.fr/iso_album/15_marseille.pdf

    Dario J. Rouquier D. et Dorier E, 2014, Marseille, fragmentation spatiale, fermeture résidentielle, LPED – Aix-Marseille Université, poster scientifique, Festival international de géographie de Saint Dié, oct 2014. https://www.reseau-canope.fr/fig-st-die/fileadmin/contenus/2014/conference_Elisabeth_Dorier_poster_LPED_1_Marseille.pdf

    Dario J. Rouquier D. et Dorier E., 2014, Marseille, Voies fermées, Ville passante, LPED – Aix-Marseille Université, poster. http://www.reseau-canope.fr/fig-st-die/fileadmin/contenus/2014/conference_Elisabeth_Dorier_poster_LPED_2_Marseille.pdf

    Contributions presse et médias

    Dorier E. Dario J. Audren G. aout 2017, collaboration avec le journal MARSACTU. 5 contributions à la série « Petites histoires de résidences fermées », collaboration journal MARSACTU / LPED, aout 2017. https://marsactu.fr/dossier/serie-petites-histoires-de-residences-fermees

    Dorier E. et Dario J. 23 aout 2017, interview par B.Gilles, [Petites histoires de résidences fermées] Les beaux quartiers fermés de la colline Périer, interview pr B.Gilles, MARSACTU, https://marsactu.fr/residences-fermees-dorier

    Dorier E. Dario J. 30 janv. 2017, interview par L.Castelly, MARSACTU : https://marsactu.fr/discussion-ouverte-residences-fermees

    Dorier E. , et Dario.J. 20 mars 2014, interview in MARSACTU , société : 29% de logements sont situes en residences fermees à Marseille

    Dorier E. Dario J., 4 oct 2013, « Hautes clôtures à Marseille », in Libération, le libé des géographes. (1 p, 1 carte) http://www.liberation.fr/societe/2013/10/03/hautes-clotures-a-marseille_936834
    Dorier E. , 7 avril 2013, « Le phénomène des résidences fermées est plus important à Marseille qu’ailleurs », Marsactu, talk quartiers, archi et urbanisme, http://www.marsactu.fr/archi-et-urbanisme/le-phenomene-des-residences-fermees-est-plus-important-a-marseille-quailleu

    Dorier E. Dario J., 10 fev 2013, « Fermetures éclair » in revue Esprit de Babel, Fermetures éclair

    télévision

    M6, Résidences fermées à Marseille – étude du LPED. Journal national, octobre 2013 : https://www.youtube.com/watch?v=hDM

    FR3, 19/20, Résidences fermées à Marseille – étude du LPED, 24 mai 2013, https://www.youtube.com/watch?v=o-O

    FR 5 (minutes 38 à 50) : « En toute sécurité », documentaire de B.Evenou, http://www.france5.fr/emission/en-t

    podcast radio

    Collaboration entre chercheurs et cinéaste, janvier 2021 : https://ecoleanthropocene.universite-lyon.fr/documenter-la-geographie-sociale-grand-entretien-a

    Collaboration entre chercheurs et artiste peintre, octobre 2020 : Sonographies marseillaises – Radio Grenouille et Manifesta 13 « Ce monde qui nous inspire #4 Marseille ville privée ? »

    https://urbanicites.hypotheses.org/688

    #sécurisation #privatisation #espace_public #classes_sociales #urban_matter #géographie_urbaine #TRUST #master_TRUST #immobilier #foncier #rénovation_urbaine #urbanisme #fragmentation_physique #inégalités #tout_voiture #voiture #automobile #stationnement_résidentiel #parkings #proximité #promotion_immobilière #urbanisation_privée #détours #barrières #mosaïque #
    #cartographie #visualisation

  • Les #mémoires comme ressources et enjeux. Dimensions spatiales, politiques et sociales

    Dominique Chevalier
    Les mémoires comme ressources et enjeux. Dimensions spatiales, politiques et sociales [Texte intégral]
    Memories as resources and stakes. spatial, political and social dimensions

    Jean-Luc Poueyto
    Lieux vénérés puis oubliés : L’exemple de #mémoires_familiales #manouches [Texte intégral disponible en décembre 2021]
    Venerated, then forgotten spaces : the example of Manouche family memories

    Dominique Chevalier, François Duchene et Thomas Zanetti
    Palimpsestes mémoriels, #gentrification inachevée et voisinages migratoires : l’exemple de commerces de #La_Guillotière à #Lyon [Texte intégral disponible en décembre 2021]
    Memory palimpsests, unfinished gentrification and migratory neighborhoods : the example of La Guillotière businesses in Lyon

    Elisa Aumoitte
    Sans mémoire des lieux ni lieux de mémoire. La #Palestine invisible sous les #forêts_israéliennes [Texte intégral disponible en décembre 2021]
    Without memory of places or places of memory.Invisible Palestine under israeli forests

    Anne Hertzog et Rafiq Ahmad
    Un #cimetière chinois dans la #Somme : #pratiques_mémorielles, lieu de #co-présence et territorialités diasporiques [Texte intégral disponible en décembre 2021]
    A chinese cemetery in Somme : remembrance practices, place of co-presence and diasporic dynamics
    #diaspora

    William Robin-Detraz
    #Haut-lieu et appropriations de la mémoire des #tirailleurs_sénégalais : le #Tata de #Chasselay (69) [Texte intégral disponible en décembre 2021]
    “Haut-lieu” and appropriations of the memory of African Colonial Soldiers : the Tata of Chasselay

    Aliou Gaye
    Processus de #patrimonialisation et mise en #tourisme des mémoires collectives de l’#esclavage à l’#île_de_Gorée [Texte intégral disponible en décembre 2021]
    Patrimonialization process and setting in tourism of collective memories of slavery on the island of Goree
    #Gorée

    Marie Pouillès Garonzi
    « Un musée à ciel ouvert ». Les traces du passé conflictuel dans les #espaces_publics chypriotes [Texte intégral disponible en décembre 2021]
    “An open-air museum”. Traces of the conflicting past in cypriot public spaces
    #espace_public #Chypre

    Thibault Ducloux
    Là où s’échouent les destinées. Les #prisons, dévoreuses de mémoires ? [Texte intégral disponible en décembre 2021]
    Where destinies run aground. Do jails crush social memories ?

    https://journals.openedition.org/bagf/6655

    #revue #mémoire #géographie

  • La ville inoccupée - Enjeux et défis des espaces urbains vacants

    Alors même que le contexte de transition écologique impose de plus en plus fortement une limitation de la consommation de ressource foncière, comme en témoigne le projet de loi récent portant l’ambition de « zéro #artificialisation nette » du sol national, les espaces urbains vacants apparaissent comme un problème croissant et à l’actualité renouvelée aussi bien dans le contexte français qu’international. Par ailleurs poser la question des espaces vacants et de leur réactivation dépasse largement le seul cas de l’#urbanisme_transitoire qui a, lui, déjà été largement traité. En effet, contrairement à la problématique de l’urbanisme transitoire, le traitement des espaces vacants ne se pose pas seulement en termes d’occupation temporaire ni à l’aune d’une démarche de préfiguration d’un projet d’urbanisme ou d’expérimentation d’usages. Cet ouvrage comble ainsi un vide tant par son approche que par les résultats qu’il produit pour la recherche comme pour la pratique.

    Les espaces vacants désignent des #espaces_bâtis ou non bâtis qui ont été construits et ont fait l’objet d’une activité avant d’être non utilisés ou sous-utilisés, détruits, voire n’ayant jamais été occupés. Ce phénomène concerne les métropoles comme les villes moyennes et petites, les territoires dynamiques aux marchés immobiliers tendus comme les villes en décroissance où la situation est cependant plus alarmante. Phénomène protéiforme, elle se manifeste diversement, par la présence d’immeubles partiellement ou entièrement vacants et/ou de linéaires commerciaux mités, selon des formes concentrées et massives ou de façon plus diffuse. Ces espaces sans usages peuvent être petits ou grands, il n’y a aucune norme. Il en va de même de leur état de conservation ou de dégradation, ainsi que de leur durée d’inoccupation. Enfin cette diversité concerne tout autant leurs propriétaires. Si des travaux croissants s’intéressent à cette question, rares sont ceux prenant le parti de les étudier de manière transversale et de chercher à en tirer des enseignements tant du point de vue de l’explication du phénomène que des questions de méthodes posées par la production de connaissances sur le phénomène ou encore des modalités de réactivation et de revalorisation de ces espaces sans usages.

    A partir de ce constat et de ce choix éditorial, l’ouvrage se structure en trois parties distinctes. La première vise à rendre compte des approches et des mesures du phénomène des espaces vacants par une entrée par différents types d’espaces vacants (bureaux, commerces, locaux de services). Appuyée sur des travaux de professionnels et de chercheurs, elle met en perspective les définitions, les méthodes d’approches des espaces vacants et rappelle à quel point l’activité de mesure d’un phénomène témoigne des représentations du problème et cadre les possibilités d’action. La seconde s’intéresse aux acteurs de la revalorisation des espaces vacants. Là encore, une diversité de situations et de types d’espaces vacants sont proposés à l’analyse : logements, rez-de-chaussée, friches, bureaux aussi bien dans des métropoles que dans des villes décroissantes. Les chapitres de cette partie se structurent autour d’une grande attention à l’activité des acteurs en situation de revalorisation permettant de rendre compte autant de la diversité des modes d’intervention en cours d’invention que de certaines régularités (agir sur l’offre, agir sur la demande, mettre en relation offre et demande). Enfin, la troisième partie propose un éclairage international autour de trois pays confrontés de longue date aux problèmes des espaces vacants. Cet éclairage rappelle les rôles du contexte légal national concernant la propriété foncière dans la manière d’aborder et d’agir sur les espaces vacants.

    https://www.presses-des-ponts.fr/notre-librairie/378-la-ville-inoccupee---enjeux-et-defis-des-espaces-urbains-vacan

    #ville #urban_matter #livre #géographie_urbaine #urbanisme #vide #aménagement #espaces_vacants #espace_vacant #vacance

  • Sur les nouvelles formes d’inégalités urbaines #post-Covid

    Quel sera le visage de la #ville_post-Covid ? Le sociologue italien Giovanni Semi partage ses premières réflexions sur le futur de la gentrification et des espaces publics, à l’heure de la distanciation sociale, de l’effondrement du tourisme et du renforcement probable du rôle des plateformes en ligne.

    La crise que nous sommes en train de vivre pose différentes questions sur la ville post-Covid, notamment sur les modes de relations sociales, et de manière plus générale sur ce que sera la vie urbaine. Beaucoup pensent que la pandémie va marquer une rupture nette entre tout ce qui s’est passé avant février-mars 2020 et ce qui se passera dans un « après » difficile à déterminer. Il y a pourtant de nombreuses raisons de penser que la discontinuité ne sera pas si radicale, et que l’on ne repartira pas d’une tabula rasa mais au contraire d’un modèle profondément ancré dans l’histoire (et à historiciser) et dans l’espace (et à spatialiser), qui continuera donc à agir dans le futur. Je veux dire par là que les événements passés et leurs effets spatiaux ne seront pas complètement effacés par la pandémie : s’ils seront dans certains cas profondément perturbés, ils risquent d’être accentués dans d’autres.

    En partant de cette idée que le passé n’est jamais complètement effacé mais qu’il continue à agir dans le présent et même dans le futur, je vais essayer de définir certains éléments de ce passé, puis d’esquisser ce qui nous attend.
    Le monde urbain dont nous avons hérité

    Deux éléments sont centraux dans le monde que nous avons reçu en héritage. D’un côté, ce que Neil Brenner et d’autres ont appelé l’« urbanisation planétaire », c’est-à-dire l’extension d’infrastructures et de logiques capitalistes sur toute la surface de la terre (Brenner et Schmid 2013 ; Brenner 2018). C’est Saskia Sassen qui me semble avoir le mieux décrit la logique de cette diffusion mondiale de l’urbanisation, fondée sur des « formations prédatrices », c’est-à-dire des assemblages autour d’instruments financiers d’acteurs variés comme les États et les entreprises globales (Sassen 2014). Le second élément concerne les modalités opératoires de ces formations prédatrices, et en particulier le lien entre les instruments financiers (et les logiques de financiarisation) et les mécanismes d’extraction de la valeur, qu’il s’agisse de la rente foncière ou de ressources naturelles.

    Pour le dire de manière plus simple, les vingt dernières années nous ont montré de différentes manières comment la relation entre homme, société et environnement s’articule de plus en plus autour de pratiques d’extraction. Les citadins ont désespérément besoin de revenus pour pouvoir se sentir intégrés, et pour cette raison se louent eux-mêmes, ainsi que leurs propriétés, pour obtenir un salaire qui provenait autrefois de rapports de travail (Boltanski et Chiapello 1999). Les populations habitent toujours davantage en milieu urbain, où le maintien des organisations est là aussi lié à des impératifs d’extraction et de concurrence entre territoires (Boltanski et Esquerre 2017). Leurs pratiques de vie et de consommation, à leur domicile mais aussi en déplacement lorsqu’ils deviennent des touristes, s’orientent toujours davantage vers l’extraction d’expériences que vers la production de nouvelles formes de vivre ensemble.

    Avant février-mars 2020, la géographie des villes était caractérisée par des phénomènes que nous avons appris à bien connaître, comme la gentrification, la stigmatisation territoriale des espaces dont les marges d’extraction sont faibles, et de manière plus générale des formes de ségrégation variées, notamment de classe et de race (Arbaci 2019). Même les plus critiques d’entre nous s’étaient habitués à un modèle d’apartheid soft, souvent masqué par le rideau de fumée de la méritocratie et des responsabilités individuelles, et par un darwinisme social dans le cadre duquel il était devenu presque impossible de débattre du caractère normal et naturel des inégalités sociales. Les répertoires de légitimité et d’illégitimité diffèrent selon les sociétés nationales, mais le profil social des gagnants et des perdants reste grosso modo toujours le même.

    Dans mon pays, l’Italie, il y avait une acceptation diffuse de l’immobilité sociale, et il était presque impossible de lancer un débat public sur la rente, sur la propriété, sur toutes les ressources qui par définition biaisent les règles du jeu et permettent à certains de partir largement avantagés. Il était ainsi « naturel » que quelqu’un puisse naître en disposant de deux, trois, quatre appartements de famille, par exemple dans les centres historiques des plus belles villes touristiques italiennes, comme il était « naturel » que les habitants des quartiers populaires de Milan, Naples ou Palerme « méritent » de vivre dans des quartiers sans infrastructures ni services, et où l’État ne se montre qu’en uniforme ou en tenue de travailleur social. Souvent, les premiers étaient aussi ceux qui, comme dans le célèbre roman dystopique de Young sur la méritocratie (1958), parlaient de cosmopolitisme, de démocratie et de révolution digitale, accusant les seconds d’être analphabètes, incivils et réactionnaires.

    Voilà le monde que nous avons, selon moi, laissé derrière nous. Un monde confortable pour certains mais dramatique pour la majorité, dans lequel les scénarios pour la suite étaient tout sauf rassurants. Il serait ainsi dangereux d’oublier que, sur de larges portions du territoire italien, nous nous étions habitués à cohabiter avec la sécheresse, interrompue par des phénomènes brefs et violents d’inondations, mais aussi à des niveaux élevés de pollution de l’air qui se maintenaient pendant plusieurs semaines et même parfois plusieurs mois, n’en déplaise aux négationnistes climatiques ou aux pragmatiques du type TINA (There is No Alternative), nombreux chez les industriels.

    Et puis la pandémie est arrivée. Je laisse aux climatologues, aux virologues et aux autres experts la lourde tâche de nous dire quelles sont les interactions entre l’homme et son environnement susceptibles d’expliquer la diffusion du Covid-19. Mais je peux essayer d’identifier quelques lignes de tension héritées du passé et autour desquelles se construira l’avenir des villes.
    Quel futur pour la gentrification ?

    Le débat sur la gentrification est désormais bien établi aussi bien en France qu’en Italie, et il n’est pas nécessaire de le synthétiser ici (voir notamment Chabrol et al. 2016, Semi 2015). On peut seulement rappeler qu’au cours des deux dernières années une thèse s’est diffusée selon laquelle la dernière vague de gentrification aurait été caractérisée par la financiarisation et par l’économie du tourisme, et donc marquée par le phénomène des locations de court terme symbolisées par la plateforme américaine Airbnb.

    Défendue notamment par Manuel Aalbers (2019), cette thèse nous disait que la nouvelle frontière d’expulsion et d’inégalité spatiale se situait sur le marché locatif, et que les nouveaux perdants étaient tous les ménages qui avaient besoin de se loger pour une durée supérieure à une semaine. L’industrie du tourisme et l’impressionnante accélération de l’usage temporaire de la ville avaient soustrait des logements aux résidents, rendu encore plus rigide le marché locatif, augmenté les loyers et contraint de nombreux ménages à s’éloigner des zones présentant la marge d’extraction la plus élevée. Cette forme de gentrification s’ajoute à toutes les précédentes, stade ultime d’un long processus d’éloignement des classes populaires vers les espaces les moins recherchés des grandes aires urbaines.

    Si cette thèse est assez crédible, avec plus ou moins de validité selon les lieux, le business des logements temporaires pour touristes a été rayé de la carte entre la fin du mois de février 2020 et le moment où j’écris ces lignes. Vols annulés, frontières fermées, populations immobilisées : les appartements concernés sont vides et une niche entière de l’économie a été interrompue en quelques jours.

    Que penser de cette tempête ? On débat depuis des semaines autour du caractère plus ou moins démocratique du virus, mais il ne fait aucun doute que les effets qu’il provoque ne le sont pas. Si on regarde le monde des plateformes de logement on observe que, même si elles ont subi un coup dur, ces dernières sont par nature très résistantes, qu’il s’agisse de Booking ou d’Airbnb. Leurs coûts fixes sont très bas, elles ont un nombre limité d’employés, et leur capacité de réaction est telle qu’entre mars et avril un colosse comme Airbnb a déjà pu compter sur deux augmentations de capital rapidement trouvées sur le marché international.

    Du côté des propriétaires de logements des plateformes, les grands investisseurs immobiliers ont tous les instruments légaux et financiers pour encaisser le coup, mais ce n’est pas le cas des particuliers qui affrontent la tempête dépourvus de moyens (Semi et Tonetta 2019). Les effets sont aussi très différents en fonction des échelles, selon qu’on se situe dans un appartement vide, à l’échelle d’un quartier, ou celle d’une ville entière. Les quartiers dont l’unique fonction était de servir des touristes qui ne restaient que quelques nuits se retrouvent ainsi aujourd’hui totalement vides. Au cours des deux prochaines années, la récession dans laquelle nous sommes déjà entrés se traduira par un choc de liquidités qui empêchera la renaissance du tourisme dans la forme que nous lui connaissions jusqu’ici, et aura des conséquences difficiles à prévoir aujourd’hui.

    On peut penser, en faisant preuve d’optimisme, que ce stock de logements retournera sur le marché locatif traditionnel. Mais la crise de liquidité concernera tout autant les touristes que les résidents (il s’agit souvent des mêmes personnes) et il n’est pas facile de savoir qui pourra se permettre de payer un loyer (et quel loyer ?) dans un quartier touristique sans touristes. Il est probable que les inégalités sociales et spatiales héritées du passé s’en trouvent pour certaines congelées, notamment dans les quartiers les plus riches, où les propriétaires aisés pourront retirer leurs biens du marché et conserver leur valeur, quand d’autres seront renforcées dans les quartiers les plus pauvres, où les petits propriétaires seront contraints de vendre, parfois à perte.
    Quel futur pour l’espace public ?

    Au cours des deux dernières décennies, l’espace public a suscité un regain d’intérêt, favorisé par les désirs et les angoisses produits par le néolibéralisme. L’espace public, tel qu’il était conçu jusqu’en février 2020, était principalement un lieu ouvert à des activités de consommation conviviales et non conflictuelles (Sorkin 1992, Mitchell 2003), très éloigné donc de la théorie de l’espace public élaborée par la philosophie politique et par la théorie sociale du XXe siècle (Habermas, Arendt, Sennett, Calhoun). L’espace public dont on parlait était en somme celui des places, avec leurs bars et restaurants en plein air, celui des waterfronts rénovés, celui des parcs aménagés pour des activités de plein air (celui des centres commerciaux, quoique très diffusé, était déjà en crise avant le Covid). Il s’agissait d’un vaste territoire de la ville où les architectes et les designers avaient dicté leur loi, imaginant des territoires conviviaux, smart, parfois soutenables, souvent très recherchés d’un point de vue esthétique (Semi et Bolzoni 2020). On pourrait discuter longuement des expérimentations politiques qui y ont été réalisées, comme dans le cas des POPS (Privately Owned Public Spaces), et de manière plus générale des accords néolibéraux dans le cadre desquels des acteurs privés se substituent aux acteurs publics pour assurer la gestion et l’exploitation de ces espaces. On pense par exemple aux Business Improvement Districts (BID), contrats de gestion d’espaces publics où l’acteur public attribue pour un temps déterminé toutes les fonctions de collecte des taxes, le contrôle de police et des normes d’hygiène à des unions de propriétaires (Zukin 2009).

    La logique organisationnelle de ces espaces était la suivante : leur fonction principale réside dans des formes de consommation légitimes et pacifiées, chapeautées par un fort contrôle social interpersonnel. Un peu comme dans les recettes de bon sens de Jane Jacobs (1961), le contrôle social reposait surtout sur la bonne éducation de consommateurs civils, ce qui permet facilement de comprendre qui étaient les exclus de ce modèle de vie urbaine : les sans-domicile, les toxicomanes, les Roms, les immigrés pauvres, les activistes et tous ceux qui n’étaient pas en mesure de consommer de façon adéquate. Cette logique s’enrayait parfois, comme dans le cas des conflits locaux générés par la vie nocturne dans de nombreuses villes européennes, ou dans celui des conflits entre touristes et populations locales.

    Quoi qu’il en soit, cet espace public fonctionnait et avait du succès car les personnes pouvaient se rassembler en grand nombre : le rassemblement de personnes a été un des moyens d’extraction urbaine les plus efficaces des dernières décennies.

    On comprend donc que le monde post-Covid, dans lequel la proximité physique entre les personnes est devenue, au moins de manière temporaire, l’ennemi public numéro un, met en crise de manière radicale ce type d’espace public. Il n’est pas possible de savoir aujourd’hui pour combien de temps, ni quel succès connaîtront les solutions que l’on évoque ces jours-ci (comme rouvrir les bars et les restaurants en respectant scrupuleusement les consignes de distanciation sociale), mais il est certain que nous allons assister à un renouvellement profond de ces espaces.
    Scénarios

    Il est possible que, dans un premier temps, l’espace public néolibéral redevienne plus semblable à celui que nous avons connu tout au long du XXe siècle, c’est-à-dire plus ouvert à la diversité des usages et à la conflictualité sociale. Il sera sans doute moins pacifié. Je laisse le lecteur décider du fait qu’il s’agisse d’un mal ou d’un bien, mais l’espace public sera probablement plus démocratique.

    Une autre voie, bien moins démocratique mais qui sera sans doute celle que l’on empruntera, concerne un secteur économique qui trouve son débouché physique dans l’espace public : l’offre commerciale, et en particulier la restauration. Ce monde dominait l’espace public néolibéral, notamment à travers ce que certains ont appelé la foodification, la gentrification alimentaire. Il s’agit d’un secteur très dynamique et constitué d’une grande variété d’acteurs qui ont durement lutté pour des marges de profit toujours plus limitées : un véritable marché caractérisé par une innovation faible et une concurrence forte. Un marché qui, comme celui des locations de court terme, s’est effondré au cours des deux derniers mois. En Italie, comme dans beaucoup d’autres pays occidentaux, ce secteur était lui aussi lié à la logistique des plateformes qui s’occupaient de la distribution par l’intermédiaire de cyclistes, comme Deliveroo, Glovo, Foodora, Uber Eats et d’autres. Là aussi, les plateformes se sont montrées plus flexibles et plus résistantes (elles ont été aidées en ce sens par des décisions politiques) et ont continué à fonctionner en dépit du lockdown. Elles seront des acteurs de premier plan du scénario post-Covid, sûrement plus centrales encore qu’avant, notamment car ce seront probablement elles qui maintiendront en vie un certain nombre de restaurants dont la clientèle ne pourra pas renoncer aux petits plats chinois ou mexicains à toute heure. Là encore, il y aura des perdants, sans doute surtout les restaurants traditionnels dont les produits et la clientèle ne passent pas à travers le filtre de la plateforme. Après une phase au cours de laquelle le restaurant traditionnel avait dû lutter contre le restaurant cosmopolite ou à la mode, ce protagoniste majeur de la culture urbaine occidentale, tout comme les cafés, va devoir affronter une épreuve majeure.
    Accélération ou refondation ?

    Il me semble que la pandémie va agir à la fois comme un accélérateur et comme une solution pour une série de conflits déjà visibles au cours des dernières décennies. Il s’agit de conflits organisationnels internes au capitalisme, où les plateformes, certaines plus que d’autres, vont se substituer à des filières de distribution traditionnelles et fourniront des services sur de nombreux marchés.

    Il s’agit d’une transformation qui ne frappera pas seulement les villes, même si elle y sera plus visible qu’ailleurs, mais qui agira sur l’ensemble de l’urbanisation planétaire. Beaucoup de commentateurs soutiennent que cette crise va mettre un frein à la globalisation. Je ne le crois pas. Je pense qu’aux côtés de dynamiques nationalistes, elles aussi déjà visibles au cours des vingt dernières années, nous assisterons à de nouvelles accélérations globales, en particulier du fait de l’action des plateformes.

    La logique prédatrice de fond du capitalisme est intacte, et n’est pas mise en discussion, même s’il est probable que beaucoup des formes qu’elle avait revêtues au tournant du XXIe siècle soient destinées à évoluer. Il y a du travail en perspective pour les chercheurs en sciences sociales, mais encore davantage pour les activistes et pour tous ceux qui croient que ce moment représente une opportunité pour repenser de manière radicale le monde dont nous avons hérité.

    https://metropolitiques.eu/Sur-les-nouvelles-formes-d-inegalites-urbaines-post-Covid.html

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    #ressources_pédagogiques

  • La crise sanitaire aggrave les troubles psy des jeunes migrants

    Les « migrants » sont une population composite recouvrant des #statuts_administratifs (demandeurs d’asile, réfugiés, primo-arrivants…) et des situations sociales disparates. Certains appartiennent à des milieux sociaux plutôt aisés et éduqués avec des carrières professionnelles déjà bien entamées, d’autres, issus de milieux sociaux défavorisés ou de minorités persécutées, n’ont pas eu accès à l’éducation dans leur pays d’origine.

    Et pourtant, une caractéristique traverse ce groupe : sa #jeunesse.

    Ainsi, selon les chiffres d’Eurostat, au premier janvier 2019, la moitié des personnes migrantes en Europe avait moins de 29 ans ; l’âge médian de cette population se situant à 29,2 ans, contre 43,7 pour l’ensemble de la population européenne. Cette particularité est essentielle pour comprendre l’état de santé de cette population.

    En effet, on constate que, du fait de sa jeunesse, la population migrante en Europe est globalement en #bonne_santé physique et parfois même en meilleure #santé que la population du pays d’accueil. En revanche, sa santé mentale pose souvent problème.

    Des #troubles graves liés aux #parcours_migratoires

    Beaucoup de jeunes migrants – 38 % de la population totale des migrants selon une recherche récente – souffrent de #troubles_psychiques (#psycho-traumatismes, #dépressions, #idées_suicidaires, #perte_de_mémoire, #syndrome_d’Ulysse désignant le #stress de ceux qui vont vivre ailleurs que là où ils sont nés), alors que la #psychiatrie nous apprend que le fait migratoire ne génère pas de #pathologie spécifique.

    Les troubles dont souffrent les jeunes migrants peuvent résulter des #conditions_de_vie dans les pays d’origine (pauvreté, conflits armés, persécution…) ou des #conditions_du_voyage migratoire (durée, insécurité, absence de suivi médical, en particulier pour les migrants illégaux, parfois torture et violences) ; ils peuvent également être liés aux #conditions_d’accueil dans le pays d’arrivée.

    De multiples facteurs peuvent renforcer une situation de santé mentale déjà précaire ou engendrer de nouveaux troubles : les incertitudes liées au #statut_administratif des personnes, les difficultés d’#accès_aux_droits (#logement, #éducation ou #travail), les #violences_institutionnelles (la #répression_policière ou les #discriminations) sont autant d’éléments qui provoquent un important sentiment d’#insécurité et du #stress chez les jeunes migrants.

    Ceci est d’autant plus vrai pour les #jeunes_hommes qui sont jugés comme peu prioritaires, notamment dans leurs démarches d’accès au logement, contrairement aux #familles avec enfants ou aux #jeunes_femmes.

    Il en résulte des périodes d’#errance, de #dénuement, d’#isolement qui détériorent notablement les conditions de santé psychique.

    De nombreuses difficultés de #prise_en_charge

    Or, ainsi que le soulignent Joséphine Vuillard et ses collègues, malgré l’engagement de nombreux professionnels de santé, les difficultés de prise en charge des troubles psychiques des jeunes migrants sont nombreuses et réelles, qu’il s’agisse du secteur hospitalier ou de la médecine ambulatoire.

    Parmi ces dernières on note l’insuffisance des capacités d’accueil dans les #permanences_d’accès_aux_soins_de_santé (#PASS), l’incompréhension des #procédures_administratives, le besoin d’#interprétariat, des syndromes psychotraumatiques auxquels les professionnels de santé n’ont pas toujours été formés.

    Les jeunes migrants sont par ailleurs habituellement très peu informés des possibilités de prise en charge et ne recourent pas aux soins, tandis que les dispositifs alternatifs pour « aller vers eux » (comme les #maraudes) reposent essentiellement sur le #bénévolat.
    https://www.youtube.com/watch?v=Pn29oSxVMxQ&feature=emb_logo

    Dans ce contexte, le secteur associatif (subventionné ou non) tente de répondre spécifiquement aux problèmes de santé mentale des jeunes migrants, souvent dans le cadre d’un accompagnement global : soutien aux démarches administratives, logement solidaire, apprentissage du français, accès à la culture.

    Organisateurs de solidarités, les acteurs associatifs apportent un peu de #stabilité et luttent contre l’isolement des personnes, sans nécessairement avoir pour mission institutionnelle la prise en charge de leur santé mentale.

    Ces #associations s’organisent parfois en collectifs inter-associatifs pour bénéficier des expertises réciproques. Malgré leur implantation inégale dans les territoires, ces initiatives pallient pour partie les insuffisances de la prise en charge institutionnelle.

    Des situations dramatiques dans les #CRA

    Dans un contexte aussi fragile, la #crise_sanitaire liée à la #Covid-19 a révélé au grand jour les carences du système : si, à la suite de la fermeture de nombreux #squats et #foyers, beaucoup de jeunes migrants ont été logés dans des #hôtels ou des #auberges_de_jeunesse à l’occasion des #confinements, nombreux sont ceux qui ont été livrés à eux-mêmes.

    Leur prise en charge sociale et sanitaire n’a pas été pensée dans ces lieux d’accueil précaires et beaucoup ont vu leur situation de santé mentale se détériorer encore depuis mars 2020.

    Les situations les plus critiques en matière de santé mentale sont sans doute dans les #Centres_de_rétention_administrative (CRA). Selon le rapport 2019 de l’ONG Terre d’Asile, sont enfermés dans ces lieux de confinement, en vue d’une #expulsion du sol national, des dizaines de milliers de migrants (54 000 en 2019, dont 29 000 en outremer), y compris de nombreux jeunes non reconnus comme mineurs, parfois en cours de #scolarisation.

    La difficulté d’accès aux soins, notamment psychiatriques, dans les CRA a été dénoncée avec véhémence dans un rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) en février 2019, suivi, à quelques mois d’écart, d’un rapport tout aussi alarmant du Défenseur des droits.

    La #rupture de la #continuité des #soins au cours de leur rétention administrative est particulièrement délétère pour les jeunes migrants souffrant de pathologies mentales graves. Pour les autres, non seulement la prise en charge médicale est quasi-inexistante mais la pratique de l’isolement à des fins répressives aggrave souvent un état déjà à risque.

    La déclaration d’#état_d’urgence n’a pas amélioré le sort des jeunes migrants en rétention. En effet, les CRA ont été maintenus ouverts pendant les périodes de #confinement et sont devenus de facto le lieu de placement d’un grand nombre d’étrangers en situation irrégulière sortant de prison, alors que la fermeture des frontières rendait improbables la reconduite et les expulsions.

    Un tel choix a eu pour conséquence l’augmentation de la pression démographique (+23 % en un an) sur ces lieux qui ne n’ont pas été conçus pour accueillir des personnes psychologiquement aussi vulnérables et pour des périodes aussi prolongées.

    Des espaces anxiogènes

    De par leur nature de lieu de #privation_de_liberté et leur vocation de transition vers la reconduction aux frontières, les CRA sont de toute évidence des #espaces_anxiogènes où il n’est pas simple de distinguer les logiques de #soins de celles de #contrôle et de #répression, et où la consultation psychiatrique revêt bien d’autres enjeux que des enjeux thérapeutiques. Car le médecin qui apporte un soin et prend en charge psychologiquement peut aussi, en rédigeant un #certificat_médical circonstancié, contribuer à engager une levée de rétention, en cas de #péril_imminent.

    Les placements en CRA de personnes atteintes de pathologies psychologiques et/ou psychiatriques sont en constante hausse, tout comme les actes de #détresse (#automutilations et tentatives de #suicide) qui ont conduit, depuis 2017, cinq personnes à la mort en rétention.

    La prise en charge effective de la santé mentale des jeunes migrants se heurte aujourd’hui en France aux contradictions internes au système. Si les dispositifs sanitaires existent et sont en théorie ouverts à tous, sans condition de nationalité ni de régularité administrative, l’état d’incertitude et de #précarité des jeunes migrants, en situation irrégulière ou non, en fait un population spécialement vulnérable et exposée.

    Sans doute une plus forte articulation entre la stratégie nationale de prévention et lutte contre la pauvreté et des actions ciblées visant à favoriser l’intégration et la stabilité via le logement, l’éducation et l’emploi serait-elle à même de créer les conditions pour une véritable prévention des risques psychologiques et une meilleure santé mentale.

    https://theconversation.com/la-crise-sanitaire-aggrave-les-troubles-psy-des-jeunes-migrants-152

    #crise_sanitaire #asile #migrations #réfugiés #jeunes_migrants #santé_mentale #troubles_psychologiques #genre #vulnérabilité #bénévolat #rétention #détention_administrative #sans-papiers

    ping @isskein @karine4

  • #Alcool et #drogue dans les relations affectives ou sexuelles : #transactions, #consentements, zones grises ?”

    Cette #conférence est l’occasion d’aborder le rôle de la consommation de #psychotropes dans la #sexualité, et de questionner la façon dont les #espaces_urbains (des #espaces_domestiques – de l’#intimité du couple à la #fête_privée ; aux espaces de #sociabilité_nocturne) sont impliqués et transformés par ces pratiques.

    https://www.youtube.com/watch?v=j8G6IjP4ebY&feature=emb_logo


    https://drusec.hypotheses.org/1776
    #espace_public #espace_privé

  • La nature confisquée, histoire du “colonialisme vert” - Ép. 1/4 - Et l’homme créa la nature
    https://www.franceculture.fr/emissions/le-cours-de-lhistoire/et-lhomme-crea-la-nature-14-la-nature-confisquee-histoire-du-coloniali


    Sous l’impulsion d’organismes internationaux, poursuivant le mythe d’un éden vierge de toute présence humaine, les populations africaines sont expulsées d’espaces qu’elles fréquentaient jusqu’alors. Une vision héritée de la période coloniale aux lourdes conséquences sociales.

    #colonialisme_vert #nature

  • Qui est complice de qui ? Les #libertés_académiques en péril

    Professeur, me voici aujourd’hui menacé de décapitation. L’offensive contre les musulmans se prolonge par des attaques contre la #pensée_critique, taxée d’islamo-gauchisme. Celles-ci se répandent, des réseaux sociaux au ministre de l’Éducation, des magazines au Président de la République, pour déboucher aujourd’hui sur une remise en cause des libertés académiques… au nom de la #liberté_d’expression !

    Je suis professeur. Le 16 octobre, un professeur est décapité. Le lendemain, je reçois cette menace sur Twitter : « Je vous ai mis sur ma liste des connards à décapiter pour le jour où ça pétera. Cette liste est longue mais patience : vous y passerez. »

    C’est en réponse à mon tweet (https://twitter.com/EricFassin/status/1317246862093680640) reprenant un billet de blog publié après les attentats de novembre 2015 (https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/161115/nous-ne-saurions-vouloir-ce-que-veulent-nos-ennemis) : « Pour combattre le #terrorisme, il ne suffit pas (même s’il est nécessaire) de lutter contre les terroristes. Il faut surtout démontrer que leurs actes sont inefficaces, et donc qu’ils ne parviennent pas à nous imposer une politique en réaction. » Bref, « nous ne saurions vouloir ce que veulent nos ennemis » : si les terroristes cherchent à provoquer un « conflit des civilisations », nous devons à tout prix éviter de tomber dans leur piège.

    Ce n’est pas la première fois que je reçois des #menaces_de_mort. Sur les réseaux sociaux, depuis des années, des trolls me harcèlent : les #insultes sont quotidiennes ; les menaces, occasionnelles. En 2013, pour Noël, j’ai reçu chez moi une #lettre_anonyme. Elle recopiait des articles islamophobes accusant la gauche de « trahison » et reproduisaient un tract de la Résistance ; sous une potence, ces mots : « où qu’ils soient, quoi qu’ils fassent, les traîtres seront châtiés. » Je l’analysais dans Libération (https://www.liberation.fr/societe/2014/01/17/le-nom-et-l-adresse_973667) : « Voilà ce que me signifie le courrier reçu à la maison : on sait où tu habites et, le moment venu, on saura te trouver. » J’ajoutais toutefois : « l’#extrême_droite continue d’avancer masquée, elle n’ose pas encore dire son nom. » Or ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, les menaces sont signées d’une figure connue de la mouvance néonazie. J’ai donc porté #plainte. C’est en tant qu’#universitaire que je suis visé ; mon #université m’accorde d’ailleurs la #protection_fonctionnelle.

    Ainsi, les extrêmes droites s’enhardissent. Le 29 octobre, l’#Action_française déploie impunément une banderole place de la Concorde : « Décapitons la République ! »

    C’est quelques heures après un nouvel attentat islamiste à Nice, mais aussi après une tentative néofasciste avortée en Avignon. Avant d’être abattu, l’homme a menacé d’une arme de poing un commerçant maghrébin. Il se réclamait de #Génération_identitaire, dont il portait la veste avec le logo « #Defend_Europe », justifiant les actions du groupe en Méditerranée ou à la frontière franco-italienne ; un témoin a même parlé de #salut_nazi (https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/vaucluse/avignon/avignon-homme-arme-couteau-abattu-policiers-1889172.htm). Le procureur de la République se veut pourtant rassurant : « c’est un Français, né en France, qui n’a rien à voir avec la religion musulmane ». Et de conclure : « nous avons plus affaire à un #déséquilibré, qui semble proche de l’extrême droite et a fait des séjours en psychiatrie. Il n’y a pas de revendication ». « Comme dans le cas de l’attentat de la mosquée de Bayonne perpétré par un ancien candidat FN en octobre 2019 » (https://www.mediapart.fr/journal/france/281019/attentat-bayonne-l-ex-candidat-fn-en-garde-vue?onglet=full), note Mediapart, « le parquet national antiterroriste n’a pas voulu se saisir de l’affaire ». Ce fasciste était un fou, nous dit-on, pas un terroriste islamiste : l’attaque d’Avignon est donc passée presque inaperçue.

    Si les #Identitaires se pensent aux portes du pouvoir, c’est aussi que certains médias ont préparé le terrain. En une, l’#islamophobie y alterne avec la dénonciation des universitaires antiracistes (j’y suis régulièrement pointé du doigt) (https://www.lepoint.fr/politique/ces-ideologues-qui-poussent-a-la-guerre-civile-29-11-2018-2275275_20.php). Plus grave encore, l’extrême droite se sent encouragée par nos gouvernants. Le président de la République lui-même, qui a choisi il y a un an de parler #communautarisme, #islam et #immigration dans #Valeurs_actuelles, s’inspire des réseaux sociaux et des magazines. « Le monde universitaire a été coupable. Il a encouragé l’#ethnicisation de la question sociale en pensant que c’était un bon filon. Or, le débouché ne peut être que sécessionniste. » Selon Le Monde du 10 juin 2020, Emmanuel Macron vise ici les « discours racisés (sic) ou sur l’intersectionnalité. » Dans Les Inrocks (https://www.lesinrocks.com/2020/06/12/idees/idees/eric-fassin-le-president-de-la-republique-attise-lanti-intellectualisme), je m’inquiétais alors de cet #anti-intellectualisme : « Des sophistes qui corrompent la jeunesse : à quand la ciguë ? » Nous y sommes peut-être.

    Car du #séparatisme, on passe aujourd’hui au #terrorisme. En effet, c’est au tour du ministre de l’Éducation nationale de s’attaquer le 22 octobre, sur Europe 1, à « l’islamo-gauchisme » qui « fait des ravages à l’Université » : il dénonce « les #complices_intellectuels du terrorisme. » « Qui visez-vous ? », l’interroge Le JDD (https://www.lejdd.fr/Politique/hommage-a-samuel-paty-lutte-contre-lislamisme-blanquer-precise-au-jdd-ses-mesu). Pour le ministre, « il y a un combat à mener contre une matrice intellectuelle venue des universités américaines et des #thèses_intersectionnelles, qui veulent essentialiser les communautés et les identités, aux antipodes de notre #modèle_républicain ». Cette idéologie aurait « gangrené une partie non négligeable des #sciences_sociales françaises » : « certains font ça consciemment, d’autres sont les idiots utiles de cette cause. » En réalité, l’intersectionnalité permet d’analyser, dans leur pluralité, des logiques discriminatoires qui contredisent la rhétorique universaliste. La critique de cette assignation à des places racialisées est donc fondée sur un principe d’#égalité. Or, à en croire le ministre, il s’agirait « d’une vision du monde qui converge avec les intérêts des islamistes. » Ce qui produit le séparatisme, ce serait donc, non la #ségrégation, mais sa dénonciation…

    Si #Jean-Michel_Blanquer juge « complices » celles et ceux qui, avec le concept d’intersectionnalité, analysent la #racialisation de notre société pour mieux la combattre, les néofascistes parlent plutôt de « #collabos » ; mais les trolls qui me harcèlent commencent à emprunter son mot. En France, si le ministre de l’Intérieur prend systématiquement le parti des policiers, celui de l’Éducation nationale fait de la politique aux dépens des universitaires. #Marion_Maréchal peut s’en féliciter : ce dernier « reprend notre analyse sur le danger des idéologies “intersectionnelles” de gauche à l’Université. »


    https://twitter.com/MarionMarechal/status/1321008502291255300
    D’ailleurs, « l’islamo-gauchisme » n’est autre que la version actuelle du « #judéo-bolchévisme » agité par l’extrême droite entre les deux guerres. On ne connaît pourtant aucun lien entre #Abdelhakim_Sefrioui, mis en examen pour « complicité d’assassinat » dans l’enquête sur l’attentat de #Conflans, et la gauche. En revanche, le ministre ne dit pas un mot sur l’extrême droite, malgré les révélations de La Horde (https://lahorde.samizdat.net/2020/10/20/a-propos-dabdelhakim-sefrioui-et-du-collectif-cheikh-yassine) et de Mediapart (https://www.mediapart.fr/journal/france/221020/attentat-de-conflans-revelations-sur-l-imam-sefrioui?onglet=full) sur les liens de l’imam avec des proches de #Marine_Le_Pen. Dans le débat public, jamais il n’est question d’#islamo-lepénisme, alors même que l’extrême droite et les islamistes ont en commun une politique du « #conflit_des_civilisations ».

    Sans doute, pour nos gouvernants, attaquer des universitaires est-il le moyen de détourner l’attention de leurs propres manquements : un professeur est mort, et on en fait porter la #responsabilité à d’autres professeurs… De plus, c’est l’occasion d’affaiblir les résistances contre une Loi de programmation de la recherche qui précarise davantage l’Université. D’ailleurs, le 28 octobre, le Sénat vient d’adopter un amendement à son article premier (https://www.senat.fr/amendements/2020-2021/52/Amdt_234.html) : « Les libertés académiques s’exercent dans le respect des #valeurs_de_la_République », « au premier rang desquelles la #laïcité ». Autrement dit, ce n’est plus seulement le code pénal qui définirait les limites de la liberté d’expression des universitaires. Des collègues, désireux de régler ainsi des différends scientifiques et politiques, appuient cette offensive en réclamant dans Le Monde la création d’une « instance chargée de faire remonter directement les cas d’atteinte aux #principes _épublicains et à la liberté académique »… et c’est au nom de « la #liberté_de_parole » (https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/31/une-centaine-d-universitaires-alertent-sur-l-islamisme-ce-qui-nous-menace-c-) ! Bref, comme l’annonce sombrement le blog Academia (https://academia.hypotheses.org/27401), c’est « le début de la fin. » #Frédérique_Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, le confirme sans ambages : « Les #valeurs de la laïcité, de la République, ça ne se discute pas. »


    https://twitter.com/publicsenat/status/1322076232918487040
    Pourtant, en démocratie, débattre du sens qu’on veut donner à ces mots, n’est-ce pas l’enjeu politique par excellence ? Qui en imposera la définition ? Aura-t-on encore le droit de critiquer « les faux dévots de la laïcité » (https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/101217/les-faux-devots-de-la-laicite-islamophobie-et-racisme-anti-musulmans) ?

    Mais ce n’est pas tout. Pourquoi s’en prendre aux alliés blancs des minorités discriminées, sinon pour empêcher une solidarité qui dément les accusations de séparatisme ? C’est exactement ce que les terroristes recherchent : un monde binaire, en noir et blanc, sans « zone grise » (https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/260716/terrorisme-la-zone-grise-de-la-sexualite), où les musulmans feraient front avec les islamistes contre un bloc majoritaire islamophobe. Je l’écrivais dans ce texte qui m’a valu des menaces de décapitation : nos dirigeants « s’emploient à donner aux terroristes toutes les raisons de recommencer. » Le but de ces derniers, c’est en effet la #guerre_civile. Qui sont donc les « #complices_intellectuels » du terrorisme islamiste ? Et qui sont les « idiots utiles » du #néofascisme ?

    En France, aujourd’hui, les #droits_des_minorités, religieuses ou pas, des réfugiés et des manifestants sont régulièrement bafoués ; et quand des ministres s’attaquent, en même temps qu’à une association de lutte contre l’islamophobie, à des universitaires, mais aussi à l’Unef (après SUD Éducation), à La France Insoumise et à son leader, ou bien à Mediapart et à son directeur, tous coupables de s’engager « pour les musulmans », il faut bien se rendre à l’évidence : la #démocratie est amputée de ses #libertés_fondamentales. Paradoxalement, la France républicaine d’Emmanuel #Macron ressemble de plus en plus, en dépit des gesticulations, à la Turquie islamiste de Recep Tayyip Erdogan, qui persécute, en même temps que la minorité kurde, des universitaires, des syndicalistes, des médias libres et des partis d’opposition.

    Pour revendiquer la liberté d’expression, il ne suffit pas d’afficher des caricatures ; l’esprit critique doit pouvoir se faire entendre dans les médias et dans la rue, et partout dans la société. Sinon, l’hommage à #Samuel_Paty serait pure #hypocrisie. Il faut se battre pour la #liberté_de_la_pensée, de l’engagement et de la recherche. Il importe donc de défendre les libertés académiques, à la fois contre les menaces des réseaux sociaux et contre l’#intimidation_gouvernementale. À l’heure où nos dirigeants répondent à la terreur par une #politique_de_la_peur, il y a de quoi trembler pour la démocratie.

    https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/011120/qui-est-complice-de-qui-les-libertes-academiques-en-peril
    #Eric_Fassin #intersectionnalité #SHS #universalisme #Blanquer #complicité

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    Pour compléter le fil de discussion commencé par @gonzo autour de :
    Jean-François Bayart : « Que le terme plaise ou non, il y a bien une islamophobie d’Etat en France »
    https://seenthis.net/messages/883974

    ping @isskein @karine4 @cede

    • Une centaine d’universitaires alertent : « Sur l’islamisme, ce qui nous menace, c’est la persistance du déni »

      Dans une tribune au « Monde », des professeurs et des chercheurs de diverses sensibilités dénoncent les frilosités de nombre de leurs pairs sur l’islamisme et les « idéologies indigénistes, racialistes et décoloniales », soutenant les propos de Jean-Michel Blanquer sur « l’islamo-gauchisme ».

      Tribune. Quelques jours après l’assassinat de Samuel Paty, la principale réaction de l’institution qui est censée représenter les universités françaises, la Conférence des présidents d’université (CPU), est de « faire part de l’émotion suscitée » par des propos de Jean-Michel Blanquer sur Europe 1 et au Sénat le 22 octobre. Le ministre de l’éducation nationale avait constaté sur Europe 1 que « l’islamo-gauchisme fait des ravages à l’université », notamment « quand une organisation comme l’UNEF cède à ce type de choses ». Il dénonçait une « idéologie qui mène au pire », notant que l’assassin a été « conditionné par des gens qui encouragent cette #radicalité_intellectuelle ». Ce sont des « idées qui souvent viennent d’ailleurs », le #communautarisme, qui sont responsables : « Le poisson pourrit par la tête. » Et au Sénat, le même jour, Jean-Michel Blanquer confirmait qu’il y a « des courants islamo-gauchistes très puissants dans les secteurs de l’#enseignement_supérieur qui commettent des dégâts sur les esprits. Et cela conduit à certains problèmes, que vous êtes en train de constater ».

      Nous, universitaires et chercheurs, ne pouvons que nous accorder avec ce constat de Jean-Michel Blanquer. Qui pourrait nier la gravité de la situation aujourd’hui en France, surtout après le récent attentat de Nice – une situation qui, quoi que prétendent certains, n’épargne pas nos universités ? Les idéologies indigéniste, racialiste et « décoloniale » (transférées des campus nord-américains) y sont bien présentes, nourrissant une haine des « Blancs » et de la France ; et un #militantisme parfois violent s’en prend à ceux qui osent encore braver la #doxa_antioccidentale et le prêchi-prêcha multiculturaliste. #Houria_Bouteldja a ainsi pu se féliciter début octobre que son parti décolonial, le #Parti_des_indigènes_de_la_République [dont elle est la porte-parole], « rayonne dans toutes les universités ».

      La réticence de la plupart des universités et des associations de spécialistes universitaires à désigner l’islamisme comme responsable de l’assassinat de Samuel Paty en est une illustration : il n’est question dans leurs communiqués que d’« #obscurantisme » ou de « #fanatisme ». Alors que le port du #voile – parmi d’autres symptômes – se multiplie ces dernières années, il serait temps de nommer les choses et aussi de prendre conscience de la responsabilité, dans la situation actuelle, d’idéologies qui ont pris naissance et se diffusent dans l’université et au-delà. L’importation des idéologies communautaristes anglo-saxonnes, le #conformisme_intellectuel, la #peur et le #politiquement_correct sont une véritable menace pour nos universités. La liberté de parole tend à s’y restreindre de manière drastique, comme en ont témoigné récemment nombre d’affaires de #censure exercée par des groupes de pression.

      « Nous demandons à la ministre de prendre clairement position contre les idéologies qui sous-tendent les #dérives_islamistes »

      Ce qui nous menace, ce ne sont pas les propos de Jean-Michel Blanquer, qu’il faut au contraire féliciter d’avoir pris conscience de la gravité de la situation : c’est la persistance du #déni. La CPU affirme dans son communiqué que « la recherche n’est pas responsable des maux de la société, elle les analyse ». Nous n’en sommes pas d’accord : les idées ont des conséquences et les universités ont aussi un rôle essentiel à jouer dans la lutte pour la défense de la laïcité et de la liberté d’expression. Aussi nous étonnons-nous du long silence de Frédérique Vidal, la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, qui n’est intervenue le 26 octobre que pour nous assurer que tout allait bien dans les universités. Mais nous ne sommes pas pour autant rassurés.

      Nous demandons donc à la ministre de mettre en place des mesures de #détection des #dérives_islamistes, de prendre clairement position contre les idéologies qui les sous-tendent, et d’engager nos universités dans ce combat pour la laïcité et la République en créant une instance chargée de faire remonter directement les cas d’atteinte aux principes républicains et à la liberté académique. Et d’élaborer un guide de réponses adaptées, comme cela a été fait pour l’éducation nationale.

      Premiers signataires : Laurent Bouvet, politiste, professeur des universités ; Jean-François Braunstein, philosophe, professeur des universités ; Jeanne Favret-Saada, anthropologue, directrice d’études honoraire à l’Ecole pratique des hautes études ; Luc Ferry, ancien ministre de l’éducation nationale (2002-2004) ; Renée Fregosi, politiste, maîtresse de conférences HDR en science politique ; Marcel Gauchet, philosophe, directeur d’études émérite à l’Ecole des hautes études en sciences sociales ; Nathalie Heinich, sociologue, directrice de recherche au CNRS ; Gilles Kepel, politiste, professeur des universités ; Catherine Kintzler, philosophe, professeure honoraire des universités ; Pierre Nora, historien, membre de l’Académie française ; Pascal Perrineau, politiste professeur des universités ; Pierre-André Taguieff, historien des idées, directeur de recherche au CNRS ; Pierre Vermeren, historien, professeur des universités

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      Liste complète des signataires :

      Signataires

      Daniel Aberdam, directeur de recherches à l’INSERM – Francis Affergan, professeur émérite des Universités – Alya Aglan, professeur des Universités – Jean-François Agnèse, directeur de recherches IRD – Joëlle Allouche-Benayoun, chargée de recherche au CNRS – Éric Anceau, maître de conférences HDR – Julie d’Andurain, professeur des Universités – Sophie Archambault de Beaune, professeur des Universités – Mathieu Arnold, professeur des Universités – Roland Assaraf, chargé de recherche au CNRS – Philippe Avril, professeur émérite des Universités – Isabelle Barbéris, maître de conférences HDR – Clarisse Bardiot, maître de conférences HDR – Patrick Barrau, maître de conférences honoraire – Christian Bassac, professeur honoraire des Universités – Myriam Benarroch, maître de conférences – Martine Benoit, professeur des Universités – Wladimir Berelowitsch, directeur d’études à l’EHESS – Florence Bergeaud-Blackler, chargée de recherche au CNRS – Maurice Berger, ancien professeur associé des Universités – Marc Bied-Charrenton, professeur émérite des Universités – Andreas Bikfalvi, professeur des Universités – Jacques Billard, maître de conférences honoraire – Jean-Cassien Billier, maître de conférences – Alain Blanchet, professeur émérite des Universités – Guillaume Bonnet, professeur des Universités – ​Laurent Bouvet, professeur des Universités – Rémi Brague, professeur des Universités – Joaquim Brandão de Carvalho, professeur des Universités – Jean-François Braunstein, professeur des Universités – Christian Brechot, professeur émérite des Universités – Stéphane Breton, directeur d’études à l’EHESS – Jean-Marie Brohm, professeur émérite des Universités – Michelle-Irène Brudny, professeur honoraire des Universités – Patrick Cabanel, directeur d’études, École pratique des hautes études – Christian Cambillau, directeur de recherches émérite au CNRS – Belinda Cannone, maître de conférences – Dominique Casajus, directeur de recherches émérite au CNRS – Sylvie Catellin, maître de conférences – Brigitte Chapelain, maître de conférences – Jean-François Chappuit, maître de conférences – Patrick Charaudeau, professeur émérite des Universités – Blandine Chelini-Pon, professeur des Universités – François Cochet, professeur émérite des Universités – Geneviève Cohen-Cheminet, professeur des Universités – Jacqueline Costa-Lascoux, directrice de recherche au CNRS – Cécile Cottenceau, PRAG Université – Philippe Crignon, maître de conférences – David Cumin, maître de conférences HDR – Jean-Claude Daumas, professeur émérite des Universités – Daniel Dayan, directeur de recherches au CNRS – Chantal Delsol, membre de l’Académie des sciences morales et politiques – Gilles Denis, maître de conférences HDR – Geneviève Dermenjian, maître de conférences HDR – Albert Doja, professeur des Universités – Michel Dreyfus, directeur de recherche au CNRS – Philippe Dupichot, professeur des Universités – Alain Ehrenberg, directeur émérite de recherche au CNRS – Marie-Claude Esposito, professeur émérite des Universités – Jean-Louis Fabiani, directeur d’études à l’EHES – Jeanne Favret-Saada, directrice d’études honoraire à l’EPHE – Laurent Fedi, maître de conférences – Rémi Ferrand, maître de conférences – Luc Ferry, ancien ministre de l’Éducation nationale – Michel Fichant, professeur émérite des Universités – Dominique Folscheid, professeur émérite des Universités – Nicole Fouché, chercheuse CNRS-EHESS - Annie Fourcaut, professeur des Universités – Renée Fregosi, maître de conférences HDR retraitée – Pierre Fresnault-Deruelle, professeur émérite des Universités – Marc Fryd, maître de conférences HDR – Alexandre Gady, professeur des Universités – Jean-Claude Galey, directeur d’études à l’EHESS – Marcel Gauchet, directeur d’études à l’EHESS – Christian Gilain, professeur émérite des Universités – Jacques-Alain Gilbert, professeur des Universités – Gabriel Gras, chargé de recherche au CEA – Yana Grinshpun, maître de conférences – Patrice Gueniffey, directeur d’études à l’EHESS – Éric Guichard, maître de conférences HDR – Jean-Marc Guislin, professeur émérite des Universités – Charles Guittard, professeur des Universités – Philippe Gumplowicz, professeur des Universités – Claude Habib, professeur émérite des Universités – François Heilbronn, professeur des Universités associé à Sciences-Po – Nathalie Heinich, directrice de recherche au CNRS – Marc Hersant, professeur des Universités – Philippe d’Iribarne, directeur de recherche au CNRS – François Jost, professeur émérite des Universités – Olivier Jouanjan, professeur des Universités – Pierre Jourde, professeur émérite des Universités – Gilles Kepel, professeur des Universités – Catherine Kintzler, professeur honoraire des Universités – Marcel Kuntz, directeur de recherche au CNRS – Bernard Labatut, maître de conférence HDR – Monique Lambert, professeur des Universités – Frédérique de La Morena, maître de conférences – Philippe de Lara, maître de conférences HDR – Philippe Larralde, PRAG Université – Dominique Legallois, professeur des Universités – Anne Lemonde, maître de conférences – Anne-Marie Le Pourhiet, professeur des Universités – Andrée Lerousseau, maître de conférences – Franck Lessay, professeur émérite des Universités – Marc Levilly, maître de conférences associé – Carlos Levy, professeur émérite des Universités – Roger Lewandowski, professeur des Universités – Philippe Liger-Belair, maître de conférences – Laurent Loty, chargé de recherche au CNRS – Catherine Louveau, professeur émérite des Universités – Danièle Manesse, professeur émérite des Universités – Jean-Louis Margolin, maître de conférences – Joseph Martinetti, maître de conférences – Céline Masson, professeur des Universités – Jean-Yves Masson, professeur des Universités – Eric Maulin, professeur des Universités – Samuel Mayol, maître de conférences – Isabelle de Mecquenem, PRAG Université – Ferdinand Mélin-Soucramanien, professeur des Universités – Marc Michel, professeur émérite des Universités –​ Jean-Baptiste Minnaert, professeur des Universités – Nathalie Mourgues, professeur émérite des Universités – Lion Murard, chercheur associé au CERMES – Franck Neveu, professeur des Universités – Jean-Pierre Nioche, professeur émérite à HEC – Pierre Nora, membre de l’Académie française – Jean-Max Noyer, professeur émérite des Universités – Dominique Ottavi, professeur émérite des Universités – Bruno Ollivier, professeur des Universités, chercheur associé au CNRS – Gilles Pages, directeur de recherche à l’INSERM – Marc Perelman, professeur des Universités – Pascal Perrineau, professeur des Universités – Laetitia Petit, maître de conférences des Universités – Jean Petitot, directeur d’études à l’EHESS – Béatrice Picon-Vallin, directrice de recherches au CNRS – René Pommier, maître de conférences – Dominique Pradelle, professeur des Universités – André Quaderi, professeur des Universités – Gérard Rabinovitch, chercheur associé au CNRS-CRPMS – Charles Ramond, professeur des Universités – Jean-Jacques Rassial, professeur émérite des Universités – François Rastier, directeur de recherche au CNRS – Philippe Raynaud, professeur émérite des Universités – Dominique Reynié, professeur des Universités – Isabelle Rivoal, directrice de recherches au CNRS – Jean-Jacques Roche, professeur des Universités – Pierre Rochette, professeur des Universités – Marc Rolland, professeur des Universités – Danièle Rosenfeld-Katz, maître de conférences – Bernard Rougier, professeur des Universités – Andrée Rousseau, maîtresse de conférences – Jean-Michel Roy, professeur des Universités – François de Saint-Chéron, maître de conférences HDR – Jacques de Saint-Victor, professeur des Universités – Xavier-Laurent Salvador, maître de conférences HDR – Jean-Baptiste Santamaria, maître de conférences – Yves Santamaria, maître de conférences – Georges-Elia Sarfati, professeur des Universités – Jean-Pierre Schandeler, chargé de recherche au CNRS – Pierre Schapira, professeur émérite des Universités – Martine Segalen, professeur émérite des Universités – Perrine Simon-Nahum, directrice de recherche au CNRS – Antoine Spire, professeur associé à l’Université – Claire Squires, maître de conférences – Marcel Staroswiecki, professeur honoraire des Universités – Wiktor Stoczkowski, directeur d’études à l’EHESS – Jean Szlamowicz, professeur des Universités – Pierre-André Taguieff, directeur de recherche au CNRS – Jean-Christophe Tainturier, PRAG Université – Jacques Tarnero, chercheur à la Cité des sciences et de l’industrie – Michèle Tauber, maître de conférences HDR – Pierre-Henri Tavoillot, maître de conférences HDR – Alain Tedgui, directeur de recherches émérite à l’INSERM – ​Thibault Tellier, professeur des Universités – Françoise Thom, maître de conférences HDR – André Tiran, professeur émérite des Universités – Antoine Triller, directeur de recherches émérite à l’INSERM – Frédéric Tristram, maître de conférences HDR – Sylvie Toscer-Angot, maître de conférences – Vincent Tournier, maître de conférences – Christophe Tournu, professeur des Universités – Serge Valdinoci, maître de conférences – Raymonde Vatinet, professeur des Universités – Gisèle Venet, professeur émérite des Universités – François Vergne, maître de conférences – Gilles Vergnon, maître de conférences HDR – Pierre Vermeren, professeur des Universités – Nicolas Weill-Parot, directeur d’études à l’EPHE – Yves Charles Zarka, professeur émérite des Universités – Paul Zawadzki, maître de conférences HDR – Françoise Zonabend, directrice d’études à l’EHESS

      https://manifestedes90.wixsite.com/monsite

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/31/une-centaine-d-universitaires-alertent-sur-l-islamisme-ce-qui-nous-menace-c-
      #manifeste_des_cents #manifeste_des_100 #décolonial #ESR #enseignement_supérieur

    • De la liberté d’expression des « voix musulmanes » en France

      Le traumatisme né de l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine le 16 octobre 2020 impose une réflexion collective profonde, aussi sereine que possible. L’enjeu est fondamental pour la société française qui, d’attentat revendiqué par une organisation constituée en attentat mené par un « loup solitaire », de débat sur le voile en débat sur Charlie, et de loi antiterroriste en loi contre le « séparatisme » s’enferre depuis plusieurs décennies dans une polarisation extrêmement inquiétante autour des questions liées à l’islam.

      Le constat de la diffusion, au sein des composantes se déclarant musulmanes en France, de lectures « radicales » et qui survalorisent la violence est incontestable. L’idéologie dite « djihadiste » demeure certes marginale, mais possède une capacité d’adaptation manifeste, liant les enjeux propres au monde musulman avec des problématiques françaises. Internet lui offre une caisse de résonance particulière auprès des plus jeunes, générant du ressentiment, mais aussi des frustrations. La #prison et la #délinquance, sans doute autant que certaines mosquées et associations cultuelles, constituent d’autres espaces de #socialisation à cette vision mortifère du monde.

      En revanche, les interprétations des racines de cette diffusion divergent, donnant lieu à des #controverses_scientifiques et médiatiques qui n’honorent pas toujours les personnes concernées. Il est manifeste que face à un problème complexe, l’analyse ne saurait être monocausale et ne se pencher que sur une seule variable. L’obsession pour la part purement religieuse du phénomène que légitiment certains chercheurs et qui est au cœur des récentes politiques du gouvernement français fonctionne comme un #écran_de_fumée.

      S’attaquer par des politiques publiques aux « #prêcheurs_de_haine » ou exiger la réforme d’un Islam « malade » sans autre forme de réflexion ou d’action ignore la dimension relationnelle de la #violence et des tensions qui déchirent la France.

      Quand les « islamo-gauchistes » doivent rendre des comptes

      Cette perspective revient à négliger l’importance de la #contextualisation, oubliant d’expliquer pourquoi une interprétation particulière de l’islam a pu acquérir, via sa déclinaison politique la plus fermée, une capacité à incarner un rejet de la société dominante. En somme cette lecture méconnaît comment et pourquoi une interprétation radicale du #référent_islamique trouve depuis quelques années une pertinence particulière aux yeux de certains, et pourquoi ce serait davantage le cas en #France qu’ailleurs en Europe. Elle revient surtout à oublier la nature circulaire des dynamiques qui permet à un contexte et à une idéologie de s’alimenter mutuellement, désignant alors de façon simpliste celui qui « aurait commencé » ainsi que — et c’est là une funeste nouveauté des derniers mois — ses « collabos » affublés du label « islamo-gauchiste » et qui devraient rendre des comptes.

      Beaucoup a ainsi été écrit et dit, parfois trop rapidement. En tant que chercheur et citoyen, je ressens autant de la lassitude que de la tristesse, mesurant combien mon champ professionnel développe de façon croissante une sorte d’incommunicabilité, entrainant des haines tenaces et donnant de plus en plus souvent lieu à de la diffamation entre ses membres. Il m’apparait que la perspective faisant toute sa place à la #complexité des phénomènes politiques et sociaux a, d’une certaine manière, perdu la partie. Marginalisée dans les médias, elle devient manifestement de plus en plus inaudible auprès d’institutions publiques en quête de solutions rapides et brutales, faisant souvent fi du droit. L’approche nuancée des sciences sociales se trouve reléguée dans des espaces d’expression caractérisés par l’entre-soi politique, scientifique ou, il faut le reconnaitre, communautaire (ce dernier parfois prompt à tordre le discours et à le simplifier pour se rassurer).

      « Liberté d’expression », mais pas pour tout le monde

      Cette mécanique de parole complexe reléguée ne concerne pas uniquement les chercheurs. Ma frustration de « perdant » n’a au fond que peu d’importance. Elle renvoie toutefois à un enjeu beaucoup plus fondamental qui concerne l’espace de représentation et d’expression des musulmans français. Dans un contexte de fortes tensions autour de la question musulmane, il s’agit là d’un blocage récurrent dont les pouvoirs publics et une grande partie des médias se refusent à percevoir la centralité. La faiblesse des espaces offerts aux voix qui se revendiquent musulmanes et sont reconnues comme légitimes par leurs coreligionnaires constitue un angle mort que les tenants de la « liberté d’expression » auraient tout intérêt à aborder. Autant que le contrôle policier et la surveillance des appels à la haine sur Internet et dans les mosquées, c’est là un levier nécessaire pour contenir la violence et lutter contre elle.

      La liberté d’expression n’a jamais été totale, et certains tabous légitimes demeurent ou évoluent avec le temps. Pensons à la pédocriminalité dans les années 1970, ou aux caricatures sur les juifs et l’argent dans les années 1930. Parmi les tenants d’une laïcité intégrale, qui a déjà discuté avec une femme voilée ? Partons tout d’abord du principe que l’ignorance de l’Autre et de sa propre histoire constitue une racine de la #polarisation grave de la société française. Admettons ensuite qu’il est important pour chacun d’avoir une perception juste de ses concitoyens et aussi, en démocratie, de se sentir correctement et dignement représenté à une variété d’échelons.

      La figure de #Hassen_Chalghoumi, imam d’origine tunisienne d’une mosquée en Seine–Saint-Denis très fréquemment mobilisé dans les grands médias, symbolise un dysfonctionnement patent de ce mécanisme de #représentation. Sa propension à soutenir des positions politiques à rebours de ses « ouailles » supposées, en particulier sur la Palestine, mais surtout son incapacité à s’exprimer correctement en français ou même à avoir un fond de culture générale partagée ne constitue aucunement des caractéristiques rédhibitoires pour faire appel à lui quand un sujet en lien avec l’islam émerge. Pire, il semblerait même parfois que ce soit exactement le contraire comme quand Valeurs actuelles, alors accusé d’avoir caricaturé la députée Danièle Obono en esclave, a fait appel à lui pour défendre la liberté d’expression et l’a placé, détail sans doute potache, mais tellement symptomatique de mépris affiché, devant une plaque émaillée « Licence IV » (autrefois utilisée pour désigner les débits de boissons alcoolisées).

      Pour les millions de Français d’origine musulmane dont l’élocution française est parfaite et qui partagent les mêmes références culturelles populaires que la majorité des Français, reconnaissons qu’il est parfaitement humiliant d’avoir l’impression que les médias n’ont pas d’autre « modèle » à mobiliser ou à valoriser pour entendre une voix décrite comme musulmane. Comment dès lors ne pas comprendre la défiance envers les médias ou la société dans son ensemble ?

      L’ère du #soupçon

      Certes, il revient aux musulmans au premier chef de s’organiser et de faire émerger des figures représentatives, dépassant ainsi la fragmentation qui est celle de leur culte, ainsi que la mainmise exercée par les États d’origine, Maroc, Algérie et Turquie en tête. Les luttes internes sont elles-mêmes d’une grande violence, souvent fondées sur le « narcissisme des petites différences » de Sigmund Freud. Toutefois, reconnaissons que l’expérience démontre que les restrictions ne sont pas seulement internes à la « communauté ». Il y a plus de vingt ans déjà, le sociologue #Michel_Wieviorka avait pointé du doigt l’incapacité de la société française à accueillir les voix se revendiquant comme musulmanes :

      "Plutôt que d’être perçus comme des acteurs qui inventent et renouvellent la #vie_collective — avec ses tensions, ses conflits, ses négociations —, les associations susceptibles de passer pour « ethniques » ou religieuses […] sont couramment ignorées, soupçonnées de couvrir les pires horreurs ou traitées avec hostilité par les pouvoirs publics. […] À force de rejeter une association sous prétexte qu’elle serait intégriste et fermée sur elle-même, à force de lui refuser toute écoute et tout soutien, on finit par la constituer comme telle."

      De la chanteuse #Mennel (candidate d’origine syrienne à une émission sur TF1 et qui alors portait le foulard) à #Tariq_Ramadan (certes de nationalité suisse) en passant par l’humoriste #Yassine_Belattar et le #Comité_contre_l’islamophobie_en_France (CCIF), les occasions d’exclure les voix endogènes qui revendiquent une part d’#islamité dans leur discours et sont à même de servir de référence tant cultuelle que politique et culturelle ont été nombreuses. Parfois pleinement légitimes lorsque des accusations de viols ont été proférées, des dispositifs de contrôle imposent de « montrer patte blanche » au-delà de ce qui devrait légitimement être attendu. Non limités à l’évaluation de la probité, ils rendent en plus toute critique adressée à la société française et ses failles (en politique étrangère par exemple) extrêmement périlleuses, donnant le sentiment d’un traitement différencié pour les voix dites musulmanes, promptes à se voir si facilement criminalisées. Dès lors, certaines positions, pourtant parfaitement raisonnables, deviennent indicibles.

      Revendiquer la nécessité de la #lutte_contre_l’islamophobie, dont l’existence ne devrait pas faire débat par exemple quand une femme portant le foulard se fait cracher dessus par des passants fait ainsi de manière totalement absurde partie de cette liste de tabous, établie sans doute de manière inconsciente par des années d’#injonctions et de #stigmatisations, héritées de la période coloniale.

      Une telle mécanique vient enfin légitimer les logiques d’#exclusion propres au processus de #radicalisation. Elle s’avère dès lors contreproductive et donc dangereuse. Par exemple, dissoudre le CCIF dont l’action principale est d’engager des médiations et de se tourner vers les institutions publiques est à même de constituer, en acte aux yeux de certains, la démonstration de l’inutilité des #associations et donc l’impossibilité de s’appuyer sur les institutions légales. C’est une fois encore renvoyer vers les fonds invisibles de l’Internet les #espaces_d’expression et de représentation, c’est ainsi creuser des fossés qui génèrent l’#incompréhension et la violence.

      Il devient impérieux d’apprendre à s’écouter les uns les autres. Il demeure aussi nécessaire de reconnaitre que, comme l’entreprise a besoin de syndicats attentifs et représentatifs, la société dans son ensemble, diverse comme elle est, a tout à gagner à offrir des cadres d’expression sereins et ouverts à ses minorités, permettant aussi à celles-ci de revendiquer, quitte à ne pas faire plaisir à moi-même, à la majorité, ou au patron.

      https://orientxxi.info/magazine/de-la-liberte-d-expression-des-voix-musulmanes-en-france,4227
      #religion

    • « La pensée “décoloniale” renforce le narcissisme des #petites_différences »

      80 psychanalystes s’insurgent contre l’assaut des « #identitaristes » dans le champ du savoir et du social

      « Les intellectuels ont une mentalité plus totalitaire que les gens du commun » écrivait Georges Orwell (1903-1950), dans Essais, Articles et Lettres.

      Des militants, obsédés par l’#identité, réduite à l’#identitarisme, et sous couvert d’antiracisme et de défense du bien, imposent des #idéologies_racistes par des #procédés_rhétoriques qui consistent à pervertir l’usage de la langue et le sens des mots, en détournant la pensée de certains auteurs engagés dans la lutte contre le racisme qu’ils citent abondamment comme #Fanon ou #Glissant qui, au contraire, reconnaissent l’#altérité et prônent un nouvel #universalisme.

      Parmi ces militants, le Parti des indigènes de la République -dit le #PIR- qui s’inscrit dans la mouvance « décoloniale ».

      La pensée dite « décoloniale » s’insinue à l’Université et menace les sciences humaines et sociales sans épargner la psychanalyse. Ce phénomène se répand de manière inquiétante et nous n’hésitons pas à parler d’un #phénomène_d’emprise qui distille subrepticement des idées propagandistes. Ils véhiculent une idéologie aux relents totalitaires.

      Réintroduire la « #race » et stigmatiser des populations dites « blanches » ou de couleur comme coupables ou victimes, c’est dénier la #complexité_psychique, ce n’est pas reconnaître l’histoire trop souvent méconnue des peuples colonisés et les traumatismes qui empêchent la transmission.

      Une idéologie qui nie ce qui fait la singularité de l’individu, nie les processus toujours singuliers de #subjectivation pour rabattre la question de l’identité sur une affaire de #déterminisme culturel et social.

      Une idéologie qui secondarise, voire ignore la primauté du vécu personnel, qui sacrifie les logiques de l’#identification à celle de l’identité unique ou radicalisée, dénie ce qui fait la spécificité de l’humain.

      Le livre de Houria Bouteldja, porte-parole du PIR, intitulé Les Blancs, les Juifs et nous. Vers une politique de l’amour révolutionnaire (La Fabrique, 2016), soutenu par des universitaires et des chercheurs du CNRS, prétend défendre les #victimes - les « indigènes » - alors qu’il nous paraît en réalité raciste, antisémite, sexiste et homophobe et soutient un islamisme politique. L’ensemble du livre tourne autour de l’idée que les descendants d’immigrés maghrébins en France, du fait de leurs origines, seraient victimes d’un “#racisme_institutionnel” - voire un #racisme_d’Etat-, lequel aboutirait à véritablement constituer des “#rapports_sociaux_racistes”.

      L’auteure s’adresse aux « Juifs » : « Vous, les Juifs » : des gens qui pour une part seraient étrangers à la « blanchité », étrangers à la « race » qui, depuis 1492, dominerait le monde (raison pour laquelle elle distingue les « Juifs » des « Blancs »), mais qui pour une autre part sont pires que les « Blancs », parce qu’ils en seraient les valets criminels.

      Fanon, auquel les décoloniaux se réfèrent, ne disait-il pas : « Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l’oreille, on parle de vous ».

      Le #racialisme pousse à la #position_victimaire, au #sectarisme, à l’#exclusion, et finalement au #mépris ou à la #détestation du différent, et à son exclusion de fait. Il s’appuie sur une réécriture fallacieuse de l’histoire qui nie les notions de #progrès de #civilisation mais aussi des racismes et des rivalités tout aussi ancrés que le #racisme_colonialiste.

      C’est par le « #retournement_du_stigmate » que s’opère la transformation d’une #identité_subie en une #identité_revendiquée et valorisée qui ne permet pas de dépasser la « race.

      Il s’agit là, « d’#identités_meurtrières » (#Amin_Maalouf) qui prétendent se bâtir sur le meurtre de l’autre.

      Ne nous leurrons pas, ces revendications identitaires sont des revendications totalitaires, et ces #dérives_sectaires, communautaristes menacent nos #valeurs_démocratiques et républicaines en essentialisant les individus, en valorisant de manière obsessionnelle les #particularités_culturelles et en remettant à l’affiche une imagerie exotique méprisante que les puissances coloniales se sont évertuées à célébrer.

      Cette idéologie s’appuie sur ce courant multiculturaliste états-unien qu’est l’#intersectionnalité en vogue actuellement dans les départements des sciences humaines et sociales. Ce terme a été proposé par l’universitaire féministe américaine #Kimberlé_Crenshaw en 1989 afin de spécifier l’intersection entre le #sexisme et le #racisme subi par les femmes afro-américaines. La mouvance décoloniale peut s’associer aux « #postcolonial_studies » afin d’obtenir une légitimité académique et propager leur idéologie. Là où l’on croit lutter contre le racisme et l’oppression socio-économique, on favorise le #populisme et les #haines_identitaires. Ainsi, la #lutte_des_classes est devenue une #lutte_des_races.

      Des universitaires, des chercheurs, des intellectuels, des psychanalystes s’y sont ralliés en pensant ainsi lutter contre les #discriminations. C’est au contraire les exacerber.

      #Isabelle_de_Mecquenem, professeure agrégée de philosophie, a raison de rappeler que « emprise » a l’avantage de faire écho à l’article L. 141-6 du #code_de_l'éducation. Cet article dispose que « le service public de l’enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique (…) ». Rappelons que l’affaire Dorin à l’Université de Limoges relève d’une action sectaire (propagande envers les étudiants avec exclusion de toute critique).

      Il est impérieux que tout citoyen démocrate soit informé de la dangerosité de telles thèses afin de ne pas perdre de vue la tension irréductible entre le singulier et l’universel pour le sujet parlant. La #constitution_psychique pour Freud n’est en aucun cas un particularisme ou un communautarisme.

      Nous appelons à un effort de mémoire et de pensée critique tous ceux qui ne supportent plus ces logiques communautaristes et discriminatoires, ces processus d’#assignation_identitaire qui rattachent des individus à des catégories ethno-raciales ou de religion.

      La psychanalyse s’oppose aux idéologies qui homogénéisent et massifient.

      La psychanalyse est un universalisme, un humanisme. Elle ne saurait supporter d’enrichir tout « narcissisme des petites différences ». Au contraire, elle vise une parole vraie au profit de la singularité du sujet et de son émancipation.
      Signataires
      Céline Masson, Patrick Chemla, Rhadija Lamrani Tissot, Laurence Croix, Patricia Cotti, Laurent Le Vaguerèse, Claude Maillard, Alain Vanier, Judith Cohen-Solal, Régine Waintrater, Jean-Jacques Moscovitz, Patrick Landman, Jean-Jacques Rassial, Anne Brun, Fabienne Ankaoua, Olivier Douville, Thierry Delcourt, Patrick Belamich, Pascale Hassoun , Frédéric Rousseau, Eric Ghozlan, Danièle Rosenfeld-Katz, Catherine Saladin, Alain Abelhauser, Guy Sapriel, Silke Schauder, Kathy Saada, Marie-José Del Volgo, Angélique Gozlan, Patrick Martin-Mattera, Suzanne Ferrières-Pestureau, Patricia Attigui, Paolo Lollo, Robert Lévy, Benjamin Lévy, Houria Abdelouahed, Mohammed Ham, Patrick Guyomard, Monique Zerbib, Françoise Nielsen, Claude Guy, Simone Molina, Rachel Frouard-Guy, Françoise Neau, Yacine Amhis, Délia Kohen, Jean-Pierre Winter, Liliane Irzenski, Jean Michel Delaroche , Sarah Colin, Béatrice Chemama-Steiner, Francis Drossart, Cristina Lindenmeyer, Eric Bidaud, Eric Drouet, Marie-Frédérique Bacqué, Roland Gori, Bernard Ferry, Marie-Christine Pheulpin, Jacques Barbier, Robert Samacher, Faika Medjahed, Pierre Daviot, Laetitia Petit, David Frank Allen, Daniel Oppenheim, Marie-Claude Fourment-Aptekman, Michel Hessel, Marthe Moudiki Dubreuil, Isabelle Floch, Pierre Marie, Okba Natahi, Hélène Oppenheim-Gluckman, Daniel Sibony, Jean-Luc Gaspard, Eva Talineau, Paul Alerini, Eliane Baumfelder-Bloch, Jean-Luc Houbron, Emile Rafowicz, Louis Sciara , Fethi Benslama, Marielle David, Michelle Moreau Ricaud, Jean Baptiste Legouis, Anna Angelopoulos, Jean-François Chiantaretto , Françoise Hermon, Thierry Lamote, Sylvette Gendre-Dusuzeau, Xavier Gassmann, Guy Dana, Wladi Mamane, Graciela Prieto, Olivier Goujat, Jacques JEDWAB, Brigitte FROSIO-SIMON , Catherine Guillaume, Esther Joly , Jeanne Claire ADIDA , Christian Pierre, Jean Mirguet, Jean-Baptiste BEAUFILS, Stéphanie Gagné, Manuel Perianez, Alain Amar, Olivier Querouil, Jennifer Biget, Emmanuelle Boetsch, Michèle Péchabrier, Isabel Szpacenkopf, Madeleine Lewensztain Gagna, Michèle Péchabrier, Maria Landau, Dominique Méloni, Sylvie Quesemand Zucca

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/09/25/la-pensee-decoloniale-renforce-le-narcissisme-des-petites-differences_601292

      #pensée_décoloniale #psychanalyse #totalitarisme

    • Les sciences sociales contre la République ?

      Un collectif de revues de sciences humaines et sociales (SHS) met au défi le ministre de l’éducation nationale de trouver dans ses publications des textes permettant de dire que l’intersectionnalité inspire le terrorisme islamiste.

      Dans le JDD du 25 octobre, le ministre de l’éducation nationale déclarait qu’il y avait, dans les universités, un combat à mener. Contre l’appauvrissement de l’enseignement supérieur ? Contre la précarité étudiante ? Contre les difficultés croissantes que rencontrent tous les personnels, précaires et titulaires, enseignants et administratifs, à remplir leurs missions ? Contre la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), qui va amplifier ces difficultés ? Non : contre « une partie non négligeable des sciences sociales françaises ». Et le ministre, téméraire : face à cette « #gangrène », il faut cesser la « #lâcheté ».

      On reste abasourdi qu’un ministre de l’#éducation_nationale s’en prenne ainsi à celles et ceux qui font fonctionner les universités. Mais pour aberrants qu’ils soient, ces propos n’étonnent pas tout à fait : déjà tenus, sur Europe 1 et au Sénat, ils prolongent ceux d’Emmanuel Macron, en juin 2020, dans Le Monde, qui accusait les universitaires d’ethniciser la question sociale et de « casser la République en deux ». Plutôt que de se porter garant des libertés académiques, attaquées de toutes parts, notamment dans le cadre du débat parlementaire actuel, Jean-Michel Blanquer se saisit de l’assassinat d’un professeur d’histoire et géographie pour déclarer la guerre aux sciences sociales, qui défendraient des thèses autorisant les violences islamistes ! Sa conviction est faite : ce qui pourrit les universités françaises, ce sont les « thèses intersectionnelles », venues des « universités américaines » et qui « veulent essentialiser » les communautés.

      Ignorance ministérielle

      Le ministre « défie quiconque » de le contredire. Puisque les revues scientifiques sont, avec les laboratoires et les universités, les lieux d’élaboration des sciences sociales, de leurs controverses, de la diffusion de leurs résultats, c’est à ce titre que nous souhaitons mener cette contradiction, ses propos révélant son ignorance de nos disciplines, de leurs débats et de leurs méthodes.

      La démarche scientifique vise à décrire, analyser, comprendre la société et non à décréter ce qu’elle doit être. Les méthodes des sciences sociales, depuis leur émergence avec Emile Durkheim dans le contexte républicain français, s’accordent à expliquer les faits sociaux par le social, précisément contre les explications par la nature ou l’essence des choses. A ce titre, elles amènent aussi à rendre visibles des divisions, des discriminations, des inégalités, même si elles contrarient. Les approches intersectionnelles ne sont pas hégémoniques dans les sciences sociales : avec d’autres approches, que, dans leur précieuse liberté, les revues font dialoguer, elles sont précisément l’un des outils critiques de la #désessentialisation du monde social. Néologisme proposé par la juriste états-unienne Kimberlé Crenshaw à la fin des années 1980, le terme « intersectionnalité » désigne en outre, dans le langage actuel des sciences sociales, un ensemble de démarches qui en réalité remontent au XIXe siècle : il s’agit d’analyser la réalité sociale en observant que les #identités_sociales se chevauchent et que les logiques de #domination sont plurielles.

      Dès 1866, Julie-Victoire Daubié, dans La Femme pauvre au XIXe siècle, montre la particularité de la situation des ouvrières, domestiques et prostituées obligées de travailler pour survivre, faisant des femmes pauvres une catégorie d’analyse pour le champ de la connaissance et de la politique, alors que lorsqu’on parlait des pauvres, on pensait surtout aux hommes ; et que lorsqu’on parlait des femmes, on pensait avant tout aux bourgeoises.

      Une politique répressive de la pensée

      Plus près de nous, l’équipe EpiCov (pour « Epidémiologie et conditions de vie »), coordonnée par la sociologue Nathalie Bajos et le démographe François Héran, vient de publier des données concernant l’exposition au Covid-19 à partir de critères multiples parmi lesquels la classe sociale, le sexe, le lieu de naissance. Une première lecture de ces données indique que les classes populaires travaillant dans la maintenance (plutôt des hommes) et dans le soin (plutôt des femmes) ont été surexposées, et que, parmi elles, on compte une surreprésentation de personnes nées hors d’Europe. Une analyse intersectionnelle cherchera à corréler ces données, entre elles et avec d’autres disponibles, pour mieux comprendre comment les #discriminations s’entrelacent dans la vie des personnes. Où sont l’essentialisation, l’encouragement au communautarisme ? Pour les chercheurs et chercheuses en sciences sociales, il s’agit simplement, à partir de données vérifiées par des méthodes scientifiques, validées entre pairs et ouvertes à la discussion, de faire leur travail.

      L’anathème que le ministre lance traduit une politique répressive de la pensée. Nous mettons M. Blanquer au défi de trouver un seul texte publié dans la bibliothèque ouverte et vivante de nos revues qui permette de dire que l’intersectionnalité inspire le #terrorisme_islamiste. Se saisir d’un mot, « intersectionnalité », pour partir en guerre contre les sciences sociales et, plus généralement, contre la liberté de penser et de comprendre la société, est une manœuvre grossière. Si elle prend, nos universités devront troquer la liberté de chercher (qui est aussi la liberté de se tromper) pour rien moins qu’une science aux ordres, un obscurantisme ministériel. On voit mal comment la République pourrait en sortir grandie.

      Le collectif des revues en lutte, constitué en janvier 2020 autour de l’opposition aux projets de LPPR et de réforme des retraites, rassemble aujourd’hui 157 revues francophones, pour l’essentiel issues des sciences humaines et sociales.

      https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/11/02/les-sciences-sociales-contre-la-republique_6058195_1650684.html

    • Academic freedom in the context of France’s new approach to ’separatism’

      From now on, academic freedom will be exercised within the limits of the values ​​of the Republic. Or not.

      For months, France has been severely weakened by a deepening economic crisis, violent social tensions, and a health crisis out of control. The barbaric assassination of history professor Samuel Paty on October 16 in a Paris suburb and the murder of Vincent Loquès, Simone Barreto Silva, Nadine Devillers in the Notre-Dame basilica in Nice on October 29 have now plunged the country into terror.

      Anger, bewilderment, fear and a need for protection took over French society. French people should have the right to remain united, to understand, to stay sharp, do everything possible not to fall into the trap set by terrorists who have only one objective: to divide them. It is up to politics to lead the effort of collective elaboration of the mourning, to ensure the unity of the country. But that’s not what is happening. Politics instead tries to silence any attempt at reflection tying itself in knots to point the finger at the culprit, or, better yet, the culprits.

      In the narrative of the French government, there are two direct or indirect sources responsible for the resurgence of terrorism: abroad, the foreign powers which finance mosques and organizations promoting the separatism of Islamic communities, and consequently - as is only logical on the perpetually slippery slope of Macronist propaganda - terrorism; at home, it is the academics.

      It is true that the October attacks coincided with tensions which have been increasing for months between France and Turkey on different fronts: Syria, Libya, Nagorno-Karabakh, and above all the Eastern Mediterranean. And it is also true that the relationship between international tensions and the resurgence of terrorism needs to be explored. However, the allusion to the relationship between the role of academics and these attacks is simply outrageous and instrumental, aimed only at discrediting the category of academics engaged in recent weeks in a desperate struggle to prevent the passing of a Research programming law, which violently redefines the methods of funding and management of research projects, the status, the prerogatives as well as the academic freedom of university professors.
      Regaining control?

      “A teacher died and other teachers are being blamed for it" wrote the sociologist Eric Fassin, alluding to a long series of attacks that have been reiterated in recent months on the French university community – a community guilty, according to Macron and his collaborators, of excessive indulgence in the face of “immigration, Islam and integration”.

      “I must regain control of these subjects”, said Emmanuel Macron a year ago to the extreme right-wing magazine Valeurs Actuelles. A few months later, in the midst of a worldwide struggle against racism and police violence, Macron, scandalized by the winds of revolt – rather than by racism and police violence in themselves – explained to Le Monde that "The academic world has been guilty. It has encouraged the ethnicization of social issues, thinking that this was a good path to go down. But the outcome can only be secessionist.” The Minister of National Education Jean-Michel Blanquer, presenting in June 2020 to the Senate’s commission of inquiry on Islamist radicalization, had evoked for his part, “the permeability of the academic world with theories that are at the antipodes of the values of the Republic and secularism”, citing specifically “the indigenist theories”.

      A few days after the homicide of Samuel Paty, in an interview with Europe 1, the minister accused academics of “intellectual complicity with terrorism”, adding that “Islamo-leftism wreaks havoc in the University”… “favoring an ideology that only spells trouble”. Explaining himself further in Le Journal Du Dimanche, on October 24, Blanquer reiterated these accusations, specifying: "There is a fight to be waged against an intellectual matrix coming from American universities and intersectional theses that want to essentialize communities and identities, at the antipodes of the Republican model, which postulates the equality between human beings, independently of their characteristics of origin, sex, religion. It is the breeding ground for a fragmentation of societies that converges with the Islamic model”.
      A Darwinian law

      Such accusations and interferences have provoked many reactions of indignation, including that of the Conférence of University Presidents. However, nothing was sufficient to see the attack off. On Friday evening, after the launch of a fast-track procedure that effectively muzzled the debate, the Senate approved the research programming law. In many respects, this is the umpteenth banal neo-liberal, or, more exactly, admittedly Darwinian, reform of the French university: precarisation of the work of teachers, concentration of the funds on a limited number of “excellent” poles and individuals, promotion of competition between individuals, institutions and countries, strengthening of the managerial management of research, weakening of national guarantee structures and, more generally, weakening of self-governance bodies.

      But this law also contains a clear and astounding plan to redefine the respective roles of science and politics. The article of the law currently in force, which very effectively and elegantly defined the meaning of academic freedom:

      “Teacher and researchers enjoy full independence and complete freedom of expression in the exercise of their teaching functions and their research activities, subject to the reservations imposed on them, in accordance with university traditions and the provisions of this code, the principles of tolerance and objectivity”, has been amended by the addition of this sentence:

      “Academic freedoms are exercised with respect for the values ​​of the Republic”

      This addition which is in itself an outrage against the principles of the separation of powers and academic freedom has been joined by an explicit reference to the events of these days:

      “The terrible tragedy in Conflans-Sainte-Honorine shows more than ever the need to preserve, within the Republic, the freedom to teach freely and to educate the citizens of tomorrow”, states the explanatory memorandum. "The purpose of this provision is to enshrine this in law so that these values, foremost among which is secularism, constitute the foundation on which academic freedoms are based and the framework in which they are expressed.”

      The emotion engendered by the murder of innocent people was therefore well and truly exploited in an ignoble manner to serve the anti-democratic objective of limiting academic freedoms and setting the choices of the subjects to be studied, as well as the “intellettual matrix” to be adopted under the surveillance today of the presidential majority and tomorrow, who knows?

      To confirm this reading of the priorities of the majority and the fears it arouses, on Sunday November 1, Thierry Coulhon, adviser to the President of the Republic was appointed, through a “Blitzkrieg”, head of the Haut Council for the Evaluation of Research and Higher Education (Hceres), the national body responsible for the evaluation of research.

      A few details of this law, including the amendment on the limits of research freedom, may still change in the joint committee to be held on November 9. But the support of academics, individuals, organizations, scholarly journals, for the Solemn appeal for the protection of academic freedom and the right to study is now more urgent and necessary than ever.

      https://www.opendemocracy.net/en/can-europe-make-it/academic-freedom-in-the-context-of-frances-new-approach-to-separatism

    • Les sciences sociales contre la République ?

      Le 2 novembre 2020, l’AG des Revues en Lutte a répondu dans Le Monde au ministre J.-M. Blanquer qui entend combattre « une partie non négligeable des sciences sociales françaises », au prétexte de la lutte anti-terroriste.

      Cette tribune, que nous reproduisons ci-dessous, rejoint de très nombreuses prises de position récentes, contre l’intervention de J.-M. Blanquer, mais aussi contre E. Macron qui accuse les universitaires de « casser la République en deux » et contre deux amendements ajoutés à la LPPR (déjà parfaitement délétère) au Sénat : « les libertés académiques s’exercent dans le respect des valeurs de la République » et « les trouble-fête iront en prison ».

      Voici quelques-unes de ces prises de position :

      - Appel solennel pour la protection des libertés académiques et du droit d’étudier, sur Academia : https://academia.hypotheses.org/27287
      - Libertés académiques : des amendements à la loi sur la recherche rejetés par des sociétés savantes, dans Le Monde : https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/11/02/libertes-academiques-des-amendements-a-la-loi-sur-la-recherche-rejetes-par-d
      – Lettre ouverte aux Parlementaires, par Facs et labos en lutte, RogueESR, Sauvons l’Université et Université Ouverte : rogueesr.fr/lettre-ouverte-lpr/
      - Communiqué de presse : retrait de 3 amendements sénatoriaux à la LPR, par le collectif des sociétés savantes académiques : https://societes-savantes.fr/communique-de-presse-retrait-de-3-amendements-senatoriaux-a-la-lpr
      – « Cette attaque contre la liberté académique est une attaque contre l’État de droit démocratique », dans Le Monde : https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/11/02/cette-attaque-contre-la-liberte-academique-est-une-attaque-contre-l-etat-de-
      - Communique de presse national, par Facs et labos en lutte, RogueESR, Sauvons l’Université et Université Ouverte : rogueesr.fr/communique_suspendre_lpr/
      - Intersectionnalité : Blanquer joue avec le feu, par Rose-Marie Lagrave : https://www.liberation.fr/debats/2020/11/03/intersectionnalite-blanquer-joue-avec-le-feu_1804309
      - Qui est complice de qui ? Les libertés académiques en péril, par Eric Fassin : https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/011120/qui-est-complice-de-qui-les-libertes-academiques-en-peril
      - Les miliciens de la pensée et la causalité diabolique, par Seloua Luste Boulbina : https://blogs.mediapart.fr/seloua-luste-boulbina/blog/021120/les-miliciens-de-la-pensee-et-la-causalite-diabolique
      - L’islamo-gauchisme : comment (ne) naît (pas) une idéologie, par Samuel Hayat : https://www.nouvelobs.com/idees/20201027.OBS35262/l-islamo-gauchisme-comment-ne-nait-pas-une-ideologie.html
      – Après Conflans : gare aux mots de la démocratie, par Olivier Compagnon : https://universiteouverte.org/2020/10/27/apres-conflans-gare-aux-mots-de-la-democratie
      – Toi qui m’appelles islamo-gauchiste, laisse-moi te dire pourquoi le lâche, c’est toi, par Alexis Dayon : https://blogs.mediapart.fr/alexis-dayon/blog/221020/toi-qui-mappelles-islamo-gauchiste-laisse-moi-te-dire-pourquoi-le-la
      - « Que le terme plaise ou non, il y a bien une islamophobie d’État en France », par Jean-François Bayart : https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/31/jean-francois-bayart-que-le-terme-plaise-ou-non-il-y-a-bien-une-islamophobie

      On peut également mentionner les nombreux numéros de revues académiques, récents ou à venir, portant sur l’intersectionnalité, cœur de l’attaque du gouvernement. Les Revues en Lutte en citent plusieurs dans un superbe fil Twitter (https://twitter.com/RevuesEnLutte/status/1321861736165711874?s=20).

      Un collectif de revues de sciences humaines et sociales (SHS) met au défi le ministre de l’éducation nationale de trouver dans ses publications des textes permettant de dire que l’intersectionnalité inspire le terrorisme islamiste.

      Tribune

      Dans le JDD du 25 octobre, le ministre de l’éducation nationale déclarait qu’il y avait, dans les universités, un combat à mener. Contre l’appauvrissement de l’enseignement supérieur ? Contre la précarité étudiante ? Contre les difficultés croissantes que rencontrent tous les personnels, précaires et titulaires, enseignants et administratifs, à remplir leurs missions ? Contre la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), qui va amplifier ces difficultés ? Non : contre « une partie non négligeable des sciences sociales françaises ». Et le ministre, téméraire : face à cette « gangrène », il faut cesser la « lâcheté ».

      On reste abasourdi qu’un ministre de l’éducation nationale s’en prenne ainsi à celles et ceux qui font fonctionner les universités. Mais pour aberrants qu’ils soient, ces propos n’étonnent pas tout à fait : déjà tenus, sur Europe 1 et au Sénat, ils prolongent ceux d’Emmanuel Macron, en juin 2020, dans Le Monde, qui accusait les universitaires d’ethniciser la question sociale et de « casser la République en deux ». Plutôt que de se porter garant des libertés académiques, attaquées de toutes parts, notamment dans le cadre du débat parlementaire actuel, Jean-Michel Blanquer se saisit de l’assassinat d’un professeur d’histoire et géographie pour déclarer la guerre aux sciences sociales, qui défendraient des thèses autorisant les violences islamistes ! Sa conviction est faite : ce qui pourrit les universités françaises, ce sont les « thèses intersectionnelles », venues des « universités américaines » et qui « veulent essentialiser » les communautés.
      Ignorance ministérielle

      Le ministre « défie quiconque » de le contredire. Puisque les revues scientifiques sont, avec les laboratoires et les universités, les lieux d’élaboration des sciences sociales, de leurs controverses, de la diffusion de leurs résultats, c’est à ce titre que nous souhaitons mener cette contradiction, ses propos révélant son ignorance de nos disciplines, de leurs débats et de leurs méthodes.

      La démarche scientifique vise à décrire, analyser, comprendre la société et non à décréter ce qu’elle doit être. Les méthodes des sciences sociales, depuis leur émergence avec Emile Durkheim dans le contexte républicain français, s’accordent à expliquer les faits sociaux par le social, précisément contre les explications par la nature ou l’essence des choses. A ce titre, elles amènent aussi à rendre visibles des divisions, des discriminations, des inégalités, même si elles contrarient. Les approches intersectionnelles ne sont pas hégémoniques dans les sciences sociales : avec d’autres approches, que, dans leur précieuse liberté, les revues font dialoguer, elles sont précisément l’un des outils critiques de la désessentialisation du monde social. Néologisme proposé par la juriste états-unienne Kimberlé Crenshaw à la fin des années 1980, le terme « intersectionnalité » désigne en outre, dans le langage actuel des sciences sociales, un ensemble de démarches qui en réalité remontent au XIXe siècle : il s’agit d’analyser la réalité sociale en observant que les identités sociales se chevauchent et que les logiques de domination sont plurielles.

      Dès 1866, Julie-Victoire Daubié, dans La Femme pauvre au XIXe siècle, montre la particularité de la situation des ouvrières, domestiques et prostituées obligées de travailler pour survivre, faisant des femmes pauvres une catégorie d’analyse pour le champ de la connaissance et de la politique, alors que lorsqu’on parlait des pauvres, on pensait surtout aux hommes ; et que lorsqu’on parlait des femmes, on pensait avant tout aux bourgeoises.
      Une politique répressive de la pensée

      Plus près de nous, l’équipe EpiCov (pour « Epidémiologie et conditions de vie »), coordonnée par la sociologue Nathalie Bajos et l’épidémiologiste Josiane Warszawski, vient de publier des données concernant l’exposition au Covid-19 à partir de critères multiples parmi lesquels la classe sociale, le sexe, le lieu de naissance. Une première lecture de ces données indique que les classes populaires travaillant dans la maintenance (plutôt des hommes) et dans le soin (plutôt des femmes) ont été surexposées, et que, parmi elles, on compte une surreprésentation de personnes nées hors d’Europe. Une analyse intersectionnelle cherchera à corréler ces données, entre elles et avec d’autres disponibles, pour mieux comprendre comment les discriminations s’entrelacent dans la vie des personnes. Où sont l’essentialisation, l’encouragement au communautarisme ? Pour les chercheurs et chercheuses en sciences sociales, il s’agit simplement, à partir de données vérifiées par des méthodes scientifiques, validées entre pairs et ouvertes à la discussion, de faire leur travail.

      L’anathème que le ministre lance traduit une politique répressive de la pensée. Nous mettons M. Blanquer au défi de trouver un seul texte publié dans la bibliothèque ouverte et vivante de nos revues qui permette de dire que l’intersectionnalité inspire le terrorisme islamiste. Se saisir d’un mot, « intersectionnalité », pour partir en guerre contre les sciences sociales et, plus généralement, contre la liberté de penser et de comprendre la société, est une manœuvre grossière. Si elle prend, nos universités devront troquer la liberté de chercher (qui est aussi la liberté de se tromper) pour rien moins qu’une science aux ordres, un obscurantisme ministériel. On voit mal comment la République pourrait en sortir grandie.

      https://universiteouverte.org/2020/11/03/les-sciences-sociales-contre-la-republique

    • Islamisme : où est le déni des universitaires   ?

      Dans une tribune publiée par « le Monde », une centaine de professeurs et de chercheurs dénoncent les « idéologies indigénistes, racialistes et décoloniales » de leurs pairs, lesquelles mèneraient au terrorisme. Les auteurs rejouent ainsi la rengaine du choc des cultures qui ne peut servir que l’extrême droite identitaire.

      Comment peut-on prétendre alerter sur les dangers, réels, cela va sans dire, de l’islamisme en se référant aux propos confus et injurieux de Jean-Michel Blanquer ? Or, une récente tribune du Monde (https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/31/une-centaine-d-universitaires-alertent-sur-l-islamisme-ce-qui-nous-menace-c-), au lieu de contribuer à une nécessaire clarification, n’a pas d’autre fonction que de soutenir un ministre qui, loin de pouvoir se prévaloir d’une quelconque expertise sur les radicalités contemporaines, mène en outre une politique régressive pour l’école, c’est-à-dire indifférente à la reproduction des inégalités socio-culturelles dont s’accommode l’idéologie méritocratique. Faire oublier cette politique en détournant l’attention, d’autres que lui l’ont fait. Il convient seulement de ne pas être dupe.

      Car que disent les auteurs (certains d’entre eux, fort estimables, ont probablement oublié de relire) ? Que « l’islamo-gauchisme », ni défini ni corrélé au moindre auteur, est l’idéologie « qui mène au pire », soit au terrorisme. Ceux qui la propagent dans nos universités, « très puissants dans l’enseignement supérieur », commettraient d’irréparables dégâts. Et l’on invoque pêle-mêle l’indigénisme, le racialisme et le décolonialisme, sans le moindre souci de complexification, ni même de définition, souci non utile tant le symptôme de la supposée gangrène serait aisément repérable : le port du voile.

      Plus de trente ans après l’affaire de Creil, et quantité de travaux sociologiques, on n’hésite donc toujours pas à nier l’équivocité de ce signe d’appartenance pour le réduire à un outil de propagande. Chercher à comprendre, au lieu de condamner, serait une manifestation de l’esprit munichois. Que la Conférence des présidents d’université (CPU) proteste contre les déclarations du ministre, en rappelant utilement la fonction des chercheurs, passe par pertes et profits, l’instance que l’on ne peut soupçonner d’un quelconque gauchisme étant probablement noyautée par des islamistes dissimulés !

      Cette tribune rejoue, une fois encore, une vieille rengaine, celle du #choc_des_civilisations : « haine des Blancs », « doxa antioccidentale », « #multiculturalisme » (!), voilà les ennemis dont les universitaires se réclameraient, ou qu’ils laisseraient prospérer, jusqu’à saper ce qui fait le prix de notre mode de vie. Au demeurant, les signataires de la présente tribune sont profondément attachés aux principes de la République et, en l’espèce, à la liberté de conscience et d’expression. C’est au nom de celle-ci qu’ils se proposent de dénoncer les approximations de leurs collègues.

      Choisir le #débat plutôt que l’#invective

      Concernant l’#indigénisme, sa principale incarnation, le Parti des indigènes de la République (PIR) a totalement échoué dans sa volonté d’être audible dans nos enceintes universitaires. Chacun sait bien que l’écho des thèses racistes, antisémites et homophobes d’#Houria_Bouteldja est voisin de zéro. Quant au #décolonialisme, auquel l’indigénisme se rattache mais qui recouvre quantités d’autres thématiques, il représente bien un corpus structuré. Néanmoins, les études sur son influence dans nos campus concluent le plus souvent à un rôle marginal. Et, quoi qu’il en soit, ses propositions méritent débat parce qu’elles se fondent sur une réalité indiscutable : celle de l’existence d’injustices « épistémiques », c’est-à-dire d’#injustices qui se caractérisent par les #inégalités d’accès, selon l’appartenance raciale ou de genre, aux positions académiques d’autorité.

      D’une façon générale, il ne fait aucun doute que la communauté scientifique a, dans le passé, largement légitimé l’idée de la supériorité des hommes sur les femmes, des Blancs sur les Noirs, des « Occidentaux » sur les autochtones, etc. Mais, à partir de ce constat, les décoloniaux refusent la possibilité d’un point de vue universaliste et objectif au profit d’une épistémologie qui aurait « une couleur et une sexualité ». Ce faisant, ils oublient #Fanon dont pourtant ils revendiquent l’héritage : « Chaque fois qu’un homme a fait triompher la dignité de l’esprit, chaque fois qu’un homme a dit non à une tentative d’asservissement de son semblable, je me suis senti solidaire de son acte. En aucune façon je ne dois tirer du passé des peuples de couleur ma vocation originelle. […] Ce n’est pas le monde noir qui me dicte ma conduite. Ma peau noire n’est pas dépositaire de valeurs spécifiques. » Nous devons choisir le débat plutôt que l’invective.

      L’obsession antimulticulturaliste

      Quant à l’obsession antimulticulturaliste (« #prêchi-prêcha », écrivent-ils), elle est ignorante de ce qu’est vraiment ce courant intellectuel. A de nombreux égards, ce dernier propose une conception de l’#intégration différente de celle cherchant à assimiler pour égaliser. Il est donc infondé de le confondre avec une vision ethno-culturelle du lien politique. Restituer à l’égal sa différence, tel est le projet du multiculturalisme, destiné en définitive à aller plus loin dans l’instauration de l’#égalité que n’était parvenue à le faire la solution républicaine classique. Le meilleur de ce projet, mais non nécessairement sa pente naturelle, est sa contribution à ce que l’un de nous nomme la « #décolonisation_des_identités » (Alain Renaut), conciliation que les crimes de la #colonisation avaient rendue extrêmement difficile. Bref, nous sommes très éloignés du « prêchi-prêcha ».

      Enfin, un mot sur la « #haine_des_Blancs ». Cette accusation est non seulement stupéfiante si elle veut rendre compte des travaux universitaires, mais elle contribue à l’#essentialisation « racialiste » qu’elle dénonce. En effet, elle donne une consistance théorique à l’apparition d’un nouveau groupe, les Blancs, qui auparavant n’était pas reconnu, et ne se reconnaissait pas, comme tel. Dès lors, en présupposant l’existence d’une idéologie racialiste anti-française, anti-blanche, on inverse les termes victimaires en faisant de la culture dominante une culture assiégée. Ce tour de passe-passe idéologique ne peut servir que l’extrême droite identitaire.

      Toutes nos remarques critiques montrent qu’au lieu d’amorcer un nécessaire débat, la tribune ici analysée témoigne du déni dont pourtant des intellectuels non clairement identifiés sont accusés. Comment interpréter ce « manifeste » autrement que comme un appel à censurer ?

      https://www.liberation.fr/debats/2020/11/04/islamisme-ou-est-le-deni-des-universitaires_1804439

    • « Les libertés sont précisément foulées aux pieds lorsqu’on en appelle à la dénonciation d’études et de pensée »

      Environ deux mille chercheurs et chercheuses dénoncent, dans une tribune au « Monde », l’appel à la police de la pensée dans les universités signé par une centaine d’universitaires en soutien aux propos de Jean-Michel Blanquer sur « l’islamo-gauchisme ».

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/11/04/les-libertes-sont-precisement-foulees-aux-pieds-lorsqu-on-en-appelle-a-la-de

    • Open Letter: the threat of academic authoritarianism – international solidarity with antiracist academics in France

      A critical response to the Manifesto signed by over 100 French academics and published in the newspaper Le Monde on 2 November 2020, after the assassination of the school teacher, Samuel Paty.

      At a time of mounting racism, white supremacism, antisemitism and violent far-right extremism, academic freedom has come under attack. The freedom to teach and research the roots and trajectories of race and racism are being perversely blamed for the very phenomena they seek to better understand. Such is the contention of a manifesto signed by over 100 French academics and published in the newspaper Le Monde on 2 November 2020. Its signatories state their agreement with French Minister of Education, Jean-Michel Blanquer, that ‘indigenist, racialist, and “decolonial” ideologies,’ imported from North America, were responsible for ‘conditioning’ the violent extremist who assassinated school teacher, Samuel Paty, on 16 October 2020.

      This claim is deeply disingenuous, and in a context where academics associated with critical race and decolonial research have recently received death threats, it is also profoundly dangerous. The scholars involved in this manifesto have readily sacrificed their credibility in order to further a manifestly false conflation between the study of racism in France and a politics of ‘Islamism’ and ‘anti-white hate’. They have launched it in a context where academic freedom in France is subject to open political interference, following a Senate amendment that redefines and limits it to being ‘exercised with respect for the values of the Republic’.

      The manifesto proposes nothing short of a McCarthyist process to be led by the French Ministry for Higher Education, Research and Innovation to weed out ‘Islamist currents’ within universities, to take a clear position on the ‘ideologies that underpin them’, and to ‘engage universities in a struggle for secularism and the Republic’ by establishing a body responsible for dealing with cases that oppose ‘Republican principles and academic freedom’. The ‘Islamogauchiste’ tag (which conflates the words ‘Islam’ and ‘leftists’) is now widely used by members of the government, large sections of the media and hostile academics. It is reminiscent of the antisemitic ‘Judeo-Bolshevism’ accusation in the 1930s which blamed the spread of communism on Jews. The ‘Islamogauchiste’ notion is particularly pernicious as it voluntarily confuses Islam (and Muslims) with Jihadist Islamists. In other words, academics who point out racism against the Muslim minority in France are branded allies of Islamist terrorists and enemies of the nation.

      This is not the only contradiction that shapes this manifesto. Its signatories appear oblivious to how its feverish tone is redolent of the antisemitic witch-hunts against so-called ‘Cultural Marxists’ that portrayed Jewish intellectuals as enemies of the state. Today’s enemies are Muslims, political antiracists, and decolonial thinkers, as well as anyone who stands with them against rampant state racism and Islamophobia.

      Further, when seen in a global context, the question of who is in fact ‘importing’ ideas from North America is worth considering. The manifesto comes on the back of the Trump administration’s executive order ‘on Combating Race and Sex Stereotyping’ which effectively bans federal government contractors or subcontractors from engaging what are characterised as ideologies that portray the United States as ‘fundamentally racist or sexist’. Quick on Trump’s heels, the British Conservative Party moved to malign Critical Race Theory as a separatist ideology that, if taught in schools, would be ‘breaking the law’.

      We are concerned about the clear double standards regarding academic freedom in the attack on critical race and decolonial scholarship mounted by the manifesto. In opposition to the actual tenets of academic freedom, the demands it makes portray any teaching and research into the history or sociology of French colonialism and institutionalised racism as an attack on academic freedom. In contrast, falsely and dangerously linking these scholarly endeavours to Islamic extremism and holding scholars responsible for brutal acts of murder, as do the signatories of the Manifesto, is presented as consistent with academic freedom.

      This is part of a global trend in which racism is protected as freedom of speech, while to express antiracist views is regarded as a violation of it. For the signatories of the manifesto – as for Donald Trump – only sanitised accounts of national histories that omit the truth about colonialism, slavery, and genocide can be antiracist. In this perverse and ahistorical vision, to engage in critical research and teaching in the interests of learning from past injustices is to engage in ‘anti-white racism’, a view that reduces racism to the thoughts of individuals, disconnecting it from the actions, laws and policies of states and institutions in societies in which racial socioeconomic inequality remains rife.

      In such an atmosphere, intellectual debate is made impossible, as any critical questioning of the role played by France in colonialism or in the current geopolitics of the Middle East or Africa, not to mention domestic state racism, is dismissed as a legitimation of Islamist violence and ‘separatism’. Under these terms, the role of political and economic elites in perpetuating racism both locally and on a global scale remains unquestioned, while those who suffer are teachers and activists attempting to improve conditions for ordinary people on the ground.

      In the interests of a real freedom, of speech and of conscience, we stand with French educators under threat from this ideologically-driven attack by politicians, commentators and select academics. It is grounded in the whitewashing of the history of race and colonialism and an Islamophobic worldview that conflates all Muslims with violence and all their defenders with so-called ‘leftist Islamism’. True academic freedom must include the right to critique the national past in the interests of securing a common future. At a time of deep polarization, spurred by elites in thrall to white supremacism, defending this freedom is more vital than ever.

      https://www.opendemocracy.net/en/can-europe-make-it/open-letter-the-threat-of-academic-authoritarianism-international-sol

    • Qui pour soutenir les « coupables de dérives intellectuelles idéologiques dans les universités » ?

      Mercredi 25 novembre 2020 : deux députés demandent la « création d’une mission d’information sur les dérives intellectuelles idéologiques dans les milieux universitaires », et le font publiquement savoir par un communiqué de presse.

      Ni la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, ni la Conférence des présidents d’université, ni l’Udice, l’association autoproclamée des dix plus grandes « universités de recherche » françaises, ne bougent le petit doigt.

      Jeudi 26 novembre 2020 : l’un des deux députés précédents, un certain Julien Aubert, se sentant pousser des ailes, décide d’aller plus loin, et dresse une liste de sept universitaires, dont un président d’université, qui ont en commun d’avoir dit sur les réseaux sociaux le dégoût que leur inspire l’idée même de « dérives intellectuelles idéologiques ». Publiant leurs photos de profils et leurs comptes Twitter personnels, le député jubile, avec le message suivant :

      « Les coupables s’autodésignent. Alors que la privation du débat, l’ostracisation et la censure est constatée par nombre de professeurs, étudiants ou intellectuels, certains se drapent dans des accusations de fascisme et de maccarthysme. »

      La ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, la Conférence des présidents d’université et l’Udice ne bougent pas davantage le petit doigt.

      Vendredi 27 novembre 2020 : L’Auref, l’Alliance des universités de recherche et de formation, qui regroupe rien de moins que 35 universités, décide de sortir du bois, et il faut la saluer. Il faut dire, aussi, que l’un de ses membres, le président de l’université de Bordeaux Montaigne, figure par les « coupables » désigné par le député Aubert. Le communiqué choisit de rester tout en rondeur : il « appelle à plus de calme et de retenue dans les propos, de dignité et de respect de l’autre dans le légitime débat public, de mobilisation sur les vrais enjeux de la France et de son université ». Mais il a le mérite, lui, d’exister.

      L’université de Rennes 2, de son côté, annonce se réserver « le droit de donner une suite juridique à cette dérive grave ». C’est en effet une vraie question, à tout le moins sur le terrain de la diffamation.

      Du côté de la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, de la Conférence des présidents d’université et de l’Udice, en revanche, rien. Toujours rien. Désespérément rien.

      Ils bougeront un jour, c’est sûr, il le faudra bien, comme ils avaient bougé après les propos de Jean-Michel Blanquer sur l’islamo-gauchisme. Mais bouger comme ils le font, à la vitesse d’escargots réticents, ce n’est pas un soutien résolu et indéfectible dans la défense des libertés académiques. Ces gens ne sont tout simplement pas à la hauteur de l’Université.

      https://academia.hypotheses.org/29081

    • Chasse aux sorcières. Un député contre-attaque

      Loi recherche, libertés académiques et furie parlementaire..
      Comme elles venaient cette fois de députés, j’ai demandé au Président de l’@AssembleeNat de se saisir des attaques personnelles contre des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche.
      Rien ne va plus.

      https://twitter.com/Sebastien_Nadot/status/1332350483437150209


      https://academia.hypotheses.org/29133

      #Sébastien_Nadot

    • La liste des coupables s’allonge. Au tour des universités ?

      Au Journal officiel de ce 3 décembre 2020, on trouve le décret portant dissolution d’un « #groupement_de_fait », l’« Association de défense des droits de l’homme – #Collectif_contre_l’islamophobie_en_France » (https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=-nWvo0jS6QqmBjWn9EPe_u_AvWkqbw3aGTWSBldcbDg=). Cette association était plus connue sous le nom de « #CCIF ».

      Ce décret de #dissolution inhabituellement long – trois pages – a déjà largement été commenté et dénoncé1. Academia se permet néanmoins d’insister sur un point : il est important de lire avec attention l’argumentation de ce décret — ce qu’en droit, on nomme les motifs — et d’observer par quels sautillements logiques le gouvernement en arrive aux pires conclusions. C’est même crucial pour la communauté de l’ESR, dans un contexte bien particulier d’attaques contre les libertés académiques. Certes, ce n’est pas la même artillerie qui est déployée contre le CCIF, d’un côté, et contre les universités et les scientifiques, de l’autre ; mais les petits bonds logiques qui y conduisent présentent de très fortes ressemblances.

      Prenons le premier des motifs du décret :

      « En qualifiant d’islamophobes des mesures prises dans le but de prévenir des actions terroristes et de prévenir ou combattre des actes punis par la loi, [le CCIF] doit être regardé comme partageant, cautionnant et contribuant à propager de telles idées, au risque de susciter, en retour, des actes de haine, de violence ou de discrimination ou de créer le terrain d’actions violentes chez certains de ses sympathisants ».

      Et voyons à quelle conclusion ce motif conduit :

      « Considérant que par suite, [le CCIF] doit être regardé comme provoquant à la haine, à la discrimination et à la violence en raison de l’origine, de l’appartenance à une ethnie, à une race ou à une religion déterminée et comme propageant des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ».

      Voilà donc un raisonnement qui se déploie de manière très décomplexée. Voir de l’islamophobie dans certaines évolutions arbitraires et discriminatoires de l’action anti-terroriste, c’est, première conséquence, prendre le « risque » de susciter du terrorisme ; et dans tous les cas, cela doit, seconde conséquence, être regardé comme une provocation à la haine, à la discrimination et à la violence en raison de l’origine, de l’appartenance à une ethnie, à une race ou à une religion déterminée et comme une propagation des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence.

      Ce mode bien particulier de raisonnement appelle deux remarques.

      La première remarque a trait au choix bien précis des mots qui sont employés dans le décret de dissolution du 2 décembre 2020. Ce décret fait référence, en réalité, à deux infractions pénales :

      - Il suggère d’abord l’infraction de provocation directe à des actes de terrorisme. Au terme de l’article 421-2-5 du code pénal, en effet, « le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000€ d’amende ».
      - Il suggère ensuite l’infraction d’incitation à la haine, à la violence ou à la discrimination raciale. Au terme de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, en effet, « ceux qui auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement ».

      Mais le décret ne fait que suggérer ces infractions : il en reprend des formules, mais il ne dit pas qu’elles ont été commises par le CCIF. Il ne le dit pas parce que ces infractions n’ont pas été commises. Si elles l’avaient été, des poursuites pénales auraient immédiatement été engagées. Les outils de la police administrative — ici la dissolution d’une association — viennent donc suppléer les outils de la répression pénale, en singeant ces derniers : puisque le CCIF n’était pas sérieusement attaquable devant le juge pénal, le pouvoir exécutif choisit de l’attaquer par la voie administrative, et pour cela, il mime le vocabulaire pénal, tout en s’affranchissant, évidemment, de toutes les garanties qui caractérisent le procès pénal.

      La seconde remarque est, pour les universités, la plus importante. La dissolution du CCIF est largement justifiée par des propos tenus par l’association et ses dirigeants, au titre de leur liberté d’expression et sans qu’aucune infraction pénale n’ait été commise. La Ligue des droits de l’homme l’a bien identifié dans son communiqué : avec ce décret « le gouvernement s’engage sur la voie du délit d’opinion », un délit qui, précisément, n’existe pas. Un des motifs retenus dans le décret est, de ce point de vue, significatif :

      « sous couvert de dénoncer les actes de discriminations commis contre les musulmans, [le CCIF] défend et promeut une notion d’islamophobie particulièrement large, n’hésitant pas à comptabiliser au titre des ‘actes islamophobes‘ des mesures de police administrative, voire des décisions judiciaires, prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ».

      Ainsi donc, qualifier des pans de la lutte contre le terrorisme d’actes « islamophobes » est désormais interdit. Ce n’est pas interdit sur le plan pénal ; mais c’est sanctionné par le pouvoir exécutif, qui use pour cela de ses outils de police administrative.
      Quels enseignements pour l’enseignement supérieur et la recherche ?

      Ces petits bonds logiques grâce auxquels Emmanuel Macron, Jean Castex et Gérald Darmanin, les trois signataires du décret, justifient des atteintes à la libre expression sont évidemment inquiétants quant à l’état général des droits et libertés en France. Or, on observe quelques tressaillements du même ordre du côté de l’enseignement supérieur et de la recherche, et c’est sur ce point que nous aimerions insister à présent. Bien sûr, la situation du CCIF et celle de l’ESR restent incomparables, dans la mesure où, du côté de l’ESR, la grande machinerie de la police administrative n’a pas été mise en branle comme elle l’a été pour le CCIF. En revanche, des petits bonds logiques du même ordre que ceux dont le CCIF a été victime se multiplient jusqu’au sein des plus prestigieux établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Plus inquiétant encore, ils se diffusent dans des cercles de plus en plus officiels au parlement et au gouvernement.

      L’établissement de relations entre des recherches scientifiques, d’un côté, et des qualifications pénales, de l’autre, sans pour autant que le moindre début de délit ne puisse être établi, se retrouve désormais couramment sous la plume de certain·es universitaires. Nathalie Heinich, directrice de recherche CNRS (classe exceptionnelle), membre du Centre de recherches sur les arts et le langage (CNRS/ EHESS), s’y prête allègrement par exemple : comme elle l’a récemment déclaré au Times Higher Education2, « les affirmations des universitaires sur le ‘racisme systématique’ et le ‘racisme d’État’ sont un encouragement direct au terrorisme ». Un encouragement direct au terrorisme, dit-elle : la référence à l’article 421-2-5 du code pénal, évoqué plus haut, est à nouveau explicite. À l’instar de ce que fait le pouvoir exécutif dans le décret de dissolution du CCIF, le vocabulaire du droit pénal est appelé à la rescousse pour attaquer certaines formes d’expression, sans, pour autant, qu’aucun début d’infraction pénale ne puisse être mobilisé.

      Ces références mal contrôlées au droit pénal auxquelles se livrent certain·es universitaires ne sont pas sans effets. Elles sont désormais reprises non sans opportunisme par certaines des plus hautes autorités de l’État. C’est le cas du député Julien Aubert qui, après avoir appelé avec le président du groupe des Républicains de l’Assemblée nationale à la mise en place d’une « mission d’information sur les dérives intellectuelles idéologiques dans les milieux universitaires », dresse des listes d’universitaires qu’il désigne comme « coupables ». C’est le cas, aussi, du ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer lorsqu’il parle, à propos des universités, de « complicité intellectuelle du terrrorisme ».

      Quand un parlementaire et un ministre, l’un et l’autre de premier plan, décident de mobiliser du vocabulaire pénal et de parler de « culpabilité » et de « complicité » à propos d’universitaires, il y a lieu d’être inquiet·es. Pour Jean-Michel Blanquer, agrégé de droit public, ces références pénales se font en toute connaissance de cause, d’ailleurs, si l’on veut bien se souvenir que, dans son autre vie, il a publié des travaux très sérieux au sujet des relations entre responsabilité pénale et responsabilité politique. Notons que l’un de ses ouvrages s’appelait La responsabilité des gouvernants, ce qui, c’est le moins qu’on puisse dire, est un titre qui résonne aujourd’hui étrangement concernant le ministre Blanquer.

      Dans un tel contexte, le décret de dissolution du CCIF est riche d’enseignements et justifie ce long billet d’Academia. Résumons les choses : si le CCIF a été dissout, ce n’est pas sur la base d’infractions pénales, puisqu’il n’était pas sérieusement possible d’actionner ces infractions, alors même qu’on n’a cessé d’en étendre le champ depuis vingt ans. Si le CCIF a été dissout, c’est par des références abusives à des infractions pénales, sur la base de quoi des mesures de police administrative ont été actionnées par le pouvoir exécutif, dont les motifs, nous l’avons vu, se situent d’abord et avant tout sur le terrain de la liberté d’expression.

      Que peut-on dans ces conditions craindre pour l’enseignement supérieur et la recherche ? Dès lors que l’on observe, aujourd’hui, que des collègues et du personnel politique de premier plan singent eux aussi des infractions pénales pour critiquer des recherches scientifiques, on peut légitimement craindre qu’un mouvement de terrain du même ordre que celui dont le CCIF a été la victime se réalise s’agissant des universités. Tout y mène.

      L’exclusion du champ académique

      Ce risque ne viendra sans doute pas du droit pénal lui-même, en tout cas pas dans un premier temps. Certes, on se souvient que la loi de programmation de la recherche a déjà étendu brusquement le champ du droit pénal universitaire, avec le nouveau délit d’atteinte au bon ordre et à la tranquillité des établissements. Mais on peut espérer que ce délit ne sorte pas sans dommage du contrôle du Conseil constitutionnel ; surtout, il ne suffira pas pour attaquer les recherches qui représentent « un encouragement direct au terrorisme », pas plus que la législation pénale anti-terroriste n’a suffi pour s’attaquer aux propos du CCIF. C’est donc vers de nouvelles formes juridiques de contraintes, autres que celles que propose le droit pénal, que le débat est en train de se déplacer plus ou moins consciemment, comme il s’est déplacé pour le CCIF. La voie la plus simple, pour cela, consiste à inventer de nouvelles limites à la libre expression des enseignant·es et des chercheur·ses, afin d’exclure du champ académique, et donc du champ des libertés académiques, certains propos et certain·es collègues.

      Cette démarche d’exclusion hors du champ des libertés académiques, dont les fondements épistémologiques ne sont pas neufs3, a pris une dimension professionnelle particulière depuis quelques années. Épistémologiquement, il s’agit de « faire coupure » entre ce qui est bonne science et mauvaise science, selon un principe médical de l’amputation pour éviter la propagation de la gangrène au corps entier : certain·es rappellent ainsi régulièrement que les sciences sociales critiques ne sont pas des sciences militantes, l’invocation du « militantisme » disqualifiant la légitimité épistémologique des travaux menés par des hommes et des femmes engagé∙es. Olivier Beaud, voix écoutée et reconnue de l’association Qualité de la science française, s’exprimait ainsi dans Le Monde du 2 décembre :

      « Je refuse l’inquisition politique mais je refuse aussi le silence qui serait de la lâcheté intellectuelle et reviendrait à cautionner des universitaires dont la pratique serait de surdéterminer leurs recherches censément scientifiques (donc objectives) par des considérations lourdement idéologiques, fût-ce au motif de défendre telle ou telle minorité ».

      L’article du Monde précise ensuite les propos d’Olivier Beaud : selon lui, des universitaires « radicaux » auraient délaissé la distinction opérée par Max Weber entre le « jugement de fait », qui fonde leurs recherches, et le « jugement de valeur », qui fonde leurs opinions.

      En se référant ainsi à la « neutralité axiologique » de Max Weber, Olivier Beaud tord la pensée d’un homme profondément engagé dans la construction de l’État prussien par les sciences économiques et sociales. Par chance pour notre démonstration, la traduction commandée à Julien Freund par Raymond Aron et parue en 1963 dans un contexte de guerre froide, a fait récemment l’objet de plusieurs éditions critiques qui retraduisent en français le texte original Du métier de savant (Wissenschaft als Beruf, 1917)4. Pour celles et ceux qui ont eu accès au texte de Weber par la seule traduction française, la lecture de cette traduction révisée est très éclairante : l’universitaire, pour faire science, a besoin d’une « inspiration », qui donne un sens à son travail, notamment ses tâches calculatoires ; cette inspiration a partie liée avec une question éthique, intime et indispensable : « quelle est la vocation de la science pour l’ensemble de la vie de l’humanité ? Quelle en est la valeur ? ».

      De nos jours, il est fréquent que l’on parle d’une « sciences sans présupposés, écrit Max Weber. Une telle science existe-t-elle ? Tout dépend ce que l’on entend par là. Tout travail scientifique présuppose la validité des règles de la logique et de la méthode, ces fondements universels de notre orientation dans le monde. Ces présupposés-là sont les moins problématiques du moins pour la question particulière qui nous occupe. Mais on présuppose aussi que le résultat du travail scientifique est important au sens où il mérite d’être connu. Et c’est de là que découlent, à l’évidence, tous nos problèmes. Car ce présupposé, à son tour, ne peut être démontré par les moyens de la science. On ne peut qu’en interpréter le sens ultime, et il faut le refuser ou l’accepter selon les positions ultimes que l’on adopte à l’égard de la vie
      — Weber, 1917 [2005], p. 36

      Les problèmes que Max Weber5 repérait hier sont les nôtres aujourd’hui : certains ou certaines disqualifient le travail scientifique de leurs collègues, non à l’aune de leur qualité scientifique intrinsèque, reposant sur la qualité de la réflexion, de la documentation, de l’analyse, mais par les présupposés qui ont initié la recherche.

      Ces derniers mois, les choses sont devenues très claires de ce point de vue : il y a des recherches dont certain·es ne veulent plus.

      C’est leur scientificité même qui est déniée : ces recherches sont renvoyées à de la pure « idéologie », sans qu’aucune explication précise ne soit jamais donnée, si ce n’est la référence à une autre idéologie, qu’il s’agisse des « valeurs de la République » ou de « l’unité de la nation ». « L’unité de la nation », c’est ce à quoi renvoyait l’association Qualité de la science française dans un récent communiqué : « il fait peu de doute que se développent dans certains secteurs de l’université des mouvances différentialistes plus ou moins agressives, qui mettent en cause l’unité de la nation, et dont l’attitude envers les fondamentalismes est ambiguë ». La comparaison sémantique avec les textes académiques prônant le maccarthysme est à ce titre très éclairante, même si leur rédaction doit être replacée dans le contexte de la guerre froide6 : le caractère scandaleux de toute opération de « chasse aux sorcières » se mesure, considère-t-on alors, à l’aune des risques encourus par la nation.

      Quelle va être la suite ? Va-t-on exclure ces savant∙es contemporain∙es de l’université, qui repose pourtant sur le principe de la pluralité et du dissensus ? Va-t-on les exclure en leur déniant tout travail de production et de transmission des connaissances scientifiques, pour les rejeter du côté de la simple expression des opinions ? Le risque, derrière ce feu qu’allument certain∙es universitaires, est connu : c’est évidemment que le pouvoir politique s’en saisisse, pour en tirer des conséquences juridiques.

      Nous nous trouvons très précisément au seuil d’un mouvement de ce type aujourd’hui en France. On y a échappé de peu lors des débats sur la loi de programmation de la recherche, avec l’amendement subordonnant les libertés académiques au respect des valeurs de la République auquel la ministre Vidal avait donné, on ne le rappellera jamais assez, un « avis extrêmement favorable ».

      Dans un contexte aussi pesant, c’est avec beaucoup d’appréhension, désormais, que l’on attend, du côté de la rédaction d’Academia, l’examen du « projet de loi renforçant les principes républicains » (plus connu sous le nom de « projet de loi Séparatismes »). Plusieurs collègues ont en particulier alerté Academia sur le fait qu’un collectif dénommé Vigilance Universités échange à propos de ce projet de loi avec la ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, chargée de la Citoyenneté, pour introduire les universités dans le champ de celui-ci. Nous craignons le pire. Cela fait plusieurs années maintenant que ces mêmes collègues propagent le sentiment d’une immense insécurité physique et de grands dangers intellectuels dans les universités, sans vouloir reconnaître qu’en conséquence de leurs propos, des personnalités politiques de premier rang, à droite et à l’extrême droite, appellent désormais à combattre les « dérives intellectuelles idéologiques » et dresse des listes de « coupables ».

      Peut-être est-il temps maintenant, pour elles et eux, de prendre conscience de leur responsabilité historique dans le mouvement de rétraction des libertés académiques en cours, à défaut d’avoir accepté de prendre la moindre position critique, lors des débats sur la loi de programmation de la recherche, sur la pénalisation des universités à laquelle ils et elles ont directement contribué par leurs propos et leurs actions.

      Il est surtout temps que l’ensemble des collègues prennent la juste mesure du danger. Il est temps que nous prenions, collectivement et clairement, position sur ce que défendre l’université veut dire.

      https://academia.hypotheses.org/29291

    • Antiracisme : la guerre des facs n’aura pas lieu

      Depuis la fin de l’automne 2018, par poussées de fièvre belliqueuse, surgissent périodiquement les tribunes, appels, articles qui mettent en garde contre un nouvel ennemi de la République : les « décoloniaux », qui « mènent la guerre des facs », écrit par exemple Étienne Girard dans Marianne, le 12 avril 2019. Des dizaines d’autres intellectuels, journalistes, personnalités publiques, ont pris la plume pour dénoncer « les obsédés de la race à la Sorbonne » (Charlie Hebdo 23 janvier 2019), les « énervés de la race » qui « martèlent leurs fameuses théories sur la race » (Le Canard Enchaîné, 24 juin 2020). Ils mettent en accusation la « stratégie hégémonique » du « décolonialisme » (Le Point, 28 novembre 2018) qui se lance « à l’assaut de l’université » (Le Nouvel Obs, 30 novembre 2018), qui « menace la liberté académique » (Le Monde, 12 avril 2019) et qui, « nouveau terrorisme intellectuel », « infiltre les universités » (La Revue des deux Mondes, 18 avril 2019) par une « grande offensive médiatique et institutionnelle » (L’Express, 26 décembre 2019), traduisant « une stratégie décoloniale de radicalité » (Le Monde, blog, 06 juillet 2020) en même temps qu’une « quête de respectabilité académique » (L’Express, 26 décembre 2019).

      La rhétorique est guerrière – et l’ennemi, puissant, organisé, déterminé, mobilisant des méthodes de guérilla, voire de « terrorisme », est déjà en passe de l’emporter, au point qu’il faut « appeler les autorités publiques, les responsables d’institutions culturelles, universitaires, scientifiques et de recherche, mais aussi la magistrature, au ressaisissement » (Le Point, 28 novembre 2018) et « sanctionner la promotion de l’idéologie coloniale » (Marianne, 26 juin 2020).

      Mais de quoi parle-t-on exactement ? Comme cela a déjà été souligné, si stratégie hégémonique il y a, elle est remarquablement peu efficace : aucun poste ni aucune chaire, dans aucun domaine de sciences humaines et sociales, n’a jamais été profilé « études postcoloniales ou décoloniales » à l’université ; pas de revue spécialisée, pas de maison d’édition ni même de collection de presses universitaires dans le domaine. Une analyse sociologique fine menée en termes de « correspondances multiples » sur plusieurs années et croisant plusieurs variables (publications, visibilité, lieux institutionnels, etc.) démontre que

      « les travaux sur la question minoritaire, la racialisation ou le postcolonial demeurent des domaines de niche […] bénéficiant d’une faible audience dans le champ académique comme dans l’espace public »
      — Inès Bouzelmat, « Le sous-champ de la question raciale dans les sciences sociales », Mouvements, 12 février 2019.

      Si guerre il y a, les deux camps en présence témoignent d’un « rapport de forces inégal » où la puissance, sinon l’hégémonie, est bien du côté du savoir contesté par « la mouvance post ou décoloniale » (L’Obs, 11 janvier 2020), qui fait figure de David contre le Goliath de l’universalisme républicain.

      De plus, il est remarquable que les combats de l’université, comme récemment contre la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche, dont le projet a été rendu public le 7 juin et qui est sur le point d’être adoptée en dépit de l’opposition explicite, massive et continue de la communauté universitaire, troublent généralement bien peu les penseurs institutionnels et les personnalités publiques. On compte sur les doigts d’une main les journalistes qui ont relayé les inquiétudes des universitaires : la vraie guerre est ailleurs. Pour les gardiens du temple, les « décoloniaux » menacent bien davantage l’université que la remise en cause des statuts des enseignants-chercheurs, la précarisation des personnels, la diminution accrue de financement récurrent et la mise en concurrence généralisée des institutions, des laboratoires et des individus. Ce n’est pas la disparition programmée du service public qui doit appeler « à la plus grande mobilisation » de la communauté universitaire (Marianne, 26 juin 2020), c’est la diffusion de « l’idéologie décoloniale ».

      C’est que cette guerre-là ne touche pas seulement l’université – sinon, qui s’en soucierait ? Comme l’a affirmé Emmanuel Macron dans des propos rapportés le 10 juin 2020 dans Le Monde, « le monde universitaire a été coupable », « il a encouragé l’ethnicisation de la question sociale en pensant que c’était un bon filon » et une telle stratégie « revient à casser la République en deux ». Voilà le véritable enjeu : les décoloniaux, par opportunisme et sens du « postcolonial business » (L’Express, 26 dec. 2019) ou par désir de promouvoir la haine et la division de la communauté politique, ou peut-être enfin par incompréhension et ignorance des vraies fractures sociales – par cynisme, par gauchisme ou par bêtise -, sont accusés de chercher à provoquer une « guerre des races » qui brisera la République. Ils sont ceux qui guident « les jeunes » dans les manifestations contre le racisme et les violences policières, ceux qui suscitent le déboulonnage des statues et les changements de noms des rues et places qui rendent hommage aux héros du colonialisme, ceux qui plaident pour l’introduction de statistiques ethniques afin de visibiliser les phénomènes de discrimination… C’est pourquoi, dans ces lignes de front qui se tracent, c’est bien eux qu’on prend à partie via ce « vous » populaire qu’ils incarnent comme une avant-garde : « J’exige de vous le respect. Sinon ce sera la guerre » (Marianne, 9 juillet 2020).
      Cette déclaration de guerre repose sur une confusion, un renversement et un double mensonge.

      La confusion est évidente : sont rassemblés sous une étiquette mal taillée des chercheurs et chercheuses aux positions épistémologiques précises et parfois en désaccord, qui travaillent depuis des années sur des objets dont l’importance n’est pas encore vraiment reconnue. Leur recherche, selon les règles d’usage de la discussion académique, exige de se confronter lors de séminaires, colloques et conférences où entrent en conversation les tenants de positions différentes avec les outils académiques de l’argumentation logique, de la distinction conceptuelle et de l’érudition textuelle. La « mouvance post ou décoloniale » n’existe pas. Et pour cause : les études décoloniales sont d’abord menées par des chercheuses et chercheurs latino-américains, parfois caribéens, qui diffèrent des courants postcoloniaux indiens ou, surtout, étasuniens, selon trois critères désormais bien établis : géopolitique, disciplinaire et généalogique1. Décoloniaux et postcoloniaux ne partagent ni les mêmes influences intellectuelles ni les mêmes contextes socio-économiques et culturels ; ils et elles mobilisent des outils méthodologiques différents pour poser des problèmes théoriques ou normatifs différents. Les désaccords scientifiques traversent aussi les disciplines, y compris entre celles et ceux qui sont persuadés de l’importance de s’intéresser au passé colonial pour comprendre le présent : historiens de l’esclavage et de la colonisation s’affrontent sur les aires géographiques pertinentes, sur les méthodologies de l’histoire globale ou locale, sur les sources archivistiques ou leur absence, etc. Bien loin de mettre en place des stratégies hégémoniques de domination académique, les universitaires échangent du savoir, de la connaissance, du raisonnement, avec humilité, rigueur et ténacité. Ils et elles travaillent et soumettent leurs hypothèses au test de l’évaluation par les pairs : ils font leur métier.

      Le renversement de perspective est tout aussi massif. Tout se passe comme si s’efforcer de mettre au jour les effets de domination historiquement fondés sur des rapports de race traduits dans l’organisation coloniale du monde, puis hérités de cet ordre sans être réellement déconstruits, revenait à créer ces effets de domination. Lorsque les chercheuses et chercheurs parlent de racialisation ou racisation, on leur oppose que le mot est « épouvantable » (Jean-Michel Blanquer, dans Libération, 21 novembre 2017). C’est un néologisme qui, selon la critique, ne permet pas de révéler une réalité sociale, mais qui produit, dans un geste performatif, la réalité qu’il prétend désigner.

      Or parler de groupe racisé consiste bien à nommer une réalité sociale : la catégorisation et la hiérarchisation de groupes sociaux, dans des contextes précis, en raison de facteurs visuels ou généalogiques réels ou fantasmés2. Il s’agit de chercher à expliquer, et non pas excuser, la construction, les mécanismes, les processus de reproduction de cette réalité. Parler de racialisation permet précisément de souligner que la race n’existe pas en tant que réalité biologique, de l’historiciser, la désessentialiser et la dénaturaliser. Il s’agit de produire de nouvelles ressources épistémiques pour dénoncer la hiérarchisation et l’inégalité raciales tout en évitant de reproduire les interprétations obsolètes et racistes du monde social.

      Sous la plume de ceux qui veulent « sanctionner » « l’idéologie coloniale », « supprimer les références racialistes », effacer la « nuée de concepts » qui traitent de la question raciale — non seulement dans la législation et la Constitution, mais aussi à l’université — une telle mise sous silence permettrait de supprimer le mal. Ces mots « réactivent l’idée de race » et « détournent des valeurs de liberté, égalité, fraternité qui fondent notre démocratie », affirment-ils (Le Point, 28 novembre 2018) : cessons d’utiliser ces mots abominables, et la « question sociale » sera enfin désethnicisée, la République réparée. Ils estiment sans doute qu’en France régnait l’égalité réelle jusqu’à ce que certains se mettent à dénoncer la domination raciale dont ils font l’expérience, et d’autres parviennent à admettre le privilège racial dont ils bénéficient.

      C’est là nier le travail des chercheuses et chercheurs qui, décrivant et évaluant les dominations raciales, s’efforçant de poser un diagnostic clair sur la nature et l’ampleur des inégalités qui traversent notre société, non seulement ne les créent pas, mais espèrent même contribuer à les faire disparaître. Vouloir les faire taire, c’est contribuer au racisme ordinaire en lui permettant d’avancer sous la « cape d’invisibilité » que procure l’étendard du républicanisme bafoué.

      Enfin le mensonge est double : d’une part, il consiste à faire semblant de croire qu’une poignée d’universitaires peut entraîner à elle seule les mouvements sociaux d’ampleur inédite qui ont vu le jour après le confinement pour dénoncer le racisme institutionnel et réclamer justice. C’est trop d’honneur. Trop de mépris, aussi, pour le travail de terrain des mouvements antiracistes et les associations de défense des droits qui mènent la lutte au quotidien auprès des victimes de stigmatisation et discrimination raciales. C’est enfin, surtout, être aveugle à la lame de fond qui nous emporte, à la transformation sociale massive que vit notre vieux modèle. Car d’autre part, le mensonge réside dans l’accusation selon laquelle les manifestant·es qui protestent contre le racisme et les discriminations, et réclament une participation égale et un statut paritaire dans le récit national, veulent « casse[r] la République en deux ». Or cela a été amplement souligné : les hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, racisé·es ou non, qui défilaient pour condamner les violences policières racistes en juin dernier3 chantaient ensemble La Marseillaise ; celles et ceux qui proposent de déplacer les statues des héros de la colonisation pour les muséifier le font au nom d’un hommage que la république pourrait rendre, sur ses places publiques, à d’autres héroïnes et d’autres héros français oubliés ou trop longtemps traités en objets et non en sujets politiques. La république peut être inclusive et réparée ; l’universel peut être visé — un universel concret, construit à partir des particularités et non pas en négation de celles-ci. Ce sont les fondations d’un nouvel universalisme possible qui sont en train d’être posées. Le mensonge consiste à prétendre que Cassandre veut la guerre.
      Et si ce n’était pas une guerre, mais une révolution ?

      Ce à quoi on assiste, et qui provoque la panique morale des puissants, peut se comprendre, c’est l’hypothèse faite ici, à la fois comme une révolution scientifique et comme une révolution politique, parce que les deux sont indissociables dans les sciences humaines et sociales. C’est à la fois un tournant copernicien ou changement de paradigme4, une nouvelle manière de façonner les problèmes et les solutions dans un processus discontinu de production du savoir, et le mouvement du « passage de l’idée dans l’expérience historique », la « tentative pour modeler l’acte sur une idée, pour façonner le monde dans un cadre théorique »5.

      L’ancien modèle théorique s’essouffle : les énigmes se multiplient, les exceptions ou anomalies ne confirment plus la règle mais s’accumulent pour miner l’autorité du vieux cadre interprétatif colorblind de notre monde social. Trop d’injustices sociales débordent le modèle de la lutte des classes, les inégalités socio-économiques à elles seules n’expliquent pas toutes les différences de trajectoire collective ou individuelle, les différences culturelles se naturalisent, l’écart se creuse et se visibilise entre les idéaux de la république et la réalité sociologique de leur mise en œuvre – y compris institutionnelle. L’épaisseur de l’histoire esclavagiste et coloniale pèse sur le mythe du contrat social républicain établi entre des partenaires égaux consentant librement à « faire peuple », ensemble. Ce qui est requis, ce n’est donc pas simplement une nouvelle grille de lecture à appliquer sur des données par ailleurs bien connues : c’est la manière même de voir le monde qui change, ce sont de nouveaux positionnements, de nouvelles perspectives, de nouvelles perceptions, la mise au jour de nouvelles archives, les témoignages de nouvelles voix, qui produisent des données jusque là méconnues ou ignorées, et qui entraînent l’exigence de renouveler le paradigme.

      La résistance de la vieille garde est d’autant plus désespérée que les sujets producteurs de ces nouvelles connaissances sont aussi des agents usuellement dominés et discrédités dans les circonstances « normales » du discours public. Ce sont des agents dont les idées, les ressources théoriques, les productions cognitives, souffrent d’un déficit de crédibilité dû soit à des biais ou stéréotypes négatifs qui conduisent à mettre en doute leur capacité à produire un discours valide, rationnel et raisonnable, sur leurs expériences singulières, soit à un excès de crédibilité accordé à d’autres agents dissonants, au témoignage ou à l’analyse desquels on a tendance à accorder une confiance supérieure. Racialisation, discrimination systémique, privilège blanc, stigmatisation raciale, parmi d’autres, sont des concepts et des ressources épistémiques précieuses pour décrire des expériences sociales, les partager, les interpréter, les évaluer, et peut-être transformer le monde où elles ont cours. Le monde universitaire n’est pas une armée de terroristes qui infiltre les lieux de savoir et casse la République en deux : le monde universitaire est l’espace institutionnel inclusif où ces agents producteurs de connaissance inédits et inaudibles peuvent participer à la production de savoirs qui nous concernent tous parce que tous, nous sommes la république. La guerre des facs n’aura pas lieu, parce que le monde d’après est déjà là : les monstres, et leurs derniers gémissements, disparaissent avec le clair-obscur.

      https://academia.hypotheses.org/29341

    • Academic Freedom Under Attack in France

      For many years, in what now seems the distant past, France was known as the nation that welcomed refugees from authoritarian countries; revolutionary activists, artists, exiled politicians, dissident students, could find sustenance and support in the land of liberty, equality, and fraternity. It is also the country whose philosophers gave us many of the tools of critical thinking, including perhaps the very word critique. In recent years—at least since the bicentennial of the French Revolution in 1989—that image has been replaced by a more disturbing one: a nation unable to decently cope (and increasingly at war) with people of color from its former colonies (black, Arab, Muslim) as well as Roma; a nation whose leaders are condemning critical studies of racial discrimination and charges of “Islamophobia” in the name of “the values of the Republic.”

      The years since the bicentennial have seen a dramatic increase in discrimination against a number of groups, but Arab/Muslims, many of them citizens (according to the settlement that ended the Algerian War) have been singled out. The charge against them has been that they practice their religion publicly, in violation of laïcité, the French version of secularism, the separation of church and state. Enshrined in a 1905 law, laïcité calls for state neutrality in matters of religion and protects individual rights of private religious conscience. Although the state is extremely supportive of Catholic religious practices (state funds support churches as a matter of preserving the national heritage, and religious schools, the majority of them Catholic, in the name of freedom of educational choice; the former president, Nicolas Sarkozy has insisted that Catholicism is an integral aspect of laïcité), Islam has been deemed a threat to the “values” upon which national unity is based.

      National unity is a peculiar concept in France, at least from an American perspective. The nation “one and indivisible” is imagined as culturally homogeneous. Anything that suggests division is scrupulously avoided. Thus there is no exact calculation of the numbers of Muslims in the French population because no official statistics are kept on racial, ethnic, or religious difference. To make those very real differences visible is thought to introduce unacceptable divisions in the representation of the unity of the national body.

      The presence of an estimated 6 to 10 million Muslims (in a country of some 67 million) has become a potent political weapon. Initially claimed by the far Right National Front party (now renamed the Rally for the Republic), the “Muslim problem” has become a concern of parties across the spectrum (in differing degrees from Right to Left). In 2003, in the face of increasing electoral success on the far Right, the conservative government of Jacques Chirac commissioned a report that redefined laïcité for the twenty-first century’s “clash of civilizations.” Titled “The New Laïcité, “ it extended the demand for neutrality from the state to its individual citizens, forbidding any display of religious affiliation in public space. Although said to be universally applicable, everyone understood this to be a policy aimed at Muslims. Thus the hijab (the Islamic headscarf) is prohibited in public schools; women are fined for wearing the niqab (the full face covering) on the streets of their towns; veiled women are prevented from serving as witnesses at weddings conducted in city halls; burkini clad women were forced to undress on some beaches in the summer of 2016….the list goes on. Women were the target of these rules and regulations (for reasons I have analyzed in my The Politics of the Veil (2007), but men, too, experience economic and social discrimination, as well as violent police surveillance in their homes and on the streets.

      In the wake of a number of horrific terrorist attacks in the name of Islam in French cities—the assassinations of the Charlie Hebdo journalists and the murders at the Bataclan theater in 2015, and most recently, in 2020, the beheading of a school teacher, Samuel Paty—all Muslims are increasingly defined as a threat to the security of the nation. The Interior Minister, Gérald Darmanin, has effectively declared war, defining not religion but Islamist ideology as “an enemy within.” Despite this careful distinction, a wartime, ethno-nationalist mentality has identified Muslims as a dangerous class. Antipathy to Muslims has become evidence of patriotism; those who argue that not all Muslims are terrorists and that discrimination against them might contribute to their radicalization, have been met with denunciations and vehement attacks. University professors are among these groups, and they have faced particularly nasty accusations of treason. The campaigns being mounted against them don’t just target individuals; in their insistence that teaching cannot deviate from “the values of the Republic,” the charges amount to a sustained attack on academic freedom.

      The call to rally around the Republic has come not only from the expected quarters—politicians and publicists on the Right—but also from the current (neo-) liberal administration and from within the academy itself. Historians, sociologists, and anthropologists who work on the history of colonialism, on issues of ethnic and racial discrimination, and who seek to account, within the problematics of their disciplines, for the inequalities evident in French society, have been labelled “islamo-gauchistes” for their presumed support for or identification with Muslims. The term is used as an insult, and it is employed regularly by intellectuals such as the philosopher Elisabeth Badinter and the feminist writer Caroline Fourest, neither of whom are considered to be on the Right. In 2018, following a conference at the University of Paris, 7, on “Racism and racial discrimination in the university,” some 80 intellectuals signed a letter condemning as “ideological” the increasing number of “racialist” university events and they called upon “the authorities” to put an end to their “use against the Republic.”

      The “authorities” have responded. In 2020, the Minister of Education, Jean-Michel Blanquer declared that anti-racist intellectuals were “complicit” in Samuel Paty’s murder. He accused “islamo-gauchistes” of “wreaking havoc” in the university. Those employing ideas of “intersectionality,” he denounced as “intellectual accomplices of terrorism.” He deemed intersectionality a pernicious import from multicultural America that “essentializes communities and identities, the antithesis of our model of the Republic.” If Muslims were “separatists,” these intellectuals were too. President Emmanuel Macron charged that “The academy is guilty. It has encouraged the ethnicization of the social question, thinking it’s a good subject to study. But, the outcome can only be secessionist. It will rebound to split the Republic in two.” In October, a bill was proposed in the Senate stating that “academic freedom must respect the values of the Republic.” And Frédérique Vidal, the Minister of Higher Education and Research, whose portfolio most directly pertains to the academy, asserted that “the values of laïcité, of the Republic, are not open for debate.”

      Although no one has yet been fired from a university position, the warning signs are clear. If the nation is at war with Islam, those who struggle to find alternatives to this divisiveness are, ironically, accused of dividing the nation. When professor of sociology (University of Paris 8) Eric Fassin was threatened on Twitter with decapitation for his “islamo-gauchiste views” by a right-wing extremist, his university president offered support (as did academic collectives from Turkey to Brazil), but there was no comment from those higher up in the education ministries. [Fassin sued and won a ruling against the man, but the court treated him not as member of a domestic, neo-Nazi, terrorist network (which he is), but as a lone aberrant individual.] Calls to rein in teachers who address racism and discrimination are widespread, and the threats of disciplinary action are particularly severe against the still relatively rare academics of color, many of whom hold junior, therefore vulnerable positions. State surveillance of research can make it difficult for those studying discrimination, as well as aspects of Islamic culture, to get access to the archives and repositories of data that they need. And then there is the self-policing that inevitably accompanies state surveillance and disapproval.

      But the resistance is impressive. There is no national organization equivalent to the AAUP in France, yet faculty have nonetheless mobilized. Courses continue to be taught, books and articles published, and conferences held on race and discrimination, and these are rightly justified as realizing the values of the Republic—those that stand for liberty and equality above all. There is a site, Université Ouverte where information on protests and other activities can be found, as well as the blog Academia with in-depth critical analyses. In response to a denunciation of their work by 100 intellectuals as “racializing” (racialiste) because it allegedly taught students to “hate whites and France,” more than 2000 academics replied this way in Le Monde: “To call the approach that examines, among other things, the impact of social, sexist, and racist oppression, ‘racialist,’ is despicable. [Racialist] signifies racist thought and regimes based on a supposed hierarchy of race….[But our] sociological and critical approach to racial questions, as the intersectional approaches so often attacked, do the opposite by exposing oppression in order to combat it.” An international letter of support for these efforts was circulated in November, 2020. It makes the case very clear: an increasingly ethno-nationalist politics is posing a dire threat to French academic freedom.

      As I write this in early 2021, the old slogan from May ’68 in France sums up the state of things: La lutte continue (the struggle goes on).

      https://academeblog.org/2021/01/05/academic-freedom-under-attack-in-france
      #Joan_Scott

    • Comment les militants décoloniaux prennent le pouvoir dans les universités
      https://seenthis.net/messages/900839

      ... où on parle notamment de ce nouveau site web :
      L’#Observatoire_du_décolonialisme_et_des_idéologies_identitaires :

      Ce site propose un regard critique, tantôt profond et parfois humoristique, sur l’émergence d’une nouvelle tendance de l’Université et de la Recherche visant à « décoloniser » les sciences qui s’enseignent. Il dénonce la déconstruction revendiquée visant à présenter des Institutions (la langue, l’école, la République, la laïcité) comme les entraves des individus. Le lecteur trouvera outre une série d’analyses et de critiques, une base de données de textes décoloniaux interrogeable en ligne, un générateur de titre de thèses automatique à partir de formes de titres, des liens d’actualités et des données sur la question et un lexique humoristique des notions-clés.

      Cet observatoire n’a pas pour but de militer, ni de prendre des positions politiques. Il a pour but d’observer et d’aider à comprendre, à lire la production littéraire, scientifique et éditoriale des études en sciences humaines ou prétendument scientifiques orientées vers le décolonialisme. Il veut surtout aider à comprendre la limite entre science et propagande.

      L’équipe :


      http://decolonialisme.fr

    • La France contaminée par les idées venues des campus américains

      Entre l’Élysée et la presse outre-Atlantique, la controverse ne s’arrête plus : « Les idées américaines menacent-elles la cohésion française ?? » s’interroge le New York Times. Le prestigieux quotidien américain revient sur une série d’observations et de déclarations entendues en France à la suite du discours d’Emmanuel Macron contre les séparatismes le 2 octobre.

      Ce jour-là, le président français avait mis en garde les universités contre « certaines théories en sciences sociales totalement importées des États-Unis d’Amérique ». L’Hexagone, affirme le New York Times, se sentirait menacé par « les idées progressistes américaines - notamment sur la race, le genre, le post-colonialisme ». Certains « politiciens, d’éminents intellectuels et nombre de journalistes français » craignent qu’elles soient « en train de saper leur société ».

      Il y a eu les déclarations de Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, qui avait parlé d’un « combat à mener contre une #matrice_intellectuelle venue des universités américaines », et aussi le livre de deux éminents spécialistes des sciences sociales françaises, #Stéphane_Beaud et #Gérard_Noiriel, critiquant le principe d’#études_raciales. La virulence des réactions antiaméricaines étonne le NYT. Il note cependant :

      D’une certaine manière, c’est un combat par procuration autour de questions qui sont parmi les plus brûlantes au sein de la société française, celles notamment de l’#identité_nationale et du #partage_du_pouvoir."

      Car si, dans les universités françaises, la jeune génération de chercheurs n’est plus sur la même ligne que la précédente, la contestation de certains volets du #modèle_français est arrivée dans la société. Le journaliste américain cite plusieurs exemples, à commencer par les manifestations contre les violences policières suscitées par l’assassinat de George Floyd de juin 2020.

      [Celles-ci] remettaient en cause la non-reconnaissance institutionnelle de la race et le racisme systémique. Une génération #MeToo de féministes s’est dressée à la fois contre le pouvoir masculin et contre les féministes plus âgées. La répression qui a suivi une série d’attaques islamistes a soulevé des interrogations sur le modèle français de laïcité et l’intégration des immigrés des anciennes colonies de la France."

      Il se peut bien, estime le NYT en citant le chercheur français Éric Fassin, que derrière les attaques du gouvernement contre les universités américaines « se cachent les tensions d’une société où le pouvoir établi est bousculé ».

      https://www.courrierinternational.com/article/vu-des-etats-unis-la-france-contaminee-par-les-idees-venues-d

    • Will American Ideas Tear France Apart? Some of Its Leaders Think So

      Politicians and prominent intellectuals say social theories from the United States on race, gender and post-colonialism are a threat to French identity and the French republic.

      The threat is said to be existential. It fuels secessionism. Gnaws at national unity. Abets Islamism. Attacks France’s intellectual and cultural heritage.

      The threat? “Certain social science theories entirely imported from the United States,’’ said President Emmanuel Macron.

      French politicians, high-profile intellectuals and journalists are warning that progressive American ideas — specifically on race, gender, post-colonialism — are undermining their society. “There’s a battle to wage against an intellectual matrix from American universities,’’ warned Mr. Macron’s education minister.

      Emboldened by these comments, prominent intellectuals have banded together against what they regard as contamination by the out-of-control woke leftism of American campuses and its attendant cancel culture.

      Pitted against them is a younger, more diverse guard that considers these theories as tools to understanding the willful blind spots of an increasingly diverse nation that still recoils at the mention of race, has yet to come to terms with its colonial past and often waves away the concerns of minorities as identity politics.

      Disputes that would have otherwise attracted little attention are now blown up in the news and social media. The new director of the Paris Opera, who said on Monday he wants to diversify its staff and ban blackface, has been attacked by the far-right leader, Marine Le Pen, but also in Le Monde because, though German, he had worked in Toronto and had “soaked up American culture for 10 years.”

      The publication this month of a book critical of racial studies by two veteran social scientists, Stéphane Beaud and Gérard Noiriel, fueled criticism from younger scholars — and has received extensive news coverage. Mr. Noiriel has said that race had become a “bulldozer’’ crushing other subjects, adding, in an email, that its academic research in France was questionable because race is not recognized by the government and merely “subjective data.’’

      The fierce French debate over a handful of academic disciplines on U.S. campuses may surprise those who have witnessed the gradual decline of American influence in many corners of the world. In some ways, it is a proxy fight over some of the most combustible issues in French society, including national identity and the sharing of power. In a nation where intellectuals still hold sway, the stakes are high.

      With its echoes of the American culture wars, the battle began inside French universities but is being played out increasingly in the media. Politicians have been weighing in more and more, especially following a turbulent year during which a series of events called into question tenets of French society.

      Mass protests in France against police violence, inspired by the killing of George Floyd, challenged the official dismissal of race and systemic racism. A #MeToo generation of feminists confronted both male power and older feminists. A widespread crackdown following a series of Islamist attacks raised questions about France’s model of secularism and the integration of immigrants from its former colonies.

      Some saw the reach of American identity politics and social science theories. Some center-right lawmakers pressed for a parliamentary investigation into “ideological excesses’’ at universities and singled out “guilty’’ scholars on Twitter.

      Mr. Macron — who had shown little interest in these matters in the past but has been courting the right ahead of elections next year — jumped in last June, when he blamed universities for encouraging the “ethnicization of the social question’’ — amounting to “breaking the republic in two.’’

      “I was pleasantly astonished,’’ said Nathalie Heinich, a sociologist who last month helped create an organization against “decolonialism and identity politics.’’ Made up of established figures, many retired, the group has issued warnings about American-inspired social theories in major publications like Le Point and Le Figaro.

      For Ms. Heinich, last year’s developments came on top of activism that brought foreign disputes over cultural appropriation and blackface to French universities. At the Sorbonne, activists prevented the staging of a play by Aeschylus to protest the wearing of masks and dark makeup by white actors; elsewhere, some well-known speakers were disinvited following student pressure.

      “It was a series of incidents that was extremely traumatic to our community and that all fell under what is called cancel culture,’’ Ms. Heinich said.

      To others, the lashing out at perceived American influence revealed something else: a French establishment incapable of confronting a world in flux, especially at a time when the government’s mishandling of the coronavirus pandemic has deepened the sense of ineluctable decline of a once-great power.

      “It’s the sign of a small, frightened republic, declining, provincializing, but which in the past and to this day believes in its universal mission and which thus seeks those responsible for its decline,’’ said François Cusset, an expert on American civilization at Paris Nanterre University.

      France has long laid claim to a national identity, based on a common culture, fundamental rights and core values like equality and liberty, rejecting diversity and multiculturalism. The French often see the United States as a fractious society at war with itself.

      But far from being American, many of the leading thinkers behind theories on gender, race, post-colonialism and queer theory came from France — as well as the rest of Europe, South America, Africa and India, said Anne Garréta, a French writer who teaches literature at universities in France and at Duke.

      “It’s an entire global world of ideas that circulates,’’ she said. “It just happens that campuses that are the most cosmopolitan and most globalized at this point in history are the American ones.’’

      The French state does not compile racial statistics, which is illegal, describing it as part of its commitment to universalism and treating all citizens equally under the law. To many scholars on race, however, the reluctance is part of a long history of denying racism in France and the country’s slave-trading and colonial past.

      “What’s more French than the racial question in a country that was built around those questions?’’ said Mame-Fatou Niang, who divides her time between France and the United States, where she teaches French studies at Carnegie Mellon University.

      Ms. Niang has led a campaign to remove a fresco at France’s National Assembly, which shows two Black figures with fat red lips and bulging eyes. Her public views on race have made her a frequent target on social media, including of one of the lawmakers who pressed for an investigation into “ideological excesses’’ at universities.

      Pap Ndiaye, a historian who led efforts to establish Black studies in France, said it was no coincidence that the current wave of anti-American rhetoric began growing just as the first protests against racism and police violence took place last June.

      “There was the idea that we’re talking too much about racial questions in France,’’ he said. “That’s enough.’’

      Three Islamist attacks last fall served as a reminder that terrorism remains a threat in France. They also focused attention on another hot-button field of research: Islamophobia, which examines how hostility toward Islam in France, rooted in its colonial experience in the Muslim world, continues to shape the lives of French Muslims.

      Abdellali Hajjat, an expert on Islamophobia, said that it became increasingly difficult to focus on his subject after 2015, when devastating terror attacks hit Paris. Government funding for research dried up. Researchers on the subject were accused of being apologists for Islamists and even terrorists.

      Finding the atmosphere oppressive, Mr. Hajjat left two years ago to teach at the Free University of Brussels, in Belgium, where he said he found greater academic freedom.

      “On the question of Islamophobia, it’s only in France where there is such violent talk in rejecting the term,’’ he said.

      Mr. Macron’s education minister, Jean-Michel Blanquer, accused universities, under American influence, of being complicit with terrorists by providing the intellectual justification behind their acts.

      A group of 100 prominent scholars wrote an open letter supporting the minister and decrying theories “transferred from North American campuses” in Le Monde.

      A signatory, Gilles Kepel, an expert on Islam, said that American influence had led to “a sort of prohibition in universities to think about the phenomenon of political Islam in the name of a leftist ideology that considers it the religion of the underprivileged.’’

      Along with Islamophobia, it was through the “totally artificial importation’’ in France of the “American-style Black question” that some were trying to draw a false picture of a France guilty of “systemic racism’’ and “white privilege,’’ said Pierre-André Taguieff, a historian and a leading critic of the American influence.

      Mr. Taguieff said in an email that researchers of race, Islamophobia and post-colonialism were motivated by a “hatred of the West, as a white civilization.’’

      “The common agenda of these enemies of European civilization can be summed up in three words: decolonize, demasculate, de-Europeanize,’’ Mr. Taguieff said. “Straight white male — that’s the culprit to condemn and the enemy to eliminate.”

      Behind the attacks on American universities — led by aging white male intellectuals — lie the tensions in a society where power appears to be up for grabs, said Éric Fassin, a sociologist who was one of the first scholars to focus on race and racism in France, about 15 years ago.

      Back then, scholars on race tended to be white men like himself, he said. He said he has often been called a traitor and faced threats, most recently from a right-wing extremist who was given a four-month suspended prison sentence for threatening to decapitate him.

      But the emergence of young intellectuals — some Black or Muslim — has fueled the assault on what Mr. Fassin calls the “American boogeyman.’’

      “That’s what has turned things upside down,’’ he said. “They’re not just the objects we speak of, but they’re also the subjects who are talking.’’

      https://www.nytimes.com/2021/02/09/world/europe/france-threat-american-universities.html?searchResultPosition=5

    • Le manifeste des 100 repris par la tribune des généraux qui appellent Macron à défendre le #patriotisme...

      Qui sont donc les ennemis que ces militaires appellent à combattre pour sauver « la Patrie » ? Qui sont les agents du « délitement de la France » ? Le premier ennemi désigné reprend mot pour mot les termes de l’appel des universitaires publié le 1 novembre 2020 sous le titre de « Manifeste des 100 » : « un certain antiracisme » qui veut « la guerre raciale » au travers du « racialisme », « l’indigénisme » et les « théories décoloniales ». Le second ennemi est « l’islamisme et les hordes de banlieue » qui veulent soumettre des territoires « à des dogmes contraires à notre constitution ». Le troisième ennemi est constitué par « ces individus infiltrés et encagoulés saccagent des commerces et menacent ces mêmes forces de l’ordre » dont ils veulent faire des « boucs émissaires ».

      https://seenthis.net/messages/912643
      Et plus précisément : https://seenthis.net/messages/912643#message913950

    • « Islamo-gauchisme » à l’université : la ministre Frédérique Vidal accusée d’abus de pouvoir devant le Conseil d’Etat

      Six enseignants-chercheurs ont déposé en avril un #recours devant le #Conseil_d’Etat. La ministre de l’enseignement supérieur va devoir justifier sa décision d’ouvrir une enquête sur l’« islamo-gauchisme à l’université ».

      Qu’est devenue l’enquête sur l’ « islamo-gauchisme à l’université » voulue par la ministre de l’enseignement supérieur ? Le 14 février, Frédérique Vidal annonçait sur CNews qu’elle allait demander, « notamment au CNRS », de mener une enquête portant sur « l’ensemble des courants de recherche » en lien avec « l’islamo-gauchisme » à l’université. Deux jours plus tard, à l’Assemblée nationale, elle confirmait la mise en place d’ « un bilande l’ensemble des recherches » en vue de « distinguer ce qui relève de la recherche académique et ce qui relève du militantisme et de l’opinion .

      Quatre mois ont passé et c’est le silence complet. Sollicité par Le Monde à de multiples reprises, l’entourage de la ministre refuse d’indiquer si une enquête a été lancée et, le cas échéant, à qui a été confié le soin de la mener, le CNRS ayant décliné la demande.

      C’est désormais sur le terrain juridique que se joue l’affaire, six enseignants-chercheurs attaquant la ministre pour #abus_de_pouvoir. Une procédure de référé et un recours en annulation ont été introduits le 13 avril devant le Conseil d’Etat par les avocats William Bourdon et Vincent Brengarth. Les requérants demandent à Frédérique Vidal de renoncer officiellement et définitivement à cette enquête « qui bafoue les libertés académiques et menace de soumettre à un contrôle politique, au-delà des seules sciences sociales, la recherche dans son ensemble .

      Le 7 mai, le Conseil d’Etat qui a rejeté le référé a transmis la requête en annulation au ministère pour l’interroger sur sa position. « La ministre de l’enseignement supérieur dispose désormais de deux mois pour démontrer que sa décision ne constitue pas un détournement des pouvoirs et des attributions qui lui sont confiés », indiquent MM. Bourdon et Brengarth. « Info ou intox ? Les masques vont tomber. Quand on a suscité un tel émoi, il est essentiel que la ministre assume soit la décision, soit le rétropédalage », ajoute William Bourdon.

      « Police de la pensée »

      Si le Conseil d’Etat s’est déclaré incompétent, il demande au ministère des explications, souligne Fabien Jobard, l’un des requérants, chercheur au CNRS, spécialiste des questions pénales. « Il agit comme une commission d’accès aux documents administratifs en demandant à Mme Vidal de nous dire ce qu’il en est. Soit oui, une commission existe avec tel et tel membre, soit non c’est le plus probable , il n’y a pas de commission d’enquête », projette-t-il.

      Pour la requérante Fanny Gallot, maîtresse de conférences en histoire à l’université Paris-Est-Créteil, « ce recours marque le fait que les bornes ont été largement dépassées. Aujourd’hui, l’offensive est très forte et elle est autorisée par Frédérique Vidal . Ainsi, « mener des recherches sur les discriminations ethnoraciales quand on est soi-même racisé est d’emblée considéré comme se faire le porte-parole des minorités. Mener des recherches quand on est féministe, comme moi, peut être utilisé par certains pour remettre en question la scientificité de mes recherches », illustre-t-elle.

      Des étudiants de deuxième année de master qui voulaient s’inscrire en thèse hésitent à travailler sur certains sujets, notamment liés à l’intersectionnalité (qui consiste à croiser divers mécanismes de domination, liés au genre, à l’âge ou encore à la couleur de peau). « C’est une #intimidation, même s’il n’y a pas eu véritablement de commission d’enquête. Pour pouvoir assumer de parler de certains sujets, il faut être un enseignant en poste, sinon c’est trop risqué », confirme Caroline Ibos, maîtresse de conférences en science politique à l’université Rennes-II.

      Les effets sont donc « très concrets » et vont « dans le sens d’une #police_de_la_pensée », alors que sont en question des savoirs déjà marginalisés en France. « Il y a peu d’endroits où l’on peut se former en études de genre et un seul Paris-VIII qui décerne des doctorats en études de genre en France, décrit la chercheuse. Il n’y a pas de section au CNRS, ni au CNU [Conseil national des universités], c’est un champ particulièrement sous-financé et aujourd’hui le gouvernement décide de le livrer à la vindicte populaire ? »

      Fanny Gallot décrit « un climat d’angoisse » depuis les déclarations de la ministre. « Il y a des moments d’échanges académiques qui sont empêchés », comme lors d’une table ronde au mois de mars consacrée à l’intersectionnalité qui s’est déroulée dans une ambiance « électrique », rapporte-t-elle. « Je pense que je n’ai pas dit exactement ce que j’aurais dit si nous n’avions pas été trois semaines après les propos de Frédérique Vidal. Nous nous autocensurons dans une certaine mesure parce que nous avons #peur. Dans des conférences Zoom où on ne sait pas toujours qui est présent, on redoute des trolls. On ne sait plus ce que l’on peut dire en classe ou dans les séminaires », confie Fanny Gallot.

      Une #suspicion constante

      « Nous souhaitions mettre la ministre face à ses responsabilités, explique Nacira Guénif, professeure de sociologie à Paris-VIII, également requérante. On ne peut pas faire n’importe quelle déclaration sans que cela ait des implications. » Née en France de parents algériens, Nacira Guénif « travaille depuis longtemps dans ces conditions de suspicion.

      « J’ai eu un procès en imposture avant même d’avoir mon poste à l’université », narre-t-elle. Dans les années 1990, auprès de la direction des populations et des migrations, qui finançait une recherche obtenue par la jeune chercheuse après un appel d’offres, elle fait face à une « curée générale . « Je ne collais pas aux stéréotypes de la beurette, qui était précisément le sujet de ma thèse. On me reprochait de ne pas dire ce qu’on attendait de moi et cela s’est transformé en déloyauté de ma part », poursuit Nacira Guénif.

      Depuis, la suspicion de militance est constante, les promesses non tenues d’invitations dans des colloques se poursuivent et les prises à partie également. Dans la volonté de la ministre, Fabien Jobard voit « au mieux un doublon inutile et au pire, une volonté du gouvernement de substituer ou d’ajouter aux procédures scientifiques habituelles une procédure dérogatoire .

      Car, pour faire des enquêtes, il existe des commissions dans chacun des établissements, tel le comité national au CNRS, chargé d’évaluer les collègues et de recruter les nouveaux chercheurs. « C’est le principe de l’évaluation de l’action scientifique par les pairs, rappelle-t-il. Si un collègue au CNRS présente un projet visant à nous dire que le prolétariat nouveau est constitué d’islamistes et exige que le politique mette genou à terre devant lui, alors je suis suffisamment grand pour émettre un avis d’alerte sur ce collègue », illustre celui qui a siégé au comité national dans la section science politique entre 2004 et 2008.

      Lui aussi témoin d’effets concrets après l’annonce de Mme Vidal, Fabien Jobard cite le cas d’une collègue chargée de suivre plusieurs sujets pour le compte du gouvernement. « Dans le cadre de ses missions, elle travaille avec des militaires et, alors qu’elle voulait organiser un colloque, l’un d’eux s’est opposé à ce qu’il se tienne à La Sorbonne, "à cause des problèmes d’islamo-gauchisme" », relate Fabien Jobard, qui s’inquiète du discrédit jeté sur les travaux de recherche. « J’essaye de maintenir une crédibilité, mais si mes interlocuteurs habituels que sont les procureurs, les policiers et les gendarmes s’effraient de mon travail, ma relation en sera-t-elle grillée ? Vont-ils travailler uniquement avec des universités et organismes qui feront le voeu de ne pas être islamo-gauchistes ? »

      https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/06/10/islamo-gauchisme-a-l-universite-la-ministre-frederique-vidal-accusee-d-abus-

    • Ces attaques répétées contre le monde universitaire sont un chiffon rouge agité devant une opinion surchauffée par le #confusionnisme d’extrême droite qui se nourrit des frustrations sociales en les exacerbant « en même temps » avec des fantasmes identitaires et une volonté de renouer avec une certaine « grandeur » tout aussi fantasmée, lesquels fantasmes ont malheureusement contaminé une partie de la gauche nostalgique de « l’esprit des lumières » et d’une vision biaisée de la #laïcité. C’est une logique hégémonique de #reconquista pour conforter les « valeurs » mortifères héritées de l’occident gréco-romain puis chrétien. Cette logique hégémonique procède des mêmes intentions que le nazisme avec l’antisémitisme et le fantasme « judéo-bolchevique ». Quelques années après le deuxième conflit mondial, on a pu voir outre-atlantique se développer un anti-communisme propulsé par le sénateur Joseph McCarthy et plus récemment, cette logique était également à la manœuvre pendant le mandat de Trump avec pour conséquence la résurgence des mouvances issues du #suprémacisme_blanc.

      Make the Christian Occident great again ! ...

      #propagande_d'état

      (Mon propos est certainement synthétique mais c’est pourtant cela qu’évoquent les analyses d’ #Éric_Fassin)

    • #Caroline_Fourest sur LCP, 02.07.2021 :

      Journaliste : La société se racialise. A ce point-là ?
      Caroline Fourest : « En France, je peux vous dire, dans nos universités, à commencer par nos universités... regardez la façon dont les chercheurs ont réagi à une interpellation, certes peut-être trop directe et pas tout à fait bien choisie de la ministre de l’enseignement supérieur, mais il y a un corporatisme violent qui est en train de protéger le déni. D’abord, aujourd’hui quand on parle de questions qui fâchent ceux qui vous attaquent le plus violemment ce sont des chercheurs du CNRS. C’est un problème que l’alerte soit interdite. Que le fait de penser soit interdit de la part de gens qui sont des chercheurs du CNRS. Et puis il y a une très forte attraction du modèle américain qui passe évidemment par toutes les plateformes culturelles de ce modèle-là et aussi qui attire à l’université qui manque de moyen. »
      Journaliste : « Donc il y a vraiment une perméabilité »
      Caroline Fourest : « Tout le monde s’identitarise. »
      Journaliste : « Les combats idéologiques sont toujours menés par des minorités, mais est-ce que c’est toute la société ? »
      Caroline Fourest : « Toute la société s’identitarise. Version d’extrême droite évidemment ça peut donner des jeunes blancs déclassés qui vont désormais dire blancs au lieu de se dire pauvres et de se mettre ne mouvement pour essayer de lutter contre les inégalités. ça va donner des jeunes qu’au lieu de se dire ’On va lutter contre les inégalités’ se mettent à lutter par identité à l’extrême gauche »

      https://twitter.com/LCP/status/1411024030296064004

    • Un article d’avril 2021 :

      #Stéphane_Troussel : ’La République ne sait que faire des différences physiques ou des couleurs de peau multiples’

      Refusant l’affrontement qu’imposent la droite et l’extrême droite sur les réunions non mixtes, le président (PS) du conseil départemental de Seine-Saint-Denis appelle, dans une tribune au « Monde », la gauche à s’extraire d’une polémique stérile et dangereuse pour lutter véritablement contre les discriminations qui fracturent la société.

      La polémique est repartie, le brouhaha médiatique ne retombe pas. Après les outrances et les manipulations de la droite et de l’extrême droite, c’est maintenant au Sénat de surenchérir en adoptant un amendement à l’exposé des motifs caricatural au projet de loi dit « contre les #séparatismes » [celui-ci permettrait de dissoudre les associations qui organisent des réunions non mixtes racisées]. A en croire certains, sommant tous les autres de choisir leur camp, la République pourrait bien vaciller.

      Au fond, de quoi s’agit-il ? Des personnes se rassemblent pour échanger sur leurs expériences sociales douloureuses, les #discriminations vécues à partir d’un critère physique, d’une #orientation personnelle... Caractéristiques qui leur sont régulièrement renvoyées en pleine face comme une insulte : #sexisme, #racisme, #homophobie, etc. Il s’agit de paroles de victimes de racisme, de discrimination, d’inégalités. Il faut les prendre comme telles et, bien évidemment, je refuse que cela enferme les personnes concernées dans une « #victimisation » et que cela devienne une #parole_politique autrement que par son intégration unifiée contre toutes les formes de discrimination.

      Mais peu importe pour celles et ceux (Jean-Michel Blanquer, des députés et sénateurs LR, l’extrême droite...) qui ont lancé, puis alimenté la polémique. Toutes celles et tous ceux qui expriment, même avec nuance ou avec des réserves, une quelconque approbation de ces démarches, de ces expérimentations militantes, souvent transitoires, consistant à permettre de libérer la parole, sont accusés de « #dérive_séparatiste », « racialisante ».

      Artifices antiracistes

      Les gros mots sont de sortie. Les voilà lancés, jetés à une foule de commentateurs qui les voient comme un affront fait à une République censée être aveugle à la #couleur_de_peau, à la religion réelle ou supposée, au sexe... L’affrontement est en place, les camps bien délimités, chacun est sommé de choisir le sien et de laisser les nuances au vestiaire : les #racialistes d’une part, les #universalistes de l’autre. « Il faut choisir son camp, crient les repus de la haine », écrivait Albert Camus, dans son Pour une trêve civile, en 1956, en pleine guerre d’Algérie, condamnant à égalité les massacres de civils du FLN et les massacres répressifs de l’armée française.

      Cela semble ne poser de problème à personne que cette #polémique permette, à un an de la présidentielle, à la chef de l’extrême droite de se parer d’artifices antiracistes et de tenter de cohabiter, avec d’autres, dans le camp universaliste. Ici se situerait donc le débat politique de notre temps, la nouvelle #fracture : je m’y refuse. Je m’y refuse, parce que, si nous en sommes là, c’est que la gauche est tombée dans le piège tendu par la droite la plus réactionnaire et l’extrême droite qui, désormais, fixent les termes du débat et l’agenda politiques de notre pays.

      Je m’y refuse parce que, justement, la bonne question, celle qui devrait animer unanimement une gauche solidaire, droite dans ses bottes, fière de ses valeurs, cette question-là, la gauche française n’a pas su, ou pas suffisamment su, quelle réponse y apporter. Pourquoi, en France, les dispositifs républicains de lutte concrète contre les discriminations et les inégalités qui fracturent notre société piétinent ou ne s’imposent qu’au forceps (#loi_SRU [Solidarité et renouvellement urbain], #testing, #CV_anonyme, récépissé de contrôle d’identité, #droit_de_vote des étrangers aux élections locales, conventions ZEP-Sciences Po, mariage pour tous, droits des femmes...) ? Celles et ceux qui, à droite et à l’extrême droite, hurlent avec les loups ont combattu chacune de ces avancées.

      Pourtant, il n’y a qu’à se baisser pour constater le chemin qu’il reste à parcourir dans la lutte contre les #inégalités_femmes-hommes, le racisme, l’homophobie ou le #passé_colonial et ses conséquences pour les descendants des ex-pays colonisés.

      Il faudrait interdire les organisations qui reprendraient à leur compte des solutions avancées par la gauche libérale américaine, fondée sur le multiculturalisme et la valorisation des identités plurielles ? Ou bien faut-il se demander pourquoi n’opposer qu’un discours « il faut réduisons les inégalités socio-économiques pour que tout le monde ait sa chance » - ou qu’un slogan « la République, rien que la République » ? qui sonne de plus en plus creux aux oreilles de celles et ceux qui restent au bord du chemin, alors que les inégalités sociales et territoriales explosent dans notre société.

      L’#égalité_réelle

      Voilà mon explication. Oui, sans aucun doute, la République a un problème avec le #corps des individus, elle ne sait que faire de ces #différences_physiques, de ces #couleurs multiples, de ces orientations diverses, parce qu’elle a affirmé que pour traiter chacun et chacune également, elle devait être #aveugle.

      Mais, sans aucun doute également, d’autres dans la République ont détourné cette promesse d’une #égalité_républicaine, politique et donc sociale, pour exclure. Exclure les #femmes d’abord, les #pauvres ensuite, les #ouvriers, ces « classes laborieuses donc classes dangereuses », puis les #étrangers, la « #racaille » et ses « #sauvageons », venus d’ailleurs, emmenant leurs religions, leurs mémoires et leurs histoires. Et la gauche ne verrait pas cela. Elle passerait à côté de ce détournement, voire y inscrirait ses pas, au lieu de saisir le problème à bras-le-corps.

      Au lieu d’affirmer que dans ce pays, où a été défendue la République, puis la République sociale, il faut maintenant défendre la #République_citoyenne_et_universelle, la #République_métissée, la #République_de_l'égalité_réelle, en tentant de comprendre son passé, ses erreurs et ses oublis, pour regarder ensemble, tous et toutes ensemble, plus sereinement son avenir.

      Note(s) :

      Stéphane Troussel est président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/07/stephane-troussel-la-republique-a-un-probleme-avec-le-corps-des-individus-el

      #non-mixité

  • Ventiler, quantifier le taux de CO2, filtrer
    En résumé

    La #ventilation des locaux est un facteur clé de réduction de la #transmission_épidémique, améliorable par des mesures simples et peu coûteuses.
    - L’#équipement du milieu scolaire et universitaire en capteurs de taux de CO2 est nécessaire pour recenser les salles dont la ventilation pose problème, avec un objectif quantitatif (650 ppm) et un niveau au-delà duquel une révision du protocole de ventilation s’impose (850 ppm).
    – Des #purificateurs d’air doivent être installés dans les lieux de restauration collective, puis dans les pièces dont la ventilation ne peut être améliorée.
    – Les #tests salivaires rapides de groupe, les #masques FFP2 non-médicaux et l’installation graduelle de #VMC à double-flux constituent des moyens complémentaires pour diminuer la #contagion.

    Ils ne manquent pas d’air…

    “On doit s’attaquer très fermement aux foyers d’infections [clusters] locaux, sinon à Noël on aura [en Allemagne] des chiffres comme ceux de la France.” [1]

    A. Merkel, le 28 septembre 2020

    “Les aérosols sont déterminants, les endroits fermés sont un problème. Nous devons donc faire attention à la ventilation.“) [2]

    A.Merkel, le 29 septembre 2020

    “Les établissements sont prêts à recevoir les étudiants”

    F.Vidal 3 septembre 2020

    “Ce ne sont pas des clusters par promotion mais des clusters par groupe d’amis (...) Rien ne nous dit que les contaminations se fassent au sein des établissements de l’enseignement supérieur.”

    F.Vidal, le 28 septembre 2020

    “Les récentes évolutions de la #COVID19 conduisent à restreindre les capacités d’accueil des établissements d’enseignement supérieur situés en zones d’alerte renforcée ou d’alerte maximale à 50% de leur capacité nominale dès le 6 octobre.”

    F.Vidal, le 5 octobre 2020

    “N’oublions pas que les étudiants comme les néo-bacheliers ne se sont pas rendus en cours pendant près de six mois et pour s’adapter aux méthodes de l’enseignement supérieur, il faut une part de cours à distance.”

    C.Kerrero, recteur de la région Ile-de-France, le 5 octobre 2020

    En dernière instance, la rentrée en “démerdentiel” procède de ce qu’on appelle en algorithmique un interblocage (deadlock en anglais), qu’il faudrait baptiser ici « L’étreinte mortelle de la bureaucratie". Les universitaires attendent les instructions des directeurs de composantes et laboratoires, lesquels sont à l’affût des normes et des procédures qui ne manqueront pas d’être édictées par les Doyens de Faculté qui, eux-mêmes, guettent les spéculations éclairées — n’en doutons pas — des présidences, lesquelles temporisent pour ne pas contrevenir aux directives à venir du ministère, cependant que le cabinet dudit ministère sursoit à toute décision avant les arbitrages de l’Elysée et de Matignon, dont les conseillers, faute de renseignement objectivé sur la situation, poireautent en prenant connaissance sur Twitter des plaintes des universitaires.

    Reboot.

    Nous proposons ci-dessous une #fiche_pratique à l’usage des collègues comme de la technostructure pour mettre en œuvre des moyens simples de réduction de la propagation épidémique en milieu confiné.

    Etat épidémique

    L’épidémie a cru, pendant les trois derniers mois, d’un facteur 2 toutes les trois semaines, environ. Le taux de reproduction épidémique (nombre de personnes contaminées en moyenne par une personne atteinte) est légèrement supérieur à 1. Pour l’abaisser le plus bas possible en dessous de 1, et juguler l’épidémie, il est nécessaire de cumuler des politiques publiques normatives et incitatives pour atteindre par chacune un facteur d’abaissement de la transmission.

    Facteurs de transmission épidémique

    Les personnes contaminées asymptomatiques génèrent un #aérosol de #micro-gouttelettes, dont une fraction n’est filtrée ni par les masques de tissu, ni par les masques chirurgicaux, et induisent une concentration de virus qui dépend :

    - du nombre de personnes secrétant du virus dans la pièce,
    - du flux de ventilation de la pièce
    - du volume de la pièce

    La probabilité qu’une personne saine soit contaminée croit avec

    - la concentration en particules virales, possiblement avec un effet de dose (non-linéarité), voire un effet de seuil
    - le temps de présence dans l’atmosphère contaminée

    Chaque personne a un système immunitaire spécifique qui implique que cette probabilité de contamination — pour grossir le trait, le seuil de concentration virale — varie entre individus. De plus, les données actuelles suggèrent que l’infection par le SARS-CoV-2 accroitrait la production du récepteur du virus ACE2 par les cellules pulmonaires, favorisant la fixation ultérieure d’autres virus sur ces cellules, ce qui augmenterait la probabilité de contamination. Toutefois cette probabilité n’est pas connue, même en moyenne.

    En résumé, on peut agir sur la ventilation, qui permet de maintenir la concentration virale la plus basse possible, sur la dénaturation ou le piégeage des particules virales, sur la qualité des masques et sur la détection préventive de personnes atteintes.

    Ventilation (quantification, contrôle et mesures effectives)

    Les gouttelettes exhalées de taille inférieure à 5 µm (aérosols) se maintiennent en suspension dans l’air pendant plusieurs heures. Le renouvellement de l’air est donc requis pour éviter une transmission aéroportée par ces aérosols potentiellement chargés en virus. Pour quantifier le renouvellement de l’air dans une salle, on peut mesurer la concentration de CO2 dans l’air à l’aide de capteurs infra-rouge. Dans l’hypothèse basse de linéarité entre probabilité d’infection et concentration virale, la concentration de CO2 dans l’air, une fois soustraite celle du milieu extérieur, détermine directement la probabilité de contamination, indépendamment du nombre de personnes dans la pièce et de son volume, quand une personne sécrétant du virus s’y trouve. Des modèles hydrodynamiques plus fins peuvent être produits si besoin.

    Il convient d’aérer le plus possible, en conservant une température permettant de travailler confortablement. La mesure la plus simple consiste à exiger que les portes des salles soient ouvertes et d’aérer 5 minutes en grand toutes les 30 ou 45 ou 60 minutes, et plus longtemps en début de matinée, à la pause déjeuner et en fin d’après-midi. Il est nécessaire d’aérer très fortement les lieux de restauration, où la transmission est extrêmement rapide et efficace. Il convient aussi de demander aux élèves et aux étudiants de se vêtir chaudement (pulls, polaires, etc) pour pouvoir aérer. Le chauffage doit être réglé pour prendre en compte l’aération. Ces consignes doivent faire l’objet d’une circulaire envoyée à tous les personnels et l’information communiquée à tous les usagers, lesquels seront invités à s’en saisir et à les adapter localement. Il convient d’inverser la logique d’intervention de l’Etat, appelé à fournir une aide effective, y compris matérielle, et une boîte à outils d’aide à la décision aux composantes des établissements universitaires.

    La seconde mesure consiste à équiper tous les établissements de capteurs de CO2 de sorte à optimiser la ventilation de chaque pièce :

    - fenêtre entrebâillée en permanence ou ouverte périodiquement en grand
    - révision des systèmes de ventilation forcée, quand ils existent, et réglage des vitesses de ventilation

    La mesure de CO2 s’effectue à 1 m 50 ou 2 m du sol, avec un relevé au cours du temps. Le taux de CO2 doit être amené, en permanence, au niveau le plus bas possible. Un objectif quantitatif consiste à essayer d’atteindre 200 ppm de plus qu’à l’extérieur (soit 650 ppm à Paris). Les mesures préliminaires effectuées en milieu universitaire et scolaire montrent des taux anormalement élevés, y compris là où les VMC sont aux normes. Passer de 1500 ppm à 650 ppm permet de gagner au moins un facteur 5 en probabilité d’infection, et probablement beaucoup plus, par effet de seuil/de dose. Il conviendrait de fixer un maximum raisonnable (850 ppm est une valeur type recommandée par différents scientifiques) au delà duquel il faille :

    - diminuer la jauge d’occupation
    – ajouter un système de filtration (voir ci-dessous)
    - faire réviser la ventilation forcée pour augmenter le débit

    Il convient d’avoir un recensement exhaustif des salles à risques, avec une attention particulière pour les lieux de restauration.

    Budget pour améliorer la ventilation — L’essentiel passe par des circulaires ministérielles et par une campagne de sensibilisation par des scientifiques, évitant le ton des campagnes du printemps.
    Budget pour les capteurs CO2 — Equiper chaque établissement scolaire, et chaque UFR d’un capteur CO2, produit à 50 €, coûte 3 millions €. Il faut pour cela une commande d’Etat de 60 000 capteurs-enregistreurs, et le recrutement et la formation de techniciens aidant à la mise-en-œuvre.
    Intégration à des projets pédagogiques — L’utilisation de capteurs infra-rouge peu onéreux, à monter sur des cartes de type Arduino, leur test dans une enceinte fermée dans lequel une bougie se consume, et la caractérisation de la ventilation peut faire partie de séances pédagogiques, à partir de fiches détaillées, adaptées aux différents niveaux.

    Purificateurs d’air

    Les salles de restauration (en priorité), les amphis et les salles de classe peuvent être équipées de système de purificateurs d’air, créant une circulation intérieure au travers de filtres HEPA (technique robuste, appareils commerciaux ou en kit existants) ou au voisinage d’un néon UV-C, entouré d’un tuyau opaque. L’investissement n’est pas spécifique au Covid, mais sera rentabilisé par la prévention de toutes les maladies respiratoires. La seconde technique est prometteuse, mais demanderait une PME nationalisée pour la production — il existe cependant quelques systèmes commerciaux pour les halls de grande surface.

    Tests salivaires rapides

    Détecter la présence d’une personne sécrétant une charge virale importante, en utilisant des tests salivaires, même peu sensibles, réduirait significativement la transmission du virus. Il convient de mettre à disposition des tests salivaires produits pour un usage collectif (pour 20 personnes par exemple) avec résultat rapide. Le consortium formé par la société de biotechnologie SKILLCELL, filiale du groupe ALCEN, le laboratoire du CNRS SYS2DIAG (CNRS/ALCEN) et la société VOGO a mis au point ces tests. Commander pour l’institution scolaire des tests collectifs quotidiens assurerait une baisse importante de la transmission.

    Masques

    Les masques de norme UNS comme les masques en tissu ne sont pas efficaces pour filtrer des aérosols qui sont de taille < 5 µm. Les masques souples intissés ont un effet important mais sont souvent mal portés, produisant des fuites d’air par les bords. Les masques FFP2 filtrent efficacement les aérosols (à l’exhalation comme à l’inspiration), et de plus s’adaptent de façon étanche au visage et évitent les fuites d’air. Les masques FFP2, N95 ou KN 95 non médicaux, testés sur une journée (taille de l’élastique, confort, étouffement de la voix, humidité accumulée), assurent une filtration efficace et une étanchéité sur la peau. Le port généralisé de ce type de masques par les élèves, les étudiants et les enseignants limiterait considérablement les contaminations aéroportées. Il est indispensable à court terme, d’équiper de masques FFP2 non médicaux les personnes à risque, les personnels d’accueil et de restauration.

    Budget — 20 centimes par masque à la production en France, 9 centimes en Asie. Option maximale : 1 million € par jour. Par comparaison, les tests PCR coûtent entre 10 et 100 millions € par jour à la sécurité sociale.

    Ventilation à double flux

    La plupart des bâtiments scolaires ont été construits avant la mise en place des normes sur la qualité de l’air et la mise en place de système de ventilation. La plupart n’ont qu’un système de ventilation manuelle — des fenêtres — limité par les normes de sécurité. Un programme d’installation de ventilation à double flux doit être mis en place, pour améliorer graduellement la situation, à moyen terme. Le dimensionnement doit être fait avec précision, pour éviter les nuisances sonores inutiles.

    Bibliographie

    - Airborne transmission of SARS-CoV-2 (Science)
    - Note d’alerte du conseil scientifique COVID-19 (22 septembre 2020)
    – Effects of ventilation on the indoor spread of COVID-19 (Journal of fluid mechanics)
    - Risk Reduction Strategies for Reopening Schools (Harvard)
    - Healthy Buildings (Harvard)
    - The risk of infection is in the air (Technische Universität Berlin)
    - How to use ventilation and air filtration to prevent the spread of coronavirus indoors. (The conversation)
    - Effect of ventilation improvement during a tuberculosis outbreak in underventilated university buildings. (Indoor air)
    - Transmission of SARS-CoV-2 by inhalation of respiratory aerosol in the Skagit Valley Chorale superspreading event. (Indoor air)
    - Coronavirus : 90 % des contaminations se produiraient de façon aéroportée dans les lieux clos et mal ventilés (Caducée)
    - It Is Time to Address Airborne Transmission of Coronavirus Disease 2019 (Clinical Infectious Diseases)
    – Préconisations pour améliorer la ventilation de bâtiments existants (air.h)
    – Aerosol and surface contamination of SARS-CoV-2 observed in quarantine and isolation care (Scientific reports)
    – How can airborne transmission of COVID-19 indoors be minimised ? (Environment International)
    - Far-UVC light (222 nm) efficiently and safely inactivates airborne human coronaviruses. (Scientific report)
    - UV air cleaners and upper-room air ultraviolet germicidal irradiation for controlling airborne bacteria and fungal spores (J. Occup. Environ. Hyg.)
    - Back to Normal : An Old Physics Route to Reduce SARS-CoV-2 Transmission in Indoor Spaces (ACS Nano)
    - COVID-19 Prävention : CO2-Messung und bedarfsorientierte Lüftung
    - Aerosolforscher : “Wir müssen ein ganz anderes Lüftungsverhalten entwickeln”

    http://www.groupejeanpierrevernant.info/#Ventilation

    #covid-19 #coronavirus #espaces_fermées #salles #cours #école #université #air #contamination

    siginalé par @colporteur ici parmi d’autres liens:
    https://seenthis.net/messages/879663