Nos propres mouvements, Bizi, ANV-COP21 et Alternatiba, ont ainsi organisé une « Marche des portraits » à Bayonne le matin du dimanche 25 août, dans la zone interdite à toute manifestation. Il s’agissait d’une action de désobéissance civile non-violente qui était annoncée publiquement à l’avance aux médias et sur les réseaux sociaux. Bizi en avait préalablement informé la plateforme anti-G7, mais il s’agissait d’une initiative organisée complètement en dehors de la plateforme. Nous y avons fait apparaître des portraits officiels de Macron qui ont été décrochés dans des mairies et réquisitionnés au cours des six derniers mois, qui sont recherchés par les autorités comme l’attestent les 74 perquisitions subies par les activistes d’ANV-COP21, les 152 personnes auditionnées, dont 93 placées en garde à vue ; et qui donnent lieu à une répression pro-active orchestrée par les autorités avec notamment la mobilisation du Bureau de Lutte Anti-Terroriste, une directive de la gendarmerie nationale pour inciter les maires à déposer un maximum de plaintes contre nous, et les 57 activistes d’ANV-COP21 poursuivi·es en justice dans 17 procès.
Contrairement à l’intox relayée par le Canard enchaîné, émanant probablement d’une manipulation des autorités, aucune négociation avec la préfecture n’a eu lieu concernant cette action (lire les détails dans le communiqué de presse de démenti). Les autorités auraient pu intervenir facilement par la force pour empêcher cette provocation non-violente qui a consisté à déambuler avec des portraits recherchés à quelques mètres seulement des forces de l’ordre. Si elles ne l’ont pas fait, c’est que l’image d’arrestations pour des tableaux emballés (dont la plupart étaient des leurres) qui aurait alors été relayée par les nombreux médias présents, aurait été bien plus coûteuse politiquement pour le gouvernement. Notre objectif politique était de profiter de la présence exceptionnelle de nombreux médias internationaux pour montrer que dans son propre pays, l’image internationale de Macron « Champion de la Terre » et héros du climat est contestée. L’objectif tactique étant, face à un dispositif policier que nous jugions infranchissable et impossible à déborder, de déplacer la lutte sur un terrain politique sur lequel l’utilisation de la force était inopérante.
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Notamment, en ce qui concerne l’opération baptisée « Arc-en-ciel » qui prévoyait d’occuper 7 places entourant Biarritz. Prévue par une partie des mouvements de la plateforme, elle n’a finalement pas été menée. Les mouvements Bizi, Alternatiba et ANV-COP21 n’étaient pas impliqués dans l’organisation de cette opération, et encore moins dans la décision de son annulation.
La brève du Canard enchaîné selon laquelle de « discrètes négociations » avec les autorités auraient convenu de l’annulation de l’opération Arc-en-ciel contre l’autorisation officieuse de la Marche des portraits est une intox totale, émanant probablement des autorités elles-mêmes.
Nos mouvements Bizi, ANV-COP21 et Alternatiba n’avaient d’ailleurs aucun intérêt à ce que la Marche des portraits soit autorisée, bien au contraire. L’option tactique de cette action de désobéissance civile résidait dans le dilemme qu’elle posait aux autorités : nous étions certains d’être gagnants dans tous les cas de figure, que les autorités interviennent ou qu’elles nous laissent faire malgré l’interdiction. Et un scénario avec arrestations par les forces de l’ordre était même le plus intéressant pour nous, car il aurait aidé à donner un écho médiatique encore plus large à l’action. Nous avions par ailleurs prévu de pouvoir joindre des avocats pour défendre les personnes qui auraient pu être arrêtées ou poursuivies en justice suite à cette action.
Qui a pu inventer pareille intox ? Ça ne peut pas venir des organisations impliquées dans l’opération Arc-en-Ciel, qui n’étaient aucunement investies dans l’organisation de la Marche des portraits, et qui n’avaient pas d’intérêt particulier à négocier quoi que ce soit sur la réaction des autorités à ce sujet, et surtout pas au prix de l’annulation de ce qui devait être le final en apothéose de la mobilisation anti-G7.
Il n’y a que les autorités qui ont un intérêt objectif évident à cette intox. Le mouvement altermondialiste s’est révélé à l’issue de ce G7 peu puissant, désorganisé, et divisé. Cette faiblesse des mobilisations présente le risque d’accroître les divisions, et ainsi de nous désorganiser encore davantage, de faire perdre du temps à tout le monde en querelles internes, de nous fragiliser et d’abîmer notre crédibilité. Cette intox a de suite eu cet effet de division en alimentant les polémiques déjà en cours sur la “docilité” reprochée aux organisateurs de l’anti-G7, tout en décrédibilisant les organisateurs de la Marche des portraits.
Concernant cette Marche des portraits, cette intox transforme un dilemme politique que les autorités n’ont pas pu résoudre, en prétendue négociation intelligemment menée par l’Intérieur. Plutôt que d’apparaître incapables de gérer l’apparition publique, dans la zone la plus sécurisée de l’hexagone, de portraits officiels recherchés partout par les forces de l’ordre, il est encore préférable pour le gouvernement d‘apparaître comme l’ayant laissé faire.
Avec une seule intox toute simple, de quelques lignes, facile à répandre, et audible sur fond de polémiques entre différents courants militants, le gouvernement gagne absolument à tous les niveaux. Porter du crédit et relayer cette intox fait clairement le jeu des autorités, qui ont tout à gagner à exploiter les divisions du mouvement à un moment où il s’avère en position de faiblesse momentanée.