Jacques-Marie Bourget (

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  • Laurent Fabius et le « bon boulot » du Front Al-Nosra en Syrie, histoire d’une citation dévoyée
    http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/03/21/laurent-fabius-et-le-bon-boulot-du-front-al-nosra-en-syrie-histoire-d-une-ci

    Laurent Fabius et le « bon boulot » du Front Al-Nosra en Syrie, histoire d’une citation dévoyée

    Les décodeursdans leurs oeuvres. Pour mémoire, je renvoie sur Seenthi par exemple à ce signalement de @Souriyâm : https://seenthis.net/messages/429835.

    L’empilage de citations auquel se livre Decodex pour éclairer la position de Fabius à l’époque est assez réjouissant.

    • Ce qui est "marrant" c’est que les gars du #decodex, au lieux de partir de l’information pour qualifier une source, partent maintenant des sources (qu’ils ont disqualifiées dans leur appli, et qui les disqualifient en les citant ("qui dénonce régulièrement la supposée « propagande » des médias occidentaux")) pour qualifier l’information (regardez ce sont les méchants qui relaient cette info)

    • @rastapopoulos Le pinaillage consiste ici à se focaliser entièrement sur la formulation exacte de Fabius, en faisant remarquer que « certains » (l’extrême-droite et les-crises.fr) l’ont tournée d’une manière qui serait fausse (« trompeur »).

      Or, dans le cas de les-crises, on est clairement dans une citation volontairement exagérée et parodique :

      On a donc notre ministre qui, lorsqu’on lui dit qu’une organisation vient d’être classée par les Américains comme terroriste, répond : “Je ne comprends pas, mes nouveaux amis syriens démocrates sont vent debout et me disent qu’ils font du bon boulot…” – alors qu’on parle d’Al-Qaida ! Tout va bien…

      Deux aspects étonnants ici :
      – même avec sa tournure parodique, le billet de “les-crises” n’attribue pas la citation du « bon boulot » à Fabius lui-même ;
      – on entre bien dans le pinaillage sur une tournure volontairement exagérée et parodique (commençant par la formule de naïveté feinte « je ne comprends pas »), où l’on a remplacé « les Arabes » par « mes nouveaux amis syriens démocrates ». Ce qui est certes une exagération, mais qui est une lecture parfaitement valable de la position officielle française (Fabius revenait d’une réunion du groupe des « Amis de la Syrie », tous admirateurs de la notion de démocratie, et disant à l’époque clairement que, parmi ceux qui refusaient de condamner Al Qaeda, « le président de la coalition »).

      Du coup, dans le cas de la citation de les-crises.fr, reprocher à une tournure parodique de remplacer la lettre par une lecture (à mon avis très correcte et mesurée) de l’esprit de la déclaration de Fabius relève du pinaillage malhonnête.

      Mais ce n’est qu’un détail. Ce que je considère être le principal aspect de pinaillage, ici, c’est le fait de se focaliser sur l’analyse de la lecture à la lettre prêt de ce qu’aurait dit exactement Fabius, pour dénoncer les interprétations qui en ont été faites, tout en faisant l’impasse sur les éléments de situation – factuels – qui généralement permettaient d’utiliser la déclaration de Fabius comme un résumé de sa position sur la Syrie.

      @gonzo a déjà mis un lien, mais je pourrais ajouter par exemple :
      https://seenthis.net/messages/460548
      ou plus récemment (sur la position américaine) :
      https://seenthis.net/messages/462882

      Et de fait, on termine avec une phrase typiquement négationniste et, tout aussi typiquement, fausse :

      Bien qu’on puisse s’interroger sur les choix stratégiques de la France face à la situation en Syrie depuis 2011, il est donc pour le moins trompeur de résumer la position du ministre en décembre 2012 à un « Fabius a dit qu’Al-Nosra faisait du bon boulot en Syrie », et lundi 20 mars lors du débat, que « on en disait le plus grand bien au sein du gouvernement de François Hollande il y a encore quelque mois ».

      Cette conclusion est fausse, parce que dans cette idéologie du pinaillage hypercritique (le respect des faits ?), on conclut très explicitement qu’il est « pour le moins trompeur de résumer la position du ministre à… ». Mais justement, le principe même de « résumer la position du ministre », qui plus est dans le cadre de l’échange oral d’un débat politique télévisé, c’est bien de « résumer » et non de citer mot pour mot une vieille déclaration. Il existe une foule d’autres éléments (factuels) qui permettent de penser que cette façon de « résumer » n’est, justement, pas trompeuse. Se focaliser sur le détail approximatif, « résumé », exagéré ou parodique pour en conclure que ce résumé de l’ensemble de « la position du ministre » est « pour le moins trompeur », tout en faisant totalement l’impasse sur le contexte général de cette position, c’est le principe même du pinaillage hypercritique.

      (Et ajoutons, évidemment, la méthode pénible de l’homme de paille, qui consiste à s’attaquer à cette citation de Fabius justement sous la forme de réponse à une intervention de Le Pen.)

    • Surtout qu’à la base, MLP ne cite pas Fabius, c’est les gars du decodex qui relient cette pensée à cette citation précise pour ensuite démonter cette citation précise pour dénoncer la pensée principale. Bon on se doute que la citation du « bon boulot » a contribué à cette pensée mais peut être qu’il y avait d’autres éléments d’ensemble (qui semblent bien exister) qui sont juste évacués de cet article très réductionniste.

  • Le mythe de la « bonne volonté » et de l’« impuissance » de la diplomatie française en Syrie…

    Il est certes heureux qu’on s’autorise (enfin) à critiquer médiatiquement le bilan de Laurent Fabius au Ministère des affaires étrangères ; mais il me semble que ces critiques restent très largement dans l’idée que Fabius aurait adopté une posture réellement morale, sans avoir les moyens d’imposer ses positions de principe, essentiellement en Syrie. C’est, à mon avis, passer à côté du sujet syrien… Cette critique colle d’ailleurs toujours parfaitement avec cette idée que ce serait parce que les pays « Amis de la Syrie » ne seraient pas intervenus massivement depuis des années que la situation serait aussi catastrophique.

    Ça me rappelle d’ailleurs les critiques de l’invasion américaine de l’Irak fondées sur l’idée que les États-Unis auraient échoué – malgré leur bonne volonté – à installer la démocratie durable et le nation building que les néoconservateurs avaient « sincèrement » promis.

    Voici donc des éléments largement connus (en se contentant d’éléments sortis dans des médias « reconnus ») permettant de douter du manque d’intervention de la France en Syrie et, surtout, de l’« impuissance » française à faire valoir sa position sincèrement « droit-de-l’hommiste »… (amis de Seenthis, si vous en avez d’autres, je compléterai la liste)

    – fin février 2012 (avant Fabius), des mercenaires français à Homs (selon Malbrunnot)
    http://seenthis.net/messages/315495

    En fait, si les journalistes ne veulent pas sortir, c’est parce qu’ils ne sont pas seuls. Dans Homs, sous les bombes, un petit groupe de mercenaires français est présent, aux côtés des rebelles, le groupe Abou Baqir. L’information nous a été confirmée par la DCRI , et les renseignements syriens. […] Journalistes et mercenaires quitteront Homs séparément via Al-Qoussayr et le Liban où les services de renseignement les recueilleront. Leur sortie a été négociée par la DGSE et les services libanais, selon Bernard Squarcini, avec l’aide de l’Armée syrienne libre précisera Etienne Mougeotte.

    – Fabius dirige le ministère des affaires étrangères depuis mai 2012.

    – des valises de billets livrées par l’ambassadeur Eric Chevallier (septembre 2012) – les valises de billets dans un pays en guerre, c’est pour acheter de la farine…
    http://seenthis.net/messages/141999

    Chevallier se rend de temps en temps à la frontière syrienne pour apporter des fonds à des opposants jugés sûrs. Via des informateurs en contact avec Paris, des représentants des régions libérées de l’emprise de Bachar El-Assad font connaître leurs besoins de médicaments ou d’argent pour réparer les canalisations, renouveler les stocks de farine, gérer les ordures qui s’entassent mais, du moins l’assurent-ils, pas pour acheter des armes.

    Tous se retrouvent discrètement dans un appartement ou dans une petite chambre d’hôtel. Comme dans un film d’espionnage, le diplomate leur remet plusieurs centaines de milliers de dollars sortis d’une valise. Des photos sont prises, les Syriens promettent d’en envoyer d’autres montrant l’avancée des projets menés grâce à la France. Des informateurs rapporteront la réalité des actions engagées. Avant de quitter l’ambassadeur, les Syriens signent même un reçu. Scène surréaliste à quelques kilomètres d’un pays à feu et à sang.

    – état major en Turquie, livraisons d’armes, formation militaire (août 2012, Richard Labévière)
    http://seenthis.net/messages/81260

    Avec le « service action » de la DGSE, la France mène en revanche des opérations de formation et de soutien à l’Armée syrienne libre et à d’autres groupes armés. Sur le plan des transmissions et de l’artillerie : mortiers, missiles antichars et canons de 105 mm. Plusieurs dizaines de conseillers militaires participent déjà à un état-major commun turc, américain et français à Charnagh (Turquie), qui bénéficie d’une aide britannique à la frontière syrienne.

    – livraisons d’armes violant l’embargo européen (commence fin 2012)
    http://seenthis.net/messages/368061

    La France a fourni des armes à des groupes rebelles syriens dès 2012 alors que l’Union européenne avait imposé un embargo sur de telles livraisons. Et c’est le président Hollande qui le dit lui-même dans un livre à paraître le 13 mai aux Editions de l’Archipel, intitulé Dans les coulisses de la diplomatie française, de Sarkozy à Hollande, écrit par le journaliste Xavier Panon.

    « Nous avons commencé quand nous avons eu la certitude qu’elles iraient dans des mains sûres », explique le chef de l’Etat à l’auteur du livre, en mai 2014. Les livraisons ont débuté dès la fin de l’année 2012, alors que l’embargo européen, établi à l’été 2011, est toujours en vigueur. Il ne sera levé qu’à la fin du mois de mai 2013.

    Ce cavalier seul contraint l’Elysée à la prudence. Officiellement, la France se contente d’envoyer de l’équipement non-létal : gilets pare-balles, outils de communication cryptée, masques contre les armes chimiques, lunettes nocturnes. Mais c’est un tout autre matériel qu’elle dépêche sur place : canons de 20 mm, mitrailleuses, lance-roquettes, missiles anti-chars. Seuls les missiles anti-aériens restent tabous. François Hollande n’en enverra pas car ils s’avéreraient trop dangereux si des djihadistes venaient à s’en emparer.

    – promotion active d’Al Nusra (décembre 2012) : « sur le terrain, ils font du bon boulot »
    http://seenthis.net/messages/284012

    En revanche, la décision des Etats-Unis de placer Jabhat Al-Nosra, un groupe djihadiste combattant aux côtés des rebelles, sur leur liste des organisations terroristes, a été vivement critiquée par des soutiens de l’opposition. M. Fabius a ainsi estimé, mercredi, que « tous les Arabes étaient vent debout » contre la position américaine, « parce que, sur le terrain, ils font un bon boulot ». « C’était très net, et le président de la Coalition était aussi sur cette ligne », a ajouté le ministre.

    + entrefilet dans le Canard Enchaîné, Fabius essaie de les faire retirer de la liste des organisations terroristes à l’ONU (mais je ne retrouve pas)

    – mystérieuse affaire de contrebande en Israël (septembre 2013)
    http://seenthis.net/messages/173542

    De fait, en fouillant la voiture les douaniers israéliens découvrent, outre 500 kilos de tabac, quelque 152 kilos d’or, des chèques pour un montant total de deux millions de dollars, et 800 téléphones portables.

    […]

    Tout juste explique-t-on qu’il s’agit, sans doute, d’une affaire crapuleuse et non d’un quelconque financement du terrorisme.

    on n’entendra évidemment pas plus parler de l’affaire similaire en février 2016 (on ne sait quelle ambassade est concernée cette fois-ci)
    http://seenthis.net/messages/458246

    Sinon, des éléments pour lesquels je ne retrouve pas de liens :
    – France seule invitée au sommet GCC, sans doute sensibles aux positions de Fabius sur les Droits humains…
    – liens Fabius/Qatar
    – Haytham Manna devenu persona non grata à Paris (ainsi que les autres membres de l’opposition « de l’intérieur ») ; il me semble que Manna raconte que lui et ses amis, soudainement, ne pouvaient plus obtenir de visas pour venir en France.

    • – Hollande premier chef d’Etat occidental invité au Conseil de Coopération du Golfe : RFI / 5 mai 2015 :
      http://www.rfi.fr/moyen-orient/20150505-riyad-hollande-invite-sommet-conseil-cooperation-golfeccg-iran-

      Après une escale au Qatar, François Hollande est arrivé lundi soir à Riyad, en Arabie saoudite, pour y rencontrer le roi Salman et participer aujourd’hui à un sommet du Conseil de coopération du Golfe (CCG) qui regroupe l’Arabie saoudite, le Qatar, les Emirats arabes unis, le Koweit, Bahrein et Oman. C’est la première fois qu’un chef d’Etat occidental est ainsi accueilli à la table des monarques du CCG.

      – Fabius fait tout son possible pour retirer al-Nusra de la liste des organisations terroristes ; article des journalistes Beau et Bourget qui se basent sur une lettre de l’ambassadeur marocain à l’ONU, envoyée à Rabat, relatant les faits :
      http://seenthis.net/messages/429835

      – Fabius, en février 2012, conseiller en relations internationales du candidat Hollande, déjà pressenti au quai d’Orsay en cas de victoire, réalise une tournée en Israël et au Qatar :
      http://24heuresactu.com/2012/02/03/la-curieuse-tournee-de-laurent-fabius-au-qatar-et-en-israel

      C’est en toute discrétion, et bien loin des journalistes, que Laurent Fabius s’est envolé en début de semaine pour une curieuse tournée au Qatar et en Israël. Une tournée « d’amitié » selon l’ancien Premier ministre qui est en réalité destinée à faire du lobbying pour le candidat socialiste François Hollande… et peut-être chercher de puissants soutiens dans la région.
      Que peut aller faire Laurent Fabius dans l’émirat gazifère du Qatar et en Israël ? Une simple visite « d’amitié », comme il l’assure ? Ou doit-on chercher des raisons autrement plus politiques derrière cette tournée improvisée (et incroyablement peu médiatisée) de l’ancien Premier ministre de François Mitterrand ?