À vous entendre, Charles Darwin aurait carrément inventé une religion ?
Le darwinisme a cessé d’être une théorie scientifique quand on a fait de Darwin un dieu. En introduisant après Lamarck la notion d’évolution, Darwin est venu chambouler la conception figée des créationnistes, qui pensaient que le monde était stable depuis sa création. Mais, dès lors, il est devenu l’objet d’un double mythe. Le mythe du diabolique pour les créationnistes, ceux qui pensent que tout s’est créé en une semaine, et le mythe des scientistes, qui font de « l’origine des espèces » le nouvel Évangile.
Pourquoi dites-vous que Darwin était inévitable dans notre culture judéo-chrétienne ?
Si vous croyez au Dieu judéo-chrétien, Darwin permet même de mieux le comprendre. Avec ce que nous découvrons sur la biologie, on en revient plutôt aux dieux de l’Antiquité. Les hommes de l’Antiquité étaient peut-être animés d’un pressentiment juste lorsque, dans les récits mythologiques, ils mettaient en scène des êtres hybrides, des chimères : Satyres, Centaures et Minotaure. Imaginez maintenant une histoire de l’évolution écrite par un scientifique bouddhiste. Il serait question de cycle, voire de recyclage, et d’êtres mosaïques, ce que l’on retrouve chez Nietzsche.
Le darwinisme est dépassé, mais que met-on à la place ?
La vision de la vie que nous commençons à affiner aujourd’hui est plus nietzschéenne que darwinienne. Avec, d’un côté, Apollon, beau, rationnel et organisé, et l’éruption de Dionysos, qui entraîne le désordre, le chaos, des événements imprévus et les recombinaisons succédant aux bacchanales. Le transfert vertical des gènes à l’intérieur d’une même espèce, avec ses modifications progressives sélectionnées par l’environnement, ressemble au monde d’Apollon. Le transfert latéral des gènes entre espèces différentes via les microbes évoque par sa brutalité et sa radicalité l’univers de Dionysos.