Passé ce fatal 31 août 2013, la France n’a cessé de s’isoler de son principal allié occidental, tenant une position qui, aussi morale et digne fût-elle, a échoué à faire bouger les lignes sur le terrain. S’il est un reproche que l’on ne peut pas faire à M. Fabius, c’est celui de la versatilité et de l’opportunisme. Mais son intransigeance en Syrie, qui a aligné la France sur des puissances sunnites comme l’Arabie saoudite, le Qatar ou la Turquie, s’apparente aujourd’hui à une impasse. Sans doute, M. Fabius a-t-il surestimé le poids de la France, puissance moyenne dans un monde « zéropolaire », comme il aime à le décrire, pour pouvoir changer le cours du drame syrien.
Un échec, deux succès
A l’heure de rejoindre la présidence du Conseil constitutionnel, le bilan de l’ex-« plus jeune premier ministre de France » – le record tient toujours – au Quai d’Orsay se résume ainsi : un échec (la Syrie), deux succès (la COP21 et le nucléaire iranien) et deux trous noirs (l’Afrique et l’Europe). A l’inverse de la Syrie, M. Fabius a joué un rôle décisif dans l’accord mondial, obtenu en décembre 2015, sur la limitation des émissions de gaz à effet de serre. Peu convaincu au départ, il s’est emparé du sujet à bras-le-corps, forçant son administration à se mettre au service du sommet de Paris, dont le succès était loin d’être acquis d’avance. Le sens de la méthode et la capacité de travail de M. Fabius ont fait merveille et, au moment d’annoncer l’accord, cet animal à sang froid a eu du mal à masquer son émotion. Il entend d’ailleurs garder la présidence de la COP jusqu’à la fin de l’année, malgré ses futures fonctions au Conseil constitutionnel.
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Sur le dossier nucléaire iranien, M. Fabius, qui partageait la ligne « intransigeante » des faucons du Quai d’Orsay, se félicite d’avoir obtenu un accord « robuste », au prix d’un coup de gueule, le 8 novembre 2013 à Genève, alors que les Américains, pressés d’avancer, s’apprêtaient à signer un accord intérimaire « au rabais » :
« Que n’ai-je entendu à l’époque ! Combien de sottises ont été dites, comme quoi la France paierait son intransigeance, expliquait-il récemment au Monde. Eh bien, la preuve que j’ai eu raison est que la France a été l’un des tout premiers pays visités par le président iranien Rohani. »
En revanche, en Afrique, là où la France peut encore faire la différence militairement, M. Fabius s’est montré d’une discrétion proche de l’effacement.