@reka en fait ce roman sur lequel je suis en train de travailler sâintitule Elever des chĂšvres en ArdĂšche, je tâen copie colle un extrait :
DerniĂšrement jâavais eu un petit diffĂ©rend avec mon directeur fonctionnel, comme on dit, je lâavais trouvĂ© dans son bureau pour lui expliquer que sâagissant de sa derniĂšre demande dâĂ©tude de faisabilitĂ© dâinstallation dâune application dâenregistrement des sessions de nos prestataires â je mâexcuse pour le remarquable enchĂąssement de gĂ©nitifs, frĂ©quent dans lâinformatique et dans le langage de lâentreprise, un mouchard sur le PC des intĂ©rimaires , si vous prĂ©fĂ©rez, nâhĂ©sitez pas Ă mâinterrompre quand certains dĂ©tails techniques de la conversation vous donnent de la difficultĂ©, une question nâest jamais stupide, il vaut mieux passer pour un idiot cinq minutes que de rester un idiot toute sa vie, il nây a pas de tabou entre nous, pas de sujets non plus â jâavais un problĂšme, un sujet , comme on dit, pour ne pas dire problĂšme , que je nâavais pas hĂ©sitĂ© de qualifier de philosophique , je voulais surtout Ă©viter le mot politique â mĂȘme sujet politique ne serait pas bien passĂ© â, tant je trouvais que sa demande nâĂ©tait pas trĂšs respectueuse de lâintimitĂ© des personnes pour lesquelles cette application serait installĂ©e. Il a beaucoup tiquĂ©, me demandant si jâĂ©tais sĂ©rieux, puis se rendant compte, on ne sait jamais avec moi paraĂźt-il, que je lâĂ©tais, tout ce quâil y a de plus sĂ©rieux, il sâest dâabord, avec une belle constance que je dois lui reconnaĂźtre, employĂ© Ă mâexpliquer quâil y avait dans cette demande dâĂ©tude des enjeux financiers pour la TrĂšs Grande Entreprise, cliente de la TrĂšs Grande Entreprise qui mâemployait encore au dĂ©but de lâannĂ©e, que de dĂ©roger Ă cette Ă©tude de conception risquerait surtout de mâattirer des ennuis. Il devenait contrariĂ© quand je lui faisais remarquer quâen fait je prĂ©fĂ©rais avoir des ennuis que de devoir contribuer, dâune façon ou dâune autre, Ă ce que je commençais Ă appeler par son nom, câest-Ă -dire une saloperie, une vraie saloperie ai-je dit finalement â me retenant, in extremis , de dire ce que je pensais vraiment, une putain de saloperie . Un peu Ă court dâarguments mon patron mâa signifiĂ© quâil me trouvait irrĂ©aliste, quâil ne me prenait pas au sĂ©rieux et quâil fallait vivre â quâil fallait donc rĂ©flĂ©chir aux conditions dâinstallation dâun programme qui permettrait dâenregistrer de fond en comble toutes les actions, clics, copies dâĂ©cran et saisies des prestataires â et que sinon il y avait Ă©lever des chĂšvres en ArdĂšche. Pour nous dĂ©tourner de mon sujet, de mon problĂšme philosophique, des fois jâexagĂšre, je lui ai promis que lors de mes prochaines vacances dans les CĂ©vennes, je ne manquerai pas de lui rapporter un pĂ©lardon de la Cezarenque. « Un quoi ? » a-t-il demandĂ©.