Tout cela est bien intéressant ! Quelques autres pistes de discussion…
– Je suis un peu vieux Web, alors tout de même : The medium is the message. Du coup, j’ai du mal à croire que, même avec la meilleure volonté du monde, refaire un « anti-20h », identique dans la forme au « 20h », avec le même rythme, avec des journalistes professionnels largement issus de la télévision, etc., ça puisse produire quelque chose de très « anti ».
D’ailleurs tout à son enthousiasme, Schneidermann (dont honnêtement je n’attends pas qu’il tienne un discours bien révolutionnaire sur les médias) souligne que ça manque encore de moyens et de budget, de professionnalisme, de rythme. Et donc on revient bien, fondamentalement, à cette contradiction d’un « anti-médium-20h » qui ne sera crédible que lorsqu’il répondra bien au cahier des charges d’un « médium-20h »… à quel prix, pour quel message ?
– Ça j’ai bien conscience que je ne suis pas la cible, vu que je n’ai pas regardé un 20h à la téloche depuis sans doute 30 ans. Mais alors : à qui c’est censé s’adresser ? N’est-ce pas destiné à une audience qui a déjà rompu avec le consensus des grands médias mainstream et qui cultive déjà largement d’autres supports d’information ? Pourquoi m’opposer la critique d’être « hyper-connecté » (ce que je suis, oui – mais LeMediaTV, c’est pas le 7e bouton de la vieille télévision où l’on change les chaînes depuis le fauteuil avec le manche du balais : c’est une chaîne Youtube) par rapport aux « vrais gens », alors qu’il me semble qu’on cible là des gens qui, justement, ont déjà été touchés par autre chose que les médias officiels du macronisme triomphant ?
Et puisque ces gens ont déjà rompu avec le format « chaque soir le gouvernement vous parle dans le poste », pourquoi ramener ces gens dans le format anachronique du 20h ?
– Surtout, je voudrais revenir à cette petite période historique qui a été la nôtre, celle du « Web indépendant ». Pour ma génération, l’internet, c’est la promesse de l’accès réel pour tous à l’expression publique ; c’est un changement de paradigme fondamental dans notre rapport aux médias et à l’information. Pour moi, ce n’est pas un échec, mais ça reste un combat à poursuivre pour échapper à la perversion de l’expression publique pour tous en personal branding et en indignation stérile et préformatée, contre la méfiance généralisée envers les expressions non mainstream, toutes choses dont on a rapidement mesuré les effets dès que les blogueurs ont commencé à cesser de ses référencer entre eux, et que les sites « alternatifs » n’ont quasiment plus eu comme possibilité de se faire connaître que le Portail des copains, ou un buzz occasionnel sur Facebook grâce à une indignation qui tombait bien dans l’air du temps.
Et dans ce cadre, la notion de flux et d’entrées multi-sources, tel qu’on le pratique sur le Portail, sur Seenthis, mais aussi sur Twitter…, ça me semble l’alternative la plus crédible aujourd’hui pour éviter d’en être réduit à revenir à l’abonnement payant à des médias certifiés conformes par le Décodex.
Et du coup, refaire un « 20h » au principe (forcément) hypercentralisateur, avec ses « journalistes » réguliers, experts tous-terrains, un format de diffusion qui ne facilite pas l’hypertexte, je reviens à MacLuhan : ça ne peut pas être le bon message (aussi sympathiques que soient ces gens et ce qu’ils disent).
– Pour être bien clair : je ne suis pas contre le principe de ce « grand média » de gauche sous forme de chaîne Youtube, avec son financement et donc ses professionnels compétents, des rendez-vous plus ou moins réguliers… (par exemple les entretiens d’Aude Lancelin, je suis assez client). Et qu’ils arrivent à soulever l’enthousiasme et fédérer autant de bonnes volontés, je dis youpi. C’est juste cette histoire de format-20h qui me gêne et que je n’arrive pas à suivre (ou alors, comme Meg, en mode « radio » pendant que je cuisine).
– Problématique un peu tout de même la place des « vedettes » de la gauche. Sans doutes sympathiques, mais pfff. J’ai déjà dit que quand j’étais gamin, les « références intellectuelles » de la gauche populaire, c’étaient des chanteurs de variété… ça ne nous a pas aidés tout de même. Du coup, le risque du recyclage de vieilles vedettes « de gauche », il me semble réel.