L’éthique du travail, c’est la morale des esclaves
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Mon grand-père, un brave type droit comme un piquet, aimait me taquiner quand j’étais enfant. Un jour, alors que j’étais en visite chez lui et que je prenais place à la table pour le repas, il m’a demandée : « As-tu travaillé aujourd’hui ? ». Je n’avais que six ans, alors je lui ai évidemment répondu que non. Il a alors enlevé mon assiette en me disant : « Travaille pas, mange pas ». Évidemment, ce n’était dans son esprit qu’une blague sans conséquence, mais moi qui aimais tant les plats que cuisinait ma grand-mère, j’ai fondu en larmes. Cette injonction m’a semblé si cruelle, si injuste, que je n’arrivais pas à croire qu’un homme que j’aimais puisse penser une telle chose, qu’on puisse refuser à une gamine qui a faim de la nourriture sous prétexte qu’elle a passé sa journée à jouer, alors que la marmite était pleine de bonne soupe et qu’il y en avait de toute évidence assez pour tout le monde. Ma mère, tout en me consolant, s’est un peu engueulée avec son paternel, en lui demandant qu’est-ce qui lui avait passé par la tête pour me faire une blague aussi idiote. Il a tout simplement répondu : « Il faudra bien un jour qu’elle apprenne qu’on a rien pour rien dans la vie. »
Ce fut ma première leçon de morale des esclaves.