• « Arrêtez de tuer les paysans », la colère des campagnes en Inde
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/09/23/arretez-de-tuer-les-paysans-la-nouvelle-colere-des-campagnes-en-inde_6053293
    New Delhi veut libéraliser la commercialisation des produits agricoles, en permettant aux producteurs de vendre directement aux sociétés privées
    Sophie Landrin

    Une nouvelle révolte paysanne gronde en Inde contre le gouvernement Modi. Alors que l’agriculture est le seul secteur à ne pas subir les contrecoups désastreux de l’épidémie de Covid-19, les syndicats ont appelé à une mobilisation nationale vendredi 25 septembre. Voilà plusieurs jours que les paysans du Pendjab (nord), de l’Haryana (nord) et du Bengale-Occidental (nord-est), furieux, manifestent, bloquent les routes et les chemins de fer pour protester contre la réforme de la commercialisation des produits agricoles proposée par le gouvernement et que le Parlement vient d’adopter. « Arrêtez de tuer les paysans ! », scandent inlassablement les manifestants sur leurs tracteurs et dans la rue. Mais il ne reste à obtenir que la signature du président de la République pour que la loi entre en application, une simple formalité.

    Cette colère paysanne s’est muée en crise politique. La ministre de la transformation alimentaire, Harsimrat Kaur Badal, alliée du parti nationaliste au pouvoir, a démissionné, dénonçant une législation « anti-agriculteurs . A la Chambre haute, dimanche 20 septembre, les députés en sont presque venus aux mains. Huit députés ont été suspendus pour le reste de la cession parlementaire et campent, depuis, en signe de protestation, sur une pelouse devant la statue du Mahatma Gandhi, non loin du Parlement. L’opposition a décidé de boycotter les travaux de la Chambre haute et pourfend « la mise à mort » de l’agriculture, qui emploie 50 % de la population, mais ne représente que 14 % du produit intérieur brut.

    Désastre écologique et nutritif

    Les experts sont beaucoup plus mesurés sur la portée et le bien-fondé de la réforme, qui autorise les agriculteurs à vendre leurs produits en dehors des « mandis », les marchés agricoles réglementés, qui, aujourd’hui, régulent la commercialisation et assurent aux paysans un prix minimum sur la vente de leurs produits. La loi supprime les obstacles au commerce interétatique. Les agriculteurs pourront, à l’avenir, vendre directement à des entreprises privées agroalimentaires sans intermédiaire. Le gouvernement affirme qu’ils pourront céder leur récolte à meilleurs prix. Rien ne l’assure.

    L’exécutif a également décidé de supprimer la taxe que percevaient les Etats pour l’entretien des mandis, qui implique de gros investissements. Dans les faits, ces mandis sont souvent dans un état lamentable. Les chefs des gouvernements régionaux dénoncent une attaque du principe du fédéralisme et veulent saisir la Cour suprême. Dans une tribune publiée mercredi 23 septembre dans le quotidien The Indian Express, le chef du gouvernement du Pendjab, Amarinder Singh, membre du Parti du Congrès, éreinte un projet destiné « à remplir les poches des copains capitalistes du Bharatiya Janata Party [BJP, le parti au pouvoir], au détriment des pauvres agriculteurs », qui seront la proie « des grands requins . Les paysans, eux, redoutent la disparition des prix minimum garantis. La colère est si vive que le premier ministre, Narendra Modi, est intervenu pour tenter de convaincre les paysans de la justesse de sa réforme.

    En 2014, M. Modi avait promis de doubler le revenu des agri culteurs d’ici à 2022. Un pari impossible, tant la crise agricole est profonde, structurelle et enracinée. L’agriculture indienne souffre d’un modèle de développement issu de la « révolution verte » lancée dans les années 1970, qui a imposé un système de production subventionnée par l’Etat, qui garanti aux paysans un débouché, par des achats publics qui sont ensuite redistribués à bas prix aux pauvres 75 % de la population a accès à un quota de produits de première nécessité.

    Ce modèle a certes assuré l’indépendance alimentaire de l’Inde et mis un terme aux terribles famines qui décimaient le pays, mais il a promu des cultures à haut rendement blé, riz, canne à sucre, coton , qui nécessitent une irrigation intensive et l’utilisation massive de pesticides et d’engrais. C’est un désastre sur le plan écologique et nutritif. Les Indiens se nourrissent essentiellement de riz et de blé, au détriment des légumineuses, des fruits et légumes qui ne sont pas subventionnés. Quant aux paysans, sous la pression démographique, la taille de leurs exploitations s’est réduite, diminuant leurs revenus, augmentant leur endettement et le nombre de suicides.

    La colère paysanne, entretenue par l’opposition, est peut-être le signe de l’érosion de la confiance des Indiens dans les réformes de Modi. Sa gestion calamiteuse de l’épidémie de coronavirus, ces derniers mois, a mis l’économie à terre. Le deuxième pays le plus peuplé de la planète, 1,3 milliard d’habitants, aura le plus grand mal à se relever.

    #inde #liberalisation #privatisation #paysans

  • « Entre lampe à huile et chemins de fer, une histoire des techniques falsifiée a la cote au gouvernement » - Jean-Baptiste Fressoz
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/09/23/entre-lampe-a-huile-et-chemins-de-fer-une-histoire-des-techniques-falsifiee-

    La peur que le train aurait suscitée à ses débuts, argument utilisé pour dénigrer les craintes actuelles sur la 5G, est un mythe entretenu depuis un siècle et demi, rapporte dans sa chronique l’historien Jean-Baptiste Fressoz.

    Chronique. On pourrait croire que la sortie d’Emmanuel Macron sur la 5G, les amish et la lampe à huile n’était qu’un propos en l’air, une bêtise prononcée sans trop y penser. Il faut voir le discours en entier pour se convaincre du contraire : il s’agit en fait de sa « punchline » , inscrite dans ses notes et destinée à provoquer des applaudissements que le président prend le temps de savourer. C’est le seul élément que la presse a retenu de cette longue autocongratulation sur l’innovation, la French Tech, et « l’écosystème régulatoire ».

    Au sein du gouvernement, des ministres partagent cette pensée peu complexe. Ainsi, le secrétaire d’Etat aux transports, Jean-Baptiste Djebbari – un ancien pilote de jet privé qui promouvait, il y a peu, le développement des lignes interrégionales – attribue le refus de l’innovation à une sorte d’atavisme. Au début des chemins de fer, expliquait-il à la télévision, les Français auraient été effrayés que le train ne rende « sourd et aveugle » .

    Bêtisier médical

    Cette histoire est un mythe. On trouve certes dans les manuels d’obstétrique de brefs passages sur les dangers des longs voyages (en voiture comme en train) et des trépidations pour les femmes proches du terme de leur grossesse. De même, des médecins conseillaient aux lecteurs de reposer leur vue, mais cela n’avait rien de spécifique aux chemins de fer.

    En 1863, Louis Figuier (1819-1894), le grand vulgarisateur des sciences du XIXe siècle, en profite pour composer un petit bêtisier médical. Il mentionne, sans donner de référence, des accusations proférées par de doctes médecins : les chemins de fer causeraient des avortements et des troubles nerveux. La construction du mythe se poursuit en Allemagne.

    En 1889, l’historien allemand Heinrich von Treitschke (1834-1896) mentionne, sans plus de références, un rapport de 1835 du collège médical de Bavière qui conseillerait d’interdire les chemins de fer car leur vitesse faramineuse pourrait causer un « delirium furiosum » aux passagers. Cette anecdote connaît un succès extraordinaire. On la retrouve, par exemple, reprise par Hitler dans Mein Kampf ainsi que dans différents travaux historiques sur la révolution industrielle, à chaque fois mentionnée à propos des « résistances au progrès ».

    En France, elle est colportée par le comte de Villedeuil (1831-1906) dans sa monumentale Bibliographie des chemins de fer (1906), où il ajoute, parmi les conséquences du voyage en train, « la danse de Saint-Guy » produite par les trépidations. Il évoque aussi la cécité – les chemins de fer « enflammeraient la rétine » –, toujours sans donner de référence… malgré les 826 pages que compte ce recueil bibliographique.

    Ridiculiser tout débat

    En 1957, un article de L’Express , à l’occasion des cent vingt ans de l’inauguration de la ligne Paris-Saint-Germain, expliquait que, dans les années 1840, des « pythies sinistres » annonçaient que les chemins de fer « provoqueraient des maladies nerveuses, voire l’épilepsie et la danse de Saint-Guy » , qu’ils « enflammeraient la rétine et feraient avorter les femmes enceintes » . L’auteur ajoute : « Ce ne sont pas là les marmonnements de rebouteux, mais des prophéties communiquées publiquement à l’Académie de médecine. » Les historiens n’ont évidemment trouvé aucun rapport dans les archives, ni en Bavière ni à l’Académie de médecine…

    Notons pour conclure qu’en 1860, alors que naissait la rumeur d’une crainte liant folie et chemins de fer, les tribunaux commençaient à indemniser les traumatismes nerveux causés par les accidents ferroviaires, ce qui n’avait rien à voir avec la danse de Saint-Guy. En fait, les innombrables plaintes, procès et pétitions ne s’opposaient pas aux chemins de fer mais aux accidents qu’ils provoquaient et aux compagnies soupçonnées de faire des économies au détriment de la sécurité des voyageurs. La sécurité actuelle des systèmes ferroviaires est l’heureuse héritière de ces contestations.

    Entre la lampe à huile et les chemins de fer, l’histoire des techniques a décidément la cote au gouvernement, mais c’est une histoire falsifiée servant à ridiculiser tout débat. Car peu importe si les applications de la 5G sont encore floues, si les émissions de CO2 liées au numérique (déjà 4 % du total mondial) pourraient doubler d’ici à 2025, ou si les seuils de pollution électromagnétique sont définis par des experts financés par l’industrie des télécoms.

    La 5G doit se faire car, comme le dit notre président, « c’est le tournant de l’innovation » . Et puisqu’il appelle à un débat de « citoyens éclairés » sur la 5G, peut-être pourrait-il commencer par éviter les clichés technophiles les plus éculés.

  • un concentré de #bullshit en hommage à David Graeber :

    https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/09/23/avec-une-levee-de-fonds-de-300-millions-de-dollars-mirakl-devient-une-licorn

    Valorisée désormais à 1,5 milliard de dollars, la start-up française de « solutions logicielles de marketplaces » a vu son volume d’activité bondir durant le confinement.

    Tu t’en fous ? Moi aussi.

    #marchandisation #valorisation_de_la_crétinerie #obsession_mercantile #peignes_cul

    • complètement et en plus, j’en ai marre d’accepter leur protocole de merde au Monde.

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      va fanculo ! le monde

    • La « marketplace » de Darty et la Fnac, est-ce qu’il y a des articles qui se demandent si vraiment c’est une bonne idée ?

      L’année dernière, le porte-filtre de mon percolateur, acheté chez Darty, pète. Je vais donc au service après-vente, ou le gentil monsieur m’informe que c’est pas couvert par la garantie (j’ignore pourquoi une poignée de porte-filtre mal branlée et qui pète quand on l’utilise, n’est pas couverte par la garantie, mais c’est pas la question).

      Donc faut que j’en achète une nouvelle. Et le monsieur m’annonce d’un air désolé que c’est pas donné : de mémoire, dans les 40 euros chez Darty.

      Mais, me dit-il en tapotant sur un ordinateur, ça doit être moins cher sur la marketplace de Darty.fr. Hé oui dis-donc : 25 euros ! Moi, comme un con, je demande pourquoi Darty vend les choses moins chères sur son site que dans le magasin : « ah mais non c’est pas Darty, là, qui vend le porte-filtre sur le site de Darty… ».

      Donc j’ai pas acheté chez Darty, parce que chez Darty on m’a dit que c’était moins cher sur l’internet-by-Darty.

      Alors je rentre chez moi, et tant qu’à faire, je découvre que c’est encore moins cher sur l’internet-by-Amazon. Parce que le port est gratuit, et en plus ça sera livré chez moi hier.

      Alors je veux bien la licorne française qui rend nos journalistes si fiers de vivre dans une startup nation, mais je dois avouer que comme stratégie commerciale, pour Darty et la Fnac, ces « marketplaces » qui vendent leur propre concurrence, j’aurais tendance à les classer dans la catégorie « balle dans le pied ».

    • Alors je rentre chez moi, et tant qu’à faire, je découvre que c’est encore moins cher sur l’internet-by-Amazon. Parce que le port est gratuit, et en plus ça sera livré chez moi hier.
      dans un colis préparé avant-hier ?
      _De la publicité comme contre-propagande_Lignes de force
      https://lignesdeforce.wordpress.com/2020/09/24/de-la-publicite-comme-contre-propagande
      https://www.youtube.com/watch?v=RzjeLcP0Iek&feature=emb_logo

      N’en voulons pas à ce comédien (ou à ce travailleur convaincu de jouer son propre rôle) : il faut bien vivre . Mais observons qu’Amazon, « géant de la vente en ligne », outre l’effet de sidération déjà évoqué, montre simplement sa force.

      Je répondrai à Claude Guillon (anarchiste en retraite) : plutôt crever !