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  • Les petites mains nord-coréennes de Fructofresh, en Pologne

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/01/26/les-petites-mains-nord-coreennes-de-fructofresh-en-pologne_5069357_3244.html

    Depuis 2004, cette entreprise polonaise de salades de fruits gagne des parts de marché en ajoutant des additifs interdits dans ses produits et en employant des travailleuses nord-coréennes dans son usine de Czarnowice.

    Depuis l’esplanade du centre-ville de Gubin, on ne voit qu’elle. L’ancienne usine de chaussures, qui employait plus de 2 000 personnes à la fin des années 1980, n’est aujourd’hui qu’un vaisseau fantôme promis à la démolition. Victime de la désindustrialisation qui a suivi la chute du mur de Berlin, cette cité de 15 000 âmes de l’extrême ouest de la Pologne vivote désormais grâce aux salons de coiffure bon marché et aux magasins de cigarettes fréquentés par les habitants de Gubin, la partie allemande de la ville-frontière. Beaucoup de Polonais font le chemin inverse et franchissent chaque jour le pont enjambant la rivière Neisse, gelée en cette mi-janvier, pour chercher du travail en Allemagne.

    Gubin perd peu à peu ses forces vives, attirées par le pouvoir d’achat de l’autre rive, lassées aussi des cadences et des bas salaires imposés par les entreprises locales. A 8 kilomètres de là, à Czarnowice, Fructofresh a fait fuir bon nombre de ses salariés. En mai 2014, deux employées levaient le voile, dans l’hebdomadaire local Tygodniowa, sur la réalité de l’usine. Elles avaient touché 649 zlotys (150 euros) en un mois – le salaire de base avoisine les 400 euros en Pologne – et dénonçaient un véritable « camp de travail ».

    L’entreprise de fabrication de salades de fruits et de jus de fruits frais est l’un des principaux fournisseurs du marché français grâce à deux intermédiaires, le groupe Pomona, premier distributeur français de produits alimentaires aux professionnels, et la société Bharlev, un fabricant de salades et jus de fruits frais qui complète sa production par de la marchandise en provenance de Fructofresh. Des chaînes hôtelières de l’envergure d’Accor et Hilton, des géants de la restauration collective comme Sodexo ou encore l’Assemblée nationale s’approvisionnent auprès de ces deux opérateurs français.

    « Plus aucun Polonais ne veut rester »

    Fructofresh, née en 2004, exporte vers l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, la France, l’Irlande ou le Luxembourg et a reçu en 2008 le Prix de l’entreprise polonaise enregistrant la plus forte croissance de l’année. Neuf ans après, un double scandale menace d’entacher la réussite spectaculaire de cette entreprise ­familiale qui affirme avoir réalisé un chiffre d’affaires de plus de 10 millions d’euros en 2016 : la présence dans ses salades de fruits frais d’un additif alimentaire interdit, et l’emploi d’une main-d’œuvre nord-coréenne dans des conditions sociales indignes pour faire tourner l’unité de production de Czarnowice.

    « Plus aucun Polonais ne veut rester là-bas, raconte sans ambages Ana, la serveuse du Retro, l’un des derniers restaurants encore debout à Gubin. Il n’y a plus que des Ukrainiens et beaucoup de Nord-Coréennes, qui travaillent dans des conditions proches de l’esclavage. » Des Nord-Coréennes recluses au cœur de l’Europe ? « Oui, il y a quelques semaines, j’ai croisé une dizaine d’entre elles, venues faire leurs courses au supermarché », affirme Ana.

    A la sortie du hameau assoupi, où les façades des maisons rappellent que la région fut allemande avant d’intégrer la Pologne en 1945, l’usine étend sa longue silhouette blanche entre champs en friche et fermes isolées. Blanche comme la palissade métallique de 2 mètres de haut qui enclot la fabrique.

    Des caméras de vidéosurveillance et un portique électronique près de l’entrée principale complètent l’allure de Fort Knox de ce fabricant de salades de fruits. Selon Dariusz, un ancien employé de Fructofresh qui a requis l’anonymat, sur les 150 personnes employées sur le site, près de 70 Ukrainiens (hommes et femmes) et près de 50 Nord-Coréennes sont affectés aux ateliers de découpe des fruits achetés dans le monde entier. Des manutentionnaires polonais complètent l’effectif, chargés de remplir les camions qui partent chaque jour à 16 heures vers l’Allemagne et livrent, le lendemain matin, le marché de Rungis.
    Dans un baraquement à l’intérieur de l’usine

    Travailleuses nord-coréennes de Fructofresh à Czarnowice (Pologne), vues de l’extérieur de l’usine.

    La direction de Fructofresh a refusé d’ouvrir ses portes au Monde. Il a fallu patienter de longues heures, à l’abri des regards, pour observer les va-et-vient de cette main-d’œuvre qui embauche vers 6 heures du matin et travaille une douzaine d’heures par jour, un peu moins pendant les mois d’hiver, où l’activité ralentit… et plus encore lorsque la demande atteint son pic, en été.

    Les Nord-Coréennes ont moins de 100 mètres à parcourir pour rejoindre leur dortoir. Elles vivent confinées dans un baraquement, à l’intérieur de l’usine. « Lorsqu’elles ont intégré Fructofresh, en janvier 2015, il a fallu louer un hôtel à Gubin pour les loger, le temps de faire construire un dortoir dans l’usine, explique Dariusz. Mais ça coûtait de l’argent et les allers-retours en ville prenaient du temps. Désormais, la direction les a sous la main et peut les faire travailler à tout moment. »

    Travailleuses nord-coréennes de l’usine Fructofresh rejoignant leur baraquement à Czarnowice (Pologne). Visible au premier plan, un vigile intervient pour faire cesser le travail du photographe.

    A la tombée du jour, alors que quelques ­employés regagnent en bus Gubin et les villages environnants, des grappes de Nord-Coréennes convergent vers le bâtiment neuf construit à l’extrémité des hangars. Elles sont systématiquement escortées par une « surveillante », car le groupe n’a pas d’accès direct au baraquement. Il doit sortir de l’enceinte de l’usine puis longer la route sur 100 mètres et franchir le tourniquet électronique contrôlé par un vigile. Quelques secondes durant, les « invisibles » prennent forme humaine, avant de disparaître à nouveau derrière la haute palissade. La construction d’un nouveau bâtiment est prévue cette année, pour accueillir cette fois le personnel qui gère la production.

    « Ce sont les Nord-Coréennes qui travaillent le mieux ; elles sont très disciplinées, très motivées, très organisées », dit le directeur général de Fructofresh

    A la réception d’un modeste hôtel, à la sortie de Gubin, on confirme les avoir logées pendant sept mois. « Tout a été fait légalement. Les autorisations étaient en ordre, les gardes-frontières venaient contrôler leurs papiers », assure-t-on sur place. Pour autant, ces travailleuses, liées à Fructofresh jusqu’en 2018, ne jouissent d’aucune liberté de mouvement. Elles sont placées sous surveillance constante d’« anges gardiennes » nord-coréennes et, selon plusieurs témoignages, privées de leur passeport.

    Le leader polonais de la salade de fruits frais se montre peu loquace sur ce point. « La question du passeport relève de la compétence de l’employeur de ces salariées, ce que nous ne sommes pas, élude Anna Suchowacka, la directrice des ventes de Fructofresh. Ces personnes sont employées par plusieurs sociétés auxquelles nous faisons appel dans le cadre de contrats de sous-traitance. »

    Cezary Zwoinski, le directeur général de Fructofresh, rencontré à Paris mardi 24 janvier, assume : « Ce sont les Nord-Coréennes qui travaillent le mieux ; elles sont très disciplinées, très motivées, très organisées. » Dariusz avance un deuxième argument : « Lorsque la direction s’est tournée vers une agence de placement pour renforcer son effectif, cette dernière lui a conseillé de choisir des Nord-Coréennes. Des Indiens ou d’autres nationalités auraient peut-être cherché à fuir, la frontière est très proche, a expliqué l’agence. Pas les Nord-Coréennes », dont le moindre faux pas mettrait en péril leur famille restée au pays.

    Près de 50 000 ressortissants nord-coréens à l’étranger

    La politique d’envoi de travailleurs nord-coréens à l’étranger s’est développée après le décès, fin 2011, de Kim Jong-il. Sous le « règne » de son fils Kim Jong-un, l’armée populaire de Corée a multiplié les tirs de missile et procédé à trois essais nucléaires. Le pays subit en retour de nouvelles sanctions. « Kim Jong-un devait trouver des alternatives pour obtenir des devises, qui se faisaient rares », analyse Remco Breuker, titulaire de la chaire d’études coréennes à l’université de Leyde (Pays-Bas), qui a coordonné en 2016 une analyse sur la main-d’œuvre nord-coréenne en Europe, « Slaves to the system ».

    Cité dans cette étude, un Nord-Coréen témoigne qu’une des conditions pour travailler à l’étranger est d’être marié et d’avoir des enfants restés au pays, afin d’éviter la tentation de faire défection. Il confie ne pas avoir eu connaissance du salaire payé par l’employeur européen. « Ils ne nous laissent jamais savoir combien nous sommes censés gagner et combien ils ponctionnent pour les charges, dit-il encore. C’est pourquoi aucun de nous ne sait à quel point nous sommes exploités. »

    Cette migration est connue des instances internationales. D’après un rapport rendu public à l’automne 2015 par Marzuki Darusman, le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme en Corée du Nord, près de 50 000 ressortissants nord-coréens travailleraient à l’étranger, principalement dans le secteur des mines, du textile et de la construction. La majeure partie d’entre eux exerceraient en Chine et en Russie, mais le phénomène gagnerait plusieurs pays d’Afrique et d’Asie, la région du golfe Arabo-Persique, et la Pologne. Les relations entre Varsovie et Pyongyang datent de l’époque soviétique.

    En 2013, l’édition polonaise de Newsweek avait déjà mis en lumière la présence d’employés nord-coréens dans les serres de tomates d’une société agricole, à 25 kilomètres de Varsovie. Un an plus tard, la mort d’un travailleur sur un chantier naval proche de Gdynia, port de la mer Baltique, relançait le dossier. Chon Kyongsu faisait de la soudure lorsque ses habits, inadaptés, prirent feu. L’inspection du travail avait pourtant établi une année plus tôt que 29 ouvriers nord-coréens œuvraient illégalement. Leurs permis de travail ne précisaient pas qu’ils opéraient sur les chantiers navals mais plutôt qu’ils étaient employés par une société intermédiaire, Armex, elle-même en contact avec un conglomérat d’état nord-coréen, Rungrado Trading.

    Prélèvement de 70 % du salaire

    La députée européenne Kati Piri, travailliste néerlandaise, a demandé à la Commission européenne d’engager une procédure contre la Pologne pour infraction aux traités garantissant les droits les plus basiques des travailleurs. L’article 20 de la convention du Conseil de l’Europe contre la traite des êtres humains – signée à Varsovie en 2005 et ratifiée par la Pologne en 2008 – qualifie de « traite » le fait de retenir les documents d’identité d’un individu. « Quel membre de l’Union européenne sommes-nous pour faire venir des esclaves d’un régime totalitaire ? », s’indigne un habitant de Gubin qui craint de s’exprimer à visage découvert.

    Les conditions d’arrivée des Nord-Coréennes de Czarnowice sont difficiles à éclaircir. Y compris pour leurs collègues. « On ne se parle pas trop, car on ne se comprend pas », confie Marina, une ouvrière ukrainienne. « Nous ne sommes pas employeurs de ces salariés. Néanmoins, nous nous sommes assurés que cette main-d’œuvre est employée en conformité avec le droit du travail », se défausse Anna Suchowacka.

    Selon le chercheur néerlandais Remco Breuker, les ouvriers nord-coréens ne sont pas emmenés de force en Europe, ils sont volontaires. Même après le prélèvement de 70 % de leur salaire par la compagnie qui sert d’intermédiaire avec Pyongyang, celui-ci reste un revenu précieux pour leur famille. Et, dans un cadre extrêmement surveillé, cette expatriation est souvent la seule occasion de sortir du pays et de voir de leurs propres yeux l’opulence du monde extérieur.

    Un vélo à Noël

    « On ne peut pas tolérer le travail forcé au sein de l’UE. Nous devons nous assurer que les valeurs européennes les plus fondamentales soient respectées », fait valoir Kati Piri.Même indignation du côté de la Commission européenne. « Nous condamnons fermement toute forme de travail forcé, renchérit Christian Wigand, le porte-parole de Bruxelles pour l’emploi et les affaires sociales. Mais c’est aux Etats membres de décider à qui et selon quelles ­conditions les permis de travail sont accordés. »

    En France, où Fructofresh réalise 40 % de son activité, ses deux principaux clients, Pomona et Bharlev, assurent ne rien savoir de l’existence de cette main-d’œuvre. « Pomona a signé un contrat avec ce fournisseur polonais dans lequel il s’engage explicitement à respecter les conditions d’ordre général en matière de travail en Europe, et au minimum la déclaration de l’Organisation internationale du travail, réagit Jean-Brice Hernu, directeur de Terre­Azur, la filiale de Pomona centrée sur les produits frais. S’il était avéré que ce n’est pas le cas, ça remettrait naturellement en cause la relation commerciale que nous avons avec lui. » « Nous diligentons cette semaine un audit social de cette usine », annonce Jean-Brice Hernu.

    La Pologne a annoncé en juin 2016 avoir cessé de délivrer de nouveaux visas aux travailleurs nord-coréens. A en croire le patron de Fructofresh, Cezary Zwoinski, ses travailleuses nord-coréennes ne font l’objet d’aucune surveillance particulière. Il se targue d’avoir organisé pour elles une excursion touristique et même offert à certaines un vélo à Noël, photos à l’appui. Si toutefois cette filière nord-coréenne venait à se tarir à Czarnowice, l’homme a déjà des alternatives en tête – le Bangladesh et le Népal, par exemple. « Nous réfléchissons à l’avenir », dit-il.

  • La France pourrait produire 100 % d’énergie renouvelable en 2050

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/01/25/le-scenario-d-une-france-100-renouvelable_5068583_3244.html

    Selon l’association d’experts négaWatt, l’Hexagone pourrait s’affranchir du nucléaire et des fossiles au milieu du siècle.

    Les énergéticiens de négaWatt ne prônent évidemment pas le retour à la chandelle. Leur recette, que certains considéreront comme miraculeuse, d’autres comme utopique, fait appel à deux ingrédients de base : la sobriété énergétique (lutte contre les gaspillages, adoption de modes de vie plus économes), et l’efficacité énergétique (amélioration des performances des logements, transports ou équipements). Ensemble, ces deux leviers permettraient de diviser par deux la consommation totale d’énergie en 2050. Un objectif ambitieux, mais qui n’est autre que celui voté par les parlementaires dans la loi de transition énergétique promulguée en août 2015.

    Comment satisfaire une demande en énergie même réduite de moitié ? Par des ressources intégralement renouvelables, répond négaWatt, qui en fait la troisième clé de sa boîte à outils, aux côtés de la sobriété et de l’efficacité. Cet objectif-ci peut sembler encore plus difficile à atteindre. Fin 2015, la part des renouvelables était de 14,9 % en France, la loi de transition énergétique prévoyant seulement de monter à 32 % en 2030. Et, si l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) a elle aussi élaboré un scénario « 100 % renouvelable », celui-ci ne porte que sur la partie électrique, soit un quart du bouquet énergétique global de la France.

    Les « négaWattiens », eux, proposent de tirer un trait définitif sur les combustibles fossiles (pétrole, gaz et charbon) et sur les carburants dérivés du pétrole (essence et diesel), en leur substituant de l’électricité et du biogaz d’origine renouvelable. Ce qui suppose un parc de véhicules entièrement converti à l’électricité ou à des moteurs hybrides électricité-gaz.

    Dans le même temps, ils renoncent complètement à l’atome, qui fournit aujourd’hui les trois quarts du courant consommé en France. Les 58 réacteurs nucléaires seraient tous mis à l’arrêt après quarante ans de fonctionnement, soit, pour les plus récents d’entre eux, entre 2030 et 2040.

    Les experts de négaWatt soulignent en tout cas les retombées bénéfiques de leur approche. Au niveau environnemental d’abord. Leur scénario permettrait à la France de devenir « neutre en carbone » en 2050. C’est-à-dire de n’avoir plus aucune émission nette, non seulement de CO2, mais aussi de l’ensemble des gaz à effet de serre. Cela, à la faveur de nouvelles pratiques agricoles (comme l’agroforesterie) stimulant la fonction de puits de carbone naturel des forêts et des terres agricoles. Et avec comme avantage colatéral une amélioration de la qualité de l’air, de l’eau et des sols.

  • A la découverte d’une mystérieuse barrière de corail au large de l’Amazone

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/01/24/a-la-decouverte-d-une-mysterieuse-barriere-de-corail-au-large-de-l-amazone_5

    Une mission de Greenpeace doit permettre une plongée sous-marine pour observer un massif corallien de 9 500 km² découvert par des scientifiques brésiliens. Notre journaliste, embarqué à bord, relate l’expédition. Voici le premier épisode.

    C’est la première fois qu’une plongée sous-marine va observer de près ce mystérieux récif géant qui s’étend sur 9 500 km², au large des Etats du Maranhão, du Para et d’Amapa, jusqu’à la frontière avec la Guyane française. L’étudier, le montrer au grand public, informer sur la richesse incomparable en biodiversité et l’importance du rôle des coraux, les défendre aussi contre des projets d’exploitation pétrolière offshore, telle est la mission que l’ONG internationale Greenpeace, sous la direction de son organisation brésilienne, entend mener durant trois semaines en plein océan Atlantique, à partir du 24 janvier.

    Le 21 avril 2016, dans un article de la revue Science, une quarantaine de chercheurs brésiliens révélaient l’existence du récif. Depuis 2014, les scientifiques avaient travaillé sur cette découverte surprenante à cet endroit, au large de l’embouchure de l’Amazone. « Les eaux du Rio Amazonas sont très riches en sédiments qui empêchent la lumière de passer et les coraux ont besoin de cette lumière pour la photosynthèse, c’est donc totalement contradictoire », explique Fabiano Thompson, l’un des scientifiques qui a révélé l’existence du massif corallien et qui accompagne l’expédition de Greenpeace.

    Les scientifiques comme les militants de Greenpeace, tous ignorent ce que l’on pourra observer à une centaine de mètres de profondeur. La puissance du fleuve Amazone, avec son débit de quelque 300 000 m3 par seconde, emporte son eau trouble et ses sédiments à des dizaines, voire des centaines de kilomètres des côtes. Le massif se trouve à plus d’une centaine de kilomètres des côtes brésiliennes.

  • Ces lubies vertes qui coûtent « plus cher pour le portefeuille »

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/01/23/ces-lubies-vertes-qui-coutent-plus-cher-pour-le-portefeuille_5067244_3244.ht

    A mesure que les connaissances progressent, les scientifiques parviennent à chiffrer de mieux en mieux les coûts cachés des pollutions diverses

    A l’évidence, la question s’adressait plutôt à Benoît Hamon, le plus écologiste des sept prétendants à l’investiture socialiste et sorti en tête, dimanche 22 janvier, du premier tour de la primaire du Parti socialiste (PS) et de ses alliés. « Est-ce qu’il ne faut pas dire la vérité aux Français, que l’environnement, ça coûte plus cher pour le portefeuille ? », demandait la journaliste Ruth Elkrief, au cours du deuxième des trois débats préalables au scrutin, avant d’ajouter : « Est-ce que mettre fin au diesel n’est pas une question de bobos ? »

    Notons d’abord un superbe reductio ad bobotum, cet artifice rhétorique consistant à disqualifier toute préoccupation sanitaire, environnementale, éthique, etc., en la réduisant à une lubie de « bobos » – cette population coupable d’une variété de méfaits dont les principaux sont leurs penchants pour la bicyclette et le vin naturel.
    Passons, donc, sur la forme et penchons-nous plutôt sur le fond de la question. Préserver l’environnement coûterait « plus cher pour le portefeuille » que ne rien faire. Il s’agirait là, en outre, de « la vérité ». Hélas ! L’exemple du diesel, mis en avant par Ruth Elkrief pour illustrer cette assertion, est mal choisi : la pollution atmosphérique – dont les moteurs diesel sont un important contributeur – coûte chaque année quelque 100 milliards d’euros à la France.

    Coûts cachés des pollutions

    100 milliards d’euros ? Il est vrai que ce chiffre, établi en juillet 2015 par une commission d’enquête du Sénat, ne veut, à lui seul, pas dire grand-chose : il agrège des coûts sociaux (décès prématurés, baisse de la qualité de vie, etc.) dont le chiffrage est périlleux. Mais même en limitant l’analyse à ses seuls coûts financiers tangibles, dus à des maladies (qu’il faut bien soigner), à la dégradation du bâti (qu’il faut bien réparer) ou même à la baisse des rendements agricoles (qui sont autant de pertes pour les agriculteurs), la pollution de l’air pèse, a minima, pour plus de 7,5 milliards d’euros par an.

    Au lieu d’être engagé par la collectivité pour réparer des dégâts, cet argent pourrait être investi dans des projets plus utiles à la société… Nous supportons collectivement les coûts cachés – les « externalités négatives », disent les économistes – de mauvais choix politiques et industriels. L’environnement est le territoire par excellence où se manifestent de telles externalités. A mesure que les connaissances progressent, les scientifiques parviennent à chiffrer de mieux en mieux les coûts cachés des pollutions diverses et dégonflent la baudruche du « l’environnement, ça coûte plus cher pour le portefeuille ».

    C’est vrai pour la pollution de l’air, mais aussi pour les pesticides agricoles (insecticides, herbicides, etc.). Une synthèse de la littérature, publiée, en mars 2016, dans Sustainable Agriculture Reviews par Denis Bourguet et Thomas Guillemaud, chercheurs à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), mettait ainsi en cause le bénéfice économique des produits phytosanitaires, une fois intégrées leurs externalités (dégâts sur la biodiversité, sur la ressource en eau, sur la santé, etc.).

    Une autre analyse, dirigée par Leonardo Trasande (université de New York) et publiée en mars 2015 dans le Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism, évaluait pour sa part à environ 157 milliards d’euros le fardeau économique annuel des perturbateurs endocriniens (pesticides, plastifiants, etc.) en Europe, en tenant uniquement compte de leurs impacts sanitaires.

    Ainsi, la dégradation de l’environnement au sens large ne nous coûte pas moins cher. Elle pèse au contraire de tout son poids sur l’économie. Mais elle le fait discrètement : ces externalités négatives se manifestent en effet de manière diffuse dans l’espace et différée dans le temps.

    Le cas de l’amiante

    Souvenez-vous de l’amiante. Dans les années 1990, ses importateurs et transformateurs juraient la main sur le cœur que la fibre minérale était sans risque lorsque son usage était « contrôlé », qu’il n’existait aucune alternative économiquement viable à son utilisation, que son interdiction déclencherait un armageddon industriel, etc. Bannir l’amiante coûtait « plus cher pour le portefeuille » que le garder dans nos plaquettes de frein et nos faux plafonds.

    L’amiante a aujourd’hui déserté les pages des journaux. La bataille pour son interdiction nous semble de l’histoire ancienne et, pourtant, il continue de peser sur la santé de milliers d’hommes et de femmes, et accessoirement sur les finances publiques. Le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante dédommage, chaque année, les travailleurs malades ou mourants, et leurs ayants droit.

    Entre 2001 et 2016, environ 5 milliards d’euros leur ont été versés, soit une moyenne de quelque 350 millions d’euros par an (450 millions d’euros en 2016). Bien sûr, tout cela est pris en charge par la branche « accidents du travail » de la Sécurité sociale, et de manière marginale par l’Etat, non par les industriels en cause dans ce désastre sanitaire, éthique et aussi économique.

    C’est d’autant plus choquant que nul ne pouvait ignorer, depuis l’étude princeps de Christopher Wagner, publiée en 1960 dans le British Journal of Industrial Medicine, que l’exposition à des niveaux, même très faibles, de fibres d’amiante fait courir un risque significatif de contracter le cancer de la plèvre. Au lieu de mettre la main à leur portefeuille pour trouver des alternatives à l’« or blanc », les industriels de l’amiante ont lutté pour le maintenir sur le marché. Ils ont économisé (un peu), en conséquence de quoi nous payons aujourd’hui collectivement (beaucoup).

    A une précision près, la réflexion de la journaliste n’était donc pas complètement trompeuse. Préserver l’environnement peut en effet coûter un peu « plus cher au portefeuille ». Mais ce n’est pas du nôtre qu’il s’agit.

  • Notre-Dame-des-Landes : les expropriés veulent récupérer leurs terres

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/01/20/notre-dame-des-landes-les-expropries-veulent-recuperer-leurs-terres_5066037_

    L’Etat n’a pas démarré le chantier, les agriculteurs et les habitants exigent donc la rétrocession de leurs biens.

    Dernier épisode de cette bataille juridique, des agriculteurs et des habitants de la zone sur laquelle doit être construite la future plate-forme aéroportuaire, à une vingtaine de kilomètres au nord de Nantes, exigent la rétrocession des terrains et des maisons pour lesquels ils avaient reçu, le 18 janvier 2012, des arrêtés d’expropriation.

    Cinq ans plus tard, ainsi que le permet la loi, plusieurs dizaines d’entre eux ont décidé d’en faire la demande écrite, avec leurs avocats, à l’Etat et à Aéroport du Grand Ouest (AGO), filiale de Vinci et concessionnaire du futur aéroport. Une trentaine de dossiers sont concernés, soit plus d’une vingtaine de personnes, et d’autres demandes devraient suivre. Cela représente dans un premier temps une centaine d’hectares sur les 650 ha de la zone d’aménagement, soit trois corps de ferme et quatre maisons.

    « Victoire morale »

    Les opposants s’appuient sur l’article L 421-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique qui précise : « Si les immeubles expropriés n’ont pas reçu, dans le délai de cinq ans à compter de l’ordonnance d’expropriation, la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans à compter de l’ordonnance d’expropriation. »

  • 2017, année décisive pour les insecticides « tueurs d’abeilles »
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/01/12/2017-annee-decisive-pour-les-insecticides-tueurs-d-abeilles_5061281_3244.htm

    La Commission européenne devait décider, fin 2016, de la suite à donner au moratoire partiel frappant, depuis 2013, certains usages de quatre #insecticides suspectés d’être en cause dans le déclin des #abeilles et des pollinisateurs. Le verdict n’est toujours pas tombé : la Commission maintient le moratoire et annonce au Monde avoir repoussé sa décision à l’automne 2017 – le temps pour l’Autorité européenne de sécurité des aliments (#EFSA) de finaliser une réévaluation complète des risques.

    #Union_européenne #pesticides

  • Le littoral français recule de manière accélérée
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/01/12/le-littoral-francais-recule-de-maniere-acceleree_5061289_3244.html#6ew37RRKF

    Un rempart contre l’océan… Cette parade illusoire ne convainc plus, alors que la puissance de l’érosion à l’œuvre sur une bonne partie des quelque 20 000 km de littoral français, alliée à la montée des eaux, fait reculer les dunes, effrite les falaises, engendre éboulements et submersion marine. Le rythme du changement est encore loin d’être connu partout, mais l’expertise progresse. L’inquiétude aussi : au moins 22 % des côtes reculent, de 10 cm jusqu’à 8 m par an en moyenne.

    Aucun département côtier n’est épargné. La quasi-totalité des falaises de Seine-Maritime, par exemple, reculent. Sous l’effet répété de la houle, des tempêtes, du manque de sédiments et des déséquilibres produits par les ports, barrages et autres digues, 142 communes enregistrent un retrait de 50 cm par an, et dix-neuf de plus de 3 m, tandis que des fonds d’estuaire gagnent quelques centimètres.

    #climat #montée_des_eaux #paywall

  • Vivre près des axes routiers accroît le risque de démence
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/01/05/la-pollution-accroit-le-risque-de-demence_5058034_3244.html

    Le fait de vivre à moins de 50 m d’une voie de circulation importante augmenterait de 7 % le risque de développer une démence. Le risque serait accru de 4 % pour un rayon de 50 à 100 m. C’est l’une des principales conclusions d’une étude menée par une équipe nord-américaine dont le premier auteur est le docteur Hong Chen (Public Health Ontario, Canada). Selon cette enquête qui a pris en compte les données d’une population de plus de 6 millions de résidents de l’Ontario sur une période de onze ans, entre 7 % et 11 % des cas de démence pourraient être attribués à un domicile situé à moins de 50 m d’un axe routier majeur. L’étude est publiée jeudi 5 janvier sur le site de la revue The Lancet.

    Les chercheurs ont également trouvé une association entre la survenue d’une démence et une exposition à long terme à deux polluants liés au trafic routier bien connus, le dioxyde d’azote (NO2) et les particules fines (dont une bonne partie émane des gaz d’échappement, notamment ceux des moteurs diesel). Cependant, ces deux facteurs ne sauraient expliquer à eux seuls l’élévation du risque, selon le docteur Hong Chen et ses collègues.

    Les chercheurs canadiens et américains auteurs de cette étude sont partis des préoccupations croissantes sur les possibilités que « les expositions associées au trafic routier telles que la pollution de l’air et le bruit contribuent aux maladies neurodégénératives ». Des recherches ont montré que les polluants atmosphériques et les gaz d’échappement des moteurs diesel induisent un stress oxydatif et une neuro-inflammation des cellules du cerveau constituant la première défense immunitaire active du système nerveux central.

    http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(16)32399-6/fulltext
    #route #transports #polutions #santé

  • Non, le réchauffement climatique ne s’est pas arrêté en 1998

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/01/06/non-le-rechauffement-climatique-ne-s-est-pas-arrete-en-1998_5058441_3244.htm

    La « pause » observée entre 1998 et 2012 était liée à l’introduction d’une nouvelle technique de mesure. N’en déplaise aux climatosceptiques.

    Pour comprendre, il faut savoir que la température moyenne de la Terre est calculée à partir de millions de points de mesure sur les terres émergées, mais aussi des températures des eaux de surface des océans. Celles-ci étaient principalement relevées par des bateaux, après simple prélèvement d’eau de mer. Mais, au tournant du siècle, sous l’impulsion de l’Unesco et de l’Organisation météorologique mondiale, une flottille de bouées dérivantes – dites « Argo » – a commencé à être déployée pour mesurer directement et en temps réel la température de l’Océan. Des milliers de telles bouées quadrillent aujourd’hui les mers du globe et fournissent la grande majorité des données utilisées par les chercheurs.

    L’introduction d’une nouvelle technique de mesure a donc créé un biais instrumental systématique. En effet, puiser l’eau avant d’en prendre la température « réchauffait » très légèrement les mesures. La montée en puissance des bouées Argo a donc artificiellement « refroidi » la température moyenne terrestre… Les chercheurs de la NOAA ont identifié ce biais et corrigé leurs données. Légèrement, mais suffisamment pour que le « hiatus », la fameuse « pause du réchauffement » soit beaucoup moins évidente.

  • Exposition aux ondes : les tests biaisés des fabricants de téléphones portables
    http://multinationales.org/Exposition-aux-ondes-les-tests-realises-par-les-fabricants-de-telep

    Les niveaux d’exposition aux radiofréquences affichés par les fabricants de téléphones comme #Apple ou #Samsung sont-ils fiables ? Si leurs appareils respectent en apparence les normes européennes dans ce domaine, c’est parce que les tests sont réalisés dans des conditions très éloignées des conditions d’utilisation réelles, avec des téléphones à quelques centimètres de distance des corps. Pour les organisations et les experts qui alertent sur les risques des ondes électromagnétiques, c’est un scandale du même (...)

    Actualités

    / #Le_Monde, #Industries_électroniques, Apple, Samsung, #santé_environnement, normes et (...)

    #normes_et_régulations
    « http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/12/23/soupcons-sur-les-ondes-des-telephones-portables_5053186_3244.html »

  • Le laboratoire qui cultive les légumes sans sol ni soleil

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/12/30/le-laboratoire-qui-cultive-les-legumes-sans-sol-ni-soleil_5055583_3244.html

    A Villeurbanne, la première ferme urbaine de France expérimente une agriculture citadine, à grand renfort de technologies, en lieu confiné et aseptisée.

    Pas de terre ni de soleil, pas de campagne ni de pesticides non plus : les salades et les poivrons de la Ferme urbaine lyonnaise (FUL) se développent en pleine ville, dans une atmosphère confinée et aseptisée. L’ancienne serre de 50 m2 qui les abrite est installée sur le campus de LyonTech-la Doua, à Villeurbanne (Rhône).

    Dans une des deux pièces aux parois obscurcies, surmontée de puissantes rampes de LED, a lieu un drôle de ballet de plants de batavia, de choux rouges, de sauge, d’aneth, d’aubergines, de piments, de thym ou de basilic, tous alignés sur un tapis roulant qui les transporte sur trois étages.

    Au niveau inférieur, des fraises des bois en fleur s’avancent vers la station d’arrosage. Pour elles, c’est la belle saison : la température ambiante est maintenue à 24 °C. L’eau dans laquelle trempent brièvement les godets est ensuite filtrée, traitée par une lampe UV et réutilisée. A l’arrière, de nouveaux végétaux plantés dans un substrat composé de fibres de coco se réveillent dans la pouponnière. Lorsqu’ils arboreront quatre ou cinq feuilles, un robot les déposera sur le tapis roulant et le cycle reprendra. Le système de climatisation, l’ordinateur qui mesure chaque paramètre, les réservoirs d’eau enrichie de sels minéraux occupent la moitié restante de la serre.

    « Mais nous produisons dix fois plus de végétaux pour la même superficie, car ils poussent douze mois sur douze, sur plusieurs niveaux », assure Philippe Audubert. Les plantes de la FUL ont droit à une aube et à un crépuscule réglés en fonction des tarifs de l’énergie.

  • Soupçons sur les ondes des téléphones portables

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/12/23/soupcons-sur-les-ondes-des-telephones-portables_5053186_3244.html

    Les niveaux d’exposition aux radiofréquences annoncés par les fabricants sont dépassés en conditions réelles d’utilisation.

    Dans la hotte des achats de Noël, les téléphones portables figurent en bonne place. Sans que les consommateurs soient clairement avertis de leur exposition aux radiofréquences de ces appareils et à leurs dangers potentiels. Car les données fournies par les fabricants sont fondées sur des tests effectués en laboratoire, selon des procédures très différentes des conditions réelles d’utilisation des mobiles. C’est ce que dénoncent aujourd’hui des militants « anti-ondes », qui y voient « un scandale industriel et sanitaire » de même nature que le « dieselgate ».

    Un « phonegate » donc ? Dans le cas présent, il ne s’agit pas d’une tricherie au sens strict, mais plutôt d’un brouillage des informations données aux usagers, à la faveur d’une réglementation laxiste. Les enjeux sanitaires n’en sont pas moins importants. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé les radiofréquences comme « peut-être cancérogènes pour l’homme ». Et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a estimé, dans un rapport de juillet 2016, que ces ondes ont « des effets possibles sur les fonctions cognitives et le bien-être » des plus jeunes.

    Le dossier est technique, ce qui contribue à son opacité. L’exposition aux radiofréquences émises et reçues par un téléphone portable est mesurée par le débit d’absorption spécifique (DAS), exprimé en watts par kilogramme (W/kg). Il s’agit de la quantité d’énergie absorbée, sous forme de chaleur, par les tissus biologiques. En Europe, une réglementation de 1999 a fixé la valeur à ne pas dépasser à 2 W/kg pour l’exposition de la tête et du tronc, et à 4 W/kg pour les membres.
    Les fabricants respectent bien ces normes… du moins quand l’appareil n’est pas placé au contact du corps. Pour faire certifier leurs modèles, ils font en effet procéder à des essais en laboratoire. L’exposition au niveau de la tête est évaluée, non sur des cobayes humains, mais sur des mannequins remplis d’eau et de sucres. Pour le corps, on se contente de cuves d’eau.

    Or, si, pour les tests au niveau de la tête, la réglementation impose que la mesure soit faite téléphone collé à l’oreille, pour ceux au niveau du reste du corps, elle laisse les industriels libres de fixer la distance à laquelle est placé l’appareil. Et de la choisir en sorte, précisément, que la limite d’exposition ne soit pas dépassée.

    Des notices d’utilisation floues

    A l’exception des modèles les plus récents, pour lesquels la distance lors des tests a été raccourcie, celle-ci était jusqu’ici d’environ 15 mm, avec un maximum de 25 mm. Ces quelques millimètres font toute la différence avec la vie réelle, dans laquelle le portable est couramment porté dans la poche de chemise, de veste ou de pantalon, au contact presque direct avec la peau. Rappelons que même quand l’utilisateur ne téléphone pas, son mobile, lorsqu’il est en veille, reste connecté et source de radiofréquences.

    L’Agence nationale des fréquences (ANFR), l’établissement public chargé du contrôle de ce secteur, a fait procéder à ses propres évaluations, dans des laboratoires européens, sur un échantillon de 95 téléphones mobiles choisis dans différents points de vente entre début 2012 et fin 2014, et 71 autres sélectionnés au cours de l’année 2015. A une distance du corps de 1,5 cm, aucun ne dépassait la limite de 2 W/kg.

    Mais elle a fait réaliser de nouvelles mesures avec, cette fois, l’appareil au contact du corps. Les résultats sont très différents. Ils sont rapportés dans l’avis de juillet 2016 de l’Anses. En 2015, peut-on y lire, « 89 % des téléphones mesurés au contact par l’ANFR présentaient un DAS supérieur à 2 W/kg et 25 % un DAS supérieur à 4 W/kg ». Quelques-uns atteignaient même 7 W/kg. Ces dépassements ne concernent pas l’exposition de la tête, mais du reste du corps.
    Les industriels font valoir que les notices d’utilisation de leurs produits, de même que les informations accessibles en ligne ou sur le smartphone lui-même, mentionnent bien que les tests ont été menés à une certaine distance du corps et que celle-ci doit être respectée pour ne pas dépasser les niveaux d’exposition certifiés. Encore faut-il scruter à la loupe cette documentation pour le savoir. Au demeurant, l’ANFR a constaté que « la notice d’utilisation de 25 % des téléphones contrôlés présentant un DAS au contact du corps supérieur à 2 W/kg n’indiquait pas de distance minimale d’utilisation ».

    « Pas de portable pour les enfants »

    Les résultats détaillés de cette contre-expertise n’ont pas été divulgués. Ex-coordinateur national de l’association Priartem (Pour rassembler, informer et agir sur les risques liés aux technologies électromagnétiques), Marc Arazi, aujourd’hui « expert indépendant », a vainement tenté de les obtenir. Il a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), qui s’est déclarée « favorable » à la communication des données de l’ANFR, avant le 29 décembre.
    Interrogé par Le Monde, Gilles Brégant, directeur général de l’établissement de contrôle, indique pourtant qu’il ne les rendra pas publiques. Motif : « La loi interdit leur communication à des tiers, ces données ayant été recueillies dans le cadre de procédures pouvant donner lieu à des sanctions. » Sollicités directement, Apple et Samsung n’ont pas souhaité faire de commentaire.

    L’ANFR n’est pas restée pour autant sans réaction. Elle a, indique son directeur, alerté les autorités françaises, qui se sont tournées vers la Commission européenne. Celle-ci a pris, en avril, une décision disposant que les tests de certification doivent être réalisés à une distance du tronc « ne dépassant pas quelques millimètres ». Cette formulation laisse encore une marge de manœuvre aux industriels, mais, assure M. Brégant, « tous les appareils commercialisés depuis avril 2016 sont testés à 5 mm du corps ». Cette mesure tardive ne règle rien, toutefois, pour tous les mobiles déjà en service. En France, 25 millions de téléphones portables sont mis chaque année sur le marché.

    Sans doute la question du danger des radiofréquences reste-t-elle débattue. Mais pour Olivier Merckel, chargé des nouvelles technologies à l’Anses, le surcroît d’exposition aux ondes, en usage courant, par rapport aux niveaux affichés par les industriels, « doit faire l’objet d’une attention particulière pour les enfants et les personnes porteuses de dispositifs médicaux, comme des pacemakers [stimulateurs cardiaques], dont le fonctionnement peut être perturbé par des champs électriques, même faibles ».

    Porte-parole de l’association Robin des toits, Etienne Cendrier souligne que « le cerveau humain n’est pas fait d’eau et de sucre comme les mannequins des tests ». Il ajoute que « les normes d’exposition, outre qu’elles sont très hautes, ne prennent en compte que les effets thermiques, à l’exclusion d’autres risques tels que de possibles cancers ». La présidente de Priartem, Janine Le Calvez, en tire pour sa part une leçon radicale : « Pas de portable pour les enfants ! »

  • Echéances, recours, évacuation : où en est le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ?
    LE MONDE | 22.12.2016 à 18h32 | Par Rémi Barroux
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/12/22/notre-dame-des-landes-le-vrai-du-faux_5053114_3244.html

    (...) Lors de la session des questions au gouvernement, M. Favennec a fait valoir que « dans moins d’un mois, le 18 janvier prochain, la date de validité de la DUP [déclaration d’utilité publique] sera caduque et il ne sera plus possible de commencer le chantier ». La réponse du premier ministre a laissé entendre qu’il y aurait bien intervention des forces de l’ordre avant cette date. « J’ai demandé au ministre de l’intérieur de définir les conditions d’une opération par étapes, maîtrisée, qui permette de respecter les délais que vous avez indiqués, de telle sorte que nous puissions à la fois conduire cette opération et assurer la protection de notre pays contre le risque terroriste », a répondu Bernard Cazeneuve au député.

    L’échéance de la déclaration d’utilité publique ?

    En prétendant que la DUP arrivait à expiration le 18 janvier, le député Yannick Favennec se trompe. La déclaration d’utilité publique a été signée le 9 février 2008 et expire donc, dix ans après, en février 2018. En revanche, les arrêtés d’expropriation des terrains nécessaires à la construction du futur aéroport et des accès routiers ont été pris le 18 janvier 2012. Cinq ans après, le 18 janvier 2017 donc, ils peuvent être contestés si aucuns travaux n’ont été entrepris. « Si les immeubles expropriés n’ont pas reçu, dans le délai de cinq ans à compter de l’ordonnance d’expropriation, la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans à compter de l’ordonnance d’expropriation, à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d’utilité publique », explique l’article L421-1 du « Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ».

    La trentaine d’expropriés pourrait donc faire valoir leurs droits à rétrocession de leurs terres ou de leur maison auprès de l’Etat, nouveau propriétaire. Si ce dernier refusait, les expropriés pourraient alors se tourner vers le tribunal de grande instance. Il n’est donc pas impossible que certains des expropriés demandent à l’Etat, après le 18 janvier, à récupérer leurs biens. (...)

    #NDDL

  • OGM : l’INRA pointe une recherche sous influence

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/12/19/ogm-l-inra-pointe-une-recherche-sous-influence_5050955_3244.html

    Selon une étude menée par l’Institut national de la recherche agronomique, une importante proportion d’articles scientifiques consacrés aux OGM est entachée de conflits d’intérêts.

    Pas moins de 40 % de conflits d’intérêts. Le chiffre, frappant, caractérise tout un corpus d’articles scientifiques portant sur les organismes génétiquement modifiés (OGM). Voilà la première conclusion d’une étude publiée par une équipe de chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) dans la revue scientifique PLOS ONE, le 15 décembre. Seconde conclusion : ces conflits d’intérêts ont une influence patente sur les résultats de ces publications. Quand conflit d’intérêts il y a, « les conclusions ont 49 % de chances d’être plus favorables aux intérêts des industries semencières », écrivent les chercheurs.

    Ce n’est pas l’intégralité de la littérature scientifique sur les OGM qui a été ici analysée, mais un ensemble de 672 articles publiés entre 1991 et 2015 sur une question bien précise. Ils concernaient l’efficacité et la durabilité de l’efficacité de certains OGM qui produisent les protéines d’une bactérie, Bacillus thuringiensis (Bt). Toxiques contre des insectes qui les infestent, les plantes OGM Bt sont principalement utilisées pour les cultures de maïs, de coton et de soja. Comme il est rare que ce type de revues systématiques inclue un aussi grand nombre d’articles, les conclusions en sont d’autant plus significatives.

    Fait notable, c’est la première étude de cette importance portant sur les conflits d’intérêts dans le domaine des OGM. Directeur de recherche à l’institut Sophia Agrobiotech, Thomas Guillemaud travaille sur la chrysomèle des racines du maïs. Ancien membre du Haut Conseil des biotechnologies, Denis Bourguet est quant à lui un spécialiste de la pyrale du maïs au Centre de biologie pour la gestion des populations (CBGP) de Montpellier. Chacun d’eux se heurtait régulièrement à la question du biais dans les publications sur les OGM. « En dépit de l’ampleur extraordinaire des enjeux financiers, politiques et idéologiques liés aux cultures génétiquement modifiées », seules deux études s’étaient penchées sur la question, ont-ils constaté. Mais l’une d’elles posait aussi un problème de conflit d’intérêts. « C’est pour cette raison que nous avons décidé de faire cette analyse », a expliqué Thomas Guillemaud au Monde.

    Cause ou conséquence ?

    Comment les chercheurs de l’INRA ont-ils eu connaissance de ces conflits d’intérêts ? Tout simplement en relevant ceux déclarés dans les articles par les auteurs eux-mêmes. Ainsi, ils ont retenu deux types de relations avec les fabricants d’OGM : soit une affiliation directe (les auteurs étaient des employés des groupes), soit un financement total ou partiel des travaux d’au moins un des auteurs. Il est donc ici principalement question de liens avec Monsanto – en cours de fusion avec l’allemand Bayer –, le suisse Syngenta, et les firmes américaines Dow AgroSciences et DuPont Pioneer – également en train de fusionner. Des groupes qui représentent aujourd’hui 60 % du marché des semences.

    Par conflit d’intérêts, les chercheurs entendent « un ensemble de circonstances qui créent un risque que le jugement professionnel ou les actions concernant un intérêt principal soient indûment influencés par un intérêt secondaire » – ainsi que les définit l’Académie nationale des sciences américaine. En raison de ces « intérêts secondaires », donc, « les résultats étaient à 104 % plus susceptibles d’être favorables pour les articles consacrés à l’efficacité que pour ceux explorant la durabilité ». Cela s’explique par le fait que « les groupes ont plus intérêt à financer des études qui montrent que leurs produits tuent effectivement les insectes », analyse Thomas Guillemaud, tandis que les études de durabilité nécessitent davantage de temps pour une issue plus incertaine.

    Impossible, en revanche, d’établir si les conflits d’intérêts financiers sont la cause ou la conséquence de résultats favorables aux sponsors. En d’autres termes, de déterminer avec certitude si les résultats sont favorables à un industriel parce qu’il a financé l’étude, même seulement en partie. Pour mettre cela en évidence, développe M. Guillemaud, il faudrait disposer de trois éléments : « Le projet avant qu’il ne commence, l’étude avant qu’elle ne soit publiée et l’étude après publication. »

    « Système de soutien financier indirect »

    Quand les chercheurs de l’INRA soulignent les limitations de leur propre travail, ils montrent en fait que leur conclusion ne représente que le sommet de l’iceberg. Car seuls 7 % des articles contenaient une déclaration d’intérêts des auteurs. Quid des autres ? Par ailleurs, certains liens avec les industriels, susceptibles d’avoir un impact notable, sont rarement déclarés et n’ont pas pu être pris en compte. Comme par exemple le fait d’être membre du conseil scientifique d’une firme, consultant ou détenteur de brevets. Difficile d’enquêter sur chacun des 1 500 auteurs du corpus… Tout comme il était irréalisable d’explorer les conflits d’intérêts non financiers, dits intellectuels.

    Cette étude sur les OGM Bt vient renforcer le domaine de recherche consacré à l’influence des sponsors sur les résultats des études scientifiques, un phénomène connu sous le nom de « biais de financement » (funding effect). Produits pharmaceutiques, tabac, sodas, sucre, certains pesticides, nucléaire et maintenant OGM : les études ont quatre à huit fois plus de chances d’atteindre des conclusions favorables au sponsor que celles financées par des fonds de source non industrielle.

    Soucieux de préserver l’intégrité de la recherche, les scientifiques de l’INRA proposent une solution de plus en plus souvent évoquée pour la surveillance des médicaments, des produits chimiques ou des pesticides. Il s’agirait d’« un système de soutien financier indirect de la recherche par l’industrie : les groupes producteurs d’OGM et d’autres parties prenantes (gouvernements, organisations non gouvernementales) feraient une contribution financière à un pot commun géré par une agence indépendante ».

  • L’évaluation de la toxicité des OGM remise en cause

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/12/19/l-evaluation-de-la-toxicite-des-ogm-remise-en-cause_5051163_3244.html

    Une nouvelle étude conteste les mesures utilisées pour estimer l’innocuité des OGM avant leur mise sur le marché.

    Les analyses effectuées sur les OGM avant commercialisation seraient-elles insuffisantes ? C’est la question que pose l’étude publiée lundi 19 décembre dans la revue Scientific Reports. Celle-ci montre en effet des différences significatives entre un maïs OGM et son équivalent non modifié, qui ne sont pas prises en compte dans les évaluations du risque conduites par les autorités sanitaires.

    De fait, l’autorisation des OGM est basée sur un présupposé : le « principe d’équivalence en substance ». Ce principe, controversé, implique que, si un produit est considéré comme substantiellement équivalent à l’organisme à partir duquel il a été fabriqué, aucune étude poussée n’est nécessaire avant sa mise sur le marché. « Il est généralement considéré que les maïs OGM et non OGM sont similaires, à l’exception du gène modifié », explique Robin Mesnage, chercheur en toxicologie moléculaire et coauteur de l’étude. Les OGM ne sont alors pas testés de manière approfondie avant leur commercialisation, comme il est d’usage de le faire pour de nouveaux médicaments ou de nouveaux additifs alimentaires. « Les analyses réalisées sur les OGM afin de les déclarer équivalents en substance sont très restreintes et consistent généralement en des analyses nutritionnelles », explique Robin Mesnage.

    L’étude, publiée par une équipe de chercheurs internationale, remet en cause l’utilisation de ce principe d’équivalence en substance en montrant qu’un OGM n’a pas, en descendant à l’échelle moléculaire, la même composition que son équivalent non modifié. Pour ce faire, les auteurs ont utilisé deux techniques de pointe : la protéomique et la métabolomique. La première permet de cartographier l’ensemble des protéines qui composent le maïs ; la seconde identifie les petites molécules issues du métabolisme de la plante (c’est-à-dire la manière dont elle dégrade les nutriments qu’elle utilise).

    « Les conséquences potentielles sur la santé restent incertaines, admet Robin Mesnage. Cependant, ce qui est certain, c’est que la création des OGM est faite à l’aveugle. Aujourd’hui, il est nécessaire d’établir une meilleure évaluation des effets non désirés des modifications génétiques. » Pour le chercheur, ce nouveau type d’analyse en profondeur pourrait être considéré comme une première phase de l’évaluation des risques qui justifieraient ensuite une étude toxicologique plus poussée.

    #équivalence_en_substance