• Ah, pour la lettre ouverte dans le journal, c’est Fafa qui s’y colle : « Le maître de Damas ne peut pas être l’avenir de la Syrie »
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/02/27/le-maitre-de-damas-ne-peut-pas-etre-l-avenir-de-la-syrie_4584662_3232.html

    Et pour le tout-venant des usual-suspects, nous avons déjà Joseph Bahout qui retweet le message de Ziad Majed relayant le complotiste Ignace Leverrier : En justifiant son escapade à Damas, le député Jacques Myard expose sa méconnaissance de la Syrie
    http://syrie.blog.lemonde.fr/2015/02/28/en-justifiant-son-escapade-a-damas-le-depute-jacques-myard-expose

    On a même un sondage… Le séjour à Damas des parlementaires : les Français "désapprouvent"
    http://www.lejdd.fr/Politique/Le-sejour-a-Damas-des-parlementaires-les-Francais-desapprouvent-720256

    La majorité des Français, interrogés par l’Ifop pour le JDD, « désapprouvent » le voyage à Damas de trois députés (dont l’UMP Jacques Myard et le socialiste Gérard Bapt) et d’un sénateur. D’ailleurs, il n’approuvent pas l’idée même de renouer le dialogue avec Bachar el-Assad du fait de ses responsabilités dans la guerre civile qui ensanglante la Syrie.

    #Alors_ça_c'est_fait… (En réalité, je pense que ça ne fait que commencer…)

  • Non, « Charlie Hebdo » n’est pas obsédé par l’islam, par Jean-François Mignot et Céline Goffette (sociologues)
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/02/24/non-charlie-hebdo-n-est-pas-obsede-par-l-islam_4582419_3232.html

    Est-il vrai que ce journal faisait preuve d’une « obsession » à l’encontre des musulmans, comme cela a pu être dit à la suite des attentats, notamment dans une tribune du Monde du 15 janvier 2015, à laquelle ont contribué plusieurs chercheurs ?

    Pour apporter une réponse raisonnée à cette question, nous analysons les 523 « unes » du journal de janvier 2005 (n°655) au 7 janvier 2015 (n°1177). Si les « unes » de Charlie Hebdo ne résument pas à elles seules le journal, elles en sont toutefois la vitrine

    (...)

    A la lecture, il apparaît que Charlie Hebdo, conformément à sa réputation, est un journal irrévérencieux de gauche, indéniablement antiraciste, mais intransigeant face à tous les obscurantismes religieux, musulman inclus. Ce qu’il faut expliquer, donc, ce n’est pas pourquoi #Charlie_Hebdo était islamophobe, mais pourquoi, de nos jours, seuls des extrémistes se revendiquant de l’islam cherchent à museler un journal qui se moque – entre beaucoup d’autres choses – de leur religion.

    #religion #islamophobie

    • Etrange méthode de ne prendre en compte que les couvertures... Par ailleurs, la question n’est pas tellement la quantité que la qualité du traitement de l’islam ! Je ne voulais pas et je ne veux toujours pas qu’on leur fasse du mal, mais on ne s’en sortira pas en réécrivant l’histoire.

    • Le problème n’était pas que Charlie hebdo « soit » islamophobe. Le fait est que, contrairement à ce qu’ils pensaient, l’engagement sincèrement antiraciste et anticolonial du Charlie hebdo « historique » n’a jamais mis ses auteurs à l’abri de commettre des propos et des dessins racistes. Comme on l’a vu il y a peu avec une exposition « antiraciste » du point de vue de son auteur blanc, mais ressentie comme violemment raciste, par les personnes racisées, comme participant de l’histoire coloniale que son auteur s’imaginait, depuis son point de vue de blanc, ainsi « critiquer ».
      (de même, mon propre engagement antiraciste ne me met pas à l’abri de commettre un propos ou un acte, un geste, racistes : je suis blanc et j’ai été élevé, éduqué, j’ai grandi, je me suis constitué dans une société structurellement raciste. Le savoir ne suffit pas à en identifier toutes les manifestations. Par contre, les connaître suppose de s’en remettre à celleux qui en sont l’objet : de les écouter lorsqu’ellils disent le racisme, y compris à gauche, y compris chez les progressistes, chez les libertaires et autres émancipés.
      Mais il est toujours plus confortable de se conforter dans sa haute opinion de soi-même et de sa culture universaliste et éclairée en se contentant de traquer le racisme sous sa forme la plus spectaculaire et socialement admise comme condamnable : le skin, le facho, le frontiste - tandis que l’on continue d’ignorer ses formes les plus omniprésentes, républicaines, démocratiques, quotidiennes et insidieuses, et que l’on peut soi-même continuer d’y contribuer en toute bonne conscience)
      Charlie a commis des unes (et des suivantes) Islamophobes sans avoir pour cela besoin d’afficher une « obsession » pour les musulmans. En fait, à y réfléchir un tout petit peu, on peut très bien contribuer à faire des musulmans un « problème » sans pour autant prêter le flanc à l’accusation d’obsession, ou en s’en défendant.
      Là n’est tout simplement pas la question.

      Par contre, l’attitude qui consiste à dire « on dessine juste ce qui nous fait marrer » n’est pas en soi un argument politique libertaire ou émancipateur. (à n’en pas douter, Konk et les dessinateurs publiés dans Minute et dans tant de publications très peu intéressées par l’émancipation de qui que ce soit dessinent aussi « ce qui les font marrer »).
      Enfin, croire qu’il suffirait de publier des caricatures des religieux, des croyants, des symboles et de tout ce qui est à leurs yeux sacré pour « lutter contre l’obscurantisme » relève de l’idéalisme bourgeoisement rationnaliste le plus étroit, d’une forme de foi .
      Comme l’écrivait il y a près de quarante ans une féministe matérialiste qui figure depuis des années parmi les critiques les plus conséquentes de la stigmatisation actuelle des musulmans :

      « [...] il y a une grande différence entre se divertir et croire posséder l’arme absolue, et il est dangereux de confondre les deux [...] »
      (C. Delphy, « protoféminisme et antiféminisme », Les temps modernes, 1976)

      Les dessinateurs et rédacteurs de Charlie Hebdo ont payé tragiquement cher un idéalisme qui ne pouvait que nourrir et venir renforcer, par ses tapageuses contributions à la stigmatisation actuelle ciblant les musulmans (contrairement à ce qu’ils prétendent, des caricatures, même talentueuses et sans tabou, n’ont jamais eu le pouvoir d’émanciper personne - plus sûrement, celui de conforter leurs auteurs dans leurs rigolardes certitudes) , l’égarement meurtrier de quelques uns de ceux qu’il était supposé combattre.

      Il ne s’agit pas de ménager qui que ce soit, de devenir « pro-islam » ou exceptionnellement tolérant vis à vis d’une religion plutôt que d’autres.
      Il s’agit bien plus de connaître le temps où l’on se trouve, et d’accepter d’assumer ce que l’on y fait, d’en entendre la critique. Moi qui ne suis pas racisé, qui suis blanc, si je veux agir en antiraciste, si je veux agir contre le racisme, alors c’est la parole des personnes racisées qui doit m’importer plus que tout, et surtout plus que ma simple définition de privilégié de ce que je m’imagine être le racisme. Et si les racisé-e-s sont croyant-e-s, je ne peux certainement pas me permettre de venir à l’unisson de l’Etat Français leur tenir paternellement un discours anticlérical, encore moins venir les sommer de renoncer à leur foi, les sommer de donner des gages de laïcité. Quoi que je puisse penser des religions, je ne peux espérer contribuer à en en combattre aucune aux côtés de l’Etat, aux côtés d’un Pouvoir. Pour paraphraser un fameux barbu, et aussi frustrant cela puisse-t-il être pour mon anticléricalisme jubilatoire et mon irréligiosité primesauitière réunies, je tiens que la religion des racisés sera combattue par les racisé-e-s eux-mêmes, et qu’ellils le feront très vraisembablement en leurs termes, le jour où la première question à laquelle ellils sont confronté-e-s ne sera plus celle de l’infériorité qui leur est très laïquement faite dans une société raciste.

    • @martin5 Amen to that, de la première à la dernière ligne.

      Sauf que, dans le cas de Charlie, en se concentrant sur les dessins, on oublie que le journal était dirigé par un type qui professe une vision du monde néoconservatrice, et que c’est ce type-là qui a orchestré le « coup » des caricatures de Mahomet, ce qui donne à l’entreprise une signification clairement islamophobe. Un « détail » que beaucoup refusent de voir, à la fois dans l’équipe de Charlie (Luz dans son interview à « Vice » : « Charlie est un journal anarchiste ») et au dehors. Si le reste de l’équipe avait vraiment voulu se montrer à la hauteur de ses convictions antiracistes affichées, elle aurait dû refuser de se laisser entraîner dans cet engrenage pour ne pas cautionner les visées de son taulier, dont elle ne pouvait pas ignorer la nature (sans parler de ses ambitions personnelles, sa nomination à la tête de France Inter ayant découlé directement de la notoriété et de l’"union sacrée" permises par les caricatures, avec le soutien apporté par Sarkozy à ce moment-là, et sans parler non plus de ce que l’affaire lui a rapporté financièrement : http://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/que-va-faire-icharlie-hebdoi-de-tout-son-argent-865615.html).

    • Pas compris grand chose non plus…

      Les associations sont très générales (Religion, c’est pas très spécifique). Néanmoins, la persistance de l’association (très générale) Religion / Violence est certainement significative. Comme indiqué en conclusion, le découpage en périodes de trois mois produit des échantillons de petite taille et donc une faible puissance statistique (id, il faut que l’effet soit très important pour pouvoir être considéré comme significatif).

      Et il faudrait aller regarder quelle est (sont) la (les) religion(s) impliquée(s) dans cette association.

      Par ailleurs, l’approche statistique n’a pas grand sens pour interpréter la une (et l’ensemble du numéro) du 8 février 2006…

    • Entièrement d’accord, ca s’arrête là... Je conseille « Choron dernière » de pierre carles que j’ai vu hier, à tous les intéressé par Charlie, les vrais... L’interview, de denis robert par Schneiderman sur arrêt sur image est sympa aussi !

      cheers...

  • Gare à ne pas attiser une fictive guerre des identités
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/02/06/gare-a-ne-pas-attiser-une-fictive-guerre-des-identites_4571607_3232.html

    Après l’ignoble attentat contre la rédaction de #Charlie_Hebdo, l’abominable tuerie de l’hypermarché casher et le lâche assassinat de policiers, et alors que l’#émotion des Français(es) est à son comble, des voix commencent à se faire entendre qui reprennent une litanie bien inquiétante : la presse de tous bords, y compris celle dont ce n’est pas l’habitude, annonce que nous sommes terrassés par un « malaise identitaire », voire par une supposée « névrose de l’islam » (sic), puisqu’un « choc culturel et religieux » créerait une « #insécurité_culturelle » au sein de la nation.

    Voilà qui donne du grain à moudre aux identitaires de tous poils et nous engage dans une voie dangereuse : l’« identité française », chrétienne, « blanche », « de souche », serait menacée dans son essence par l’islam, perçu comme un tout. Cette idéologie a été analysée de longue date par les spécialistes des sciences sociales : elle peut être nommée #essentialiste et différentialiste.

    On s’étonne que quiconque puisse encore y croire, tellement elle est erronée, historiquement et sociologiquement : la population française n’est ni cohésive ni porteuse d’un destin prédéfini, mais traversée de multiples fractures. Il n’existe pas une unique identité française, figée depuis la nuit des temps (une « essence »), qui serait menacée par une culture musulmane homogène et tout aussi figée.

    D’ailleurs, le discours sur l’identité est un fourre-tout qui change de contenu selon l’air du temps. Que la France ait une histoire longue et complexe, faite de nombreux apports étrangers, c’est l’évidence même. Il n’existe aucune tradition figée, aucune culture pure. L’islam ne fait évidemment pas exception : les pratiques et les analyses théologiques de cette religion de par le monde sont d’une grande diversité.

    Discours repris par des auteurs qui se réclament de la gauche

    Deux « identités pures » qui s’affrontent : malgré l’absurdité de cette thèse, nous avons ici « la » nouvelle idéologie « identitariste » française, soft ou hard, qui parcourt les médias et presque tout le spectre politique, du Front national à l’UMP, jusqu’à quelques experts étiquetés à gauche. Cette gangrène est surtout colportée par des journalistes, écrivains et personnages publics comme Eric Zemmour, #Renaud_Camus, sans compter les excès d’Alain Finkielkraut. Et c’est avec complaisance et avec une grande irresponsabilité qu’un nombre toujours plus important de médias, pour qui la peur fait vendre, diffuse cette idée.

    Or, le « #différentialisme » a été modernisé dans les années 1970, notamment par le Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne (Grece) et le Club de l’Horloge, deux clubs qui ont cherché à renouveler le discours de l’extrême droite : passant d’une logique raciale – désormais devenue inaudible depuis les abominations de la seconde guerre mondiale – à une logique culturelle, l’idée a germé que chaque peuple doit défendre la pureté de « sa culture » face aux autres – et en particulier l’islam, présenté comme le nouvel ennemi – dans un monde globalisé et traversé par des flux migratoires nombreux.

    Cette théorie d’un « choc des cultures » a été adoptée par le Front national. Elle a ensuite fait tache d’huile quand Nicolas Sarkozy a instauré un ministère de l’identité nationale, alors entouré d’éminences grises venant de l’extrême droite : discours de Dakar sur les Africains non entrés dans l’histoire, discours de Grenoble sur les Roms comme menace, inégalité des civilisations pour Claude Guéant.

    Ces thèmes furent appuyés par l’aile droite de l’UMP, de la « Droite populaire » à Jean-François Copé et son célèbre pain au chocolat. Mais un tel discours, dont les présupposés sont ceux de l’extrême droite, a aussi été repris, certes édulcoré, par des auteurs qui se réclament de la gauche.

    Le géographe #Christophe_Guilluy, dans des publications sur la France périurbaine, et le politiste #Laurent_Bouvet, ancien animateur de la « Gauche populaire », dans un essai récent, truffé de biais sélectifs et partisans, promeuvent les notions de « crise identitaire » et d’« insécurité culturelle » qui frapperaient des autochtones touchés par le sentiment d’être minoritaires dans une société multiculturelle. Les méthodes de ces deux auteurs sont largement contestées au sein de leurs disciplines respectives. Leurs analyses accentuent un brouillage idéologique qui ne peut profiter qu’aux nationaux-populistes.

    Vrais malaises

    Crise identitaire ? Insécurité culturelle ? Mais comment arrivons-nous à de telles inepties ? Faut-il rappeler, a minima, que les Français musulmans ne sont ni plus ni moins français que les autres ? Pour commencer à tirer les leçons de l’attentat abject contre Charlie Hebdo et des prises d’otages subséquentes, la réflexion devrait d’abord porter sur deux thèmes, que le discours identitaire vise à occulter.

    En effet, on ne peut pas rendre compte du phénomène djihadiste sans tenir compte du rôle joué par les puissances occidentales dans la géopolitique du monde arabe, hier et aujourd’hui. On ne peut pas ignorer non plus que, en raison des politiques menées depuis une trentaine d’années, des pans entiers de la population française sont relégués économiquement et socialement, ce qui met structurellement des recrues à disposition pour le djihad – ce phénomène étant probablement accrû par la crise économique et sociale massive qui frappe le pays depuis plusieurs années.

    Les vrais malaises sont là, exacerbés par l’horreur des attentats, mais aussi attisés par ceux qui en appellent à l’affrontement entre des « communautés » illusoires : d’un côté des différentialistes opposant l’islam aux « vrais Français », de l’autre des antisémites, tels Dieudonné et Alain Soral, voyant « les juifs » à l’origine d’un complot mondial. Notons enfin que les trois assassins djihadistes sont allés à l’école en France : et si le gouvernement entendait les propositions des enseignants sur les projets d’une véritable formation dans laquelle la diversité des références culturelles, historiques et politiques pourrait se retrouver ?

    Dans le marasme actuel, il faut certes saluer les mobilisations toutes récentes, qui indiquent l’attachement d’un grand nombre de Français(es) à un combat séculaire sans cesse renouvelé pour la liberté depuis plus de deux siècles. Il reste toutefois urgent de tordre le cou au stéréotype du « malaise identitaire », encore bien trop présent dans les esprits.

    Signataires : Sylvain Bourmeau, journaliste et sociologue ; Martial Cavatz, historien ; Christophe Charle, historien ; Laurence de Cock, historienne ; Arlette Farge, historienne ; Laura-Maï Gaveriaux, philosophe ; Klaus-Gerd Giesen, politologue et philosophe ; Roland Gori, psychanalyste ; Régis Meyran, anthropologue ; Laurent Mucchielli, sociologue ; Gérard Noiriel, historien ; Nicolas Offenstadt, historien ; Alain Policar, sociologue ; Valéry Rasplus, sociologue ; Michèle Riot-Sarcey, historienne ; Nicolas Roméas, directeur de publication ; Frédéric Sawicki, politiste ; Dominique Kalifa, historien ; Frédéric Régent, historien ; Valérie de Saint-Do, journaliste ; Julien Théry, historien ; Louis-Georges Tin, maître de conférences en lettres.

  • L’islamisme, une lecture totalitaire du monde, Chahla Chafiq
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/02/05/l-islamisme-une-lecture-totalitaire-du-monde_4570661_3232.html

    A trop se focaliser sur le #djihadisme, le débat se détourne des processus de réislamisation idéologique en cours depuis les années 1990, en France et en Europe, et banalise le phénomène de l’#islamisme, dont le djihadisme est pourtant l’une des facettes. L’islamisme, à distinguer tout autant des pratiques individuelles et séculières de l’islam que des diverses pratiques traditionnelles, travestit la religion en une #idéologie à caractère totalitaire qui explique tout, répond à toutes les incertitudes et définit l’ordre auquel il faut se soumettre.

    « L’islam, c’est l’application des règles, ce qui était interdit reste interdit et ce qui était autorisé reste autorisé, il n’y a pas d’autre voie », nous dit Abdel, jeune converti à l’islam, avant d’expliquer sa conversion par son besoin de contrôle : « Je suis quelqu’un qui aime que tout soit maîtrisé, j’aime la #sécurité. » (...)

    Or, l’idéologie islamiste essentialise « le monde musulman » et « les musulmans » en réduisant le culturel au cultuel (l’islam résume toute la culture) et en politisant le religieux (la #religion érigée en #loi). (...)

    L’analyse des entretiens révèle aussi les besoins paradoxaux des jeunes radicalisés ou en voie de radicalisation : désir d’ordre et de rébellion ; de cadre, de sécurité et d’aventure ; de soumission et de domination. L’offre islamiste leur propose un paquet assez complet qui répond à ces besoins, en leur permettant de trouver du sens et des liens, de se draper dans une appartenance, de se faire reconnaître, d’en finir avec les frustrations et l’humiliation, de s’engager dans une aventure héroïsante, de prendre le pouvoir.

    #essentialisation

  • Poutine doit choisir : guerre ou paix
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/02/06/poutine-doit-choisir-guerre-ou-paix_4571374_3232.html

    Mais, au fond, tout ne dépend que d’un homme : Vladimir Poutine. Le président russe estime-t-il qu’il a suffisamment fait payer Kiev du crime de mésalliance avec l’UE ? Veut-il entrer dans un processus d’apaisement ? Ou continuer à entretenir la guerre ? A raison, Berlin et Paris proposent un compromis. La réponse est au Kremlin, nulle part ailleurs.

    Ah ah ah.

    « Nous venons en paix (européenne). Et à la façon de la Grèce : soit vous acceptez nos conditions soit c’est la guerre. C’est tout entre vos mains ! »

    • En face, l’armée ukrainienne tient mal le choc, sous-équipée, sous-entraînée, dans un pays affrontant les plus graves difficultés économiques.

      Toute la presse nous parle toujours de l’armée ukrainienne, mais tous les reportages nous présentent toujours des miliciens ukrainiens, toujours équipés de bric et de broc avec des contributions volontaires. Sauf peut-être au tout début, lorsqu’on voyait des convois de BTR (véhicules de transport de troupe) ou lors de la reprise en main de Marioupol, début mai, on ne voit pas d’infanterie ukrainienne.

      Est-ce que c’est parce que les milices ont une stratégie de visibilité médiatique ou est-ce parce que l’armée est dans un état de délabrement avancé. Outre les causes habituelles telles que la corruption, le détournement de matériel etc. il y a aussi les vides laissés par les désertions, d’une part des soldats originaires de l’est mais aussi de ceux, nombreux, qui sont moyennement motivés par la participation à une guerre civile. Pas certain d’ailleurs que la conscription — certains suggèrent de l’étendre aux femmes — n’améliore la motivation.

      Et donc, armer, armer, armer l’Ukraine qui revient en boucle dans les plus remontés anti-Poutine veut dire confier ces armes à QUI ? Aux milices, à des mercenaires, à des coopérants ?

      Qu’en pensent les conseillers militaires occidentaux ou otaniens sur place ?
      Ah, on me dit dans l’oreillette qu’il n’y en a pas…

  • Le rouge et le tricolore | par Alain Badiou
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/01/27/le-rouge-et-le-tricolore_4564083_3232.html

    Il y a eu en France, depuis bien longtemps, deux types de manifestation : celle sous drapeau rouge, et celles sous drapeau tricolore. Croyez-moi : y compris pour réduire à rien les petites bandes fascistes identitaires et meurtrières, qu’elles se réclament des formes sectaires de la religion musulmane, de l’identité nationale française ou de la supériorité de l’Occident, ce ne sont pas les tricolores, commandées et utilisées par nos maîtres, qui sont efficaces. Ce sont les autres, les rouges, qu’il faut faire revenir.

    • Le Rouge et la Marseillaise, par Bernard Chartreux, dramaturge
      http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/02/10/le-rouge-et-la-marseillaise_4573404_3232.html

      Ne pas signaler, comme le fait Badiou , ce versant religieux des crimes fascistes, c’est fermer volontairement les yeux devant ce qui est sans doute l’événement marquant –en concomitance il va sans dire avec la chute du communisme– de la fin du XXe et du début du XXIe siècle, savoir le retour en force (et inattendu ?) tant sur le plan individuel qu’au niveau géo-stratégique, de la religion. C’est ne pas vouloir voir son caractère impérialiste, dominateur, conquérant, propre à toutes les dérives sectaires et criminelles. C’est s’imaginer que l’on peut l’utiliser (la religion) à des fins politiques toutes différentes de sa finalité propre –un ordre moral coercitif ici bas et la récompense céleste post mortem– alors qu’en réalité c’est elle qui, en dernière instance, va manipuler les apprentis manipulateurs (cf. par exemple les Etats Unis et le fondamentaliste afghan) .

      Avec la classique simplification aberrante sur l’"#opium_du_peuple" qui ne fait aucun cas de ce qui précède l’expression, à propos de la #religion comme « âme d’un monde sans coeur, esprit de conditions sociales d’où l’esprit est exclu ».

      #incarnation

    • Le texte de Badiou dans sa version non tronquée par Le Monde

      Le Rouge et le Tricolore
      Alain Badiou

      1. Arrière-plan : la situation mondiale.
      Aujourd’hui, le monde est investi en totalité par la figure du capitalisme global, soumis à l’oligarchie internationale qui le régente, et asservi à l’abstraction monétaire comme seule figure reconnue de l’universalité. Nous vivons un pénible intervalle : celui qui sépare la fin de la deuxième étape historique de l’Idée communiste (la construction intenable, terroriste, d’un « communisme d’Etat ») de sa troisième étape (le communisme réalisant la politique, adéquate au réel, d’une « émancipation de l’humanité tout entière »). Dans ce contexte, s’est établi un conformisme intellectuel médiocre, une sorte de résignation à la fois plaintive et satisfaite, qui accompagne l’absence de tout futur autre que la répétition déployée de ce qu’il y a.
      Nous voyons alors apparaître, contre-partie à la fois logique et horrifiante, désespérée et fatale, mélange de capitalisme corrompu et de gangstérisme meurtrier, un repli maniaque, manœuvré subjectivement par la pulsion de mort, vers les identités les plus diverses. Ce repli suscite à son tour des contre-identités identitaires arrogantes. Sur la trame générale de « l’Occident », patrie du capitalisme dominant et civilisé, contre « l’Islamisme », référent du terrorisme sanguinaire, apparaissent, d’un côté, des bandes armées meurtrières ou des individus surarmés, brandissant pour se faire obéir le cadavre de quelques dieux ; de l’autre, au nom des droits de l’homme et de la démocratie, des expéditions militaires internationales sauvages, détruisant des Etats entiers (Yougoslavie, Irak, Libye, Afghanistan, Soudan, Congo, Mali, Centrafrique…) et faisant des milliers de victimes, sans parvenir à rien qu’à négocier avec les bandits les plus corruptibles une paix précaire autour des puits, des mines, des ressources vivrières et des enclaves où prospèrent les grandes compagnies.
      Il en ira ainsi tant que l’universalisme vrai, le prise en main du destin de l’humanité par l’humanité elle-même, et donc la nouvelle et décisive incarnation historico-politique de l’Idée communiste, n’aura pas déployé sa neuve puissance à l’échelle mondiale, annulant au passage l’asservissement des Etats à l’oligarchie des propriétaires et de leurs serviteurs, l’abstraction monétaire, et finalement les identités et contre-identités qui ravagent les esprits et en appellent à la mort.
      La situation mondiale, c’est que tarde à venir, mais viendra – si nous parvenons à le vouloir à grande échelle – le temps où toute identité (car il y aura toujours des identités, y compris différentes, y compris formellement contradictoires) sera intégrée égalitairement et pacifiquement dans le destin de l’humanité générique.
      2. Détails français : Charlie-Hebdo et la « République ».
      Né du gauchisme révolté des années soixante-dix, Charlie-Hebdo est devenu, comme nombre d’intellectuels, de politiciens, de « nouveaux philosophes », d’économistes impuissants et d’amuseurs divers, un défenseur à la fois ironique et fiévreux de la Démocratie, de la République, de la Laïcité, de la Liberté d’opinion, de la Libre entreprise, du Libre sexe, de l’Etat libre, bref, de l’ordre politique et moral établi. Ce genre de renégation, qui est comme le vieillissement des esprits au fil des circonstances, pullule, et n’a en soi-même guère d’intérêt.
      Plus nouvelle semble la construction patiente, entamée en France dès les années quatre-vingt du dernier siècle, d’un ennemi intérieur de type nouveau : le musulman. Cela s’est fait dans la foulée de diverses lois scélérates poussant la « liberté d’expression » jusqu’au contrôle tatillon des vêtements, de nouveaux interdits concernant le récit historique et de nouvelles franchises policières. Cela s’est fait aussi dans une sorte de rivalité « de gauche » avec l’irrésistible ascension du Front national, lequel pratiquait depuis la guerre d’Algérie un racisme colonial franc et ouvert. Quelles que soit la diversité des causes, le fait est que le musulman, de Mahomet à nos jours, est devenu le mauvais objet du désir de Charlie-Hebdo. Accabler de sarcasmes le musulman et faire rire de ses façons est devenu le fonds de commerce de ce crépusculaire magazine « humoristique », un peu comme il y a un petit siècle on se moquait, sous le nom de « Bécassine », des paysannes pauvres (et chrétiennes, à l’époque…) venues de Bretagne pour torcher les enfants des bourgeoises de Paris.
      Tout cela, au fond, n’est pas si nouveau. L’ordre établi parlementaire français – au moins depuis son acte fondateur, à savoir le massacre, en 1871, par les Thiers, Jules Ferry, Jules Favre et autres vedettes de la gauche « républicaine », de vingt mille ouvriers dans les rues de Paris – ce « pacte républicain » auquel se sont ralliés tant d’ex-gauchistes, a toujours soupçonné que se tramaient des choses effrayantes dans les faubourgs, les usines de la périphérie, les sombres bistrots banlieusards. Il a toujours envoyé de fortes brigades policières dans ces endroits, et peuplé les prisons, sous d’innombrables prétextes, des louches jeunes hommes mal éduqués qui y vivaient. Il a introduit dans les « bandes de jeunes » des délateurs corrompus. Elle a aussi, la République, multiplié les massacres et formes neuves d’esclavage requis par le maintien de l’ordre dans l’Empire colonial. Cet Empire sanguinaire, où l’on torturait avec constance les « suspects » dans le moindre commissariat de la moindre bourgade africaine ou asiatique, avait trouvé sa charte dans les déclarations du même Jules Ferry, – décidément un activiste du pacte républicain – lesquelles exaltaient la « mission civilisatrice » de la France.
      Or, voyez-vous, un nombre considérables des jeunes qui peuplent nos banlieues, outre leurs louches activités et leur manque flagrant d’éducation (étrangement, la fameuse Ecole républicaine n’a rien pu, semble-t-il, en tirer, mais n’arrive pas à se convaincre que c’est de sa faute, et non de la faute des élèves), ont des parents prolétaires d’origine africaine, ou sont eux-mêmes venus d’Afrique pour survivre, et, par voie de conséquence, sont souvent de religion musulmane. A la fois prolétaires et colonisés, en somme. Deux raisons de s’en méfier et de prendre les concernant de sérieuses mesures répressives. La police, heureusement, sous la direction éclairée de nos gouvernements, tant de droite extrême que de gauche résolue, fait ce qu’il convient. Supposons que vous soyez un jeune noir ou un jeune à l’allure arabe, ou encore une jeune femme qui a décidé, par sens de la libre révolte, puisque c’est interdit, de se couvrir les cheveux. Eh bien, vous avez alors neuf ou dix fois plus de chances d’être interpellé dans la rue par notre police démocratique et très souvent retenu dans un commissariat, que si vous avez la mine d’un « Français », ce qui veut dire, uniquement, le faciès de quelqu’un qui n’est probablement ni prolétaire, ni ex-colonisé. Ni musulman. Charlie-Hebdo, en un sens, ne fait qu’aboyer avec ces mœurs policières.
      On prétend de ci de là que ce n’est pas le fait d’être musulman en soi, comme indice négatif, que visent les caricatures de Charlie-Hebdo, mais l’activisme terroriste des intégristes. C’est objectivement faux. Prenez une caricature typique : on y voit une paire de fesses nues, c’est tout, et la légende dit « Et le cul de Mahomet, on peut s’en servir ? ». Le Prophète des croyants, cible permanente de ces stupidités, serait-il un terroriste contemporain ? Non, cela n’a rien à voir avec quelque politique que ce soit. Rien à voir avec le drapeau solennel de la « liberté d’expression ». C’est une ridicule et provocatrice obscénité visant l’Islam comme tel, c’est tout. Et ce n’est rien d’autre qu’un racisme culturel de bas étage, une « blague » pour faire péter de rire le lepéniste aviné du coin. Une complaisante provocation « occidentale », pleine de la satisfaction du nanti, envers, non seulement d’immenses masses populaires africaines, moyen-orientales ou asiatiques qui vivent dans des conditions dramatiques, mais envers une très large fraction du peuple laborieux ici même, celui qui vide nos poubelles, nettoie la vaisselle, s’éreinte au marteau piqueur, fait à cadence accélérée les chambres des hôtels de luxe ou nettoie à quatre heures du matin les vitres des grandes banques. Bref, cette part du peuple qui, par son travail seul, mais aussi par sa vie complexe, ses voyages risqués, sa connaissance de plusieurs langues, sa sagesse existentielle et sa capacité à reconnaître ce que c’est qu’une vraie politique d’émancipation, mérite au moins qu’on la considère, et même, oui, qu’on l’admire, toute question religieuse mise de côté.
      Autrefois déjà, dès le XVIIIe siècle, toutes ces blagues sexuelles, antireligieuses en apparence, antipopulaires en réalité, avaient donné un « humour » de caserne ou de salle de garde. Voyez les obscénités de Voltaire à propos de Jeanne d’Arc : son La Pucelle d’Orléans est tout à fait digne de Charlie-Hebdo. A lui seul, ce poème cochon dirigé contre une héroïne sublimement chrétienne autorise à dire que les vraies et fortes lumières de la pensée critique ne sont certes pas illustrées par ce Voltaire de bas étage. Il éclaire la sagesse de Robespierre quand il condamne tous ceux qui font des violences antireligieuses le cœur de la Révolution, et n’obtiennent ainsi que désertion populaire et guerre civile. Il nous invite à considérer que ce qui divise l’opinion démocratique française est d’être, le sachant ou non, soit du côté constamment progressiste et réellement démocrate de Rousseau, soit du côté de l’affairiste coquin, du riche spéculateur sceptique et jouisseur, qui était comme le mauvais génie logé dans ce Voltaire par ailleurs capable, parfois, d’authentiques combats.
      Mais aujourd’hui, tout cela pue la mentalité coloniale – comme du reste la loi contre le foulard « islamique » rappelait, en bien plus violent, hélas, les moqueries contre la coiffe bretonne de Bécassine : tous points où le racisme culturel racoleur fusionne avec l’hostilité sourde, l’ignorance crasse et la peur qu’inspire au petit bourgeois de nos contrées, très content de lui-même, l’énorme masse, banlieusarde ou africaine, des damnés de la terre.
      3. Ce qui est arrivé, 1 : Le crime de type fasciste.
      Et les trois jeunes Français que la police a rapidement tués ?
      Remarquons en passant que c’était faire, à la satisfaction générale, l’économie d’un procès où il aurait fallu discuter de la situation et de la réelle provenance des coupables. C’était aussi un trait tiré sur l’abolition de la peine de mort, le retour à la pure vengeance publique, dans le style des westerns.
      S’il faut les caractériser, disons qu’ils ont commis ce qu’il faut appeler un crime de type fasciste.
      J’appelle crime de type fasciste un crime qui a trois caractéristiques. D’abord, il est ciblé, et non pas aveugle, parce que sa motivation est idéologique, de caractère fascisant, ce qui veut dire : stupidement identitaire, nationale, raciale, communautaire, coutumière, religieuse... En la circonstance, les assassins avaient visiblement comme cibles trois identités souvent visées par le fascisme classique : les publicistes considérés comme du bord opposé, les policiers défendant l’ordre parlementaire haï, et les Juifs. Il s’agit de la religion dans le premier cas, d’une Etat national dans le second, d’une prétendue race dans le troisième. Ensuite, il est d’une violence extrême, assumée, spectaculaire, parce qu’il vise à imposer l’idée d’une détermination froide et absolue, qui du reste inclut de façon suicidaire la probabilité de la mort des meurtriers. C’est l’aspect « Viva la muerte ! », l’allure nihiliste, de ces actions. Troisièmement, le crime vise, par son énormité, son effet de surprise, son côté hors norme, à créer un effet de terreur et à alimenter, de ce fait même, du côté de l’Etat et de l’opinion, des réactions incontrôlées, lesquelles, aux yeux des criminels et de leurs patrons, vont justifier après coup, par symétrie, l’attentat sanglant.
      Ce genre de crime demande des tueurs que ceux qui les manipulent peuvent abandonner à leur sort dès que l’acte a eu lieu. Ce ne sont pas de grands professionnels, des gens des services secrets, des assassins chevronnés. Ce sont des jeunes du peuple, tirés de leur vie, qu’ils prévoient sans issue, ni sens, par la fascination de l’acte pur mêlé à quelques ingrédients identitaires sauvages, et qui accèdent aussi, ce faisant, aux armes sophistiquées, aux voyages, à la vie en bande, à des formes de pouvoir, de jouissance, et à un peu d’argent. En France même, on a vu, à une autre époque, des recrues de groupes fascisants capables de devenir des meurtriers et des tortionnaires pour des raisons du même genre. Ce fut notamment le cas, pendant l’occupation de la France par les nazis, de bien des miliciens embauchés par Vichy sous le drapeau de la « Révolution nationale ».
      Si l’on veut réduire le risque des crimes fascistes, c’est de ce portrait qu’il faut s’inspirer. Les facteurs décisifs autorisant l’apparition de ces crimes sont clairs. Il y a l’image négative que la société se fait des jeunes venus de la misère mondiale, la façon dont elle les traite. Il y a le maniement inconsidéré des questions identitaires, l’existence non combattue, voire encouragée, de déterminations racialistes et coloniales, les lois scélérates de ségrégation et de stigmatisation. Il y a surtout sans doute, non pas l’inexistence – on trouve dans notre pays des militants pleins d’idées et liés au peuple réel –, mais la faiblesse désastreuse, à échelle internationale, des propositions politiques hors consensus, de nature révolutionnaire et universelle, susceptibles d’organiser ces jeunes dans la solidité agissante d’une conviction politique rationnelle. Ce n’est que sur le fond d’une action persistante pour modifier tous ces facteurs négatifs, d’un appel à changer de fond en comble la logique politique dominante, qu’on aurait pu raisonnablement faire prendre à l’opinion la vraie mesure de ce qui se passait, et subordonner l’action policière, toujours dangereuse quand elle est livrée à elle-même, à une conscience publique éclairée et capable.
      Or la réaction gouvernementale et médiatique a fait exactement tout le contraire.
      4. Ce qui est arrivé, 2 : L’Etat et l’Opinion.
      Dès le début, l’Etat s’est engagé dans une utilisation démesurée et extrêmement dangereuse du crime fasciste. Au crime à motivations identitaires, il a opposé dans les faits une motivation identitaire symétrique. Au « musulman fanatique » on a opposé sans vergogne le bon Français démocrate. Le scandaleux thème de « l’union nationale », voire de « l’union sacrée », qui n’a servi en France qu’à envoyer les jeunes gens se faire massacrer pour rien dans les tranchées, est ressorti de ses placards naphtalinés. Que du reste ce thème soit identitaire et guerrier, on l’a bien vu lorsque nos dirigeants, les Hollande et les Valls, suivis par tous les organes médiatiques, ont entonné l’air, inventé par Bush à propos de la sinistre invasion de l’Irak – dont on connaît aujourd’hui les effets dévastateurs et absurdes –, de la « guerre contre le terrorisme ». C’est tout juste si, à l’occasion d’un crime isolé de type fasciste, on n’a pas exhorté les gens soit à se terrer chez eux, soit à revêtir leur uniforme de réserviste et à partir au son du clairon en Syrie.
      La confusion a été à son comble quand on a vu que l’Etat appelait, de façon parfaitement autoritaire, à venir manifester. Ici, au pays de la « liberté d’expression », une manifestation sur ordre de l’Etat ! On avait de bonnes raisons de se demander si Valls n’envisageait pas d’emprisonner les absents. On a puni, de ci de là, ceux qui étaient rétifs à la minute de silence. Nous aurons vraiment tout vu. C’est ainsi qu’au plus bas de leur popularité, nos dirigeants ont pu, grâce à trois fascistes dévoyés qui ne pouvaient imaginer un tel triomphe, défiler devant un million et quelques de personnes, à la fois terrorisées par les « musulmans » et nourries aux vitamines de la démocratie, du pacte républicain et de la grandeur superbe de la France. Il a même été possible que le criminel de guerre coloniale Netanyahou figure au premier rang des manifestants, supposés venir là célébrer la liberté d’opinion et la paix civile.
      La « liberté d’expression », parlons-en ! La manifestation affirmait au contraire, à grand renfort de drapeaux tricolores, qu’être français c’est d’abord avoir tous, sous la houlette de l’Etat, la même opinion. Il était pratiquement impossible, tous ces jours -ci, d’exprimer sur ce qui se passait une autre avis que celui qui consiste à s’enchanter de nos libertés, de notre République, à maudire la corruption de notre identité par les jeunes prolétaires musulmans et les filles horriblement voilées, et à se préparer virilement à la « guerre contre le terrorisme ». On a même entendu le cri suivant, admirable dans sa liberté expressive : « nous sommes tous des policiers ».
      Comment du reste ose-t-on aujourd’hui parler de « liberté d’expression » dans un pays où, à de très pauvres exceptions près, la totalité des organes de presse et de télévision sont aux mains de grands groupes privés industriels et/ou financiers ? Faut-il que notre « pacte républicain » soit souple et accommodant pour qu’on s’imagine que ces grands groupes, que Bouygues, que Lagardère, que Niel, et tous les autres, sont prêts à sacrifier leurs intérêts privés sur l’autel de la démocratie et de la liberté d’expression !
      Il est très naturel en réalité que la loi de notre pays soit celle de la pensée unique et de la soumission peureuse. La liberté en général, y compris celle de la pensée, de l’expression, de l’action, de la vie même, consiste-t-elle aujourd’hui à devenir unanimement des auxiliaires de police pour la traque de quelques dizaines d’embrigadés fascistes, la délation universelle des suspects barbus ou voilés, et la suspicion continue concernant les sombres « cités de banlieues », héritières des « faubourgs » où l’on fit autrefois un carnage des Communards ? Ou bien la tâche centrale de l’émancipation, de la liberté publique, est-elle bien plutôt d’agir en commun avec le plus possible de jeunes prolétaires de ces banlieues, le plus possible de jeunes filles, voilées ou non, cela n’importe pas, dans le cadre d’une politique neuve, qui ne se réfère à aucune identité (« les prolétaires n’ont pas de patrie ») et prépare la figure égalitaire d’une humanité s’emparant enfin de son propre destin ? Une politique qui envisage rationnellement que nos vrais maîtres impitoyables, les riches régents de notre destin, soient enfin congédiés ?
      Il y a eu en France, depuis bien longtemps, deux types de manifestations : celles sous drapeau rouge, et celles sous drapeau tricolore. Croyez-moi : y compris pour réduire à rien les petites bandes fascistes identitaires et meurtrières, qu’elles se réclament des formes sectaires de la religion musulmane, de l’identité nationale française ou de la supériorité de l’Occident, ce ne sont pas les tricolores, commandées et utilisées par nos maîtres, qui sont efficaces. Ce sont les autres, les rouges, qu’il faut faire revenir.

    • Le #philosophe et le #djihadiste, Jacob Rogozinski
      http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/02/20/le-philosophe-et-le-djihadiste_4580674_3232.html

      Dans une récente tribune (Le Monde, 28 janvier), Alain Badiou qualifie de « crime #fasciste » l’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo et des Juifs de l’hypermarché casher. Peu importe que les tueurs se soient réclamé Al-Qaida et de Daech, peu importe qu’ils aient donné à leur acte une signification religieuse (« nous avons vengé le Prophète ! ») : comme si rien n’avait changé depuis les années 1930, notre philosophe n’y voit que du « fascisme ». Il s’obstine en effet à ressusciter le vieux nom sanglant de « communisme » et à désigner comme « fasciste » ce qui lui fait obstacle. Obstination qui le rend sourd et aveugle à ce qu’il y a de nouveau, de singulier dans la situation présente. (...)

      Foucault ne s’est pas assez interrogé sur ce qui incite les individus à adhérer aux dispositifs de pouvoir. Pour qu’un homme accepte de se soumettre à un dispositif, il faut que celui-ci soit parvenu à capter certains de ses affects, de ses désirs, de ses fantasmes, à les intensifier ou les modifier, à les infléchir en les orientant vers certaines cibles. Les affects qui animent un grand nombre de jeunes, victimes du chômage, du racisme, de leur relégation dans des quartiers déshérités, sont des sentiments de révolte contre l’injustice : l’indignation, la colère. Il arrive toutefois qu’une juste colère se transforme en un autre affect qui ne tient plus aucun compte du juste et de l’injuste, mais vise uniquement à détruire son objet.
      Cet affect mortifère est la haine. En captant la révolte, l’indignation, la colère, les dispositifs de terreur les exacerbent, les font virer à la haine et donnent à cette haine des cibles contre lesquelles se déchaîner. Comment empêcher le djihadisme d’exploiter une rébellion légitime ? En luttant concrètement contre l’injustice qui l’engendre, contre toutes les formes d’oppression et de ségrégation ; mais aussi en travaillant collectivement, patiemment, à re-fonder un projet d’émancipation qui aura tiré la leçon des désastres du XX° siècle. Seule une politique d’#émancipation qui saurait « tirer sa poésie de l’avenir et non du passé » pourra parvenir à briser la logique de la haine.

      Encore une alternative piégée, #mao_stal et/ou #anticommuniste.

      #dispositifs_de_terreur