• « On est traités comme des animaux » : à Beaucaire, les saisonniers étrangers, entre conditions de vie difficiles et crainte du coronavirus, Sofia Fischer
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/06/13/a-beaucaire-les-saisonniers-etrangers-entre-conditions-de-vie-difficiles-et-


    Photos, ARNOLD JEROCKI / DIVERGENCE POUR « LE MONDE »

    Début juin, des clusters de Covid-19 ont été découverts parmi les ouvriers agricoles, venus majoritairement d’Amérique du Sud, qui circulent entre Gard, Vaucluse et Bouches-du-Rhône. Le dépistage révèle les pratiques douteuses de la filière.

    Dans la longue file d’attente qui s’étend devant le gymnase de Beaucaire (Gard) transformé en centre de dépistage, les accents de Colombie et de l’Equateur se mêlent à ceux, plus hachés, des membres de la Croix-Rouge. Un homme s’inquiète auprès de son voisin, en espagnol : « Est-ce qu’il faut une carte Vitale ? Parce que je n’en ai pas. »

    Sur ces terres fertiles, limitrophes des Bouches-du-Rhône et proches du Vaucluse, beaucoup d’ouvriers agricoles, provenant majoritairement d’Amérique du Sud et transitant par l’Espagne, arrivent tous les ans par bus entiers au printemps. Très dépendants de cette main-d’œuvre, d’autant plus en période de crise sanitaire, les agriculteurs membres de la Fédération des syndicats d’exploitants agricoles des Bouches-du-Rhône avaient manifesté le 20 mai à Arles et Aix pour s’assurer de leur venue. Alors, à la réouverture des frontières, ils sont arrivés. Avec, a priori, plusieurs cas de Covid-19 à bord.

    A quelques kilomètres de Beaucaire, de l’autre côté du Rhône, plusieurs foyers du virus sont apparus début juin. Une trentaine de cas ont été découverts dans un camping de travailleurs installé au milieu des champs à Noves et chez un producteur de fraises à Maillane, au nord des Bouches-du-Rhône. Une opération de dépistage a depuis été lancée. Les derniers bilans attestent 158 cas dans le département, 53 autres dans le Gard et 39 autres dans le Vaucluse. Des chiffres qui devraient augmenter au début de la semaine du 16 juin.


    Dépistage de travailleurs étrangers, le 10 juin à Beaucaire (Gard).

    Dans le complexe sportif, jeudi 11 juin, on s’active. Des entraîneurs de football, des professeurs et même une boulangère se sont proposés pour faire office de traducteurs, rassurer les parents inquiets et répondre aux questions. Pour faire venir au gymnase les saisonniers étrangers, qui sont parfois en situation irrégulière et ne parlent pour la plupart pas le français, l’agence régionale de santé (ARS) a dû innover. En utilisant, par exemple, les réseaux paroissiaux : David Flores, le prêtre équatorien de la ville, a fait circuler le message quotidiennement à ses fidèles par la messagerie WhatsApp.

    « Bouche-à-oreille »

    Les communiqués annonçant les dépistages gratuits pendant trois jours ont été traduits en espagnol et placardés sur les épiceries latinos du centre-ville. « On compte beaucoup sur le bouche-à-oreille pour rassurer les gens qui auraient peur de venir », explique Claude Rols, délégué de l’ARS dans le Gard.

    Pour l’ARS, qui, face à ce genre de situation, met en place un dispositif de traçage des contacts permettant d’enquêter sur les déplacements et les échanges entre individus, la tâche s’annonce ardue. Car ces ouvriers agricoles, souvent accueillis dans des chambres ou des mobile-homes collectifs, travaillent sur plusieurs lieux à la fois. Les risques de contamination deviennent donc importants au gré des déplacements, souvent effectués dans des véhicules collectifs. « Sans compter que tous les magasins latinos sont à Beaucaire » , explique Angel (certains prénoms ont été modifiés), 48 ans. L’Equatorien, qui ramasse les abricots en ce moment, l’assure : « Tout le monde se retrouve là-bas le week-end. »


    Un dispositif de traçage de contacts mis en place par l’agence régionale de santé pour enquêter sur les déplacements et les échanges entre individus.

    A la sortie du centre, Pablo, 22 ans, et Nathaly, 21 ans, font un signe de croix. « J’ai un bébé en Espagne, explique le jeune Colombien. Si je suis positif, je ne sais pas ce que je vais faire. Je suis venu ici pour travailler. » Nathaly, elle, a tenté de convaincre celle qui partage sa chambre sur l’exploitation de concombres où elle travaille de venir elle aussi se faire dépister. « Impossible : elle a beaucoup trop peur. Soit de la police de l’air et des frontières, soit d’être renvoyée en Espagne sans son salaire », explique-t-elle.

    Depuis les Bouches-du-Rhône voisines, où les campagnes de dépistage ont démarré début juin, beaucoup de saisonniers disent avoir appris leurs résultats par l’entreprise d’intérim qui les emploie et non par un médecin. Ils attendent toujours un document médical. Une vidéo montrant des chambres surpeuplées dans un domaine près d’Arles où plusieurs cas de Covid-19 ont été détectés circule sur les réseaux sociaux. Un Equatorien sur place raconte que des vigiles mèneraient la garde à l’entrée de la ferme.

    Dans la nuit du vendredi 12 au samedi 13 juin, sept employées saisonnières qui auraient testé positives au Covid-19, dispersées dans plusieurs fermes autour d’Arles (Bouches-du-Rhône), ont été transportées dans un centre d’isolement à Miramas. Elles disent avoir appris qu’elles étaient porteuses du virus par leur employeur début juin et n’avoir reçu aucun document médical. Elles refusaient de bouger sans de plus amples informations.

    « Esclaves du XXIe siècle »

    « C’est le chauffeur de la boîte d’intérim pour laquelle je travaille qui m’a dit que j’étais positive, explique Liliana qui, affolée, a contacté Le Monde pendant l’opération, tout en tentant de s’isoler tant bien que mal dans le domaine où elle se trouvait. Je n’ai jamais reçu de SMS, de mail, ou de courrier officiel. Et là, on nous embarque, je ne sais même pas où. Ils menacent d’appeler la police. » La préfecture des Bouches-du-Rhône, contactée samedi, parle de départs « volontaires », pour une mise à l’isolement plus « confortable ». « Il y a eu un moment de panique ou d’incompréhension, admet-elle, mais des informations devraient remonter très vite sur ce qui s’est passé. »

    Le fonctionnement opaque des entreprises, très lucratives, dont dépendent les saisonniers est souvent en cause. La plus connue d’entre elles, Terra Fecundis, devait être jugée pour près de 112 millions d’euros de fraude sociale début mai à Marseille. Mais l’audience de la plus grosse affaire de dumping social en France a été reportée pour cause de crise sanitaire. Les syndicats dénoncent depuis des années leurs conditions de travail, n’hésitant pas à parler « d’esclaves du XXIe siècle ».

    Parmi les ouvriers, beaucoup témoignent d’heures supplémentaires non payées, de retenues sur salaire non justifiées, de malaises, et parfois mêmes de violences. Javier, carrure large et voix chancelante, raconte « qu’on lui jette des pommes » sur la tête régulièrement. « On est traités comme des animaux. La cheffe de file a déjà fait pleurer plusieurs ouvriers. » Un autre dit avoir été renvoyé pour avoir publié une vidéo des conditions déplorables dans lesquelles il était confiné dans une ferme des Bouches-du-Rhône.

    Alberto, 36 ans, aujourd’hui sédentarisé en France, raconte ses débuts « avec des sociétés espagnoles » : des saisons « terribles », où il n’était payé « qu’un tiers des heures vraiment faites ». « Si votre tête de leur revenait pas, où qu’ils estimaient que vous ne travailliez pas assez vite, ils vous demandaient de ne pas revenir l’après-midi, explique-t-il. Parfois, si on avait déjà fait une semaine, ils ne la payaient pas. » Alors, selon ce père de famille, « c’est évident que si j’étais encore avec eux, je ne voudrais pas me faire tester ».


    Des travailleurs saisonniers, le 11 juin à Beaucaire (Gard).

    « On va devoir tirer les conclusions de ce qui s’est passé », admet Patrick Lévêque, patron de la Fédération des syndicats d’exploitants agricoles des Bouches-du-Rhône. S’il se serait bien passé de l’annonce des multiples clusters dans le monde agricole, il assure n’être pas surpris : « Nous avons continué de bosser pour nourrir la France pendant tout le confinement. C’était un risque, évidemment. »

    « On ne nous dit rien »

    A quelques encablures du centre de dépistage, on retrouve l’épicentre de cette immigration : l’intérieur des remparts de la ville musée de Beaucaire. Le maire Rassemblement national (ex-Front national), Julien Sanchez, a été réélu dès le premier tour le 15 mars. Dans les épiceries latinos, entre les bananes plantain et les bonbons au dulce de leche, des agriculteurs ont épinglé des annonces traduites en espagnol. « Cherche bras pour travailler dans la vigne. Cotisations en Espagne. »

    Une femme demande si elle peut être renvoyée si jamais le résultat était positif. Une autre s’inquiète pour un ami confiné chez son employeur, dans un dortoir avec plusieurs cas de Covid-19. Un couple à qui on a imposé une quarantaine après avoir covoituré avec un collègue testé positif s’inquiète : seront-ils payés quand même à la fin du mois ? « On ne nous dit rien », confie le mari.

    Dans les rues de Beaucaire, la nuit tombe. Les terrasses se remplissent doucement. Sur les tables, les « unes » des journaux locaux avec le nombre de cas qui grimpe dangereusement. Les riverains s’inquiètent. « Avec les conditions dans lesquelles ils vivent, ce n’est pas étonnant qu’il y ait autant de Covid chez les Latinos » , estime Alain, bière à la main.« Avec cette histoire, raconte Alberto, les gens nous regardent un peu bizarrement. Il y en a qui changent carrément de trottoir. »


    Les épiceries latinos du centre-ville ont été des relais dans la campagne de dépistage gratuit.

    #saisonniers #sans_papiers #ouvriers_agricoles #intérim #agriculture #clusters #Terra_Fecundis #fraude_sociale #Covid-19

    • Haaa le fameux : « Nous avons continué de bosser pour nourrir la France pendant tout le confinement. C’était un risque, évidemment. »

    • Le travail détaché en agriculture condamné… avec sursis
      https://www.sante-et-travail.fr/travail-detache-agriculture-condamne-sursis

      Si le procès engagé contre l’entreprise de travail temporaire Terra Fecundis a permis de sanctionner certains abus autour du détachement de travailleurs agricoles, ce système de prêt de main-d’œuvre demeure légal et source de dérives graves concernant les conditions de travail. [paywall]

      Communiqué de presse (12/7/21) de la Confédération paysanne, partie civile dans ce procès :
      https://confederationpaysanne.fr/rp_article.php?id=11630

      La Confédération paysanne se félicite des condamnations prononcées le 8 juillet par le tribunal correctionnel de Marseille dans le dossier de la société espagnole Terra Fecundis, poursuivie pour détournement du cadre européen du travail détaché et délits de marchandage en bande organisée.

      Les dirigeants de cette entreprise de travail temporaire ont notamment été condamnés à des peines de 4 ans de prison avec sursis et à une interdiction définitive d’exercer cette activité.

      Terra Fecundis est aussi condamnée à 500.000 euros d’amende et à l’interdiction d’exercer l’activité de travail temporaire en France, quand Terra Bus Mediterraneo se voit interdite d’exercer le transport de personnes et condamnée à une amende de 200.000 euros.

      En condamnant ainsi les acteurs de ce vaste trafic de travailleurs.euses agricoles, la justice a pris la mesure des enjeux humains, sociaux et économiques de ce dossier. Nous regrettons cependant qu’ aucune entreprise ayant utilisé la main d’œuvre proposée par Terra Fecundis en France n’ait été poursuivie
      La Confédération paysanne s’est vue reconnaître la légitimité à agir, puisque sa demande de constitution de partie civile a été acceptée par le tribunal. L’audience relative au montant des dommages et intérêts aura lieu le 19 novembre prochain.

      Notre syndicat défend un modèle agricole, l’agriculture paysanne, qui passe par le respect des salarié.es et des droits sociaux. Des entreprises comme Terra Fecundis sont les chevilles ouvrières d’un système de concurrence déloyale, fondé sur une main d’œuvre exploitée, auquel doivent faire face celles et ceux qui emploient et rémunèrent correctement leurs salarié.es dans le respect des droits sociaux et du droit du travail. Il est inadmissible qu’ils se trouvent pénalisés par ces pratiques qui ont cours dans la filière fruits et légumes.

      La Confédération paysanne dénonce encore une fois ce système d’exploitation de travailleurs.euses et sera partie prenante des procédures qui se présenteront, en cohérence avec notre exigence de conditionnalité sociale des aides publiques.

      #marchands_d'esclaves

    • Saisonniers en servage N° 78 de Plein droit, la revue du #Gisti (octobre 2008)
      https://www.gisti.org/spip.php?article1237

      Dans la vallée du Rhône, en Andalousie, dans la région des Pouilles en Italie, la transformation totale des modes de culture des fruits et légumes s’est accompagnée d’une précarisation encore accrue, et aujourd’hui extrême, de la main-d’œuvre, majoritairement étrangère, de ce secteur. Contrats courts voire emploi illégal, dépendance totale vis-à-vis d’employeurs imposant des conditions de travail et d’hébergement indignes, invisibilisation des atteintes à la santé, tout un système d’exploitation et de déréglementation du droit du travail s’est développé contre lequel les saisonniers étrangers tentent depuis quelques années de se mobiliser.

      CODETRAS – Collectif de défense des travailleur.euse.s étranger.ère.s dans l’agriculture
      http://www.codetras.org
      #codetras #agro_industrie

    • France : 73 Bulgares venus travailler comme saisonniers ont été refoulés à #Roissy

      Bien que ressortissants de l’Union européenne, 73 Bulgares, venus travailler comme saisonniers ont été refoulés jeudi après leur arrivée à l’aéroport de Roissy. Pour les défenseurs de ces migrants, ces refoulements vont à l’encontre des #dérogations annoncées par le ministère de l’Intérieur.

      Soixante-treize Bulgares, qui avaient atterri mardi à l’#aéroport de Roissy, en banlieue parisienne, pour venir travailler comme saisonniers, ont été refoulés jeudi 7 mai du territoire français.

      Dès leur arrivée, ces ressortissants de l’Union européenne ont été placés en #zone_d'attente au sein de l’aéroport, zone où sont notamment maintenues les personnes non admises, en vue de leur renvoi en Bulgarie, a affirmé à l’AFP Laure Palun, directrice de l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé).

      Ils étaient pourtant munis d’#attestations_de_travail en France, prouvant qu’ils avaient été recrutés par des entreprises pour travailler dans le #maraîchage ou le #BTP, poursuit Laure Palun, qui s’est rendue sur place.

      Interrogée par l’AFP, une source aéroportuaire a affirmé que les 73 Bulgares avaient été refoulés car leur motif d’entrée en France ne relevait pas d’un « #intérêt_économique_national », comme la production de masques.

      ’’Violation des droits fondamentaux’’

      Pour les défenseurs des migrants toutefois, ce motif va directement à l’encontre des annonces du gouvernement. Si les restrictions aux frontières de la France avec les pays de l’espace européen (Union européenne, espace Schengen, Royaume-uni) seront prolongées a minima jusqu’au 15 juin, « certaines dérogations supplémentaires seront rendues possibles », a expliqué, jeudi 7 mai, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner. Parmi les dérogations, « un #motif-économique_impérieux, en particulier les #travailleurs_saisonniers_agricoles », a énoncé ce dernier.

      https://twitter.com/anafeasso/status/1258327723908481024

      « D’après les dernières circulaires, [ces ressortissants bulgares] avaient la possibilité de se déplacer », déplore encore Laure Palun, qui affirme avoir saisi en vain le Défenseur des droits ainsi que la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté. Ces travailleurs ont été « refoulés en violation de la #protection_de_la_santé et des #droits_fondamentaux », explique-t-elle.

      L’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) a pour sa part estimé dans un communiqué que les 73 personnes renvoyées avaient « subi les pressions non seulement du gouvernement français mais aussi des autorités bulgares qui se sont rendues en zone d’attente (mercredi) soir ».

      « Contrairement à ce qui est annoncé depuis plusieurs semaines, les frontières ne sont pas ’fermées’, les refoulements continuent et ce, au mépris des préconisations de l’OMS quant aux risques d’exportation du virus », a dénoncé l’OEE.

      https://www.infomigrants.net/fr/post/24617/france-73-bulgares-venus-travailler-comme-saisonniers-ont-ete-refoules

      #Bulgarie #migrants_bulgares #travailleurs_bulgares #refoulement #saisonniers #fermeture_des_frontières

    • 78 Européens enfermés dans la zone d’attente de Roissy en pleine épidémie du Covid-19 : L’acharnement du gouvernement doit cesser !

      Depuis le 5 mai, 73 ressortissant·es européen·nes sont maintenu·es dans la zone d’attente de l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle après s’être vu refuser l’entrée sur le territoire français. La plupart ont des contrats de travail avec des attestations de déplacements professionnels national et international. Il y a, parmi elles, une famille avec un enfant de plus de 13 ans et 6 résidents permanents en France.

      Arrivées le matin à l’aéroport, ces personnes ont été entassées toute la journée, et pour certaines une partie de la nuit, dans deux pièces sans fenêtre d’une quinzaine de mètres carrés chacune, devant les postes de police dans les aérogares A et E du terminal 2. Au cours de la soirée et durant une partie de la nuit, elles ont progressivement été transférées dans le lieu d’hébergement de la zone d’attente de Roissy, la ZAPI 3.

      Ces personnes viennent s’ajouter aux 5 ressortissants chinois maintenus en ZAPI, qui se sont vu refuser l’entrée sur le territoire lundi 4 mai. En provenance de Shanghai, ces derniers ont été refoulés depuis Mexico à Paris. La PAF (police aux frontières) veut les renvoyer vers Shanghai.

      Les gestes barrières et la distanciation sociale ne peuvent pas être respectés en ZAPI. L’étage où se trouvent les chambres, les couloirs et les sanitaires et douches n’est pas équipé en gel hydroalcoolique. Les cabines téléphoniques et lieux collectifs ne sont pas désinfectés après chaque usage. Chaque occupant·e se verrait délivrer un masque par jour, alors que les préconisations sanitaires recommandent le changement de masque toutes les 4 heures maximum.

      Cette situation met en danger à la fois les personnes maintenues et le personnel qui travaille dans la ZAPI 3, lequel ne dispose pas toujours, lui non plus, du matériel nécessaire pour se protéger.

      Depuis le début de la crise sanitaire liée au Covid-19, l’Observatoire de l’enfermement des étrangers n’a cessé d’alerter sur les risques sanitaires et les atteintes aux droits humains du fait de la privation de liberté en zone d’attente. Ses inquiétudes actuelles concernent principalement les conditions de maintien en ZAPI, notamment l’impossibilité de respecter les gestes barrières et la distanciation sociale, mais aussi la violation des droits des personnes.

      Des avocats des barreaux de Bobigny, de Paris et de Pontoise ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil pour qu’il mette un terme à cette situation inacceptable.

      Contrairement à ce qui est annoncé depuis plusieurs semaines, les frontières ne sont pas « fermées », les refoulements continuent et ce, au mépris des préconisations de l’OMS quant aux risques d’exportation du virus. Les 73 ressortissants bulgares qui avaient explicitement manifesté leur volonté d’entrer sur le territoire, ont subi les pressions non seulement du gouvernement français mais aussi des autorités bulgares qui se sont rendues en ZAPI hier soir. Ce matin, elles ont été réveillées vers 5h et sont en cours de tentative d’embarquement, un vol étant prévu à 10h20.

      L’OEE demande une nouvelle fois que le gouvernement en finisse avec son acharnement. Il faut fermer les zones d’attente et tous les lieux privatifs de liberté. La politique migratoire ne saurait prévaloir ni sur l’impératif de protection de la santé, quels que soient le statut et la nationalité des personnes concernées, ni sur le respect des droits fondamentaux.

      https://www.gisti.org/spip.php?article6390

    • Des réfugiés à la rescousse d’exploitants agricoles en #Aquitaine

      Dans le sud-ouest de la France, l’association bordelaise #Ovale_Citoyen a créé un pont entre des réfugiés sans activité professionnelle et des exploitants agricoles en manque de personnel à cause de la pandémie de Covid-19.

      Arshad, un Afghan de 22 ans, n’avait jamais rêvé d’être charpentier. Réfugié statutaire à Bordeaux, il a pourtant suivi une formation dans ce sens et s’est retrouvé à exercer ce métier, faute d’autre option. Mais voilà que, le confinement venu et son activité professionnelle mise à l’arrêt, une nouvelle opportunité s’est présentée à ce jeune homme : travailler dans l’agriculture.

      Grâce à l’association Ovale Citoyen, qui oeuvre en temps normal à l’intégration des migrants et personnes en situation d’exclusion via la pratique du rugby, Arshad a suivi en avril une formation de deux jours pour apprendre les rudiments de la viticulture. Depuis, il a commencé à travailler dans une exploitation. « Quand on lui parle d’agriculture, il a les yeux qui pétillent, il est hyper heureux », commente Jeff Puech, président de cette association basée en Aquitaine, dans le sud-ouest de la France.

      Arshad fait partie d’un groupe de 70 personnes qui ont pu bénéficier d’une formation professionnelle accélérée mise sur pied en pleine crise sanitaire. « Nous sommes partis d’un double constat : d’une part, tous nos réfugiés statutaires et jeunes de quartiers défavorisés vont pâtir de cette période de confinement due au Covid-19 au niveau professionnel. C’est déjà compliqué pour eux de trouver du travail, alors avec la crise économique qui s’annonce… », explique Jeff Puech. « D’autre part, le monde agricole manque de bras [en raison des fermetures de frontières qui causent une pénurie de travailleurs saisonniers, venus principalement du Maroc, de Tunisie et de Turquie, NDLR]. Or l’agriculture représente un pôle économique crucial pour la région Aquitaine. »

      L’idée a donc germé de mettre en relation ces personnes dans le besoin et ces agriculteurs en attente de main d’oeuvre. Un peu comme une « agence d’intérim » mais constituée de bénévoles, s’amuse Jeff Puech. Après avoir obtenu l’aval de la préfecture, le projet « Un drop dans les champs », inspiré du terme « drop » qui désigne un type de coup de pied au rugby, était né.

      « Beaucoup ne savaient pas ce qu’était un pied de #vigne »

      Le monde viticole a été le premier à être ciblé par l’association, qui envisage de collaborer dans un futur proche avec les exploitations de maïs et d’autres cultures maraîchères. Pour ce faire, Jeff Puech a pu compter sur l’aide de Jacky Lorenzetti, président du club de rugby Racing 92, partenaire d’Ovale Citoyen, qui possède des exploitations dans le Bordelais.


      https://twitter.com/OvaleCitoyen/status/1258073068150427661?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E12

      « Le personnel d’une de ces exploitations a été mis à disposition des apprentis », se réjouit l’organisateur. « Certains apprentis avaient déjà des connaissances en agriculture mais beaucoup ne savaient pas ce qu’était un pied de vigne. Ils ont notamment été formés à l’épamprage, une opération qui consiste à couper les branches en trop sur un pied. »

      Depuis, 38 personnes, âgées de 18 ans à 48 ans, ont déjà commencé à travailler. Parmi ce groupe, 75% sont des réfugiés statutaires, originaires majoritairement d’Afghanistan, d’Érythrée, de Somalie et d’Éthiopie, 10% sont des personnes « en très grande précarité, parfois logées dans les hébergements du 115 », et le reste vient des quartiers défavorisés de Bordeaux.

      « Une opération d’urgence qui va peut être aboutir à un projet pérenne »

      Cette mobilisation de main d’oeuvre fait écho à un appel lancé dès le mois de mars par le ministre français de l’Agriculture, lequel avait encouragé les personnes sans activité à rejoindre « la grande armée de l’agriculture française » sujette à un manque de 200 000 travailleurs saisonniers.

      L’initiative « Un drop dans les champs » est considérée comme la bienvenue par les premiers concernés. « La réaction du monde agricole a été plus que favorable, se félicite » Jeff Puech. « Cela n’arrive pratiquement pas que l’on nous dise ’Ah non, je ne veux pas de ces gens-là dans mon champs !’, au contraire, on reçoit des appels d’agriculteurs qui ont entendu parler du projet et qui sont intéressés. »

      Face à la demande, Ovale Citoyen, qui depuis la mi-mars organise des distributions de nourriture pour environ 900 personnes par semaine, compte mettre en place de nouvelles formations. L’association a déjà recensé 150 candidats et espère pouvoir faire travailler entre 200 et 220 personnes au plus fort de la saison. « Certains ont signé des CDD de six mois jusqu’à la fin des vendanges », commente Jeff Puech. « D’autres sont partis sur des contrats de deux-trois mois, comme cela se fait généralement dans ce secteur. » Plusieurs, en tout cas, se projettent plus loin.

      « Beaucoup m’ont déjà dit qu’ils avaient envie de continuer à travailler dans l’agriculture. Il y a, par exemple, un gros manque de conducteurs de tracteur, cela pourrait être un débouché… Au final, cette opération qui répondait à une urgence va peut être aboutir à un projet sur le long terme », veut croire Jeff Puech. À condition, toutefois, précise ce dernier, que des solutions soient trouvées pour la mobilité de ces salariés souvent sans permis et devant se rendre dans des zones rurales non desservies par les transports en commun. « Il faudrait un plan d’action permis de conduire pour les réfugiés. »

      En attendant, l’activité principale de l’association, le rugby, ne devrait pas reprendre de sitôt en raison de la pandémie. « Durant les matchs, on doit être au contact et on ne veut prendre aucun risque avec le coronavirus », dit encore le président de l’association. Certains réfugiés pourraient cependant avoir trouver une solution à ce problème. « On me demande de plus en plus de jouer au cricket. Mais ça, ça ne va pas être possible », rit Jeff Puech.

      https://www.infomigrants.net/fr/post/24635/des-refugies-a-la-rescousse-d-exploitants-agricoles-en-aquitaine

    • Communiqué - Collectif de Défense des travailleur-euses étranger-ères dans l’agriculture

      Créé en 2003, les objectifs du CODETRAS restent la lutte contre l’exploitation de la main-d’œuvre étrangère, contre les dénis de droits, contre les discriminations et contre toutes formes d’exploitation dans l’agriculture. Il associe en son sein des paysans, des syndicats, des associations, des militants, des chercheurs.ses, des journalistes, des avocats et juristes…

      Une main d’œuvre saisonnière aux abonnés absents et une armée de « volontaires » sur la paille pour sauver les productions agricoles, arboricoles, horticoles, assurer une distribution logistique de proximité, achalander les rayons frais des supermarchés et alimenter les populations confinées.

      « Continuez à aller faire vos courses, nous nous occupons du reste... »

      Dès le début de la pandémie, les questions liées à l’approvisionnement de l’alimentation ont pris une ampleur politique et médiatique rare. Les images de rayons de supermarchés vides ont vite laissé place aux mots d’ordre pour la reconstitution des stocks et le maintien de l’approvisionnement. La grande distribution a martelé qu’il n’y aurait pas de rupture de stock.

      Pourtant, en France comme d’autres pays, la fermeture des frontières et l’arrêt des flux migratoires a révélé la survaleur du travail des saisonnier-ères étranger-ères dans la chaîne productive du travail de la terre : de la taille aux semis, jusqu’au conditionnement et à l’expédition des récoltes. Depuis quelques semaines, le gouvernement a appelé les chômeur-euses, étudiant-es, réfugié-es et autres précaires à remplacer ces travailleur-euses saisonnier-ères immigré-es via la plateforme numérique « des bras pour ton assiette », largement relayé par la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA).

      La crise sanitaire liée au Covid-19 a bien mis en difficulté le modèle « agro-industriel » qui garantit aux consommateurs d’avoir toute l’année des fruits et légumes à foison et à bas prix. Ce dernier s’appuie sur une production intensive sous serre et en plein champs, une distribution reposant sur une logique de « flux tendus » et, à la base de cette filière, sur une main-d’œuvre migrante précarisée qui pourvoit habituellement à (main)tenir l’intensité du travail et la constitution des stocks alimentaires, assurant ainsi la performance économique des filières des secteurs agricole et agro-alimentaire. La fermeture des frontières a rendu manifeste la dépendance de la société entière dans tous les États européens à ces travailleur-euses issu-es du Maroc, d’Espagne, de Pologne, de Roumanie ou encore d’Equateur.

      Le travail de cette main-d’œuvre agricole immigrée prend différentes formes : du travail non-déclaré des sans-papiers, aux contrats de l’Office national d’immigration en 1945 (Maroc, Pologne, Italie), puis aux contrats d’introduction de main-d’œuvre de l’Office des Migrations Internationales, jusqu’aux contrats de mission dans des exploitations de mise à disposition, via des agences d’intérim internationales basées en Europe (ETT).

      Censée répondre au besoin de main d’œuvre « temporaire » des exploitations agricoles françaises, la présence annuelle de ces travailleur-euses étranger-ères est en réalité une base invariable de l’agro-industrie intensive, prédatrice et exportatrice. En effet, ce statut de « travailleur saisonnier » ne décrit pas une réalité liée au cycle des saisons mais la nécessité capitaliste de réduire les coûts dans le cadre d’une production intensive sous serres et en plein champs. Cette fiction d’une temporalité saisonnière naturelle permet par contre au secteur de justifier une main-d’œuvre flexible, révocable à tout moment, moins chère et non informée de ses droits. Non-paiement des heures supplémentaires, logement indigne et harcèlement moral, physique et sexuel dans le cas des ouvrières, sont monnaie commune.

      La crise actuelle a mis en évidence l’invisibilité de ces travailleur-euses dans l’espace public et leur division dans les espaces privés des exploitations. La loi et l’imaginaire politique dominant en font une catégorie périphérique et marginalisée alors qu’ils occupent au contraire le cœur de la production et reproduction de notre société. Cette exclusion sociale est d’ailleurs redoublée par une ségrégation spatiale, puisqu’ils et elles sont souvent logé-es directement sur les exploitations ou dans des campings, loin des regards mais toujours disponibles pour l’employeur. Cela éloigne et complexifie l’organisation de réseaux de solidarité entre et avec ces travailleur-euses de l’ombre.

      Leur absence a créé un vide dans la filière logistique et agro-industrielle, conduisant dans un premier temps les employeurs agricoles et les pouvoirs publics à s’assurer de la disponibilité d’autres catégories de la population pour répondre à la demande des consommateurs et continuer à faire tourner la machine de l’agriculture intensive : ont été « volontairement » enrôlé-es les chômeur-euses, les étudiant-es, les demandeur-euses d’asile, les solidaires...

      De même, à l’heure où de nombreux pays européens mettent en place des ponts aériens pour acheminer des travailleur-euses dans les zones agricoles sous tension, la crise révèle à quel point la question sanitaire se révèle cruciale. En dépit des dangers sanitaires encourus habituellement dans le secteur (surexposition aux produits phytosanitaires, surcharge de travail, non-respect des règles de sécurité, absence de fourniture des équipements de protection), les travailleur-euses étranger-ères « temporaires » n’ont ni prévenance, ni prévoyance, ni assurance face aux risques de maladie, d’accident, de péril... dans les pays de mise à disposition. En outre, les risques de contracter le Covid-19 sont exacerbés par la promiscuité des espaces de travail et l’exiguïté des lieux résidentiels qui ne garantissent pas les distances spatiales de sécurité. L’urgence liée à la crise sanitaire et économique ne peut supplanter le respect des conditions de vie, d’accueil et de travail décent de ces travailleur-euses.

      Suivre la composition du travail agricole dans les prochains mois et ses effets au-delà de la pandémie permettra de comprendre, au croisement d’enjeux sociaux, économiques et géopolitiques, les éxigences de « libre » circulation des travailleur-euses pour assurer la « libre circulation » des marchandises dans le marché unique. Alors que la crise a mis en lumière la centralité structurelle et la performance, dans les circonstances actuelles, de ces travailleur-euses étranger-ères intra et extracommunautaires dans les agricultures européennes, comment faire pour que la parenthèse ouvre un champ de lutte réunissant premier-ères concerné-es, réseaux solidaires et acteur-rices du monde paysan ?

      #CODETRAS - Collectif de défense des travailleur-euses étranger-ères dans l’agriculture

      https://mars-infos.org/communique-collectif-de-defense-5051