• 🔷 Recension du livre « Le monde selon Zuckerberg » par Lucie Ronfaut
    https://us4.campaign-archive.com/?u=9cb7510365bb64697c6c1eafc&id=9fc9513703

    Quelque chose à lire/regarder/écouter/jouer
    Il est difficile de bien écrire sur les grandes plateformes et leurs effets sur notre vie. D’un côté, il y a les gens béats, soutiens éternels et sans esprit critique de la Silicon Valley, pour qui tout progrès technologique est bon à prendre. De l’autre, les adversaires farouches aux GAFA et leurs consorts, à la référence un peu trop facile à 1984, qui aiment faire peur et culpabiliser les internautes (coucou Netflix), sans réfléchir à leurs usages et aux raisons pour laquelle, au fond, nous passons notre vie en ligne. Le monde selon Zuckerberg, un livre d’Olivier Ertzscheid, maître de conférence en sciences de l’information et de la communication à l’université de Nantes, réussit à éviter les écueils habituels des critiques des technologies, tout en réfléchissant sérieusement à leurs dérives.

    Le livre prend la forme d’une série de courts essais, rangés en deux catégories : les portraits et les préjudices. La première moitié de l’ouvrage imagine le monde vu par différentes personnalités du numérique, Mark Zuckerberg (cofondateur et PDG de Facebook), Sergeï Brin et Larry Page (cofondateurs de Google), mais aussi Tim Berners-Lee, le papa du web. La partie sur les préjudices se concentre elle sur les manières dont les grandes plateformes ont transformé notre quotidien, plutôt pour le pire. On y parle de nombreux sujets déjà abordés dans cette newsletter ; le racisme des algorithmes ; les combats politiques cachés derrière le ciblage publicitaire (avec la fameuse bataille autour du mot-clé “avortement” sur Google) ; la polarisation des opinions en ligne.

    Contrairement aux autres ouvrages du genre, j’ai apprécié l’optimisme d’Olivier Ertzscheid qui, même s’il détricote les menaces du numérique d’aujourd’hui, croit encore qu’il peut changer grâce à un effort collectif. Malheureusement, le livre n’évite pas un autre écueil classique : des références quasi-exclusivement masculines. Et si, justement, les femmes sauvaient le numérique ?

    Le monde selon Zuckerberg, d’Olivier Ertzscheid, éditions C&F
    Lucie Ronfaut est journaliste indépendante spécialisée dans les nouvelles technologies et la culture web. Vous pouvez suivre son travail sur Twitter.

    #Le_Monde_selon_Zuckerberg #Olivier_Ertzscheid #C&F_éditions

  • La raison des plus forts. Chroniques du procès France Télécom

    Du 6 mai au 11 juillet 2019 s’est tenu le procès #France_Télécom. #Didier_Lombard, ex-président du groupe, comparaissait aux côtés de son ancien bras droit, #Louis-Pierre_Wenès, de l’ex-directeur des ressources humaines, #Olivier_Barberot, et de quatre autres cadres pour des faits de #harcèlement_moral ayant conduit à de multiples #suicides entre 2007 et 2010. Au premier rang des parties civiles, le syndicat Sud PTT et l’Union syndicale Solidaires, à l’origine de la #plainte contre la direction de l’entreprise.

    Porte-parole de Solidaires, Éric Beynel a lancé une démarche éditoriale inédite de suivi du procès, conviant chaque jour une personnalité (romancier.ère, chercheur.se, artiste) à rédiger ou dessiner un récit d’audience. Chaque texte constitue un épisode haletant, une plongée dans l’espace ritualisé, tragique, du tribunal.

    À gauche les avocat.e.s des parties civiles, à droite ceux des prévenu.e.s, deux fois plus nombreux.ses. Au centre des débats, des hommes, des femmes immolé.e.s, défenestré.e.s sur leur lieu de travail, pendu.e.s à leur domicile. Les dirigeant.e.s de France Télécom paraissent patauger dans leurs #contradictions

    http://www.editionsatelier.com/index.php?page=shop.product_details&category_id=1&flypage=bookshop-
    #raison #justice #procès

  • Leur pouvoir c’est le nombre | Entre les lignes entre les mots
    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2020/10/06/leur-pouvoir-cest-le-nombre

    Des portraits et les réalités de projets politiques qui ne peuvent être considérés comme émancipateurs. Des technologies qui enserrent et réduisent les possibles sous les masques prometteurs de la liberté et du partage. Olivier Ertzscheid à travers une série de portraits (le monde selon Mark Zuckerberg, Sergueï Brin et Larry Page, des névrosés obsessionnels, Apostolos Gerasoulis, mon quadrisaïeul, selon Tim Berners-Lee, les lanceurs d’alerte) puis de préjudices (La fonction crée l’organe et l’architecture (technique) les usages ; Quand les mots ont un prix, ils cessent d’avoir un sens ; L’enfer, c’est le numérique des autres ; Ce qui est « donnée » n’est pas ce qui est obtenu ; Des technologies et des hommes ; Citoyens dans la brume de la surveillance ; Du cyberespace aux réseaux sociaux : itinéraire d’une régression ; Trois grandes révolutions ; Espace public, espace privé ; Le monde selon « l’opinion » ; La guerre c’est la paix et la démocratie c’est la publicité ; Une urgence démocratique) redonne une vision politique d’un monde numérique trop souvent réduit à de simples technologies. L’auteur décrypte le rôle des méga-plateformes, la captation de l’attention, l’exploitation lucrative des données, les prétentions à la chose et à l’utilité publique, etc.

    L’auteur propose aussi des alternatives et des pistes de réflexions pour le démantèlement de ces monstres privatifs et pour l’appropriation collective.

    #Olivier_Ertzscheid #Le_Monde_selon_Zuckerberg #C&F_éditions

  • Le monde selon Zuckerberg | Mais où va le Web
    http://maisouvaleweb.fr/le-monde-selon-zuckerberg

    Oliver Ertzscheid, héraut de Affordance.info, publie chez C&F Editions Le monde selon Zuckerberg. Portraits et préjudices, un livre court et incisif qui nous offre un savoureux bilan de ces quelques années passées en présence des grandes plateformes numériques.
    Syndrome de Peter Pan

    Première partie du livre, une série de portraits qui détricotent les profils psychologiques des barons des internets. Mark Zuckerberg d’abord, rattrapé par la patrouille après l’affaire Cambridge Analytica, « Collégien mal assuré passant en conseil de discipline », et surtout, créateur d’une plateforme où tout engagement, mobilisation citoyenne, « sert d’abord et avant tout les intérêts économiques de la firme. »

    Suivent Sergueï Brin et Larry page, créateurs de Google, qui ont vite renoncé à leur ambition de ne pas monétiser le langage. Leur monde, écrit Ertzscheid, est un « chemin de renoncement ». Eux, comme tant d’autres dans la tech, ne rechignent pas à vendre leurs outils à des dictatures, fussent-ils incomplets, fussent-ils au service de la censure.

    Certes, c’est une petite musique que nous commençons à connaître. La lecture d’ Ertzscheid cependant, lui donne un nouveau relief. Presque théâtral. L’auteur, que l’on connaît potache, classe ces messieurs par pathologie. Névrosés obsessionnels, atteints alternativement du syndrome de superman, de Spiderman ou de Peter Pan. Les grands enfants se révèlent. Cela en deviendrait presque drôle, si ça n’était pas grave. Pourquoi ces plateformes, dont on connaît parfaitement tous les travers, sont-elles encore si bien défendues par leurs créateurs ? « Les plateformes doivent mûrir, se dé-libéraliser, être démantelées, entrer dans l’espace public sous forme de commun « sincèrement et entièrement délibératif » – oui, mais cela n’arrive pas. Zuckerberg, Brin et Page ne lâcheront pas leurs rejetons. Quand bien même ils ont hérité de protocoles et d’infrastructures publiques (le web, TCP-IP), quand bien même tout le monde sait qu’il est temps.
    L’heure du bilan

    Sous la forme de multiples petits chapitres, Olivier Ertzscheid nous propose ensuite un bilan plutôt exhaustif des effets des plateformes sur la démocratie, sur les libertés et sur les droits fondamentaux. Il reviendra ainsi sur l’absence revendiquée de ligne éditoriale par les grandes plateformes… Elles qui pourtant, trient et choisissent l’information qu’elles diffusent suivant des règles encore protégées par le droit des affaires. « Les lecteurs du journal l’Humanité savent pourquoi ils n’achètent pas Le Figaro, et réciproquement. » Quelle est la ligne éditoriale de Facebook, de Twitter, de Google ? Comment se fait-il que des lobbys religieux pro-vie puisse faire remonter un site anti-IVG dans les résultats de recherche, en 2008 aux USA, puis en 2016 en France. Pourquoi rien n’a changé ?

    Vers la fin du XIXe, rappelle l’auteur, l’essentiel des moyens de communication modernes sont apparus (radio, télévision, cinéma, téléphone). Cent ans plus tard, ce fut au tour d’internet, du web puis Google, Wikipedia, Facebook, l’iPhone, etc. Peu à peu l’enthousiasme a cédé la place à l’intranquillité. Parmi les nombreux péchés originaux responsables de la désillusion, il y a le fait que nous soyons progressivement passés à côté des dons de Tim Berners Lee, dons « comparables à l’imprimerie », on parle bien sûr de http, puis de l’url – des modes d’adressage qui tendent à être invisibilisés ; « Quand il n’y a plus d’adresse, alors vous ne savez plus où aller. Vous ne pouvez plus vous rendre nulle part. C’est alors très facile de vous amener exactement là où on le souhaite puisque vous n’avez de toute façon pas d’autre choix que de faire confiance à la plateforme qui vous indique que « vous êtes ici » et que « vous pouvez aller là ». Peu à peu, nous perdons la capacité que nous avait offert Tim Berners Lee à nous orienter librement dans un espace public.
    Rien n’est neutre, et surtout pas la technique

    Autre grand intérêt du livre, les précieux rappels à propos de la nature des technologies qui nous entourent. Le fait qu’elles ne sont pas neutres d’abord. Encore et toujours, le répéter. Sans quoi toutes les questions politiques qui leur sont liées disparaissent soudainement. Ainsi, écrit l’auteur à propos desdites technologies : « se contenter de s’interroger sur les moyens d’en limiter ou d’en circonvenir les effets délétères une fois leur déploiement acté, est à peu près aussi efficace qu’espérer éteindre un feu de forêt en comptant simplement sur la bonne volonté des arbres de ne pas se consumer »

    Le numérique est, pour la moitié de l’humanité, « un allié objectif de la surveillance, du contrôle, de la répression. » Une analyse des usages, de ce point de vue, ne nous sera que de peu d’utilité. En ce qui concerne la surveillance – faciale par exemple – et pour le cas des pays occidentaux, nous devrions interroger « les formes d’irrationalité qui président à l’opérationnalisation de l’obtention de notre consentement. » Les données – celles qui constituent notre visage – ne sont jamais « données » rappelle Ertzscheid, elles sont obtenues. Obtenues sans que nous n’ayons vraiment conscience de ce qu’implique d’avoir consenti, individuellement, mais rarement collectivement, à de tels systèmes. Est-il encore besoin de prouver par quelque chiffre, par quelque moyen, que cette surveillance « pourrit l’ambiance de nos démocraties » ? Nous ne devrions plus en être là, en effet. Et pourtant.
    Exit l’espace public

    La défense de l’espace public, espace d’expression démocratique, transpire dans tout l’ouvrage d’ Oliver Ertzscheid. Lui qui, depuis plus de dix ans, regrette que l’homme soit devenu « un document comme les autres », regrette également que nos rapports sociaux soient sous le coup d’un régime d’identification, d’inscription. Sur internet bien sûr, mais de plus en plus, dans la vie réelle où l’anonymat, par la force des choses, n’est plus qu’un souvenir. En cela, les plateformes ont modifié notre rapport à l’espace public. Il faut s’y inscrire, mais aussi s’y décrire (âge, sexe, nom, photo, etc.). « Symboliquement, cela nous prépare à une forme de schizophrénie qui pour toute inscription nécessite d’abord une description. En se dé-crivant dans cet espace privé pour s’y inscrire, on se dés-inscrit aussi progressivement d’un espace public que l’on décrie. »

    Les espaces des plateformes sont ambigus à cet égard. Ni privés (nous y sommes tous, tout du moins beaucoup), ni authentiquement publics. Et pourtant, nous y passons l’essentiel de notre temps connecté. Or qu’est-ce que l’espace public, sinon l’endroit où l’anonymat permet la pratique des libertés ? L’espace public, je peux y scander un slogan hostile au pouvoir, y manifester… L’auteur poursuit – je peux acheter un livre sans avoir à décliner mon identité. Rien de tout cela n’est possible sur les plateformes. Mais il faut se rendre à l’évidence : rien de tout cela n’est possible tout court. On ne vit pas sans carte bancaire – on peut toujours essayer de ne pas payer avec, comme le proposent certains. C’est cher payé pour la préservation de notre intimité.

    Nous ne sommes pas démunis

    Dans l’espace des libertés restantes, celles qui sont encore bien là, il reste suffisamment de combats à mener sur d’autres plans. S’il n’y a rien à attendre des libéraux, ou d’une « auto-régulation » fantasmée, écrit l’auteur, il y a des choses qui avancent. Les lois antitrust par exemple, passés du statut de comique à celui de crédible. Le RGPD, une première étape à améliorer. Puis l’éducation. Pas au code bien sûr, mais aux questions politiques et éthiques que le numérique pose. C’est par ce biais-là, et notamment celui des jeunes qui entrent sur le marché du travail, qu’il est possible de faire pression sur les entreprises du numérique.

    L’ouverture des algorithmes aussi, elle doit être pleine et entière. Pour l’auteur, il faut « contraindre par la loi et par des règlements internationaux l’ouverture réelle et totale de toute forme algorithmique s’apparentant à des formes classiques d’éditorialisation ». Cette question commence à monter dans le débat public, à la faveur des récentes échauffourées du Techlash. Ainsi, on a vu apparaître cette idée d’un « conseil de régulation des algorithmes » (dans Wired, comble de l’ironie) – l’idée de démocratiser la technologie – et non pas seulement de démocratiser « grâce à la technologie » (avec les fameuses « civic-tech » par exemple), fait son chemin, et c’est une bonne nouvelle.

    Je m’arrête là, le livre est court, pas question d’en dire trop sans avoir l’air de tout recopier. C’est tentant, la plume d’Oliver Ertzscheid explique pourquoi on le lit depuis si longtemps. Ici, l’effort de clarté rend le livre accessible, agréable, à mettre dans les mains des vos amis, de vos étudiants, comme une nécessaire piqûre de rappel sur l’état des internets.

    Photo en tête d’article : l’auteur (anonyme), avec son aimable accord.

    Irénée Régnauld (@maisouvaleweb)

    #Irénée_Regnault #Olivier_Ertzscheid #Zuckerberg #C&F_éditions

  • Covid : Oui à la responsabilité individuelle, non à la culpabilisation constante - Libération
    https://www.liberation.fr/france/2020/09/21/covid-oui-a-la-responsabilite-individuelle-non-a-la-culpabilisation-const

    Les trous dans la raquette de la protection, ce sont les enfants. Nous avons bataillé pour demander le port du masque à l’école, entre autres mesures (embauches d’enseignants, possibilité d’enseignement à distance…), non pas parce que nous sommes des monstres hors-sol désireux de punir les jeunes et de freiner leur développement, mais parce que les enfants de moins de 10 ans peuvent être contaminés et contaminants, qu’ils soient symptomatiques ou asymptomatiques. L’OMS et l’Unicef recommandent le port du masque dès 6 ans dans les régions de circulation virale. Mais en France, on reste bloqué sur une étude mise en avant par la Société française de pédiatrie affirmant que les enfants ne sont pas contaminants pour les adultes, à partir d’observations réalisées… pendant le confinement, à un moment où les écoles étaient fermées.

    […]

    Le déni prolongé d’une grande part de la communauté scientifique et des politiques quant à la contamination par aérosolisation fait que même si aujourd’hui son existence est enfin admise, beaucoup de gens n’ont toujours pas compris de quoi il s’agit, et n’osent pas le demander pour ne pas passer pour des cons.

  • #FAQ – Réponses à vos Questions
    https://www.les-crises.fr/faq-reponses-a-vos-questions-2

    Avant de commencer, nous tenions vraiment à tous vous remercier, non seulement pour votre participation, mais aussi pour vos nombreux messages de soutien. Votre implication dans la vie du blog est une source de motivation pour toute l’équipe. #Olivier_Berruyer répond ici à quelques-unes de vos questions. Bonne lecture à toutes et à tous ! […]

    #Divers #Les-Crises #Divers,_FAQ,_Les-Crises,_Olivier_Berruyer

  • Le bilan journalier dérisoire de la pandémie en France, qui ne justifie en rien la VIOLENCE de ce gouvernement #EnMarche
    23 Juillet 2020 : Coronavirus : 7 nouveaux décès, près de 1000 nouveaux cas confirmés en 24 heures en France
    https://www.lefigaro.fr/sciences/coronavirus-7-nouveaux-deces-pres-de-1000-nouveaux-cas-confirmes-en-24-heur
    . . . . . . .
    Au cours des dernières 24h, 7 personnes hospitalisées ont perdu la vie des suites d’une infection au coronavirus.

    Selon les chiffres de la Direction générale de la santé (DGS) publiés ce mercredi 22 juillet, 6366 patients sont toujours pris en charge par les services hospitaliers, 455 d’entre eux sont en réanimation.

    « Le virus circule sur l’ensemble du territoire national », indique la DGS, en soulignant le nombre croissant de clusters. Sur les 561 détectés depuis le 9 mai, 212 sont encore en activité et 14 ont été découverts dans la journée.
    . . . . . . .
    #macro_lepenisme #maintien_de_l'ordre macronien #violence #épidémie #pandémie pas #en_vedette #imposture #confinement
    C’est pas à la une des #médias de #france #propagande #journulliste #journullistes #medias #politique #médiacrates #mass_merdias

    • Amputations, défigurations, fracas maxillo-facial ou dentaire, dilacération oculaire ou énucléation, fracas crânien, hémorragies cérébrales…

      Couvrez ces plaies que je ne saurais voir…
      Le 24 janvier 2019, le professeur Laurent Thines, neurochirurgien au CHU de Besançon, après avoir constaté les dégâts occasionnés par les #LBD, informe les pouvoirs publics et lance une pétition.
      https://www.legrandsoir.info/couvrez-ces-plaies-que-je-ne-saurais-voir.html
      Il écrit : « J’ai été particulièrement choqué par les photos prises et les lésions observées chez les personnes blessées lors des mouvements de manifestation. Beaucoup, très jeunes (potentiellement nos enfants), ont été mutilés alors qu’ils ne représentaient aucune menace spécifique ». Et d’ajouter : « amputation de membre, défiguration à vie, fracas maxillo-facial ou dentaire, dilacération oculaire ou énucléation, fracas crânien, hémorragies cérébrales engageant le pronostic vital et entrainant des séquelles neurologiques, autant de mutilations qui produisent de nouveaux cortèges de « Gueules cassées »…Tant de vies ont été ainsi sacrifiées (…)…Pour toutes ces raisons nous, soignants (médecins, chirurgiens, urgentistes, réanimateurs, infirmiers, aides-soignants…) apolitiques et attachés à l’idéal de notre pays, la France, au travers de la déclaration des Droits de l’Homme, de la Femme et du Citoyen, demandons qu’un moratoire soit appliqué sur l’usage des armes sublétales de maintien de l’ordre en vue de bannir leur utilisation lors des manifestations »(1) .

      Première parenthèse : on dit « létal » pour éviter « mortel », « bâton souple de défense » pour ne pas dire « matraque », « lanceur de balles de défense » pour cacher que le lanceur est une arme d’attaque, « forces de l’ordre » pour indiquer que la violence n’est pas imputable aux policiers, « blessures oculaires » pour que le vilain mot « éborgnement » ne soit pas prononcé.

      Seconde parenthèse : la revendication de l’ « apolitisme » des signataires nous ferait tousser comme un contaminé au Covid-19 si l’on ne comprenait pas qu’il signifie « de diverses opinions politiques ».

      Avec Cathy JURADO, Laurent THINES publie à présent un recueil de textes dont ils disent : « né au cœur des ronds-points et des manifestations de Gilets Jaunes, il témoigne de ce combat historique, par le biais d’une évocation poétique sans concession de la répression contre ce mouvement mais aussi de la ferveur et du courage des militants. Les droits d’auteur seront reversés intégralement au Collectif des Mutilés pour l’Exemple ».

      C’est publié par « Le temps des Cerises » , excellent éditeur qui a publié.

      Maxime VIVAS Pour participer à ce geste de solidarité, contactez : poemesjaunes@gmail.com
      Pour en savoir plus, lisez l’article ci-contre https://www.legrandsoir.info/feu-poemes-jaunes.html

      Note (1) La réponse au cours de l’année a été la violence policière répétée contre le personnel soignant, matraqué et gazé. En mars 2020, des policiers se sont rendus, à la nuit tombée, avec des véhicules de service aux gyrophares allumés, devant des hôpitaux pour y applaudir (à distance) le personnel soignant qui est aux premières lignes dans la lutte contre le Coronavirus. Dérisoire initiative d’un corps de métier qui bénéficie, pour « maintenir l’ordre » de masques de protection qui font défaut dans les hôpitaux et qui usa de la matraque si les soignants manifestaient pour en réclamer. Puis, les manifestations ont repris et les brutalités contre le personnel soignant aussi.

      #violence #violences_policières #police #répression #violences #violence_policière #emmanuel_macron #giletsjaunes #resistances #social #mutilations #mutilés #maintien_de_l'ordre #gilets_jaunes #justice #répression #violence #armes_non_létales #flashball #blessures #langage

    • Le Ségur de la honte ! Jean-Michel Toulouse, ancien directeur d’hôpital public - 22 juillet 2020
      https://pardem.org/actualite/1057-le-segur-de-la-honte

      Certes il était illusoire d’espérer que des décisions à la mesure des besoins de l’hôpital, du personnel et des patients seraient prises au Ségur de la Santé. Sauf à croire au miracle ! 


      Mais la réalité dépasse la fiction : trois syndicats se sont déshonorés en signant les « accords » séguro-macroniens. Non seulement les revendications répétées des personnels hospitaliers depuis de très longs mois ont été piétinées mais il ne subsiste aucun espoir que les problèmes de fond qui minent la santé publique soient réglés.


      Mais l’honneur et la lutte n’ont pas disparu. Ils étaient incarnés le 14 juillet entre République et Bastille à Paris et dans de nombreuses villes par les soignants qui manifestaient et par les 15 organisations médicales et non médicales, qui ont refusé d’être complices du Ségur de la honte.

      Ils ont signé : la #CFDT, #FO et l’ #UNSA - les syndicats les moins représentatifs dans de nombreux hôpitaux et chez les médecins. Après 6 semaines de négociation bâclées, voici ce qu’ont accepté ces organisations : 


      – Un « socle » de 7,6 milliards d’euros pour les personnels para-médicaux (infirmières, aides-soignantes, kinésithérapeutes, etc.) et non médicaux (administratifs, agents des services hos-pitaliers, techniciens divers, etc.) est attribué à 1,5 million d’hospitaliers : une augmentation de salaire versée en deux temps, soit 90 euros au 1er septembre prochain et 93 euros au 1er mars 2021. Au total 183 euros nets mensuels sont octroyés aux agents des hôpitaux et des #EHPAD. Ce qui ne rattrape même pas le blocage du point indiciaire depuis 10 ans ! En effet pour ce rattrapage il aurait fallu 280 euros nets mensuels. Il s’agit donc d’une obole qui montre le mépris du pouvoir pour les salariés, qualifiés de « héros » par Macron ! Il est vrai que la notion de héros est commode : elle dépolitise le problème et, en outre, un héros n’a pas de besoin ! 


      – Une « révision des grilles salariales » - sans autre précision - en avril 2021, et cela ne représentera que 35 euros nets mensuels en moyenne ! Voilà la reconnaissance macronnienne pour celles et ceux qui ont tenu le pays à bout de bras pendant 3 mois et ont limité les dégâts de l’incompétence de ce pouvoir.


      – La « revalorisation » des heures supplémentaires, des primes pour travail de nuit, mais « plus tard » et sans autre précision, ce qui signifie que ce sera indolore pour ce pouvoir !


      – La création de 15 000 postes - sans précision non plus - alors qu’il en faudrait 100 000. De plus, ces postes seront à discuter avec les directions d’établissement, ce qui n’est pas acquis !


      – S’agissant des médecins, le Ségur leur octroie 450 millions d’euros (au lieu de 1 milliard), et 16 « autres mesures » à venir… La principale étant la « revalorisation » de la prime de service exclusif qui passera de 490 euros à 700 euros nets mensuels pour les PHPT (Praticiens hospitaliers plein temps), puis à 1 010 euros en 2021, à condition que ces #PHPT aient 15 ans d’ancienneté...


      – Toujours pour les médecins, révision des grilles salariales mais au rabais (100 millions d’euros), et en 2021, avec la fusion des trois premiers échelons déjà prévue par le plan Buzyn, et en créant 3 échelons supplémentaires en fin de carrière, c’est-à-dire aux calendes grecques !


      – Enfin pour les jeunes médecins et les internes, 124 millions d’euros pour les indemnités aux jeunes praticiens, qui seront portées au niveau du SMIC horaire ! Mais sans revalorisation de leurs grilles indiciaires ! Et cela alors que 30 % des postes sont vacants. Pas de mesure sur les gardes et la permanence des soins. Ce n’est pas avec cela que l’hôpital public sera plus attractif ! On risque même assister à une fuite générale des compétences vers le privé.

      Volet 2 (organisation et investissement) : du pareil au même !
      Monsieur Véran, ministre de la Santé, déclare que ce plan n’est pas fait « pour solde de tout compte ». En effet ! Nous apprenons que ce ne sera pas 15 000 postes qui seront créés mais seulement 7 500 car les 7 500 autres sont déjà inscrits dans le collectif budgétaire prévu dans le plan Buzyn « Ma santé 2022 » ! 


      Ce plan Ségur, animé par Nicole Notat, annoncé par Macron et Castex, proclame que 20 milliards de plus sont alloués aux hôpitaux. Mais en réalité il y en a déjà 13 qui sont sensés contribuer à éponger les dettes des hôpitaux (sur une dette de 30 milliards), ce qui réduit à 6/7 milliards l’ensemble des autres mesures ! 
Notat, qui a remis son rapport sur le volet 2 le 21 juillet, poursuit donc son travail d’enfumage macronien. Ce volet n°2 se limite, en effet, à injecter, sur 4 à 5 ans, 6 à 7 milliards d’euros pour financer les bâtiments, les équipements et le numérique. 6 milliards en 4-5 ans pour l’ensemble de ces mesures alors que l’hôpital est rongé par l’austérité et la réduction de moyens depuis 30 ans ! Sans compter qu’il faudra partager avec le secteur privé « assurant des missions de service public » !

      Considérant l’état des hôpitaux publics, on voit le fossé abyssal qui sépare les besoins réels et cette aumône méprisante ! En guise « d’investissement massif » - comme le promettait Macron - ce ne seront que 2,5 milliards pour les établissements de santé (projets territoriaux de santé, Ville-Hôpital, pour « casser les silos » !), 2,1 milliards pour le médico-social et les EHPAD (rénovation d’un quart des places, équipement en rails de transfert, capteurs de détection de chute, équipements numériques) et 1,5 milliard pour l’investissement dans le numérique et « les nouvelles technologies » . Il est donc évident que ce plan est loin de permettre de « changer de braquet ». Alors que ce sont des milliers de lits qui ont été supprimés depuis 30 ans (quelque 12 000 ces 5 dernières années), le plan Véran-Notat prévoit 4 000 créations mais seulement « à la demande » et « en fonction des besoins » (évalués par qui ?), et pour des motifs de « grippe saisonnière ou d’autres pics d’activité exceptionnels ». En réalité pas un lit ne sera créé pour compenser la destruction systématique de nos hôpitaux. Le COPERMO (Comité interministériel pour la performance et la modernisation de l’offre de soins hospitaliers), véritable instrument de verrouillage de l’investissement dans les hôpitaux publics, sera supprimé et remplacé par un « Conseil national de l’investissement » qui « accompagnera les projets, établira les priorités, répartira les enveloppes uniquement pour ceux qui seront financés sur fonds publics (on ne voit pas comment l’hôpital public serait financé autrement…), ou qui seront supérieurs à 100 millions d’euros » ! Autant dire que seul change le nom du COPERMO mais qu’est conservé l’instrument de verrouillage des investissements hospitaliers ; même si l’intention de le faire cautionner par quelques élus est annoncée comme une mesure formidable !
Ce volet 2 traite de « déconcentration de la gestion des investissements » et envisage de donner plus de pouvoirs aux Délégations départementales des ARS et « aux territoires ». Mais l’on sait que ces Délégations doivent respecter les « plans régionaux de santé » décidés par les ARS... Cette association des élus est donc un leurre !

      Véran annonce que les tarifs de la T2A « vont continuer d’augmenter » les années prochaines, alors que cela fait 10 ans qu’ils baissent… Par ailleurs le ministre propose « de mettre en place une enveloppe qui permettra aux hôpitaux de sortir plus rapidement de ce système » et « d’accélérer la réduction de la part de la T2A... » . Face au caractère fumeux de ces propos il est raisonnable d’être circonspect !

      Parmi « les 33 mesures » annoncées, citons aussi la volonté d’ « encourager les téléconsultations » , de décloisonner l’hôpital, la médecine de ville et le médico-social mais sans mesure concrète, « libérer les établissements des contraintes chronophages » et autres baragouinage sans mesure concrète.


      Le gouvernement veut « une gouvernance plus locale » et une revitalisation des services. Les candidats chefs de service devront présenter un projet : mais c’est déjà le cas ! On ne voit pas très bien le changement… Les pôles sont maintenus, même si les hôpitaux seront libres d’en décider.


      S’agissant des Instituts de formation en soins infirmiers (#IFSI), le gouvernement propose de doubler les formations d’aides-soignantes d’ici 2025 et d’augmenter de 10% celles des #IDE (Infirmières diplômées d’Etat). Ces mesures s’imposaient car l’on sait que la « durée de vie professionnelle » d’une IDE est de 6 ans... Mais au lieu d’augmenter massivement les postes d’IDE et de renforcer les IFSI, le gouvernement « lance une réflexion sur une nouvelle profession intermédiaire entre les IDE et les médecins » … ce qui lui permettra de gagner du temps et ne résoudra pas les manques d’effectifs dans les services !


      S’estimant satisfait d’avoir « remis de l’humain, des moyens et du sens dans notre système de santé » le Ministre conclut en annonçant un autre « Ségur de la santé publique » pour la rentrée et un « comité de suivi » des volets 1 et 2 du Plan Ségur.

      Qui peut se faire encore des illusions après cet enfumage cynique ?
      L’aumône concédée aux soignants, loin de leurs revendications qui préexistaient au Covid-19, ne suffit même pas à corriger le blocage du point d’indice depuis 10 ans alors que des centaines de milliards d’euros sont offerts aux multinationales et au #MEDEF.


      Rien n’est dit sur les ordonnances Juppé de 1995, sur la loi #HPST (hôpital, patients, santé, territoire) de la ministre de la Santé de Sarkozy, Roselyne Bachelot, qui vient de faire un grand retour en qualité de ministre de la culture ! Rien sur les lois Touraine et Buzyn qui ont continué à fermer des lits et détruire des postes !

      Rien sur le matériel, les respirateurs, les médicaments, les postes à créer, les hôpitaux à moderniser ! Rien sur les lits de réanimation dont on a vu la pénurie pendant ces 6 derniers mois ! Rien sur les 30 000 morts dont le pouvoir est responsable, faute de production locale de masques, de gel hydro-alcoolique, de gants, de tenues de protection, de médicaments, alors qu’une autre vague de la Covid-19 menace ! Où est le plan de relocalisation des industries de santé ?

      La signature de cet « accord » par la CFDT, FO et l’UNSA est une infamie ! Et cela alors que ces syndicats savent que Macron-Castex vont remettre sur la table la contre-réforme des retraites ! 


      Ils prétendaient après le volet 1 que les « autres volets » Ségur arrivaient : investissement et financement des hôpitaux, réforme de la #T2A, organisation territoriale, et « gouvernance » de l’hôpital. Pipeau !


      Qui peut se faire encore des illusions après cet enfumage cynique ? 


      Qui peut encore gober les déclarations officielles faisant des soignants des héros alors qu’ils ont été maltraités, le sont et le seront encore après ce Ségur de la honte ?


      Comment l’hôpital public va-t-il s’en sortir alors que la France est en voie de paupérisation et qu’il y aura un million de chômeurs de plus à la fin de l’année ?

      Ce qu’il faut retenir, c’est que 15 organisations n’ont pas signé cet « accord » déshonorant ! Parmi lesquelles la CGT, Sud, l’AMUF, la Confédération des praticiens des Hôpitaux, le Syndicat Jeunes Médecins, l’Union syndicale Action Praticiens des Hôpitaux, le Syndicat des professionnels IDE, etc. Leur manifestation du 14 juillet contre ce « plan » Macron-Castex-Véran-Notat est le début de la réplique contre l’indécent « hommage » de ce pouvoir aux soignants ! Il faut espérer que le mouvement social n’en restera pas là ! Que les citoyens s’en mêleront !

      Un seul objectif s’impose à nous : virer ce pouvoir inféodé aux multinationales, à la finance et à l’Union européenne !

      #Santé #santé_publique #soin #soins #enfumage #baragouinage #ségur #capitalisme #économie #budget #politique #olivier_véran #nicole_notat #agnès_buzyn #jean castex #alain_juppé #roselyne_bachelot #marisol_touraine #paupérisation #médecine #hôpital #inégalités #médecins #médecine #services_publics #conditions_de_travail #infirmières #infirmiers #soignants #soignantes #docteurs #budget #argent #fric #ue #union_européenne

  • Du coeur au ventre
    #Documentaire d’Alice Gauvin. 38 minutes. Diffusé le 28 octobre 2012 dans 13h15 Le Dimanche sur France 2.

    Il y a 40 ans, une jeune fille de 17 ans, Marie-Claire était jugée au #Tribunal de Bobigny. Jugée pour avoir avorté.
    Nous sommes en 1972 et l’#avortement est interdit en #France.
    Les #femmes avortent quand même, dans la #clandestinité et des conditions dramatiques, parfois au péril de leur vie.
    Des femmes, des médecins vont s’engager pour briser la #loi_du_silence et obtenir une loi qui autorise l’#interruption_volontaire_de_grossesse.
    C’est l’histoire d’un #combat, d’un débat passionné. Sur la #vie, la #mort, et un acte encore #tabou aujourd’hui.
    « Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement » dira Simone Veil à la tribune de l’Assemblée nationale. « Il suffit d’écouter les femmes ».

    https://vimeo.com/77331979


    #IVG #film #film_documentaire #histoire #justice #planning_familial #avortement_clandestin #faiseuses_d'anges #Suisse #décès #343_femmes #résistance #lutte #avortement_libre #343_salopes #Marie-Claire_Chevalier #procès_de_Bobigny #procès_politique #Gisèle_Halimi #injustice #loi #aspiration #méthode_Karman #Grenoble #Villeneuve #Joëlle_Brunerie-Kauffmann #Olivier_Bernard #manifeste_des_médecins #choix #désobéissance_civile #maternité #parentalité #liberté #Simon_Veil #Simon_Iff #clause_de_conscience #commandos #anti-IVG #commandos_anti-IVG #RU_486 #centre_IVG #loi_Bachelot #hôpitaux_publics #tabou

  • Les Cafés Géo » Olivier Truc, Le cartographe des Indes boréales
    http://cafe-geo.net/olivier-truc-le-cartographe-des-indes-boreales

    Olivier Truc est venu récemment à l’Institut de géographie pour nous parler des Sami aujourd’hui et de leur intégration dans les sociétés d’Europe du nord (voir le compte rendu de Claudie Chantre). Son dernier roman évoque le temps (XVIIème siècle) de leurs premiers contacts avec la Couronne suédoise.

    D’abord un titre. Un titre poétique qui renvoie à l’imaginaire de ces hommes du début du XVIIème siècle qui voulaient découvrir le monde et en extraire les richesses symboliques et matérielles. Ne pouvant s’installer durablement ni dans les Indes orientales, ni dans les Indes occidentales, les Suédois ont choisi d’établir leur souveraineté sur les terres du Grand Nord, les terres boréales.

    Sous le titre de couverture, une baleine s’acharne, telle Moby Dick, à renverser une chaloupe de marins accrochés à leur rame pour sauvegarder leur vie. C’est à ce monde de baleiniers qu’appartient le héros du roman, Izko.

    #littérature #cartographie #olivier_truc

  • Portrait de la vieille ville en feu | ARTE Radio
    L’actu en vélo, en avion ou en SUV
    https://www.arteradio.com/content/arte_radio_reportages_temoignages_et_bruits_pas_sages_1
    https://soundcloud.com/arte-radio-1/portrait-de-la-ville-en-feu?in=arte-radio-1/sets/depeche

    Cette semaine Livo observe les médias qui observent les États-Unis en feu, et remet un petit coup de « Sound of da Police ». Il pose les questions de Léa Salamé (France Inter) aux clients des terrases déconfinées. Nostalgique du son de la ville d’avant, il rencontre un riverain de l’aéroport qui savoure encore l’absence de vols. Et il hésite entre le « coup de pouce vélo » et les « primes pour l’automobile » pour se rendre dans le nouveau monde d’après.

    #arte_radio #monde_d'après

  • #FAQ – Réponses à vos Questions
    https://www.les-crises.fr/faq-reponses-a-vos-questions

    Depuis le lancement notre « Foire Aux Questions » la semaine dernière, nous avons reçu des dizaines de questions ! Nous tenons vraiment à tous remercier, non seulement pour votre participation et pour la qualité de vos questions, mais aussi pour vos nombreux messages de soutien. Votre implication dans la vie du blog est une […]

    #Divers #Les-Crises #Olivier_Berruyer #Divers,_FAQ,_Les-Crises,_Olivier_Berruyer

  • « Si l’Afrique veut être plus efficace face aux épidémies futures, elle doit tirer les leçons de ses insuffisances »
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/05/31/si-l-afrique-veut-etre-plus-efficace-face-aux-epidemies-futures-elle-doit-ti

    Ces mesures gouvernementales ont été prises sans concertation, mal expliquées, incohérentes, dépourvues de suivi et d’appui de proximité, et peu adaptées aux contextes locaux. Elles ont oscillé entre violence et laxisme, avec des fermetures d’églises et de mosquées, rouvertes ultérieurement alors même que le nombre de cas augmentait, des tentatives velléitaires (souvent non suivies d’effets) de restreindre la fréquentation des marchés ou de mettre fin à l’activité des motos-taxis, des couvre-feux arbitraires, des interdictions et exhortations contradictoires. Pour l’essentiel, les marchés, les églises, les mosquées continuent d’être fréquentés, les motos-taxis à rouler avec leurs passagers, les baptêmes et les funérailles à rassembler les proches, les jeunes à prendre le thé sur les trottoirs, les gens à voyager et même à traverser des frontières poreuses, tout cela malgré les bastonnades sans ménagement des forces de police.

    #Covid-19#migrant#migration#Afrique#mesures-sanitaires#pandémie#funérailles#frontières#santé#OlivierDeSardan

  • Corona Chroniques, #Jour48 - davduf.net
    http://www.davduf.net/corona-chroniques-jour48
    http://www.davduf.net/local/cache-gd2/62/31348e6de7e6cdcf65bb95cc54fbf6.png?1588500537

    Conseil des ministres exceptionnel « dédié à la déclinaison opérationnelle des mesures » du #Déconfinement. À #Olivier_Véran, la bonne bouille inoffensive de la Santé, de venir annoncer la mauvaise nouvelle, la loi d’Etat d’urgence sanitaire s’inscrira dans la lignée de ses grandes sœurs : elle fera durer le plaisir du pouvoir et les supplices sur les libertés, elle sera prolongée de deux mois, jusqu’au 24 juillet, et plus si affinités (et l’on sait combien la République excelle dès qu’il s’agit de permanenter ses exceptions).

    Comme toujours, double discours. Sans rire : « notre stratégie repose d’abord sur l’adhésion des Français », ou : « nous faisons confiance à l’esprit de responsabilité des Français », quand, dans les faits, depuis deux mois, tout n’est que verticalité du pouvoir et démonstrations de force, paroles culpabilisantes et saillies moralisatrices, honte bue et masques perdus, infantilisation et incompétences, surveillance et punitions, #Lallement et amendes, et maintenant ça : des « brigades d’ange gardien », dixit Mielleux Véran, pour désigner d’obscurs ficheurs de « contact tracing ». Vient le tour de #Castaner, autre double, maléfique cette fois, à la mode confinée — barbe de quarantaine, cheveux qui s’allongent, ventre qui sommatise. Le ministre de l’Intérieur annonce le vent mauvais, la policisation rampante de la société : le gouvernement a décidé d’ « élargir la liste des personnes habilitées à constater les infractions ». Désormais, si la loi passe (et elle passera mardi, à priori), les pas encore formés (adjoints de sécurité, gendarmes adjoints volontaires), les vieux de la veille (réservistes police et gendarmerie) et les recalés des écoles de police (vigiles des transports) « pourront constater les non-respects de l’état d’urgence sanitaire et le sanctionner ». On sait ce que ce surcroit de pouvoir annonce : il est un avant goût de la mise en place du flicage généralisé de l’Après. Pas encore total, mais déjà tautologique. Cet après midi, Hassina Mechaï écrit : « Le déconfinement s’annonce comme la prolongation du confinement par d’autres moyens. Un confinement portatif où nous serons tous coupés des uns des autres dans un espace public qui ne fera plus commun. »

    Pour s’en rendre compte, il suffit d’écouter attentivement #Christophe_Castaner, non comme font les 20H, quand le ministre égrène les nouvelles dispositions, mais quand il tente de les justifier, dans un joyau de #novlang : « L’objectif du gouvernement n’est pas d’empêcher les gens de se déplacer. L’objectif du gouvernement, c’est d’empêcher que le virus se déplace. Or, pour se déplacer, le virus utilise celles et ceux des Français qui se déplacent. »

    • L’idiotisme de métier est pas un impératif absolu. Faut être ministre et plus médecin pour dire ça. Ce « médecin » est plus précisément neurologue. Pousser à ce point le cloisonnement, c’est la caricature de ce qui menace sans cesse l’hôpital (et qui a été pour partie brisé au cours des dernières semaines, sinon le bilan serait beaucoup plus lourd). Avec ses aristos de la division taylorienne des tâches. Et ici, vaguement couvert par l’affichage d’une pseudo attention au patient singulier, on mène guerre à l’intelligence de tous. C’est ces types qu’il faut commencer par soigner !

      #neurologue #homme-du_circuit #menteur #Olivier_Véran #ministre_pathogénique

    • Pour la petite histoire, je viens de me facher gravement avec une amie avec laquelle nous avions convenu de ne pas parler politique (oui, je sais, c’est dur à tenir). Sauf que par provo idiote elle est revenue sur cette décision et comme je ne supporte pas l’aveuglement crasse de celles et ceux que j’appelle désormais les fanatiques de LREM (héé le rhum ips le rhume l’est où ?) ça c’est très très mal passé. Je lui ai envoyé quelques liens, je regrette de ne pas lui avoir ajouté celui-là, il est #meumeu !
      Et puis, ce qui m’inquiète, c’est qu’elle n’est pas un cas isolé. Un peu comme les hitlériens à l’époque, les maoïstes ou les staliniens, car combien de temps il leur a fallu pour dessiller et enfin « renier » leurs dieux ? 30 ans ? 40 … misère, ça risque de durer.

    • ça fait longtemps (10 ans) qu’on se connait, au début j’ai cru à une blague, mais tous ses vieux potes babosses d’environ 65/70 ans ils commencent à devenir séniles devant bfm, le machin président est devenu leur gourou et moi leur ennemi juré j’ai eu droit à des insultes … ethnologiquement, c’est pas inintéressant quand j’arrive à faire la touriste intellectuelle dans les milieux remisés (j’ai omis le L devant) et obtus.

    • Ah... c’est la vieillerie, ok. J’avais sucré un bout du post précédent ou je disais voir les proches qui prennent de l’âge tourner à droite - comme le font prévoir ne serait-ce que les statistiques électorales : un vague néolibéralisme venant avec l’étroitesse d’esprit par là (avec info en continu comme neuroleptique, effectivement, un tout autre médoc qu’Igor Barrère, Armand Jamot et Pivot), un ralliement à Mélenchon de qui s’en tenait à des variantes d’"il n’est pas de sauveur suprême", isolement progressif, relations sociales distendues et raréfiées, bilan de plus en négatif quand à divers engagements passés lors des années 60 et début 70 (féminisme ou navigation aux marges du gauchisme) où le collectif n’est plus un motif d’espérance mais d’un jugement pessimiste (aigri). Et pourtant on a tous nos exemples de vieux vieux suffisamment vaillants pour n’avoir pas renoncé à quelques belles convictions de base.
      Les vagues hippies, babas (toujours prêts à être en paix avec ce monde, sauf certains, un moment, impliqué dans des conflits), punk, les contre culture, ont dans l’ensemble pas prémuni d’un libéralisme existentiel qui a contaminé nombre d’anciens militants ou politisés. Faudrait trouver un Docteur Ragout honnête et efficace pour bricoler un traitement préventif :). N’empêche, ça fait peur, toute l’automédication qu’il faut bricoler sans aucune garantie scientifique pour tacher de se prémunir de la sénescence volontaire.
      Bon, c’est grave troll sur le post de @kassem, mais ce n’est que dérive, on a changé de maladie sans faire exprès et c’est encore, autrement, affaire de contagion et d’immunité.

    • Arf, oui, désolée @kassem de squatter ton fil
      Le naufrage de la vieillesse qui s’accroche au radeau macron …
      Il faut retenir qu’il n’y a pas que les vieux qui sont prêts à défendre leur croyance électorale et à clasher avec leur entourage. C’est une des choses que j’entends le plus, faut croire en lui sinon c’est machine qui passera …
      Je préférerai entendre Faisons sauter la Veme république, arrêtons de donner le pouvoir à des taré·es.

  • Coronavirus : à Paris, voyages au bout de la nuit
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/04/17/coronavirus-a-paris-voyages-au-bout-de-la-nuit_6036869_3224.html

    REPORTAGEDepuis le début du confinement, le pouls de la capitale bat au ralenti. Et plus encore après la tombée du jour, quand la cité n’est plus qu’un théâtre d’ombres.

    « Vous connaissez Ayn Rand ? Non ? ! Il faut lire Ayn Rand, c’est une romancière, la grande théoricienne de la philosophie libertarienne. Voilà, c’est ça que je suis, un libertarien, c’est-à-dire un gros égoïste qui essaie de prendre soin de soi et de ses proches. Et si chacun fait cela, peut-être qu’un avenir est possible. Sinon, on est foutus. Parce que là, je peux vous le dire, on est devant la pire crise économique qu’a connue l’humanité. Ça va être un carnage et il ne vaudra mieux pas être là quand ça va péter. On est tous à se demander où on va aller pour la suite. Parce que l’avenir à Paris, dans notre petit appart qui a coûté un bras, ça va pas être possible. Ça va être la guerre, je vous le dis, la guerre. Et nous, les bobos comme moi, on n’est pas armés pour ça. Le mendiant à qui je donne d’habitude à la sortie du supermarché, je le vois, lui, il est peinard. Détendu. Les SDF, c’est eux qui s’en sortiront parce qu’ils n’ont rien à perdre et qu’ils sont déjà en mode Mad Max. »

    Il est bientôt minuit. Tanguy – les personnes rencontrées ont préféré ne donner que leur prénom – est descendu de chez lui pendant que ses filles dorment pour acheter deux bières dans la petite épicerie de sa rue, perpendiculaire aux Grands Boulevards. Des XL, pour traverser cette première nuit chaude de l’année, un air d’été, de putréfaction, de vacances de la fin du monde. La conversation s’est engagée à distance, et maintenant, Tanguy ne s’arrête plus de parler. En un quart d’heure, on en sait plus sur sa vie que son voisin de palier. C’est le propre des guerres et des grandes catastrophes de produire un tel mélange de concision et de confusion : il faut que tout sorte d’un coup avant de se retrouver les tripes à l’air. Sa vie défile comme un film muet accéléré. Tanguy a fait HEC, n’a pas aimé le monde de l’entreprise et de la finance. S’est installé à son compte en faisant « un peu d’immobilier et un peu de trading ». Deux enfants, divorce ou séparation. Plus tout jeune, quelques cheveux gris, mais ça fait partie de son charme de quadra mal rasé, en jean et tee-shirt sous une chemise déboutonnée. Une ex-amoureuse qui habite dans la même rue l’a appelé au téléphone : il pensait qu’elle voulait retenter sa chance, elle voulait juste lui annoncer qu’elle toussait. « Prendre soin de soi et de ses proches. » Oui, mais comment ? Insondable est la nuit.

    Tanguy repart avec ses deux bières poursuivre son cauchemar en confinement. Tout le temps de la discussion, aucun autre client ne s’est présenté au comptoir de l’épicerie Super Market. Zeitoun, le gérant, est affalé sur son comptoir. En mode survie. Pourquoi rester ouvert aussi tard ? « La journée, les grandes surfaces attirent toute la clientèle. Je suis obligé de rester ouvert le soir pour attraper les autres. Je ne peux pas fermer, comment je vais payer 3 000 euros de loyer, sinon ? » Son regard erre sur le mur de bouteilles d’alcool bon marché scintillant de toutes les couleurs sous l’aveuglante lumière du néon. Inquiète est la nuit.

    Une nuit en nuances de gris

    La porte Saint-Denis écarquille son œil de Cyclope, muette d’horreur face au vide qui l’entoure, médusée par le silence qui l’enveloppe. Où sont-ils tous, les poivrots, les fêtards, les clodos, les crevards, les Turcs, les Kurdes, les Arabes, les Africains et les autres ? Partis, envolés, effacés. Oubliés. Même le Paris qui ne dort jamais s’est claquemuré. Il y a bien quelques dealeurs à la recherche de clients, quelques SDF à la recherche de nourriture ou d’un refuge, quelques employés de restaurants qui rentrent chez eux en pressant le pas, mais pas de quoi fouetter un chat de gouttière. Paris n’est pas Istanbul et compte d’ailleurs nettement plus de rats que de chats.

    Quatre nuits d’affilée, on est sorti vérifier si, dans la nuit de Paris, tous les chats sont vraiment gris. Chercher le long de ses artères le pouls faiblard d’une capitale sous Covid-19, toucher son front moite d’une mauvaise fièvre, celle qui brûle la cervelle, écrase le thorax et fait trembler les membres. Au début du confinement – que cela paraît loin déjà ! –, la nuit commençait bien avant les applaudissements de 20 heures. Mais le changement d’heure et l’arrivée du printemps ont repoussé les ténèbres bien après l’hommage quotidien aux soignants. Au tout début, donc, il n’y avait personne, sauf ceux qui ne pouvaient pas faire autrement, les « sans » : sans-abri, sans-papiers, sans-domicile-fixe, sans-famille. Il y avait le froid aussi, un froid sans pitié.

    Désormais, la nuit est un nuancier de gris. D’abord, les joggeurs, dont la pratique a été repoussée après 19 heures. Ils slaloment entre les promeneurs de chiens. Ensuite, les livreurs, qui sillonnent la ville en tous sens et à toute heure, à scooter ou à vélo. Puis les couples, qui prennent le frais, main dans la main, émerveillés et intimidés par cette ville déserte et pourtant vivante. Et enfin tous ces « sans », dont la présence, d’ordinaire noyée dans la foule nocturne et le vacarme automobile, saute aux yeux. La nuit leur appartient autant qu’elle les possède. Gloutonne est la nuit.

    Les sapeurs-pompiers de Paris récupèrent un sans-abri malade, au Forum des Halles, à Paris, le 8 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Dans l’ancien ventre de Paris, aux Halles, tous les SDF s’appellent Jonas. C’est leur royaume dévasté. Le centre commercial a fermé ses portes, les contraignant à dormir les uns contre les autres dans les issues de secours, les entrées du métro et du RER, qui ferment leurs portes à 22 heures. En surface, le jardin est occupé par différents groupes qui se croisent en une chorégraphie erratique. On se rassemble par affinités, origines, addictions ou hasard. Les SDF isolés risquent d’être rançonnés, pour une cigarette ou une bouteille, voire de se faire agresser gratuitement. Un groupe de jeunes Antillais propose un peu de « shit », sans conviction. A côté, des Russes sont saouls comme des Polonais. L’un d’eux frissonne et tousse en crachant du sang. Les pompiers arrivent rapidement. Coronavirus ? « Bah, on sait pas, on va le tester, mais j’ai peur que le virus ne soit pas son souci principal », soupire un pompier fataliste.

    L’axe de la misère

    Les jeunes Antillais, eux, n’ont pas peur du Covid-19 : « C’est une question d’anticorps et de gênes », assure David. Mais quand les autorités lui ont proposé de se confiner dans un gymnase ou un hôtel réquisitionné, il a préféré refuser, par prudence : « Entassés dans un gymnase, ou à deux dans une chambre d’hôtel, on est sûr de l’attraper. » Mais dans la rue, tout est devenu plus difficile : moins de passage, moins de commerces ouverts, donc moins d’argent. « Les gens, ils reculent quand ils nous voient parce qu’on n’a pas de masques. » La Croix-Rouge distribue des repas tous les midis au pied de l’église Saint-Eustache.

    Un sans-abri compte l’argent gagné dans la journée, autour du Forum des Halles, le 8 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Sophie, sans-abri, nettoie les vitres de la terrasse d’un restaurant où elle passera la nuit, à proximité de l’esplanade du Forum des Halles, le 8 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Plus loin, au pied de la Bourse de commerce, qui doit accueillir la collection Pinault en septembre, la « famille » de Francesca – trois femmes, deux hommes, « une invitée » et le chien – a installé son campement sous l’auvent d’un restaurant en réfection de la rue Coquillère, entre l’As de trèfle et Au pied de cochon. Le bric-à-brac de matelas, coussins, lampes et vivres est soigneusement rangé dans un coin. Sophie, l’« invitée », fait les carreaux. Lola, la métisse, dit qu’à elles trois, avec Francesca, l’Italienne, et Gracias, l’Espagnole, « [elles font] la mondialisation ». Les deux hommes, Momo et « le Vieux », restent muets : « Les femmes dans la rue, c’est des problèmes, finit par lâcher Momo. Ça crée des jalousies, des disputes. »

    Francesca est née dans le nord de la péninsule, il y a à peine trente ans, et a eu deux filles : la première est morte d’une leucémie, la seconde a été placée. « Le père est toujours dans le crack, moi, je préfère l’alcool. » Aujourd’hui, le seul être dont Francesca ne pourrait plus se passer est son chien. Après des années d’attente, elle s’est vu attribuer un appartement thérapeutique, mais elle n’a pas pu y emménager à cause du confinement. « T’as l’espoir et puis d’un coup, on te le retire. Ça s’appelle un ascenseur émotif », philosophe Lola. Brutale est la nuit.

    Une femme sans domicile fixe devant la gare de l’Est, à Paris, le 10 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Un groupe de sans-abri et de toxicomanes sur le parvis de la Rotonde, place de la Bataille-de-Stalingrad, à Paris, le 11 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    L’axe de la misère part des Halles et remonte vers le nord de Paris en passant par les gares de l’Est et du Nord, avant de rejoindre Stalingrad, place forte des « crackés » et des paumés, puis de finir à la porte d’Aubervilliers, principal rassemblement des migrants depuis le démantèlement du camp de la porte de la Chapelle. Tout le reste est strictement vide une fois passé 22 heures, à l’exception de quelques ombres furtives. Rue Saint-Denis, pas une prostituée en vue. Le seul commerce ouvert est une sandwicherie, Le Généreux, qui fait de la vente à emporter. Un client qui souhaite s’attabler pour avaler son kebab se voit fermement rappeler les règles par Smat, le cuistot. Le client repart à vélo pour Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), où il habite : « Je viens tous les jours pour m’occuper de ma mère. Elle m’emploie comme aide à domicile. C’est comme ça que je vis. » Il a 60 ans passés.

    Des tribus et une caste

    Smat a convaincu son patron de rouvrir la sandwicherie parce qu’il devenait « fou » dans son studio de la Courneuve, au bout de deux semaines de confinement. « Comme on ne vend presque rien, à peine vingt sandwiches par jour de midi à minuit, mon collègue et moi avons accepté de baisser notre salaire de 300 euros. » Ils gagnent désormais 1 300 euros par mois. Son patron les raccompagne tous les soirs en scooter du quartier Montorgueil à la Courneuve à minuit ou 2 heures du matin, selon que les affaires marchent plus ou moins mal. Chiche est la nuit.

    Mohamed-Amin, étudiant en administration économique et sociale, profite de son job de livreur pour sortir voir un de ses amis, le 9 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Un homme récupère sa commande dans un restaurant de la rue Saint-Denis, à Paris, le 8 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Hakim Amarouche, chauffeur de taxi parisien, attend des clients dans la rue Réaumur, le 8 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Hakim aussi préfère travailler que ne rien faire. Il a convaincu le patron de sa société de taxi de lui laisser la voiture. « Ça fait tellement longtemps que je dors le jour et veille la nuit, je ne me vois pas changer de rythme. Mais franchement, il m’est arrivé de faire des nuits à une course de 20 euros. C’est pas pour l’argent, c’est pour pas péter un câble. » Il a du gel hydroalcoolique mais plus de masques. Il ajoute : « Au moins, je peux circuler et passer voir les copains. Parce que sinon, la nuit, y a que des fous et des zombies dehors. » C’est un peu exagéré : Christel et Timothée, tout droit sortis d’un catalogue de The Kooples, promènent leur chien à la fraîche, un bouledogue miniature. Christel, pourtant pas bégueule, ne veut plus sortir le chien seule car elle « ne se sent pas en sécurité, surtout à cause des hommes d’Europe de l’Est sous alcool ».

    Chaque tribu reste à part : les sportifs, les poivrots, les couples, les promeneurs de chiens, les drogués, les migrants. Pas ou peu de rencontres imprévues : il faut profiter à fond du peu de temps imparti en cas de contrôle policier. Les livreurs forment une caste à part. On les retrouve en groupes, devant les rares restaurants ouverts. Penchés sur leurs scooters, ils ressemblent à des cowboys abreuvant leur monture autour du même puits. Eux aussi ont moins de travail : « Trop peu de restaurants ouverts pour trop de demande, constate Amir. L’attente est longue, on se bat pour les livraisons. Les gens s’énervent. En fait, les clients sympas sont plus sympas et les emmerdeurs plus chiants. Ils insistent pour que tu montes dans l’immeuble alors que c’est interdit. » Grâce à son métier, Amir en voit des vertes et des pas mûres : « Les geeks dans leur chambre de bonne qui commandent deux Twix et une bouteille d’eau pour toute la journée ; l’handicapé de la cuisine qui commande trois croque-monsieur, ça fait pitié. » « C’est toi qu’il voulait kékro [“croquer”, en verlan] », le charrie son copain Abdoulaye. Ironique est la nuit.

    Mohamed-Amin est livreur lui aussi, mais en mode dilettante. Il ne prend pas les courses qui ne le rapprochent pas d’un copain. « L’attestation de travail, je m’en sers surtout pour bouger », rigole-t-il. Ce soir-là, il a rejoint Eddy, son pote de fac, au pied du 12-2, la cité du 122, boulevard de l’Hôpital. « La nuit, on chill, on est entre nous, loin de la mifa [la “famille”] », confirme ce dernier, survêtement bleu électrique et cheveux impeccablement tirés. Et le virus ? « J’ai bien flippé quand j’ai appris qu’un pote du Val-d’Oise était en coma artificiel, assure Mohamed-Amin. Mais le lendemain, j’ai recommencé à sortir. C’est plus fort que moi. » Ses Ray-Ban le protègent de la nuit.

    Gigantesque musée après fermeture

    Dans l’immense échangeur RER de la gare du Nord, on ne croise que des soignants rentrant en banlieue. Un homme fait des rodéos sur une trottinette électrique équipée d’une sono poussée à fond. Une Allemande, visiblement perdue et dérangée, en pyjama vert d’hôpital psychiatrique, cherche comment se rendre à Villiers-le-Bel, à 21 h 45. En surface, un homme en sandales pédale lentement, le nez levé pour contempler l’immense nef de la gare du Nord. Reynald est un esthète, horloger de métier : « Je ne verrai probablement plus jamais Paris comme cela, alors je pars à vélo tous les soirs. Dans ce climat de peur épouvantable, je me nourris de toute cette beauté. » Dehors, la nuit est complète : c’est l’heure des zombies. L’hôpital voisin, Lariboisière, a dû embaucher des gardes du corps pour accompagner le personnel soignant au métro.

    Dans les couloirs déserts de l’échangeur RER de la gare du Nord à Paris, le 10 avril. Olivier Laban-Mattei / MYOP POUR LE MONDE

    Reynald n’est pas le seul à chercher à échapper à la pesanteur ambiante, à l’image de ce couple rencontré autour du jardin du Luxembourg. Elle, Aude, la cinquantaine, médecin hospitalier, lui, Jean-Paul, la soixantaine, haut fonctionnaire bientôt à la retraite, domiciliés à Port-Royal. « Tous les soirs, nous faisons un parcours différent pour redécouvrir le quartier. J’ai un autre regard, je découvre des façades, des portes cochères s’émerveille-t-elle. C’est une ambiance très spéciale, insolite. Parfois, nous faisons un petit pèlerinage devant le dernier restaurant où nous avons dîné pour l’anniversaire de mon mari. C’était trois jours avant le confinement. Ça paraît une éternité. » L’éternité, on pourrait presque la toucher du doigt devant le Panthéon, soudain intimidant dans la nuit. Céline, Norma et Renée, trois étudiantes libanaises résidant au Foyer franco-libanais tout proche, en sont presque saisies. Elles ont préféré poursuivre leurs stages et leurs études à Paris que prendre un vol de rapatriement pour rentrer au pays. « Pour une fois que le gouvernement libanais gère bien une crise », rigolent-elles. Face au Panthéon, on voit la tour Eiffel, au loin. Des perspectives insoupçonnées se révèlent.

    Tout-Paris est un gigantesque musée après fermeture. Dans le Quartier latin, on remarque une petite maison ancienne, verte, tout droit sortie du Moyen Age, au croisement des rues Galande et Saint-Julien-le-Pauvre. Derrière la fenêtre à carreaux épais, la silhouette d’une femme qui semble tricoter à la bougie. Le long des quais, devant Notre-Dame, la Seine est sage comme un miroir. Ses eaux noires glissent à l’allure d’un tapis roulant. Sioomin et Marion se promènent main dans la main, bouche bée : « D’habitude, il y a trop de monde, et là, pas assez. » Mutique est la nuit.

    Le Quartier latin, à Paris, le 12 avril. OLIVIER LABAN MATTEI /MYOP POUR "LE MONDE"

    Un sans-abri se repose sur la terrasse d’un restaurant du boulevard Saint-Michel, à Paris, le 12 avril. OLIVIER LABAN MATTEI /MYOP POUR "LE MONDE"

    Rudy, chauffeur de bus sur la ligne 96, à Paris, le 12 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Rudy, chauffeur sur la ligne de bus 96, se souvient qu’il y a quatre mois seulement, pendant la grève contre la réforme des retraites, il bataillait pour faire rentrer 200 personnes dans un véhicule conçu pour 90. Aujourd’hui, il lui arrive d’aller d’un terminus à l’autre sans charger personne. Trop ou pas assez, mais Rudy est toujours aussi zen. Ce soir-là, quatre jeunes rentrent aux Lilas en se faisant des checks sonores au fond du bus. « J’ai fait huit mois de bracelet [électronique], je vais mourir si je sors de chez moi. Déjà, le virus, ça casse bien le délire. Je donnerais tout pour une bonne chicha », confie un gaillard à casquette et sans masque – « truc de boloss ». Des chichas clandestines, il paraît qu’il y en a une à Bondy et une autre à Sevran, mais il faut connaître le propriétaire, qui n’ouvre qu’aux personnes de confiance. Secrète est la nuit.

    Des cimes aux abîmes

    D’autres vont s’enivrer des odeurs des fleurs et de la terre humide au sommet du Sacré-Cœur. Après 22 heures, l’esplanade devant la basilique est le lieu préféré des couples d’amoureux. Ils se tiennent à distance les uns des autres, pétrifiés par le mélange des sensations : la beauté du panorama, la force du silence, la puissance des fragrances, la fraîcheur de la brise d’air pur qui donne le sentiment d’être en altitude. Roxanne et Thomas, tous deux étudiants, sont comme hypnotisés par la lune rousse qui a des allures de « soleil cou coupé » d’Apollinaire. « C’est une période dure, constate Thomas, mais je vois aussi beaucoup de solidarité entre voisins, des gens qui font connaissance à l’échelle de leur immeuble et s’organisent pour les plus démunis. » Tendre est la nuit.

    Cent trente mètres plus bas, au pied de la butte Montmartre, commence le royaume de l’infortune. Barbès, La Chapelle, Stalingrad, autre axe de la misère, ouest-est celui-là. A Stalingrad, trois distributions de nourriture avaient lieu simultanément la veille de Pâques pour les sans-abris de la Rotonde. C’est là que se rassemblent le plus grand nombre de #SDF dans la capitale, dont nombre de toxicomanes depuis que la « colline du crack », à la porte de la Chapelle, a été évacuée. Dorian et Odile, qui travaillent dans une supérette bio des alentours, passent donner des invendus, surtout du pain. « Lorsqu’on a commencé les distributions, raconte Frédéric, bénévole pour autremonde, une association de lien social du 20e arrondissement, tout disparaissait en trente minutes. Depuis, les circuits de distribution se sont un peu réorganisés. »

    Une bénévole de l’association Autremonde assure une distribution de nourriture au niveau de la station de métro Jaurès, à Paris, le 11 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Un couple sur les marches du Sacré-Cœur, à Paris, le 11 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Un groupe de sans-abri et de toxicomanes sur le parvis de la Rotonde, place de la Bataille-de-Stalingrad, à Paris, le 11 avril. #OLIVIER_LABAN_MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    « Nous n’avons pas vocation à distribuer de la nourriture, explique Marie Nardon, la présidente de l’association. Mais lors de notre première maraude d’après confinement, le 23 mars, nous avons constaté que les gens à la rue crevaient littéralement de faim. On a même vu quelqu’un échanger un sac de couchage pour un sandwich. Aujourd’hui, 70 bénévoles se relaient chaque semaine pour distribuer à manger et à boire. La Protection civile nous fournit les repas. Nous avons commencé aussi une distribution hebdomadaire dans nos locaux, parce qu’il y a la pauvreté invisible de ceux qui ne sont pas à la rue mais n’ont plus aucun revenu. Nous avons aussi, avec les autres associations, insisté pour la réouverture des sanisettes et toilettes publiques. D’après la mairie, 140 ont été remises en service. »

    Hussein, un Turc bien mis que les aléas de la vie ont mené à la rue, voudrait trouver une place en foyer, à l’hôtel ou dans un gymnase. « N’importe quoi, mais pas la rue. Je ne dors pas la nuit car j’ai tout le temps peur. Seulement le 115 (SAMU social de Paris), quand j’arrive à l’avoir au téléphone, me répond qu’il n’y a plus de place. » « Il faudrait que l’Etat réquisitionne les logements de tourisme », suggère Mme Nardon.

    Lune rousse au-dessus de Paris, vue de la butte Montmartre, le 11 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Hussein passe le temps sur un banc près du métro Anvers à Paris. L’entreprise de BTP qui le faisait travailler a fermé, le laissant à la rue sans revenu. Le 10 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    La porte d’Aubervilliers est l’autre « cluster » de la misère à Paris. Les migrants chassés du campement de la porte de la Chapelle s’y sont installés. Ils passent le plus clair de la journée regroupés par langue ou par nationalité sur l’espace vert entre les deux voies qui mènent au boulevard périphérique. C’est là qu’associations et particuliers viennent distribuer de l’aide. Dorothée est venue le dimanche de Pâques à la tombée de la nuit. Cette esthéticienne d’une soixantaine d’années avait récolté deux chariots auprès des commerçants dans son quartier, dans le 19e arrondissement. Mais le premier a disparu aux mains d’un groupe de jeunes partis le revendre. Le second est dédaigné, car essentiellement constitué de sandwichs au jambon : « Je ne comprends pas, se récrie la femme, peu au fait des interdits alimentaires musulmans. Quand on a faim, on fait pas le difficile. » Drôle de bonne samaritaine ! Elle est venue de son propre chef, sans association, ni masque ni gants. « Je suis contre Pasteur, et de plus, je suis en très bonne santé », se persuade-t-elle.

    A Paris, l’infortune des « confinés dehors » , Simon Piel et Joan Tilouine le 15 avril 2020
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/04/15/a-paris-l-infortune-des-confines-dehors_6036606_3224.html

    REPORTAGE Dans les quartiers du nord et de l’est de la capitale, sans-abri et toxicomanes errants sont les dernières âmes qui vivent dans les rues désertes.

    Nul ne veut mourir seul sur le boulevard de la Chapelle. Allongé sur le bitume crasseux, le corps comme désarticulé, appuyé sur le grillage qui surplombe les trains de la gare du Nord, un homme d’une cinquantaine d’années quitte doucement ce monde à l’arrêt. Hagard et désorienté, il ne prête même plus attention à Barbès et à ses rues vides où, ce vendredi 10 avril vers 17 heures, ne grouillent plus que des petits dealeurs et des toxicomanes aguerris à toutes les combines de la survie dans Paris.

    Même les rayons de soleil de ce printemps qui démarre paraissent l’accabler un peu plus. Il n’a ni toit ni d’autres habits que cette tenue d’hôpital trop large pour son corps fluet. Il ne parle plus. Des pompiers ont été alertés par des policiers écumant les 10e et 18e arrondissements, qui suspectent une infection au coronavirus.

    Depuis la mise en place du confinement, il n’est plus possible de regarder ailleurs. Les ombres qui errent en quête de survie ont investi le nord-est de Paris. « On ne fait quasiment plus que du Covid-19 », dit l’un des policiers, inquiet de la dégradation rapide de l’état de santé de l’homme sans nom. Un pompier en combinaison intégrale tente de le soulager en lui apportant de l’oxygène médical. Il faut le transporter à l’hôpital Lariboisière, tout proche. Il est bientôt 18 heures. Il ne mourra pas sur le boulevard de la Chapelle.

    Dans le quartier de Belleville, le 4 avril à Paris. DIANE GRIMONET

    A la station de métro Barbès-Rochechouart, sur un bout d’asphalte envahi par les pigeons, Arlan installe ses matelas noircis par la crasse avant d’avaler une salade glanée dans les poubelles. Visage grêlé, œil gauche percé recouvert par une frange de cheveux longs et gras, ce quadragénaire sri-lankais a échoué là il y a plusieurs mois.

    « On le voit tous les jours, et il faut l’aider, car ici c’est dangereux », dit un jeune revendeur de cigarettes de contrebande qui passe par là. Arlan ne se plaint ni de l’insécurité, ni de l’absence de points d’eau, ni de la fermeture des toilettes publiques. « Je ne me douche pas depuis bien longtemps et, ici, je n’ai pas de problème », lâche-t-il, indifférent au ballet des toxicomanes et des margoulins qui rôdent autour du métro.

    Quelques cars et voitures de police passent mais ne s’arrêtent pas. La veille, des CRS étaient déployés en nombre dans le quartier. « Le lendemain et les jours suivants, ils n’étaient plus là, glisse Michael, un gaillard de 43 ans. C’est parce que le préfet était dans le quartier. » Avec quatre collègues, il escorte, depuis le 31 mars, le personnel soignant de l’hôpital Lariboisière sur la centaine de mètres qui mènent au métro ou à la gare du Nord.

    « Il y a eu trop d’agressions, de vols, de tracas faits par les toxicos. Ma mission, c’est qu’ils arrivent sans problème », explique le garde du corps, ancien militaire reconverti dans la sécurité privée depuis dix ans. En cas d’embrouille, il ne compte que sur ses gros bras, sa bombe lacrymogène, sa matraque télescopique et sa maîtrise des techniques de self-défense. « Je fais du pencak-silat, un art martial indonésien », dit-il fièrement de sa voix grave qui s’échappe de son épais masque en tissu noir. « Il n’y a que des cafards dehors en ce moment », poursuit son collègue.

    « Les grands oubliés »

    Sur le chemin, ils peuvent croiser Ndiaye, alias « Beurre de karité », qui musarde avec son sac à dos de randonneur et son tapis de sol. A 47 ans, ce Sénégalais sans papiers ni logement depuis six mois se débat dans ces rues interlopes, angoissé par le Covid-19 qui pourrait lui être fatal. Il a de sérieux problèmes pulmonaires. « Mes médicaments et mes ordonnances ont été volés pendant que je dormais. Dans la rue, il y a trop de charognards ; t’es pas encore mort qu’ils viennent pour te finir et te dépouiller », raconte-t-il. Puis il reprend sa marche d’un pas décidé, comme s’il savait subitement où le mènera son interminable errance.

    Ceux qui n’ont plus l’énergie de se mouvoir se retrouvent rue Saint-Vincent-de-Paul, à une dizaine de mètres de l’entrée de l’hôpital Lariboisière. Un toxicomane édenté s’y cache derrière une voiture. Sur le trottoir d’en face, une femme d’une trentaine d’années, assise sous un porche, les pieds nus ravagés par les mêmes trous de seringue qui parsèment ses jambes et son cou, se prépare un shoot. « Ça va, oui », parvient-elle à articuler.

    Son injection sera photographiée par un habitant exaspéré par ces scènes qui se répètent et bouleversent la vie du quartier. Des images ensuite retweetées par le compte Riverains Lariboisière gare du Nord avec ce commentaire : « Il faisait beau, on entendait les enfants jouer sur les balcons. Sans vouloir stigmatiser, sous leurs yeux, [il y avait] des shoots à la seringue et des fumeurs de crack. »

    Sophie Paris X
    @SophieParisX
    Hier rue St-Vincent de Paul #Paris10 il faisait☀️on entendait les enfants jouer sur les balcons mais sans vouloir "stigmatiser",sous leurs👀shoots💉et fumeurs de crack
    –Soignants escortés
    –Toxicos soutenus par assos unilatérales
    –Qui se soucie des habitants #SCMR salle de shoot ?
    Voir l’image sur Twitter

    Dans une tribune parue le 9 avril dans Libération, un collectif d’associations a décidé d’alerter sur la situation des usagers de drogues, les « grands oubliés » du Covid-19. « La crise actuelle agit en révélateur des manquements de notre société vis-à-vis de ses membres les plus vulnérables, et met en lumière les limites d’un système basé sur la prohibition et la répression », écrivent ces professionnels du monde associatif.

    La docteure Elisabeth Avril, directrice du centre Gaïa, la salle de consommation de drogue à moindre risque jouxtant l’hôpital Lariboisière, fait partie des signataires. Beaucoup des personnes que reçoit l’association « vivent de la manche, mais aujourd’hui, en raison du confinement, ça ne leur rapporte plus rien », explique-t-elle. Elles sont sans domicile fixe pour la plupart. Début avril, une soixantaine d’entre elles ont été relogées grâce à la solidarité de quelques hôteliers. Les plus autonomes – entre 70 et 100 par jour depuis le début du confinement – se déplacent jusqu’au centre Gaïa pour accéder à un traitement de substitution. Le chiffre de fréquentation de la salle a décru à l’initiative de la direction en raison de la nécessité d’observer les gestes barrières et la distanciation sociale. Les usagers n’ont ni masque ni gel, l’équipe de Gaïa peinant déjà à en avoir pour elle, mais rentrent désormais un par un. Ils doivent patienter à l’extérieur, ce qui les rend encore un peu plus visibles pour les riverains.

    Fragilisés par la rue

    La moitié sont accros au Skenan, un antalgique composé de sulfate de morphine utilisé contre le cancer et moins risqué que l’héroïne de mauvaise qualité. Les plus précaires se rabattent sur de la drogue bon marché vendue autour de la gare de Nord, dont le parvis paraît avoir été abandonné. Seuls quelques chauffeurs de taxi, de rares bus et le kebab Oasis du Nord poursuivent leurs activités. Les devantures du McDonald’s, du Burger King et de la célèbre brasserie Art déco terminus Nord, tous fermés, sont squattés par des sans-abri couchés dans la saleté.

    De chaque côté de l’entrée de la gare, rue de Dunkerque, les dealeurs, eux, continuent leurs affaires à ciel ouvert. « On peut y trouver facilement un petit caillou de crack pour 12 euros, de quoi se faire un ou deux shoot à la pipe en ce moment, mais c’est de la “pharmacie”, avec moins de 2 % de coke dedans. Ça bouche les artères et la descente est hyper dure », dit Hervé, un usager de la salle Gaïa, la quarantaine abîmée. « Nous, on est à la rue, on a besoin de notre came, coronavirus ou pas », ajoute-t-il.

    Les prix ont augmenté avec la crise sanitaire et ses conséquences sur l’approvisionnement des trafiquants, mais il est encore aisé d’acheter de la drogue dure. A Stalingrad aussi, où le nombre d’usagers et de dealeurs a considérablement augmenté depuis le démantèlement de la « colline du crack », porte de la Chapelle en février. En fin de journée, alors que la nuit tombe, ne se croisent plus sur la place de la Bataille-de-Stalingrad, dans le 19e arrondissement que les joggeurs, les dealeurs et les toxicomanes. « Stal » est redevenue, crackopolis, la cité du crack.

    Entre #Jaurès et #Stalingrad, le 21 mars à Paris. DIANE GRIMONET

    « La crise sanitaire rend visibles ceux qui étaient jusque-là invisibles et fait ressortir les inégalités. On ne voit plus qu’eux car il n’y a plus qu’eux dehors, les confinés dehors, constate Louis Barda, coordinateur des programmes de Médecins du monde à Paris. La situation est très compliquée, car l’Etat se repose trop sur le secteur associatif, dont l’activité a baissé avec le confinement. Les SDF sont surexposés à la maladie. »

    Certaines pathologies liées à la vie dans la rue, comme les problèmes respiratoires dus à la pollution respirée jour et nuit, les rendent encore plus fragiles face au coronavirus. M. Barda rappelle que les politiques publiques ont toujours visé à repousser les plus démunis vers la périphérie. Malgré les quelques poches de très grande pauvreté dans le nord et l’est de Paris, c’est bien sur les boulevards extérieurs, à hauteur du boulevard Ney, au niveau de la porte de la Chapelle ou, plus à l’est, à proximité de la porte d’Aubervilliers, au niveau de la gare Rosa-Parks, que le paysage est le plus cauchemardesque.

    Porte de la Chapelle, le long de la ligne de tram T3b, qui rallie la porte de Vincennes via les boulevards extérieurs, débute un autre voyage dans la grande précarité. Des affiches « Paris, votez Campion » rappellent le temps d’avant. La tour Super Chapelle, du haut de ses 86 mètres, domine l’horizon. Le slogan de la marque d’électroménager coréen LG qui s’affiche à son sommet a beau rappeler que « life’s good », impossible d’ignorer les petits groupes de dealeurs qui officient en bas et sous les abris de chaque arrêt du tram. Ils ne se cachent même plus des policiers, pourtant postés à quelques dizaines de mètres.

    Il y a aussi de nombreux migrants. De jeunes adultes pour l’essentiel, venus de pays lointains en guerre, de Somalie, du Soudan ou d’Afghanistan, ou de dictatures, comme l’Erythrée. De l’autre côté du périphérique, à Aubervilliers, un campement à ciel ouvert a été « évacué » par les forces de l’ordre le 24 mars à l’aube. « Dans la brutalité », selon plusieurs associations qui avaient vainement réclamé l’installation de points d’eau. Près de 700 migrants s’entassaient sur un terrain vague, dans des conditions d’insalubrité et de promiscuité augmentant considérablement le risque d’infection au Covid-19.

    Initiatives solidaires

    La plupart de ces exilés ont été relogés dans des hôtels et des gymnases aménagés dans l’urgence et gérés par des associations dont les membres n’ont souvent pas d’équipements de protection contre le virus. D’autres ont repris leur errance. Après avoir détruit leurs tentes, des policiers leur ont conseillé d’aller à Paris. Ils se retrouvent aujourd’hui à végéter autour de Rosa-Parks, devenu pour l’occasion un nouveau terminus de la misère.

    En cette fin d’après-midi, sur la pelouse passée au peigne fin par des toxicomanes en quête de mégots ou de microdoses égarées, Mohammed Nur Ali papote en arabe avec deux camarades de galère. Ce Somalien de 43 ans a quitté Mogadiscio pour chercher la paix et la prospérité à plus de 10 000 km au nord. Il est arrivé en France il y a trois ans. Vêtu de guenilles, une bière Baltus à la main, Mohammed a la bouche pâteuse et l’œil torve. La faute sans doute à la mauvaise drogue qui circule ici. « Je dors dehors sous une tente ou dans l’herbe. Nos situations mentales sont terribles. On est déjà morts, alors le coronavirus… », dit-il en anglais. Puis, son visage couvert de cicatrices se ferme et son regard se durcit : « Si vous voulez que je vous raconte ma vie, donnez-moi de l’argent ou des “pills” [de la drogue sous forme de cachets]. » Samir, un jeune Afghan de 23 ans, se lève pour le calmer : « Vous savez, le coronavirus n’a rien changé pour nous. On doit toujours survivre. » Depuis peu, des points d’eau ont été installés sur place et à 20 heures un camion des Restos du cœur doit venir distribuer des repas et soulager quelques douleurs.

    Sophie Paris X
    @SophieParisX
    Aujourd’hui avec ma fille nous avons soutenu l’initiative du restaurant Boua Thaï rue St-Vincent de Paul #Paris10 en l’aidant à préparer 30 Bo Bun destinés aux soignants de la maternité @HopLariboisiere pour les remercier, les encourager et les soutenir💪👏#SoutienAuxSoignants
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    Car si le secteur associatif a d’abord été pris de court par la crise sanitaire, il commence à s’organiser et des initiatives solidaires se mettent peu à peu en place.

    Chacun tente d’aider comme il peut. Comme cette cantine asiatique de la rue Saint-Vincent-de-Paul (10e arrondissement), qui prépare des bo bun pour le personnel de Lariboisière, et ce camion des Restos du cœur qui s’arrête devant la salle de consommation de drogue pour distribuer quelques vivres.

    Un peu plus au nord, dans le 18e arrondissement, des brasseries et des restaurants s’activent pour préparer des paniers repas frais pour les sans-abri et les familles dans le besoin. L’un d’eux a déployé son auvent pour que des SDF puissent s’y abriter.

    Au bout du passage Ramey, dans un bâtiment semi-industriel aux murs recouverts d’œuvres de street art, Louise et Anne chargent une camionnette de thermos remplis de soupe et de café, constituent des casiers de gâteaux, de dentifrice, de vêtements qu’elles disposent dans le coffre. Il est bientôt 20 heures, ce jeudi 9 avril, au siège parisien du Secours populaire, et ces deux jeunes bénévoles de moins de 30 ans mettent leurs masques, reçus quelques jours plus tôt, avant de commencer leur tournée dans un Paris déserté.

    Le réconfort de Jésus et d’Edith Piaf

    Premier arrêt non loin de la place de Clichy. Une grappe d’habitués se retrouvent autour de la fourgonnette. Il y a Didier, 60 ans, désormais logé dans un studio d’Emmaüs, après trente et un ans à la rue. « Quand je sors, j’ai mon papier d’autorisation, comme un écolier. Mais il n’y a rien dehors, et surtout pas de travail », soupire-t-il.

    Débrouillard, il est l’un des seuls à avoir un masque, d’où s’échappe un sourire lorsque Isabelle, petite dame énergique de 80 ans, se met à chanter Edith Piaf – Je ne regrette rien, puis La Vie en rose –, rompant le silence d’une ville confinée. Des riverains applaudissent l’ancienne SDF. Insuffisant toutefois pour arracher un sourire à Elisabeth. Cette Béninoise, précipitée dans la rue à la suite d’une série de tracas personnels, mendie comme elle peut, plus terrorisée à l’idée de contracter le Covid-19 que d’être une fois encore agressée par des voyous armés de couteaux. Son visage porte une cicatrice et elle affirme avoir été agressée sexuellement. Alors, elle serre fort dans sa main droite le crucifix en plastique dont elle ne se sépare jamais. « Hier, j’ai eu 8 euros en mendiant et avant hier, on m’a donné 10 euros pour m’acheter des couches, car je suis incontinente à la suite d’un cancer du rein. Je me demande pourquoi je suis en vie », dit-elle, confiant devoir en plus lutter contre l’alcoolisme.

    « Tout ça, c’est du lavage de cerveau du gouvernement, on a oublié les “gilets jaunes”, les manifs contre la réforme des retraites. De Gaulle, il a dit “les Français sont des veaux” », s’énerve Mouss, ancien conducteur d’engin chez ArcelorMittal, à la rue depuis onze ans, à l’occasion d’un arrêt du Secours populaire derrière le Musée d’Orsay.

    Chapeau de cow-boy froissé sur la tête, il ironise sur la crise et en renverse sa soupe. « La distanciation sociale, c’est impossible de toute façon. Comment faire l’amour à un mètre ? Tu n’as pas fait l’amour depuis le 16 mars, toi ? », lance-t-il, rigolard, avant de demander « si l’on va nationaliser ou privatiser le virus ».

    Dans le quartier de Belleville, le 23 mars à Paris. DIANE GRIMONET

    En plein milieu de l’avenue de l’Opéra, Erwan, 24 ans, profite de la prise extérieure et du Wi-Fi d’un hôtel pourtant fermé devant lequel il a posé son matelas. Ce Nantais, amateur de techno passé par la case prison, tue le temps en jouant à Call of Duty sur son téléphone, en fumant du haschich acheté à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis).

    La journée, il attend devant un tabac resté ouvert que des badauds jettent quelques pièces dans son Tupperware troué. « Je fais attention aux clochards bourrés qui postillonnent et aux Roumains qui veulent me couper la tête, car ils disent que je leur ai pris leur place de manche », glisse le jeune homme, emmitouflé dans une polaire élimée. Il ne « fait » plus que 12 euros par jour, contre près de 30 avant le confinement, et galère pour trouver des bains-douches restés ouverts. « Je ne sais pas comment je ferais sans les maraudes quotidiennes. Depuis le coronavirus, il y a un peu plus de solidarité. Mais dès que la crise sera terminée, ça recommencera comme avant. », dit-il en riant.

    #Diane_Grimonet, la photographe des déshérités
    Diane Grimonet vit et travaille à Paris. Elle photographie depuis trente ans les communautés les plus #précaires : #mal-logés, #sans-papiers, squatteurs du périphérique ou Roms. Elle intervient aussi régulièrement dans les ­milieux scolaires ou associatifs, avec ses archives comme support, et organise des ateliers photo pour les personnes en ­difficulté. En 2020, des images de sa série « Sans-papiers » ­rejoignent le Musée national de l’histoire de l’immigration.
    Depuis le 18 mars 2020, elle arpente les quartiers du #Nord-Est _parisien et rencontre les plus #vulnérables qui vivent dans la rue au temps de l’épidémie due au coronavirus.

    https://www.youtube.com/watch?v=9uNMRv-6IiA

    #photo #misère #pauvres

  • Masques : après le mensonge, le fiasco d’Etat | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/100420/masques-apres-le-mensonge-le-fiasco-d-etat

    Des livraisons en retard, des opportunités ratées, des interlocuteurs fiables méprisés et, in fine, des importations plus efficaces pour les entreprises que pour les soignants : une nouvelle enquête de Mediapart, étayée par des témoignages et des documents confidentiels, démontre les choix stratégiques catastrophiques du gouvernement dans l’approvisionnement du pays en masques.

    Alors que le gouvernement vient d’ajuster son discours sur l’usage des masques face au Covid-19, une nouvelle enquête de Mediapart montre que la France n’arrive toujours pas, trois mois après le début de l’épidémie sur son territoire, à importer suffisamment de matériel pour faire face à ses besoins les plus élémentaires, à commencer par l’équipement des soignants au contact du virus.

    A minima, près de 3 000 personnels soignants ont à ce jour été infectés par le Covid-19, selon les estimations du site spécialisé Actusoins.com portant sur quelques villes seulement.

    Étayées par de nombreux témoignages et documents confidentiels, émanant de sources au cœur de l’État et d’entreprises privées, ces révélations montrent que :

    En termes de livraisons de masques, les annonces ne sont pour l’heure pas suivies d’effets, avec des objectifs seulement remplis à 50 %. Et au rythme où vont les choses, il faudrait en théorie deux ans à la France pour acheminer les 2 milliards de masques promis par le ministère de la santé. 

    En mars, alors que l’épidémie faisait déjà des ravages, le gouvernement a raté l’importation de dizaines de millions de masques, y compris les précieux FFP2 pour les soignants, avec des entreprises pourtant jugées fiables par l’État lui-même.

    La stratégie gouvernementale apparaît toujours aussi incohérente. Alors que les soignants continuent de manquer cruellement de protection, des dizaines de millions de masques arrivent aux entreprises… avec l’aide de la puissance publique.

    Voici notre enquête.

    Des importations ratées
    Les boîtes mails des conseillers du ministre de la santé Olivier Véran détiennent un trésor d’une valeur aujourd’hui inestimable : des millions de masques, dont des FFP2, ce matériel protection qui fait aujourd’hui tant défaut aux soignants, contaminés par milliers par le Covid-19.

    Selon nos informations, plusieurs membres du cabinet du ministère ont en effet reçu de la part d’entreprises françaises, dans le courant du mois de mars, des propositions d’importations rapides et massives de matériel. Ils ont choisi de ne pas y donner suite. Et ils ont de quoi s’en mordre les doigts aujourd’hui. 

    À ce jour, les masques FFP2, les seuls qui protègent leurs porteurs (les masques chirurgicaux empêchent seulement de contaminer les autres), sont une denrée extrêmement rare. Les stocks d’État sont exsangues et le marché international sous haute tension. L’État n’en avait plus que 5 millions en stock le 21 mars, alors même que leur distribution est, aujourd’hui encore, rationnée de façon drastique. De nombreux soignants (hospitaliers, médecins de ville, pompiers) n’en disposent pas. Ils sont pourtant en contact quotidien avec des patients infectés par le Covid-19 (lire notre précédente enquête ici).

    L’entreprise de Lucas* aurait sans doute pu résoudre une partie du problème si son offre avait seulement été traitée en haut lieu. « À l’époque, j’étais capable de livrer 20 millions de FFP2 par mois, il n’y avait pas encore le rush d’aujourd’hui », explique cet importateur, qui a écrit à plusieurs conseillers d’Olivier Véran dans la première quinzaine du mois de mars. 

    Dans l’un des courriels consultés par Mediapart, Lucas donne toutes ses références et certifications. L’usine chinoise avec laquelle il travaille peut sortir 3 millions de masques par semaine, qu’il peut livrer en France huit jours plus tard. Lucas dit n’avoir reçu aucune réponse du ministère de la santé.

    Dans notre précédente enquête, nous avions déjà révélé la situation ubuesque de plusieurs entrepreneurs, dont un expert français en sourcing industriel en Chine, Julien*. Il s’était fait éconduire par le cabinet d’Olivier Véran, le 17 mars, après envoyé deux jours plus tôt une proposition détaillée pour fournir 6 à 10 millions de masques chirurgicaux par semaine (dont 1 million de FFP2). 

    Julien avait aussi pu échanger avec le professeur Jérôme Salomon, le directeur général de la santé, qui lui avait confirmé les besoins urgents de l’État : « Je vous garantis que nous cherchons tous azimuts [des masques – ndlr] », lui écrivait-il, le 13 mars.

    Interrogé par Mediapart sur le refus opposé à Julien mais aussi à d’autres importateurs, le ministère de la santé avait alors remis en question leur « fiabilité ». « S’autodésigner comme un interlocuteur sérieux n’a jamais constitué une preuve en soi que c’est bien le cas », ajoutait même le cabinet d’Olivier Véran, visiblement sur de son fait, dans la réponse adressée à Mediapart le 1er avril (à relire ici). 

    Il s’agissait d’un nouveau mensonge. Si ce n’est pas le cas de Julien, plusieurs autres importateurs qui nous ont dit avoir été ignorés par l’État ont été officiellement référencés, depuis la fin du mois de mars, par le ministère de l’économie et des finances comme des importateurs fiables pour les entreprises françaises qui veulent acheter des masques, d’après des documents que nous avons consultés.

    Mediapart a pu retracer, en plus de Lucas, les situations de trois autres entreprises françaises, également référencées dans les listings officiels de Bercy, mais dont les offres pour les établissements de santé ont été ignorées au mois de mars par le ministère de la santé. La plupart ont requis l’anonymat, vu la sensibilité du sujet.

    C’est par exemple le cas de Fernand*. Dans la première quinzaine du mois de mars, cet importateur est très inquiet de la situation dans les hôpitaux. Il sollicite, par mail lui aussi, un conseiller du cabinet d’Olivier Véran dont il a obtenu les coordonnées.

    Fernand travaille avec la Chine dans le domaine médical depuis plusieurs années. Il peut livrer des millions de masques chirurgicaux pour les soignants dans les trois semaines. Mais son mail ne reçoit pas la moindre la réponse, ni même un accusé de réception. « J’étais surpris, j’ai essayé plusieurs tentatives sans succès. » Peut-être le ministère a-t-il considéré qu’il n’était pas fiable. « Je fournis pourtant des grands groupes cotés en bourse », répond-il.

    C’est avec la plus grande volonté du monde que Bernard Malaise, à la tête de la société d’import ID Services, et qui travaille avec des fournisseurs industriels chinois depuis plus de dix ans, a lui aussi proposé son aide au ministère. Nous sommes le 21 mars et les masques continuent à faire défaut à la France. 

    Olivier Véran évoque même publiquement la pénurie en conférence de presse. « Lors de son allocution du samedi 21 mars, le ministre de la santé indiquait que les stocks de masques FFP2 en France n’étaient plus que de 5 millions », se souvient M. Malaise (lire ici les déclarations du ministre). 

    Or, la consommation pour les hôpitaux français est, malgré les nombreuses restrictions, passée à 40 millions de masques chirurgicaux et FFP2 par semaine. Bernard Malaise connaît bien le sujet, l’une de ses sœurs « travaille aux urgences à l’hôpital Cochin à Paris depuis plus de 30 ans » : « Ce qu’elle vit aujourd’hui avec ses pairs est inouï. Chaque jour, chaque nuit, j’y pense… »

    Le chef d’entreprise cherche ce week-end-là à contacter le ministère de la santé pour proposer d’importer des masques, mais ses appels restent vains. Deux jours plus tard, la société ID Services ouvre elle-même un canal d’importation. « Nous sommes une PME semblable à des milliers d’autres en France : sans aucune assistance ni aide externe, nous sommes en train de réceptionner 5 millions de masques chirurgicaux et de FFP2 en moins de quatre semaines. »

    « Comme d’autres salariés d’ID Services », Bernard Malaise est « 24 heures sur 24 au bureau ». Il ne se « repose que quelques heures ici ou là » sur un lit de camp. Dans « moins d’un mois, nous dépasserons les 10 millions de masques importés pour la France » : « C’est peu par rapport aux besoins de notre pays, c’est énorme pour l’usage que nous en faisons. »

    ID Services approvisionne des PME et PMI qui ont besoin de protéger leurs salariés, mais donne aussi des milliers de masques à des professionnels de santé. « Force est de reconnaître qu’en matière d’importation de masques, tout particulièrement les masques FFP2, l’échec de l’administration et des grands groupes qui étaient proches ou non du pouvoir est patent », note Bernard Malaise.

    Les prénoms ont été modifiés à la demande des témoins.

    Un dernier importateur, Franck, lui aussi bien connecté à des producteurs chinois et référencé par Bercy, pouvait également fournir le ministère. Selon nos informations, un membre de la cellule interministérielle qui gère les commandes de l’État a même engagé des discussions très avancées avec lui pour une commande de plus de 20 millions de FFP2, avec un échéancier de livraison sur les semaines suivantes. Mais, pour des raisons inexpliquées, la commande a brutalement été stoppée, dans la dernière semaine de mars, juste avant sa signature. « Je ne veux pas jeter la pierre à l’État, je me suis dit qu’ils avaient un plan pour livrer plus vite le personnel soignant, ce qui est l’essentiel », explique Franck.

    Les embrouilles de la mégacommande 
    Après deux mois de gestion chaotique, le gouvernement pense en effet avoir enfin trouvé la martingale : le 21 mars, le ministre de la santé Olivier Véran annonce que la France a commandé 250 millions de masques, dont une bonne partie à des fournisseurs chinois. 

    L’exécutif est tellement sûr de lui qu’il publie le même jour au Journal officiel un décret daté de la veille, qui libéralise l’importation de masques pour les entreprises et les collectivités. Les importateurs qui ont fait des offres à l’État sont redirigés vers la toute nouvelle « cellule masques » de Bercy, chargée de référencer les importateurs sérieux capables de fournir les entreprises (lire plus bas).

    Bref, l’État signifie aux importateurs qu’il n’a plus besoin d’eux, car il a déjà commandé des masques à foison pour ses personnels soignants.

    À première vue, les annonces du ministre de la santé sont éblouissantes : le 28 mars, Olivier Véran claironne que la commande initiale de 250 millions « dépasse désormais le milliard ». Le 1er avril, à l’Assemblée, il indique que la commande a bondi à « plus d’un milliard et demi de masques », puis à « pas loin des deux milliards » trois jours plus tard, dans une interview à Brut.

    Il y a, en réalité, derrière cette surenchère de milliards, une opacité totale et plusieurs embrouilles. Le ministre de la santé n’a jamais donné, au fil de ses annonces, de chiffres comparables : il s’agit tantôt des commandes en Chine, tantôt des commandes totales incluant la production des usines françaises (8 millions de masques par semaine).

    Lors de sa réponse du 1er avril à notre précédente enquête, le cabinet d’Olivier Véran avait réussi à se contredire dans la même phrase en indiquant que le milliard du 28 mars correspondait uniquement aux achats chinois… et qu’il incluait la production française. 

    Il y a une seconde donnée cachée : le ministre n’a jamais annoncé le nombre de masques FFP2 commandés. Or, ce sont ces masques, les seuls qui protègent leurs porteurs, qui manquent le plus cruellement au personnel soignant. Selon une source anonyme à la Direction générale de la santé citée par France Info, il n’y en aurait que 74 millions dans le milliard annoncé le 28 mars.

    Contacté au sujet du nombre réel de masques commandés en Chine et de la proportion de FFP2, le ministère de la santé n’a pas répondu à nos questions. 

    Une chose est sûre : pour atteindre de tels volumes, le gouvernement a fait le choix risqué de mettre une grande partie de ses œufs dans le même panier. L’exécutif a choisi de passer ses commandes chinoises à quatre gros fournisseurs : Segetex EIF, Aden Service, Fosun et BYD. Cette liste figure dans des instructions écrites diffusées par le gouvernement et les préfets à l’attention des entreprises et des collectivités locales, pour leur demander d’éviter « si possible » de se fournir en masques auprès de ces « quatre fournisseurs privilégiés de l’État ».

    Segetex EIF est le seul groupe français de la liste : cette PME familiale possède une usine de masques près de Roanne (Loire) et une seconde, beaucoup plus grosse, en Chine. Pas de chance, elle est située à Wuhan, épicentre de l’épidémie de Covid-19. Résultat : alors que la plupart des fabricants chinois de masques ont été de nouveau autorisés à exporter fin février, l’usine de Segetex était toujours fermée lorsque l’État a passé commande en mars et n’a pu redémarrer sa production que le 2 avril. Vu l’urgence sanitaire, était-ce vraiment le meilleur choix pour fournir la France ? Segetex et le ministère de la santé n’ont pas répondu.

    Aden Services, le second fournisseur de l’État, est une success story franco-chinoise. Fondé en 1995 par Joachim Poylo, fils d’un armateur du Havre émigré à Shanghai, ce groupe chinois est devenu un mastodonte de 25 000 salariés, spécialisé dans les services aux entreprises (nettoyage, sécurité, restauration, etc.). Mais cette activité semble très éloignée du matériel médical. Aden ne figure d’ailleurs pas dans la liste des fabricants de masques autorisés à exporter, publiée début avril par le gouvernement chinois. Le groupe de Joachim Poylo a-t-il joué un simple rôle de courtier en sélectionnant des fournisseurs pour le compte de la France ? Aden et le ministère de la santé n’ont pas répondu. 

    Très peu connu en France, BYD est un géant industriel chinois, spécialisé dans les batteries et les automobiles, en particulier les voitures électriques. Lorsque l’épidémie a éclaté en Chine en janvier, BYD a reconverti en un temps record l’un de ses sites dans la fabrication de masques. Selon un communiqué de l’entreprise, ce serait aujourd’hui la plus grosse usine du monde, avec 5 millions d’unités produites par jour.

    Le dernier de la liste, Fosun, est le plus gros conglomérat privé chinois, présent dans la santé (hôpitaux, industrie pharmaceutique), la finance, le divertissement et le tourisme (il possède en France le Club Med). Fosun ne fabrique pas de masques. Mais à l’instar d’autres entreprises chinoises, Fosun s’est lancé à corps perdu dans la lutte contre le Covid, comme le détaille ce communiqué.

    Lorsque l’épidémie a touché la Chine en janvier et que le pays manquait de masques, le conglomérat en a acheté des millions à l’étranger, notamment en Europe. Maintenant que la situation s’est inversée, Fosun a lancé une opération de mécénat mondiale, symbolique de la volonté de la Chine de s’afficher en sauveur de la planète. Fosun a acheté à ce jour 2,6 millions de masques pour les offrir aux pays les plus touchés, dont les États-Unis, l’Italie, le Royaume-Uni et la France.

    Interrogé au sujet du rôle du groupe dans la mégacommande passée par la France, Fosun a refusé de nous répondre, nous renvoyant vers le ministère de la santé, qui n’a pas non plus répondu. Le groupe chinois s’est borné à nous confirmer qu’il ne « produit pas lui-même de masques », mais qu’il « essaye de mobiliser au mieux ses ressources globales pour aider les pays affectés par la pandémie ».

    L’exécutif entretient une opacité totale sur les contrats avec ces quatre fournisseurs. Aucune information n’a été communiquée sur les quantités commandées à chacun, les tarifs et les délais de production.

    Même silence sur les conditions de sélection de ces entreprises. Le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian s’est vanté mardi sur BFMTV d’avoir été « le courtier d’Olivier Véran » en Chine, notamment pour y « identifier » les fournisseurs. Mais l’exécutif refuse de dire si la commande a été négociée en tout ou partie avec l’État chinois, et si Pékin a donné des garanties sur le rythme des livraisons. Interrogé par Mediapart, Jean-Yves Le Drian n’a pas répondu.

    Plusieurs importateurs interrogés par Mediapart jugent que la stratégie de l’État, qui a ignoré les « petits » fournisseurs déjà implantés sur le marché du matériel médical et presque tout misé sur quatre gros, est extrêmement risquée, voire absurde.

    Ces professionnels estiment qu’il aurait fallu rafler toutes les capacités de production disponibles au plus vite, même les plus modestes. 

    « Ce n’est pas quatre gros fournisseurs que l’État aurait dû prendre dans une telle situation d’urgence, mais vingt ! La demande est telle en Chine qu’il faut multiplier les canaux d’importation », explique à Mediapart un importateur de matériel médical, référencé par la « cellule masques » de Bercy. 

    Difficile de leur donner tort : trois semaines après l’annonce de la première mégacommande, les milliards de masques chinois ne sont livrés qu’au compte-gouttes. 

    Des « milliards » de masques introuvables

    Lorsque Olivier Véran a annoncé le 28 mars, aux côtés du premier ministre Édouard Philippe, « un pont aérien étroit et intensif entre la France et la Chine » pour acheminer la mégacommande de l’État, les personnels soignants ont dû se sentir rassurés. Souvent utilisé en situation de conflit armé ou de catastrophe humanitaire, ce terme imagé suggère l’idée d’allers-retours incessants pour ramener au plus vite les masques tant attendus.

    Deux semaines plus tard, la promesse du gouvernement a déjà du plomb dans l’aile.

    Selon Le Monde, l’État a commencé à chercher un prestataire le week-end du 21-22 mars, juste après l’annonce de la première commande de 250 millions de masques. C’est le transporteur Geodis, filiale privée de la SNCF, qui a été choisi, là encore dans la plus totale opacité. L’État et l’entreprise n’ont communiqué aucun élément sur la nature du marché public et le processus de sélection, et ont refusé de répondre à nos questions.

    Le 30 mars, deux jours après l’annonce du « pont aérien », un premier avion chargé de 8 millions de masques se pose à l’aéroport de Paris-Vatry, dans la Marne, à 150 km à l’est de la capitale, devant l’objectif des caméras et des photographes. Une belle opération de communication.

    Dans la foulée, Geodis détaille dans la presse les modalités du « pont aérien » opéré pour l’État. L’entreprise dit avoir trouvé en un temps record, grâce à un contrat passé avec la compagnie aérienne russe Volga-Dnepr, des Antonov 124, les deuxièmes plus gros avions cargos au monde, capables d’emporter plus de 10 millions de masques d’un coup. Geodis annonce quatre rotations par semaine, et seize vols au total d’ici la fin avril.

    Mais le compte n’y est pas. Comme l’a reconnu Olivier Véran, deux Antonov seulement se sont posés à Vatry la semaine dernière (le 30 mars et 1er avril), pour 21 millions de masques livrés. Selon nos informations, la situation est identique cette semaine, avec deux Antonov arrivés à Vatry mercredi et jeudi, ce qui correspond à environ 20 millions de masques. 

    « Entre le 30 mars et le 9 avril compris, nous avons reçu huit avions remplis essentiellement de masques », indique à Mediapart le responsable des cargos à Vatry, Yoann Maugran. Parmi eux, cinq ont été affrétés par Geodis, dont les quatre Antonov. Pour chaque Antonov, il estime « entre 8 et 10 millions le nombre de masques transportés ». Géodis travaillant à la fois pour l’État et le privé, on ignore à qui était destinée la cargaison du cinquième vol.

    Air France et CMA-CGM ont indiqué participer au « pont aérien », mais cette terminologie englobe l’ensemble des livraisons de masques depuis la Chine, y compris celles destinées aux entreprises (lire plus bas). Ces deux entreprises ont refusé de nous dire si elles livraient une partie des commandes de l’État. 

    Yoann Maugran n’a pas voulu nous donner de détails, mais indique que son aéroport a servi à acheminer 49 millions de masques, dont « environ 70 ou 80 % qui sont des commandes publiques ». Soit un total de quelque 40 millions de masques en deux semaines pour l’État livrés à Paris-Vatry, ce qui confirme notre estimation.

    Les vols du « pont aérien » opéré pour l’État par les Antonov de Geodis sont donc deux fois moins nombreux que prévu, pour des livraisons hebdomadaires de masques de seulement 20 millions, soit la moitié des besoins actuels. Depuis le 21 mars, l’État consomme en effet 40 millions de masques par semaine, alors même que leur distribution est strictement rationnée, en particulier en matière de masques protecteurs FFP2. 

    À ce rythme, il faudrait deux ans pour acheminer 2 milliards de masques. Le ministre des affaires étrangères Jean-Yves le Drian a pourtant déclaré le 7 avril sur BFMTV que « le pont aérien que nous avons mis en place se déroule et [que] les masques commandés arriveront […] d’ici la fin du mois de juin ».

    Reste à savoir si le problème vient de Geodis ou des quatre grands fournisseurs auxquels l’État a passé commande. Selon Olivier Véran, c’est la situation en Chine qui est en cause : « Parce que la Chine fait face à un risque de réémergence du virus sur son propre territoire, elle doit se préparer, a-t-il déclaré le 4 avril à Brut. Et donc c’est pas parce qu’on achète et qu’on commande des masques qu’ils vont forcément se retrouver livrés dans l’avion et ensuite qu’ils vont atterrir en France. C’est un enjeu du quotidien que d’être capables de faire en sorte que ces masques que nous avons commandés soient bien produits et qu’ils nous arrivent. […] C’est un travail diplomatique aussi qui est énorme. »

    Le ministre reconnaît ainsi que malgré les gigantesques montants commandés, la France n’a obtenu aucune garantie de ses fournisseurs en matière de volumes livrés chaque semaine, et dépend du bon vouloir du gouvernement chinois.

    Olivier Véran se défend en indiquant que vu la concurrence acharnée sur les achats de masques, tous les pays font face au même problème, et que « la France fait partie des pays qui ont commandé le plus tôt ». 

    Cette information est contredite par notre précédente enquête (à relire ici). Et l’exécutif, en refusant les offres que lui avaient faites plusieurs importateurs au mois de mars, a aggravé la pénurie. Ce choix est d’autant plus discutable que ces importateurs se sont mis au service des entreprises, à la demande de l’État et avec son soutien actif.

    Les entreprises mieux traitées que les hôpitaux 
    Tandis que les commandes d’État arrivent au compte-gouttes, c’est l’effervescence à Bercy. L’exécutif a fait, le 21 mars, un pari risqué. Alors même qu’il n’avait, à l’époque, aucune garantie sur ses volumes de livraison, le gouvernement a mis fin à la réquisition des masques et libéralisé presque totalement les importations. Seules les commandes de plus de 5 millions de masques sur un trimestre sont susceptibles d’être réquisitionnées, à condition que l’État le demande sous trois jours.

    Dès la parution du décret, le ministère de l’économie et des finances a créé, au sein de sa Direction générale des entreprises (DGE), une « cellule masques » chargée d’aider les entreprises à importer. Elle est autonome de la cellule interministérielle chargée d’approvisionner l’État pour le personnel soignant.

    Trois agents de la DGE sont mobilisés. Leur job ? Appeler les fournisseurs potentiels et vérifier leur sérieux avant de les référencer. Les hommes de Bercy n’ont aucun mal à en trouver, puisque le ministère de la santé leur a transmis les coordonnées des importateurs qui se sont manifestés avant le 21 mars. Depuis cette date, ceux qui contactent l’État pour fournir les soignants sont redirigés vers Bercy. 

    Le ministère de la santé leur envoie un courriel type, que Mediapart a consulté. « Considérant […] le nombre de contrats déjà signés par l’État pour assurer l’approvisionnement en masques des services de santé et d’autre part […] l’étendue des besoins à satisfaire hors personnel médical », les importateurs sont priés de contacter la cellule de la DGE. « De nombreuses entreprises sont à la recherche de fournisseurs pour répondre aux besoins qu’implique le maintien ou le redémarrage de leur activité », précise le ministère de la santé (notre document ci-dessous).

    Le message est clair : l’État a ce qu’il faut pour les hôpitaux, il faut désormais servir les entreprises pour limiter l’impact de l’épidémie sur l’économie française.

    Résultat : en moins d’une semaine, la cellule de Bercy est parvenue à dresser une liste de fournisseurs de confiance, compilés dans un tableur. Ce document, que Mediapart a récupéré, listait 32 importateurs dans sa version du 30 mars.

    Un second tableur concerne le « pont aérien avec la Chine » destiné aux entreprises privées. Il recense les contacts de commissionnaires de transport aérien, et a été réalisé pour faciliter les livraisons dans un contexte de forte diminution du trafic aérien. On y trouve les poids lourds français Bolloré Logistics, Ceva Logistics, filiale de CMA-CGM, mais aussi Geodis, qui assure des livraisons du gouvernement. 

    Ces documents ont été transmis par Bercy aux entreprises par l’intermédiaire des fédérations professionnelles, dont la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), qui regroupe les chaînes de supermarchés.

    Bercy y a ajouté un troisième avec ses instructions : il faut frapper vite et fort. Les commandes doivent être « massives », les « grands donneurs d’ordres » ayant pour mission de « commander des masques en très grandes quantités et au-delà de leurs propres besoins », pour les redistribuer au sein de leur filière. Comme les « capacités de production en Chine sont en train d’être saturées très vite, il y a urgence à commander et à mettre des flux réguliers », précise le ministère de l’économie (notre document ci-dessous).

    Consignes données par le ministère de l’Economie aux entreprises qui veulent importer des masques. © Document Mediapart
    Deux semaines après son lancement, la machine est aujourd’hui bien huilée. Selon un décompte effectué par Mediapart, les entreprises et les collectivités locales françaises, qui ont elles aussi passé de grosses commandes, ont déjà réussi à se faire livrer au moins 50 millions de masques, soit davantage que les 40 millions de livraisons à l’État que nous avons pu recenser, destinés au personnel soignant.

    Sollicités, les services du premier ministre, du ministère de la Santé et de Bercy n’ont pas souhaité commenter ces chiffres.

    Il y a eu par exemple l’atterrissage très médiatisé, le 30 mars à Roissy, de l’avion d’Air France affrété par Bolloré Logistics, avec à son bord 2,5 millions de masques offerts par LVMH à l’État, et 3 millions supplémentaires achetés par des entreprises comme Casino. L’aéroport de Paris-Vatry, où arrivent les masques de l’État, a réceptionné environ 10 millions de masques commandés par le privé. Et, selon nos informations, 13,5 millions de masques sont arrivés jeudi à l’aéroport de Roissy dans un avion de Qatar Airways Cargo.

    Et plusieurs dizaines de millions d’exemplaires supplémentaires sont attendus dans les prochaines jours. CMA-CGM a annoncé ce vendredi participer au « pont aérien » avec six vols par semaine, notamment affrétés auprès d’Air France, qui vont acheminer 20 millions de masques d’ici dimanche. Une partie de la cargaison serait destinée à l’État, selon Challenges. 

    Depuis le changement de discours des autorités sur la nécessité de porter un masque, toutes les entreprises en veulent, de la TPE au groupe du CAC 40, pour pouvoir reprendre leur activité à la sortie du confinement. Plusieurs importateurs de la cellule de Bercy tirent leur épingle du jeu par leur réactivité. Ces entreprises, dont plusieurs petites PME, sont pour la plupart bien introduites en Chine, où elles travaillent avec des fournisseurs depuis des années. Certaines y ont même développé des filiales au fil du temps.

    « Le masque est un dispositif médical, on l’oublie trop souvent. Et acheter ou importer des dispositifs médicaux depuis la Chine, ça ne s’invente pas. Des grands groupes français se sont fait bananer et viennent vers nous maintenant », explique Thibault Hyvernat, de la société Sterimed. « La puissance financière n’est vraiment pas le meilleur argument pour travailler dans la confiance avec les usines chinoises », appuie Bernard Malaise d’ID Services, en insistant sur la qualité des relations tissées au fil des ans avec ses fournisseurs chinois.

    Les tensions sur le marché sont telles que les prix ont été multipliés par 15 depuis le début de l’année, de 2 à 30 cents de dollar pour un masque chirurgical sorti d’usine. « Quand vous êtes en compétition avec des gens qui payent cash sans même prendre le soin de vérifier la marchandise, on est forcément perdants ! », expliquait Gian Luigi Albano, ancien responsable de la Consip, la plateforme d’achats publics nationale italienne, dans une enquête sur le « far west » de l’équipement médical diffusée sur Radio France (à retrouver ici). « Payer directement à la commande, les États acceptent de le faire pour leurs commandes, et, même ça, ça ne suffit plus ! », témoigne un importateur labellisé par Bercy.

    La situation autour des masques est si tendue en Chine que des policiers armés surveillent le chargement des camions à la sortie des usines. © D.R.
    Pour les importateurs interrogés, dont Olivier Colly, en capacité d’importer « 10 millions de masques ce mois », la « vraie problématique, c’est le transport ». « En temps normal, 80 % du fret se faisait dans les avions de ligne sous les passagers. Mais Shanghai, aujourd’hui, c’est un vrai champ de bataille. Un avion cargo complet, habituellement à 300 000 euros, vaut désormais 1 million d’euros, et les américains peuvent monter à 1,5 million ou 2 millions. »

    En plus des vols avec UPS ou Geodis, le fondateur de Medicofi s’est tourné vers une alternative inédite : le train. « Je ne l’avais jamais envisagé avant mais cela s’avère plus fiable, avec un délai de 19 jours entre la Chine et la France via la Russie, la Pologne et l’Allemagne », explique-t-il.

    Programmée dans dix jours, la prochaine livraison de 3 millions de masques de Thibault Hyvernat, qui a déjà « fait passer 2,5 millions de masques la semaine dernière », passera sur un appareil d’Air France qui « a enlevé des sièges dans un avion passager ».

    Difficulté supplémentaire : le marché chinois s’est encore durci depuis le 1er avril et l’instauration de nouvelles règles de contrôle à l’exportation. Après avoir largement subventionné la production de masques depuis janvier, le gouvernement chinois a restreint, pour mieux s’assurer de la qualité de la marchandise sortant du pays, à une liste de 500 noms le nombre d’entreprises autorisées à fournir le reste du monde.

    « Cela a remis à plat tous nos circuits d’approvisionnement. On court de tous les côtés pour trouver des solutions », explique Max Braha-Lonchant, du fournisseur Luquet-Duranton. Preuve de l’impact de la décision : les deux seuls vols Geodis prévus les 5 et 6 avril par Air France-KLM ont été annulés à cause « du changement de la réglementation des règles sanitaires en Chine ».

    « Les douanes chinoises sont de plus en plus tatillonnes. Avant il fallait trois-quatre documents à la douane, maintenant il en faut sept ou huit, note l’importateur Pierre-Michel Rogozyk. Il faut se mettre à leur place. Pour la Chine, c’est un enjeu de réputation mondiale. C’est un produit sanitaire que tout le monde veut, 130 pays ont besoin de masques en même temps. Les Chinois veulent que ce soit parfait. C’est l’heure H pour eux. » 

    Le président de la République Emmanuel Macron, le premier ministre Édouard Philippe et le ministre de la santé Olivier Véran, le 24 mars, à l’Élysée. © Ludovic MARIN/POOL/AFP
    Selon le porte-parole du ministère du commerce Gao Feng, en conférence de presse le 9 avril, pas moins de 130 pays et 14 organisations internationales ont signé des contrats de matériel médical avec des entreprises chinoises, ou sont en passe de le faire. Les statistiques des douanes chinoises indiquent que le pays a fourni 3,86 milliards de masques dans le monde entre le 1er mars et le 4 avril. « En deux mois, de janvier à mars, mon fournisseur a monté 33 lignes de production ! », explique Oliver Colly, de Médicofi.

    Ce vendredi 10 avril, les autorités ont annoncé, « avec effet immédiat », un nouveau durcissement des procédures de contrôle sur 11 produits médicaux à l’export, dont les masques, qui devront systématiquement être inspectés physiquement par les autorités avant le départ.

    Un importateur, qui souhaite rester anonyme, craint que le délai de passage en douane ne s’allonge et ne dure désormais « entre 7 et 14 jours ». « Entre le moment où la commande est passée et le moment où ça va arriver en France, il va se passer un mois. Il risque d’y avoir de grosses ruptures d’approvisionnement pour la France », redoute-t-il.

    Une stratégie gouvernementale incohérente 
    Interviewé le 4 octobre par Brut, le ministre de la santé Olivier Véran déclarait que l’ouverture des importations de masques aux entreprises et aux collectivités locales n’est « pas un grand succès, hélas ».

    Notre enquête montre exactement le contraire.

    Le succès des importations non étatique devient un problème politique majeur pour le gouvernement, qui voit des dizaines de millions de masques lui passer sous le nez, alors que sa mégacommande n’arrive que trop lentement. 

    Résultat : l’État a réquisitionné pour la première fois, le 2 et le 5 avril dernier, sur le tarmac de l’aéroport de Bâle-Mulhouse, plusieurs millions de masques commandés par plusieurs collectivités, dont la région Bourgogne-France-Comté et le conseil départemental des Bouches-du-Rhône. Ce qui a provoqué la fureur des élus locaux, ces masques étant destinés aux personnels des Ehpad ou aux personnels d’aide à domicile.

    L’affaire illustre au passage la faiblesse de l’État. Sa région étant l’une des plus touchées par la pandémie, l’ARS Grand Est avait pris l’initiative de passer elle-même commande de 6 millions de masques, « en complément des stocks stratégiques nationaux, pour approvisionner les établissements sociaux et médico-sociaux, ainsi que les professionnels de santé libéraux », a-t-elle indiqué à Mediapart. 

    Mais la cargaison des deux avions qui ont atterri à Bâle-Mulhouse, chargés de masques destinés à la fois à l’ARS et à plusieurs collectivités, a été moins importante que prévu. La préfecture a donc fait saisir l’intégralité des masques, afin que l’ARS soit servie en premier.

    Le gouvernement aurait fini par reconnaître « une méthode inopportune » et aurait promis aux collectivités de ne plus se servir « sans prévenir », lors d’une vidéoconférence avec les présidents des trois grandes associations d’élus locaux – mairies, départements et régions, selon Le Monde.

    Dans le même temps, aucune réquisition de masques destinés aux entreprises privées n’a été dévoilée à ce jour. Le gouvernement a refusé de nous dire s’il avait déjà saisi des commandes privées.

    Cette incohérence apparente s’explique en partie par le seuil minimum de réquisition de 5 millions de pièces que le gouvernement a lui-même fixé et que plusieurs collectivités ont dépassé. Mais comme la majorité des commandes des entreprises sont en dessous du seuil, l’État s’est privé du moyen de les saisir. 

    C’est d’autant plus dommage que Bercy connaît très bien l’état des stocks privés : selon nos informations, la DGE demande à toutes les entreprises de lui rapporter chaque semaine, via un tableur informatique, le nombre de masques commandés et livrés.

    L’État ne devrait-il pas abaisser le seuil pour récupérer les commandes des entreprises, au lieu de déshabiller les Ehpad ? Le ministère de la santé et Bercy n’ont pas souhaité répondre. 

    Un importateur confie qu’il a « peur d’être réquisitionné » à l’avenir : « Ce n’est pas un problème en soi s’il y a un besoin urgent. Mais à aucun moment, le gouvernement ne nous a dit quand on serait ensuite payés et à quel tarif. Comment on fait si on a déjà payé la marchandise et un client à livrer ? » Interrogé, Bercy n’a pas répondu sur ce point non plus.

    Certains importateurs référencés par Bercy nous ont indiqué avoir renoncé à commander des FFP2 pour des raisons éthiques, limitant le stock privé qui pourrait éventuellement être réquisitionné à l’avenir par l’État pour les hôpitaux. « Je n’en importe pas, pour moi ils doivent être réservés au personnel soignant, qui n’en a pas assez », explique Christine Tarbis, de l’entreprise À pas de géant. 

    « Je pense qu’on pourrait ouvrir un centre d’approvisionnement unique pour tout le pays, avec une gestion par les plus gros logisticiens », suggère un autre professionnel référencé par le ministère de l’économie. Son plan : « On bourre cet entrepôt, qui approvisionne tout le monde ensuite, de la boulangerie de quartier qui doit reprendre son activité au plus grand des hôpitaux, en définissant des priorités. »

    L’importateur a suggéré l’idée à plusieurs conseillers ministériels par courriel mais ne veut pas les accabler : « Ils n’ont sans doute pas le temps d’organiser cela, ils font de leur mieux et doivent agir vite. »

    Au début de sa mise en place, la secrétaire d’État à l’économie Agnès Pannier-Runacher avait précisé que la « cellule entreprises » se fournissait auprès de fabricants chinois « de plus petite taille », les « volumes les plus importants » étant « fléchés » en priorité vers la cellule qui fournit l’État.

    Mais, là encore, cette approche est démentie par les faits. « On a des très grosses boîtes du CAC 40 qui sont sur des commandes de 7 millions de masques, et qui répartissent sur deux fournisseurs pour assurer. Un groupement de pharmaciens est venu nous voir pour 120 millions de chirurgicaux. On est en train de voir comment on pourrait faire », explique Pierre-Michel Rogozyk. 

    Et même les hôpitaux, pourtant censés être fournis par l’État, cherchent à acheter en direct via les fournisseurs sélectionnés par Bercy. « J’ai eu des demandes de la part d’hôpitaux, raconte l’importateur Mathieu Madec, gérant de la société angevine GMAD. Mais je n’ai pas pu les honorer, faute de solution sur les modalités de financement. Ces établissements ne sont pas en mesure d’avancer l’argent pour des millions de masques. » 

    L’entrepreneur s’est allié à un commissionnaire pour fournir aux établissements de santé une solution 100 % privée, hors du pont aérien : « J’ai la capacité à trouver les masques, il a des avions privés pouvant effectuer des rotations avec 6 millions de masques à bord par semaine. Et nous avons un groupement de dix hôpitaux intéressés. Nous allons peut-être y arriver. »

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    Boite noire

    Nous avons envoyé des questions écrites jeudi à 14 heures au ministre de la santé Olivier Véran, à la secrétaire d’État à l’économie Agnès Pannier-Runacher, au ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian et au premier ministre Édouard Philippe, en leur donnant un délai de 24 heures pour répondre. Au regard des circonstances exceptionnelles, nous avons pris soin de limiter au maximum nos questions (10 séries de questions au maximum pour le ministère de la santé).

    Matignon et le Quai d’Orsay n’ont pas répondu.

    Jeudi à 16 h 50, le conseiller presse d’Agnès Pannier-Runacher nous a écrit qu’il ne serait possible de nous répondre que « dans le courant du week-end ». Nous avons accepté de retarder notre bouclage jusqu’à vendredi 18 heures, mais pas au-delà, en soulignant que nos questions étaient simples, peu nombreuses, ne nécessitaient pas de travail de recherche particulier et que Bercy et la secrétaire d’État connaissaient parfaitement le sujet des masques, sur lequel ils ont déjà communiqué. Après d’autres échanges, le conseiller presse d’Agnès Pannier-Runacher nous a répondu vendredi à 17 h 47 que le ministère de la santé centralisait « les réponses du gouvernement » et allait nous « répondre ».

    Le service de presse du ministre de la santé Olivier Véran a accusé réception de nos questions, jeudi à 15 h 20, tout en indiquant que notre délai « n’est pas envisageable vu la charge de travail de [ses] équipes ». Nous avons alors décidé, en soulignant l’importance de ce sujet d’intérêt public majeur, d’accorder un délai exceptionnel pour que le ministère puisse nous répondre. Nous avons ainsi décidé de décaler le bouclage de notre enquête au vendredi à 18 heures. Jeudi soir, à 19 h 45, le ministère nous a indiqué qu’il « essayer[ait] de [nous] répondre dans les meilleurs délais ». Vendredi à 21h45, nous n’avions toujours rien reçu.

    Étant donné cette situation, que nous regrettons, nous avons choisi de publier nos questions aux ministères et à Matignon dans l’onglet Prolonger. Nous intègrerons les réponses de l’exécutif à cet article si elles nous parviennent.

    Nous avons contacté jeudi par courriel les quatre gros fournisseurs de masques « privilégiés » par l’État pour sa mégacommande : Segetex EIF, Aden Services, BYD et Fosun. Seul Fosun nous a répondu, pour nous signifier son refus de répondre : « Pour plus d’informations sur les questions d’approvisionnement, merci de contacter le ministère français de la santé. Comme vous l’avez souligné, Fosun ne produit pas lui-même de masques. Cependant, Fosun est une entreprise mondiale ancrée en Chine, très impliquée dans les initiatives de responsabilité sociale et environnementale. Nous essayons de mobiliser autant que possible nos ressources mondiales pour soutenir les pays touchés par la pandémie. »

    Geodis, chargé d’organiser le « pont aérien » pour rapatrier les masques commandés par l’État en Chine, a refusé de nous répondre : « Comme c’est le cas pour l’ensemble de nos clients, nous ne sommes pas en mesure de partager de plus amples informations sur le contenu des contrats qui nous lient. »

    Contactée mercredi par courriel à deux reprises, la compagnie russe Volga-Dnepr, choisie par Geodis pour acheminer dans ses Antonov les masques commandés par l’État, n’a pas répondu. 

    Yoan Maugran, responsable de l’activité cargo à l’aéroport de Paris-Vatry, où atterrissent les Antonov affrétés par Geodis, nous a répondu jeudi par téléphone.

    L’ARS Grand Est nous a répondu vendredi par courriel.

    Nous avons pu nous entretenir avec neuf entrepreneurs qui ont fait des offres d’importation de masques à l’État au mois de mars, et dont six figurent aujourd’hui dans la liste des fournisseurs de confiance établie par la « cellule masques » de Bercy afin d’aider les entreprises à s’approvisionner. La plupart de ces importateurs ont souhaité rester anonymes. Ils nous ont fourni de nombreux documents attestant de leurs échanges avec l’État et de leurs relations avec des fournisseurs de masques chinois (courriels, photos, certificats de conformité, etc.).

    Afin de dresser un état des lieux des commandes privées de masques, Mediapart a contacté l’ensemble des importateurs listés dans le fichier de la Direction générale des entreprises, soit 32 sociétés. Dix-huit d’entre elles ont accepté de nous répondre, certaines en demandant l’anonymat et/ou à relire leurs citations avant publication. 

    Nous avons demandé à chacun le nombre (approximatif) de masques FFP2 commandés, et le nombre de masques déjà reçus et livrés à ce jour. Nous les avons interrogés sur la nature des commandes : privées ou publiques, sur les modalités de rapatriement des marchandises, ainsi que sur les difficultés qu’ils pouvaient rencontrer pour servir leurs clients.

    Certaines entreprises privées, telles que BNP Paribas, ont été jointes afin de connaître leurs modalités d’approvisionnement en masques mais n’ont pas souhaité s’exprimer.

    Nous avons contacté par SMS, puis par téléphone, les commissionnaires de transport sélectionnés par la « cellule masques » de Bercy pour aider les entreprises à transporter les masques qu’elles commandent en Chine. Ils ont pour la plupart refusé de s’exprimer, nous ont renvoyé vers les services de communication ou n’ont pas répondu.

    Le transporteur ACS France, qui a effectué au moins une livraison de masques à l’aéroport de Paris-Vatry, a refusé de s’exprimer sur les destinataires des cargaisons : « Ce sont les consignes que nous avons reçues, ne pas communiquer sur Vatry. » 

    Bolloré Logistics n’a pas répondu. L’attachée de presse du groupe nous a indiqué ne pas avoir pu recueillir les éléments que nous avions demandés.

    Ceva Logistics, filiale de CMA-CGM, nous a demandé de préciser nos questions par courriel, ce que nous avons fait. Nous n’avons reçu aucune réponse.

    Air France-KLM Cargo nous a répondu via son service de presse, avec lequel nous avons échangé à plusieurs reprises par téléphone et SMS mardi, mercredi et jeudi. 

    Le service de presse de Qatar Airways, qui ne fait pas partie des transporteurs aériens recommandés par Bercy mais a effectué des livraisons de masques en France, a été contacté par courriel mercredi. Nous avons reçu une réponse automatique indiquant que la compagnie avait du mal à traiter le grand nombre de demandes reçues, mais qu’« un membre de l’équipe [de communication] lira [n]otre courriel et [n]ous contactera […] s’il nous est possible de [n]ous aider ». Nous n’avons pas reçu de réponse à nos questions.

    #masques #soignants #économie #Olivier_Véran

    • « Masques pour tous : l’exécutif navigue à vue et comme le dit parfaitement #Ruffin, nous sommes confinés non à cause du virus mais en raison de leur nullité !!! »

      Masques pour tous : l’exécutif navigue à vue

      https://www.mediapart.fr/journal/france/100420/masques-pour-tous-l-executif-navigue-vue

      Peinant à renflouer ses stocks, le gouvernement continue de se retrancher derrière le « consensus scientifique » pour repousser l’obligation de porter un masque dans l’espace public. Cette mesure paraît inéluctable dans la perspective d’un déconfinement qui, faute de matériel, n’est vraiment « pas pour demain ». En attendant, le pouvoir cafouille.

      L’argument ne passe plus. Il a beau être répété sur tous les tons, dans les médias ou à l’Assemblée nationale, il ne passe plus. Jeudi 9 avril, la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye s’est de nouveau attiré les foudres de l’opposition en déclarant sur France Info qu’il n’existait aucune « doctrine en France tendant à dire qu’il faut porter le masque en population générale ». Le gouvernement prendra une éventuelle décision en la matière « dès lors que nous pourrons la bâtir sur un consensus scientifique », a-t-elle ajouté.

      « Ce n’est pas le consensus scientifique qui manque, ce sont les masques ! Arrêtez de mentir aux Français ! Qu’attendez-vous pour planifier la production et la distribution ? », a questionné le député La France insoumise (LFI) Bastien Lachaud. « Nous savons que la pénurie n’est pas de votre seul ressort, mais s’il vous plaît, cessez de nous prendre pour des abrutis. Est-ce si difficile de s’abstenir de mentir ? Nous ne demandons pas de miracle, juste le respect de notre intelligence », a également commenté le député européen Raphaël Glucksmann.

      Deux jours plus tôt, au Palais-Bourbon, le ministre des solidarités et de la santé Olivier Véran expliquait déjà qu’il n’y avait « aucune décision de recommandation du port du masque, ni obligatoire, ni recommandé, en tout cas à ce stade, pour la population générale ». En tout cas à ce stade. Toute la stratégie de l’exécutif, qui navigue au jour le jour, au gré des inconnues qui se présentent à lui, est résumée dans cette formulation. « On adapte la doctrine en fonction de la disponibilité des stocks, reconnaît un conseiller. Il n’y a rien d’autre à comprendre. »

      Peinant à renflouer les stocks en question pour fournir du matériel aux soignants, le pouvoir se retranche depuis le début de la crise sur les divergences scientifiques afin de justifier ses propres tâtonnements. Les ministres citent ainsi régulièrement les préconisations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui, selon les dernières déclarations de Sibeth Ndiaye, « ne recommande pas le port du masque dans la population en général ». En vérité, il s’agit là d’une conclusion un peu courte tirée des avis rendus par l’agence internationale.

      Certes, comme l’a récemment reconnu le directeur général de l’institution, le docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus, « il n’y a pas de réponse binaire, pas de solution miracle ». Pour autant, « le port d’un masque médical est l’une des mesures de prévention qui peut limiter la propagation de certaines maladies respiratoires virales, dont le Covid-19 », peut-on lire dans cette notice de l’OMS, datée du 6 avril. Au mois de février, l’agence internationale indiquait effectivement qu’il n’était pas nécessaire que les personnes asymptomatiques en portent. Mais elle précisait alors que cette recommandation visait notamment à préserver le marché.

      Voilà des années que les scientifiques insistent sur le fait que le port du masque n’est pas un gage en soi. Il faut savoir l’utiliser correctement et associer cette utilisation à « d’autres mesures d’ordre général », dont les fameux « gestes barrières ». Mais jamais ils n’ont dit que les masques ne « ne servaient à rien », comme l’a souvent martelé l’exécutif pour éviter de parler de pénurie. « Il aurait sans doute été plus simple d’expliquer qu’il n’y a pas assez de masques pour 68 millions de personnes, souffle un conseiller ministériel. Aujourd’hui, ça paraît évident que cette communication était absurde. »

      D’autant plus évident que les enquêtes d’opinion, sur lesquelles le pouvoir garde les yeux rivés, l’attestent. « Ils sont très inquiets par les derniers sondages qui disent qu’une grande majorité des Français pensent qu’ils ont menti sur le sujet », indique un autre membre de cabinet. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’Emmanuel Macron souhaite « reprendre la main » en s’exprimant lundi 13 avril au soir, dans une allocution que certains présentent comme « décisive ». Un exercice visant à clarifier la donne après des semaines de communication en zigzag, rythmées par un renouvellement du confinement tous les 15 jours.

      Ce qui a été fait jusqu’ici par le président de la République n’a pas franchement aidé à la compréhension. Une rhétorique guerrière critiquée dans ses propres rangs, des déplacements jugés inutiles, des images catastrophiques d’un bain de foule en Seine-Saint-Denis, une visite surprise au professeur Didier Raoult, interprétée comme un blanc-seing donné à ses études sur l’hydroxychloroquine, qui suscitent de vives controverses au sein de la communauté scientifique… Et derrière cette « politique spectacle », pour reprendre les mots du président de la fédération des Médecins de France Jean-Paul Hamon, une seule question, toujours en suspens : comment envisager un début de déconfinement en l’absence de masques et de tests ?

      La France a officiellement commandé 2 milliards de masques à la Chine, lesquels sont censés être livrés par « toute une série de vols qui vont s’échelonner d’ici la fin du mois de juin », a récemment indiqué le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, sur BFMTV. À ces importations s’ajoute la production française que le chef de l’État avait promue le 31 mars, depuis l’usine Kolmi-Hopen, dans le Maine-et-Loire. Mais cela ne suffira pas pour l’ensemble de la population. « Si on considérait que 100 % des Français devaient porter un masque en en changeant toutes les quatre heures, cela nous ferait 248 millions de masques par jour. Sur cent jours, il faudrait 24 milliards de masques… », notait Olivier Véran, dès le 24 mars

      Dans son avis du 2 avril, le conseil scientifique, présidé par Jean-François Delfraissy, soulignait la nécessité de préparer, dans le cadre de la stratégie post-confinement, « la disponibilité des protections matérielles comme les gels hydroalcooliques et les masques à l’usage des personnels soignants, des personnes en situation d’exposition au virus en priorité, puis à l’ensemble de la population, comme en Asie ». Pour l’heure, cette disponibilité, s’agissant des masques FFP2 et chirurgicaux, est loin d’être acquise. On comprend dès lors pourquoi Édouard Philippe répète que « le déconfinement n’est pas pour demain ».

      Faute de stocks et face à un marché international de plus en plus tendu, une autre option se profile : celle de l’utilisation de masques dits « alternatifs ». Actant la pénurie, l’Académie de médecine s’est prononcée en faveur du port obligatoire « d’un masque grand public anti-projection, fût-il de fabrication artisanale dans l’espace public », en période confinement et après. Dans la foulée, le directeur général de la santé Jérôme Salomon a lui aussi « encouragé le grand public, s’il le souhaite, à porter des masques alternatifs ».

      Ces propos ont laissé penser à un changement de doctrine du gouvernement, qui a été contraint de redresser le tir, alors que les tutoriels de confection artisanale fleurissaient sur Internet et que la mairie de Paris annonçait vouloir fournir deux millions de masques en tissu réutilisables à ses administrés. « C’était vraiment une phrase malheureuse… », regrette un conseiller. Pour le moment, l’exécutif s’en tient à l’avis rendu fin mars par la Société française des sciences de la stérilisation (SF2S) et la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H), selon lequel « il n’existe pas de preuve scientifique de l’efficacité des masques en tissu ». Les masques FFP2 et chirurgicaux sont les seuls dont il est aujourd’hui attesté qu’ils offrent une protection.

      Le problème reste donc entier : il n’y en a pas assez pour tout le monde. Mais au lieu de le dire clairement, le pouvoir continue de s’enferrer dans une communication inaudible, qui agace même ses soutiens. « Le masque est un “geste barrière”, c’est du bon sens. Ne tergiversons pas », a fait valoir l’ancien ministre de l’écologie François de Rugy. En masquant les difficultés qu’il rencontre pour obtenir du matériel de protection, le pouvoir ne fait pas qu’entretenir la confusion : il s’attire aussi les foudres des collectivités locales. Il y a quelques jours, ces dernières dénonçaient les réquisitions de leurs commandes personnelles, opérées par la préfecture du Grand Est, à même le tarmac de l’aéroport Bâle-Mulhouse.

      « C’est un manque de responsabilité absolu de la part du gouvernement », s’était énervée, dans un communiqué, la présidente Les Républicains (LR) du département des Bouches-du-Rhône Martine Vassal, évoquant « un nouveau scandale d’État ». Assurant qu’il n’était pas question de lancer une « guerre des masques », le ministre de l’intérieur Christophe Castaner a convenu que « la méthode [avait] été mauvaise ». « Il n’y a pas eu de réquisition », a-t-il toutefois juré devant le Sénat, en parlant de « droit de tirage prioritaire ». Cette dénégation n’a pas tardé à être mise à mal par L’Est Républicain, qui a publié un arrêté du préfet du Haut-Rhin « portant réquisition de masques chirurgicaux dans le cadre de la gestion du Covid-19 ».

      En Île-de-France, une partie des millions de masques commandés par la région a été donnée à l’Agence régionale de santé (ARS) pour qu’elle se charge de la distribution, notamment dans les Ehpad, qui rencontrent toujours de grandes difficultés. « L’État veut tout gérer tout seul, mais ils sont clairement embêtés, confie un cadre de la collectivité dirigée par Valérie Pécresse. Ils ne calculent pas les régions, c’est tout le problème du pouvoir de Macron depuis le début du quinquennat d’ailleurs. » Jeudi 9 avril, une réunion s’est tout de même tenue entre l’exécutif et les dirigeants d’associations d’élus pour calmer les esprits. Plusieurs participants ont souligné les difficultés de coopération avec les ARS, qualifiées de « baronnies », rapporte Le Monde.

      Côté appareil d’État, certains confirment que la « centralisation » des décisions et la « compétition » qui s’est engagée entre les différents services ralentissent les procédures. Ils décrivent « une instabilité totale du dispositif » de crise, des gens qui partent, des gens qui arrivent, des « bagarres » pour assurer le pilotage de tel ou tel dossier. Sans compter l’énergie folle dépensée par les uns et les autres pour préparer les argumentaires dans la perspective des futures commissions d’enquête. « Ils savent qu’on va déjà leur reprocher beaucoup, ils ne veulent pas en rajouter, explique un conseiller. Ils sont terrorisés par le code des marchés publics. »

      Parmi les soutiens d’Emmanuel Macron, d’autres en profitent pour pointer une nouvelle fois les lourdeurs de la technostructure et la nécessité d’un « reset » à l’issue de la pandémie – oubliant encore et toujours que le président de la République en est le pur produit. « Des commandes rapides et efficaces ? Ils ne savent pas faire », tranche l’un d’entre eux, visant « les technos de Matignon ». Dans les cabinets ministériels, les plus optimistes préfèrent souligner qu’« on est désormais dans une situation moins délicate qu’au début » de la crise. Moins délicate peut-être, mais délicate quand même.

  • Post-scriptum sur le déconfinement : demain, tous auxiliaires de police ? - Médias / Net - Télérama.fr
    https://www.telerama.fr/medias/post-scriptum-sur-le-deconfinement-demain,-tous-auxiliaires-de-police,n6625

    Traçage des malades par une application StopCovid, industrie de la surveillance qui sort de l’ombre, omniprésence policière, climat de délation dans les médias et les réseaux sociaux… Si elle a mis un coup d’arrêt à l’activité économique, la pandémie de Covid-19 fait toujours plus les affaires d’une société de contrôle inquiétante. « Ce n’est pas la culture française, et je fais confiance aux Français pour que nous n’ayions pas besoin de mettre en place ces systèmes qui atteignent la liberté individuelle de (...)

    #Bouygues #Orange #Palantir #SNCF #SFR #Yandex #FluxVision #Bluetooth #capteur #SmartCity #smartphone #StopCovid #TraceTogether #GPS #géolocalisation #consentement #métadonnées #BigData #délation #santé #surveillance #ChaosComputerClub-CCC (...)

    ##santé ##police

  • VIDÉO. Géolocalisation, partage de nos données… Tous surveillés pour contrer le coronavirus ?
    https://www.ouest-france.fr/high-tech/numerique/video-geolocalisation-partage-de-nos-donnees-tous-surveilles-pour-contr
    https://media.ouest-france.fr/v1/pictures/MjAyMDA0MGJjYzU5Y2Q3ZjJmYzhiY2VjZTg2ZmM2ZmFiNjUxMDk?width=1260&he

    Interview d’Olivier Tesquet

    Quels dispositifs de surveillance ont été mis en œuvre pour contrer la pandémie de coronavirus ?

    On distingue aujourd’hui trois méthodes. La première, la moins intrusive, est celle retenue en France pour l’instant : une analyse de données anonymisées fournies par les opérateurs afin de modéliser l’évolution de l’épidémie. C’est ce que fait Orange en partenariat avec l’Inserm. La deuxième, que le gouvernement d’Édouard Philippe scrute avec attention pour la sortie du confinement, est un suivi de contacts, aussi appelé contact tracking ou backtracking, tel que pratiqué en Corée du Sud ou à Singapour. À travers une application, et à condition de dépister massivement la population, on identifie les personnes potentiellement infectées par le virus, afin de leur imposer des mesures privatives de liberté. La troisième, enfin, qui est aussi la plus intrusive, consiste à gérer les malades avec des mesures de police, en mobilisant des outils de surveillance pour s’assurer qu’ils respectent le confinement. En Pologne, par exemple, les personnes en quarantaine doivent régulièrement envoyer un selfie d’elle à leur domicile sous peine de voir les forces de l’ordre débarquer sur le pas de leur porte.

    Doit-on s’en inquiéter ?

    Nous sommes à un moment crucial pour nos libertés, qui réclame la plus grande vigilance car elles n’ont jamais été aussi menacées. Un consensus scientifique est en train d’émerger : si l’on veut endiguer l’épidémie, il faudra recourir à la surveillance, car il est désormais acquis que nous ne sortirons pas tous du confinement en même temps. Les mesures de distanciation sociale vont s’installer dans notre quotidien. Comme l’état d’urgence prorogé six fois après les attentats de 2015, et finalement intégré au droit commun, l’état d’urgence sanitaire va durer. Le risque est celui de l’effet cliquet, qu’on constate avec les mesures sécuritaires : une accoutumance dont on ne revient jamais, et des dispositifs dérogatoires qui deviennent permanents. Je le redoute d’autant plus que cette fuite en avant technologique précédait la pandémie. Or, la tentation de la surveillance ne doit pas servir à camoufler l’incurie de la politique publique de l’hôpital, la scandaleuse pénurie de masques ou l’absence de tests.

    Hors de ce contexte de pandémie, peut-on parler de surveillance massive de la population ?

    S’il y a une surveillance de masse, ce n’est pas une imposition totalitaire de la technologie, mais bien plus une pénétration assez profonde de nos modes de vies par des grandes plateformes et par d’autres acteurs clandestins ou semi-clandestins – comme les courtiers en données qui achètent et revendent nos informations intimes. Toute cette pluralité d’acteurs nous immerge dans un monde où la surveillance est de masse, au sens où elle est partout.

    En quoi sommes-nous les agents consentants de cette surveillance ?

    Notre désir à participer est une dimension importante du dispositif. Des chercheurs, comme Zeynep Tufekci, considèrent que Facebook est devenu la première agence de renseignement du monde. À partir du moment où nous sommes deux milliards d’utilisateurs à confier nos données à Facebook, sommes-nous deux milliards d’agents à son service ?

    Les gens font entrer les assistants vocaux chez eux en leur âme et conscience, c’est le genre de choses qu’on s’offre à Noël. Un dirigeant de Google estimait récemment qu’il faudrait installer une pancarte à l’entrée des domiciles, indiquant qu’on pouvait être écoutés. Les règles qui prévalaient dans l’intimité du domicile se calqueraient finalement sur celles d’un espace public vidéosurveillé auxquelles on a fini par s’habituer.

    Cette surveillance est-elle vraiment un problème, si je n’ai rien à cacher ?

    C’est un argument assez fort et récurrent, mais il me pose problème à plusieurs égards. Premièrement, il vient sanctionner une forme d’impuissance : nous sommes dans l’incapacité matérielle de cacher quoi que ce soit. Comment empêcher Google, Amazon, ou Facebook d’envoyer les enregistrements de vos conversations avec votre assistant vocal à un sous-traitant, qui va être chargé d’écouter ces conversations, pour améliorer le fonctionnement de son intelligence artificielle ? Il ne s’agit pas d’un scénario de science-fiction, ça s’est déjà passé : Facebook, Amazon, Google ont été pris à le faire.

    Là où cette rhétorique du “j’ai rien à cacher” me gêne aussi, c’est que bien souvent il s’agit d’une réflexion de gagnant du système. Les gens qui l’utilisent sont ceux qui n’ont pas à subir les effets désagréables, discriminants ou nocifs de la technologie. Mais dans ce cas, on oublie la fracture sociale et raciale vis-à-vis de la technologie. L’enjeu n’est pas d’être dans un rapport de sauvegarde égoïste de sa vie privée, mais de déterminer collectivement quels sont les espaces de retrait nécessaire dans une société et comment protéger de l’arbitraire technologique l’ensemble de la population, y compris ceux qui sont les plus vulnérables.

    Peut-on encore résister ?

    Nous sommes dans une situation de solitude face à la technologie, qui semble nous condamner à des comportements individuels d’hygiène numérique. Je compare cela aux petits gestes pour l’environnement : d’un côté on va supprimer Facebook, mettre un autocollant sur sa webcam, de l’autre on va choisir des ampoules basse consommation, acheter local. Mais cela ne va ni desserrer complètement l’étreinte technologique ni sauver la planète.

    L’enjeu est de trouver une plateforme de délibération collective pour déterminer ce qui est souhaitable dans une société, et pas seulement faisable. Aujourd’hui, nous sommes pris entre ce que la technologie peut – et qui donc serait inéluctable – et ce que la société estime conforme avec ses idéaux démocratiques.

    #Surveillance #Géolocalisation #Olivier_Tesquet

  • « De la guerre sanitaire à la guerre économique et sociale » | Le Club de Mediapart
    https://blogs.mediapart.fr/olivier-le-cour-grandmaison/blog/230320/de-la-guerre-sanitaire-la-guerre-economique-et-sociale

    Par Olivier Le Cour Grandmaison

    Nous sommes en guerre. Aussi, notre code du travail, conçu dans et pour une autre conjoncture, est-il parfaitement inadapté à celle que nous allons affronter. Il est trop lourd et compliqué. De là d’innombrables lenteurs qui sont autant d’obstacles à la reprise que nous appelons tous de nos vœux. C’est pourquoi je vais demander au gouvernement d’adopter une loi d’urgence économique qui permettra à toutes et à tous de travailler au-delà des 35 heures, de travailler le dimanche si nécessaire et d’étendre le travail de nuit aux secteurs économiques particulièrement fragiles et/ou particulièrement affectés par le confinement auquel notre pays a été soumis. De plus, de nouveaux contrats d’embauche, moins contraignants et plus souples seront mis en place pour permettre de répondre dans les meilleures conditions aux défis multiples et variés que nos entreprises et nos artisans vont devoir relever dans les semaines et les mois à venir. Nous devons travailler plus et plus longtemps, c’est pourquoi la réforme des retraites, suspendue pour les raisons que vous savez, sera enfin adoptée.

    #guerre_sociale #fascistovirus #libéralovirus

  • « Rester confiné chez soi, sur son canapé, n’a strictement rien à voir avec une période de #guerre »

    Les mots ont un sens. « La #pandémie à laquelle nous sommes confrontés exigent des mesures plutôt opposées à un temps de guerre » explique l’économiste et chroniqueur de Basta ! Maxime Combes dans cette tribune.

    Non, nous ne sommes pas en guerre. Nous sommes en pandémie

    « Nous sommes en guerre ». A six reprises, lors de son allocution, Emmanuel #Macron a utilisé la même expression, en essayant de prendre un #ton_martial. L’anaphore voulait marquer les esprits et provoquer un effet de #sidération. Avec deux objectifs sous-jacents. L’un sanitaire : s’assurer que les mesures de #confinement – mot non prononcé par le président de la République – soient désormais appliquées. L’autre politique : tenter d’instaurer une forme d’#union_nationale derrière le chef de l’Etat. Le tout également pour faire oublier les mesures contradictoires et les hésitations coupables de ces derniers jours.

    Pourtant les mots ont un sens. Et c’est non, mille fois non : nous ne sommes pas en guerre. Nous sommes en pandémie. C’est suffisant, et totalement différent. Aucun État, aucun groupe armé n’a déclaré la guerre à la France, ou à l’Union européenne. Pas plus que la France n’a déclaré la guerre (article 35 de la Constitution) à un autre État. Le #Covid-19 ne se propage pas en raison du feu de ses blindés, de la puissance de son aviation ou de l’habilité de ses généraux, mais en raison des mesures inappropriées, insuffisantes ou trop tardives prises par les pouvoirs publics.

    La pandémie à laquelle nous sommes confrontés exigent des #mesures plutôt opposées à un temps de guerre

    Non, le virus Covid-19 n’est pas un « #ennemi, invisible, insaisissable, et qui progresse » comme l’a affirmé Emmanuel Macron ce lundi 16 mars. C’est un #virus. Un virus qui se propage au sein d’une population non immunisée, porté par nombre d’entre nous et disséminé en fonction de l’intensité de nos relations sociales. Il est très contagieux, se propage vite et peut avoir des conséquences terribles si rien n’est fait. Mais c’est un virus. Pas une armée. On ne déclare pas la guerre à un virus : on apprend à le connaître, on tente de maîtriser sa vitesse de propagation, on établit sa sérologie, on essaie de trouver un ou des anti-viraux, voire un vaccin. Et, dans l’intervalle, on protège et on soigne celles et ceux qui vont être malades. En un mot, on apprend à vivre avec un virus.

    Oui, les mots ont un sens. Nous ne sommes pas en guerre car la pandémie à laquelle nous sommes confrontés exige des mesures plutôt opposées à celles prises en temps de guerre : ralentir l’activité économique plutôt que l’accélérer, mettre au #repos_forcé une part significative des travailleuses et travailleurs plutôt que les mobiliser pour alimenter un effort de guerre, réduire considérablement les #interactions_sociales plutôt qu’envoyer toutes les forces vives sur la ligne de front. Quitte à provoquer, disons-le ainsi : rester confiné chez soi, sur son canapé ou dans sa cuisine, n’a strictement rien à voir avec une période de guerre où il faut se protéger des bombes ou des snipers et tenter de survivre.

    Il n’est pas question de sacrifier le personnel médical, au contraire, il faut savoir les protéger

    Cette référence à la « guerre » convoque par ailleurs un #imaginaire_viril peuplé d’#héroïsme_masculin – bien que largement démenti par les faits – et du sacrifice qui n’a pas lieu d’être. Face au coronavirus – et à n’importe quelle pandémie – ce sont les #femmes qui sont en première ligne : 88 % des infirmières, 90 % des caissières, 82 % des enseignantes de primaire, 90 % du personnel dans les EHPAD sont des femmes. Sans même parler du personnel de crèche et de garderie mobilisés pour garder les enfants de toutes ces femmes mobilisées en première ligne. Le #personnel_médical le dit clairement : nous avons besoin de soutien, de #matériel_médical et d’être reconnus comme des #professionnels, pas comme des #héros. Il n’est pas question de les sacrifier. Au contraire, il faut savoir les protéger, en prendre soin pour que leurs compétences et leurs capacités puissent être mobilisés sur le long terme.

    Non, définitivement, nous ne sommes pas en guerre. Nous sommes face à une pandémie. Et c’est déjà bien assez. Nous ne sommes pas des soldats, mais des citoyennes et citoyens. Nous ne voulons pas être gouvernés comme en temps de guerre. Mais comme en temps de pandémie. Nous n’avons pas d’ennemi. Ni à l’extérieur, ni à l’intérieur des frontières. Confrontés pendant des semaines à l’incurie d’un gouvernement incapable de prononcer un discours clair et des #mesures cohérentes entre elles, nous sommes juste des citoyennes et citoyens progressivement en train de comprendre que la meilleure chose à faire est de rester confinés. A devoir apprendre à vivre au ralenti. Ensemble mais sans se rencontrer. A rebours de toutes les exigences de #compétitivité et de #concurrence qui nous ont été assénées depuis des dizaines d’années.

    Instituer la #solidarité et le soin comme principes cardinaux, pas les valeurs martiales et belliqueuses

    Lutter contre la pandémie du coronavirus n’est pas une guerre car il n’est pas question de sacrifier les plus vulnérables au nom de la raison d’État. Comme celles qui sont en première ligne, il nous faut au contraire les protéger, prendre soin d’eux et d’elles, y compris en se retirant physiquement pour ne pas les contaminer. SDF, migrant.e.s, les plus pauvres et plus précaires sont des nôtres : nous leur devons pleine et entière assistance pour les mettre à l’abri, autant que faire se peut : la #réquisition de logements vides n’est plus une option. Lutter contre le coronavirus c’est instituer la solidarité et le #soin comme les principes cardinaux de nos vies. La solidarité et le soin. Pas les valeurs martiales et belliqueuses.

    Ce principe de solidarité ne devrait d’ailleurs pas avoir de frontière, car le virus n’en a pas : il circule en France parce que nous circulons (trop) dans le pays. Aux mesures nationales, voire nationalistes, brandies ici et là, nous devrions collectivement étendre ce principe de solidarité à l’international et nous assurer que tous les pays, toutes les populations puissent faire face à cette pandémie. Oui, la mobilisation doit être générale : parce qu’une #crise_sanitaire mondiale l’exige, cette #mobilisation doit être généralisée à la planète entière. Pour que pandémie ne rime pas avec inégalités et carnages chez les pauvres. Ou simplement chez les voisins.

    Point besoin d’#économie_de_guerre, juste d’arrêter de naviguer à vue

    Alors, oui, sans doute faut-il prendre des mesures d’exception pour réorganiser notre système économique autour de quelques fonctions vitales, à commencer par se se nourrir et produire le matériel médical nécessaire. Deux mois après les premières contaminations, il est d’ailleurs incroyable qu’il y ait encore des pénuries de #masques pour protéger celles qui sont en première ligne : réorienter, par la réquisition si nécessaire, des moyens de production en ce sens aurait déjà dû être fait. Histoire de ne pas avoir à refuser d’exporter des masques comme l’UE le fait désormais, y compris avec la Serbie qui a pourtant entamé son processus d’adhésion : où est donc la solidarité européenne ?

    Point besoin d’économie de guerre pour cela. Juste besoin d’arrêter de naviguer à vue et d’enfin prendre les mesures cohérentes entre elles, fondées sur ce principe de solidarité, qui permettront que chaque population, riche ou pauvre, puisse faire face à la pandémie. La participation consciente et volontaire de l’ensemble de la population aux mesures de confinement nécessaires n’en sera que facilitée. Et la dynamique de l’épidémie d’autant plus facilement brisée. Le monde de demain se joue dans les mesures d’exception d’aujourd’hui.

    Maxime Combes, économiste et membre d’Attac.

    https://www.bastamag.net/pandemie-covid19-coronavirus-Macron-guerre-virus-confinement
    #épidémie #vocabulaire #terminologie #mots #coronavirus

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    • Non Monsieur le Président de la République, nous ne sommes pas en guerre

      La déclaration du Chef de l’Etat qui amène un confinement général de la population et n’autorise les déplacements que par dérogation marque un véritable tournant dans la lutte contre l’épidémie généralisée en France. La guerre est déclarée ? Non Monsieur le Président, la Résistance collective est à l’ordre du jour pour sortir de cette épreuve.

      La déclaration du Chef de l’Etat ce 16 mars qui amène un confinement général de la population et n’autorise les déplacements que par dérogation marque un véritable tournant dans la lutte contre l’épidémie généralisée en France. Jusque-là des recommandations, des consignes, des prescriptions amenaient chacun à prendre sa part à la sûreté de contacts raréfiés. Point de contrôle, point de sanctions mais appel à prendre conscience des mesures d’hygiène à respecter puis du confinement.

      La crise sanitaire s’aggrave comme attendue. Les contaminations réalisées avant l’effectivité des mesures successives ne produisent leurs effets en terme de symptômes, qu’après le délai d’incubation de 5 à 14 jours comme nous pouvons le lire ici et là. Il y a donc mécaniquement une aggravation inévitable avant les possibles effets de ralentissement si ces mesures sont efficaces et suffisantes. Insuffisantes, à l’évidence les mesures prises jusqu’ici l’étaient, raison essentielle d’un strict confinement depuis ce 17 mars à midi.

      Crainte des autorités et politique de santé

      La crainte des autorités que partagent tous les observateurs attentifs - et ils sont nombreux - est la saturation des possibilités d’hospitalisation en réanimation pour les symptômes les plus graves qui menacent la vie même du patient avec une vulnérabilité particulière des personnes âgées ou des personnes souffrant de co-morbidités (affections chroniques ou déficiences organiques etc) sans exclure pour autant ces développements graves de la maladie respiratoire chez des sujets plus jeunes ou à l’occasion d’une « deuxième vague ».

      Cette crainte est d’autant plus vive que nos responsables gouvernementaux, le Chef de l’Etat lui-même, savent bien que les politiques de santé menées depuis des décennies, poursuivies et aggravées depuis la dernière présidentielle à coups d’économies budgétaires inconséquentes ont largement diminuées la capacité à faire face aux circonstances exceptionnelles que nous connaissons aujourd’hui. Les gouvernements successifs, et plus encore celui-ci, quand les économies en grattant toujours plus ont atteint l’os, sont restés sourds aux demandes, revendications, exhortations des professionnels de santé, de leurs organisations syndicales y compris même au début de cette épidémie. Quelle imprévoyance ! La préparation aux moyens de la protection elle-même est manifestement déficiente : les volumes des gels hydroalcooliques, masques, équipements divers sont largement insuffisants ou limites même pour les professionnels de santé, hôpitaux et médecine de ville, sont même menacés de pénurie dans des délais relativement brefs (déclaration Olivier Véran, ministre de la santé).

      Il faut l’abnégation de ceux et celles à qui on a refusé les moyens de soigner, pour faire face, héroïquement chaque jour, à cette montée des périls. La fermeture d’hôpitaux, de services et de lits, la fermeture de postes de soignants pèsent aujourd’hui dans cette lutte de résistance, jour après jour, pied à pied. Les encenser aujourd’hui ne disculpe pas de sa responsabilité, de ses choix politiques.

      Il faudra en rendre compte au peuple français après l’épreuve en changeant radicalement de politique de santé en associant les organisations syndicales et les forces vives du pays : la santé est un bien collectif pas seulement l’affaire du ministère et du gouvernement ! Il faut espérer que cet épisode douloureux amènera un changement complet de politique de santé pour faire face à d’autres épidémies qui ne manqueront pas d’arriver. Elles ne manquerons pas d’arriver dans un monde dominé par la recherche du profit à tout prix pesant en premier lieu sur la santé des populations qui ne pèse pas lourd face aux profits des firmes pharmaceutiques, phyto-sanitaires, tabagiques, agro-alimentaires et de toutes celles qui commercialisent ou utilisent des produits toxiques en semant le doute sur cette toxicité quand bien même ils ont les preuves – qu’ils cachent – d’effets graves sur la santé. Le profit d’abord et quand ce sont des milliards à la clef, on peut tout se permettre et tout maquiller.

      Malheureusement, pour le moment et dans les semaines qui viennent, nous voyons et verrons les résultats de cet abaissement des digues : l’affaiblissement des effectifs soignants et les nombreuses fermetures notamment des hôpitaux de proximité ont abaissé dramatiquement le seuil de saturation des services de réanimation qui prennent en charge les malades du CoVid-19. Nous, c’est-à-dire les citoyen.ne.s de ce pays, en feront les frais. Les petits hôpitaux aujourd’hui avec leurs soignants seraient une réserve de lits pour endiguer ce flot croissant comme autrefois les terrains ouverts sur le Rhône absorbaient les inondations périodiques.

      Nous ne sommes pas en guerre mais en Résistance

      Aujourd’hui si les soignants sont en première ligne y compris avec un risque pour leur propre santé, tous les professionnels de la logistique alimentaire, pharmaceutique, administrative sont à leur côté et assurent le service du public, au service de la Nation.

      La guerre est déclarée ? Non Monsieur le Président, nous ne sommes pas en guerre. Vous devez organiser la Résistance avec nous. Avec la guerre, le chef s’adjuge tous les pouvoirs pour vaincre, ne cherche aucunement à convaincre mais à imposer, à contraindre pour mener la bataille comme il l’entend et dans ce cas, les contestataires et les critiques sont traître et traîtrise à faire taire, vite et bien.

      La stigmatisation de groupes au contact vus à la télé sur les bords de Seine, dans des parcs amène un discours sur l’irresponsabilité de certain.e.s qui n’ont pas pris la mesure du danger pour eux et pour les autres, prétexte à introduire le contrôle et la sanction. C’est un peu facile ! Facile d’oublier son propre manque de responsabilité dans la politique de riches menée depuis son accession à la Présidence notamment la politique de santé qui a abaissé le niveau de protection, de l’assurance-chômage qui abaisse les droits et indemnisations des chômeurs, des chercheurs précarisés qui doivent plus chercher des financements que faire de la recherche. Etait-il bien responsable de matraquer et blesser ces Gilets Jaunes durant plus d’un an sans les entendre, de les poursuivre aujourd’hui pénalement pour se venger d’avoir eu peur et de s’être laissé déborder sur les Champs-Elysées ? Sans parler de bien des affaires qui ont amené certain.e.s à démissionner.

      Reconnaissons-le, la responsabilité n’est chose aisée pour personne surtout dans une société où l’enjeu est de passer la patate chaude de la responsabilité à un.e autre. La première intervention du chef de l’état du 12 mars a certainement manqué de punch pour responsabiliser. Les réactions dimanche sous le soleil sont aussi à inscrire, sans les excuser, à un déni d’ordre psychique d’entrée dans cette période de restriction, en gros, encore un dernier bol d’air avant le confinement. Après, il est possible de rappeler en direct le danger et le devoir. Pourquoi, in fine, et à peu près systématiquement - en acte contrairement aux paroles – devrait-on prendre la population pour non-responsable collectivement ? Individuellement, nous le sommes tour à tour pour, pour sujet plus ou moins important mais collectivement nous pouvons être sérieusement responsables (un peu comme la patience dans mille impatiences) surtout face à ce danger réel, palpable, identifié.

      Le confinement par la force ou la responsabilité ?

      Mais l’ennemi est là, l’invasion a eu lieu : le virus est partout. Oui, le cap doit être clair pour résoudre cette crise d’exception mais faire appel à 100.000 policiers et gendarmes c’est s’engager dans une voie où la coercition, la sanction dispensent de convaincre tout en faisant « comme si », double discours qui rappelle celui pour le premier tour des municipales. Dans ces conditions, la menace de sanction devient, de fait, la seule voie audible, choisie pour parvenir à maintenir le confinement, moyen pour stopper cette épidémie. Ce moyen n’est pas en cause. La contamination a lieu par contact : nécessité du confinement et des mesures-barrières.

      La question est la voie choisie pour parvenir à un confinement : le contrôle par les forces de Police et de Gendarmerie et la sanction financière (on imagine mal engorger les prisons déjà pleine – problème en soi - et propager le virus !). Cette voie prend le risque d’une escalade dans le contrôle de la population par des forces de l’ordre (largement utilisées depuis deux ans, sorte de réflexe) voire de déboucher sur des scènes de chaos plus ou moins localisées ou momentanées.

      Nous comprenons bien que légiférer par ordonnance n’est pas anodin et amorce une éventuelle escalade avec état de siège, intervention de l’Armée au maintien de l’ordre, pourquoi pas in fine l’article 16. Piège de l’escalade qui prend toujours le comportement marginal pour prétexte, piège aux conséquences lourdes et en quelque sorte mécaniques pour la démocratie.

      Sans protection ou avec des protections insuffisantes, les forces de l’ordre pourraient être affectées par l’épidémie. Elles pourraient l’être et affecter un volume plus ou moins important de policiers et gendarmes que leurs armes ne protègent pas comme dans une guerre, rendant impossible de remplir leur mission.

      La Résistance, au contraire, engage le peuple à entrer en Résistance conscient des enjeux pour la santé de tous. Vous n’avez pas vu que partout, à côté de contacts de moins en moins fréquents - aujourd’hui plus un seul – spontanément, les gens dans la rue, devant les magasins, tiennent leurs distances, ne s’affolent pas et s’ils parlent, c’est à distance et pas en face à face. La Résistance c’est avant tout engager chacun à devenir responsable pour devenir collectivement responsable. Et devenir collectivement responsable, c’est non seulement éviter les contacts qui transmettent le virus, mais encore organiser des réseaux de solidarités de proximité pour l’alimentation, la pharmacie etc... en respectant les consignes d’hygiène et de contacts. Tout le monde ne peut pas se déplacer. C’est bien au-delà de la peur du gendarme.

      A défaut, en durcissant encore le confinement, il faudrait organiser un réseau national de distribution à domicile ! Les forces de l’ordre pourraient-elles s’y employer ? Là encore, ce serait faire sans la population quand il s’agit de résister avec la population.

      Organiser la Résistance et mobiliser par des actes

      Il n’y a pas possibilité de résistance si la population n’est pas incitée à s’associer à cette résistance, chacun à sa mesure. La Résistance c’est le peuple et ses dirigeants, quand ceux-ci savent impulser et non seulement commander, contrôler, sanctionner. Les forces de l’ordre plutôt que sanctionner ce qui peut amener à la clandestinité des déplacements devenus illicites, pourraient se transformer en agent de persuasion en rappelant les consignes, en écoutant les nécessités explicitées sans chercher à sanctionner bref... discernement. La campagne c’est pas la ville et chacun ne va pas faire du jogging autour de sa maison ou de son pâté d’immeubles. En Auvergne, balader sur un des Puys en solitaire ou en couple de retraités est sans risque plutôt que rester aux abords de la maison et rencontrer des connaissances ! Les services de santé seront d’autant moins débordés (ou moins vite !) que chacun se sentira, se sent responsable des soignants, en actes et pas seulement en paroles.

      Sans association et conscience de la population, il n’y a en effet que la guerre et son cortège d’oeufs cassés toujours justifiés en toute bonne foi.

      Pour associer le peuple, la suspension des réformes en cours est enfin une mesure de sagesse et d’apaisement. De toutes façons, le calendrier de la réforme des retraites ne peut plus être tenu. Avant l’été c’est râpé ! Le report de la mise en place de la réforme de l’assurance-chômage est aussi la démonstration en creux de revenus dramatiquement insupportables pour quantités de chômeurs, à repousser hors cette période exceptionnelle. Seraient-ils véritablement plus supportables après un retour à la normale ? Revoir la copie.

      Il faut aller plus loin. Pour une adhésion et une responsabilité de la population, Il faut permettre un minimum de confiance quand celle-ci a été dilapidée par une attitude intransigeante toujours dans le sens des riches en pompant l’argent des autres. Il faut annoncer quelles réformes deviennent prioritaires, quel cap social et sociétal elles prendront, avec qui et comment elles seront travaillées (pas seulement une concertation sur un texte à trous béants comme celui des retraites).

      L’indemnisation du chômage partiel prise actuellement pour garder les moyens de subsistance n’illustre-t-elle pas la nécessité de la mise en place d’un revenu universel ? Ce pourrait être un dispositif qui l’initie à élargir et pérenniser.

      Une mesure forte immédiate qui ne coûte pas un euro mais vaudra crédit : arrêter toutes les poursuites pour fait social, grèves et manifestations. La paix sociale ne s’achète pas, elle s’obtient avec des actes.

      La guerre alors n’aura pas lieu

      Vaincre l’épidémie c’est engager la population dans la Résistance et non la délégation aux chefs de mener une guerre qui n’existe pas, même si l’économie s’en rapproche, si l’organisation du fonctionnement en société s’en rapproche. C’est apporter un tournant social à ce quinquennat de riches, non pas le passer au Ripolin vaguement rose mais s’engager à des réformes nécessaires et identifiées dès maintenant avec les moyens d’une co-construction postérieure chacun à sa place. Alors les forces vives de la nation seront mobilisées pour vaincre par la responsabilité et la solidarité. La guerre alors n’aura pas lieu !

      https://blogs.mediapart.fr/georges-andre/blog/170320/non-monsieur-le-president-de-la-republique-nous-ne-sommes-pas-en-gue

    • #Rony_Brauman répond à Macron : « La #métaphore de la guerre sert à disqualifier tout débat »

      Rony Brauman, ancien président de Médecins sans frontières, approuve les mesures de confinement, mais dénonce la #rhétorique_martiale du chef de l’Etat : « Qualifier les soignants de "#héros", c’est gommer les raisons de la crise sanitaire. »

      Médecin, diplômé de médecine tropicale et épidémiologie, Rony Brauman a été président de Médecins sans frontières (MSF) de 1982 à 1994. Il est aujourd’hui directeur d’études à la fondation de l’ONG. Son dernier livre, « Guerres humanitaire ? Mensonges et intox », conversation avec Régis Meyran, est paru aux éditions Textuel en 2018.
      Interview.

      Comment analysez-vous l’épidémie du #Covid-19 et sa gestion par les autorités françaises ?
      Cette épidémie n’avait pas été prévue, mais elle avait été prédite. De nombreux épidémiologistes avaient anticipé l’apparition d’un nouveau virus se répandant à la faveur de l’accroissement démographique, de l’accélération des voyages internationaux, de l’urbanisation, du changement climatique. Cette crainte, déjà ancienne, s’était renforcée avec les épidémies de sida, le Sras, le Mers, le Zika, le chikungunya, Ebola. Nous savions que le rêve d’un monde débarrassé d’un risque infectieux était une #illusion et les gouvernements successifs ne pouvaient méconnaître ces analyses. Cela ne les a pas empêchés, depuis des années, de réduire les capacités des hôpitaux, avec les effets que l’on voit aujourd’hui. Plus de 4 000 lits ont été supprimés ces trois dernières années, mais c’est depuis trente ans que gagne une #logique_comptable, entrepreneuriale (notamment la loi Hôpital, Patient, Santé, Territoire de 2009, qui concrétise la notion d’« #hopital-entreprise », introduite par #Claude_Evin dès 1989). Pourtant, aujourd’hui, Emmanuel Macron ne tarit pas d’éloge sur le personnel hospitalier... Ses propos qualifiant les soignants de « héros » me semblent particulièrement mal venus. Cette qualification a quelque chose de pervers, parce qu’elle gomme les raisons de la #crise_sanitaire. Outre qu’elle oubliait les autres professions qui continuent à travailler pour que notre vie soit encore vivable (éboueurs, policiers, livreurs, caissières, producteurs, distributeurs de produits essentiels), elle met les soignants dans une position délicate. Un héros, ça ne demande pas des journées de récupération pour s’occuper de ses enfants, de prime de risque, un salaire décent. On sait bien qu’une partie du vidage des hôpitaux vient de ce qu’on paye les gens de façon indécente. Brandir la figure du héros, c’est sous-entendre par contraste la médiocrité de revendiquer des #conditions_de_travail correctes.

      Pourtant, quand les gens applaudissent à leurs fenêtres à #20_heures, n’est-ce pas aussi une façon de saluer dans les soignants des figures héroïques ?
      Si, bien sûr, et je m’y associe. Ces applaudissements constituent un rite de reconnaissance collective vis-à-vis d’une catégorie qui s’expose de façon constante, quotidienne. Mais ils ne doivent pas être séparés d’une interrogation politique sur les #restrictions_budgétaires imposées depuis des années à ceux qui sont considérés aujourd’hui comme les sauveurs de la nation.
      J’ajoute que, dans les propos d’Emmanuel Macron, cette #héroïsation n’est que le complètement logique du discours de la guerre, la métaphore du combat engagé contre l’#ennemi_invisible. Cette notion ne me semble pas la bonne. Nous sommes face à une #catastrophe. Au moment où nous parlons, des structures de soins sont débordées et l’on voit réapparaître les méthodes de la #médecine_de_catastrophe, mises au point, il est vrai, par la #médecine_militaire mais élargies aux situations de crises majeures, notamment de catastrophes naturelles : les techniques de #triage séparant les gens qu’on va pouvoir aider à sortir et ceux pour lequel le pronostic est trop mauvais, relèvent typiquement de la médecine de catastrophe. De façon plus générale, cette métaphore est trompeuse, en ce qu’elle laisse entendre que la #santé passe par la défaite de la maladie. Mais la maladie fait partie de la vie et l’on devrait parler de #droit_à_la_maladie, plutôt que de #droit_à_la santé. Je pense au philosophe #Georges_Canguilhem observant que pour la plupart des gens, la santé, ce n’est pas l’#absence_de_maladie mais la possibilité de tomber malade et de s’en relever.

      Mais n’est-il pas vrai que nous combattons un ennemi : le #virus ?
      Un point, encore : depuis #Pasteur, le germe infectieux place les sociétés dans une situation complexe. Dès lors que nous sommes tous potentiellement vecteurs de #contagion, chaque individu devient une #menace pour la collectivité, chaque voisin est un risque potentiel. Et inversement, l’individu se sent menacé par le groupe, qui peut cacher des malades, et il va donc chercher à s’en isoler. Le #confinement nous demande d’être à la fois solidaires et individualistes. C’est le #paradoxe de l’#épidémie, que dissimule la métaphore de la guerre. Dire qu’on mène une guerre contre un virus, c’est prendre le risque d’alimenter la #guerre_de_tous_contre_tous, chacun étant potentiellement le vecteur de l’ennemi invisible.
      Quand j’entends le président conclure son discours de Mulhouse, le 25 mars, par un martial « Nous ne céderons rien ! », je suis abasourdi. Céder quoi, à qui ? Craignez-vous la restriction des libertés liée au confinement ? J’approuve le confinement et des mesures actuellement en vigueur, à défaut d’autres moyens de protection pour l’instant. Ces mesures sont le résultat, forcément instable, de la recherche d’un équilibre entre trois exigences : la #sécurité_sanitaire, la #liberté des individus et la continuité de la machine économique. La liberté peut être restreinte, mais il est impossible de confiner tout le monde, car une partie l’#activité_économique doit se poursuivre, sous peine d’une morte lente générale. Je rappelle qu’une épidémie peut faire plus de #victimes_indirectes que directes, comme cela a été probablement le cas d’#Ebola : je pense aux malades qui n’ont pas pu se soigner, qui ont été conduits à une issue fatale à cause de la paralysie des régions frappées par la maladie.
      Pour ma part, je comprends le retard de confinement mis en oeuvre en France : l’exigence de #santé_publique était en balance avec l’exigence de liberté et l’exigence de #continuité_économique. Prenons garde à ne pas porter sur les mesures du gouvernement Philippe un regard anachroniquement sévère ! Reste que je m’inquiète de l’empilement des #mesures_autoritaires. N’oublions pas que des dispositions de l’#état_d'urgence antiterroriste ont été intégrées à la #loi_ordinaire et appliquées contre des militants écolos et syndicalistes. On doit craindre une reproduction de ce précédent.

      Portez-vous le même regard compréhensif sur la stratégie de la France en matière de #masques et de #tests ?
      Non ! Ce sont clairement deux loupés de la politique et de la communication gouvernementales. Autant j’apprécie les points quotidiens de #Jérôme_Salomon, le directeur général de la Santé, et son ministre #Olivier_Véran, qui sont très pédagogiques, didactiques, non arrogants, autant la question des masques et des tests a été traitée de façon extrêmement grossière, là encore infantilisante comme l’est la métaphore de la guerre. Ils auraient pu reconnaître qu’il y avait un retard à rattraper - retard imputable aux gouvernements successifs et non au seul gouvernement Philippe - et qu’il fallait plus de masques et plus de tests. Ils pouvaient expliquer que le #rationnement ne durerait pas, qu’ils y travaillaient, bref traiter leurs concitoyens en adultes. Au lieu de cela, ils ont choisi de tenir un discours de #déni. « Pourquoi ne pas faire plus de tests ? - Parce que c’est inutile ! » « Pourquoi ne pas distribuer pas plus de masques ? - Parce que c’est inutile ! » Et ce n’est pas vrai... Oui, c’est mensonger et ce point-là n’a rien à voir avec les choix difficiles, évolutifs, du confinement et de ses limites. Les masques sont indispensables pour les personnels soignants et pour les professions exposées au public. Quant au test, on nous explique qu’il n’est utile que pour les cas graves. Ce n’est pas vrai ! Dans les cas graves, il ne fait que confirmer le #diagnostic_clinique, alors que dans les cas moins graves ou bénins, il permet de connaître le #statut_sérologique des individus. On peut alors choisir pour chacun la solution adaptée : confinement à la maison, isolement dans des structures médicalisées (pour ne pas engorger l’hôpital) et hôpital (si nécessaire). Je suis consterné que les porte-parole du gouvernement se soient cramponnés à cette #pseudoscience. Un tel manquement est très contre-productif car il vient affaiblir la #confiance que l’opinion peut avoir dans d’autres mesures gouvernementales, qui, elles, sont tout à fait argumentables, tel que le confinement.

      Derrière ce loupé, y a-t-il des dissensions internes au champ médical ? Certains scientifiques ont-ils sous-estimé l’épidémie ?
      La #médecine n’est pas une science, c’est une #pratique_scientifiquement_informée. On le voit à l’échelle d’un organisme individuel : le corps n’est pas une matière inerte qui répondrait toujours de la même façon aux mêmes actions. Pour les questions de #santé_publique, c’est encore plus net, car la médecine est alors confrontée à toutes sortes d’événements inattendus et d’une variabilité extrême. La science aide à prendre les décisions, mais elle ne sait pas tout et, dans l’incertitude, ce sont les politiques qui doivent trancher.

      Sur cette épidémie, il n’y a pas de #consensus_médical ?
      Non, pour les raisons que je viens de dire. De plus, la familiarité des médecins avec les réalités épidémiologiques est très limitée. Le métier des médecins est de soigner les pathologies, mais pas forcément de connaître leur diffusion. Cela relève d’un autre type de savoir : l’épidémiologie. Il y a les épidémiologistes médecins, bien sûr, mais aussi des épidémiologistes non-médecins, notamment les statisticiens, les modélisateurs, qui n’ont pas la même approche que les médecins. Il peut y avoir des désaccords et c’est alors au politique de trancher, et de s’en expliquer. Néanmoins, sur la question de l’intérêt des masques et des tests pour gérer l’épidémie au mieux, il y a un consensus quasi-total.

      Mais alors, pourquoi les principaux responsables de la santé en France ont-ils dit le contraire ? Après tout, Jérôme Salomon et Olivier Véran, ainsi que sa prédécesseure #Agnès_Buzyn, sont tous des médecins...
      C’est un mystère. Mon hypothèse, toute personnelle, est qu’il s’agit d’un effet de la propension des responsables politiques à la rigidité comme preuve de leur détermination. En toutes circonstances, ils veulent afficher leur assurance et voient dans toute remise en question un affaiblissement de leur #autorité. Le fantasme de #toute-puissance est à l’oeuvre ! C’est ce que nous disait encore Macron, qualifiant de « polémiques », forcément stériles, et de tentatives de « fracture » de la société, forcément dangereuses, les critiques qui lui sont adressées. Il faut « #faire_bloc », c’est-à-dire marcher au pas, fleur au fusil. Où l’on voit que la métaphore de la guerre sert à disqualifier toute mise en #débat.

      Vous-même, avez-vous changé d’avis sur l’épidémie ?
      J’ai hésité en janvier, mais j’ai été assez rapidement convaincu que le #risque_pandémique était bien réel, tout en considérant la réaction des pouvoirs publics en France était correcte, et que par exemple on n’avait pas de raison de coller immédiatement à ce que faisait l’Italie. Il y a eu des discussions, y compris au sein de Médecins sans frontière, où certains étaient très sceptiques. Dès le début février, il a été clair que la cinétique de l’épidémie était inquiétante, en découvrant que des patients asymptomatiques pouvaient être transmetteurs du virus. Dans une épidémie, ce n’est pas le chiffre de mortalité à un instant T qui importe. On peut toujours comparer ces chiffres à bien d’autres, comme l’ont fait trop longtemps les « corona-sceptiques ». C’est le #temps_de_doublement des cas qu’il faut regarder attentivement : 2,5 jours pour le Covid-19. Là, on comprend assez rapidement que la progression est effrayante, surtout si on le rapporte aux mesures de confinement, qui mettent quinze jours à commencer à produire de l’effet : en quinze jours, on a six fois le doublement des cas, ce qui signifie qu’un porteur contamine 64 personnes en quinze jours, 244 en un mois.

      Que pensez-vous de la polémique sur la #chloroquine ? N’est-ce pas affligeant, dans une telle période ?
      La forme a été parfois affligeante, mais pas la controverse elle-même. Ce qui donne le caractère polémique à cette discussion, c’est le sentiment de vivre une #tragédie_collective dans laquelle tout #désaccord prend une dimension énorme. Mais, en temps normal, c’est le lot commun du travail médical. Pour des #pathologies_émergentes et même pour des pathologies déjà connues, il faut des années d’essais cliniques et de traitement pour obtenir un #consensus. Regardez les médicaments contre le cholestérol, qui font l’objet d’une controverse très vive depuis plusieurs années. Ce n’est pas parce qu’on est en période d’état d’urgence sanitaire qu’il faudrait fermer la porte aux discussions contradictoires, aux critiques. Surtout pas. Nous avons besoin de cette pluralité d’avis. Cela étant dit, la façon dont #Didier_Raoult a présenté la chloroquine comme un médicament miracle appartient plus à un prophète qu’à un spécialiste de santé.

      Il n’y aura pas de médicament miracle pour le Covid-19 ?
      Non, pas plus qu’il n’y en a eu pour les autres infections. Cela me rappelle l’annonce faite en 1985 par le professeur #Andrieux, accompagné de la ministre de la Santé d’alors, #Georgina_Dufoix, donnant la #cyclosporine comme le médicament qui allait tout changer à partir d’un essai sur quelques cas. Pour ce qui est de la chloroquine, ses effets antiviraux et antibactériens sont bien connus, mais l’essai de Marseille n’a rien de concluant, contrairement à ce qu’en disent certains, y compris des politiques qui se croient autorisés à avoir un avis sur cette question totalement technique. C’est une ressource possible, il faut la tester. Le bon côté de cette controverse, c’est que la chloroquine va être jointe aux nombreux essais cliniques en cours. Mais il ne faut pas créer de #faux_espoirs. Didier Raoult a un passé de chercheur sérieux, mais son personnage de génie autoproclamé n’incite pas à la confiance. Quant à la validité de son essai, elle a été très précisément analysée.

      Parmi les multiples réflexions suscitées par l’épidémie, il y a cette idée que la nature malmenée par la #mondialisation serait en train de se venger avec ces différents virus venus du monde animal. Qu’en pensez-vous ?
      Le point commun du Covid, du Sras, du Mers et d’Ebola est que ces maladies sont le fruit d’un passage de la #barrière_virale_d'espèces entre les #animaux et les hommes. L’extension des certaines mégapoles entraîne une interpénétration entre #ville et #forêts : c’est le cas d’Ebola, qui trouve son origine dans la présence des #chauves-souris en ville et qui mangeaient par des humains. Mais ce paramètre, s’il faut avoir à l’esprit, est à manier avec une certaine retenue. Car il s’agit d’une constance dans l’histoire des épidémies : la plupart, à commencer par la #peste, sont liées à ce franchissement. L’homme vit dans la compagnie des animaux depuis le néolithique, notre existence est rendue possible par cette coexistence. Mais la peste avait été importée par la puce du rat qui était disséminé sur les bateaux et les caravanes ; pour le corona, ce sont les #avions qui ont fait ce travail. La spécificité du Covid-19, c’est sa vitesse de #diffusion. Le professeur Sansonnetti, infectiologue et professeur au Collège de France, parle d’une « maladie de l’#anthropocène » : en superposant la carte de l’extension du virus et celle des déplacements aériens, il montre que les deux se recouvrent parfaitement.

      L’enjeu est donc moins la façon dont la #mondialisation malmène la nature, mais dont elle ouvre des avenues à des germes. Faut-il refermer ces avenues ?
      Le propre du vivant, c’est de chercher à répandre ses gènes et le virus obéit à une logique de vie, qui s’inscrit dans une dialectique entre #contagiosité et #mortalité. Il lui faut trouver des #vecteurs - des organismes vivants - qui lui permettent de se répandre. Mais s’il tue trop vite ces vecteurs ou s’il ne trouve pas de nouveaux organismes à contaminer, il arrive à une impasse et meurt. Ce que vise le confinement, c’est à mettre le virus dans une impasse : chacun doit être le cimetière du virus. C’est ici que l’on voit la limite de la méthode : cet isolement total serait notre cimetière à tous, pas seulement celui du virus.
      A quoi cela sert de "gagner du temps" face au coronavirus ?
      #Mutation. Le mot, lorsqu’il est associé au coronavirus, fait peur. Surtout depuis que des chercheurs chinois ont affirmé que le virus avait déjà muté en une variante plus agressive.

      Alors, faut-il redouter ses prochaines transformations ?
      #Luc_Perino, médecin diplômé d’épidémiologie et auteur du livre "Patients zéro" (La Découverte), explique qu’un virus mute en permanence... et pas nécessairement d’une manière défavorable à l’être humain. "Dans la majorité des épidémies, le virus évolue vers moins de #virulence, et vers plus de #diffusion." C’est-à-dire qu’il tend à se propager plus vite... mais en devenant moins mortel.

      https://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20200327.OBS26690/rony-brauman-repond-a-macron-la-metaphore-de-la-guerre-sert-a-disqualifie
      #solidarité #individualisme #autoritarisme #mensonge #mensonges #épidémiologie

    • Parler de l’héroïsme des soignants c’est une excision symbolique du corps médical. Les soignants sont des femmes en grande majorité. Les soignantEs ont pour travail de prendre soin, pas de trucider, étriper et violer comme le font les soldats, ni même se sacrifier.
      Les soldat(e)s ne soignent pas.
      Les soignantEs ne tuent pas.

      A la guerre il y a des héros or la racine latine « vir » de viril, virilité, virilisme et aussi vértu viens du sanskrit HERO. L’héroisme c’est ce qui fait l’homme et donc certainement pas les femmes. Traiter les soignantes de héro ou même héroïnes c’est les affubler de virilité.

      #invisibilisation_des_femmes #virilisme #inversion_patriarcale #excision_symbolique

    • La guerre est toujours un beau #prétexte pour imposer la #répression

      « Et nous voilà en dictature ?

      La guerre est toujours un beau prétexte pour imposer la répression.

      Guerre contre les pauvres, contre les travailleur.e.s précarisé.e.s, contre les personnes entassées dans des squats, contre les enfants des quartiers dits « prioritaires », contre les « migrants » comme ils aiment les appeler…Ah, veuillez m’excuser, je n’avais pas compris que notre aimable président parlait de guerre contre un virus…

      Il est vrai qu’en observant le confinement prendre la pelle (l’appel) pour creuser, creuser et creuser encore le gouffre qui sépare les bien loti.e.s des plus précarisé.e.s, je n’avais pas compris qu’il parlait d’une guerre contre la nature… Pourtant, j’aurais dû m’en douter, car il est bien évident que notre président a toujours voué un grand amour pour notre environnement… Mais non, je pensais bêtement que la guerre avait été déclarée. Que l’on nous avait encore pris pour des dindes, en nous faisant par exemple copier deux fois de suite « l’article 3 du décret du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à… » blablabla. Et si tu n’as pas de papier pour écrire, tant pis pour toi ! De toute façon, on est en guerre, gamin.e, alors pourquoi veux-tu te promener dans les rues ? Ah ? La rue est ta maison ? Quelle sombre idée… De toute façon, on est en guerre, alors qui se soucie de savoir si tu vis à la rue, hein ?

      Oui, je n’ai pas réussi à entendre le mot virus quand notre cher président a répété six fois que nous étions en guerre…

      Et il est vrai que quand les jeunes avec qui je travaille m’ont transmis leurs angoisses de « ne pas réussir », avec la peur d’être encore mis de côté, exclus dans leur quartier alors même qu’elles et ils me faisaient part il y a peu de leur désir de « bien s’en sortir » pour montrer à leurs pairs que personne n’est éternellement assigné au quartier, je n’ai pas pensé au virus… Mais à la violence de l’Education Nationale.

      Quand mon amie du Sud de la France m’a quant à elle parlé de son combat éreintant pour récupérer son jeune garçon de 5 ans, confiné chez son père violent et fiché S à Paris, je n’ai pas pensé au virus… Mais à l’horreur du confinement.

      Quand une autre m’a parlé de sa colère en tant qu’infirmière de voir tant de gens ne pas respecter leur investissement/épuisement en continuant à vivre « comme si de rien n’était », je n’ai pas pensé au virus… Mais à la stupidité et l’égoïsme qui animent mes « compatriotes ».

      Et enfin, quand mes collègues m’ont fait part au début du confinement des difficultés à trouver des volontaires pour garder les enfants des soignants, je n’ai pas pensé au virus… Mais à la fameuse « Fraternité » oubliée de la devise française.

      Dites-moi qu’au moins, cela servira de prise de conscience ? Car qui tient donc le pays en ce moment ? Qui le fait (sur)vivre ? Ni moi, ni peut-être vous. Mais celles et ceux que l’on a invisibilisé depuis bien trop longtemps. Et si je dois donc applaudir, j’applaudirais tout autant les agriculteurs/trices, les vendeurs/euses en magasin, les bénévoles (devraient-ils vraiment être bénévoles ?), les professeur.e.s et toutes celles et ceux qui nous permettent de continuer à vivre. En fait, qui nous ont toujours permis de continuer à vivre…

      Alors maintenant, je me demande, que pouvons-nous faire de tout ce temps pour celles et ceux qui en ont plus que d’habitude… N’est-il pas le moment de le « prendre ce temps » pour réfléchir à de nouveaux systèmes ? Puisque dans nos vies à 100 à l’heure, celui-ci manque toujours…

      Qu’a-t-on de fait à proposer ? Comment peut-on imaginer une plateforme pour échanger sur de nouveaux modèles ? Sur la manière de visibiliser ces réalités mais également de contribuer à les changer ? Comment peut-on se servir de ce temps pour ne plus panser les blessures de notre système mais bien penser de nouvelles perspectives ? Si tout le monde est davantage connecté, c’est donc l’occasion de toucher de nouveaux publics, de faire connaitre des réalités, de proposer des formations et de construire quelque chose de nouveau…

      Je sais que certain.e.s s’y attellent depuis bien longtemps. Mais n’est-ce pas alors l’occasion de joindre nos forces pour penser collectivement ? Utiliser le confinement pour se mettre davantage en lien et penser autrement ? Servons-nous de cette colère. Transformons-là. »
      Coline

      https://www.modop.org/se-relier/#3avril

    • « De la #guerre_sanitaire à la guerre économique et sociale »

      A la « guerre sanitaire » aujourd’hui déclarée, risque de succéder une « guerre économique et sociale » impitoyable pour les salariés, les fonctionnaires et les habitants des quartiers populaires. J’ai imaginé ce que pourrait être le discours du président de la République...

      La première victime de la guerre, c’est toujours la vérité

      La deuxième victime de la guerre, ce sont les conquis sociaux

      La troisième victime de la guerre, ce sont les droits et libertés démocratiques

      A la manière d’un certain président de la République.

      « Françaises, Français, mes chers compatriotes. Depuis le déclenchement de la crise sanitaire, je me suis plusieurs fois adressé à vous pour évoquer les épreuves que nous avons traversées, pour annoncer les mesures indispensables afin de juguler l’épidémie d’abord et d’en venir à bout ensuite. Ces circonstances exceptionnelles m’ont conduit à prendre, avec le gouvernement, en accord avec l’Assemblée nationale et le Sénat, des mesures elles aussi exceptionnelles sans lesquelles nous n’aurions pu gagner cette bataille décisive contre le Covid-19. Tout d’abord, je veux, au nom de la nation, saluer toutes celles et tous ceux qui, médecins, infirmiers, personnels hospitaliers, ont été aux avant-postes de ce combat, avec un dévouement et un courage exemplaires, et pour certains, hélas, au péril de leur vie. Ils méritent notre reconnaissance. C’est pourquoi j’ai décidé qu’un hommage national leur sera rendu à une date qui sera précisée. Plus encore, toutes et tous recevront, à titre collectif, la légion d’honneur.

      Ensuite, je veux avoir une pensée pour vous, Françaises et Français, qui avez perdu un parent, un proche, un ami. Je sais votre peine infinie et nous la partageons tous. Dans ces moments que je sais ô combien douloureux, soyez assurés que votre deuil est aussi le nôtre, et jamais nous n’oublierons vos chers disparus. Enfin, je veux également saluer celles et ceux qui, envers et contre tout, ont continué de travailler sans se laisser détourner de leurs tâches indispensables au pays par des revendications aussi démagogiques qu’irresponsables. C’est grâce à eux qu’il n’y a pas eu de pénurie et que les approvisionnements n’ont jamais cessé en dépit des difficultés qu’ils ont eux aussi surmontées avec une ténacité et une résilience remarquables. Françaises, Français, mes chers compatriotes, suite aux décisions que j’ai prises, vous avez, vous aussi, consenti de nombreux sacrifices en respectant un confinement toujours plus strict, en bouleversant vos habitudes, en renonçant à bien des loisirs et à bien des plaisirs : ceux de se réunir en famille, entre amis, de dîner au restaurant, d’aller au cinéma, au théâtre, d’écouter des concerts, de faire du sport, de se promener. Qui, en ville, qui à la campagne pour pêcher ou chasser, qui à la mer ou à la montage. Je sais que les décisions prises ont bouleversé vos vies mais elles étaient indispensables pour sauver le plus grand nombre de nos ainés et de nos concitoyens. Vous l’avez assez vite compris et vous l’avez donc accepté. Toutes et tous, vous avez fait la démonstration remarquable que nous sommes un grand peuple et que la France est une nation à nulle autre pareille qui, dans les épreuves, sait se retrouver pour les affronter dans l’unité, la solidarité et la fraternité.

      Nous venons de gagner une bataille majeure mais nous n’avons pas encore gagné la guerre. La crise sanitaire est certes derrière nous mais nous devons, dès maintenant, mener d’autres combats et relever d’autres défis. Ils sont économiques et sociaux. Ceux d’hier étaient immenses, ceux qui nous attendent ne le sont pas moins. Mes chers compatriotes, je vous le dis avec solennité et gravité, nous sommes toujours en guerre. L’ennemi n’est plus invisible, il n’est plus insidieux mais il n’en est pas moins présent, puissant et menaçant. Cet ennemi, il se nomme récession, régression, faillites en série et reprise possible de la hausse du chômage. Celui que nous venons de terrasser, nous menaçait tous, celui qui se présente maintenant agit de même. Je veux dire par là qu’il peut, lui aussi, bouleverser nos vies en frappant partout et dans toutes les catégories de la population. Nos grandes, moyennes et petites entreprises sont menacées. De même nos admirables artisans qui, partout en France, maintiennent vivantes d’anciennes traditions d’excellence. Je n’oublie pas nos agriculteurs, nos pêcheurs, nos viticulteurs, nos artistes et nos libraires.

      Hier, Françaises, Français, mes chers compatriotes, vous avez consenti de nombreux sacrifices. Je m’adresse à vous tous pour vous en demander de nouveaux car cette situation économique et sociale est elle aussi exceptionnelle. Elle n’est pas sans rappeler celle que nos ainés ont dû affronter au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Ils avaient un pays à reconstruire, nous avons une économie à rebâtir et pour y parvenir au plus vite, il faut être capable de se hisser à la hauteur des tâches multiples et difficiles qui nous attendent. Lorsque je me suis adressé à vous au début de l’épidémie le 16 mars dernier, je vous avais dit qu’après les épreuves traversées, plus rien ne serait comme avant. Ce jour est arrivé et il nous faut maintenant en tirer toutes les conséquences.

      Nous sommes en guerre. Aussi, notre code du travail, conçu dans et pour une autre conjoncture, est-il parfaitement inadapté à celle que nous allons affronter. Il est trop lourd et compliqué. De là d’innombrables lenteurs qui sont autant d’obstacles à la reprise que nous appelons tous de nos vœux. C’est pourquoi je vais demander au gouvernement d’adopter une loi d’urgence économique qui permettra à toutes et à tous de travailler au-delà des 35 heures, de travailler le dimanche si nécessaire et d’étendre le travail de nuit aux secteurs économiques particulièrement fragiles et/ou particulièrement affectés par le confinement auquel notre pays a été soumis. De plus, de nouveaux contrats d’embauche, moins contraignants et plus souples seront mis en place pour permettre de répondre dans les meilleures conditions aux défis multiples et variés que nos entreprises et nos artisans vont devoir relever dans les semaines et les mois à venir. Nous devons travailler plus et plus longtemps, c’est pourquoi la réforme des retraites, suspendue pour les raisons que vous savez, sera enfin adoptée. Et je souhaite qu’elle soit elle aussi assouplie pour permettre à celles et ceux qui veulent continuer à travailler de le faire en toute liberté. Toutes ces mesures s’imposent car il y va de notre place en Europe, de notre place dans le monde, de votre avenir personnel et professionnel, et de celui de vos enfants et de vos petits-enfants.

      Oui, nous sommes en guerre. C’est pourquoi, afin de favoriser au mieux la croissance indispensable aux progrès de notre pays, au relèvement de notre économie et à l’amélioration de vos conditions de vie, je demanderai également au gouvernement de bloquer les salaires pour une durée qui reste à déterminer, de réduire les congés et de permettre aux employeurs de les fixer à leur convenance, après consultation des salariés. Il en sera évidemment de même dans toute la fonction publique à l’exception de la fonction publique hospitalière où des postes seront créés et de nouveaux moyens accordés. En même temps, nous poursuivrons la modernisation indispensable de nos hôpitaux afin d’augmenter là aussi leur compétitivité et donc leur efficacité au service du plus grand nombre. Mes chers compatriotes, je sais votre attachement à notre système de santé qui suscite l’admiration de beaucoup à l’étranger, c’est aussi pour répondre à vos attentes que je vous demande ces efforts. Efforts également dans l’éducation nationale et dans l’enseignement supérieur où, jusqu’à nouvel ordre, aucun recrutement ne sera effectué. Cette situation n’empêchera nullement les écoles, les collèges, les lycées et les universités d’embaucher, de façon temporaire et pour une durée limitée, le personnel enseignant et administratif nécessaire à l’accomplissement de leurs missions. Là aussi, la modernisation doit être impérativement poursuivie car nous pouvons et nous devons faire mieux. Les temps présents comme de nombreux parents l’exigent et personne ne comprendrait, à l’heure où je vous parle, que les fonctionnaires précités désertent cette formidable bataille économique et sociale qu’il nous faut remporter au plus vite.

      C’est parce qu’elle est terrible que nous devons mobiliser toutes les énergies, stimuler tous les talents, libérer toutes les volontés et toutes les ambitions en donnant à chacune et à chacun l’opportunité de s’y associer. A vous Françaises et Français d’abord car, en ces circonstances exceptionnelles il n’est plus acceptable que d’autres, arrivés depuis peu dans notre pays et sans intention d’y faire souche, accèdent rapidement à des emplois qui pourraient être occupés par vous. C’est pourquoi je vais demander au gouvernement de préparer un projet de loi destiné, non à fermer complètement l’immigration, ce serait aussi vain qu’inutile, mais à la limiter au strict nécessaire sur la base de quotas régulièrement révisés, comme cela se fait déjà dans de nombreux Etats développés et démocratiques. De même, il faut rapatrier dans notre pays des activités essentielles à notre indépendance sanitaire, industrielle et économique pour renforcer ainsi notre souveraineté en produisant français avec des travailleuses et des travailleurs français. L’union nationale nous a permis de vaincre l’épidémie hier, elle nous permettra, demain, de renouer avec la prospérité dont vous serez toutes et tous les heureux bénéficiaires.

      Nous sommes en guerre, et cette nouvelle guerre nous ne la gagnerons qu’en étant capables de nous affranchir d’habitudes parfois désuètes et, dans tous les cas, inadaptées aux exigences qui s’imposent désormais à tous. J’ai bien dit à tous, c’est pourquoi, un nouveau gouvernement, plus resserré, sera bientôt formé et les traitements des uns et des autres réduits. De même, le nombre des membres de cabinet. D’ores et déjà, et pour apporter ma contribution à cet effort national sans précédent, je vous annonce que je renonce à mon traitement jusqu’à la fin de ce quinquennat. Mais il faut aller plus loin en poursuivant la réforme de nos institutions ce qui passe, entre autres, par la réduction du nombre de députés et de sénateurs afin que les premiers comme les seconds participent pleinement à cette réduction indispensable, vitale même de nos dépenses publiques. Au cours de ces derniers mois, comme je l’ai dit, l’Etat a payé sans compter pour lutter contre l’épidémie et soutenir les secteurs économiques particulièrement affectés par la crise sanitaire. Ces temps sont désormais révolus et chacun comprendra qu’il n’est pas possible de poursuivre plus longtemps dans cette voie sauf à s’engager de nouveau dans la spirale ruineuse de l’endettement dont les effets retomberont lourdement sur les générations à venir. Cela, je ne le veux pas et je ne le permettrai pas car ce serait trahir les espoirs de notre jeunesse, et je sais que nul, dans ce pays, ne le souhaite.

      Mes chers compatriotes, je vous le dis et je le répète, nous sommes toujours en guerre. Je vous demande donc d’être responsables, de ne céder à aucune surenchère partisane et syndicale, de refuser le repli corporatiste qui a fait tant de mal à notre pays, et de vous élever à la hauteur des tâches exigées par cette situation exceptionnelle. N’écoutez pas celles et ceux qui se complaisent dans la critique mais qui n’ont rien de concret et de sérieux à proposer. Evitons cette démagogie et ces exaltations aussi puériles que mortifères. Unis, chacun fidèle à son poste et à sa place, nous gagnerons. Vive la République ! Vive la France ! »

      https://blogs.mediapart.fr/olivier-le-cour-grandmaison/blog/230320/de-la-guerre-sanitaire-la-guerre-economique-et-sociale

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      Lecture de ce texte :
      #Fin_de_l'épidémie : le discours d’Emmanuel #Macron

      Texte : #Olivier_Le_Cour_Grandmaison
      Lecture : Nicolas Mourer
      Réalisation Christiane Passevant

      https://www.youtube.com/watch?v=tBd5yLA-c-8&feature=share


      #déconfinement #coronavirus #covid-19

      Message de Olivier Le Cour Grandmaison via Facs et Labos en lutte :

      Texte que j’ai rédigé en imaginant le #discours_de_Jupiter au sortir du confinement

    • Ce que nous vivons n’est pas une guerre

      C’est la mondialisation qui fait de l’épidémie de Covid-19, originaire de Chine, une pandémie mondiale. Mais replaçons cette crise, cet effondrement sanitaire, dans le contexte de notre société, celui de l’Anthropocène. Car, au classement des menaces avérées pour le système-Terre, la première porte un nom : Homo Sapiens. Si l’homme persiste dans la mondialisation et dans l’asservissement de la nature, il n’est pas impossible que, d’une façon ou d’une autre, celle-ci contre-attaque.

      CE QUE NOUS VIVONS n’est pas une guerre. Nous vivons un effondrement. Et pas simplement un effondrement des marchés boursiers, un effondrement de l’Anthropocène. 1

      Rappelons quelques chiffres. Dans nos campagnes, la population d’oiseaux a baissé de 30 % en vingt ans à peine. 2 En quelques semaines seulement, l’Australie perdait plus d’un milliard d’animaux dans les incendies. 3 Une étude publiée dans la revue britannique Nature estime qu’un million d’espèces animales et végétales pourraient disparaître en raison du réchauffement climatique. 4

      Parallèlement à ces phénomènes d’effondrement de la biodiversité, on a récemment constaté le développement d’espèces envahissantes ou invasives. Algues tropicales, plantes toxiques exogènes, nombreux sont les exemples de perches dévastatrices, de champignons phytopathogènes et de papillons colononisateurs, qui déciment leur environnement, éradiquent des populations d’insectes, d’animaux ou d’arbres jadis répandus dans nos campagnes.

      Si l’agriculture intensive est bien connue pour favoriser le développement de propagules pathogènes et d’espèces invasives, il est avéré que le commerce international joue un rôle majeur dans leur propagation.

      Je me souviens avoir regardé, impuissant, les buis de mon jardin se faire dévorer par une pyrale invasive venue de Chine par bateau, avec des lots de buis pré-taillés par une main d’œuvre bon marché. Mais le principal prédateur de ladite pyrale était le frelon asiatique, interdit de séjour en France depuis 2013.

      Le Covid-19 est également originaire de Chine et, à nouveau, c’est notre organisation mondialiste qui fait de cette épidémie une pandémie mondiale.

      Or, la pandémie est en soit un effondrement sanitaire. Tout comme le méga-feu est un effondrement écologique qui fait de certaines espèces animales des espèces menacées, la pandémie est une menace pour l’être humain.

      Certes, tout sera fait pour éviter un effondrement massif de la population humaine. Observons les mesures mises en place par l’ensemble de nos gouvernements 5, en dehors du confinement : fermeture des commerces hors alimentation, réduction des transports de marchandises à leur strict minimum, suppression des vols internationaux, blocage drastique de la circulation des véhicules personnels, généralisation du télétravail, etc. Même les écologistes les plus radicaux ne pouvaient rêver un tel scenario !

      L’arrêt quasi total du transport, de la consommation, de l’import-export en quelques heures… L’objectif « zéro carbone », prévu pour 2050, est à portée de main en 2020 !

      Alors qu’on peinait à trouver des financements pour la transition 6, voilà que s’annoncent des dizaines de milliards pour sortir de la crise. On parle même de réguler les marchés, de nationaliser les compagnies aériennes en péril, de reprendre en main les hôpitaux…

      Cet épisode pandémique nous place face à nos responsabilités. Car, quoiqu’on fasse, la Terre ne s’arrêtera pas de tourner et il est probable que le système-Terre sache toujours générer de quoi revenir à un équilibre systémique, en attaquant les entités qui constituent une menace pour le plus grand nombre. 7
      Un virus pour l’Anthropocène

      Au classement des menaces avérées pour les écosystèmes, la première porte un nom : Homo Sapiens. Replaçons le virus dans le contexte de notre société, celui de l’Anthropocène. Si le terme « Anthropocène » vous est totalement étranger ou si vous l’avez volontairement rangé dans la commode des mots anxiogènes, entre « Anthrax » et « Anthropophage », le documentaire « L’âge de l’Anthropocène, des origines aux effondrements » 8 est fait pour vous.

      L’Atelier d’écologie politique (Atécopol), un atelier constitué d’une centaine de chercheurs toulousains, a organisé de nombreuses conférences publiques, trans-disciplinaires, permettant la constitution de ce documentaire scientifique synthétique. Depuis début 2020, ces chercheurs ont défendu le film en prolongeant chaque projection d’un débat public.

      Certes, il n’est pas question de pandémie dans ce film, puisqu’il a été achevé il y a plusieurs mois. Toutefois, les propos de l’historien des sciences Christophe Bonneuil, des économistes altermondialistes Geneviève Azam 9 et Maxime Combes ou encore de l’ingénieur agronome « collapsologue » Pablo Servigne nous éclairent sur cette façon « effondrementiste » 10 d’envisager le futur de notre société capitaliste.

      Le Covid-19 constitue une pierre de plus à l’édifice du film, et non des moindres. Si l’homme persiste dans la mondialisation et dans l’asservissement de la nature, il n’est pas impossible que, d’une façon ou d’une autre, celle-ci contre-attaque.

      https://sciences-critiques.fr/ce-que-nous-vivons-nest-pas-une-guerre

      #Gwarr_Greff

  • « Carrière morte », « tu as le melon » : un directeur de casting menace Adèle Haenel
    https://www.nouvelobs.com/societe/20200304.OBS25617/carriere-morte-tu-as-le-melon-un-directeur-de-casting-menace-adele-haenel

    Dans un violent message publié sur Facebook, Olivier Carbone s’en est pris à l’actrice qui a quitté la cérémonie des César en plein milieu, mais aussi à tous les détracteurs de Roman Polanski.

    #backlash je sais pas si c’est intéressant de mettre des merdes comme ça ici mais euh... for the reccord disons.

  • « Nous sommes les agents consentants de notre propre surveillance technologique » - entretien avec Olivier Tesquet, auteur de « A la trace » - NEON
    https://www.neonmag.fr/nous-sommes-les-agents-consentants-de-notre-propre-surveillance-technologiqu

    Tous fliqués ? Le journaliste Olivier Tesquet fait le point dans son livre A la trace sur la sournoise généralisation de la surveillance dans nos vies. Interview. Vous avez sans doute, comme moi, un rapport d’amour-haine vis-à-vis de votre téléphone. Vous le reposez, le reprenez, fermez rageusement Instagram avant de rouvrir machinalement l’appli. Autant vous prévenir, la lecture d’A la trace d’Olivier Tesquet, 32 ans, journaliste à Télérama, ne va pas arranger cette relation ambigüe. Dans cet (...)

    #CambridgeAnalytica #Google #Huawei #ICE #Ring #Amazon #Instagram #algorithme #CCTV #biométrie #migration #consentement #vidéo-surveillance #BigData #data #santé #SocialCreditSystem #SocialNetwork #surveillance #travailleurs (...)

    ##santé ##_