• « Le médecin qui trie les malades n’est pas là pour dire qui aura ou non droit à la vie, mais pour sauver le plus de vies possible »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/16/coronavirus-la-question-du-tri-des-malades-est-un-enjeu-ethique-et-democrati

    La question du tri des malades est un enjeu éthique et démocratique majeur, selon Frédérique Leichter-Flack, spécialiste de l’éthique, qui détaille pourquoi.

    Tribune. Faudra-t-il choisir qui tenter de soigner et qui #laisser_mourir ? Avec les témoignages venus d’Italie du Nord et d’Alsace, avec l’appel martelé à un sursaut de responsabilité de chacun pour éviter la saturation totale des services de réanimation, la sidération grandit face à cette hypothèse d’une pénurie des ressources de survie. Trier entre les vies à sauver fait horreur : c’est la quintessence même du choix #tragique.

    L’heure n’est pourtant pas à dramatiser davantage, mais à comprendre ce qu’on appelle le tri, afin que la société en prenne conscience et en discute pour la part qui lui revient.

    Conditions de catastrophe
    Car cette question du tri et du rationnement, surgie dans le débat public, va nous accompagner durablement. L’accès à la ventilation mécanique pour les patients en détresse respiratoire n’est en effet que la pointe émergée d’un continuum du rationnement des chances face à l’épidémie, qu’il faut regarder dans son ensemble : en amont, des hôpitaux chroniquement sous-dotés, ce qui ne laissait pas de marge pour accueillir l’imprévu ; un rationnement de pénurie des moyens de protection face au risque (masques et gels) ; un premier tri téléphonique opéré par la régulation du 15, qui envoie ou n’envoie pas à l’hôpital ; et, en aval, pour la suite, une réflexion à mener sur l’ordre de priorité de la distribution des médicaments et vaccins au fur et à mesure de leur production, quand ils seront trouvés…

    Dans ces conditions de catastrophe, le passage à la puissance tragique et la visibilité soudaine de cette problématique du #tri, à laquelle le grand public n’est pas habitué, dissimulent le fait que, loin d’être seulement l’abomination morale que l’on redoute, le tri a précisément été inventé, en médecine d’urgence comme en médecine de guerre, pour remettre de la justice, de l’efficacité et du sens là où ne régnait que l’aléa du fléau – pour reprendre le contrôle du destin de la collectivité menacée de destruction.

    Le #médecin_trieur n’est pas l’ange posté à l’entrée du royaume, il n’est pas là pour jouer à Dieu et dire qui aura ou non droit à la vie, mais pour sauver le plus de vies possible, en refusant de se cacher derrière la Providence ou la distribution aléatoire du malheur.
    Médecine collective
    Le tri, en pénurie, opère le basculement d’une médecine individuelle, censée donner à chacun ce dont il a besoin, à une #médecine_collective, qui oblige le sauveteur à prendre en compte, à côté de la victime en face de lui, les besoins de tous les autres au regard du stock de ressources disponibles.

    D’autres exigences éthiques que celle de la loyauté et du dévouement à l’égard du patient individuel, ou que celle de l’égalisation des chances que constitue la prise en charge prioritaire des plus vulnérables, sont ainsi affirmées : l’utilitarisme, qui vise à sauver le plus de vies possible (même si cela implique de renoncer à sauver cette vie-là qui demanderait à son seul bénéfice trop de temps et trop de ressources pour un pronostic trop mauvais), l’efficience (ne pas gaspiller des ressources médicales rares pour un bénéfice trop incertain), la justice (qui a droit à quoi, s’il n’y en a pas pour tout le monde).

    Tous ces principes entrent en conflit en situation de catastrophe, ce qui rend particulièrement sensible le changement de paradigme. Plus le décalage entre ressources et besoins est grand, plus on aura tendance à basculer dans des pratiques de tri dégradées – dont témoigne l’impression d’inversion de priorité qu’on entend aujourd’hui : les patients dont l’état de santé est déjà fragile par ailleurs, les patients de plus de 70 ans dont les chances de récupération après deux semaines de ventilation sont faibles, peuvent être exclus de l’accès en réanimation.

    Arbitrages moralement douloureux

    Cependant, la priorisation et le #rationnement sont, même en temps normal, des pratiques repérables d’un bout à l’autre de la chaîne de soins, surtout dans le fonctionnement à #flux_tendu de l’#hôpital public.
    L’impératif de « faire de la place » pour les patients atteints du Covid-19, de desserrer un peu l’étreinte tragique de la pénurie face à l’urgence épidémique, avec ses conséquences en cascade (déprogrammation, fermetures de lits dans les autres services…) rend ces arbitrages ordinaires encore plus difficiles et moralement douloureux, pour des médecins obligés d’assumer des choix qui imposent à leurs patients une perte de chances dans des conditions de rationnement sur lesquelles ils n’ont aucune prise.

    En temps normal aussi, du reste, les urgentistes et les réanimateurs ont l’habitude de trier les patients, non seulement pour déterminer une liste d’attente pour la prise en charge, mais aussi pour interroger au regard du pronostic l’indication thérapeutique de la réanimation, pas toujours retenue pour des patients réorientés alors vers les soins palliatifs.
    Aussi ne faut-il pas surinterpréter, dans le contexte actuel de pandémie, les décisions de non-réanimation des patients âgés ou des patients avec comorbidités. L’usage dit « compassionnel » de ressources médicales rares a sa légitimité, en ce qu’il laisse ouverte une fenêtre aux miracles. Mais l’efficience dans leur distribution, afin de ne pas gâcher des chances qui pourraient mieux servir à d’autres, ne doit pas seulement être interprétée comme un abus marchand dans un domaine où la santé ne devrait « pas avoir de prix ».

    Trouver le juste équilibre
    En temps normal, ces pratiques de tri, de priorisation, d’arbitrages thérapeutiques restent dans le huis clos du colloque médical. Le contexte actuel, avec l’effroi qu’il suscite, provoque une visibilité soudaine du tri, dans ses aspects les plus spectaculaires, qui n’est pas sans risque. Pour beaucoup de familles de victimes à venir, la conscience du tri subi sera vécue comme une violence supplémentaire dans leur deuil.

    Il va être important de protéger les médecins contre les risques judiciaires de l’incompréhension ou de la colère du public, comme de les épauler par des recommandations nationales et des commissions d’éthique locales, pour leur épargner de porter sur leurs seules épaules le poids de ces arbitrages moraux.

    Si l’état de catastrophe implique une suspension des normes éthiques ordinaires, celle-ci doit cependant rester mesurée, surveillée et proportionnée à la gravité en constante évolution de la pénurie. Un juste équilibre doit être trouvé, en termes de communication sur le tri, entre la nécessité de modérer sa visibilité sensationnaliste pour protéger les personnels soignants et celle de faire comprendre au grand public qu’il ne peut pas attendre en situation de catastrophe les mêmes standards de soin qu’en temps normal.

    Un afflux non maîtrisé de patients jeunes et en bonne santé préalable, en besoin vital de ventilation mécanique, soulèverait d’autres dilemmes plus graves encore, si, ici ou là, les critères médicaux de pronostic et d’espérance de vie se révélaient insuffisamment pertinents pour opérer le tri. Dès lors que l’expertise médicale ne serait alors plus seule en lice, se demander qui doit décider et selon quels critères apparaîtrait soudain comme un enjeu #éthique majeur, auquel la France ne s’est pas vraiment préparée.

    Pourtant, les pratiques de priorisation morale, dans un Etat démocratique, doivent refléter les valeurs de la collectivité, puisque aussi bien ce serait une mise en abîme sacrificielle de la nation tout entière que cette épreuve, si elle devait dégénérer. Il est impossible, sans doute, au cœur de la crise, de demander son avis au public.
    Mais l’exercice de retour d’expérience, après coup, devra inclure une réflexion sur les méthodologies à mobiliser pour s’assurer que les processus de tri soient justes, et une délibération collective non seulement sur le dimensionnement de notre système de #santé, mais aussi sur l’investissement financier et comportemental dans la « préparation à la catastrophe ». Au-delà du seul cercle médical, le tri est un enjeu démocratique majeur : mal compris, mal pensé, il peut constituer une violence morale aux effets destructeurs sur le tissu social et la cohésion nationale.

    Frédérique Leichter-Flack est maîtresse de conférences à l’université Paris-Nanterre et membre du comité d’éthique du CNRS. Elle a notamment écrit « Qui vivra qui mourra. Quand on ne peut pas sauver tout le monde » (Albin Michel, 2015).

  • LA SÉCURITÉ À L’HEURE DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
    https://www.institutparisregion.fr/fileadmin/NewEtudes/000pack2/Etude_2310/NR_833_web.pdf

    L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE EST DE PLUS EN PLUS IDENTIFIÉE PAR LES POLITIQUES ET LES INDUSTRIELS COMME UN DOMAINE D’INTÉRÊT MAJEUR POUR LA SÉCURITÉ PUBLIQUE. ON NE PARLE PLUS DE DISPOSITIFS DE VIDÉOSURVEILLANCE MAIS DE « VIDÉOSURVEILLANCE INTELLIGENTE », CE QUI IMPLIQUE LE RECOURS À UN LARGE SPECTRE DE TECHNIQUES DONT CELLE DÉDIÉE À LA RECONNAISSANCE FACIALE. CE N’EST PAS SANS POSER UN ENSEMBLE DE QUESTIONS : QUELLES SONT LES FINALITÉS DES PROJETS INTÉGRANT L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE À DES DISPOSITIFS DE (...)

    #RATP #algorithme #CCTV #biométrie #vidéo-surveillance #comportement #mouvement #surveillance

  • En 10 citations, la destruction néolibérale de l’Université publique

    Si elle est adoptée, la #Loi_de_programmation_pluriannuelle_pour_la_recherche (#LPPR) devrait assurément accélérer la destruction néolibérale de l’Université et de la recherche publiques, en particulier en accroissant une #précarité déjà endémique (en termes de statuts d’emploi), en accentuant les #inégalités entre établissements universitaires et entre laboratoires, et en rognant toujours un peu plus l’#autonomie (relative) des chercheurs·ses et des enseignant·e·s-chercheur·se·s.

    Mais, comme on le verra à travers les dix citations que nous avons sélectionnées, la LPPR (http://www.sauvonsluniversite.fr/spip.php?article8594) vient de loin et constitue une étape dans le projet stratégique des classes dominantes d’une inféodation toujours plus étroite de l’ensemble du système d’enseignement et de la recherche publique aux intérêts du capital (http://www.contretemps.eu/greve-universite-precaires), qu’il s’agisse de soumettre la production de connaissances aux intérêts immédiats des entreprises, de faire de l’Université un nouveau terrain d’accumulation (notamment via l’instauration de frais d’inscription élevés (https://www.contretemps.eu/a-lire-un-extrait-de-arretons-les-frais-pour-un-enseignement-superieur-g), tendant à une privatisation de son financement) ou de marginaliser tout ce qui pouvait limiter la fabrication scolaire ou universitaire du consentement à l’ordre social.

    Sur tout cela et pour aller plus loin, on pourra consulter notre dossier : « L’Université saisie par le néolibéralisme, entre marchandisation et résistances » (http://www.contretemps.eu/universite-capitalisme-marchandisation-resistances).

    *

    « L’#éducation et la #formation sont considérés comme des #investissements_stratégiques vitaux pour la réussite future de l’entreprise […]. L’#industrie n’a qu’une très faible influence sur les programmes enseignés. […] Les enseignants n’ont qu’une compréhension insuffisante de l’environnement économique, des #affaires et de la notion de #profit » (La Table-ronde des industriels européens, réunissant les 50 plus grandes firmes européennes, 1989, rapport « Éducation et compétence en Europe »).

    « La #responsabilité de la formation doit, en définitive, être assumée par l’industrie. […] Le monde de l’éducation semble ne pas bien percevoir le profil des collaborateurs nécessaires à l’industrie. […] L’éducation doit être considérée comme un service rendu au monde économique » (La Table-ronde des industriels européens, 1995).

    « Oubliée l’époque où universités et entreprises se regardaient en chiens de faïence… En quelques années, une nouvelle organisation de la recherche s’est mise en place autour de la figure emblématique du #chercheur-entrepreneur » (tirée de RDTinfo, le « magazine d’information sur la recherche européenne » publié par la Direction générale de la Commission chargée de la recherche, 2002, cité par Isabelle Bruno dans son livre À vos marques®, prêts… cherchez !).

    « Pour éviter de se heurter à un front de #résistance interne et externe qui conduirait à l’échec, la réforme doit être menée pas à pas, sans proclamation tonitruante » (Philippe Aghion et Elie Cohen, économistes auteurs du rapport « Éducation et croissance » dont est tiré cette citation, 2004).

    « À budget comparable, un chercheur français publie de 30 à 50% de moins qu’un chercheur britannique dans certains secteurs. Évidemment, si l’on ne veut pas voir cela – je vous remercie d’être venu, il y a de la lumière, c’est chauffé –, on peut continuer, on peut écrire… » (Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, en janvier 2009).

    « Le #CNRS dans son entier doit se placer à l’interface entre la création de valeur par ses scientifiques et le captage de cette valeur par les #entreprises » (Alain Fuchs, alors Président du CNRS, en 2010).

    « La plupart des universités n’ont pas la culture d’un #centre_de_coûts, Or, si on est autonome, si on gère son budget, on est un centre de coûts et un #centre_de_profits. Il faut qu’elles acquièrent cette culture. Il faut savoir formater une offre et faire payer les factures. Et ne pas considérer que, lorsqu’on fait une prestation pour l’#hôpital ou le CNRS, elle doit être gratuite parce qu’on fait partie du #service_public ! » (Geneviève Fioraso, alors ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, en janvier 2014).

    « Il faut bannir du vocabulaire les mots de #concurrence et d’#excellence, détestés par les syndicats d’enseignants et d’étudiants. Remplacer ces #mots systématiquement par #ouverture et #diversité. Dans un système ouvert et divers, on répond aux demandes des jeunes et des familles, on permet à chacun d’aller aussi loin que ses capacités le permettent. La #sélection ne signifie pas #exclusion mais plutôt #orientation. En contrepartie les universités devront ouvrir des formations adaptées aux étudiants mal préparés, issus des séries de bac techno ou pro. Il n’y aura aucun #rationnement, aucune exclusion » (Robert Gary-Bobo, professeur d’économie à l’ENSAE, conseiller de Macron pour l’enseignement supérieur, note à l’adresse du candidat Macron transmise en novembre 2016).

    « On peut imaginer maintenir dans chaque université quelques formations de licence quasi-gratuites dans les grandes disciplines à côté de #formations_payantes. L’ancien système à côté du nouveau. Ces #formations_gratuites seront bientôt désertées, sauf par les militants de l’#UNEF, qui mettent 6 ans à faire une licence » (Robert Gary-Bobo, professeur d’économie à l’ENSAE, conseiller de Macron pour l’enseignement supérieur, note à l’adresse du candidat Macron transmise en novembre 2016).

    *

    « Cette loi [de programmation pluriannuelle de la recherche] doit être à la hauteur des enjeux pour notre pays. Il faut une loi ambitieuse, inégalitaire – oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne, qui encourage les scientifiques, équipes, laboratoires, établissements les plus performants à l’échelle internationale, une loi qui mobilise les énergies » (Antoine Petit, PDG du CNRS, décembre 2019).

    http://www.contretemps.eu/neoliberalisme-universite-dix-citations

    #citations #néolibéralisme #université #France #université_publique #gratuité #darwinisme_social #enseignement #enseignement_supérieur #ESR

    –---

    Concernant la dernière citation et le darwinisme social promu par #Antoine_Petit, voir :
    https://seenthis.net/messages/815560

    Sur la LPPR, voir aussi :
    https://seenthis.net/messages/819491
    –-> et les actions de résistance : https://seenthis.net/messages/820393

    ping @reka @isskein

    • Dossier : l’Université saisie par le néolibéralisme, entre #marchandisation et #résistances

      L’Université est au cœur du processus de #marchandisation_néolibérale, au moins depuis le début des années 2000. Mise en concurrence des équipes de recherche, mise en marché de l’enseignement supérieur, libéralisation ou augmentation des frais d’inscription, développement des établissements privés, introduction de logiques commerciales et d’acteurs capitalistes… la marchandisation prend plusieurs formes et transforme les conditions de travail et d’existence des universitaires, des personnels administratifs et techniques, mais aussi des étudiant·e·s.

      Si les mobilisations ont été nombreuses – en France comme ailleurs (Chili, Québec, etc.) –, avec plus de défaites que de victoires, ces résistances ont contribué à former une jeunesse fortement mobilisée contre le capitalisme néolibéral et ont posé les jalons d’un projet d’Université – libérée des impératifs marchands, gratuite et émancipatrice.

      http://www.contretemps.eu/universite-capitalisme-marchandisation-resistances

  • RATP : le plus gros producteur de données d’Ile-de-France - ZDNet
    https://www.zdnet.fr/actualites/ratp-le-plus-gros-producteur-de-donnees-d-ile-de-france-39898237.htm

    Technologie : Maintenance prédictive, amélioration de l’expérience voyageur, nouvelles formes de mobilité…. l’opérateur de transports publics a engagé, depuis près de trois ans, un vaste programme de valorisation de la donnée. Dans le cadre de sa stratégie de transformation numérique initiée début 2017, la RATP a entrepris un profond travail de valorisation de ses données. Dans le cadre de son plan d’excellence opérationnelle ferroviaire, ce chantier porte notamment sur la gestion des flux voyageurs dans (...)

    #RATP #géolocalisation #data #DataBrokers

  • Pour une pratique critique de la carte en sciences sociales

    Cette communication s’appuie sur un recueil d’arguments convergents pour une mise en critique de la carte en tant que récit sur et de l’homme habitant la Terre. Son objet est initialement une intuition qui a donné lieu au fil des années à une compilation de textes et d’expérimentations cartographiques. La proposition du séminaire a été vue comme une occasion de confronter mon approche, de passer de l’intuition à une première formalisation. La position que je défends ici s’est construite à partir des travaux de l’anthropologue Tim Ingold, des démarches d’appropriation et de déconstruction de la cartographie par l’art et des positionnements de cartographes tels que Philippe Rekacewicz. De cette discussion, je définis plusieurs enjeux qui traversent la pratique cartographique et le recours aux cartes, qui me semblent justifier une pratique critique de la carte en sciences sociales.

    Je suis géographe, j’ai donc derrière moi une formation et une pratique de la cartographie que l’on peut qualifier de “classique” (Beguin et Pumain, 2014). J’ai appris à faire un croquis cartographique des Barkhanes (dunes) du Sahara, à faire un carte dans un tableur Excel (des localisations x, y) puis à analyser de l’information géographique, à écrire de scripts informatiques pour automatiser la mesure et le dessin des déplacements d’enquêtés, ou encore à définir mathématiquement (discrétisation) et esthétiquement (sémiologie graphique) comment représenter une variable sur un fond de carte. De par mon parcours, la carte s’est d’abord révélée être un outil, et même un multi-tool tant la cartographie a vu ses usages s’enrichir et se diversifier avec l’informatique et le développement des SIG (Système d’Information Géographique) et d’outils interactifs par le biais du web et le recours quasi-généralisé aux GPS (Global Positioning System). Cette richesse de pratiques et d’approches qu’il y a derrière la carte rend parfois difficile son appréhension. Il est fréquent, selon les affinités et les parcours des cartographes (et ce terme est très large), que l’attention soit particulièrement portée sur un aspect au détriment d’un autre, de la production de la donnée à la représentation graphique, du questionnement au traitement statistique, de l’intention au public visé. Finalement plus que la carte en elle-même ce qui peut faire défaut ce sont des informations, des indices pour situer la carte, accéder à la carte et lire la carte. Autrement dit : La carte pour qui ? La carte pour quoi ? (Groupe dupont, 1986). Bien que je revienne à ces aspects en fin de discussion, comme tout géographe qui porte une réflexivité sur la carte (Bord 2012), c’est d’abord à partir du livre de Tim Ingold, Une brève histoire des lignes (2011), que je souhaite introduire une lecture critique de la cartographie. Car s’il est particulièrement important pour la discipline géographique de s’interroger sur la normativité de la carte dans la production de connaissances scientifiques en sciences humaines, et d’en interroger le rôle dans sa diffusion croissante dans la société (Beguin et Pumain, 2014), ces questionnements et discussions sont très largement “géographo-centrés” (Groupe Dupont, 1986 ; Roques, 1993 ; Bord, 1997 ; Bavoux, 2009) et l’enjeu est souvent celui de la géographicité de la carte (Verdier, 2015) ou de la carte comme attribut de la géographie (Bord, 2012). Je trouve donc particulièrement opportun de situer ici la réflexion à l’échelle des sciences sociales afin de s’émanciper de ce tropisme disciplinaire.

    C’est donc la carte comme récit qui me semble particulièrement justifier une démarche de déconstruction de l’objet et de sa fabrique : la carte en général contribue à produire une normativité de nos rapports à l’espace et de nos discours sur l’espace. La critique de la fabrique cartographique et de son usage qui émerge de la lecture de Tim Ingold (2011) renvoie effectivement à un positionnement plus général de remise en cause de la science positiviste et de son régime de connaissances. On retrouve par ailleurs cette approche dans l’ouvrage de recension de pratiques artistiques mobilisant la carte, Géo-esthétique : “La cartographie en tant que discipline a été profondément imbriquée dans la production performative des récits de la modernité, de la rationalité et du positivisme mais aussi de l’histoire du colonialisme et des récits nationaux, et qui se trouve aujourd’hui largement re-signifiée par l’intervention de contre-pratiques et de contre-cartographies d’artistes.” (Quiros et Imhoff, 2014, p.6)
    Anthropologie de la ligne

    Tim Ingold est professeur au département d’anthropologie de l’Université d’Aberdeen en Écosse. Sa recherche vise à rompre avec le positivisme et à déconstruire la dualité nature/culture : il pense qu’en tant que scientifiques nous devrions nous appuyer sur nos “travaux pour critiquer, et remettre en cause certains présupposés dissimulés dans nos propres façons de penser” (Descola et al, 2014, p.45). Il invite ainsi à reconsidérer notre façon de produire de la connaissance sur l’expérience d’être au monde, et de ne plus nous percevoir, en tant que scientifiques, comme en dehors des objets que nous décrivons. Dans cette perspective, la cartographie en sciences sociales est, pour lui, une image et un récit qui contribue à “l’aplanissement du monde” (Descola et al, 2014, p.59).

    Dans Une brève histoire des lignes (2011), Tim Ingold se propose de décrypter l’histoire des formes que les hommes produisent en habitant le monde. Pour cela, il a recours à la ligne comme schème pour décrire différents rapports au monde :

    “Mon objectif est de montrer comment au cours de son histoire la ligne s’est progressivement détachée du mouvement qui l’avait fait naître, autrefois tracée d’un geste continu la ligne a été fragmentée sous l’influence de la modernité et transformée en une succession de traits et de points […] cette fragmentation s’est manifestée dans plusieurs domaines connexes : celui du voyage, où le trajet fut remplacé par le transport orienté vers une destination ; celui des cartes, où le croquis cartographique fut remplacé par le plan de route ; et celui de la textualité, où la tradition orale du récit fut remplacée par la structure narrative prédéfinie. La fragmentation a aussi modifié notre conception du lieu : autrefois nœud réalisé à partir d’un entrecroisement de fils en mouvement et en développement il est désormais un point nodal dans un réseau statique de connecteurs.” (Ingold, 2011, p.100).

    Par cette approche, Tim Ingold met en valeur notre distanciation de plus en plus importante vis-à-vis de l’expérience : ainsi, dans la lecture, tout comme dans le récit et le voyage, “c’est en cheminant qu’on se souvient. La mémoire doit donc s’entendre comme un acte : on se souvient d’un texte en le lisant, d’un récit en le racontant et d’un voyage en le faisant” (Ingold, 2011, p.27). Ainsi, Ingold nous invite à mieux entrevoir ce qui fait la trame de notre existence, et à garder une attention aux liens, aux accumulations et aux trajectoires. Il oppose les processus d’occupation et d’habitation de nos environnements pour “mettre en évidence les difficultés contemporaines rencontrées par les hommes obligés d’habiter dans un environnement prévu et expressément construit pour les besoins de l’occupation” (Bessy, 2012).

    A propos des cartes, il montre que sa forme moderne efface la mémoire (Ingold, 2011, p.37). Il explique que ce qui a permis de faire la carte, les expériences des voyageurs, tous ces témoignages, sont totalement absents de la carte moderne. C’est comme si tout avait été assimilé à un passé qui a été recouvert et, reprenant l’expression de Michel de Certeau, “la carte élimine toute trace des pratiques qui l’ont produites, donnant l’impression que la structure de la carte découle directement de la structure du monde” (Certeau, 1980, p.178-179 ; Ingold, 2011, p.37). Cet aplanissement du monde par la carte peut être compris comme une forme de distanciation de la réalité, du rapport au monde dont la carte souhaite témoigner, mais aussi des étapes par lesquelles est passé le cartographe, pour concevoir sa carte, pour en produire les formes. On voit là que la critique s’applique de façon conjointe au contenu et à la forme de la carte, leur dissociation étant justement cette évolution soulignée par Ingold. Finalement le rapport au terrain, à la récolte des données, le choix du cadre ou de son absence, de l’échelle sont autant d’éléments dont la carte tait le processus de construction pour conserver la seule information que l’on souhaite communiquer. Dans cette perspective, les cartes écrasent la richesse et la diversité des expériences, les nuances des vécus et des expressions, celles du cartographe y compris et c’est peut-être par là qu’il faut commencer pour se réapproprier la carte.

    L’enchaînement des gestes qui aboutissent à la carte est peu discuté et encore moins représenté, soit par ignorance soit par manque d’intérêt, même chez les cartographes. Ainsi la distanciation au terrain est très largement sous-estimée voire ignorée, alors qu’elle est, par exemple, un effet direct lié à l’usage massif de données secondaires pour produire des cartes. L’incertitude liée aux données, à leur mise en forme, à la façon dont les informations ont été réunies sont autant d’aspects absents de la carte. Or de ce fait, la distanciation peut s’opérer dès la formulation de la carte dans l’esprit du cartographe. Cela n’est pas sans évoquer les enjeux que renferme une certaine mise en chiffres du monde (voir Alain Desrosières, La Politique des grands nombres : Histoire de la raison statistique, Paris, La Découverte, 1993).
    La carte, l’instrument de sa propre critique

    L’opposition de Tim Ingold entre la carte et le croquis cartographique est radicale dans la mesure où il ne laisse pas entrevoir de ponts. C’est pourtant ce que je souhaite revendiquer : il existe une place pour une cartographie indiciaire – en référence au paradigme de l’indice de Carlo Ginzburg (1980) – une cartographie de la trace qui viendrait rendre compte de nos trajectoires dans le monde, des lignes qui tissent une connaissance géographique sur notre “être au monde”, c’est-à-dire une cartographie qui rompt avec le schème de l’occupation et d’exercice du pouvoir sur l’espace (par la fragmentation et l’intégration) pour se positionner dans une connaissance de l’habiter.

    Tim Ingold n’évoque pas de perspectives pour la cartographie de s’émanciper de son caractère normatif. Mais je pense qu’il propose là, sans le formuler lui-même, un cadre à l’émancipation du cartographe en sciences sociales : comprendre le régime de spatialité dans lequel nous nous insérons et chercher à le fissurer, à rendre tangible d’autres rapports à l’espace. Cette approche doit [re]mettre l’expérience au cœur de la démarche cartographique pour déconstruire nos usages de la cartographie. C’est un enjeu central parce qu’il se décline à la fois dans le contenu de la carte, garder les liens avec l’expérience, et à la fois dans sa forme, proposer une expérience cartographique. Plus qu’une définition de ce que serait une cartographie critique, je préfère identifier ici des enjeux à partir desquels chacun peut se positionner. La carte est un récit qu’il convient d’appréhender par ce que l’historien Christian Jacob définit en 1992 (Bord, 2012) comme ses deux dimensions fondamentales : “la matérialisation et la communication”. Or il apparaît nécessaire de resituer ces deux aspects de la carte dans leur contribution à une certaine normativité du rapport à l’espace et de la conception de l’espace même, et, dans les pas de Brian Harley (Gould et Bailly, 1995 in Quiros et Imhoff, 2014, p.6), de considérer les “cartes “scientifiques” […] comme des formes de savoir socialement construites, des fictions esthétiques disciplinant l’espace.” De ce point de vue, la lecture de différents textes du cartographe Philippe Rekacewicz (2010, 2013, 2015) est opportune car il propose notamment des pistes pour une pratique critique de la cartographie qui font écho aux enjeux évoqués jusqu’ici : l’aplanissement du monde, où la carte doit être critiquée pour son rôle dans une spatialité de l’occupation, où les lieux sont intégrés dans des réseaux, les lignes découpent et attribuent des rôles et des fonctions. La carte est alors un objet d’exclusion. Le lien entre l’expérience et la mémoire, où la carte doit être critiquée pour son écrasement des histoires constitutives de son contenu et de sa forme, pour la distanciation qu’elle crée vis-à-vis des expériences qui se cachent derrière les lignes, points, couleurs, données. La carte donne à voir des formes comme si elles préexistaient aux hommes qui en sont les producteurs, alors que c’est l’engagement de nos corps dans le monde qui crée les formes.
    La cartographie expérimentale

    Philippe Rekacewicz est un cartographe qui a longtemps travaillé pour le journal français Le Monde Diplomatique, qui co-anime aujourd’hui le site visionscarto.net avec Philippe Rivière. De par son engagement entre cartographie, art et militance, il a largement communiqué sur ce qu’est la carte et les enjeux que revêt l’acte de cartographier (Rekacewicz, 2010, 2013, 2015, 2016). Pour lui, la carte est un dialogue permanent entre l’imaginaire et le réel, une production qui représente la manière dont le cartographe voit le monde, voire comment le cartographe aimerait que soit le monde (Rekacewicz, 2010) : ce sont des informations qui passent par le filtre de la sensibilité du cartographe. Il revendique ainsi une dimension émotionnelle de la carte, qui produit un effet sur ses lecteurs, comme il en témoigne à partir de la réaction d’une personne lors d’une exposition de ses cartes : “On sent bien que, quand le cartographe a dessiné cette carte, il était très en colère !” (Rekacewicz, 2010). Par ailleurs, Philippe Rekacewicz témoigne de ce que cartographier implique et revendique le besoin de rendre compte d’une certaine forme d’imprécision – du tâtonnement du cartographe – tout comme de l’incertitude inhérente aux données que l’on utilise. Pour lui “l’esquisse permet, si l’on peut dire, de “reproduire fidèlement” l’imprécision, et surtout de la rendre légitime” (Rekacewicz, 2010). On retrouve là la réflexion à propos du croquis cartographique chez Ingold (2011, p.112). Pour Philippe Rekacewicz, c’est une façon de relativiser les connaissances représentées ou produites par la carte. Cela questionne aussi le rôle de la donnée, de la valeur qu’on lui donne, de l’accès au terrain qu’elle permet ou non : quels sont les liens que l’on choisit de conserver vis-à-vis de l’expérience ? Comment rendre compte de la chaîne de production cartographique ? Il est intéressant de souligner que Philippe Rekacewicz y voit aussi un enjeu en termes de travail collectif : une carte est rarement issue d’une seule personne et, à partir du moment où elle mobilise des données secondaires, elle implique les gens qui ont produit ces données (Rekacewicz, 2015).

    Il réfute par ailleurs la carte comme objectivation du monde et revendique une production subjective de la carte, qui est bien plus qu’un objet de référencement pour la science géographique (Rekacewicz, 2010). Dans ce registre, s’il ne rompt pas avec la cartographie régionale, il la met en discussion, à l’instar d’Elisée Reclus (Reclus, 1903 ; Monsaingeon, 2014 ; Chollier et Ferretti, 2016), en soulignant l’existence avant tout cartographique des frontières. Il parle “d’indigente représentation visuelle” à propos de la frontière (le même trait noir ou rouge) qui aplanit une réalité plus complexe et diverse de la frontière “qui divise des peuples, ou les regroupe. Soit elle menace, soit elle protège, ici c’est un mur, là un grillage, parfois une ligne et souvent… rien” (Rekacewicz, 2010). A propos de cet “aplanissement du monde” il y reconnaît également l’expression de l’occupation et de l’autorité : “c’est en tout cas les frontières qui permettent de grouper les pays et d’esquisser une géographie régionale. Mais toujours avec le risque d’exclure l’autre, de nier l’existence de “ceux qui ne sont pas dans le groupe” (Rekacewicz, 2010).

    Enfin, il perçoit dans ces différents mouvements de contre-cartographie “un exercice libre de déconstruction de l’espace et des phénomènes sociaux, pour lequel les protagonistes se permettent de pervertir les conventions les plus classiques.” (Rekacewicz, 2013). Ces pratiques cartographiques d’artistes et leurs postures critiques sont un écho extrêmement consistant et fertile pour se positionner sur les enjeux que j’ai soulevés jusqu’ici. Ces mouvements ne se privent d’ailleurs pas de discuter et de conceptualiser leur approche, dont le projet est ainsi résumé en introduction de l’ouvrage Géo-esthétique : “à travers notamment une critique des articulations entre espace, pouvoir, savoir et des géographies imaginatives, il s’agirait de défaire ces topographies instituées, autant physiques qu’imaginaires, et d’ouvrir les disciplines de l’espace et la “rationalité cartographique” (Farinelli, 2003) à une révision géo-historique.” (Quiros et Imhoff, 2014). C’est la déconstruction des usages de la cartographie et la reconnaissance d’autres formes de représentation qui permettent de se réapproprier la cartographie tout en rappelant sans cesse, dans un écho à Michel de Certeau, que la carte n’est pas le monde.
    Bibliographie

    Bavoux J-J., (2009), « Chapitre 6 – Quels sont les rapports entre la carte et le géographe ? », in Bavoux J-J. (dir), La géographie. Objets, Méthodes, Débats, Paris, Armand Colin, « U », p. 114-133.

    Beguin M. et Pumain D., (2014), La représentation des données géographiques, Paris, Armand Colin.

    Bessy C., (2012), « L’attention aux lignes », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2012/3 (n° 59-3), p. 143-149.

    Bord J-P, (2012) L’univers des cartes. La carte et le cartographe, Paris, Belin.

    Bord J-P., (1997), « Le géographe et la carte. Point de vue et questionnement de la part d´un géographe cartographe, Cybergeo : European Journal of Geography » [En ligne], Cartographie, Imagerie, SIG, document 17.

    Chollier A. et Ferretti F. (éds.), (2016), Élisée Reclus. Écrits cartographiques, Genève, Éditions Héros-Limite.

    Descola Ph., Ingold T., Lussault M., (2014), Être au monde. Quelle expérience commune ?, Lyon, Presses universitaires de Lyon.

    Ginzburg C., (1980), « Signes, traces, pistes. Racines d’un paradigme de l’indice », Le Débat, 1980/6 n° 6, p. 3-44.

    Gould P. et Bailly A., (1995), Le pouvoir des cartes. Brian Harley et la cartographie. Paris, Economica, Anthopos.

    Groupe DUPONT., (1986), « GÉOPOINT 86 : La Carte pour qui ? La carte pour quoi ? : Cartes et pratiques géographiques. » Colloque Cartes géographiques et cartographie, 26 au 31 mai 1986, Avignon : Groupe DUPONT.

    Ingold T., (2011), Une brève histoire des lignes, Bruxelles, Editions Zones Sensibles.

    Monsaingeon G., (2014), Mappamundi, art et cartographie, Marseille, Ed. Parenthèses.

    Plourde M-C., (2016), « Compte-rendu de lecture, Philippe Descola, Tim Ingold, Michel Lussault – Être au monde. Quelle expérience commune ? », Revue Emulations [en ligne].

    Quiros K. et Imhoff A. (dirs.), (2014), Géo-esthétique, Paris, Éditions B42.

    Reclus E., (2002), « L’enseignement de la géographie », in J. Cornualt (éd.), Du sentiment de la nature, Charenton, Premières pierres, p. 162-164.

    Rekacewicz Ph., (2010), « La carte, un objet graphique », entretien réalisé par Vincent Casanova et Caroline Izambert, Vacarme, 50/Cahier, pp. 70-72.

    Rekacewicz Ph., (2015), « La cartographie : entre science, art et manipulation », Conférence à l’université de Lille, cycle La Carte invente le monde, le 08/12/2015 à 18:00 | Durée 01:46:18.

    Rekacewicz Ph., (2013), « Cartographie radicale », Le Monde Diplomatique, Février 2013, p.15, [en ligne].

    Rekacewicz Ph. et Tratnjek B., (2016), « Cartographier les émotions », Carnets de géographes 9, [en ligne].

    Roques G., (1992), « La carte, le géographe et le cartographe », Tréma, 1, [en ligne].

    Verdier N., (2015), « Entre diffusion de la carte et affirmation des savoirs géographiques en France. Les paradoxes de la mise en place de la carte géographique au XVIIIe siècle », L’Espace géographique, 44, p. 38-56.

    Wathelet O., (2009), « Tim Ingold, Lines. A Brief History », L’Homme, 190.

    https://cne.hypotheses.org/237
    #carte #cartographie #ressources_pédagogiques #Tim_Ingold #Philippe_Rekacewicz #cartographie_critique #géographicité #géographie #récit #carte_comme_récit #normativité #fabrique_cartographique #modernité #rationalité #positivisme #colonialisme #récits_nationaux #nationalisme #contre-cartographie #art #ligne #mémoire #distanciation #croquis_cartographique #croquis #cartographie_indiciaire #être_au_monde #spatialité #espace #expérience #matérialisation #communication #Christian_Jacob #fictions_esthétiques #imaginaire #réel #sensibilité #émotions #imprécision #tâtonnement #incertitude #esquisse #donnée #données #subjectivité #objectivité #frontière #frontières #aplanissement #occupation #autorité #contre-cartographie

    @reka

  • Des #lycéens interdits de se présenter à une épreuve de contrôle continu du bac pour avoir manifesté

    Dix-sept élèves d’un #lycée de #La_Rochelle n’ont pas eu le droit de participer à une épreuve de #rattrapage en histoire-géo, après avoir manifesté et tenté de bloquer leur lycée le 20 janvier.


    https://www.liberation.fr/checknews/2020/01/31/des-lyceens-interdits-de-se-presenter-a-une-epreuve-de-controle-continu-d

    #résistance #répression #blocage #enseignement #éducation

    • « Pour faire suite à votre demande en date du 22 janvier 2020 par laquelle vous souhaitez que votre enfant soit autorisé à se présenter à l’épreuve de rattrapage en histoire-géographie, j’ai le regret de vous faire savoir que je ne peux pas donner une suite favorable », peut-on lire dans ce courrier.

      De fait, après des manifestations le 20 janvier devant l’établissement, auxquelles avaient pris part certains lycées, un grand nombre d’élèves n’avaient pu participer à cet examen. Une épreuve de rattrapage a été organisée dix jours plus tard. Mais, parmi les élèves n’ayant pu participer à l’examen d’origine, 17, se sont vus refuser le droit de participer au rattrapage. Sanctionnés pour avoir manifesté, participé au blocage du lycée...ou s’être abonnés à un compte Instagram appelant au blocage du lycée.

      Tout commence donc le lundi 20 janvier au matin, devant le lycée Valin, où des barricades avaient été installées devant l’établissement en signe de protestation contre la tenue des nouvelles épreuves communes de contrôle continu, les E3C, comme le raconte le quotidien régional Sud-Ouest. Même si le passage n’était pas totalement bloqué, la tenue de l’épreuve d’histoire-géographie a été fortement perturbée. « L’établissement a maintenu l’épreuve alors que les conditions d’accès n’étaient pas assurées, donc il y a eu beaucoup d’absences », observe un parent d’élève. « Le proviseur nous a envoyé un courriel en nous disant que les conditions d’accès seraient garanties et que notre enfant devait être présent à l’épreuve. Si ce n’est pas le cas, c’est un zéro assuré sans recours possible au rectorat. Ce matin, il est venu dire qu’il fallait entrer à tout prix. Je ne vais pas envoyer ma fille sur les barricades », expliquait ainsi une maman d’élève à Sud-Ouest.

      De fait, le proviseur Fabrice Pelletier avait envoyé un mail à l’attention des élèves concernés, avertissant des sanctions en cas d’absence : « Depuis le début de la semaine, nous observons quelques manifestations de protestation et notamment un appel à bloquer l’établissement lundi matin. Les E3C sont programmées et vont bien se dérouler comme prévu. Les absents se verront réglementairement attribuer la note de zéro. Aucun recours au rectorat ne pourra modifier cette règle. »

      Le lendemain, 19 minutes avant le début des épreuves, le proviseur réitère son avertissement : « Nous sommes à une demi-heure des épreuves, je vous rappelle que tous les élèves absents aux épreuves E3C sans justificatif valable ne seront pas admis à la session de rattrapage. Je vous invite à rejoindre maintenant les salles d’examen. » Sur une photo prise par Xavier Léotye et publiée dans Sud-Ouest, on aperçoit Fabrice Pelletier au milieu des élèves mobilisés en train d’aider une jeune fille à passer par dessus la grille. « Il a réussi à en faire passer quelques-uns », remarque le photographe.

      17 élèves non autorisés à participer au rattrapage
      Au total, sur les 450 élèves convoqués ce jour-là, 27% d’entre eux ont été absents à l’examen, soit environ 120 élèves. D’où la tenue d’une épreuve de rattrapage en histoire-géographie, qui avait lieu ce jeudi. A laquelle 17 élèves se sont donc vu refuser par courrier le droit de se présenter.

      Pour justifier cette décision, le proviseur s’appuie sur l’article 12 de l’arrêté du 16 juillet 2018 relatif aux modalités d’organisation du contrôle continu, qui précise : « En cas d’absence pour cause de force majeure dûment constatée à une épreuve commune de contrôle continu, le candidat est convoqué à une épreuve de remplacement dans les conditions fixées à l’article 4. »

      Dans 17 cas, le proviseur a donc estimé que l’absence lors de la première épreuve n’était pas motivée par une raison de « force majeure ». Parmi les arguments invoqués pour justifier cette décision, expliqués dans les différents courriers envoyés : le fait d’avoir participé aux manifestations ou/et au blocage du lycée. Mais aussi, de façon plus surprenante, le fait de s’être abonné au compte Instagram @BlocusValin, toujours en ligne à l’heure où nous écrivons ces lignes et qui appelait au blocage du lycée Valin il y a déjà deux semaines.

      « Par ailleurs, son profil Instagram s’est abonné ce jour-là au compte @BlocusValin. Ainsi, le caractère imprévisible n’est pas démontré », écrit dans plusieurs courriers envoyés le proviseur du lycée, en s’appuyant sur les trois critères prouvant qu’une absence relève d’un cas de force majeure : elle doit être « extérieure », « irrésistible » et « imprévisible ».

      Les 17 courriers envoyés se terminent de la même façon : « Il convient dès lors d’appliquer le dernier alinéa de l’article 12 de l’arrêté du 16 juillet 2018 », qui explique que l’absence ne relève pas d’un cas de force majeur, « la note zéro est attribuée au candidat pour l’épreuve auquel il n’a pas assisté ».

      Contacté par CheckNews, un parent d’élève explique : « Ils ont décidé de faire un tri entre les élèves qui ont participé et ceux qui ont subi. Parmi les élèves qu’ils ont reconnus comme bloqueurs, le fait qu’ils soient membres du groupe Instagram a été perçu comme une circonstance aggravante. »

      Plusieurs élèves interrogés par CheckNews ne comprennent pas non plus comment le choix a été fait parmi les manifestants, entre ceux qui sont autorisés à participer au rattrapage et ceux qui ne le sont pas. « Moi, par exemple, j’étais abonné au compte Instagram, mais on ne me l’a pas reproché », dit l’un, qui explique également s’être présenté ce jeudi matin à l’examen de rattrapage, mais s’être vu refuser l’accès car non inscrit sur les listes. « Nous, on manifestait pour avoir des examens plus justes. Et on nous répond avec plus d’injustice encore. Je savais que je risquais un zéro, mais je ne comprends pas pourquoi seulement une vingtaine d’élèves ont été pénalisés. J’ai l’impression qu’ils ont choisi un peu au pif », estime une autre élève de première, qui n’a pas non plus pu participer au rattrapage.

      Joint par CheckNews, le proviseur du lycée nous a redirigés vers le rectorat de Poitiers. Qui n’a, pour l’heure, pas répondu à nos sollicitations.

    • Répression policière contre des lycéens à Strasbourg

      200 lycéens et des enseignants, soutenus par des gilets jaunes et des militants CGT, bloquaient le lycée Marie-Curie ce matin vers 7h pour protester contre le nouveau bac. La police est intervenue violemment et a interpellé trois jeunes.
      Pendant ce temps, le ministre Blanquer, attendu à Strasbourg ce jeudi, décommandait sa venue. Courageux mais pas téméraire, d’autant que cet après-midi à 14 h rendez-vous avait été donné pour une nouvelle manifestation intersyndicale et Gilets jaunes, place de la Bourse. L’occasion de crier notre refus de la casse des retraites solidaires et de protester contre la répression policière.

      https://la-feuille-de-chou.fr/archives/104338

      #Strasbourg #répression_policière

  • Les Vœux de la Coordination RATP SNCF IDF
    https://www.youtube.com/watch?v=dYMyq7v-OW4

    Les grévistes des transports IDF, rassemblés en Coordination, vous présentent leurs vœux 2020.
    Anasse Kazib
    RS-RATP

    Vœux 2020 des grévistes RATP/SNCF
    Coordination francilienne RATP/SNCF

    https://blogs.mediapart.fr/jean-marc-b/blog/311219/voeux-de-la-coordination-ratp-sncf-de-la-coordination-idf-la-breche-
    https://www.revolutionpermanente.fr/IMG/pdf/sans_titre-1.pdf

    Avant de commencer cette conférence de presse, on tient à dénoncer la répression que nos collègues de bus et tous leurs soutiens subissent depuis plusieurs jours devant les dépôts. Une répression particulièrement violente par la #Brigade_anti-criminalité qui a fait des blessés comme hier à Saint Denis, où un étudiant a été blessé puis arrêté par la police, ou encore ce matin à Ivry ou à Pavillon-sous-bois, où un collègue a dû partir aux urgences et a deux points de suture.

    Le président vient de transmettre ses vœux aux Français. Sans grande surprise il fait le vœu de continuer le pourrissement de la situation pour la rentrée 2020, en maintenant une réforme des retraites nocive pour l’ensemble des travailleurs et travailleuses du privé comme du public, mais également pour l’ensemble des générations futures.

    Depuis le 5 Décembre et après, les cheminots, les agents RATP, l’Education nationale, l’énergie, les raffineurs, les artistes de l’Opéra de paris, ainsi qu’un grand nombre d’entreprises du privé comme du public, sont en grève contre la réforme des retraites initiée par Jean-Paul Delevoye. Ni amendable, ni négociable, la base veut le retrait total et point barre.

    Nous sommes actuellement au 27ème jour de grève, sans aucune interruption. Nous avions prévenu le gouvernement
    que sans l’annonce du retrait, aucune trêve ne verrait le jour. Emmanuel Macron et son jusqu’au-boutisme mènent donc le pays vers une paralysie total pour la rentrée 2020.

    Nos vœux s’adresseront tout d’abord à l’ensemble des usagers des transports publics qui, nous le savons, sont impactés par la stratégie de pourrissement du Président de la République. Si certains politiques et médias passent leur temps à vouloir nous opposer les uns aux autres, nous connaissons votre solidarité et votre fraternité dans cette période. Nous sommes dans le même camp. L’ensemble des sondages d’opinion, les rencontres dans la rue, ou encore les caisses de grève que vous alimentez quotidiennement , témoignent de cette solidarité et nous vous en remercions chaleureusement.

    Nous réaffirmons dans nos vœux la nécessité de faire du transport public, le transport de toutes et de tous, contre la privatisation et le dumping social. C’est pour cela que nous souhaitons que le transport devienne #gratuit, d’une part car il est d’intérêt public et non d’intérêt lucratif, mais également car les transports gratuits participent directement à la réduction des émissions de carbone dans l’ #environnement. C’est au patronat de financer les transports, car la grande majorité des trajets en transport se font entre le domicile et le travail. Pourquoi donc un travailleur devrait-il continuer à payer un abonnement ou bien même la moitié, pour aller faire tourner l’entreprise d’un patron ?

    Nous dénonçons également le double discours de la direction de la #SNCF concernant les fêtes de fin d’année. D’un côté, elle fait croire qu’elle s’inquiète pour les usagers qui auraient eu des difficultés à prendre le train, et de l’autre, elle augmente les prix des billets #TGV durant #Noël de manière révoltante, allant parfois jusqu’à annuler des réservations pour revendre ces mêmes places à des prix prohibitifs.

    Nous dénonçons également l’attitude de la #RATP qui, pour donner l’illusion d’un retour progressif à la normale, envoie ses mercenaires de la « Réserve Générale » sur les tronçons de ligne traversant les beaux quartiers parisiens, abandonnant de fait à leur sort les prolétaires des quartiers populaires. Ils ont par ailleurs laisser les usagers payer 70 euros de pass Navigo pour ensuite les entasser comme des sardines.

    Nous souhaitons également attirer l’attention de l’ensemble de la population sur les risques importants que sont en train de prendre le gouvernement et les entreprises de transport. En effet, l’entretien du réseau ferroviaire, mais également du matériel RATP ou SNCF, ne se fait quasiment plus depuis le début de la grève, car la grève est importante également dans les métiers de la maintenance . Le gouvernement joue donc à la roulette russe avec chacune des circulations. Nous alertons l’opinion publique sur ces dérives, la vie des usagers ne doit pas être mise en danger pour faire passer cette reforme nocive coûte que coûte.

    Cette bataille contre le gouvernement n’est en réalité que la continuité de la crise sociale importante que le gouvernement #Macron a accentuée par ses multiples contre-reformes. En deux ans, la politique d’Emmanuel Macron aura fait surgir le mouvement le plus subversif de la 5ème République avec les #Gilets_jaunes, et il détient dorénavant le record de la #grève la plus importante depuis 1995, avec l’ensemble des #organisations_syndicales contre lui.

    Nous continuerons donc dès 2020 à lutter contre cette reforme qui ne propose rien d’autre qu’un monde de précarité aux actifs et aux générations futures. Au-delà du retrait de la réforme des #retraites, nous sommes conscients, nous grévistes, que c’est toute la société qu’il faut révolutionner. Une société avec plus de 6,5 millions de chômeurs, 9 millions de personnes qui vivent avec moins de 1000 euros par mois, 200.000 SDF dans les rues. La question n’est donc pas uniquement sur la retraite, mais sur quel monde nous voulons pour nos enfants. Voulons-nous un monde où des ministres qui cumulent 14 mandats demandent de l’équité à ceux d’en bas ? Voulons-nous un monde où c’est le leader américain des fonds de pension #Black_Rock qui va décider de nos pensions ? Voulons-nous un monde où la #fraude_fiscale annuelle est équivalente à 60 fois la #dette du système des retraites ?

    Nous l’affirmons, cette reforme du système par points ne vise rien d’autre qu’à niveler les pensions de retraite par le bas et c’est contre cela que nous nous battons. Nous sommes pour un système de retraites nivelé par le haut, permettant aux millions de travailleurs de profiter de leur vie, leur famille, leurs enfants, après des années de travail. Un système de retraites prenant en compte réellement la #pénibilité de l’ensemble des métiers et non seulement de quelques corporations. Nous pensons au #travail_de_nuit, aux métiers exercés en plein air avec le froid et la chaleur, etc. Le gouvernement voudrait faire croire à la population que le système #Delevoye serait positif, mais pourtant il en a déjà exclu un certain nombre comme la police, les militaires, les pilotes ou autres.

    Le gouvernement de la hausse de la #CSG, de la hausse des taxes, de la suppression de l’ #ISF, de la #FlatTAXE, de l’ #ExitTaxe, du doublement du #CICE en cadeau aux entreprises, de la fermeture des classes à l’école ou encore des lits d’hôpitaux, serait devenu bienveillant à l’égard des travailleurs ? Baliverne.

    Contre l’idée d’une reforme façon Delevoye et Black Rock, nous appelons à la mise en place d’une reforme des retraites financée par le patronat pour permettre aux millions de travailleurs de partir plus tôt avec une pension calculée a minima sur les 6 derniers mois de salaire. Jamais le PIB n’a été aussi élevé, jamais les dividendes aux actionnaires n’ont été aussi élevés, jamais la fraude fiscale n’a été aussi importante, et les cadeaux aux plus riches toujours aussi nombreux. Le #Conseil_d’orientation_des_retraites indique par exemple dans sont rapport qu’avec l’augmentation des #cotisations de 0,3% l’ensemble des régimes seraient à l’équilibre. C’est donc au patronat de prendre en charge cette augmentation et non pas à l’ensemble des travailleurs et la jeunesse de ce pays. De nombreux économistes démontrent également qu’avec 3 à 4% du PIB l’ensemble des salariés pourrait partir à 60 ans à taux plein avec le meilleur calcul de retraite. En somme, c’est à peine la moitié de la fraude fiscal annuelle. Des milliards, il y en a, mais aujourd’hui ils sont concentrés dans les mains des patrons qui pour beaucoup suppriment des emplois et disparaissent dans la nature.

    C’est donc une bataille importante pour notre avenir qui se joue aujourd’hui. Nous appelons à la solidarité financière de
    tous ceux qui nous soutiennent pour que nous puissions tenir le temps nécessaire pour gagner.
    Il est temps également que l’ensemble des confédérations syndicales mettent la main à la poche et participent à l’effort des grévistes depuis 27 jours maintenant. Mais par dessus tout nous appelons les confédérations syndicales à travailler réellement et concrètement pour faire rentrer l’ensemble des secteurs dans la grève générale pour gagner.

    Hier, à l’appel de cette même coordination, une importante délégation des grévistes RATP et SNCF s’est rendue à
    Grandpuits pour soutenir et encourager les grévistes de la raffinerie à poursuivre et à durcir le mouvement à nos côtés.

    Nous appelons l’ensemble des secteurs, du privé comme du public, ainsi que la jeunesse, à nous rejoindre dans la lutte. Cela va faire un mois qu’on est en grève et qu’on perd nos salaires pour défendre la retraite de tous et toutes. Mais le gouvernement joue le pourrissement et il est prêt à laisser tout le monde dans la galère encore un mois s’il le faut. Nous lançons, en cette soirée de réveillon, un appel solennel à tous les travailleurs et travailleuses de ce pays, qui nous soutiennent chaleureusement depuis le début, à nous aider encore un peu plus, à se mettre en grève pour en finir définitivement, tous ensemble, avec cette réforme de retraites. C’est maintenant que la brèche est ouverte pour généraliser la grève, et c’est maintenant qu’on peut faire plier Macron !

    Nous adressons donc à toutes et à tous une excellente année 2020, elle sera faite de luttes et, nous l’espérons, de victoire.

    • Une brève histoire des hurluberlus Paul Laity
      http://www.entelekheia.fr/2016/11/20/une-breve-histoire-des-hurluberlus

      Paul Laity revisite sur le ton de l’humour la gauche britannique de l’époque de George Orwell et les rapports de ce dernier avec ceux qu’il avait appelé « les hurluberlus de la gauche ». Inutile de dire que nous avions exactement les mêmes en France.

      Pour reprendre le terme d’Orwell, les racines du #gauchisme « hurluberlu » sont similaires de chaque côté de la Manche, nommément l’Owenisme en Grande-Bretagne et en France, le socialisme utopique et ses dérivés. Différence culturelle oblige, les nôtres étaient moins épris de vélocipède, de végétarisme, de laine brute et de grand air que les Britanniques ; la version hexagonale les voulait laïcards, républicains, scientistes, athées et bouffeurs de curés, avec malgré tout parfois, comme chez leurs congénères anglo-saxons, des penchants mystiques qui les conduisaient volontiers au spiritisme. #Victor_Hugo est le chef de file des aînés de ce type « d’hurluberlus », mais d’autres noms connus du XIXe siècle l’ont rejoint au panthéon des exaltés du guéridon, par exemple #Camille_Flammarion, #Victorien_Sardou, #Delphine_de_Girardin, #Henri_Bergson qui s’adonnait à des recherches psychiques (hypnose, lucidité somnambulique, médiumnité) ou encore #Jules_Verne, etc. Cette tendance se perpétuera chez les #surréalistes, en particulier avec l’écriture automatique d’André Breton et au-delà, dans l’art moderne et contemporain, dans le « psychologisme » qui imprègne toute la gauche ainsi que dans le #pédagogisme actuel – Ainsi, malgré ce qu’écrit l’auteur dans sa conclusion, la question de l’héritage idéologique du socialisme utopique et de la gauche « hurluberlue » historique déborde très largement des seuls écologistes pour embrasser toute la gauche libérale moderne.

      « Le socialisme », a écrit #George_Orwell dans son célèbre Quai de Wigan (1936), attire à lui « avec une force magnétique tous les buveurs de jus de fruit, les nudistes, les porteurs de sandales, les obsédés sexuels, les quakers, les charlatans naturopathes, les pacifistes et les féministes d’Angleterre ». De façon mémorable, sa tirade contre ces « hurluberlus » s’étend dans d’autres passages du livre aux « végétariens à barbes flétries », aux « Jésus de banlieue » uniquement préoccupés de leurs exercices de yoga, et à « cette tribu lamentable de femmes de haute vertu, de porteurs de sandales, de buveurs de jus de fruits qui affluent vers l’odeur du ‘progrès’ comme des mouches à viande vers un chat mort. »


      Andrew Muir, architecte consultant de la ville-jardin de Letchworth, portant ce qui s’appelait à l’époque un « costume rationnel » et des sandales. Crédit photo, First Garden City Heritage Museum du Letchworth Garden City Heritage

      Les #stéréotypes et caricatures des hurluberlus de la #classe_moyenne s’inscrivent profondément dans la culture nationale anglaise. Pendant tout le XIXe siècle, Punch Magazine a brocardé les obsessionnels de la santé qui recherchaient une vie plus pure dans le chou bouilli et l’antialcoolisme. Une histoire d’Aldous Huxley, The Claxtons, qui anticipait la philippique d’Orwell, dresse le tableau d’une famille bourgeoise puritaine, radicale et aveuglée sur elle-même : « Dans leur petite maison sur le terrain communal, comme les Claxton vivaient une belle, une spirituelle vie ! Même le chat était végétarien » . Et plus tôt cette année, le Daily Mail, tabloïd de droite, a tourné le Guardian en dérision (pour la énième fois, sans aucun doute) en l’accusant d’être dirigé par, et pour, des « porteurs de sandales ». C’est une pique encore censée suggérer la même chose qu’à l’époque d’Orwell : une naïveté fumeuse, une pseudo-supériorité morale et une vie de bohème méritoire – certainement un monde bien éloigné des valeurs de pragmatisme et de décence de l’Angleterre censément « véritable ».

      La férocité des caricatures « d’hurluberlus » d’Orwell trahissent une certaine anxiété sur la liberté sexuelle, mais vise en général directement leur travers le plus évident – leur sérieux. Les hurluberlus veulent que le monde devienne un endroit moins cruel, moins bassement commercial, plus beau. Leurs plaisirs sont sains, « naturels » et énergiques. (Quand j’étais enfant, mes parents dépeignaient certaines personnes comme très « riz complet et bicyclettes »). La mentalité de ces progressistes contre-culturels veut à tout prix que tout soit sain et aide à s’améliorer. L’un des objets de raillerie d’Orwell est donc une « gueule de bois de la période de #William_Morris » [1] qui propose de « niveler le prolétariat ‘par le haut’ (jusqu’à son niveau à lui) par la méthode de l’hygiène, des jus de fruit, du contrôle des naissances, de la poésie, etc. » Dans son roman Un peu d’air frais (1939), nous rencontrons « le professeur Woad, un chercheur psychique » : « Je connaissais le genre. Végétarisme, vie simple, poésie, culte de la nature, se roulant dans la rosée avant le petit-déjeuner… ce sont tous soit des maniaques de l’alimentation naturelle, ou alors ils ont quelque chose à voir avec les boy-scouts – dans les deux cas, ils sont toujours partants pour la Nature et le Grand air. »

      La satire d’Orwell dans le Quai de Wigan s’inscrivait dans le cadre d’une cause particulière et urgente : la formation d’une #politique radicale, populaire (non-hurluberlue) et réaliste pour faire front à la menace montante du fascisme. (Peu après avoir remis le manuscrit de son livre à son éditeur, Victor Gollancz, il entamait son voyage à Barcelone pour y rejoindre le camp républicain de la guerre civile d’Espagne). A ses yeux, les hurluberlus – avec les « marxistes chevelus mâchouillant des polysyllabes » – donnaient mauvaise allure au socialisme. Il impliquait aussi qu’ils étaient superficiellement dévoués à la cause socialiste mais au bout du compte, bien plus préoccupés par leur propre pureté morale que par l’exploitation de la classe ouvrière. Mais à qui exactement Orwell pensait-il quand il a lancé ses invectives ? Qui étaient les hurluberlus ?

      Il avait fait le choix de ne jamais mentionner par écrit qu’il s’était lui-même commis avec beaucoup de personnages de la #contre-culture, à commencer par sa tante, Nellie Limouzin, une bohème dont le mari, socialiste, soutenait fidèlement le mouvement espérantiste, et les Westrope, qui possédaient la librairie de Hampstead où il travaillait au milieu des années 30. Francis Westrope avait été objecteur de conscience pendant la guerre et adhérait au Parti travailliste indépendant ; son épouse, Myfanwy, militait pour les droits des femmes – et les deux étaient des espérantistes passionnés. Sa grande admiratrice et conseillère Mabel Fierz [2] également, vivait dans une grande maison de Hampstead Garden et penchait pour un socialisme mystique et spirituel.

      Les amis et membres de sa famille ont sans nul doute influencé les portraits d’Orwell dans une certaine mesure, mais il avait toute une tradition politico-culturelle en ligne de mire. Elle s’étendait aux sectes millénaristes socialistes des années 1830 et 1840 inspirées par le réformateur #Robert_Owen et son journal, le New Moral World (le Nouveau monde moral). Les « hurluberlus » étaient sur-représentés dans ces communautés modèles – Catherine et Goodwyn Barmby, par exemple, qui s’agacèrent du ton insuffisamment puriste du mouvement Owenite et formèrent l’Église Communiste (ses organisations-sœurs comprenaient les #White_Quakers de Dublin et le #Ham_Common_Concordium de Richmond.) [3] Ils prêchaient diverses prophéties #New_Age, ainsi que le végétarisme, l’#hydrothérapie, les cheveux longs et le port de sandales. Au fil des années, #Goodwyn_Barmby se mua en figure christique, avec de longs cheveux blonds flottant sur les épaules ; ensemble, le jeune couple arpentait les rues de Londres avec un chariot où il puisait des tracts qu’il distribuait en haranguant les passants.

      Le renouveau #socialiste de la fin du XIXe siècle était lourdement investi de croyances « hurluberlues ». Comme l’a écrit Michael Holroyd, c’était largement a partir « d’ #agnostiques, #anarchistes et #athées ; de #réformistes du costume [4] et du régime alimentaire ; d’#économistes, de #féministes, de #philanthropes, de #rationalistes et de #spirites tentant tous de détruire ou de remplacer le #christianisme » que le renouveau s’est opéré. L’activiste #Henry_Hyndman, un disciple d’Engels et le fondateur de la Social Democratic Federation (SDF, fédération socialiste démocratique) en 1881, désespérait comme Orwell de ce type de tocades morales. « Je ne veux pas que le mouvement » , martelait-il, « soit un dépotoir de vieux hurluberlus, d’humanitaires, de #végétariens, d’anti-vivisectionnistes, d’anti-vaccinationnistes, d’artistes du dimanche et toute cette espèce. »  Sans surprise, William Morris et ses amis au sein de la SDF décidèrent de s’en séparer et fondèrent leur propre groupe en 1884, la plus anarchique (et sexuellement radicale) Ligue socialiste. La #Fabian_Society , [5] qui débutait au même moment, était un groupe dissident de la #Fellowship_of_the_New_Life (Compagnons de la nouvelle vie), une communauté éthico-spirituelle (et végétarienne).

      C’était également l’époque de la #Vegetarian_Cycling_Society (Société des Cyclistes Végétariens) et des clubs nés autour de l’hebdomadaire socialiste #The_Clarion, qui visait à #« amener le citadin à entrer plus fréquemment en contact avec la beauté de la nature, et faire progresser l’idéal d’une vie plus simple, d’un mode de vie modéré et d’une élévation de la pensée. » #George_Bernard_Shaw qui, en tant que végétarien porteur de laine brute, naturelle et tricotée à la main, entretenait une relation de proximité avec les hurluberlus, a résumé les deux impulsions différentes du socialisme du temps : l’une tenait à « organiser les docks » , l’autre à « s’asseoir au milieu des pissenlits ».

      Le saint patron des pique-niqueurs au milieu des pissenlits était #Edward Carpenter, et Orwell l’avait clairement à l’esprit. Ancien vicaire anglican qui avait été l’invité de Thoreau, auteur d’un long poème whitmanesque, ‘Vers La Démocratie’ , Carpenter prônait un socialisme spirituel et le retour à la nature. A la suite d’une vision, il avait acheté une petite exploitation rurale à Millthorpe, près de Sheffield, où il faisait pousser ses propres légumes. Il était végétarien et prêchait le contrôle des naissances ainsi que le mysticisme oriental ; il avait écrit The Intermediate Sex (Le Sexe intermédiaire) , le premier livre qui présentait l’homosexualité sous un jour positif à être largement diffusé en Angleterre. Il avait pour habitude de se baigner nu à l’aube en compagnie de son domestique et amant, et sa vie était dénoncée comme scandaleuse et immorale.


      Edward Carpenter devant son cottage de Millthorpe, dans le Derbyshire, 1905. Il porte une paire des célèbres sandales de style indien qu’il fabriquait lui-même et une veste, un bermuda, une cravate et une large ceinture de sa propre conception. Crédits Sheffield Archives, Carpenter Collection, Box 8/31 a.

      Plus que n’importe qui d’autre, Carpenter a été responsable de l’introduction des sandales dans la vie britannique. Quand son ami Harold Cox partit pour l’Inde, Carpenter le chargea d’envoyer une paire de sandales du Cachemire à Millthorpe. La paire en question comprenait une lanière qui remontait de la semelle, passait par-dessus les orteils et s’accrochait à la cheville. « J’ai rapidement éprouvé une joie à les porter », écrivit Carpenter. « Et au bout de quelque temps, j’ai décidé d’en fabriquer. » Les chaussures, décida-t-il, étaient « des étouffoirs en cuir » . Il prit des leçons auprès d’un bottier de Sheffield et arriva « vite à fabriquer beaucoup de paires pour moi-même et plusieurs amis. » (Il en offrit une paire à Shaw, mais elles lui sciaient les pieds et il renonça à les porter en jurant de ne jamais y revenir.) Plusieurs disciples firent le pèlerinage à Millthorpe, y compris, dans les souvenirs de Carpenter, une réformiste du costume – « Son nom était Swanhilda quelque chose » , qui avait marché des kilomètres, sous une pluie battante, seulement vêtue d’une robe de serge bleue grossièrement coupée et de sandales qui s’enfonçaient dans la boue presque à chaque pas. Un des domestiques de Carpenter à Millthorpe, George Adams, entreprit aussi de fabriquer des sandales. Quand il se brouilla avec son maître, il déménagea dans la toute nouvelle ville-jardin de Letchworth, dans le Hertfordshire, et y ouvrit un petit commerce de sandales.

      Letchworth occupe une place spéciale dans l’histoire des hurluberlus. « Un jour cet été » , écrivait Orwell dans le Quai de Wigan, « je traversais Letchworth quand le bus s’est arrêté pour laisser monter deux hommes âgés d’allure affreuse. Tous deux très petits, roses, joufflus et tous deux tête nue, ils devaient avoir dans les soixante ans. Ils étaient habillés de chemises couleur pistache et de shorts kakis dans lesquels leurs énormes arrière-trains étaient si boudinés que vous auriez pu en étudier chaque fossette. Leur arrivée fit courir un léger frisson d’horreur sur l’impériale du bus. L’homme assis à côté de moi… murmura ‘des socialistes’. Il avait probablement raison », continue le passage. « Le Parti travailliste indépendant tenait son université d’été dans la ville. » (Orwell néglige de mentionner qu’il y assistait lui-même).

      La ville-jardin de #Letchworth, une expérience en urbanisme inaugurée en 1904 – une utopie d’air frais et de vie rationnelle – devint instantanément une Mecque pour les amoureux de la vie simple et acquit une réputation nationale de ville « hurluberlue » : sandales et scandales à foison. Un de ses deux architectes originels, Raymond Unwin, avait été l’un des associés de Carpenter au sein du socialisme de Sheffield (et un végétarien). Un ancien résident a offert une description du « citoyen typique de la ville-jardin » : il portait des sandales, ne mangeait pas de viande, lisait William Morris et Tolstoï, et possédait deux tortues « qu’il cirait périodiquement avec la meilleure des huiles de moteur Lucas. » Les végétariens de la ville ouvrirent le Simple Life Hotel (l’hôtel ‘Vie Simple’), qui comprenait un magasin de produits alimentaires naturels et un restaurant réformiste alimentaire. Un membre de la famille quaker Cadbury ouvrit un pub sans alcool, la Skittles Inn (l’Auberge des Quilles), où il faisait un fructueux commerce de chocolat chaud et de Cydrax, un vin de pomme sans alcool. (Ce qui inspira un commentaire sur une vie « toute en quilles et sans bière » [6] à G.K Chesterton, et plus tard une raillerie à John Betjeman dans son poème Huxley Hall, « Ni mon dîner végétarien, ni mon jus de citron sans gin/ ne peuvent noyer mon hésitante conviction selon laquelle nous pourrions bien être nés dans le péché ».)

      Les dimanches, les Londoniens faisaient des excursions en train pour étudier l’étrange collection d’espérantistes vêtus de blouses et de théosophistes de Letchworth ; une bande dessinée d’un journal local dressait même le tableau comique de visiteurs d’un zoo d’humains. « Papa, je veux voir comment on les nourrit ! » , y réclame un enfant. Les panneaux indicateurs pour les visiteurs y signalaient : « Direction Les Lutins Raisineux Porteurs de Sandales À Pointes Longues », « Par Ici Pour Le Pub Non-toxique » et « Direction Les Mangeurs de Bananes Hirsutes » . Annie Besant, une théosophiste militante du contrôle des naissances, y ouvrit l’école St. Christopher – où le Parti travailliste indépendant tenait sa réunion d’été – et qui aujourd’hui encore offre exclusivement de la nourriture végétarienne (ses élèves admettent se rabattre sur McDonald’s).


      Dessin de Louis Weirter, publié dans le journal local The Citizen, 1909. Crédits image, First Garden City Heritage Museum de la Letchworth Garden City Heritage Foundation

      Les années 1920 et 1930 offraient nombre de tendances contre-culturelles propres à faire frémir Orwell. Un pacifisme de type jusqu’au-boutiste s’était davantage généralisé au milieu des années 30 qu’à n’importe quelle autre époque de l’histoire britannique. Il y avait aussi une manie du grand air (associée à un développement des loisirs) et d’un mode de vie hygiénique et non raffiné. Les adhésions au club cycliste du Clarion atteignirent leur apogée au milieu des années 30, et un nombre sans précédent de citadins en bermudas et chemises à col ouvert s’entichèrent d’hôtels de jeunesse et de randonnées pédestres. « Le droit de vagabonder » à travers vallons, coteaux et landes devint une cause de gauche et la randonnée de masse, un acte politique parfois nuancé de mysticisme de la nature. En 1932, l’écrivain S. P. B. Mais conduisit seize mille personnes dans le parc naturel des South Downs pour y admirer le lever du soleil sur Chanctonbury Ring (malheureusement, le ciel était nuageux ce matin-là). Le mouvement de retour à la nature prenait d’autres formes aussi. À Marylebone en 1928, la Nature Cure Clinic (clinique de cure naturelle) ouvrait ses portes, avec des idées homéopathiques venues de l’Est via l’Allemagne. Les fruits crus et les jus de légumes y étaient considérés nécessaires à l’élimination des toxines. Et dans les mêmes années 30, le Dr Edward Bach vantait les vertus curatives des essences de fleurs qu’il avait découvertes en recueillant des gouttes de rosée sur des plantes, à l’aube.

      Le #nudisme organisé fit son apparition en Grande-Bretagne à la fin des années 1920. L’un de ses premiers centres à s’ouvrir a été Sun Lodge, à Upper Norwood au sud-est de Londres. A partir de 1928, les membres de la #Sun_Bathing_Society (société des bains de soleil) se retrouvaient les week-ends pour s’imprégner des rayons salutaires et revigorants et pour d’autres activités comme la « danse rythmique. » Les habitants locaux s’agglutinaient autour de la clôture pour tenter d’entrapercevoir les baigneurs en puris naturalibus. En 1929, la police dut intervenir au Welsh Harp Reservoir, à côté de Wembley, pour protéger les naturistes contre des émeutiers. En dépit de la controverse qu’il suscitait, le mouvement #nudiste prit de l’ampleur. En 1932, une lettre au Times en appela à la reconnaissance des bénéfices du culte du soleil - « en moins qu’un costume de bain. » - Ses signataires comprenaient George Bernard Shaw et C. E. M. Joad, philosophe populaire, socialiste, pacifiste, enthousiaste de la campagne (et peut-être le modèle du “Professeur Woad » d’Orwell). Joad était convaincu des vertus des siestes « nu au soleil », même seulement sur des criques désertes. Le ridicule n’était jamais loin. Dans le film I See Ice (1938), George Formby chantait - « Une photo d’un camp nudiste/ Dans mon petit album d’instantanés/ Très jovial mais un peu humide/ Dans mon petit album d’instantanés. » -

      #Leslie_Paul, fondateur des Woodcraft Folk, une alternative antimilitariste aux scouts ouverte aux garçons comme aux filles, se décrivait comme un « socialiste du style d’Edward Carpenter, épris d’une vision mystique de l’Angleterre. » En 1933, cinq cent jeunes membres des Woodcraft Folk campèrent autour d’une pierre levée de l’âge du bronze, dans le Herefordshire, pour y écouter un exposé sur les alignements de sites. [7] Deux garçons étaient accroupis dans une cage d’osier au sommet du monument. (Aujourd’hui, le propriétaire de la terre sur laquelle se dresse la Queen Stone préfère ne pas donner sa localisation exacte pour ne pas encourager la tenue de séances.) Paul, qui était écrivain et journaliste, passait le plus clair de son temps dans un cottage de la campagne du Devonshire. Un ami local, Joe, avec des poils sur la poitrine « épais et bouclés » comme un « matelas de fils de fer » aimait à s’allonger nu au soleil, à déclarer sa passion pour Tolstoï et à dénigrer les chaussures de cuir. « Le végétarisme était dans l’air du temps progressiste », écrivit plus tard Paul. « De nouveaux magasins de nourriture offraient de quoi satisfaire de fantastiques nouveaux goûts. … j’ai bu un mélange de lait malté, d’eau chaude et d’huile d’olive qui passait pour avoir les plus heureux effets sur le colon et les nerfs. » C’était un admirateur de l’Union Soviétique, un socialiste et un pacifiste. « Le #pacifisme avait une extraordinaire affinité avec le végétarisme », se souvenait-il, « de sorte que nous vivions d’énormes saladiers de bois emplis de salade aromatisée à l’ail, de lentilles et de pignons de pin garnis de poireaux. Nous respirions la santé. »

      Orwell a participé à deux universités d’été en 1936 : l’une à Letchworth et l’autre organisée par #The_Adelphi, un magazine pour qui il écrivait, dans une grande maison de Langham, près de Colchester. L’éditeur et fondateur du journal était le critique John Middleton Murry, un pacifiste et socialiste d’un type spirituel et poète qui avait acquis la maison dans l’espoir d’en faire le foyer d’une nouvelle forme de communauté égalitaire. (« Dans cette simple et belle maison, notre socialisme est devenu réalité » , écrivait-il. « Il me semblait que nous avions atteint une nouvelle sorte d’immunité contre l’illusion. ») Tous les invités étaient mis à contribution pour aider à la bonne marche du centre : Orwell était très demandé à la plonge, où il employait des talents cultivés lors de ses jours de pauvreté à Paris. Au cours d’une des discussions, il asséna apparemment à son auditoire, en majorité des gens de la classe moyenne, qu’ils ne « reconnaîtraient même pas un mineur ou un débardeur s’il en entrait un dans la pièce. » Murry finit par penser que le Centre Adelphi tenait trop de l’atelier d’idées : les socialistes qui y résidaient manquaient de la discipline qu’apporte le rude labeur physique.
Son projet suivant fut une ferme pacifiste.

      Il y a cent autres exemples de socialistes épris de ‘vie simple’ qui auraient suscité le mépris d’Orwell. Mais, malgré tous ses efforts, la longue et riche histoire des « hurluberlus » continua au-delà des années 1930 jusqu’aux éléments de la Campagne pour le Désarmement Nucléaire, les #hippies et les #Verts. (Et au-delà de l’Angleterre aussi, bien sûr.) Dans les années 1960, un restaurant végétarien a effacé un siècle de moqueries en adoptant fièrement le nom « Les Hurluberlus ». De bien des façons, la situation s’est retournée contre Orwell. Les personnages comme Edward Carpenter et Leslie Paul peuvent désormais être considérés comme les pionniers de l’anti-capitalisme écologiste moderne. L’environnementalisme est de plus en plus une cause et de moins en moins une distraction d’excentrique.

      Beaucoup de choses qu’Orwell considérait comme hurluberlues sont aujourd’hui à la mode. Il y a trois millions et demi de végétariens en #Grande-Bretagne, le yoga fait de plus en plus partie de la vie quotidienne des classes moyennes, et des pilules homéopathiques sont avalées par millions. (Malgré tout, ces tendances suggèrent, encore plus que du temps d’Orwell, une volonté d’auto-préservation et un style de vie égoïste, le contraire d’une volonté authentique de changer le monde.)

      Inévitablement, alors que des aspects hurluberlus ont été absorbés dans le courant dominant, d’autres pratiques et croyances étranges prennent leur place et sont ridiculisées par la majorité. Dans l’esprit du Quai de Wigan , on pourrait dire de l’anti-capitalisme d’aujourd’hui qu’il attire avec une force magnétique tous les écolos forcenés, les fruitariens organiques, les scooteristes à batterie solaire, les enthousiastes des naissances dans l’eau, les pratiquants de sexe tantrique, les fans de world music, ceux qui vivent dans des tipis, les porteurs de pantalons de chanvre et les accros aux massages ayurvédiques d’Angleterre. Quant aux sandales, les journalistes du Daily Mail _ peuvent bien conserver la mémoire de l’association entre hurluberlus d’antan et pieds quasi-nus, mais les longues queues devant les boutiques Birkenstock devraient les y faire réfléchir à deux fois. La vie simple est peut être aussi illusoire aujourd’hui qu’hier, mais nous sommes tous devenus des porteurs de sandales.

      Paul Laity est rédacteur littéraire au sein de la vénérable London Review of Books. En 2001, il a publié la Left Book Club Anthology (l’Anthologie du club du livre de gauche) , (Weidenfeld & Nicolson)
      Traduction Entelekheia
      [1] William Morris, peintre, dessinateur de papier peint, écrivain et l’une des figures de proue d’un mouvement conjuguant art et artisanat, l’Arts and Crafts.
      [2] La première à avoir reconnu le talent d’Orwell. Elle l’aida à faire publier son premier livre en le portant elle-même à un agent littéraire qui le transmit à un éditeur, Victor Gollancz. Le livre, Down and Out in Paris and London, parut en 1933.
      [3] Une communauté socialiste utopique également connue sous le nom « Alcott House ».
      [4] Les réformistes du costume militaient contre le corset, pour le pantalon féminin, pour que les femmes s’habillent de façon adaptée à la mode des vélocipèdes, pour le port de sous-vêtements hygiéniques en laine, et plus généralement pour le port de vêtements pratiques, dits « rationnels ».
      [5] Club politique de centre-gauche, socialiste et réformiste créé en 1884. Gorge Bernard Shaw et Herbert George Wells en faisaient partie. La Fabian Society , qui se décrit aujourd’hui comme progressiste, existe toujours au sein du Parti travailliste. Elle est aujourd’hui alignée sur le néolibéralisme européiste de Tony Blair.
      [6] Jeu de mots sur un proverbe anglais. Littéralement, « la vie n’est pas toute faite de bière et de quilles », signifiant « la vie n’est pas toujours facile ».
      [7] Théorie loufoque sur des lignes imaginaires (également appelées « ley lines ») censées relier des sites préhistoriques de façon occulte.

      #culpabilisation #Gauche #Histoire_des_idées #Libéralisme #Socialisme_utopique #espéranto #hurluberlu #hurluberlue

      Cet article est paru dans Cabinet Magazine http://www.cabinetmagazine.org/issues/20/laity.php sous le titre ‘A Brief History of Cranks’.

  • Reconnaissance faciale : pourquoi le projet du gouvernement inquiète
    https://usbeketrica.com/article/reconnaissance-faciale-projet-gouvernement-inquiete

    Le secrétaire d’Etat chargé du Numérique Cédric O a annoncé que le gouvernement comptait en 2020 lancer une « phase d’expérimentation » de la reconnaissance faciale appliquée à la vidéosurveillance. Une décision qui inquiète les associations de défense des libertés et différents spécialistes du sujet. « Je souhaite que nous puissions avoir un débat apaisé sur ce sujet, qui suscite trop de projections irrationnelles, dans un sens comme dans l’autre. » C’est par ces mots que le secrétaire d’État chargé du (...)

    #ANSSI #Gemalto #Idemia #Morpho #RATP #Safran #SNCF #Thalès #algorithme #CCTV #Flickr #biométrie #automobilistes #facial #reconnaissance #vidéo-surveillance (...)

    ##[fr]Règlement_Général_sur_la_Protection_des_Données__RGPD_[en]General_Data_Protection_Regulation__GDPR_[nl]General_Data_Protection_Regulation__GDPR_ ##erreur ##surveillance ##_ ##TAJ ##CNIL ##LaQuadratureduNet ##Deveryware

  • Quand la France se lance dans la reconnaissance faciale
    https://www.nextinpact.com/news/108256-quand-france-se-lance-dans-reconnaissance-faciale.htm

    Si des expériences locales de reconnaissance faciale ont été fortement médiatisées, d’autres pratiques restent plus discrètes. En coulisses, les industriels poussent pour que la France ne soit pas à la traîne et l’Intérieur est sensible aux arguments. L’idée d’une loi pour encadrer les expérimentations progresse rapidement et selon nos informations, un texte pourrait être déposé dès cet automne. Enquête. La reconnaissance faciale n’est pas quelque chose d’inédit en France. Récemment, le décret qui impose (...)

    #Idemia #Morpho #RATP #SNCF #Thalès #algorithme #Alicem #CCTV #biométrie #facial #reconnaissance #erreur #CNIL #LaQuadratureduNet (...)

    ##Deveryware

  • Migrants en Libye, les oubliés de l’exil

    Venus le plus souvent d’Érythrée, les migrants sont détenus dans des conditions lamentables, et souvent les victimes de milices qui les torturent et les rançonnent. Les Nations unies et l’Union européenne préfèrent détourner le regard. Témoignages.

    L’odeur d’excréments s’accentue à mesure que nous approchons de l’entrepôt qui constitue le bâtiment principal du centre de détention de #Dhar-El-Djebel, dans les montagnes du #djebel_Nefoussa. Un problème de plomberie, précise le directeur, confus.

    Il ouvre le portail métallique du hangar en béton, qui abrite environ 500 détenus, presque tous érythréens. Les demandeurs d’asile reposent sur des matelas gris à même le sol. Au bout d’une allée ouverte entre les matelas, des hommes font la queue pour uriner dans l’un des onze seaux prévus à cet effet.

    Personne dans cette pièce, m’avait expliqué un détenu lors de ma première visite en mai 2019, n’a vu la lumière du jour depuis septembre 2018, quand un millier de migrants détenus à Tripoli ont été évacués ici. #Zintan, la ville la plus proche, est éloignée des combats de la capitale libyenne, mais aussi des yeux des agences internationales. Les migrants disent avoir été oubliés.

    En Libye, quelque 5 000 migrants sont toujours détenus pour une durée indéterminée dans une dizaine de #centres_de_détention principaux, officiellement gérés par la #Direction_pour_combattre_la_migration_illégale (#Directorate_for_Combatting_Illegal_Migration, #DCIM) du gouvernement d’entente nationale (#GEN) reconnu internationalement. En réalité, depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye ne dispose pas d’un gouvernement stable, et ces centres sont souvent contrôlés par des #milices. En l’absence d’un gouvernement fonctionnel, les migrants en Libye sont régulièrement kidnappés, réduits en esclavage et torturés contre rançon.

    L’Europe finance les garde-côtes

    Depuis 2017, l’Union européenne (UE) finance les #garde-côtes_libyens pour empêcher les migrants d’atteindre les côtes européennes. Des forces libyennes, certaines équipées et entraînées par l’UE, capturent et enferment ainsi des migrants dans des centres de détention, dont certains se trouvent dans des zones de guerre, ou sont gardés par des milices connues pour vendre les migrants à des trafiquants.

    Contrairement à d’autres centres de détention que j’ai visités en Libye, celui de Dhar-El-Djebel ne ressemble pas à une prison. Avant 2011, cet ensemble de bâtiments en pleine campagne était, selon les termes officiels, un centre d’entraînement pour « les bourgeons, les lionceaux et les avant-bras du Grand Libérateur » — les enfants à qui l’on enseignait le Livre vert de Kadhafi. Quand le GEN, basé à Tripoli, a été formé en 2016, le centre a été placé sous l’autorité du DCIM.

    En avril, Médecins sans frontières (MSF) pour lequel je travaillais a commencé à faire des consultations à Dhar-El-Djebel. Le centre retenait alors 700 migrants. La plupart étaient enregistrés comme demandeurs d’asile par l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), mais selon la loi libyenne, ce sont des migrants « illégaux » et ils peuvent être détenus pour une durée indéterminée.

    N’ayant que peu d’espoir de sortir, plusieurs ont tenté de se suicider au contact de fils électriques. D’autres avaient placé leur foi en Dieu, mais aussi dans les réseaux sociaux et leurs talents de bricoleurs. La plupart des détenus érythréens sont chrétiens : sur le mur face à la porte, ils ont construit une église orthodoxe abyssine au moyen de cartons colorés de nourriture et de matelas verts du HCR, avec des croix en cire de bougie. Sur d’autres matelas, ils ont écrit, avec du concentré de tomates et du piment rouge, des slogans tels que « Nous sommes victimes du HCR en Libye ». Avec leurs smartphones, ils ont posté des photos sur les réseaux sociaux, posant avec les bras croisés pour montrer qu’ils étaient prisonniers.

    Leurs efforts avaient attiré l’attention. Le 3 juin, le HCR évacuait 96 demandeurs d’asile à Tripoli. Une semaine plus tard, l’entrepôt bondé dans lequel j’avais d’abord rencontré les migrants était enfin vidé. Mais 450 Érythréens restaient enfermés dans le centre, entassés dans d’autres bâtiments, à plus de vingt dans une vingtaine de cellules, bien que de nombreux détenus préfèrent dormir dans les cours, sous des tentes de fortune faites de couvertures.

    « Ils nous appellent Dollars et Euros »

    La plupart des Érythréens de Dhar-El-Djebel racontent une histoire proche : avant d’être piégés dans le système de détention libyen, ils ont fui la dictature érythréenne, où le service militaire est obligatoire et tout aussi arbitraire. En 2017, Gebray, âgé d’un peu plus de 30 ans, a laissé sa femme et son fils dans un camp de réfugiés en Éthiopie et payé des passeurs 1 600 dollars (1 443 euros) pour traverser le désert soudanais vers la Libye avec des dizaines d’autres migrants. Mais les passeurs les ont vendus à des trafiquants libyens qui les ont détenus et torturés à l’électricité jusqu’à ce qu’ils téléphonent à leurs proches pour leur demander une #rançon. Après 10 mois en prison, la famille de Gebray avait envoyé près de 10 000 dollars (9 000 euros) pour sa libération : « Ma mère et mes sœurs ont dû vendre leurs bijoux. Je dois maintenant les rembourser. C’est très dur de parler de ça ».

    Les migrants érythréens sont particulièrement ciblés, car beaucoup de trafiquants libyens croient qu’ils peuvent compter sur l’aide d’une riche diaspora en Europe et en Amérique du Nord. « Nous sommes les plus pauvres, mais les Libyens pensent que nous sommes riches. Ils nous appellent Dollars et Euros », me raconte un autre migrant.

    Après avoir survécu à la #torture, beaucoup comme Gebray ont de nouveau payé pour traverser la mer, mais ont été interceptés par les garde-côtes libyens et enfermés en centre de détention. Certains compagnons de cellule de Gebray ont été détenus depuis plus de deux ans dans cinq centres successifs. Alors que la traversée de la Méditerranée devenait plus risquée, certains se sont rendus d’eux-mêmes dans des centres de détention dans l’espoir d’y être enregistrés par le HCR.

    Les ravages de la tuberculose

    Dans l’entrepôt de Dhar-El-Djebel, Gebray a retrouvé un ancien camarade d’école, Habtom, qui est devenu dentiste. Grâce à ses connaissances médicales, Habtom s’est rendu compte qu’il avait la tuberculose. Après quatre mois à tousser, il a été transféré de l’entrepôt dans un plus petit bâtiment pour les Érythréens les plus malades. Gebray, qui explique qu’à ce moment-là, il ne pouvait « plus marcher, même pour aller aux toilettes », l’y a rapidement suivi. Quand j’ai visité la « maison des malades », quelque 90 Érythréens, la plupart suspectés d’avoir la tuberculose, y étaient confinés et ne recevaient aucun traitement adapté.

    Autrefois peu répandue en Libye, la tuberculose s’est rapidement propagée parmi les migrants dans les prisons bondées. Tandis que je parlais à Gebray, il m’a conseillé de mettre un masque : « J’ai dormi et mangé avec des tuberculeux, y compris Habtom ».

    Habtom est mort en décembre 2018. « Si j’ai la chance d’arriver en Europe, j’aiderai sa famille, c’est mon devoir », promet Gebray. De septembre 2018 à mai 2019, au moins 22 détenus de Dhar-El-Djebel sont morts, principalement de la tuberculose. Des médecins étaient pourtant présents dans le centre de détention, certains de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), et d’autres d’#International_Medical_Corps (#IMC), une ONG américaine financée par le HCR et l’UE. Selon un responsable libyen, « nous les avons suppliés d’envoyer des détenus à l’hôpital, mais ils ont dit qu’ils n’avaient pas de budget pour ça ». Les transferts à l’hôpital ont été rares. En revanche, une quarantaine des détenus les plus malades, la plupart chrétiens, ont été transférés dans un autre centre de détention à Gharyan, plus proche d’un cimetière chrétien. « Ils ont été envoyés à Gharyan pour mourir », explique Gebray. Huit d’entre eux sont morts entre janvier et mai.

    Contrairement à Dhar-El-Djebel, #Gharyan ressemble à un centre de détention : une série de containers entourés de hauts grillages métalliques. Yemane a été transféré ici en janvier : « Le directeur de Dhar-El-Djebel et le personnel d’IMC nous ont dit qu’ils allaient nous conduire à l’hôpital à Tripoli. Ils n’ont pas parlé de Gharyan... Quand on est arrivés, on a été immédiatement enfermés dans un container ».
    Des migrants vendus et torturés

    Selon Yemane, une femme a tenté de se pendre quand elle a compris qu’elle était à Gharyan, et non dans un hôpital, comme le leur avaient promis les médecins d’IMC. Beaucoup gardaient de mauvais souvenirs de Gharyan : en 2018, des hommes armés masqués y ont kidnappé quelque 150 migrants détenus dans le centre et les ont vendus à des centres de torture. Le centre a alors brièvement fermé, puis rouvert, avec à sa tête un nouveau directeur, qui m’a expliqué que des trafiquants l’appelaient régulièrement pour tenter de lui acheter des migrants détenus.

    En avril 2019, des forces de Khalifa Haftar, l’homme fort de l’est de la Libye, ont lancé une offensive contre les forces pro-GEN à Tripoli et se sont emparées de Gharyan. Les troupes d’Haftar se sont installées à proximité du centre de détention et les avions du GEN ont régulièrement bombardé la zone. Effrayés par les frappes aériennes autant que par les migrants tuberculeux, les gardes ont déserté. Chaque fois que je me suis rendu sur place, nous sommes allés chercher le directeur dans sa maison en ville, puis l’avons conduit jusqu’au portail du centre, où il appelait un migrant pour qu’il lui ouvre. Les détenus lui avaient demandé un cadenas pour pouvoir s’enfermer et se protéger des incursions. De fait, des forces pro-Haftar venaient demander aux migrants de travailler pour eux. Yemane indique qu’un jour, ils ont enlevé quinze hommes, dont on est sans nouvelles.

    MSF a demandé au HCR d’évacuer les détenus de Gharyan. L’agence de l’ONU a d’abord nié que Gharyan était en zone de guerre, avant de l’admettre et de suggérer le transfert des détenus au centre de détention #Al-Nasr, à #Zawiya, à l’ouest de Tripoli. Pourtant, le Conseil de sécurité de l’ONU a accusé les forces qui contrôlent ce centre de trafic de migrants, et placé deux de leurs dirigeants sous sanctions.

    « Si vous êtes malades, vous devez mourir ! »

    Les détenus étaient toujours à Gharyan quand, le 26 juin, les forces du GEN ont repris la zone. Le jour suivant, ils ont forcé le portail du centre de détention avec une voiture et demandé aux migrants de se battre à leurs côtés. Les détenus effrayés ont montré leurs médicaments contre la tuberculose en répétant des mots d’arabe que des employés du HCR leur avaient appris − kaha (#toux) et darn (#tuberculose). Les miliciens sont repartis, l’un d’eux lançant aux migrants : « Si vous êtes malades, on reviendra vous tuer. Vous devez mourir ! ».

    Le 4 juillet, le HCR a enfin évacué les détenus restants vers Tripoli. L’agence a donné à chacun d’eux 450 dinars (100 euros) pour qu’ils subvenir à leurs besoins dans une ville qu’ils ne connaissaient pas. L’abri où ils étaient censés loger s’avérant trop coûteux, ils ont déménagé vers un endroit moins cher, jadis une bergerie. « Le HCR dit qu’on sera en sécurité dans cette ville, mais pour nous, la Libye n’offre ni liberté ni sécurité », explique Yemane.

    La plupart des 29 migrants évacués de Gharyan sont maintenant bloqués, et en danger, dans les rues de Tripoli, mais espèrent toujours obtenir l’asile en dehors de Libye. Les combats se poursuivant à Tripoli, des miliciens ont proposé à Yemane de s’enrôler pour 1 000 dollars (901 euros) par mois. « J’ai vu beaucoup de migrants qui ont été recrutés ainsi, puis blessés », m’a-t-il raconté récemment sur WhatsApp. Deux de ses colocataires ont été à nouveau emprisonnés par des milices, qui leur ont demandé 200 dollars (180 euros) chacun.

    Les migrants de Gharyan ont si peur dans les rues de Tripoli qu’ils ont demandé à retourner en détention ; l’un d’entre eux est même parvenu à entrer dans le centre de détention d’Abou Salim. Nombre d’entre eux ont la tuberculose. Fin octobre, Yemane lui-même a découvert qu’il en était porteur, mais n’a pas encore de traitement.
    « Ils nous ont donné de faux espoirs »

    Contrairement à Gharyan, Dhar-El-Djebel est loin des combats. Mais depuis avril, des migrants détenus à Tripoli refusent d’y être transférés car ils craignent d’être oubliés dans le djebel Nefoussa. Selon un responsable de la zone, « notre seul problème ici, c’est que le HCR ne fait pas son travail. Cela fait deux ans qu’ils font de fausses promesses à ces gens ». La plupart des détenus de Dhar-El-Djebel ont été enregistrés comme demandeurs d’asile par le HCR, et espèrent donc être relocalisés dans des pays d’accueil sûr. Gebray a été enregistré en octobre 2018 à Dhar-El-Djebel : « Depuis, je n’ai pas vu le HCR. Ils nous ont donné de faux espoirs en nous disant qu’ils allaient revenir bientôt pour nous interviewer et nous évacuer de Libye ».

    Les 96 Érythréens et Somaliens transférés en juin de Dhar-El-Djebel au « centre de rassemblement et de départ » du HCR à Tripoli étaient convaincus qu’ils feraient partie des chanceux prioritaires pour une évacuation vers l’Europe ou l’Amérique du Nord. Mais en octobre, le HCR aurait rejeté une soixantaine d’entre eux, dont 23 femmes et 6 enfants. Ils n’ont plus d’autre choix que de tenter de survivre dans les rues de Tripoli ou d’accepter un « retour volontaire » vers les pays dont ils ont fui la violence.

    Le rapport de la visite de l’ONU à Dhar-El-Djebel en juin, durant ce même transfert, avait prévenu que « le nombre de personnes que le HCR sera en mesure d’évacuer sera très faible par rapport à la population restante [à Dhar-El-Djebel] en raison du nombre de places limité offert la communauté internationale ».

    De fait, le HCR a enregistré près de 60 000 demandeurs d’asile en Libye, mais n’a pu en évacuer qu’environ 2 000 par an. La capacité de l’agence à évacuer des demandeurs d’asile de Libye dépend des offres des pays d’accueil, principalement européens. Les plus ouverts n’accueillent chaque année que quelques centaines des réfugiés bloqués en Libye. Les détenus de Dhar-El-Djebel le savent. Lors d’une de leurs manifestations, leurs slogans écrits à la sauce tomate visaient directement l’Europe : « Nous condamnons la politique de l’UE envers les réfugiés innocents détenus en Libye ».

    « L’Europe dit qu’elle nous renvoie en Libye pour notre propre sécurité, explique Gebray. Pourquoi ne nous laissent-ils pas mourir en mer, sans souffrance ? Cela vaut mieux que de nous laisser dépérir ici ».

    https://orientxxi.info/magazine/migrants-en-libye-les-oublies-de-l-exil,3460
    #Libye #asile #migrations #réfugiés #réfugiés_érythréens #santé #maladie #externalisation

    –-----

    Et pour la liste de @sinehebdo, deux nouveaux #mots : #Dollars et #Euros

    Les migrants érythréens sont particulièrement ciblés, car beaucoup de trafiquants libyens croient qu’ils peuvent compter sur l’aide d’une riche diaspora en Europe et en Amérique du Nord. « Nous sommes les plus pauvres, mais les Libyens pensent que nous sommes riches. Ils nous appellent Dollars et Euros », me raconte un autre migrant.

    #terminologie #vocabulaire

    • Libye : que se passe-t-il dans le « #centre_d’investigations » de #Tripoli ?

      La semaine dernière, environ 300 migrants interceptés en mer par les garde-côtes libyens ont été transférés dans le centre de #Sharah_Zawiya, au sud de la capitale libyenne. Ouvert depuis au moins un an – avec une fermeture de quelques mois fin 2019 – le lieu est depuis peu contrôlé par le #DCIM et accessible à l’Organisation internationale des migrations (#OIM).

      #Centre_de_détention « caché », #centre_de_transit ou centre « d’investigations » ? Le centre de Sharah Zawiya, dans le sud de Tripoli, est l’objet d’interrogations pour nombre d’observateurs des questions migratoires en Libye.

      Selon l’Organisation internationale des migrations (OIM), contactée par InfoMigrants, le lieu est supposé être un centre de transit : les migrants interceptés en mer sont envoyés dans cette structure afin d’y subir un interrogatoire avant leur transfert vers un centre de détention officiel.

      « Théoriquement, ils [les migrants] ne restent pas plus de 48 heures à Sharah Zawiya », précise l’OIM.

      « Je suis resté au moins trois mois dans ce centre »

      Or plusieurs migrants, avec qui InfoMigrants est en contact et qui sont passés par ce centre, affirment avoir été enfermés plus que deux jours et disent n’avoir jamais été interrogés. « Je suis resté au moins trois mois là-bas l’été dernier, avant de réussir à m’en échapper », indique Ali, un Guinéen de 18 ans qui vit toujours en Libye. « Durant toute cette période, on ne m’a posé aucune question ».

      Ce dernier explique qu’à leur arrivée, les gardiens dépouillent les migrants. « Ils prennent tout ce qu’on a, le plus souvent nos téléphones et de l’argent ». Ibrahim, un Guinéen de 17 ans qui a – lui aussi - réussi à s’échapper du centre ce week-end après avoir été intercepté en mer, raconte la même histoire. « Ils m’ont forcé à leur donner mon téléphone et les 100 euros que j’avais sur moi », soupire-t-il.

      Ali assure également que les Libyens demandent une #rançon pour sortir du centre, avoisinant les 3 000 dinars libyens (environ 1 950 euros). « Un monsieur, un Africain, nous amenait des téléphones pour qu’on contacte nos familles et qu’on leur demande de l’argent. Un autre, un Arabe, récupérait la somme due ». Il détaille également les #coups portés sur les migrants « sans aucune raison » et le #rationnement_de_la_nourriture – « un morceau de pain pour trois personnes le matin, et un plat de pâtes pour six le soir ».

      D’après des informations recueillies et vérifiées par InfoMigrants, le centre est ouvert depuis au moins un an et a fermé quelques mois fin 2019 avant de rouvrir la semaine dernière avec l’arrivée d’environ 300 migrants. Un changement de chefferie à la tête du centre serait à l’origine de cette fermeture temporaire.

      Changement d’organisation ?

      Ce changement de responsable a-t-il été accompagné d’un changement de fonctionnement ? Ali explique qu’il s’est enfui vers le mois d’octobre, après trois mois de détention, avec l’aide de l’ancienne équipe. « Les Libyens qui contrôlaient le centre nous ont dit de partir car un nouveau chef devait arriver. L’ancien et le nouveau responsable n’étaient d’ailleurs pas d’accord entre eux, à tel point que leurs équipes ont tirés les uns sur les autres pendant que nous prenions la fuite ».
      L’OIM signale de son côté n’avoir reçu l’autorisation d’entrer dans le centre que depuis la semaine dernière. « Avant, le lieu était géré par le ministère de l’Intérieur, mais depuis quelques jours c’est le DCIM [le département de lutte contre la migration illégale, NDLR] qui a repris le contrôle », explique l’agence onusienne à InfoMigrants.

      Ibrahim assure, lui, qu’aucune somme d’argent n’a été demandée par les gardiens pour quitter le centre. Les personnes interceptées en mer, mardi 18 février, ont en revanche été transférées samedi vers le centre de détention de #Zaouia, où une rançon de 2 000 dinars (environ 1 300 euros) leur a été réclamée pour pouvoir en sortir.
      Ce genre de centre n’est pas une exception en Libye, prévient une source qui souhaite garder l’anonymat. « Il existe d’autres centres de ce type en Libye où on ne sait pas vraiment ce qu’il s’y passe. Et de toute façon, #centre_d’investigation, de transit ou de détention c’est pareil. Les migrants y sont toujours détenus de manière arbitraire pour une période indéfinie ».

      https://www.infomigrants.net/fr/post/22991/libye-que-se-passe-t-il-dans-le-centre-d-investigations-de-tripoli
      #Zawiya #IOM #détention

  • Le R.E.R a 50 ans

    Une série documentaire de Kristel Le Pollotec, réalisée par Anne Fleury

    Le 12 décembre 1969, le dernier train à vapeur quitte la gare de la Bastille en direction de Boissy-Saint-Léger. Quelques heures plus tard, il est remplacé par le premier #RER A depuis la toute nouvelle gare de la Nation, inaugurée en grande pompe. Il y a cinquante ans, la #région_parisienne entrait dans la modernité.

    KNUT, PRUT, GOTA ou PAPY, les trains du RER parcourent quotidiennement l’Ile de France, transportant 2,7 millions de voyageurs par jour. Une épopée technologique mais aussi hautement politique qui nous rappelle que le RER est l’un des symboles des trente glorieuses. Un exploit célébré par des journalistes exaltés par la prouesse technique et croyant fermement en la promesse de ce nouveau progrès pour les banlieusards venant travailler à #Paris .

    https://www.franceculture.fr/emissions/series/le-rer-a-50-ans

    Du #train_de_banlieue au #Réseau_Express_Régional

    http://rf.proxycast.org/1644726904491614208/10177-02.12.2019-ITEMA_22214911-0.mp3

    Des stations comme des villes souterraines

    http://rf.proxycast.org/1644726902079889408/10177-02.12.2019-ITEMA_22214911-1.mp3

    RER A, des guinguettes aux #villes_nouvelles

    http://rf.proxycast.org/1644726907545067520/10177-02.12.2019-ITEMA_22214911-2.mp3

    RER B, voyage social

    http://rf.proxycast.org/1644726901362663424/10177-02.12.2019-ITEMA_22214911-3.mp3

    Salvatore Adamo et Dalida lors de l’inauguration de la station de RER « Auber » à Paris - novembre 1971• Crédits : AFP - AFP

    #RATP #SNCF #train #Grand_Paris #urbanisme #ségrégation_urbaine #documentaire #podcast #LSD #France_Culture #LSD_La_série_documentaire

  • Main basse sur l’#eau | ARTE
    https://www.arte.tv/fr/videos/082810-000-A/main-basse-sur-l-eau

    Le prometteur marché de l’eau s’annonce comme le prochain casino mondial. Les géants de la finance se battent déjà pour s’emparer de ce nouvel « or bleu ». Enquête glaçante sur la prochaine bulle spéculative.

    Réchauffement climatique, pollution, pression démographique, extension des surfaces agricoles : partout dans le monde, la demande en eau explose et l’offre se raréfie. En 2050, une personne sur quatre vivra dans un pays affecté par des pénuries. Après l’or et le pétrole, l’"or bleu", ressource la plus convoitée de la planète, attise les appétits des géants de la #finance, qui parient sur sa valeur en hausse, source de #profits mirobolants. Aujourd’hui, des #banques et fonds de placements – Goldman Sachs, HSBC, UBS, Allianz, la Deutsche Bank ou la BNP – s’emploient à créer des #marchés porteurs dans ce secteur et à spéculer, avec, étrangement, l’appui d’ONG écologistes. Lesquelles achètent de l’eau « pour la restituer à la nature », voyant dans ce nouvel ordre libéral un moyen de protéger l’environnement.

    En Australie, continent le plus chaud de la planète, cette #marchandisation de l’eau a pourtant déjà acculé des fermiers à la faillite, au profit de l’#agriculture_industrielle, et la Californie imite ce modèle. Face à cette redoutable offensive, amorcée en Grande-Bretagne dès #Thatcher, la résistance citoyenne s’organise pour défendre le droit à l’eau pour tous et sanctuariser cette ressource vitale limitée, dont dépendront 10 milliards d’habitants sur Terre à l’horizon 2050.

    De l’Australie à l’Europe en passant par les États-Unis, cette investigation décrypte pour la première fois les menaces de la glaçante révolution en cours pour les populations et la planète. Nourri de témoignages de terrain, le film montre aussi le combat, à la fois politique, économique et environnemental, que se livrent les apôtres de la #financiarisation de l’eau douce et ceux, simples citoyens ou villes européennes, qui résistent à cette dérive, considérant son accès comme un droit universel, d’ailleurs reconnu par l’#ONU en 2010. Alors que la bataille de la #gratuité est déjà perdue, le cynisme des joueurs de ce nouveau #casino mondial, au sourire carnassier, fait frémir, l’un d’eux lâchant : « Ce n’est pas parce que l’eau est la vie qu’elle ne doit pas avoir un prix. »

  • Sous-traitance et bureaucratisation néolibérale : une analyse de l’interface de la distance dans l’accueil des demandeurs d’asile

    En mettant à l’épreuve de l’ethnographie les questions posées par la sous-traitance, cet article s’intéresse à la #bureaucratisation_néolibérale de l’accueil des demandeurs d’asile en Suisse. Sur la base des données récoltées dans deux structures d’hébergement cantonales gérées par des organisations privées, il étudie comment cette dynamique s’incarne dans le quotidien de la mise en oeuvre de la #politique_d’accueil. L’analyse montre que les pouvoirs publics et leurs mandataires sont de facto séparés par une « interface de la distance », composée principalement de trois rouages interdépendants : la gestion par les #indicateurs, la définition de #standards et une #rationalité_économique. Cet article interroge les effets de la délégation d’une tâche régalienne à la sphère privée, en ce qui concerne non seulement la conception de la politique publique, mais également la responsabilité et les opportunités de contestation. Il montre que la bureaucratisation néolibérale est à la fois une #technologie_de_gouvernement permettant à l’État de se redéployer et une conséquence de son réaménagement continu.

    https://www.erudit.org/fr/revues/lsp/2019-n83-lsp04994/1066087ar

    #ORS #privatisation #sous-traitance #asile #migrations #réfugiés #Suisse #accueil #hébergement #Fribourg #Berne #Asile_Bienne_et_Région (#ABR)

    Ajouté à la métaliste sur ORS :
    https://seenthis.net/messages/802341

  • Grève du 5 décembre : pourquoi Extinction Rebellion a saboté des trottinettes électriques
    https://www.numerama.com/politique/577575-greve-du-5-decembre-pourquoi-extinction-rebellion-a-sabote-des-trot

    Extinction Rebellion a rejoint le mouvement social de ce 5 décembre 2019. L’une de leurs actions a été de mettre hors service des milliers de trottinettes électriques. Quelles sont les raisons environnementales motivant cet acte ? On fait le point sur les sources fournies par XR. Un mouvement social de grève se tient en France depuis le 5 décembre 2019 et au moins jusqu’à lundi. Cette protestation à l’encontre de la réforme des retraites touche les transports et d’autres secteurs. Dans une optique de (...)

    #RATP #trottinette #écologie #ExtinctionRebellion

    //c0.lestechnophiles.com/www.numerama.com/content/uploads/2019/12/lime-extinction-rebellion.jpg

  • Morts à la frontière #Croatie-#Slovénie

    #frontière_sud-alpine #montagne #mourir_aux_frontières #asile #migrations #réfugiés #décès #morts #frontières #frontières

    –---

    Morire al confine

    L’ennesima vittima al confine tra Croazia e Slovenia. Questa volta a perdere la vita è stata una bambina che insieme alla madre e ai fratelli cercava di raggiungere la Slovenia attraversando il fiume Dragogna. Negli ultimi 4 anni in Slovenia sono morti 23 migranti

    https://www.balcanicaucaso.org/aree/Slovenia/Morire-al-confine-214618

    –—

    Balkanski put smrti/The Balkan Way of Death

    Since the closure of the refugee route in 2016, at least 259 migrants have died in the Balkans, and a large number of them have died in the countries of the former Yugoslavia, according to publicly available data collected by an international group of activists and researchers. The real death toll, however, is probably far higher

    https://www.portalnovosti.com/balkanski-put-smrti

    –----

    Ajouté à cette métaliste :
    https://seenthis.net/messages/758646

  • Vers une histoire de la violence , Le Courrier Suisse, 3 novembre 2019, par Francois Cusset
    https://lecourrier.ch/2019/11/03/vers-une-histoire-de-la-violence

    Vers une histoire de la violence
    La violence parle le langage du pouvoir. Le terme a toujours été le pivot d’un « tour de magie ancestral », selon ­l’historien François Cusset, qui consiste à agiter le « fantasme d’une violence imminente » pour justifier une violence « présente, dûment rationalisée ». L’histoire de la violence ? « Une histoire de la stigmatisation et de l’asservissement des populations. »
    dimanche 3 novembre 2019 François Cusset
    Vers une histoire de la violence
    Déploiement de la police montée lors des manifestations du 1er mai 2019 à Paris. FLICKR/CC/JEANNE MENJOULET
    Analyse

    Quand l’oligarchie athénienne qualifie de « barbare », il y a 2500 ans, l’immense majorité de la population extérieure à l’oligarchie – femmes, non-propriétaires, esclaves, étrangers, ennemis –, ce mot suffit à justifier par avance la violence d’Etat qui pourra être exercée contre eux. Et l’opération est plus explicite encore quand le conseiller à la sécurité nationale du président George W. Bush déclare en 2002 : « Un Etat voyou est n’importe quel Etat que les Etats-Unis déclarent tel ». Au-delà de la paranoïa belliqueuse post-11 septembre, l’arbitraire revendiqué de la formule sert à soumettre la justice à la puissance, ancestral coup de force rhétorique qui rappelle que si, comme le posait jadis (Blaise) Pascal le janséniste, « la justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique », l’équilibre de ces deux pôles reste une vue de l’esprit, et l’usage officiel de la force sera toujours le meilleur moyen de s’arroger les vertus de la justice.

    Les exemples ne se comptent plus de cette vieille prestidigitation des pouvoirs, consistant à agiter le fantasme d’une violence imminente, et archaïque, pour justifier une violence présente, dûment rationalisée. Les migrants qu’on rafle et qu’on expulse pour le danger supposé de certains d’entre eux ou juste, à mots de moins en moins couverts, pour les emplois et les allocations qu’on ne peut pas distribuer sans limites, ni faire violence à ceux qui y auraient vraiment droit. Le missile israélien qui déchiquette quelques familles dans les territoires palestiniens pour l’attentat terroriste qu’ils seraient là-bas, d’après les services secrets, en train de fomenter dans l’ombre.

    Ou encore, moins spectaculaire, le militant écologiste qu’on jette en prison pour avoir arraché des plants de maïs, comme si les pesticides et les OGM n’exerçaient pas la plus grande des violences sur les corps et les biotopes. Et le jeune punk délogé avec brutalité de sous une porte cochère parce que sa forme de vie ou ses atours sont associés par la bien-pensance publique au parasitisme, au vandalisme ou à l’égoïsme anti-social. On n’est jamais très loin de l’autre bout du spectre, où la jeune femme venue déposer plainte pour agression sexuelle et le citadin gay pour insulte homophobe se voient reprocher plus ou moins implicitement un accoutrement ou des choix d’existence qui feraient violence à la bienséance voire à l’ordre public. Par cette inscription, cette façon de légitimer les arbitraires d’Etat, par les méfiances et les rancœurs qui relient les uns et les autres, la violence, bien plus que la déflagration d’un instant, est une chaîne de conséquences, une émotion circulatoire, le piège d’un circuit sans fin.

    C’est le premier problème que posent le mot et le concept de violence, qui rend difficile le travail nécessaire, mais délicat pour historiciser ces questions. Faire une histoire de la violence, pour en comprendre les formes d’aujourd’hui et l’usage tactique dans les luttes de résistance, est donc hautement problématique. Car si la violence légitime est exercée au nom d’une violence antérieure, pour « pacifier » les sociétés comme on le dit depuis la Seconde Guerre mondiale, alors tout dans une telle histoire risque bel et bien d’être à double lecture. Et de fait, le grand tournant historique ici, autour des conquêtes coloniales et de la naissance de l’Etat moderne, sur une longue période qui va du XVIe au XIXe siècles, nous a toujours été présenté comme celui d’une atténuation et d’un encadrement juridique et politique (voire « civilisationnel ») de la violence – alors que l’historiographie récente a pu enfin démentir cette approche et démontrer que les violences d’Etat et les violences coloniales ont été bien pires, par leur bilan quantitatif comme leur ordre normatif, que la conflictualité ordinaire, celle de la vie sociale traditionnelle ou des luttes intercommunautaires, qu’elles étaient censées réduire.

    A l’insécurité résiduelle, avant le Code pénal et l’éclairage nocturne, de nos villes et nos villages, où en effet on pouvait impunément détrousser le visiteur ou occire le manant, l’Etat moderne a substitué ses cadres coercitifs, normalisateurs et centralisateurs, et sa passion punitive légale, à mesure que se creusait le fossé entre le danger objectif et la sanction pénale : entre les années 1980 et aujourd’hui, par exemple, pendant que chutaient en France les taux d’homicides, mais aussi de délits pénaux moindres, la population carcérale a été multipliée par 2,3, « inutilement » en somme.

    Pour compléter ces deux axes majeurs de l’histoire politique moderne – conquête coloniale et formation de l’Etat – on peut ajouter que celle-là s’est prolongée, une fois acquises les indépendances nationales sur les continents concernés (de 1802 pour Haïti à 1962 pour l’Algérie), sous la forme d’un endocolonialisme1 du cru, entretenu par la tutelle économique et morale des anciennes métropoles, ou des nouvelles puissances. Quant à celle-ci (la formation de l’Etat), elle est ce qui a permis aux guerres entre nations voisines, qui avaient toujours existé, d’acquérir une forme rationnelle et systématique et une échelle absolument inédite, qui culminèrent avec les deux guerres mondiales et leur mobilisation totale des corps et des esprits – pas besoin d’être un naïf anarchiste pour y voir une conséquence directe de l’inflation de la forme-Etat, d’un Etat « paroxystique ». Plus simplement dit : Napoléon fait édicter les codes civil et pénal, mais il ravage l’Europe ; les papes de la Renaissance sauvent les âmes des autochtones, mais en en faisant massacrer les corps ; la France apporte en Afrique du Nord l’éducation publique et quelques infrastructures, mais aussi la torture et le racisme d’Etat ; et si lois et normes se sont imposées peu à peu dans les foyers et les rues, d’Occident d’abord, y limitant les risques de désordres imprévus, ce fut avant tout sur les cadavres, innombrables, des insurgés de 1848, des communards de 1871, des mineurs de 1947 ou des refuzniks les plus têtus des années 1970 – ou encore, pour que nous vivions en paix à l’ère du « zéro mort » policier, sur les cadavres de Malik Oussékine, Carlo Giuliani ou Rémi Fraisse. Ou juste les 3000 blessures graves infligées par les policiers français en 30 samedis de « gilets jaunes ».

    En plus de la colonisation qui aurait sorti les peuples primitifs de l’arriération guerrière, et de l’Etat moderne qui aurait pénalisé les arbitraires locaux et les violences interindividuelles (jusqu’aux duels, dont la pratique disparaît enfin au début du XXe siècle), le troisième pilier de cette histoire de la modernité comme pacification sociale et restriction de la violence est à trouver du côté de la civilité. A partir du XVIIe siècle, la civilité est diffusée par les manuels de savoir-vivre et les nouvelles règles descendantes, prônées par l’aristocratie puis la bourgeoisie, ces règles neuves qui recommandent de ne pas se moucher dans la nappe, de discuter au lieu de frapper, d’être pudique et mesuré en toutes occasions.

    C’est la grande thèse du sociologue Norbert Elias sur le « processus de civilisation » comme intériorisation des normes et autorépression de la violence. Sauf qu’elle a été mal comprise, et que même Elias, plus subtil que ses exégètes, en énumérait les limites : la violence des barrières sociales qu’instaurent ces normes ; le mal-être et les complexes imputables à cette privatisation de l’existence ; et surtout les exceptions de taille que sont, au fil de ce processus de trois siècles, les mouvements sociaux qu’on massacre, l’Etat qui punit injustement, les peuples colonisés qui n’ont pas droit à un traitement aussi civil, les guerres de plus en plus longues et sanglantes qui dérogent à tout cela. Difficile, en un mot, de tracer ici le fil continu d’une histoire unidirectionnelle, qui verrait quand même, grosso modo, dans l’ensemble, réduite la violence collective et pacifiées les mœurs communes.

    La pire violence est rationnelle

    Une histoire de la violence à l’ère moderne doit donc être surtout une histoire de la stigmatisation et de l’asservissement des populations sous le prétexte, multiforme et récurrent, d’en prévenir, d’en punir, d’en empêcher ou d’en « civiliser » la violence première – autrement dit, la violence instinctuelle, barbare, inéduquée, infantile, subjective, incontrôlable, là où la violence punitive, parce que légitime, et ne s’appelant donc plus violence, serait rationnelle, légale, élaborée, légitime, adulte, objective, mesurée.

    Certitude intemporelle : le pouvoir n’existe que pour pointer et endiguer une violence qu’il dit originelle. Et que celle-ci soit ou non un mythe, son discours infini sur elle et ses actes officiels contre elle finissent par la faire exister, au moins dans nos esprits rompus à l’idée qu’à l’origine est la violence (du Big Bang, de l’accouchement, ou du sauvage que personne encore n’a sauvé de lui-même) et qu’au terme d’une évolution digne, se trouverait l’apaisement (par les lois, l’éducation, l’ordre, la culture, les institutions, sans même parler du commerce).

    C’est précisément ce postulat profondément ancré, ce postulat d’une violence chaotique des origines à endiguer et à prohiber, qu’une véritable contre-histoire de la violence, ou une histoire des usages de la catégorie de violence, doit avoir à cœur de démonter – de mettre à nu. C’est aussi capital, et moralement faisable, que de démonter, sous l’occupation, le mensonge des affiches de propagande nazie qui présentaient la résistance comme violence sauvage et terrorisme meurtrier. Car ce récit des origines nous voile les vérités de l’histoire, à l’instar des fictions sur « l’état de nature », bien sûr introuvable dans l’histoire réelle, qui sous-tendent les simplismes de droite, avec leur méchant Léviathan venu encadrer le chaos effrayant où « l’homme est un loup pour l’homme », aussi bien que les angélismes de gauche, avec leur bon sauvage rousseauiste et leur civilisation venue corrompre l’humain pacifique. Il n’y a pas de bon sauvage ni de loup-pour-l’homme qui tiennent : loin de ces mythes, il y a les dialectiques de l’histoire, qui ont fait de l’Etat moderne comme de la civilité partout promue des forces à double effet, émancipatrices et répressives, autorisant une rupture avec la tradition aussi bien qu’une re-normalisation coercitive.

    Pendant ce temps, les violences insurrectionnelles décriées et brutalement réprimées, au présent de leur irruption, par les classes dirigeantes, furent la seule communauté réelle d’un peuple que tout divisait par ailleurs et, bien souvent, le seul moyen d’obtenir des avancées effectives sur le terrain du droit, des conditions de vie et de travail, de l’égalité sociale et des libertés civiles – au fil de trois siècles d’émeutes et d’insurrections noyées dans le sang, mais sans lesquelles les quelques progrès de l’histoire moderne n’eurent jamais été obtenus.

    La violence instinctuelle existe évidemment, mais elle n’est que ponctuelle, là où la violence instituée, rendue invisible par les dispositifs de justification étatico-normatifs, dévaste et tue partout et en continu. « Le plus dangereux, dans la violence, est sa rationalité », concluait Michel Foucault en 1979. Les montages financiers ultra-complexes qui mettent en faillite des pays lointains, les exploits technologico-industriels qui mettent en danger la pérennité de la vie sur Terre, ou les trésors d’intelligence stratégique et de créativité esthétique déployés pour produire à l’excès et vendre n’importe quoi ne cessent, aujourd’hui, d’en apporter la désolante illustration – outre qu’ils rappellent que derrière les guerres et les massacres, les sexismes qui tuent et les racismes qui assassinent, la violence la plus dévastatrice aujourd’hui est sans conteste la violence de l’économie. Et ce, d’abord sur les psychés, exsangues, humiliées, pressurisées, réduites à la haine de soi et à l’horizon bouché des rivalités constantes, dont on ne se libère qu’en sautant par la fenêtre.

    Notes
    1. ↑ Forme de néocolonialisme où, malgré l’indépendance nationale, le pays colonisé reste économiquement et politiquement sous l’emprise du colon.

    L’auteur est historien des idées et professeur à l’Université de Nanterre. Récente publication : Le déchaînement du monde : logique nouvelle de la violence, La Découverte, 2018.

    Article paru (version longue) dans Moins !, journal romand d’écologie politique, dossier : « La violence en question », n°43, oct.-nov. 2019.

  • Sur le plancher des vaches IV/II
    Symboles (et plus si affinités)

    Natalie

    https://lavoiedujaguar.net/Sur-le-plancher-des-vaches-IV-II-Symboles-et-plus-si-affinites

    Paris, le 23 octobre 2019
    Amis,

    Sans transition, on commencera aujourd’hui par s’intéresser à l’art, et plus particulièrement aux artistes : « Dans les représentations actuelles, l’artiste voisine avec une incarnation possible du travailleur du futur, avec la figure du professionnel inventif, mobile, indocile aux hiérarchies, intrinsèquement motivé, pris dans une économie de l’incertain, et plus exposé aux risques de concurrence interindividuelle et aux nouvelles insécurités des trajectoires professionnelles. Comme si, au plus près et au plus loin de la révolution permanente des rapports de production prophétisée par Marx, l’art était devenu un principe de fermentation du capitalisme. » À cette thèse du sociologue Pierre-Michel Menger, une étudiante répond : « La massification du travail précaire dans le secteur artistique et la flexibilité du travail artistique ne constituent nullement une définition des métamorphoses du capitalisme : ils seraient même plutôt un signe de l’absorption du secteur artistique dans la mondialisation et dans la marchandisation généralisée de la culture. »

    Qui de la poule ou de l’œuf ? en somme. Soit, au bout du compte, la grande question alimentaire : est-ce le sujet qui alimente le capitalisme ou le capitalisme qui nourrit le sujet ? (...)

    #langage #symbole #art #capitalisme #massification #flexibilité #travail #projet #entreprise #carrière #objectifs #résultats #signature #durable #désir #stratégie #Terre #uniformisation #globalité #gouvernance #norme #genre #corps #Dieu #Genèse #RATP #machines #icônes #France #Rabelais

  • Point de fuite : en #Géorgie : le #vin au cœur de la vie !

    Nichée au pied des montagnes du #Caucase et située aux abords de la mer Noire, la Géorgie et ses 3,7 millions dʹhabitants fabriquent leur vin grâce à une méthode ancestrale par ʹʹ#Qvevrisʹʹ. Les Qvevris sont des #jarres en #terre_cuite enfoncées dans le sol où fermentent des litres de vin. En 2013, lʹUnesco classait au patrimoine mondial cette méthode de #vinification utilisée par la plupart des familles géorgiennes pour le vin destiné à leur consommation personnelle. Car le vin, ʹʹboisson sacréeʹʹ, est intimement lié à la culture géorgienne et régit les relations sociales au quotidien. Reportage dans la vallée de la #Ratcha, qui, pour palier la pauvreté, commence à commercialiser son ʹʹnectar millénaireʹʹ.


    https://www.rts.ch/play/radio/point-de-fuite/audio/point-de-fuite-en-georgie-le-vin-au-cur-de-la-vie?id=10763961
    #audio #viticulture

  • Ce tweet, m’a donné envie de mettre ici les affiches dans lesquels le parti #UDC en #Suisse (mais pas que eux) utilise des images d’#animaux pour ses campagnes électorales...


    https://twitter.com/mathieuvonrohr/status/1178256562923692037
    En cette année 2019 c’est donc le #octopus qui est l’animal fétiche...
    #poulpe #pieuvre

    Il fut un temps il y a eu :
    des #requins...

    des #corbeaux :

    ... et évidemment des #moutons (noirs) :

    Et au #Tessin, un groupe probablement financé soit par l’UDC ou alors par la #Lega_dei_Ticinesi, avait utilisé des #rats...

    #affiche #campagne #animal #invasion #migrations #xénophobie #immigration_de_masse

    Pour celleux qui veulent en savoir un peu plus sur ce type de campagnes qui tapissent la Suisse, un article que j’avais écrit pour @visionscarto :
    En Suisse, pieds nus contre rangers


    https://visionscarto.net/en-suisse-pieds-nus-contre-rangers

  • Réforme des #RETRAITES : la RATP fait monter la pression, juste avant les libéraux
    https://www.mediapart.fr/journal/france/130919/reforme-des-retraites-la-ratp-fait-monter-la-pression-juste-avant-les-libe

    En menant une grève d’ampleur, bloquant une bonne partie du transport collectif d’Île-de-France ce vendredi 13 septembre, les agents de la RATP lancent le bal des mobilisations contre la réforme des retraites. Lundi, les professions libérales doivent prendre le relais. Face à cette constellation contestataire, le gouvernement joue la montre.

    #RATP,_réfome,_retraités,_social,_Edouard_Philippe,_régimes_spéciaux,_A_la_Une

  • UN Human Rights Council Should Address Human Rights Crisis in Cambodia at its 42nd Session

    Dear Excellency,

    The undersigned civil society organizations, representing groups working within and outside Cambodia to advance human rights, rule of law, and democracy, are writing to alert your government to an ongoing human rights crisis in Cambodia and to request your support for a resolution ensuring strengthened scrutiny of the human rights situation in the country at the upcoming 42nd session of the UN Human Rights Council (the “Council”).

    National elections in July 2018 were conducted after the Supreme Court, which lacks independence, dissolved the major opposition party, the Cambodia National Rescue Party (CNRP). Many believe that this allowed the ruling Cambodian People’s Party (CPP) under Prime Minister Hun Sen to secure all 125 seats in the National Assembly and effectively establish one-party rule. Since the election, respect for human rights in Cambodia has further declined. Key opposition figures remain either in detention – such as CNRP leader Kem Sokha, who is under de facto house arrest – or in self-imposed exile out of fear of being arrested. The CNRP is considered illegal and 111 senior CNRP politicians remain banned from engaging in politics. Many others have continued to flee the country to avoid arbitrary arrest and persecution.

    Government authorities have increasingly harassed opposition party members still in the country, with more than 147 former CNRP members summoned to court or police stations. Local authorities have continued to arrest opposition members and activists on spurious charges. The number of prisoners facing politically motivated charges in the country has remained steady since the election. The government has shuttered almost all independent media outlets, and totally controls national TV and radio stations. Repressive laws – including the amendments to the Law on Political Parties, the Law on Non-Governmental Organizations, and the Law on Trade Unions – have resulted in severe restrictions on the rights to freedom of expression, peaceful assembly and association.

    It is expected that a resolution will be presented at the 42nd session of the Human Rights Council in September to renew the mandate of the UN Special Rapporteur on the situation of human rights in Cambodia for another two years. We strongly urge your delegation to ensure that the resolution reflects the gravity of the situation in the country and requests additional monitoring and reporting by the Office of the High Commissioner for Human Rights (OHCHR). Mandated OHCHR monitoring of the situation and reporting to the Council, in consultation with the Special Rapporteur, would enable a comprehensive assessment of the human rights situation in Cambodia, identification of concrete actions that the government needs to take to comply with Cambodia’s international human rights obligations, and would allow the Council further opportunities to address the situation.

    Since the last Council resolution was adopted in September 2017, the situation of human rights in Cambodia, including for the political opposition, human rights defenders, and the media, has drastically worsened. Developments since the 2018 election include:

    Crackdown on Political Opposition

    On March 12, 2019, the Phnom Penh Municipal Court issued arrest warrants for eight leading members of the opposition Cambodia National Rescue Party who had left Cambodia ahead of the July 2018 election – Sam Rainsy, Mu Sochua, Ou Chanrith, Eng Chhai Eang, Men Sothavarin, Long Ry, Tob Van Chan, and Ho Vann. The charges were based on baseless allegations of conspiring to commit treason and incitement to commit felony. In September 2018, authorities transferred CNRP head Kem Sokha after more than a year of pre-trial detention in a remote prison to his Phnom Penh residence under highly restrictive “judicial supervision” that amounts to house arrest. Cambodian law has no provision for house arrest and there is no evidence that Sokha has committed any internationally recognizable offense.

    During 2019, at least 147 arbitrary summonses were issued by the courts and police against CNRP members or supporters. Summonses seen by human rights groups lack legal specifics, containing only vague references to allegations that the person summoned may have violated the Supreme Court ruling that dissolved the CNRP in November 2017.

    Human Rights Defenders and Peaceful Protesters

    In November 2018, Prime Minister Hun Sen stated that criminal charges would be dropped against all trade union leaders related to the government’s January 2014 crackdown on trade unions and garment workers in which security forces killed five people. However, the following month, a court convicted six union leaders – Ath Thorn, Chea Mony, Yang Sophorn, Pav Sina, Rong Chhun, and Mam Nhim – on baseless charges and fined them. An appeals court overturned the convictions in May 2019, but in July 2019 the court announced its verdict in absentia convicting Kong Atith, newly elected president of the Coalition of Cambodian Apparel Workers Democratic Union (CCAWDU), of intentional acts of violence in relation to a 2016 protest between drivers and the Capitol Bus Company. The court imposed a three-year suspended sentence, which will create legal implications under Article 20 of the Law on Trade Unions, which sets out among others that a leader of a worker union cannot have a felony or misdemeanor conviction.

    In December 2018, Thai authorities forcibly returned Cambodian dissident Rath Rott Mony to Cambodia. Cambodian authorities then prosecuted him for his role in a Russia Times documentary “My Mother Sold Me,” which describes the failure of Cambodian police to protect girls sold into sex work. He was convicted of “incitement to discriminate” and in July 2019 sentenced to two years in prison.

    In March 2018, the government enacted a lese majeste (insulting the king) clause into the Penal Code, and within a year four people had been jailed under the law and three convicted. All the lese majeste cases involved people expressing critical opinions on Facebook or sharing other people’s Facebook posts. The government has used the new law, along with a judiciary that lacks independence, as a political tool to silence independent and critical voices in the country.

    In July 2019, authorities detained two youth activists, Kong Raya and Soung Neakpoan, who participated in a commemoration ceremony on the third anniversary of the murder of prominent political commentator Kem Ley in Phnom Penh. The authorities charged both with incitement to commit a felony, a provision commonly used to silence activists and human rights defenders. Authorities arrested seven people in total for commemorating the anniversary; monitored, disrupted, or canceled commemorations around the country; and blocked approximately 20 members of the Grassroots Democracy Party on their way to Takeo province – Kem Ley’s home province.

    Attacks on Journalists and Control of the Media

    Prior to the July 2018 election, the Cambodian government significantly curtailed media freedom, online and offline. In 2017, authorities ordered the closure of 32 FM radio frequencies that aired independent news programs by Radio Free Asia (RFA) and Voice of America. RFA closed its offices in September 2017, citing government harassment as the reason for its closure. The local Voice of Democracy radio was also forced to go off the air.

    Since 2017, two major independent newspapers, the Phnom Penh Post and The Cambodia Daily, were subjected to dubious multi-million-dollar tax bills, leading the Phnom Penh Post to be sold to a businessman with ties to Hun Sen and The Cambodia Daily to close.

    Social media networks have come under attack from increased government surveillance and interventions. In May 2018, the government adopted a decree on Publication Controls of Website and Social Media Processing via Internet and the Law on Telecommunications, which allow for arbitrary interference and surveillance of online media and unfettered government censorship. Just two days before the July 2018 elections, authorities blocked the websites of independent media outlets – including RFA and VOA – which human rights groups considered an immediate enforcement of the new decree.

    Since then, Cambodian authorities have proceeded with the politically motivated prosecution of two RFA journalists, Yeang Sothearin and Uon Chhin. They were arrested in November 2017 on fabricated espionage charges connected to allegations that the two men continued to report for RFA after RFA’s forced closure of its Cambodia office. They were held in pre-trial detention until August 2018. Their trial began in July 2019 and a verdict on the espionage charges is expected late August. They face up to 16 years in prison.

    *

    The Cambodian government’s actions before and since the July 2018 election demonstrate a comprehensive campaign by the ruling CPP government to use violence, intimidation and courts that lack judicial independence to silence or eliminate the political opposition, independent media, and civil society groups critical of the government.

    We strongly urge your government to acknowledge the severity of the human rights situation and the risks it poses to Cambodia’s fulfillment of its commitments to respect human rights and rule of law as set out in the Paris Peace Accords 1991. It is crucial that concerned states explicitly condemn the Cambodian government’s attacks on human rights norms and take steps to address them.

    For these reasons, we call on the Human Rights Council to adopt a resolution requesting the UN High Commissioner for Human Rights to monitor and report on the situation of human rights in Cambodia and outline actions the government should take to comply with its international human rights obligations. The High Commissioner should report to the Council at its 45th session followed by an Enhanced Interactive Dialogue with participation of the Special Rapporteur on Cambodia, other relevant UN Special Procedures, and members of local and international civil society.

    We further recommend that your government, during the Council’s September session, speaks out clearly and jointly with other governments against ongoing violations in Cambodia.

    We remain at your disposal for any further information.

    With assurances of our highest consideration,

    Amnesty International
    ARTICLE 19
    ASEAN Parliamentarians for Human Rights (APHR)
    Asian Forum for Human Rights and Development (FORUM-ASIA)
    Asian Legal Resource Centre (ALRC)
    Cambodian Alliance of Trade Unions (CATU)
    Cambodian Center for Human Rights (CCHR)
    Cambodian Food and Service Workers’ Federation (CFSWF)
    Cambodian Human Rights and Development Association (ADHOC)
    Cambodian League for the Promotion & Defense of Human Rights (LICADHO)
    Cambodian Youth Network (CYN)
    Cambodia’s Independent Civil Servants Association (CICA)
    Center for Alliance of Labor and Human Rights (CENTRAL)
    CIVICUS: World Alliance for Citizen Participation
    Civil Rights Defenders (CRD)
    Committee to Protect Journalists (CPJ)
    Commonwealth Human Rights Initiative (CHRI)
    FIDH – International Federation for Human Rights
    Fortify Rights
    Human Rights Now
    Human Rights Watch (HRW)
    International Commission of Jurists (ICJ)
    Independent Democracy of Informal Economy Association (IDEA)
    International Service for Human Rights (ISHR)
    Lawyers’ Rights Watch Canada (LRWC)
    National Democratic Institute (NDI)
    Reporters Without Borders (Reporters Sans Frontières - RSF)
    World Organisation Against Torture (OMCT)

    https://www.hrw.org/news/2019/08/30/un-human-rights-council-should-address-human-rights-crisis-cambodia-its-42nd-se
    #Cambodge #droits_humains #arrestations #opposition #liberté_d'expression #censure #presse #médias #lese_majeste #Kem_Ley #Rath_Rott_Mony #Kong_Raya #Soung_Neakpoan #réseaux_sociaux

  • « Le #classement_de_Shanghaï n’est pas fait pour mesurer la qualité des universités françaises »

    Pour le chercheur #Hugo_Harari-Kermadec, ce classement a surtout poussé la #France à faire des choix qui vont à l’encontre de « l’esprit de #service_public ».

    Le classement de Shanghaï des universités, dont la dernière édition est rendue publique jeudi 15 août, et les #politiques_d’excellence qui soutiennent cette #compétition entre établissements ont accentué la #polarisation de l’#enseignement_supérieur français, c’est-à-dire la logique de #distinction de quelques établissements au détriment des autres.

    Ces « champions » sont aussi ceux qui accueillent la population étudiante la plus favorisée socialement. C’est ce qu’explique Hugo Harari-Kermadec, maître de conférences en économie à l’Ecole normale supérieure (ENS) Paris-Saclay et spécialiste de l’enseignement supérieur. Il est l’auteur du livre Ce que Shanghaï a fait à l’université française, qui paraîtra en octobre aux éditions Le Bord de l’eau.

    Dans toutes les éditions du classement de Shanghaï, les établissements français sont plutôt mal classés. Est-ce le symptôme d’une mauvaise santé chronique des universités françaises ?

    C’est surtout le signe que ce classement n’est pas fait pour mesurer la qualité des universités françaises. Il a une importance considérable dans le débat public français, alors que ce n’est pas le cas aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, où les établissements universitaires sont pourtant très bien classés. Ni en Allemagne, où ils sont mal placés, pour des raisons similaires à la France. Des présidents de facultés allemandes refusent même de transmettre leurs informations au cabinet de conseil qui établit le classement.

    En France, le classement de Shanghaï a entraîné des #choix_politiques, comme des #regroupements_universitaires, parfois artificiels, mais pourtant sans grands effets sur la place des établissements dans ce palmarès.

    Les faibles #performances des facultés françaises dans le classement de Shanghaï ne sont pas, en soi, un signe de mauvaise santé. Ce qui ne veut pas dire qu’elles aillent bien. Elles manquent très sérieusement de moyens, surtout pour l’enseignement. Elles doivent en permanence s’adapter à un contexte réglementaire bouleversé depuis vingt ans, à une mise en concurrence pour obtenir des financements – pour la rénovation des campus ou pour les projets de recherche.
    L’excellence de la #recherche compte énormément dans ce classement. Comment peut-elle s’articuler, dans un contexte budgétaire contraint, avec la nécessité d’accueillir en licence un nombre croissant d’étudiants ?

    La politique du gouvernement est, sans l’assumer, de créer d’un côté des « #universités-licence » sans réelle recherche, et de l’autre, quelques très grandes universités de recherche, fusionnées avec des grandes écoles.

    Cette logique est manifeste au travers des projets #IDEX (#initiative_d’excellence), ces programmes de financement de pôles universitaires qui revendiquent une excellence visible depuis Shanghaï. Mettre en avant le classement de Shanghaï dans la communication gouvernementale permet de justifier les importants #financements attribués à certains établissements – près de 1 milliard d’euros pour l’université Paris-Saclay. En outre, cette politique dite d’excellence a relégué au second plan l’accueil des nouveaux étudiants nés avec le boom démographique du début des années 2000.

    Faire de la recherche et former le plus grand nombre, est-ce contradictoire ?

    Dans la mise en œuvre des politiques publiques « d’excellence » à laquelle nous assistons, oui. Cela ne devrait pas l’être, puisque le lien entre #enseignement et recherche est la caractéristique du système universitaire.

    Le #projet_Saclay a ainsi changé un nombre incalculable de fois pour arriver à un ensemble qui pourrait être classé par Shanghaï ; c’est-à-dire ressembler institutionnellement à une université anglo-saxonne. La nouvelle #université_Paris-Saclay, qui naîtra au 1er janvier 2020, sera un établissement avec des étudiants presque tous sélectionnés, focalisé sur le niveau master et le doctorat, et avec beaucoup plus de recherche et beaucoup moins d’enseignement que dans une université française traditionnelle.

    Quels sont les effets de cette course à l’excellence, et de cette compétition entre universités françaises ?

    Au sein du collectif de recherche Acides, avec Romain Avouac, nous avons montré que les universités françaises sont très polarisées suivant l’origine sociale des étudiants.

    A #Paris-Dauphine, on ne trouve pratiquement pas d’enfants des classes populaires. A l’inverse, certaines universités d’outre-mer ou des Hauts-de-France ont très peu d’enfants de cadres, alors qu’ils constituent 40 % de la population étudiante à l’université. Et, surprise, les universités à la population étudiante la plus aisée sont celles qui sont les mieux classées par Shanghaï, et qui reçoivent les financements IDEX.

    Les #financements des politiques publiques de « l’excellence » renforcent donc indirectement la #polarisation_sociale du #système_universitaire, en donnant plus de moyens pour l’éducation des étudiants favorisés. Finalement, adapter le système universitaire français au classement de Shanghaï, c’est lui faire adopter une logique de concurrence et de #rationalisation_économique, au détriment de l’esprit de service public et des missions académiques.

    Ces classements sont-ils regardés par les étudiants ?

    La sociologue Leïla Frouillou a montré en 2017 que les classements d’universités sont en réalité peu suivis par les étudiants. Même ceux de Dauphine, pourtant bien classée par Shanghaï, n’ont pas suivi le palmarès pour choisir leur établissement, comme l’ont montré dans leurs travaux les chercheurs Séverine Chauvel et Pierre Clément.

    Il en va autrement pour les étudiants en mobilité internationale, en particulier en provenance d’Asie. D’une part parce qu’ils ne connaissent pas les universités françaises, contrairement aux étudiants français qui suivent les conseils de leurs enseignants et de leurs parents, amis, familles. D’autre part, choisir une université bien classée est un argument de poids lorsqu’il s’agit d’obtenir un prêt étudiant pour financer le voyage, le coût de la vie et les frais d’inscription.

    https://www.lemonde.fr/campus/article/2019/08/15/le-classement-de-shanghai-n-est-pas-fait-pour-mesurer-la-qualite-des-univers
    #université #qualité #science #ranking #excellence #classes_sociales

    • Tiens tiens... comme par hasard, l’#université_grenoble_alpes s’apprête à une nouvelle fusion (que nos dirigeants n’appellent pas fusion, mais quelque chose comme rapprochement, mais tant est...).

      Après avoir fusionné les 3 universités de Grenoble en 2016 :

      Fusion des trois universités grenobloises : Université Joseph Fourier (Grenoble 1), Université Pierre-Mendès-France (Grenoble 2), Université Stendhal (Grenoble 3). La nouvelle université se dénomme désormais Université Grenoble Alpes. Elle a pour ambition d’être encore plus visible à l’international et ainsi d’attirer les meilleurs étudiants, enseignants et enseignants-chercheurs.

      https://www.univ-grenoble-alpes.fr/l-universite/decouvrir-l-uga/decouvrir-l-universite-grenoble-alpes-367937.kjspl-histoire-de-l-uga/l-histoire-de-l-uga-1105.kjsp

      ... l’Université Grenoble Alpes s’apprête à créer en janvier 2020 une nouvelle entité : l’#Université_intégrée :

      Vers une université intégrée

      Initiée en 2013 avec la mise en place d’une signature unique pour les publications scientifique, renforcée en 2014 par la mise en oeuvre des pôles de recherche puis en 2016 par la création de l’Université Grenoble Alpes et l’obtention de l’IDEX, la dynamique « Univ. Grenoble Alpes » vise à créer un grand site universitaire de rang mondial. A l’horizon 2020, un nouvel établissement rassemblant l’Université Grenoble Alpes, la Communauté Université Grenoble Alpes, Grenoble INP, Sciences Po Grenoble et l’École Nationale supérieure d’architecture de Grenoble devrait ainsi voir le jour.

      L’organisation et la gouvernance de cette université au statut juridique particulier font actuellement l’objet d’une concertation. Les groupes de concertation sont constitués de représentants des élus dans les conseils et de représentants des établissements.

      https://www.univ-grenoble-alpes.fr/l-universite/notre-strategie-politique-et-nos-grands-projets/vers-une-universite-integree/vers-une-universite-integree-369926.kjsp

      Une nouvelle structure qu’en réalité personne ne veut (la fusion de 2016 a déjà coûté beaucoup d’énergie à tout le monde, et surtout au personnel technique et administratif), mais que le président de l’UGA mène au galop... l’enjeu ? Evidemment, pouvoir accéder aux financements IDEX...