À l’évidence, pour qu’une réforme de l’Éducation soit conçue à la mesure de l’urgence que les gouvernements semblent y attacher, la réflexion doit partir d’un point extrémal : en quoi l’École est-elle nécessaire ? En quoi observe-t-elle le monde tel qu’il est au présent, en quoi transmet-elle la volonté de le transformer ? S’il est réputé faire consensus que les enfants y apprendront la vie en société, il n’est pas évident que les enfants y développeront d’autres compétences que celles déduites de tâches plates et scolaires de mémorisation.
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Les piètres résultats en France sont le prix à payer d’un système tout entier érigée vers la constitution d’une élite, qui en elle seule recèlerait la capacité de présider aux destinées de la Nation, la recherche des talents rares, la détection des exceptions qui feront la règle consacrant l’idée d’un messianisme méritocratique. En formulant l’hypothèse de l’exception de quelque uns, on l’induit.
Or, nous avons ici la conviction que l’école républicaine, dont les fondements sont acceptés par tous, parents d’élèves en tête, demeure un des lieux les plus violents de notre société, celui où l’on construit le succès des uns sur l’humiliation des autres. […] L’école peut-elle demeurer le lieu trop commun où l’on enseigne le culte de la culture, l’autorité et la soumission à de grandes figures dont on nous abreuve du génie ?
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Essentiellement, lorsqu’il s’agit de faire évoluer l’ensemble de ce système, deux attitudes s’opposent : d’une part la crispation autour d’un passé mythifié, celui où les élèves apprenaient sans broncher, sous la férule d’un professeur drapé d’une aura ou d’une autorité légitime, cette autorité par défaut devenant alors l’évidence initiale et première à l’ensemble du système, nous y reviendrons - d’autre part le choix d’un système articulé autour de l’ouverture, du partage du savoir, et d’une autorité professorale qui ne serait pas première mais construite, consentie plus qu’imposée, et qui en tout état de cause ne serait pas le cœur du dispositif éducatif mais un collatéral accepté et second à l’épanouissement des élèves et des enseignants, le tout formulé dans une relation mûre où au fond l’enseignant deviendrait pour les élèves un partenaire de savoir.
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Il ne s’agit donc pas de numériser nos vieilles méthodes pédagogiques en apposant le terme numérique à chaque utilité scolaire : cartable numérique, tableau numérique, etc..
Il s’agit de transformer un système qui ne se gravit qu’à la maîtrise de la répétition-restitution, l’enjeu n’étant pas de savoir mais de comprendre.
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Pour mémoire, un nourrisson apprend largement du fait qu’il est en constant déplacement, qu’il tente tout, qu’il explore son environnement : abattons donc les cloisons physiques entre les classes, ré-agençons les espaces de l’école, car, aussi naturel que cela puisse paraître, asseoir un enfant dans une classe est un acte d’autorité d’une invraisemblable violence et 15 ans durant l’’élève’ ne sera ni debout ni libre de ses mouvements.
L’apprentissage des langues informatiques ne doit pas être considéré comme un luxe éducatif. Ces langues sont devenues une nécessité, aussi importantes que le sont les mathématiques. Outil d’apprentissage de la rigueur et de la concentration, elles sont parties prenantes des nouvelles humanités.
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Au fond, il s’agit de revoir avec humilité l’ensemble des processus de diffusion du savoir. Partons d’un constat simple : les enfants acquiert le langage à une vitesse vertigineuse pendant les première années de leur vie, alors qu’ils ne connaissent ni grammaire ni conjugaison, (ce constat devrait être l’occasion d’un plaidoyer appuyé pour la fin de la notation et contre la culpabilisation de l’erreur par l’obsession du zéro-faute). Les enfants en très bas âge ont des capacités remarquables et évoluent selon une courbe d’apprentissage sensiblement constante d’un milieu à l’autre, d’une société à l’autre, d’une culture à l’autre. A quelques semaines d’intervalle, les compétences motrices, sensorielles sont acquises de façon exceptionnellement synchrone.
Nous formulons l’hypothèse que c’est le jour de l’entrée à l’école que l’ensemble de ces capacités déclinent, le processus de différentiation sociale en exagérant ou en limitant les effets.
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