Pour mémoire, mon commentaire en réaction aux articles enthousiastes de Florence Aubenas et Adrien Jaulmes annonçant la joyeuse libération d’Alep en juillet 2012, dans un signalement de @raphael : Les envoyés spéciaux du Monde et du Figaro, Florence Aubenas et Adrien Jaulmes, continuent leur reportage embedded dans la même unité de l’ASL à Alep . #j'aime_me_citer
►http://seenthis.net/messages/80021#message80133
Alep n’était pas une ville en guerre, et s’était notoirement tenue à l’écart des combats depuis plus d’un an (comme Damas). Des manifestations, oui, des combats, non. Une ville de pas loin de 2.000.000 d’habitants (ou « civils » dans le jargon) qui n’ont pas choisi de se battre pour ou contre le régime, et à qui la guerre est imposée de l’extérieur. (Attaquer une ville n’est tout de même pas la même responsabilité qu’attaquer une base militaire.) Par ailleurs, la « bataille d’Alep » n’a pas été annoncée à l’avance, et les journalistes français sont arrivés dès la « libération » de la ville. De fait, les deux journalistes français sont bien entrés dans la ville à bord de véhicules de l’Armée syrienne libre (ils avaient aussi le chahada sur le capot, comme on peut le voir sur la photo publiée hier sur Al Jazeera ?) au moment même de sa « libération » ? Genre : ils ont été prévenus de l’attaque de la ville avant l’attaque, ils étaient quelque part avec l’Armée libre à attendre que ça se passe, et hop, ça tombe bien ils étaient à côté d’Alep ?
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Ensuite, de quoi peut-on prétendre rendre compte dans ces conditions ? Il y a un car de journalistes occidentaux qu’on promène. Ils arrivent avec l’Armée libre. Armée dont les soldats arborent des bandeaux noirs avec la profession de fois islamique sur le front (jihadiste style), qui ont la même chahada sur les capots des tous leurs pickups, et qui ont nommé leur division d’un quelconque martyre du Coran. Depuis des mois, il y a de grosses rumeurs d’atrocités. Quelques jours auparavant : sur les frontières, les jihadistes (qui se montrent avec des drapeaux d’Al Qaeda) auraient démembré un sergent de l’Armée régulière. On lit dans les journaux des interviews de militants qui annoncent qu’ils font le jihad et qu’ils vont tuer non seulement tous les alaouites, mais aussi tous les partisans du régime. (Et tu peux être certain que ce genre de rumeurs est bien arrivé partout en Syrie, le régime trouvant ces anecdotes fort utiles.) Et personne n’ignore que lorsque l’Armée libre prend un quartier, l’Armée régulière arrive peu de temps après et n’hésite pas à bombarder lourdement ce quartier. Voilà, tu es un commerçant d’Alep, tu n’es ni pour ni contre, tu n’aimes pas trop le Régime, mais tu crains cette armée de « libérateurs » dont on te raconte quotidiennement qu’ils pratiquent des atrocités, et tu sais que si la guerre arrive chez toi, tu vas tout perdre, et tes enfants risquent de mourir, tu sais que ton grand fils un peu exalté a envie d’aller se battre (et tu préférerais qu’il finisse ses études vivant), et le jour même où cette fameuse armée débarque, elle te lâche un car de journalistes occidentaux (dont tu ne parles pas le langue, ça tombe bien), avec des caméras, des photographes, et qui est lourdement « protégée » par des membres de l’Armée libre. Et on te demande ton avis…