Radio Canada : Les taux d’obésité montent en flèche depuis la pandémie
Désormais, plus du tiers des adultes canadiens sont atteints d’obésité.
Si, au début de la pandémie, plusieurs personnes se sont ruées pour acheter de l’équipement sportif pour bouger à la maison, une nouvelle étude montre que les taux d’obésité au Canada ont augmenté plus rapidement pendant cette période qu’au cours des 11 années précédentes.
C’est ce que constate une nouvelle étude publiée aujourd’hui dans le Canadian Medical Journal , analysant les données de plus de 746 000 Canadiens âgés de 18 ans et plus.
Le taux d’obésité chez les adultes basé sur l’indice de masse corporelle (IMC) est passé de 24,95 % en 2009 à 32,69 % en 2023, une augmentation de près de 8 % en quinze ans.
Avant la pandémie, le taux d’obésité augmentait d’environ 0,5 % par an. Entre 2020 et 2023, ce rythme a doublé à 1 % annuellement.
“Il y a eu beaucoup de changements pendant la pandémie qui ont pu contribuer à cette hausse : le télétravail, les gens étaient plus sédentaires, les centres sportifs étaient fermés, les gens mangeaient différemment. Sans compter le stress et la hausse des problèmes de santé mentale, des éléments qui peuvent mener à une prise de poids”, dit cette professeure adjointe au Département des méthodes de recherche en santé, des preuves et des impacts de l’Université McMaster, en Ontario.
“Il ne faut pas oublier la solitude, c’est un autre facteur qui peut exacerber des problèmes de santé”, ajoute le Dr Sanjeev Sockalingam, directeur scientifique de l’organisme Obésité Canada.
L’étude montre par ailleurs que les femmes, qui avaient historiquement un taux d’obésité plus bas que les hommes, ont rattrapé cet écart.
Avant la pandémie, il y avait une différence d’environ 4 % entre la prévalence d’obésité chez les hommes et les femmes. Désormais, il n’y a que 1,9 % de différence entre les deux sexes.
Le taux d’obésité chez les femmes a augmenté de 8,6 % depuis 2009, comparativement à 6,93 % chez les hommes.
Pour le Dr Sockalingam, ces données montrent à quel point la pandémie a exacerbé les iniquités en matière de santé. “La pandémie a mis cette iniquité en lumière”, dit-il en ajoutant qu’on a aussi observé des hausses importantes chez les Noirs canadiens.
Mais la hausse la plus importante s’observe chez les jeunes adultes de 18 à 29 ans. Depuis 2003, le taux d’obésité a presque doublé chez les jeunes femmes, passant de 13 à 22 %. Chez les hommes dans cette tranche d’âge, le taux est passé de 18 à 24 %.
Les auteurs de l’étude notent que les agonistes du GLP-1 (ex. : Ozempic, Wegovy) utilisés pour traiter le diabète et pour la perte de poids ont été introduits au Canada pendant la période à l’étude. Selon eux, il ne faut “pas exclure la possibilité que l’utilisation de ces médicaments ait pu atténuer les tendances postpandémiques.”
Même si peu de personnes ont accès aux GLP-1, ces médicaments ont peut-être tempéré la hausse. Ça pourrait être encore plus haut.
Une citation de Dr Sanjeev Sockalingam, Obésité Canada
Des études montrent que, dans certains pays, la forte augmentation associée à la période pandémique commence à s’estomper. “On ne voit pas encore cette tendance au Canada, mais on espère que ça ira dans cette direction”, précise la Dre Anderson.
Évolution vers une obésité plus sévère
Non seulement les Canadiens prennent de plus en plus de poids, mais la proportion d’adultes qui vivent avec l’obésité de type 3 (morbide / IMC >40) a doublé dans les 15 dernières années.
Environ 13 % des adultes canadiens vivent désormais avec une obésité considérée comme sévère ou morbide (IMC >35).
“La pandémie de COVID-19 a eu un impact profond sur la prise en charge de l’obésité. Il y a eu un effet d’entraînement. Certaines personnes qui avaient un excès de poids ont progressé vers un niveau d’obésité plus sévère”, explique le Dr Sockalingam.
Cette situation inquiète la Dre Anderson, qui rappelle que l’obésité sévère est associée à de nombreux risques pour la santé.
D’ailleurs, selon l’étude, plus de 40 % des personnes souffrant d’obésité sont également atteintes d’un ou de deux problèmes de santé chroniques ; entre 5 et 10 % avaient de 3 à 6 maladies chroniques.
“Ceci a non seulement un impact sur la santé de la population, mais aussi sur l’utilisation des soins de santé”, souligne la Dre Anderson.
Des données difficiles à ignorer
Les Canadiens ont longtemps ignoré le problème de l’obésité au pays, estime le Dr Sockalingam, qui espère que ces nouvelles données convaincront les gouvernements à agir rapidement pour atténuer cette crise de santé.
Pour y arriver, les deux experts disent qu’il faut s’attaquer au problème sur plusieurs fronts et qu’il faut améliorer l’accès à différents soins, qui peuvent comprendre des interventions psychologiques et comportementales, de la médication, de l’éducation en nutrition et même de la chirurgie bariatrique.
Il y a des facteurs génétiques, sociaux, environnementaux. Il n’y a pas de baguette magique.
Une citation de Dr Sanjeev Sockalingam, Obésité Canada
Il est de plus en plus reconnu que l’obésité est une maladie complexe et que les actions individuelles ne sont pas suffisantes, mais la stigmatisation entourant l’excès de poids et l’obésité demeure un problème, ajoute le Dr Sockalingam. “Plusieurs travailleurs de la santé ont contribué à cette stigmatisation. Il faut trouver un moyen de réengager dans le système de santé les personnes qui ont vécu cette stigmatisation et qui ont abandonné.”
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Source : ▻https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2178821/taux-obesite-poids-imc-canada-pandemie