Il n’aura jamais 20 ans.

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  • Il n’aura jamais 20 ans.
    http://coeurnoirteterouge.wordpress.com/2013/06/06/il-naura-jamais-20-ans

    Suite au tabassage à mort de Clément, jeune militant antifa, j’ai répondu par la positive à une tentative d’élaboration commune d’un communiqué de militants et sympathisants. Au final, ma contribution ne me paraît pas correspondre à ce que devrait être un communiqué. Néanmoins, j’ai décidé de poster ici ce truc écrit un peu à la hâte, parce que cet événement m’a secoué et m’a rappelé des choses que je ne pensais pas revoir et ressentir un jour.
    Pour le reste, je n’ai jamais été très fort pour les condoléances…
    Le gouvernement Sarkozy avait replanté les graines de la haine en intégrant dans ses rangs des vieux de la vieille qui, s’ils avaient quitté leurs groupuscules pour intégrer de « vrais » partis, n’avaient en rien remis en cause leurs idées rétrogrades d’extrême-droite. Certains pensaient qu’en votant à gauche, ces idées disparaîtraient d’elles-mêmes. Il en a été tout autrement, la « gauche » leur laissant une autoroute de libre expression, les médias ne se faisant pas prier pour la diffuser à foison, audience assurée oblige.
    D’ailleurs, avec cette fameuse crise qui nous est tombé sur la gueule, le PS et ses valets ont montré qu’ils savaient eux aussi très bien jouer avec les idées de droite et d’extrême-droite quand, sentant la colère et la révolte monter chez les exploités à qui l’on demandait de se serrer toujours plus la ceinture, il nous a livré en pâture les roms, les chômeurs, les étrangers, comme les responsables de notre misère. Comme à chaque fois, désigner un bouc émissaire a porté ses fruits, calmant les revendications et légitimant du même coup les politiques de droite pratiquées par le PS comme l’emprisonnement dans les CRA pour le simple fait d’être étranger, les expulsions de réfugiés risquant la mort dans leurs pays, les contrôles au faciès, etc.
    Ces derniers mois, avec le mariage pour tous comme prétexte, les fachos s’en sont donné à cœur joie, dégueulant leur haine de l’autre sans que jamais personne ne les rappelle à l’ordre. A peine leur a-t-on dit, après la vague d’agressions homophobes de « tenir leurs troupes ».
    En parallèle, peu nombreux, sans moyens, des individus ont toujours lutté contre cet état de fait. En faisant un travail de fourmi et de propagande de titan pour montrer l’envers du décor de ceux qui sont présentés par les médias comme des gens respectables. En mettant à jour des relations, en rappelant un passé peu glorieux que ces derniers auraient préféré voir tus. Depuis des mois, les antifas tirent la sonnette d’alarme, disent leur inquiétude de voir ce retour en force des idées fascisantes qui s’immiscent jusque dans la gauche elle-même. Mais à leur parole, à leurs preuves, ils n’ont reçu en retour qu’insultes et mépris. Pire, par un joli retournement ce sont eux qui se sont fait traiter de fascistes, d’ennemis de la libre expression…
    J’ai eu 19 ans dans les années 80. Je me souviens très bien du soir où, avec deux potes, on s’est fait courser par une bande de fafs. On s’en était tiré grâce à une pute qui nous avait cachés. J’étais pas antifa, ni-même militant, juste un petit punk branleur et un peu anar qui se cherchait encore, même si je savais vers où je voulais allais. Et je me souviens très bien de cette ambiance de l’époque où tu savais qu’à n’importe quel moment, un con de rasé pouvait te tomber sur le râble pour te démonter la gueule. Cette peur-là, je ne la regrette pas, et je n’ai pas envie de la ressentir à nouveau. Ces derniers temps, je la sens pourtant qui se réveille, qui remonte dans mes tripes quand je vois à quel point l’extrême-droite bat à nouveau la rue au grand jour.
    Et ce soir j’apprends qu’un jeune gars qui se battait pour un monde meilleur est mort pour ses rêves. De jolis rêves sans haine où l’égalité, l’entraide et la solidarité seraient plus forts que la peur et la haine de l’autre. Mort parce qu’on a laissé grandir cette haine jusqu’à ce qu’elle se sente intouchable.
    Il n’aura plus peur, mais il n’aura jamais 20 ans.
    La solution ne sera pas dans la dissolution des groupes d’extrême-droite – combien ont déjà été dissous depuis plus de 50 ans pour toujours revenir sous de nouvelles appellations… – mais dans la destruction des idées qu’ils colportent. Et cette destruction ne pourra se faire sans le travail d’investigation et d’information qu’ont toujours mené les antifas. Quant à la violence, si violence il devait y avoir en retour, il est un peu tard pour la condamner…

    • Addendum

      Dernier point. La récupération politique de cette mort est l’élément le plus puant pour moi. Voir des partis politiques s’offusquer et balancer du « no pasaran » alors qu’ils ont fermé leurs gueules pendant des mois sur tous les dérapages, agressions et autres signes annonciateurs d’un drame possible, ça me donne envie de sortir la machine à baffes. S’il vous plaît, faites comme vous avez toujours fait : fermez-la.