Un #féminisme au poil ? - regards.fr
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Le corps comme moyen d’action
Montrer ses seins pour dénoncer le tourisme sexuel, utiliser son corps pour servir la cause des femmes, la méthode est ambiguë. Femen est d’ailleurs sévèrement critiqué par une partie du mouvement féministe ukrainien, hostile à cette « profanation du féminisme et de la question des genres », selon Olena Suslova, membre du Conseil consultatif d’information sur les femmes d’Ukraine et féministe reconnue. « Femen est médiatique, car ses membres "font l’image" en étant sexy, jeunes, et en utilisant des attributs ukrainiens très stéréotypés, décrypte la chercheuse. Bien sûr, nous pouvons avoir des positions communes, notamment en ce qui concerne le trafic des femmes, mais je ne suis pas sûre que le féminisme soit le cœur de leur action. Et je ne me sens pas proche de leurs méthodes, qui conduisent à l’exhibitionnisme et à la victimisation, sans apporter de résultats. » Non moins virulente, la célèbre écrivain Evgenia Kononenko s’emporte contre la symbolique mise en action par Femen : « Le féminisme, c’est le respect de soi-même. Femen appelle les femmes et les hommes à ne pas se vendre, alors même que ses activistes se déguisent en prostituées bon marché ! »
Nullement troublée par ces attaques, Inna Shevchenko oppose cette « nouvelle idéologie » au mouvement féministe classique, qui lutte en #Ukraine à coup de pétitions, de textes dans les journaux et d’attaques en justice. « A l’origine, nous n’utilisions pas les corps nus, mais nous jouions avec l’érotisme et la sexualité, rappelle Inna Shevchenko. Puis nous avons compris que notre corps était notre arme et nous nous battons désormais avec. Nous utilisons notre nudité, non pas pour vendre quelque chose, mais pour défendre nos droits. » #Femen, en happening permanent, s’inscrit dans cette jeune société civile ukrainienne, un peu brouillonne, qui crée ses propres codes pour exister. Oksana Lutsyshyna, jeune écrivain ukrainienne et chercheuse en littérature, vivant actuellement aux États-Unis, y voit un pur produit de l’après-révolution orange de 2006. « Premièrement, Femen n’est pas une émanation de l’académisme occidental, c’est vraiment un mouvement populaire qui fait un travail formidable, estime la jeune femme. Et je ne pense pas que ce soit un mouvement "antiféministe", comme certains tendent à le penser, mais plutôt une tentative pour redéfinir le féminisme, dans une approche plus globale. Le problème, c’est que le corps d’un homme est vu comme un instrument de résistance, mais celui de la femme est consumérisé, érotisé... Donc, quand les femmes de Femen se déshabillent, elles ne dévoilent pas seulement leurs seins, elles posent aussi la question de la représentation du corps féminin dans l’espace politique. »