En ce moment on entend partout parler d’« économie de la connaissance ». Apparemment nous allons entrer dans une nouvelle ère dans laquelle nous allons tous devenir des salariés « sachants » et dans laquelle les entreprises vont devenir très intelligentes. Permettez-moi d’exprimer un doute.
Pour être intelligente, l’entreprise ne recrute que des diplômés d’écoles de commerce ou d’ingénieur. Qu’est-ce qu’une école de commerce ? Une école conçue par la chambre de commerce, donc par des entreprises, pour former ses futurs cadres.
Dans cette école aux frais d’inscription coûteux entrent majoritairement des fils de cadres, qui apprennent à faire des soustractions et des divisions, toujours les mêmes, qu’on appelle des « ratios » pour faire savant. Nul besoin de connaitre l’addition pour faire HEC (Ecole des hautes études commerciales), la soustraction suffit.
Sur le plan conceptuel leurs professeurs, issus de l’entreprise, leur parleront de la brillante façon dont ils ont lancé Ultra Doux en 1982, avec des sanglots dans la voix. Un peu de sport pour l’esprit d’équipe, un bureau des élèves pour les pics hormonaux, et l’affaire est dans le sac, nos fils de cadres sont prêts à encadrer (encadrer qui ? C’est plus compliqué car il ne reste que des robots dans l’industrie et que l’automatisation est en marche dans le tertiaire, mais c’est un autre sujet).
Consanguins jusqu’au trognon, nos petits amis les jeunes « cadres » applaudissent dans des réunions sans fin ou on leur annonce qu’il faut appliquer les valeurs de l’entreprise « Enhance profitability, Be compliant, Love » (améliorer la rentabilité, être conforme, aimer). Même si les plus jeunes émettent quelques doutes, ils sont dans l’incapacité totale de remettre en question quoi que ce soit dans le système dans lequel ils évoluent, puisque ce week-end ils partent à La Baule chez belle maman qui est si sympââââ et qu’ils croiseront sûrement le PDG à un barbecue. « La Bretagne ça vous gagne. » Enfin « la Bretagne c’est la gagne », plutôt.