« Nous assistons à l’écroulement d’un monde, des forces immenses sont sur le point d’être déchaînées », entretien avec Frédéric Lordon (extrait)

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  • « Nous assistons à l’écroulement d’un monde, des forces immenses sont sur le point d’être déchaînées », entretien avec Frédéric Lordon (extrait) | RdL La Revue des Livres

    RdL : Dans quelle mesure la crise de la dette peut-elle être amenée à prendre un tour aussi dramatique aux États-Unis et en Grande-Bretagne, c’est-à-dire dans des économies où l’impotence de la Banque centrale européenne ne joue pas le rôle aggravant qui est le sien en Europe ?

    FL : Elle leur pend au nez comme un sifflet de deux ronds car les mêmes causes créeront partout les mêmes effets. La puissance des forces à l’œuvre est telle que j’imagine mal qu’une simple différence de latitude de la banque centrale puisse faire le poids. Je ne dis pas que ça ne fait pas de différence : il faut bien reconnaître que la BCE est spécialement obtuse et que sa contribution à la détérioration de la situation de la zone euro n’est pas du tout négligeable, mais au total, ça ne change que le rythme d’entrée des diverses économies dans le tourbillon.

    Mais de quelles causes et de quels effets s’agit-il ? Celles et ceux mêmes qui ont été dits à l’instant : l’incapacité à se rendre à l’idée que la solution au problème des dettes publiques consiste en un retour à la croissance dans le moyen terme avec l’acceptation pendant la période transitoire d’un creusement des déficits. Mais cette solution-là, c’est la contrainte des marchés de capitaux qui la rend inaccessible. On pourrait discuter un certain temps des biais anti-continentaux de la finance anglo-saxonne, et il y aurait peut-être une ou deux choses bien fondées à déterrer en cette matière, mais à la fin des fins la finance n’a que les vues de ses intérêts patrimoniaux et si elle les estime menacés aux États-Unis ou au Royaume-Uni elle réagira comme ailleurs. Or on y va tout droit. Le débat sur la réduction des déficits s’est ouvert dans ces deux pays et plus rien ne pourra l’empêcher de devenir obsessionnel. Là comme ailleurs, les politiques d’austérité réclamées à cor et à cri produiront leurs effets autodestructeurs : restriction, maintien des déficits, montée continue des dettes, alarmes de la finance, hausse des taux d’intérêt, élévation du service de la dette nécessitant un tour de vis supplémentaire, donc intensification de la restriction, etc., le tout régulièrement pimenté par les agences de notation et leurs menaces de dégradation.

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