Reconstituer une ruralité Site de l’Offensive Libertaire et sociale

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  • L’#agriculture en ville

    Les agricultures urbaines qui se developpent à l’échelle mondiale sont des « extraits de campagne » qui pénètrent la ville, réactivant l’utopie de la cité fertile. Or si l’on connaît mieux la périurbanisation, il faut désormais s’intéresser à la ruralification. Jamais nommé ainsi, ce phénomène social désigne l’insertion de l’activité agricole dans un espace qui ne lui est pas dédié et peut-être à des modes de pensée empruntés au monde rural.


    http://sms.hypotheses.org/4539
    #urban_matters #agriculture_urbaine
    cc @odilon

  • #Villes contestées - Les Prairies ordinaires
    http://www.lesprairiesordinaires.com/villes-contesteacutees.html

    VILLES CONTESTÉES
    Pour une géographie critique de l’urbain
    Cécile Gintrac et Matthieu Giroud
    416 pages, 24 €
    ISBN 978-2-35096-083-8

    Ville globale, ville créative, ville multiculturelle, ville intelligente… Autant de slogans à la mode qui imposent et diffusent une vision aseptisée et consensuelle des réalités urbaines. Les villes doivent au contraire être bousculées, chahutées, contestées. C’est précisément ce que ce recueil se propose de faire en réunissant pour la première fois un ensemble d’auteurs dont la réflexion n’épargne ni les espaces urbains, ni les élites qui les façonnent et les gouvernent.
    Par la #radicalité de leurs analyses, qui portent entre autres sur la financiarisation de la production urbaine, sur les trompe-l’œil que représentent le développement durable, la #mixité sociale ou le multiculturalisme, sur les dispositifs de surveillance et de contrôle des populations, et plus globalement sur les formes de domination qui régissent les rapports sociaux en ville, les onze textes réunis dans ce recueil parviennent à identifier, et par là à contester, les nombreuses contradictions #spatiales et urbaines que le système capitaliste produit et reproduit. Ils nourrissent ainsi une géographie critique de l’urbain et, indirectement, une #critique en profondeur des sociétés contemporaines.

    Avec des textes de : Jennifer Robinson ; Melissa R. Gilbert ; David #Harvey ; Erik Swyngedouw, Frank Moulaert et Arantxa Rodriguez ; Roger Keil et Julie-Anne Boudreau ; Bernd Belina ; Kanishka Goonewardena et Stefan Kipfer ; Neil Smith ; Don Mitchell ; Marcelo Lopes de Souza ; Edward W. Soja.

  • La carte de la pauvreté dans le Sud-Ouest : la prise en compte de la rurbanité ?
    http://bearniaiseries.blogspot.fr/2014/06/la-carte-de-la-pauvrete-dans-le-sud.html

    La carte de la #pauvreté, officialisée par le Gouvernement, basée sur des critères économiques objectifs, vient d’être publiée. Le constat est évident : sont désormais prises en compte tout un tas de petites villes et moyennes en complète déliquescence depuis des années, villes profondément acculturées, où le pire de la #mondialisation côtoie souvent les restes aliénés des cultures autochtones populaires. C’est la France où se développe le vote #FN depuis deux décennies.


    Contrairement à ce qu’affirment des sociologues, pour critiquer cette nouvelle carte, il est assez faux de dire qu’elle serait un signe donné aux « petits blancs » des campagnes. Ce n’est pas que ça. L’affirmer, c’est faire montre d’une vraie méconnaissance de la réalité démographique de nombreuses villes petites et moyennes, dont les thématiques rejoignent souvent celles des villes périurbaines des plus grandes agglomérations.

    Le Lot-et-Garonne est un symbole avec l’inclusion de 4 villes qui complètent Agen : Marmande, Sainte-Livrade, Tonneins, Villeneuve-sur-Lot. Tout se cumule en Lot-et-Garonne : une économie en perte de vitesse (fermeture de la manufacture des tabacs de Tonneins, dépendance à la PAC de l’agriculture locale, ...), l’autoritarisme de l’État qui a fixé arbitrairement des populations (depuis les Italiens des années 30 jusqu’aux populations nord-africaines dans la seconde partie du XXème siècle), la vocation de lieu de passage entre métropoles (effet A62, pavillonarisation extrême), ...

    Cependant, le Lot-et-Garonne, parce qu’il a été le jouet de l’État qui y a testé une politique d’aménagement depuis 100 ans sans cohérence, est un peu particulier. Les villes où ce phénomène de #paupérisation s’installe de manière naturelle sont plus intéressantes, comme c’est le cas de Saint-Gaudens ou Pamiers. Les causes sont les mêmes, mais il est impossible de blâmer l’État véritablement : les dynamiques démographiques sont le seul produit du marché #immobilier. Les #classes_moyennes paupérisées de l’agglomération toulousaine ont migré dans de lointaines villes-satellites reliées à la métropole par l’#autoroute, où elles retrouvent une population locale qui a souvent perdu son activité industrielle traditionnelle.

    La prise en compte de la réalité économique de ces villes, loin des clichés sur les pays de cocagne, est une bonne chose, mais elle ne semble pas apporter de nos élites les solutions nécessaires. En effet, la carte de la pauvreté, outre l’aspect « subvention par tête de pipe », n’ouvre au fond qu’à des programmes de réhabilitation urbaine, or le problème de ces nouvelles villes pauvres, c’est moins le délabrement du bâti que l’absence de concertation en matière d’#aménagement_du_territoire avec les métropoles.

    On en vient - toujours - à la question de la #réforme_territoriale : en favorisant la construction de #régions centrées autour de #métropoles, qui auront pour but premier de finaliser la liaison entre ces dernières, nos élites vont accélérer le caractère d’hinterland de ces villes petites et moyennes, et conforter leur vocation de déversoir de tout ce que les métropoles boboïsées ne désirent plus, par les seules règles du marché. Au #RSA, on vit mieux à Pamiers qu’à Toulouse.

    Notre pays fonctionne tout entier pour le bien-être de ses seules grandes villes, dans l’espoir naïf qu’elles sont les uniques vectrices de la croissance économique. D’une certaine manière, le schéma français se généralise : une grande métropole accumule les richesses qu’elle daigne redistribuer sous la forme d’assistanat à ses périphéries moins dynamiques dont elle absorbe les forces vives. Ce fut longtemps Paris et la province. Ce sont désormais nos métropoles et leur région. Il est temps de briser ce modèle.

    écho à ce commentaire de @monolecte http://seenthis.net/messages/264639#message264670 sur la paupérisation
    #urbain_diffus #transports #banlieue_totale #culture_vernaculaire
    #déracinement #extrême-droite #centralisme

    • Voilà, c’est exactement ce que j’observe sur place : notre statut grandissant de colonies pénitentiaires des métropoles. Parce que les campagnes sont effectivement les nouveaux lieux de bannissement de ceux dont les villes n’ont plus besoin, avec l’idée sous-jacente qu’on pourra les forcer à bosser à vil prix dans les secteurs qui s’épanouissent sur la misère humaine : le tourisme, les services aux personnes, les travaux agricoles saisonniers.
      J’ai remarqué aussi que ces dernières années, on revient un peu à quelque chose de très semblable à la nourrice rurale de la période monarchique et de la période bourgeoise. Les enfants à problème des villes sont envoyés au vert, c’est à dire placés dans des familles d’accueil d’agriculteurs ou de ruraux propriétaires en perte de vitesse financière. De complément de revenu, cette activité est en passe de devenir le revenu principal dans beaucoup de familles du coin. Nos écoles rurales accueillent ainsi de plus en plus d’enfants déplacés, au moment même où la logique colonisatrice incite à fermer de plus en plus de postes d’enseignants chez nous pour les transférer dans les zones périurbaines de forte densité où s’entassent les jeunes actifs avec enfants (repoussés des centres-villes quand la naissance d’un enfant fait que la pression immobilière devient insupportable du fait du besoin d’espace supplémentaire !).
      De la même manière, les vieux et les handicapés urbains sont déplacés vers les zones rurales où la main d’œuvre captive et le mètre carré sont moins chers, mais où l’encadrement médical disparait à toute allure.

      En fait, tout se passe comme si la ville n’était plus qu’un immense organisme cannibale qui a le contrôle et absorbe toutes les matières premières que nous produisons à vil prix (parce que les prix sont fixés par les villes !) et rejette vers nous ce qu’elle considère comme des déchets, ce dont elle n’a plus besoin et qui l’encombre. Tout en refusant de plus en plus de jouer le jeu de la péréquation et de la redistribution.
      Ce qui se passe actuellement avec la redéfinition des niveaux de gouvernance et de compétence, c’est bien l’appropriation de toutes nos ressources financières et du pouvoir de décision sur et contre les ruraux, considérés eux-mêmes que comme des ressources primitives à consommer ou à se débarrasser. Des matières premières.

      Mais cela ne s’arrête pas là, parce que dans le même temps, nous héritons des mêmes problèmes que les villes : devant l’afflux de cassos’ des villes, les ruraux modestes, mais néanmoins propriétaires (nous avons énormément de propriétaires pauvres en zone rurale) se transforment en marchands de sommeil, retapant avec trois coups de peinture des granges ou des garages qu’ils peuvent ensuite louer bien confortablement à des gens qui n’ont pas ensuite les moyens de chauffer correctement des habitats qui s’avèrent souvent indignes à l’usage. Tout en leur crachant à la gueule, le cassos’ devenant le nouvel exutoire des frustrations de toute une petite classe populaire rurale qui cumule les sous-boulots pour garder un certain standing... comme une voiture en état de rouler pour aller bosser ou simplement acheter du pain...

      Bref, merci pour ce partage, @koldobika

    • @monolecte

      tout se passe comme si la ville n’était plus qu’un immense organisme cannibale qui a le contrôle et absorbe toutes les matières premières que nous produisons à vil prix (parce que les prix sont fixés par les villes !) et rejette vers nous ce qu’elle considère comme des déchets, ce dont elle n’a plus besoin et qui l’encombre. Tout en refusant de plus en plus de jouer le jeu de la péréquation et de la redistribution.
      Ce qui se passe actuellement avec la redéfinition des niveaux de gouvernance et de compétence, c’est bien l’appropriation de toutes nos ressources financières et du pouvoir de décision sur et contre les ruraux, considérés eux-mêmes que comme des ressources primitives à consommer ou à se débarrasser. Des matières premières.

      écho avec http://seenthis.net/messages/173394

      La ville-métropole n’a pu émerger qu’avec le développement du capitalisme et de l’État : par l’établissement de grands marchés urbains aux nœuds de circulation des flux d’êtres humains et de #marchandises, permettant aussi la centralisation des capitaux, et en parallèle par la centralisation du pouvoir qui était auparavant dispersé dans les innombrables fiefs, seigneuries ou républiques villageoises. Ainsi, de même que la grande économie n’a pu se constituer comme sphère autonome que lorsqu’elle s’est « désencastrée » des autres rapports sociaux, la #ville moderne n’a pu se constituer en tant que monde qu’à partir du moment où elle a rompu avec la #ruralité qui était en elle.

      #métropolisation

    • Campagnes à vendre Le miroir aux illusions
      http://www.infokiosques.net/spip.php?article961

      « Dans le passé, la France a été l’État le plus centralisé d’Europe, dont la grande majorité de la population était composée de paysans parcellaires. Mais, n’en déplaise aux nostalgiques, le capitalisme a depuis longtemps modifié la structure de la société campagnarde. Elle n’a plus grand-chose à voir, sauf parfois dans quelque vallée enclavée de haute montagne, avec les images d’Epinal. Deux guerres mondiales, puis l’accumulation forcenée du capital dès les années 50, sous l’égide de l’Etat et par le biais des plans d’aménagement du territoire national, l’ont labourée en profondeur. »

  • Comment la France est devenue moche - Le monde bouge - Télérama.fr
    http://www.telerama.fr/monde/comment-la-france-est-devenue-moche,52457.php

    Un hypermarché Leclerc s’installe au bout de la nouvelle voie express qui se cons­truit par tronçons entre Brest et Rennes. Puis viennent La Hutte, Conforama et les meubles Jean Richou... 300 hectares de terre fertile disparaissent sous le bitume des parkings et des rocades. Quelques maisons se retrouvent enclavées çà et là. La départementale devient une belle quatre-voies sur laquelle filent à vive allure R16, 504 et Ami 8. Un quartier chic voit le jour, toujours en pleine nature, qui porte un nom de rêve : la Vallée verte...

    C’est à ce moment-là que ça s’est compliqué pour les parents de Jean-Marc. Avec l’élargissement de la départementale, ils sont expropriés d’un bon bout de terrain et ne peuvent plus emmener leurs vaches de l’autre côté de la quatre-voies. Ils s’adaptent tant bien que mal, confectionnent des produits laitiers pour le centre Leclerc, avant de se reconvertir : la jolie ferme Quentel est au­jourd’hui une des salles de réception les plus courues de Bretagne.

    Les fermes voisines deviennent gîte rural ou centre équestre. La Vallée verte, elle, se retrouve cernée de rangées de pavillons moins chics : « Nous, on a eu de la chance, grâce à la proximité de l’aéroport, les terres tout autour de la ferme sont restées inconstructibles. » Aujourd’hui, quand il quitte son bout de verdure préservé pour aller à Brest, Jean-Marc contourne juste la zone de Kergaradec, tellement il trouve ça moche : « C’est à qui fera le plus grand panneau, rajoutera le plus de fanions. Comme si tout le monde hurlait en même temps ses messages publicitaires. »

    Ça s’est passé près de chez Jean-Marc, à Brest, mais aussi près de chez nous, près de chez vous, à Marseille, Toulouse, Lyon, Metz ou Lille, puis aux abords des villes moyennes, et désormais des plus petites. Avec un formidable coup d’accélérateur depuis les années 1982-1983 et les lois de décentralisation Defferre. Partout, la même trilogie – infrastructures routières, zones commerciales, lotissements – concourt à l’étalement urbain le plus spectaculaire d’Europe : tous les dix ans, l’équivalent d’un département français disparaît sous le béton, le bitume, les panneaux, la tôle.

    Lorsque apparaissent les premiers supermarchés, au début des années 60, la France ne compte que 200 kilomètres d’autoroutes, un morceau de périphérique parisien, aucune autre rocade, pas le moin­dre rond-point... et un architecte-urbaniste visionnaire, Le Corbusier ! Celui-ci a compris très tôt l’hégémonie à venir de la voiture, à laquelle il est favorable. Dès 1933, avec des confrères qu’il a réunis à Athènes, il a imaginé de découper les villes de fa­çon rationnelle, en quatre zones cor­respondant à quatre « fonctions » : la vie, le travail, les loisirs et les infrastructures routières.

    L’Etat s’empare de l’idée, on entre dans l’ère des « zones », ZUP, ZAC, etc. (1) Et puis il faut « rattraper » l’Allemagne et son insolent réseau d’autoroutes ! Du pain bénit pour notre illustre corps d’ingénieurs des Ponts et Chaussées. La France inscrit dans la loi (loi Pasqua, 1998) que tout citoyen doit se trouver à moins de quarante-cinq minutes d’une entrée ou d’une sortie d’autoroute ! Des itinéraires de contournement des villes sont construits, le territoire se couvre d’échangeurs, de bre­telles et de rocades. Vingt ans plus tard, les enfilades de ronds-points à l’anglaise, trop nombreux et trop grands, parachèvent le travail : ils jouent, constate Mangin, « le rôle de diffuseurs de l’étalement dans le nouveau Meccano urbain qui se met en place ».

    « Pourtant, le pavillon, c’est avant tout un choix contraint », constate David Mangin. Les centres-villes étant devenus inabordables, les familles pas très riches – elles sont la grande majorité – sont condamnées à l’exil périurbain. Et elles le resteront tant que manquera une bonne offre résidentielle collective. Alors, comme l’a observé l’urbaniste Bruno Fortier, « on tartine du lotissement au kilomètre », c’est facile et pas cher. Conçue par un promoteur-constructeur, la maison est un « produit », à commander sur catalogue. Où que l’on aille, le marché ne sait fournir que des lotissements avec des rues « en raquette », des parcelles de même taille, des maisons posées sur leur sous-sol de béton ; tant pis pour le raccord visuel avec la ville ancienne. Les plantes des jardins sont achetées en promotion à la jardinerie du coin ; tant pis pour la flore locale et le paysage.

    #banlieue_totale #urbain_diffus #ruralité #transports #voiture #habitat #écoumène #empreinte_écologique #grande_distribution

    http://seenthis.net/messages/166201
    http://seenthis.net/messages/173393
    http://seenthis.net/messages/173394
    http://seenthis.net/messages/194461

  • Quelques réflexions sur la #permaculture, l’autoproduction et la théorie du #don http://lezd.wordpress.com/2009/11/16/hirugarren-arauaz
    que m’ont rappelé certains éléments dont on causait avec @aude_v ici http://seenthis.net/messages/188975#message189968

    Je reviens sur un article de Toby Hemenway http://www.patternliteracy.com/sustag.html dans lequel il note à juste titre que le troisième principe éthique de la permaculture (celui concernant les surplus) est beaucoup moins clairement et simplement formulé que les deux premiers (“prendre soin de la Terre” et “prendre soin des gens”), ce qui traduit le manque d’aisance des permaculteurs quant au problème des surplus.

    Dans un autre article http://www.patternliteracy.com/surplus.html, il relie le problème des surplus au sentiment de la rareté. Cela dit je trouve moyennement convaincant son argumentaire quant à la conception cyclique ou linéaire du temps pour expliquer le sentiment de la rareté. Il me semble que les deux conceptions coexistent dans la plupart des cultures, pour décrire ce qui d’une part relève du cyclique-prévisible (journée/nuit, lunaisons, succession des saisons…), d’autre part du linéaire-singulier (croissance et vieillissement, différences entre années successives).
    Je trouve également assez alambiqués les liens qu’il fait entre angoisse existentielle, “connexion au divin” et offrande des surplus aux Dieux (ou au clergé).

    Il me semble que le sentiment de rareté dépend surtout de la largeur du champ des possibles sur lesquels on envisage de baser notre subsistance. Plus cette subsistance se base sur un petit nombre de choses, plus on percevra la rareté, lorsque l’une ou l’autre de ces choses viendra à nous faire défaut à un moment donné. En revanche, en basant notre subsistance sur une diversité suffisante, la raréfaction d’un élément à un moment donné pourra plus facilement être compensée par les autres.
    Pour prendre deux cas extrêmes, si sur un terrain donné on fait de la monoculture d’avoine on aura un certain risque d’être en situation de famine (en cas de mauvaise récolte) ou d’avoir de gros surplus sur les bras (en cas de bonne récolte). À l’inverse, si on fait sur la même surface de l’agroforesterie basée sur châtaigneraie, associée à de la biointensive, de l’élevage de volailles en parcours extensif, et de l’aquaculture, la production de l’ensemble sera relativement plus constante en quantité, car les fluctuations des rendements des divers éléments tendront à se compenser entre elles ; il faudrait vraiment avoir la poisse pour que tout foire ensemble, de même il serait peu probable qu’une saison soit exceptionnelle pour tous les éléments. Par ailleurs la diversité elle-même est un facteur de stabilité, stabilité qui atténuera les fluctuations en question (c’est une des propritétés émergentes des écosystèmes).
    En ce sens, le sentiment de rareté et la nécessité de stocker des surplus sont a priori plutôt liés aux systèmes agricoles qu’aux systèmes horticoles, les premiers étant de par leur diversité réduite plus sujets à des “anomalies quantitatives” de production.
    L’agriculture amène, toujours, à une concentration du pouvoir par l’élite. C’est le résultat inévitable de l’existence de gros surplus stockables, qui est au coeur de l’agriculture, et nous pourrions avoir besoin de créer une culture où le surplus, ainsi que la peur et la cupidité qui le rendent desirable, ne sont plus les résultats structurels de nos pratiques culturelles , nous dit Hemenway.

    S’agissant de réduire l’influence de la peur et la cupidité sur les échanges humains, il fait une référence intéressante à des observations de Marcel Mauss http://fr.wikipedia.org/wiki/Marcel_Mauss sur les pratiques de dons dans différentes sociétés, où les liens personnels créés par les dons sont bien plus importants que les objets donnés en eux-mêmes. Dans certains cas se sont même développées des méthodes empêchant de pouvoir calculer qui avait donné combien à qui, précisément pour éviter qu’une comptabilité trop précise restreigne le flux des dons. Comme dans le cas des spirales de dons.
    Ces spirales de dons sont courantes dans des communautés de petite taille dont les membres produisent des choses d’utilité immédiate (aliments, matériel, services basiques) et où l’entraide et la confiance sont suffisamment intégrées pour ne pas avoir à formaliser les termes des échanges http://www.onpeutlefaire.com/forum/viewtopic.php?p=46375.
    Il en est tout autrement dans la vie hors-sol, où nos activités sont hyperspécialiées et produisent rarement des choses d’utilité immédiate, et où les liens humains sont bien plus distants et rigides. Nous allons alignés, dans ce défilé qui a encore peur de la fraternité, vers les bureaux, entrepôts, pavillons, secrétariats, classes, magasins et autres espaces clôturés, pour, par notre haleine, et par notre sueur, et par nos gestes, et par nos regards, et par notre bassesse, et par notre tendresse aussi parfois, et par autant d’ignorance que d’inquiétude constamment, d’abominable et fatigante inertie commune, mutiler nos mouvements, en rendant plus licite la prostitution que l’amour, les conventions que le courage, les lois que le droit. (Lisabö, Egun bat nonahi, 2002)
    La rigidité des liens humains dans un cadre de vie hors-sol contribue d’ailleurs à accentuer le sentiment de dépossession. Car comme disait Von Foerster http://en.wikipedia.org/wiki/Heinz_Von_Foerster, plus les relations interindividuelles sont rigides, plus le comportement de la totalité apparaîtra aux éléments individuels qui la composent comme doté d’une dynamique propre qui échappe à leur maîtrise.
    Bref le développement de la permaculture doit aller de pair avec une informalité dans la circulation des surplus, cette informalité ne pouvant exister que dans des échanges à échelle humaine.

    Je m’arrête ici (pour l’instant) en revisitant un peu les trois principes en question :
    1. Prendre soin de notre milieu et de sa diversité
    2. Prendre soin des gens, en commençant par soi-même
    3. Créer des liens par lesquels les surplus peuvent circuler

    (#autopromo)

    • Cette troisième éthique a toujours été un mystère pour moi. Déjà elle a été tronquée pour être plus politiquement correcte (ou alors Holmgren a changé d’avis), car elle contenait la réduction (de l’augmentation ?) de la population et de la consommation, et la redistribution des surplus. Du coup je me dis que c’est peut être le garde fou, une sorte d’auto-régulation/feedback négatif pour ne pas que notre espèce grignote la planète même à coup de système en #permaculture ?

    • Pour ma part plus j’y pense et plus je me dis qu’il y a des ponts à faire entre :

      – la permaculture en tant qu’outil d’aménagement du territoire, de production alimentaire et énergétique,

      – le concept d’ #écoumène , qui aide à ajouter une dimension plus humaine et symbolique ("recosmiser" comme dirait Augustin Berque, « réenchanter » comme disent certains décroissants) à notre rapport à l’environnement http://seenthis.net/messages/134989 http://seenthis.net/messages/166201

      – la participation directe aux #communs , désencastrée de l’état http://seenthis.net/messages/168483 et des outils hétéronomes

      – un savoir-vivre comprenant l’entraide et le respect de la parole donnée. Dans ma région par exemple une forme d’entraide est appelée auzolana (littéralement le « travail de voisinage »), présente surtout dans le milieu paysan ancien, et consistant en des chantiers collectifs (typiquement la fauche des prairies, qui ne se fait pas à la même date sur tous les terrains) où participent un groupe de personnes chez chacun-e des participant-e-s successivement, sans ergoter sur la stricte équivalence entre l’effort dépensé chez les autres et l’effort dépensé par les autres chez soi (non mesurable de toute façon). Ce qui rejoint le fonctionnement des spirales de dons décrites par Mauss, et qui va de pair avec un esprit de courtoisie et d’honnêteté, dans lequel les liens ont au moins autant d’importance que les échanges en eux-mêmes. Cela sert par ailleurs de mécanisme limitant dans ces spirales l’impact des comportements grugeurs ou mesquins.

      Je pense qu’on aurait besoin de tout ça pour reconstituer des ruralités solides http://seenthis.net/messages/173394, qui pourraient d’ailleurs inclure les villes, dans la mesure où des quartiers urbains (matériellement parlant) peuvent fonctionner selon ces modes-là.
      Le mouvement des #villes_en_transition, pourtant inspiré de la permaculture, n’explicite pas assez à mon sens ces points-là, même s’ils y sont en partie appliqués.

      @nicolasm oui j’ai vu quelques fois ce troisième principe mentionné sous la forme d’auto-limitation. Je pense que si Holmgren a pu l’enlever c’est aussi pour des raisons basiques : à partir du moment où on base notre subsistance sur les milieux qu’on permacultive, et où on planifie de façon assez poussée, on s’adapte aux fluctuations de leurs ressources.

    • Moi je trouve que le modèle de la ferme familiale est assez nuisible, même si on a l’aide du voisinage. On a quand même peu de possibilité d’avoir d’autres activités, que ce soit au quotidien, ou si on veut partir quelques jours/semaines voir des amis dans une autre région/un autre pays.

      Pourtant, dans le milieu « paysan » (ce mot ne veut plus vraiment dire la même chose que ce qu’il disait jusqu’aux années 50/60, mais soit), c’est encore le modèle majoritaire, j’ai l’impression. Il y a pourtant des possibilités entre les extrêmes de la petite ferme familiale et de la grande propriété industrielle (souvent familiale aussi d’ailleurs, mais avec des salariés).

      Sans l’avoir pratiqué, donc ma réflexion est plutôt théorique, je trouve qu’un modèle coopératif serait plus sain. Qu’un terrain, des champs, du maraîchage, appartiennent à un groupe de personnes, et non a une famille. Et que si l’un des salariés/associés s’absente deux semaines avec sa famille, ça continue à tourner, parce que d’autres sont toujours là.

      Ce n’est pas une question de vacances, au sens libéral du terme, avec une distinction travail/loisir. C’est une question de ne pas s’enfermer dans une activité unique. Et c’est utile
      – à la fois pour l’individu, qui ne devrait pas ne jamais pouvoir s’arrêter sinon le terrain/l’activité périclite ;
      – et pour le groupe, qui ne devrait pas être dépendant d’une seule personne (ou de trop peu de personnes).

      Il ne s’agit pas non plus que tout le monde sache tout faire (cultiver, construire une maison, concevoir de la plomberie, etc), c’est impossible. Mais que pour une même activité sur une même unité de lieu (au niveau agricole, notamment), il y ait un nombre de personnes suffisant pour que ça tourne même lorsqu’un individu s’en va. Être dépendant les uns des autres, mais jusqu’à un certain point.

    • @nicolasm Dans le modèle que je connais c’est des fermes en polyculture et élevage, avec des basses cours et potagers, mais les chantiers collectifs se retrouv(ai)ent plus fréquemment pour les cultures céréalières et le foin, où il y a du gros boulot à faire sur peu de jours, et où le « coup de bourre » ne tombe pas chez tout le monde en même temps, du fait de la diversité des terrains.
      Cela dit je pense qu’il peut s’adapter à d’autres types de ferme.
      Surtout, je pense que ce qui manque, c’est des terrains communs (communaux) dont la responsabilité autant que la propriété sont collectives. http://seenthis.net/messages/102507 Ça a complètement disparu du paysage aujourd’hui. Cette disparition + la mécanisation du métier de paysan font que le peu de paysans qui restent vont plus facilement se replier sur leur ferme.
      Ça rejoint un peu ce que dit @rastapopoulos. Je pense pour ma part que propriété privée (ou familiale) et propriété collective sont d’égale importance. Aujourd’hui on n’a plus que la première. Des initiatives comme http://www.lurzaindia.eu/index.php/fr/qu-est-ce-que-lurzaindia prennent un petit peu le chemin de la deuxième, même si ça n’est pas encore dans la participation physique aux cultures et à l’élevage.
      Eviter les problèmes de dépendance à une seule personne et d’indispensabilité comme tu dis @rastapopoulos c’est entièrement dans l’esprit de la permaculture, où aucune fonction n’est assurée que par un seul élément, et où aucun élément n’assure qu’une seule fonction. Après je pense qu’on peut avoir la possibilité de compter sur les autres sans pour autant que ça implique que toutes les propriétés soient collectives.

  • Une série d’entretiens avec Augustin Berque, que j’ai découvert il y a quelques années grâce à @Mona http://www.peripheries.net/article184.html, et qui approfondit bien les choses concernant l’#empreinte_écologique dans sa dimension humaine (aspect qui reste dans un angle mort de la plupart des discours écolos).
    Résumé de ce que j’en retiens :

    1. Il ne faut pas réduire le problème à sa dimension écologique http://www.dailymotion.com/video/xfvyhz_il-ne-faut-pas-reduire-le-probleme-a-sa-dimension-ecologique_web


    Les écologistes ne se posent pas le problème de l’#écoumène, cela reste dans un angle mort du mouvement écolo actuel. Or notre relation à la Terre n’est pas uniquement écologique, elle est également écouménale, elle implique aussi des systèmes techniques et des systèmes symboliques. C’est cette dimension technique et symbolique qui fait notre rapport au monde en tant qu’humains. Notre monde humain repose sur les écosystèmes mais il les dépasse également, il nous faut comprendre en quoi notre monde est + que des écosystèmes.

    La technique est bel et bien une extériorisation, qui prolonge notre corporéité hors de notre corps jusqu’au bout du monde ; mais le symbole est au contraire une intériorisation, qui rapatrie le monde au sein de notre corps. Quand le robot Sojourner saisit cette pierre, là-bas sur Mars, il prolonge, grâce à la technique, le geste ancestral de l’Homo habilis, qui, voici deux millions d’années, investit dans un galet aménagé, tenu à bout de bras, une fonction jusque-là uniquement exercée par les incisives au-dedans de la bouche. Mais inversement, c’est avec ma bouche, ici et maintenant, que je parle de Mars et de Sojourner, qui sont loin dans l’espace, et d’Homo habilis, qui est loin dans le temps. Je peux le faire grâce à la fonction symbolique, laquelle, sous ce rapport, consiste donc à rendre présentes au-dedans de mon corps des choses qui en sont physiquement éloignées. Cela, ce n’est pas une projection ; c’est, tout au contraire, une introjection. La trajection, c’est ce double processus de projection technique et d’introjection symbolique. C’est le va-et-vient, la pulsation existentielle qui, animant la médiance, fait que le monde nous importe. Il nous importe charnellement, parce qu’il est issu de notre chair sous forme de techniques et qu’il y revient sous forme de symboles. C’est en cela que nous sommes humains, en cela qu’existe l’écoumène, et c’est pour cela que le monde fait sens

    extrait de « Ecoumène, introduction à l’étude des milieux humains »

    2. « Ce monde là court à la catastrophe... » http://www.dailymotion.com/video/xgp64m_ce-monde-la-court-a-la-catastrophe_webcam


    On n’a pas qu’un corps animal, on a aussi un #corps_médial, fait de projections et d’introjections. Ce corps n’existe qu’en lien avec le monde. L’humain et le monde que construit l’émergence de l’espèce humaine sont co-dépendants. C’est le rapport entre ces systèmes (techniques et symboliques) extérieurs à notre corps et leur effet en retour sur le corps animal qui explique l’émergence de l’espèce humaine. On humanise l’environnement par nos systèmes symboliques, on l’anthropise par nos systèmes techniques. C’est l’effet retour des symboles et des techniques sur notre corps qui nous fait humains.
    Cette notion de co-dépendance (ou co-suscitation) a été beaucoup plus creusée dans les traditions asiatiques que dans les traditions européennes. On pourrait avoir tendance à les rejeter car ces réflexions (dans les civilisations asiatiques) font aussi appel à des éléments religieux et mystiques, mais on aurait tort de se priver de ces sources-là car elles peuvent être des inspirations utiles pour pouvoir changer de rails.

    3. La pulsion de retour à la « nature » détruit la « nature » http://www.dailymotion.com/video/xgp786_la-pulsion-de-retour-a-la-nature-detruit-la-nature_webcam


    Une des pires façons actuelles d’habiter le monde est ce qu’il appelle « l’#urbain_diffus », ou que d’autres appellent « suburbia », soit vivre loin des centres urbains tout en continuant à avoir avoir un mode de vie urbain, sur le modèle pavillon + #voiture qui est l’idéal de beaucoup de gens. En arrière plan de cet idéal se trouve l’aspiration à vivre près de la « #nature » (même si cette « nature » se traduit factuellement par du gazon et des thuyas). C’est en partie un mode de vie de riches qui s’est plus moins démocratisé avec la société de consommation, qui chez certaines élites anciennes incluait l’observation de la nature, mais excluait (ou forcluait, pour reprendre son terme) le travail #paysan, le travail qui consiste à obtenir une production alimentaire par aménagement de la nature.
    Outre cette « démocratisation », cette aspiration à vivre près de la « nature » provient d’une pulsion très ancienne qui est celle du retour à la matrice originelle (ou nostalgie du sein maternel). Cette pulsion, dans la façon dont elle s’exprime aujourd’hui, a des résultats destructeurs tant au niveau écosystémique qu’humain.

    4. Nous assistons à la transformation de l’humain en cyborg http://www.dailymotion.com/video/xgpcuz_nous-assistons-a-la-transformation-de-l-humain-en-cyborg_webcam


    Le mode de vie campagnard et son rapport particulier à la terre subsistent aujourd’hui à l’état relictuel dans l’occident. Le développement de la société de consommation à partir des années 1950 a engendré l’extinction de la culture paysanne, laissant place à des entrepreneurs agricoles fonctionnant sur un mode civilisationnel urbain.
    L’urbain diffus défait la ville et défait la campagne, par un système mécanique qui se développe selon sa propre logique. Tout se construit en fonction de l’usage de la voiture, qui tue pourtant 1.5 millions de gens par an dans le monde. On adapte nos espaces à l’#automobile plutôt que l’inverse.
    Au-delà de cette omniprésence et ces dégâts humains causés par la voiture, les systèmes mécaniques transforment l’humain en cyborg (être ne pouvant pas vivre sans machine), dans la mesure où on pense le monde en terme de machine (pensée mécaniciste moderne issue entre autres de Descartes).

    5. « Il n’est pas certain que je veuille laisser une épitaphe » http://www.dailymotion.com/video/xgpcyt_il-n-est-pas-certain-que-je-veuille-laisser-une-epitaphe_webcam


    D’après lui il faudra sûrement une catastrophe pour servir de déclic au dépassement de l’idéal pavillon + voiture, au changement de notre rapport au monde.

    Fukushima n’a visiblement pas suffi. Ce serait peut-être bien également de chercher à rendre plus désirable, dans l’imaginaire collectif, l’urbain compact (libéré autant que possible de la voiture), et de cultiver (ou recréer là où il a disparu) le rapport particulier à la terre du mode de vie campagnard.

    EDIT du 08/09/2013 : lien avec http://seenthis.net/messages/173393 et http://seenthis.net/messages/173394