Accidents du travail en série dans un centre d’appels de Free

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  • Accidents du travail en série dans un centre d’appels de Free
    https://www.latribune.fr/technos-medias/telecoms/accidents-du-travail-en-serie-dans-un-centre-d-appels-de-free-804734.html

    Selon l’inspection du travail, qui a saisi le procureur de la République, un grand nombre de téléconseillers de Certicall, un centre d’appels d’Iliad, maison-mère de Free, à Marseille, ont été victimes « d’incidents acoustiques » depuis trois ans. Ceux-ci ont entraîné de nombreux accidents du travail, des inaptitudes au poste et des invalidités. Des syndicalistes et des employés dénoncent l’attitude de la direction, qui n’a, selon eux, pas fait le nécessaire pour protéger correctement son personnel.

    La sécurité au travail dans les entreprises de technologie. On imagine un monde sain, juste « fatiguant », et on rencontre un monde dangereux pour la santé. Les utopies numériques ont du plomb dans l’aile.

    #Travail #Entreprises_technologies #Santé_publique #Free

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    L’entrée de Certicall, qui compte autour de 580 salariés, dont la moitié, environ, de téléconseillers.
    Crédits : DR

    Selon l’inspection du travail, qui a saisi le procureur de la République, un grand nombre de téléconseillers de Certicall, un centre d’appels d’Iliad, maison-mère de Free, à Marseille, ont été victimes « d’incidents acoustiques » depuis trois ans. Ceux-ci ont entraîné de nombreux accidents du travail, des inaptitudes au poste et des invalidités. Des syndicalistes et des employés dénoncent l’attitude de la direction, qui n’a, selon eux, pas fait le nécessaire pour protéger correctement son personnel.

    Il a suffi d’un bruit, puissant, pour chambouler sa vie. Marco (*) a la vingtaine, il est téléconseiller chez Certicall, un centre d’appels du groupe Iliad (maison-mère de Free) à Marseille. L’hiver dernier, il répond, comme d’habitude, aux clients de l’opérateur de Xavier Niel qui rencontrent des problèmes avec leurs abonnements Internet fixe ou mobile. Le téléphone sonne une énième fois. Il décroche. Mais soudainement, un très fort bruit retentit à travers son casque. Selon lui, « c’est comme un gros grésillement qui arrive dans les oreilles ». Marco arrache tout de suite son casque. Mais la douleur demeure. Marco se rend d’emblée à l’infirmerie. « J’ai commencé à avoir la tête qui tourne, dit-il. Je ne pouvais plus bouger. Si je me levais, je savais que j’allais tomber à cause des vertiges »

    Marco sait parfaitement ce qui vient de lui arriver. « Ces dernières années, j’ai déjà eu plusieurs gros chocs acoustiques », affirme-t-il. Le jeune homme quitte le travail, file chez son médecin généraliste qui le met en accident du travail, puis consulte un ORL, spécialiste des affections aux oreilles. Il passe des tests auditifs, qui ne sont pas bons.

    « J’ai une grosse perte de mon audition, raconte Marco. J’ai des acouphènes [des sifflements ou des bourdonnements dans les oreilles, Ndlr], et une hypersensibilité au bruit. »
    […]
    Le problème, c’est que sa mésaventure n’est pas un cas isolé. Chez Certicall, les chocs ou incidents acoustiques, débouchant sur des accidents du travail plus ou moins graves, n’ont rien d’exceptionnel. Le mois dernier, une antenne de l’inspection du travail des Bouches-du-Rhône en a fait le constat dans une lettre adressée à un syndicat, qui fait suite à une enquête de ses services, à laquelle La Tribune a eu accès :
    « En 2016, 2017 et 2018, un nombre important d’incidents acoustiques ont généré des accidents du travail pour un grand nombre de salariés de l’entreprise Certicall, ainsi que des inaptitudes au poste et des invalidités », lit-on.

    Le courrier ne mentionne aucun chiffre. Mais selon Tarik Djarallah, délégué syndical central de Force ouvrière chez Certicall, le premier syndicat de l’entreprise, « entre 100 et 150 personnes ont déclaré des chocs acoustiques » depuis 2016. Sachant que Certicall compte aux alentours de 580 salariés, dit-il, dont la moitié environ de téléconseillers ou "Free-helpers", comme Free les qualifie. Interrogé à ce sujet, Iliad n’a pas donné suite à nos sollicitations.
    […]
    Surtout, Martin décrit « une atmosphère hostile envers les conseillers victimes de chocs acoustiques et qui ont été longtemps en arrêt de travail ». « Sur le plateau, en discutant avec d’autres conseillers, on m’a mis en garde, on m’a dit que je risquais de perdre mon travail », raconte-t-il, affirmant que Certicall cherche aujourd’hui à licencier les salariés victimes de chocs acoustiques avant qu’ils aient été déclarés inaptes par la médecine du travail pour économiser de l’argent.

    Dans son courrier, l’inspection du travail a jugé que l’employeur n’a pas fait le nécessaire pour protéger suffisamment les salariés. Certicall a notamment tardé à fournir aux téléconseillers des protections auditives.
    « Le fait de ne pas avoir mis à disposition de l’ensemble des salariés concernés par les risques d’incidents acoustiques des protecteurs auditifs performants est une infraction aux articles [...] du code du travail, [...] réprimée [...] d’une amende de 10.000 euros appliquée autant de fois qu’il y a de travailleurs de l’entreprise concernés indépendamment du nombre d’infractions relevées dans le procès-verbal », souligne l’inspection du travail.

    Celle-ci reproche aussi à l’employeur de « ne pas avoir mis à jour son document unique d’évaluation des risques ». Pour ces infractions, elle a saisi le procureur de la République, et invite aujourd’hui « les salariés qui ont été victimes de ces incidents » qui le veulent à « se porter partie civil ». Et ce « notamment dans l’objectif de saisir le tribunal des affaires sanitaires et sociales pour engager une action ou demande de reconnaissance d’une faute inexcusable de la part de l’employeur ». Marco et Martin, pour leur part, comptent bien demander des comptes à Certicall.