[infokiosques.net] - Ceci nâest pas une #bavure
âșhttps://infokiosques.net/lire.php?id_article=1303
« Depuis le dĂ©but des annĂ©es 2000, douze personnes en moyenne par an sont tuĂ©es par la police. Vous ĂȘtes au courant que 2012 a Ă©tĂ© lâannĂ©e la plus meurtriĂšre en terme de #crimes policiers ? Le collectif Vies VolĂ©es [1] en a recensĂ© 18, soit un tous les vingt jours ! Le profil-type de celui qui tombe : un jeune homme des quartiers populaires, dont la famille vient du Maghreb ou dâAfrique subsaharienne. »
Au-delĂ des « courses-poursuites », il y a tous ceux qui dĂ©cĂšdent des suites de mauvais traitements infligĂ©s par les forces de lâordre dans les voitures de la BAC et les fourgons de police, ou au cours de gardes-Ă -vue. Certains sâen sortent avec quelques hĂ©matomes, dâautres se retrouvent Ă lâhĂŽpital avec des sĂ©quelles physiques plus lourdes, ou dans le coma. Ainsi, Lamine Dieng, 25 ans, meurt en juin 2007 Ă Paris dans un fourgon de police, aprĂšs avoir Ă©tĂ© immobilisĂ© sur le sol, face contre terre, le bras droit passĂ© par-dessus lâĂ©paule et menottĂ© Ă son bras gauche repliĂ© dans le dos, une sangle de contention entravant ses pieds [2]. Abdelhakim Ajimi, 22 ans, est interpellĂ© par la BAC en pleine rue suite Ă une altercation avec son banquier, en mai 2008 Ă Grasse. Les « baqueux [3] » lui font une clĂ© dâĂ©tranglement, le frappent et sâassoient sur lui, entourĂ©s de policiers municipaux, sous le regard de nombreux tĂ©moins qui le voient devenir violacĂ© et perdre conscience. EmbarquĂ©, il arrive mort au commissariat [4]. Ou encore Wissam El Yamni, 30 ans, interpellĂ© et lynchĂ© sur un parking de son quartier Ă Clermont-Ferrand, alors quâil fĂȘtait le Nouvel An 2012. ArrivĂ© inanimĂ© au commissariat, il tombe dans le coma et dĂ©cĂšde Ă lâhĂŽpital neuf jours plus tard [5].
Les armes dites « non-lĂ©tales » (flashball, taser) qui prolifĂšrent dans lâarsenal policier depuis quelques annĂ©es ont elles aussi fait de nombreux blessĂ©s et morts. Ă lâinstar de Mahamadou Marega, 38 ans, tuĂ© par la BAC dans un foyer de travailleurs immigrĂ©s Ă Colombes en 2010. Il est matraquĂ©, reçoit des salves de gaz lacrymogĂšne puis dix-sept dĂ©charges Ă©lectriques de 50 000 volts administrĂ©es au taser, pistolet Ă impulsion Ă©lectrique. Il dĂ©cĂšde dans lâascenseur, entravĂ© aux mains et aux pieds [6].
Depuis plus de quarante ans, lâhistorien Maurice Rajsfus fait le dĂ©compte des morts causĂ©es par la police [7]. Son recensement Ă©claire une rĂ©alitĂ© largement ignorĂ©e. Dans les annĂ©es 1980, en moyenne cinq personnes par an dĂ©cĂ©daient au cours dâune opĂ©ration de police, onze dans les annĂ©es 1990, douze depuis 2001 [8]. Ces dĂ©cĂšs ne sont pas que le fait de brutes Ă©paisses dâextrĂȘme-droite. Les mĂ©thodes sâĂ©tant en quelque sorte « policĂ©es », les faits semblent moins sensationnels, et il est plus aisĂ© dâinvoquer lâaccident. Il nâen reste pas moins que les policiers « polis » et « bien formĂ©s » tuent, avec des mĂ©thodes aussi banalisĂ©es que mortelles. La clĂ© dâĂ©tranglement ou le pliage â techniques dâimmobilisation pouvant entraĂźner la perte de conscience et lâasphyxie â sont enseignĂ©s Ă lâĂ©cole de police. Nâimporte quel policier assermentĂ© les maĂźtrise. Les agents qui ont tuĂ© Abdelhakim Ajimi, par exemple, nâavaient pas la rĂ©putation dâĂȘtre particuliĂšrement violents. TraĂźnĂ©s devant le tribunal par la famille du jeune homme, ils dĂ©clareront nâavoir fait quâappliquer les gestes appris [9].
La violence, les mutilations et les crimes commis par les policiers et les gendarmes français ne font pas couler lâencre et la salive des journalistes et des sociologues, par ailleurs trĂšs enclins Ă commenter les « statistiques de la dĂ©linquance », le « malaise des banlieues » ou les agissements des « casseurs » dans les manifestations. Comment expliquer ce dĂ©ni ?