Que penser de cet article de Julien Salingue : serait-ce une nouvelle leçon d’humanisme ou un appel face au silence ?
Massacres à Alep : lettre à un « camarade » qui s’obstine à justifier l’injustifiable
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Il y a bien d’autres problèmes avec ton analyse, « camarade », mais je ne veux pas abuser de ton temps. D’ailleurs, pour avoir eu souvent l’occasion de discuter de vive voix avec toi de ces « problèmes d’analyse » en confrontant, à ta « géopolitique » et à ton « anti-impérialisme », les faits et la chronologie réelle des événements, je sais que tu n’aimes pas trop ça, les faits. Ils sont vraiment trop têtus.
Car c’est beaucoup plus simple de venir provoquer ou semer le trouble via des posts/commentaires Facebook ou dans des forums de discussion que de prendre le temps d’avoir un échange un peu précis et argumenté.
Alors au cas où tu serais quand même tenté de céder à la facilité et de vouloir jouer à ce petit jeu, je te soumets quelques remarques « préventives » :
– Avant de me dire que je défends les mêmes positions que les États-Unis, la France, l’Arabie saoudite, le Qatar, BHL ou quelques autres « compagnons encombrants », souviens-toi que, si on raisonne de la sorte, tu défends de ton côté les mêmes positions que la Russie, l’Iran, le maréchal Sissi, François Fillon ou Marine Le Pen, et demande-toi si c’est un argument.
– Avant de me dire qu’Israël a bombardé, depuis 2011, à une quinzaine de reprises, des positions du régime Assad, et que ceux qui sont contre Assad sont donc avec Israël, souviens-toi qu’en juin dernier Poutine déclarait, au terme d’une rencontre avec Netanyahu avec lequel il venait de signer plusieurs accords commerciaux, ce qui suit : « Nous avons évoqué la nécessité d’efforts conjoints dans la lutte contre le terrorisme international. Sur ce plan, nous sommes des alliés. Nos deux pays ont une expérience importante en matière de lutte contre l’extrémisme. Nous allons donc renforcer nos contacts avec nos partenaires israéliens dans ce domaine ». Et demande-toi si c’est un argument.
– Avant de me dire que la rébellion syrienne en a appelé aux pays occidentaux pour recevoir des armes et bénéficier d’un appui militaire conséquent, notamment aérien, et que ça cache forcément quelque chose, souviens-toi que les forces kurdes que tu admires tant – à juste titre – depuis qu’elles ont repoussé Daech à Kobané ont fait exactement la même chose, et qu’elles ont, elles, obtenu cet appui, au point qu’elles ont remercié publiquement les États-Unis de leur soutien, et demande-toi si c’est un argument.
– Avant de me dire que la rébellion syrienne, quand bien même on aurait pu avoir au départ de la sympathie pour elle, est aujourd’hui confisquée par des forces réactionnaires issues de l’islam politique, et que certaines de ces forces n’hésitent pas à s’en prendre violemment à des civils ou, variation sur le même thème, que c’est vraiment tragique de bombarder des civils mais que c’est parce que les terroristes se cachent parmi eux, quand ils ne les utilisent pas comme boucliers humains, souviens-toi que c’est le discours de ceux qui veulent justifier les campagnes de bombardements meurtriers sur Gaza, et demande-toi si c’est un argument.
– Avant de me dire que les insurgés syriens sont des « alliés objectifs » de Daech, souviens-toi que Daech a été chassé d’Alep au début de l’année 2014 par ceux qui sont en train de se faire aujourd’hui massacrer par Assad, réfléchis ensuite au concept d’« allié objectif », et demande-toi si c’est un argument. Tu peux aussi repenser, si tu n’es pas convaincu, à ce qui a été rappelé plus haut à propos des véritables cibles des bombardements de la coalition, et te demander une deuxième fois si le coup de l’« allié objectif » est un argument.
– Avant de me dire, enfin, que ceux qui dénoncent Assad et Poutine « oublient » de dénoncer les massacres commis par les grandes puissances occidentales et par leurs alliés, sache que parmi ceux qui se mobilisent pour Alep, nous sommes nombreux à nous être mobilisés pour Gaza, contre les interventions militaires en Afghanistan, en Iraq, en Libye ou ailleurs, et que nous ne renonçons pas, contrairement à toi qui as choisi de ne pas être dans la rue hier soir pour dénoncer la boucherie en cours, à notre cohérence politique, à nos idéaux et à l’anti-impérialisme. Et demande-toi si c’est un argument.