• Briançon, une zone frontière à bout de souffle

    À Briançon, commune des Hautes-Alpes, près de sept ans après l’ouverture de cette voie de passage par les personnes migrantes venues d’Italie, la situation ne cesse de se détériorer. En dépit des renforts policiers et de l’arrivée des premières neiges, les exilés continuent de passer.

    Col de Montgenèvre. Il neige. Entre un télésiège à l’arrêt et un centre de vacances, deux policiers se tiennent en faction sur un promontoire qui domine la frontière franco-italienne. Ils suivent à la jumelle un groupe de cinq exilés venus d’Italie. Ils sont poursuivis par un de leurs collègues de la Police aux Frontières (PAF). Michel Rousseau, bénévole de l’association de défense des exilés Tous migrants est témoin de la scène. Il interpelle les deux gendarmes :

    « Voilà typiquement ce qu’il ne faut pas faire : poursuivre des gens dans une pente raide et enneigée avec un torrent en contrebas ! C’est comme ça que les accidents surviennent ! »

    Il s’approche des deux gendarmes, les salue tout en fouillant dans la poche latérale de son pantalon en gore tex. Il en sort deux exemplaires d’un petit livret que son association a édité à l’attention des forces de l’ordre. Les gendarmes hésitent. Michel Rousseau tente de les rassurer :

    « Ne vous inquiétez pas, ça fait plusieurs années qu’on dialogue avec les forces de l’ordre et votre hiérarchie a été informée de notre démarche. On leur a déjà distribué ce livret. Prenez-le. On l’a fait pour vous. C’est un petit document qui rappelle le droit qui s’applique à la frontière mais qui malheureusement ne correspond pas aux ordres de ce gouvernement qui vient d’être condamné par la Cour de Justice de l’Union Européenne par rapport à ce qu’il se passe à la frontière : les refoulements systématiques, les pratiques de refus d’entrée et de pseudo réadmissions, les pratiques d’enfermement sans parler de la non prise en compte des demandeurs d’asile. »

    Les deux agents acceptent finalement les fascicules qu’ils rangent rapidement dans leurs poches revolver. Et Michel Rousseau de leur rappeler qu’ils ont droit de désobéir à un ordre illégal. Pendant ce temps, les personnes migrantes qui tentaient de fuir ont été interpellées par les forces de l’ordre. Elles marchent dans la neige, en file indienne, précédées et suivies par des gendarmes mobiles qui le conduisent jusqu’à des fourgonnettes dépêchées pour les emmener dans les locaux de la Police aux frontières de Montgenèvre. Là, elles sont enfermées dans un Algeco jusqu’à leur remise à la police italienne qui les ramènera en Italie.
    10 personnes sont mortes, d’épuisement, d’hypothermie, de noyade ou de chute

    Mamadou Alpha Diallo, un jeune guinéen de 16 ans rencontré dans le refuge d’Oulx en Italie a tenté par trois fois de passer :

    « Après avoir pris le bus jusqu’à Clavières (dernier village italien avant la France), on marche dans la montagne pour éviter la police. Quand on les voit, on se cache. Des fois comme hier, ils utilisent des drones. Quand on entend le drone, on court se cacher sous un sapin et on attend, dans la neige, deux heures, trois heures parfois. Malheureusement pour moi, les semelles de mes chaussures se sont décollées et j’ai dû rejoindre la route nationale pour ne pas avoir les pieds gelés. C’est là que la police m’a arrêté alors que je touchais au but après 8h de marche. »

    Le jeune guinéen parviendra à passer le surlendemain au bout de la quatrième tentative. À quelques exceptions près, tout le monde passe au prix de plus grands risques encourus et des blessures spécifiques à l’environnement montagneux méconnu pour la plupart des exilés. Depuis près de sept ans que cette voie de passage a été ouverte, 10 personnes sont mortes, d’épuisement, d’hypothermie, de noyade ou de chute.

    Isabelle Lorre, coordinatrice de l’ONG Médecins du monde à Briançon impute ce bilan a une présence toujours plus importante des forces de l’ordre dans la montagne :

    « Le problème principal est lié au fait qu’il y ait une militarisation de la frontière. Ça affecte directement la santé des personnes et leur traversée de la frontière. Ca veut dire que les personnes vont se faire interpeller par surprise, il y a des courses poursuites dans la montagne, et toute une stratégie d’évitement des forces de l’ordre par ces personnes. Ce qui implique de passer par des chemins beaucoup plus détournés et périlleux et de se cacher. On est très vigilants sur la période hivernale, il faut savoir qu’il fait jusqu’à -20 degrés sur le col autour de Montgenèvre donc les personnes peuvent rester cachés dans la neige un certain temps avec des risques assez forts d’hypothermie et de gelures.
    On questionne aussi les risques psychiques des personnes, ça reste des traversées qui sont très éprouvantes suite à un parcours migratoire déjà compliqué en amont. »

    Dominique Dufour, préfet des Hautes-Alpes réfute ces allégations :

    « L’ensemble des policiers, des gendarmes, des dignitaires qui sont engagés dans la lutte contre l’immigration clandestine prennent particulièrement soin à ne pas intervenir sur des zones à risque. Nous savons pertinemment que nous sommes sur un terrain qui est compliqué et en plus de la dissuasion que constitue la seule présence d’un policier, les interventions ne se font que lorsque nous sommes en terrain sécurisé. Maintenant, disons les choses comme elles sont, il y a une prise de risque inconsidérée de la part des migrants qui souhaitent passer, parfois encouragés par un certain nombre d’organisations. Et donc cette prise de risque est à bannir et à proscrire et c’est le message que nous nous faisons passer en permanence ».

    Malgré les renforts en gendarmes mobiles ou militaires de l’opération sentinelle, les associations d’aide aux migrants de la région de Briançon estiment qu’entre 20 et 30 000 personnes migrantes sont parvenues à passer la frontière depuis 2016. Face à ce qui semble signer l’échec de la stratégie répressive des gouvernements successifs pour « assurer l’intégrité de la frontière » Dominique Dufour rétorque que 5 000 refoulements ont été effectués cette année à Montgenèvre sachant qu’une personne migrante peut être refoulée jusqu’à quatre, cinq voire six fois avant de parvenir à passer la frontière. Au Refuge solidaire de Briançon, on regrette que les dizaines de millions d’euros employés pour empêcher les personnes migrantes de passer la frontière ne soient pas dévolues à un accueil digne qui est à la charge, et depuis sept ans, des seuls bénévoles briançonnais. Joël Giraud, député des Hautes Alpes (PR, apparenté renaissance) assure avoir alerté le gouvernement sur la situation à Briançon sans se faire trop d’illusions :

    « Pour l’instant, je n’ai pas de réponse. Et le climat effectivement ne prête pas à une grande écoute sur ce plan-là, mais pour autant au moment où nous allons aborder le texte qui va être un énième texte sur les questions de migration, je pense que c’est le moment ou jamais de tenter d’obtenir un écho à des choses qui ne sont ni plus ni moins de demander une régulation par l’Etat et un accueil par l’Etat sur des territoires où de toute façon, de part la géomorphologie locale, il passera toujours des gens. »

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-grand-reportage/briancon-une-zone-frontiere-a-bout-de-souffle-9498707

    #Briançon #frontières #frontière_sud-alpine #asile #migrations #réfugiés #PAF #audio #podcast #Hautes-Alpes #Italie #France

  • EU Divided Over Gaza as Humanitarian Crisis, Displacement and Death Toll Increases, Leaked Document Reveals Israeli Plan for Permanent Displacement of the Strip Population in the Egyptian Sinai Desert

    The lack of consensus among EU member states over the tragedy in Gaza continues as deaths, displacement increases and humanitarian crisis worsens. Leaked plan confirms Egyptian fears of Israeli attempts to permanently displace the population of Gaza in the Sinai desert.

    After a diplomatic meltdown following the Hamas attack on Israel on 7 October, the EU remains divided over its position on Gaza as the humanitarian crisis worsens, death toll and displacement increase and protests and calls for a ceasefire spread across the globe. Commissioner-General for the United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East (UNRWA) Philippe Lazzarini addressed the UN Security Council Meeting on 30 Oct warning that “An immediate humanitarian cease-fire has become a matter of life and death for millions,” and stating: “The horrific attacks by Hamas in Israel on 7 October were shocking. The relentless bombardments by the Israeli Forces of the Gaza Strip are shocking. The level of destruction is unprecedented, the human tragedy unfolding under our watch is unbearable. One million people, half the population of Gaza, were pushed from the north of the Gaza Strip towards the south in three weeks. The south, however, has not been spared from bombardment, with significant numbers killed. I have said many times, and I will say it again no place is safe in Gaza”. The Commissioner-General for the UN agency said that the agency had lost 64 staff members in Israeli bombardments on Gaza by 30 October and was hosting more than 670,000 displaced in their facilities. He further pointed out: “Nearly 70 per cent of those reported killed are children and women. Save the Children reported yesterday that nearly 3,200 children were killed in Gaza in just three weeks. This surpasses the number of children killed annually across the world’s conflict zones since 2019”. By 5 October, after nearly a month of Israeli bombardments, the death toll in Gaza had reached 9,770 with at least least 4,008 children according to the Palestinian health ministry. By 7 November the civilian death toll in Gaza had reached 10,000 people and by 6 November UNRWA had lost 89 staff members.

    On 27 October, the UN General Assembly adopted a resolution calling for an “immediate, durable and sustained humanitarian truce” between Israeli forces and Hamas militants in Gaza with 120 votes in favour, 14 against and 45 abstentions. The vote illustrated the divisions across the EU with Austria, Croatia and Hungary among the countries voting against the resolution, a number of member states including Germany, the Netherlands and Italy abstaining and others including France, Spain and Belgium voting in favour. On 26 October, the 27 EU member states agreed on a call for “humanitarian corridors and pauses” of the Israeli shelling of Gaza to allow food, water and medical supplies to reach civilians. However, the agreement was reached only after what one diplomat defined as a week of “difficult discussions”. In the final wording, the Council “expresses its gravest concern for the deteriorating humanitarian situation in Gaza and calls for continued, rapid, safe and unhindered humanitarian access and aid to reach those in need through all necessary measures including humanitarian corridors and pauses”. Reportedly, three member states “including Israel’s close ally Germany” favoured the phrase “windows” and felt an earlier version involving the phrase “humanitarian pause” suggested a permanent ceasefire and would undermine Israel’s right to self-defense. Spain currently holding the presidency of the Council had urged the mentioning of a “ceasefire” but gave it up for other concessions in the final text including consensus on a peace conference on a two-state solution in the formal declaration. However, the 27 member-state call for an “international peace conference” so far leaves more questions than answers. According to POLITICO: “A spokesperson for the Israeli mission to the EU said they are “not in a position to say if we would attend or not because we don’t know yet what it would actually mean,” adding that so far, no European officials had reached out on the initiative. The Palestinian mission to the EU did not immediately respond to a request for comment”. Diplomats speaking privately, because the subject is so sensitive, told POLITICO “that this flailing around in search of sensible things to say shows how EU leaders are simply “navel gazing” and playing to domestic audiences enflamed by conflict, rather than trying seriously to deliver peace”. On 6 October, Belgian prime minister Alexander De Croo, stated: “If you bomb an entire refugee camp with the intention of eliminating a terrorist, I don’t think it’s proportionate”.

    According to EURACTIV: “The wrangling over the exact phrasing comes as EU member states have always been traditionally more split between more pro-Palestinian members such as Ireland and Spain, and staunch backers of Israel including Germany and Austria”. Prior to the talks, Austrian Chancellor Karl Nehammer stated: “All the fantasies of truces, ceasefires, etc. have the effect of strengthening Hamas in its determination to continue its action and perpetuate this terrible terror”. His German counterpart, Olaf Scholz expressed confidence in the Israeli army that “will follow the rules that come from international law”. Meanwhile, Irish Taoiseach (head of government) Leo Varadkar emphasized the need: “for the killing and the violence to stop so that humanitarian aid can get into Gaza, where innocent Palestinian people are suffering, and also to allow us to get EU citizens out”. Spain’s acting minister of social rights, Ione Belarra, has called for economic sanctions against Israel and the suspension of diplomatic relations and acting prime minister, Pedro Sánchez has expressed support for UN Secretary General, António Guterres amid Israeli demands for his resignation and threats to refuse visas for UN representatives.

    Meanwhile, on 30 October, WikiLeaks announced: “A week after the Hamas attack, Israel’s Ministry of Intelligence issued a secret ten-page document outlining the expulsion of the Palestinian population of Gaza to northern Sinai, in Egypt”. The plan reportedly consists of several elements including instructing Palestinian civilians to evacate north Gaza ahead of land operations; Sequential land operations from north to south Gaza; Routes across Rafah to be left clear; Establishing tent cities in northern Sinai and construct cities to resettle Palestinians in Egypt. Linking to the document, WikiLeaks state: “The document has been verified by an official from the Ministry of Intelligence, according to the Hebrew website Mekomit which originally published the document. Mekomit noted that documents from the Ministry of Intelligence are advisory and not binding on the executive”. The US outlet ABC news reports: “Prime Minister Benjamin Netanyahu’s office played down the report compiled by the Intelligence Ministry as a hypothetical exercise — a “concept paper.”

    Nonetheless, the report added to long-standing fears in Egypt and other countries in the region that Israel may want to further displace Palestinians, into Egypt but also adding to the refugee populations established in Jordan, Lebanon, Syria and beyond since the creation of the state of Israel in 1948. The countries also face significant pressure from their populations, with protests continuing. For the EU, concerns about onward movement should displacement take place continues to feature in its relationship with Egypt in particular.

    https://ecre.org/eu-external-partners-eu-divided-over-gaza-as-humanitarian-crisis-displacement-

    #Sinaï #Egypte #Gaza #Israël #guerre #à_lire #expulsion #WikiLeaks #déportation

  • Deutlich mehr Angriffe auf Geflüchtete als 2022

    Angriffe auf Geflüchtete und Unterkünfte in Deutschland haben 2023 im Vergleich zum Vorjahr stark zugenommen - das geht aus einer Antwort der Bundesregierung hervor. Die Linkspartei fordert einen besseren Schutz für Flüchtlinge.

    Die Zahl der Angriffe auf Flüchtlinge, Asylbewerber und ihre Unterkünfte hat deutlich zugenommen. In den ersten neun Monaten dieses Jahres gab es bereits mehr solcher Attacken als im gesamten Vorjahr, heißt es in einer Antwort der Bundesregierung auf eine Anfrage der Linksfraktion. Den Angaben zufolge wurden in den ersten drei Quartalen dieses Jahres 1515 solcher Angriffe gezählt, nach 1371 Angriffen im gesamten Jahr 2022.

    Wie die Nachrichtenagentur dpa aus der Statistik zitiert, wurden Flüchtlingsunterkünfte im dritten Quartal in 30 Fällen Tatort oder Angriffsziel einer politisch motivierten Straftat. In drei dieser Fälle ging es demnach um Gewaltdelikte. Der größte Teil der Angriffe auf Unterkünfte - 23 Straftaten - wurde von der Polizei der rechten Szene zugeordnet.

    Aktuelle Asyldebatte als Grund für vermehrte Übergriffe?

    Auch bei 375 von 417 in diesem Zeitraum registrierten politisch motivierten Straftaten außerhalb von Unterkünften, die sich gegen Asylbewerber oder anerkannte Flüchtlinge richteten, geht die Polizei von einem rechts motivierten Delikt aus. 19 Straftaten entfielen demnach auf den Phänomenbereich „ausländische Ideologie“, zwei wurden als links motiviert eingeordnet. Bei einigen blieb der Hintergrund unklar. In insgesamt 55 Fällen war Gewalt im Spiel.

    „Tagtäglich werden in Deutschland Geflüchtete angegriffen, gedemütigt und angefeindet“, sagte die Linken-Abgeordnete Clara Bünger. Bund und Länder müssten dringend geeignete Schutzkonzepte erarbeiten und umsetzen. Bünger sieht einen Grund für die Zunahme der Angriffe in der aktuellen Debatte über Asylfragen. Diese bereitet ihrer Ansicht nach „den Boden für rassistische Mobilisierungen auf der Straße und Gewalttaten gegen Geflüchtete“.

    https://www.tagesschau.de/inland/uebergriffe-gefluechtete-100.html
    #attaques #Allemagne #anti-réfugiés #racisme #xénophobie #statistiques #chiffres #2023

    ping @_kg_

  • Un Paese Di Resistenza

    Riace, Calabre. Après 20 ans d’harmonie, ce village qui faisait de l’accueil des migrants son avenir, devint la cible de la vague populiste qui ronge l’Italie. Le venin s’est répandu. Après des mois d’une minutieuse destruction, Riace sort d’un long cauchemar avec un dilemme : Résister ou disparaître.

    https://www.wbimages.be/films/film/un-paese-di-resistenza

    #Italie #Riace #Lucano #Mimmo_Lucano #film #documentaire #film_documentaire #accueil #réfugiés #résistance #migrations #Calabre

  • Inchiesta sul gestore del #Cpr di Milano: tra falsi protocolli e servizi non erogati

    Altreconomia ha potuto visionare l’offerta tecnica presentata dalla società Martinina Srl alla prefettura di Milano per aggiudicarsi l’appalto da oltre 1,2 milioni di euro per la gestione della struttura in #via_Corelli: alcuni degli accordi stretti con associazioni e Ong “esterne” per migliorare la vita dei trattenuti non sarebbero autentici

    Lenzuola non distribuite, raro utilizzo dei mediatori culturali, tutela legale inesistente, assistenza sanitaria carente. Ma soprattutto falsi protocolli d’intesa “siglati” per svolgere servizi e attività all’interno del Centro di permanenza per il rimpatrio (Cpr) di via Corelli a Milano.

    Altreconomia ha potuto visionare l’offerta tecnica presentata dalla società Martinina Srl alla prefettura di Milano per aggiudicarsi l’appalto da oltre 1,2 milioni di euro per la gestione della struttura: oltre alla discordanza tra quanto scritto nei documenti e la realtà nella struttura di reclusione, alcuni degli accordi stretti con associazioni e Ong “esterne” per migliorare la vita dei trattenuti sarebbero falsi.

    Altri invece sarebbero stati siglati con soggetti di cui non è stato possibile trovare alcuna traccia online. “Viene da chiedersi in che cosa consista il controllo effettuato dalla prefettura, essendo risultata evidente l’assenza di servizi all’interno del centro oltre che palesi le incongruenze negli atti e nei documenti versati nella gara di appalto”, osserva l’avvocato Nicola Datena dell’Associazione per gli studi giuridici sull’immigrazione (Asgi), che ha visionato la documentazione insieme a chi scrive.

    Alcuni snodi temporali. Martinina Srl nell’ottobre 2022 si è aggiudicata l’appalto per un anno (scadenza il 31 ottobre 2023, rinnovabile di un anno in assenza di nuove gare pubbliche) indetto dalla prefettura di Milano presentando un’offerta in cui garantiva, tra le altre cose, la collaborazione con diverse associazioni e società profit, finalizzata ad assicurare l’erogazione di “servizi” da integrare nella gestione del Cpr.

    L’offerta tecnica consiste nella documentazione da presentare in sede di gara d’appalto che descrive come l’impresa intende eseguire il lavoro per l’ente che richiede la prestazione, ovvero il piano di lavoro, le fasi e le risorse impiegate, la durata e le ore di lavoro previste, eventuali migliorie richieste o proposte

    Protocolli forniti in sede di gara ed esaminati dalla Commissione giudicatrice, la quale, nella decisione di assegnare l’appalto alla società domiciliata in provincia di Salerno, sottolinea l’importanza del “valore delle proposte migliorative dell’offerta tecnica”. Un “dettaglio” sfugge però ai funzionari della prefettura: almeno otto sarebbero falsi. Eccoli.

    Secondo la documentazione contrattuale, il Vis (Volontariato internazionale per lo sviluppo), una delle più importanti organizzazioni del Terzo settore del nostro Paese, avrebbe firmato un protocollo con Martinina l’8 agosto 2022 volto alla formazione del personale del Cpr. Il nome del responsabile legale non corrisponde però ad alcun referente dell’organizzazione: “Ribadiamo l’assoluta estraneità del Vis e l’assenza di qualsiasi tipo di contatto o accordo, passato e presente, relativo alla gestione del Cpr di via Corelli. E ci tengo a precisare che come Ong salesiana abbiamo una visione della migrazione fondata sui diritti umani, distante dall’approccio applicato nei Cpr, con cui in ogni caso le nostre policy ci impedirebbero di collaborare”, spiega ad Altreconomia Michela Vallarino, presidente del Vis.

    Sono 59 invece le pagine dell’accordo tra Martinina e la cooperativa sociale BeFree, uno dei più importanti enti antitratta italiani con sede a Roma, per la realizzazione del progetto “Inter/rotte” per l’assistenza per vittime di tratta e violenza. “Non avremmo mai potuto firmare un simile protocollo -spiega Francesca De Masi (qui la sua presa di posizione integrale)- perché siamo fortemente critiche nei confronti della stessa esistenza dei Cpr”. Il presunto protocollo è talmente grossolano che il nome del legale rappresentante è sbagliato e di conseguenza anche il codice fiscale generato.

    Ala Milano Onlus secondo l’accordo dovrebbe invece garantire “prestazioni di natura di mediazione linguistica/culturale”. Il presidente, contattato da Altreconomia, dichiara però di non aver mai siglato quel protocollo. Così come Don Stefano Venturini, l’allora parroco della comunità pastorale delle parrocchie di San Martino in Lambrate e SS Nome di Maria, che si sarebbe impegnato, secondo le carte consultate, “a orientare, aiutare gli ospiti prestando attenzione specifica a quanto le persone esprimono”. “Ho incontrato una volta chi gestisce la struttura ma non ho mai siglato un protocollo”, spiega Venturini ad Altreconomia, aggiungendo, tra l’altro, come sia di competenza della curia diocesana un eventuale accordo formale. Nell’offerta inviata alla prefettura, Martinina ha allegato il decreto di nomina di Venturini emesso dall’arcivescovo Mario Enrico Delpini. “Non so come abbiano fatto ad averlo”, spiega ancora l’interessato.

    L’accordo con la società sportiva Scarioni 1925 risulta stipulato il 24 agosto 2022 dall’ex presidente, che però è morto nel febbraio 2020: un post sulla pagina Facebook della società stessa, datato 31 marzo 2020, porge le condoglianze alla famiglia per la sua scomparsa. Il Centro islamico di Milano e Lombardia avrebbe siglato un accordo con Martinina per garantire il sostegno spirituale all’interno del centro. “La carta intestata è di un centro di Roma, la firma del protocollo di un centro di Cologno Monzese -spiega il presidente Ali Abu Shwaima-. Noi non abbiamo mai visto quel protocollo”. L’associazione Dianova Onlus garantirebbe assistenza per i trattenuti con tossicodipendenza: la prefettura sembra non essersi accorta però che il protocollo risulta firmato nell’agosto 2022 solo da Martinina Srl. “Non ho mai sentito questa società -spiega il presidente Pierangelo Buzzo, a cui è intestato l’accordo- e tra l’altro dal febbraio 2021 siamo cooperativa sociale, non più associazione. Il protocollo è falso”.

    Diverso è il caso della Associazione di Volontariato “Il Paniere Alimentare”, dell’Organizzazione “Musica e Teatro” e dell’Associazione “Fiore di Donna”, dei quali non solo non è stato possibile riscontrare alcun riferimento online, ma di cui i codici fiscali inseriti nei protocolli risultano inesistenti, così come gli indirizzi mail di riferimento. La “Bondon grocery” dovrebbe riconoscere “agli ospiti del Cas e agli operatori della Martinina Srl che acquistano per conto delle persone trattenute nel Cpr uno sconto del 5% sulla spesa effettuata”: il protocollo firmato nell’agosto 2022 reca in intestazione la denominazione della società, che ha però cessato l’attività il primo luglio 2021.

    Dianova, BeFree, l’Organizzazione “Musica e Teatro” vengono citati tra i protocolli di intesa presentati anche nell’offerta tecnica presentata da Engel Srl il 26 maggio 2021 per l’aggiudicazione del bando precedente a quello in essere. La prefettura di Milano ha pubblicato i documenti integrali -contratto siglato dalla società e offerta tecnica- il 10 novembre 2023.

    Tornando ai protocolli siglati da Martinina Srl, questi danno uno spaccato della vita nel centro che appare molto distante della realtà. Attività ludico-ricreative, per “impegnare le giornate degli ospiti e rendere più piacevole il trascorrere del tempo”, cineforum, laboratori di teatro, musicali, sport. Addirittura “campagne di prevenzione della salute”. Ma niente di tutto questo si sarebbe mai verificato nella struttura. Sia per i numerosi report prodotti nel tempo da diversi soggetti, dall’Asgi al Garante dei diritti delle persone private della libertà personale, fino agli stessi verbali delle visite di monitoraggio redatti proprio dalla prefettura.

    Così l’accesso ai servizi di mediazione linguistica-culturale, previsto nell’offerta, non si riscontra affatto nella realtà: in questo caso è l’Asgi, durante una delle visite d’accesso, a non incontrare alcun mediatore e dal Naga, che ha recentemente pubblicato un dettagliato report sulla situazione all’interno del centro. Oppure l’orientamento legale, anche questo assicurato sulla carta da Martinina Srl, addirittura con la “diffusione di materiale informativo tradotto nelle principali lingue parlate dagli stranieri presenti nel centro” ma che non trova riscontri. È il Garante, questa volta, a scrivere nel febbraio 2023 che l’informativa cartacea “non viene consegnata alle persone trattenute”. Problematico anche l’accesso ai servizi sanitari: nell’offerta tecnica si assicura “al ricorrere delle esigenze la somministrazione di farmaci e altre spese mediche” ma al di fuori degli psicofarmaci -che, come raccontato da Altreconomia nell’inchiesta “Rinchiusi e sedati”, su cinque mesi di spesa rappresentano il 60% degli acquisti in farmaci- sempre il Garante scrive che “l’assistenza sanitaria in caso di bisogno si limita alla distribuzione della tachipirina”. E c’è uno scarso accesso alle visite specialistiche. Emergono poi acquisti di distributori di tabacchi non presenti nel centro, colloqui con lo psicologo non documentati, addirittura la fornitura di “cestini da viaggio” in caso di trasferimenti da un Cpr all’altro, discrepanze anche relative alla qualità del cibo distribuito.

    All’impatto sulla vita delle persone se ne aggiunge uno di natura economica. Secondo dati inediti consultati Altreconomia, infatti, la prefettura di Milano avrebbe già versato a Martinina Srl oltre 943mila euro per la gestione della struttura di via Corelli. Ed è rilevante anche l’avvicendamento delle società gestite dall’imprenditore Alessandro Forlenza. Lui, nel 2012 fonda la Engel Italia Srl, ex gestore del “Corelli” di Milano e del Cpr di Palazzo San Gervasio a Potenza: oggi quella società non esiste più perché il 20 ottobre 2023 è stata definitivamente “inglobata” nella Martinina Srl, a cui inizialmente era stato ceduto il ramo d’azienda che si occupava della detenzione amministrativa. La società è formalmente in mano a Paola Cianciulli, moglie di Forlenza, che è attualmente l’amministratrice unica dopo l’uscita di scena di Consiglia Caruso (la firmataria di tutti i protocolli d’intesa sopra citati), che il 31 agosto 2023 ha ceduto i mille euro di capitale sociale. A lei restano intestate due società con sede a Milano: l’Edil Coranimo Srl, che si occupa di costruzioni, e dal febbraio 2023 l’Allupo Srl che ha sede proprio in via Corelli, nel numero civico successivo al Centro per il rimpatrio. Una dinamica che desta interesse: l’oggetto sociale della Allupo Srl è molto diversificato e oltre alla ristorazione in diverse forme (da asporto o somministrazione diretta) è inclusa anche la possibilità di “gestione di case di riposo per anziani, case famiglia per minori, Cas, Sprar, Cara e Cpr”.

    La Martinina Srl ha altre due sedi attive: una a Palazzo San Gervasio, a Potenza, dove è arrivata seconda nella gara di assegnazione della nuova gestione del Cpr precedentemente dalla Engel, vinto da Officine Solidali nel marzo 2023, un’altra a Taranto, per la gestione del Cas Mondelli che accoglie minori stranieri non accompagnati. L’ultimo bilancio disponibile è del 31 dicembre 2021 con importi ridottissimi: appena 2.327 euro di utili “portati a nuovo”. A quella data ancora non era attivo il Cpr di via Corelli. C’è un terzo soggetto, però, nella “sfera Martinina” con ben altri risultati: si tratta della Engel Family Srl nata nell’ottobre 2020 con in “dotazione” 250mila euro derivanti da Engel Srl. Paola Cianciulli è nuovamente amministratrice e socia unica della società che si occupa di “locazione immobiliare di beni propri o in leasing” che al 31 dicembre 2021 (l’ultimo disponibile) conta un valore della produzione complessivo di poco superiore a 372mila euro.

    Ai milioni di euro per la gestione se ne aggiungono altri (ne hanno parlato anche ActionAid e l’Università degli studi di Bari nel recente dettagliato rapporto “Trattenuti. Una radiografia del sistema detentivo per stranieri”) se si prende in considerazione, documenti ottenuti da Altreconomia alla mano, anche l’esborso dovuto alla costante manutenzione che si rende necessaria anche a causa delle ricorrenti proteste dei trattenuti. Da inizio 2020 al marzo 2023 in totale sono stati spesi più di 3,3 milioni di euro di cui il 58% è stato impiegato per lavori di adeguamento della struttura, manutenzione o interventi di ripristino dei luoghi danneggiati. Anche perché, spesso, le strutture già in partenza sono spesso fatiscenti: il 15 settembre 2021 Invitalia, l’Agenzia nazionale di proprietà del ministero dell’Economia (già attiva nel campo delle migrazioni sul “fronte libico”), ha pubblicato un bando da 11,3 milioni di euro su mandato del Dipartimento per le libertà civili e l’immigrazione, in seno al ministero dell’Interno, proprio per la manutenzione straordinaria dei Centri di permanenza per il rimpatrio di tutta Italia. Ad aggiudicarsi i lavori del Cpr di Milano in via Corelli -di cui abbiamo inserito le foto inserite nel progetto di ristrutturazione- è stata la Tek Infrastructure, società con sede a Palermo da 1,6 milioni di euro di fatturato nel 2021, con un ribasso del 20%. Ma tra i pagamenti effettuati dalla prefettura fino al marzo 2023 a fare da “padrona” sulle manutenzioni è la Masteri Srl -non è possibile escludere perciò un subappalto- con quasi 620mila euro ricevuti in tre anni.

    Fiumi di denaro pubblico che richiederebbero controlli estremamente approfonditi. Dai verbali delle ispezioni prefettizie, però, non emerge una verifica dettagliata di quanto avviene nella struttura. In uno dei verbali, infatti, alla domanda “La fornitura degli effetti letterecci avviene regolarmente e secondo le tempistiche e modalità previste dallo Schema di Capitolato vigente?”, il funzionario della prefettura barra “Sì”. Ma nella nota integrativa sottostante, riportata in calce al verbale, si legge che “ai 25 trattenuti non viene richiesto di firmare la consegna/ritiro degli effetti letterecci”. Risultano perciò incomprensibili le basi su cui viene affermata l’effettiva consegna di questi oggetti.

    Assente qualsiasi considerazione sul rispetto dei diritti fondamentali e sulla corretta esecuzione dei servizi presenti nell’offerta tecnica. “Il monitoraggio da parte della società civile si conferma essere uno strumento fondamentale. Se quanto emerso verrà confermato nelle sedi opportune viene da chiedersi chi controlla i controllori”, conclude l’avvocato Datena. Intanto, le claudicanti promesse di Martinina Srl hanno potuto circolare a piede libero, a differenza dei reclusi. Con il rischio che alla sofferenza si sia aggiunta la beffa del racconto di una quotidianità inesistente.

    https://altreconomia.it/inchiesta-sul-gestore-del-cpr-di-milano-tra-falsi-protocolli-e-servizi-
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  • Germany aims for a ‘war-ready’ military

    It’s the most momentous shift in German defense priorities since 2011.

    Russia’s invasion of Ukraine is forcing Germany to turn its military into a powerful and well-financed fighting force focused on defending the country and NATO allies, Germany’s chancellor said on Friday.

    “Today, nobody can seriously doubt what we in Germany have been avoiding for a long time, namely that we need a powerful Bundeswehr,” Olaf Scholz said on the second day of a political-military conference presenting the deep change in Berlin’s strategic thinking.

    “Our peace order is in danger,” he warned, also mentioning the war between Hamas and Israel and adding that Germany needs “a long-term, permanent change of course.”

    But to defend Germany and its allies, the German military, or Bundeswehr, “needs to be upgraded for this. Only a Bundeswehr that is so strong … can ultimately prevent the worst from happening,” said Defense Minister Boris Pistorius. “We need a Bundeswehr that can defend itself and wage war in order to defend our security and our freedom.”

    Just how to get there is laid out in a 34-page military and strategic doctrine.

    The change in thinking is apparent from the first paragraph of the text: “War has returned to Europe. Germany and its allies once again have to deal with a military threat. The international order is under attack in Europe and around the globe. We are living in a turning point.”

    The enemy is also clear: “The Russian Federation will remain the greatest threat to peace and security in the Euro-Atlantic area.” China also gets a nod for "increasingly aggressively claiming regional supremacy.”

    It’s the first new doctrine since 2011 — a time when Dmitri Medvedev was Russia’s president, Russia was seen as the source of cheap energy to fuel Germany’s economic miracle and Berlin’s defense spending had shrivelled.

    Russia’s full-scale invasion of Ukraine, killing thousands and wreaking destruction across the country, has ended any remaining illusion in Berlin that the Kremlin can be a partner and not a foe.

    “The first defense policy guidelines in over a decade are a response to this new reality,” Pistorius said.

    Since the end of the Cold War, Berlin has missed NATO’s current defense-spending target of 2 percent of GDP for over three decades.

    Germany will hit the goal this year — thanks in large part to the €100 billion special fund created in the wake of the Russian invasion. Scholz insisted that this isn’t a one-off. “We will guarantee this 2 percent in the long term, throughout the ’20s and ’30s.”

    It’s going to take more than just money to get the Bundeswehr back into fighting trim.

    The new doctrine says Germany will scale back foreign missions to focus on European and national defense to become “war-ready.”

    It also promises the “expansion of robust and secure defense industry capacities," as well as using civilians and not soldiers to do functions where military personnel are not needed, and to cut the red tape to speed up military procurement.

    “The central action that follows from the turning point is overcoming the organizational and bureaucratic sluggishness that has slowed down the troops for years,” Scholz said.

    Germany’s military has been hollowed out over recent years. At a military exercise last December to prepare a tank brigade for inclusion in NATO’s “high readiness” response force, all 18 of the modern German infantry fighting vehicles failed. There have also been problems with the readiness of other parts of the military.

    “We must be the backbone of deterrence and collective defense in Europe,” says the strategy. "Our population, but also our partners in Europe, North America and the world, expect us to face up to this responsibility. As a state and society, we have neglected the Bundeswehr for decades.”

    https://www.politico.eu/article/germany-war-military-bundeswehr-defense-nato
    #Allemagne #armée #paix #guerre #Bundeswehr #liberté #sécurité #ordre_international #Russie #Chine #war-ready #industrie_militaire #OTAN #NATO

  • A New Tool Allows Researchers to Track Damage in #Gaza

    As the Israel Defense Forces (IDF) continue to bomb the Gaza Strip, many researchers are attempting to track and quantify the damage to the territory’s buildings, infrastructure and the displacement of the local population.

    A new tool, originally developed to estimate damage in Ukraine, has now been adapted and applied to Gaza. The tool can estimate the number of damaged buildings and the pre-war population in a given area within the Gaza Strip.

    The tool has already been used by a number of media outlets, but it is freely available for anyone to use and we have outlined its key features below.

    The coloured overlay on this map is a damage proxy map indicating the probability of a significant change occurring at particular locations since October 10, 2023. Users can click the “draw polygon” button to draw an area of interest on the map — for example, a particular neighbourhood.

    To understand how the tool works, let’s look at the neighbourhood of Izbat Beit Hanoun, which sustained heavy damage visible in these high-resolution, before-and-after satellite images from Planet:

    The row of apartment complexes in the north of the neighbourhood near the road has been razed. Lower-density areas in the centre and northeast of the neighbourhood have also sustained heavy damage. Airstrikes have also destroyed several of the apartment complexes in the southwest.

    Below is the damage probability map generated by the tool, highlighting many of these areas:

    Drawing a box over this neighbourhood allows us to roughly quantify the number of buildings – and people- affected by the destruction.

    In the neighbourhood of Izbat Beit Hanoun, the tool estimates that there are 321-425 damaged buildings (73 — 97%), displayed with colours above. The tool also estimates that in the area of interest there was a pre-war population of 7,453, of which 4756 – 6304 lived in areas that are now likely to be damaged.
    How it Works

    Synthetic Aperture Radar (SAR) imagery has been used extensively in academic studies of building damage, and by groups like NASA following the 2020 explosion at the port of Beirut. NASA explains the use of SAR for building damage detection as follows: “SAR instruments send pulses of microwaves toward Earth’s surface and listen for the reflections of those waves. The radar waves can penetrate cloud cover, vegetation, and the dark of night to detect changes that might not show up in visible light imagery. […] When buildings have been damaged or toppled, the amplitude and phase of radar wave reflections changes in those areas and indicate to the satellite that something on the ground has changed.”

    The application above detects damaged areas by measuring the change in the intensity of the radar waves reflected back to the Sentinel-1 satellite before and after October 10, 2023, adjusted for how noisy the signal is in both periods. A more detailed explanation of the algorithm (which was peer-reviewed for a conference) is available here, and a walkthrough (including code) applied to the 2020 Beirut explosion is available here.

    Once likely damaged areas have been identified, the damage probability map is combined with building footprints from Microsoft. Footprints in which significant change has occurred are classified as damaged. This yields a count (and proportion) of estimated damaged buildings within an area.

    To get a rough idea of the number of people affected in a given area, population data are sourced from the LandScan program at Oak Ridge National Laboratory. The data are provided at the level of 90 metres. These population estimates are generated by merging current data on building structures, occupancy rates and infrastructure. Because these are estimates, they are subject to some level of error. They also predate the current conflict and are thus not meant to be interpreted as a count of actual or potential civilian casualties. You can read more about LandScan data here.
    Accuracy

    To assess the accuracy of the damage detection algorithm, damage points from the UN Satellite Office (UNOSAT) were used for validation. These are generated by manually combing through high-resolution satellite imagery and tagging visibly damaged buildings. Below is the same image of Izbat Beit Hanoun, with UNOSAT damage points overlaid in white.

    In the images above, the colourful overlay is a damage probability map. Darker colours indicate a higher probability that a significant change occurred after October 10, 2023.

    The UNOSAT damage points are available under the “Layers” tab in the top right corner of the tool. It should be noted that UNOSAT carried out the assessment on November 7 and that damage has occurred since then.

    Geolocated Footage

    To get an additional source of validation data, geolocated footage of strikes and destruction in Gaza are available under the “Layers” tab in the top right, and are displayed as blue triangles.

    These are sourced from Geoconfirmed, a community-based geolocating network. Clicking on a geolocated event will open a panel in the top right, showing a brief description of the event, the date, a link to the source media, and a link to the geolocation of the event.

    In the example below, clicking on a geolocated event in the heavily damaged Tal al-Hawa neighbourhood reveals that Gaza City’s International Eye Hospital appears to have been hit by an airstrike.

    Clicking on “Source Media” shows the following image of the eye hospital.

    Clicking on “Geolocation” displays the following tweet, which uses the visible characteristics of the building itself and adjacent buildings to locate the picture.

    Further research confirms that the International Eye Hospital was subsequently completely destroyed.

    It should be noted that the geolocations have not been independently verified by the creators of the tool and are automatically added to the map as they become available. Nevertheless, these geolocations are an important additional source of preliminary information. As of the date of publication, there were 541 geolocated events in the Gaza Strip. The tool automatically adds new geolocations as they become available.
    Important Caveats

    While this tool can help us better understand the devastating impact of IDF strikes on Gaza, there are a number of important caveats to bear in mind when using it.

    The first is that this tool detects any significant changes that have occurred in Gaza since October 10, 2023. The vast majority of these changes are likely related to conflict damage, but not all. For example, placing a large number of tents on a previously open field would be detected, since this would change the amplitude of the signal reflected back to the Sentinel-1 satellite from that patch of land.

    Second, because of the way the algorithm functions, older damage will be more confidently detected than newer damage. Thus, while the tool updates automatically as new imagery becomes available, it may take some time for newer damage to become visible. Other SAR-based methods can produce accurate estimates of damaged areas on a particular date. The Decentralized Damage Monitoring Group is working on such methodologies, with the aim of publicly disseminating damage maps that show not only where damage has occurred, but when.

    Finally, the assessment of population exposure is not a measure of actual or potential civilian casualties. These population estimates predate the most recent conflict in Gaza, and many civilians have fled. The affected population counts represent a ballpark estimate of the number of people who previously lived in areas that are now likely damaged or destroyed.
    Accessing the Tool

    The Gaza Damage Proxy Map uses previously established and tested methodology to provide estimates of damage to buildings. The data is updated approximately one to two times per week as new satellite imagery is gathered by the Sentinel-1 satellite. It therefore represents cumulative damage since October 10, not real-time damage to buildings.

    Although the information provided by the tool is an estimate, it is useful for researchers to quickly gain an overview of damaged areas in the Gaza Strip.

    You can access the Gaza Damage Proxy Map here.

    A similar tool using the same methodology to assess damage in Ukraine following Russia’s full-scale invasion and in Turkey following the February 6 Turkey-Syria earthquake, can be accessed here: https://ee-ollielballinger.projects.earthengine.app/view/gazadamage

    https://www.bellingcat.com/resources/2023/11/15/a-new-tool-allows-researchers-to-track-damage-in-gaza

    #imagerie #architecture_forensique #destruction #cartogrphie #visualisation #guerre #images_satellites #images_satellitaires #Synthetic_Aperture_Radar (#SAR) #UNOSAT #géolocalisation #photographie #dégâts #bombardements

    ping @visionscarto

  • « La #France nous a abandonnés, les bourreaux nous ont exécutés »

    En avril 1994, Gaudence Mukamurenzi et trois membres de sa famille sont assassinés par des génocidaires rwandais. Cette secrétaire de l’#ambassade de France à Kigali aurait pourtant pu être secourue par les militaires français. Deux de ses enfants rescapés témoignent pour la première fois.

    Au sortir des années 1970, Gaudence Mukamurenzi et Phocas Munyawera s’étaient installés dans une grande maison, à Nyakabanda, un quartier familial de l’ouest de Kigali, la capitale du Rwanda. Pour entrer dans le domicile, légèrement surélevé par rapport à la rue, il fallait ouvrir un portail, remonter un jardinet, au centre duquel trônait un avocatier, et passer par une petite terrasse. Une porte-fenêtre permettait d’accéder au salon. Dans son prolongement, la grande salle à manger précédait une cuisine. Au bout de celle-ci, un couloir desservait quatre chambres. Gaudence et Phocas occupaient la première, à droite. Les autres accueillaient leurs enfants : Josine, la plus grande, née en 1976, Nadine, arrivée deux ans plus tard, Patrick, né en 1983, et Aline, la petite dernière, née en 1989.

    À l’arrière de la maison, il y avait un grand jardin avec deux dépendances pour recevoir les invités. Dans un coin trônait une vieille Peugeot 504 hors d’état de marche. Sur la gauche, accolée à la maison, une autre grande chambre, indépendante, était occupée par Claude, le fils de Phocas issu d’une première union, et Mourani, le demi-frère cadet de Phocas. Dans les faits, Mourani, né en 1981, était l’oncle des enfants. Mais, de par sa proximité d’âge avec la fratrie, tout le monde le considérait plutôt comme un cousin. Juste à côté, une autre pièce permettait de stocker les provisions de la maison. Au bout du jardin, il y avait une butte en haut de laquelle se trouvait un potager et une petite bananeraie.

    Gaudence était secrétaire à l’ambassade de France, tandis que Phocas était comptable dans une entreprise de construction. Elle, grande et longiligne, le visage fin avec de grands yeux en amande, les cheveux mi-nuque, légèrement tirés vers l’arrière, aimait les longues robes colorées à motifs. Lui, au physique trapu, portait des chemisettes impeccables boutonnées presque jusqu’au cou. Une agrafe de stylo dépassait toujours de sa poche. Il avait le visage plutôt rond, les cheveux très courts, une petite moustache et des rouflaquettes bien taillées. Le père de famille aimait beaucoup recevoir. Il avait construit un petit bar dans le prolongement du mur d’enceinte en brique. Une ouverture donnait sur la rue, et une petite porte, à l’arrière, permettait d’y accéder directement depuis le jardinet. C’est dans ce maquis bien tenu que les amis du quartier se retrouvaient le soir pour boire quelques bières et écouter la radio.
    Des séquelles physiques et psychologiques

    « C’était le “bar du vieux” », se remémore Aline. La famille vivait confortablement. Des employés de maison s’occupaient des tâches quotidiennes. Si bien que, se souvient Patrick, « tous les moments que nous passions ensemble étaient doux et heureux, je ne me souviens pas avoir entendu maman se mettre en colère après nous ». Quand Gaudence rentrait d’une réception à l’ambassade, elle rapportait des gâteaux. « Elle me demandait d’aller lui chercher une bière, et on dégustait ça tous les deux sur la terrasse, c’était chouette », poursuit-il.

    Aline et Patrick habitent aujourd’hui à Charleroi, en Belgique. À 34 ans, la cadette de la famille attend son deuxième enfant. Patrick, tout juste 40 ans, est le père d’un garçon de 12 ans et d’une fille de 11 ans. Tous les deux ont longuement hésité avant d’accepter de raconter, pour la première fois, le destin de leur famille qui a tragiquement basculé au lendemain de l’attentat contre l’avion du président rwandais, Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994. Le génocide qui a suivi a fait au moins 800 000 morts en trois mois, parmi lesquels quatre membres de la famille Munyawera : Phocas, Gaudence, Josine et Mourani.

    Leur histoire ressemble à celles de nombreux rescapés. L’horreur qu’ils ont vécue a laissé des séquelles physiques et psychologiques profondes. Mais, ce que ne comprennent toujours pas Aline et Patrick, ce qui les obsède depuis bientôt trente ans, c’est la raison pour laquelle la France, pour qui travaillait leur mère, n’a pas daigné venir les secourir alors qu’elle était en capacité de le faire et alors que leur oncle, Pierre Nsanzimana, également employé par l’ambassade de France, au sein du service des états civils du consulat, a, lui, été évacué au Burundi par l’armée française, déployée à Kigali du 8 au 14 avril 1994 dans le cadre de l’opération Amaryllis.

    « Nous étions voisins. Tous les matins, notre mère nous emmenait à l’école, et, le soir, nous étions accueillis chez eux quand elle ne pouvait pas nous récupérer », raconte Patrick. Gaudence était la petite sœur de Thérèse, la femme de Pierre. « Elles étaient très proches », ajoute Aline. Après les « événements », Pierre et Thérèse les ont adoptés. L’oncle et la tante ont gardé pour eux ce qu’ils savaient des parents d’Aline et Patrick. Ils ont rarement évoqué les circonstances de leur sauvetage. « Par pudeur, nous avons posé peu de questions. Thérèse a été très marquée par le génocide », estiment Aline et Patrick. Eux-mêmes ont reconstruit leur vie en enfouissant les détails de ces journées dramatiques. Pourtant, tout est là.
    « Vous allez voir, bientôt vous allez voir ! »

    Mercredi 6 avril 1994. Depuis plusieurs semaines, Kigali est en ébullition. Les accords de paix d’Arusha, signés moins d’un an plus tôt par le Front patriotique rwandais (FPR, né en Ouganda à la suite de l’exil de centaines de milliers de Tutsis) et par les autorités rwandaises patinent. Depuis 1990, le FPR tente, armes à la main, de renverser le régime extrémiste hutu d’Habyarimana. La constitution d’un gouvernement de transition, incluant des membres du FPR, prévue dans les accords d’Arusha, est constamment repoussée. Dans le « bar du vieux », les familles tutsies du quartier se réunissent le soir pour écouter Radio Muhabura, la radio du FPR. Plus les jours passent, plus elles sont inquiètes. Une voisine hutue a pris l’habitude de passer devant la maison des Munyawera en criant : « Vous allez voir, bientôt vous allez voir ! », tout en brandissant une bible. Les Tutsis, considérés comme des alliés du FPR, ont en mémoire les pogroms de 1959 (année où nombre d’entre eux se sont exilés dans les pays voisins), de 1962 et de 1990 (après une offensive du FPR). Elles craignent le pire et commencent à entasser des pierres dans leur jardin pour se protéger en cas d’attaque.

    L’avion du président rwandais – qui transportait aussi le président burundais, Cyprien Ntaryamira, plusieurs officiels des deux pays, et trois membres d’équipage français – est abattu au-dessus de Kigali, lors de sa phase d’atterrissage, vers 20 h 30, dans la soirée du 6 avril. Par qui ? À ce jour, aucune enquête n’a pu le déterminer avec certitude
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    . Juvénal Habyarimana rentrait d’une rencontre à Dar es-Salaam, en Tanzanie, où il venait de s’engager, à nouveau, à mettre en place ce fameux gouvernement de transition.

    Dans la nuit, Josine et Nadine, les deux grandes sœurs, se ruent dans la chambre de Patrick. « N’as-tu pas entendu ? Le président est mort ! », lui lancent-t-elles, alors qu’il ouvre à peine les yeux. Depuis la fenêtre de sa chambre, tous les trois assistent à l’embrasement du quartier. « On s’est dit que ça allait passer », confie-t-il. Le lendemain matin, le 7 avril, le bar de Phocas est pillé. Dans la maison, c’est la panique. Le père de famille décide d’aller porter plainte à la gendarmerie la plus proche. Claude, son fils issu d’une précédente union, l’accompagne. Gaudence intime aux autres enfants d’enfiler « le plus de vêtements possible » et de se tenir prêts. Vers 11 heures, « on a entendu des coups contre le portail. Il a fini par céder et on a vu une foule déferler… Maman, Nadine, Aline, Mourani et moi avons fui par l’arrière », raconte Patrick. La famille monte la butte et se dissimule dans la bananeraie. La maison est saccagée.
    « Notre voisine s’est acharnée sur le corps de papa »

    Selon le récit de Claude, qu’il a confié plus tard à ses frères et sœurs (il n’a pas souhaité témoigner), il serait revenu avec son père au domicile, accompagnés de militaires censés constater les dégâts. Face à la situation, Phocas aurait décidé de réunir les passeports de la famille quand ils auraient été pris à partie par les Interahamwe, ces milices civiles armées qui sillonnaient la ville à la recherche de leurs victimes. Claude a réussi à se cacher mais pas son père, qui a été assassiné. Qui l’a tué ? « Claude nous a juste raconté, bien plus tard, que la voisine qui brandissait sa bible s’est acharnée sur son corps, hurlant que ça aurait dû être à elle de le tuer… » Ils ne reverront plus Claude, et, pendant plusieurs mois, ils le croiront mort.

    Après la bananeraie, se trouve le jardin d’un couple dont le mari est un footballeur assez connu, Ibrahim Marizuku. Il évoluait au Kiyovu Sports Association. Lui est absent mais sa femme décide de les cacher dans une annexe de la propriété qui leur sert de débarras. En fin d’après-midi, tous les cinq s’installent sommairement au fond de la pièce, derrière une grande penderie. Patrick se rappelle que c’est la femme de Marizuku qui leur a appris la mort de leur père. Commencent alors de longues journées d’attente, ponctuées par les repas que leur apporte la voisine. À chaque fois, il faut tirer le meuble, puis le repousser. La nuit, ils s’autorisent une sortie discrète pour leurs besoins et la toilette. Une petite radio leur permet de s’informer.

    À une centaine de mètres de là, Pierre Nsanzimana, son épouse Thérèse leurs trois enfants ont également dû quitter leur domicile. Pierre est décédé en 2022 mais son fils, Étienne, 18 ans à l’époque, qui vit aujourd’hui à Paris, a accepté de raconter cet épisode, tel qu’il s’en souvient.

    Dès le matin du 7 avril, leur résidence – une grande propriété, avec des dépendances dans lesquelles logeaient d’autres Tutsis – est prise d’assaut par les Interahamwe. Thérèse ordonne aux enfants de se munir de vêtements chauds. Elle s’occupe de récupérer les passeports, tout l’argent liquide disponible et les albums photos. Pierre, un érudit passionné de lecture, s’affaire à prendre un maximum de livres quand sa femme l’interrompt brusquement : « Que vas-tu faire de ces livres ? On n’a pas le temps, on prend l’essentiel ! Et, si nous survivons, tu pourras retrouver tes livres. » À la maison, il y avait aussi le frère de Thérèse, Claver Karuranga, ses trois fils, et deux autres cousines. Tous avaient dû fuir leur domicile.

    Hussein, un voisin musulman d’un certain âge, réserviste des Forces armées rwandaises (FAR) et dont la maison est accessible par un petit chemin, accueille chez lui Pierre, Étienne et ses sœurs, ainsi que les cousines. « Moi et mon père, nous étions dans la cuisine, je me souviens encore du tas de charbon. Mes sœurs et mes cousines étaient installées dans une autre pièce. Ma mère, son frère et ses enfants ont été cachés chez un autre voisin hutu, dont la maison touchait celle d’Hussein », poursuit Étienne.
    « Mais non, on n’est pas encore morts ! »

    La Radio-Télévision libre des Milles Collines (RTLM), véritable outil de propagande des extrémistes hutus financé par l’homme d’affaires Félicien Kabuga
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    , déverse son lot de haine et diffuse des listes de noms de Tutsis à retrouver en priorité. Pierre figure sur une de ces listes. « Il était activement recherché… La situation devenait compliquée et dangereuse pour Hussein. Nous avons voulu rejoindre le collège Saint-André, à Nyamirambo [un district en périphérie de Kigali, NDLR], où, nous disait-on, d’autres Tutsis avaient trouvé refuge. Hussein a dit qu’il ne laisserait personne sortir de chez lui et qu’il garantirait notre protection », témoigne Étienne. Ce refus leur a probablement sauvé la vie : le 13 avril, presque tous les réfugiés qui se trouvaient au collège Saint-André ont été massacrés
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    .

    Un soir où Étienne et son père se débarbouillent dehors, ils entendent une sonnerie dans la maison. À l’époque, les Rwandais possédant un téléphone sont peu nombreux. « Après négociation, Hussein a autorisé mon père à téléphoner… Il a donc joint l’ambassade, on devait être le 10 avril », se remémore-t-il.

    Selon Étienne, Pierre finit par parler à « un colonel qu’il connaissait bien pour l’avoir aidé dans ses démarches d’adoption ». Son nom ? Il ne s’en souvient pas. Au téléphone, le militaire français se serait dit surpris qu’il soit encore vivant. « Mon père a alors dit : “Mais non, mais non, on n’est pas encore morts !” » Son interlocuteur lui aurait promis d’envoyer une escorte militaire pour les sortir de ce guêpier. « Comment ? », s’enquiert Pierre. L’officier lui aurait proposé de donner sa localisation à des gendarmes rwandais pour qu’ils viennent les récupérer. « Mon père a sursauté, se souvient Étienne, il leur a répondu de ne surtout pas dire aux gendarmes qui ils allaient chercher et que ce n’était pas la bonne solution. » Les militaires rwandais, qu’ils soient gendarmes ou des FAR, ont participé activement aux massacres. Finalement, Pierre et son interlocuteur conviennent d’un autre plan : l’une des filles d’Hussein devrait aller se poster à un endroit précis du quartier où la rejoindrait une escorte militaire française.

    Dans la nuit du 8 au 9 avril 1994, les premiers militaires français de l’opération Amaryllis, dont la mission est d’évacuer les ressortissants français, ont pris possession de l’aéroport de Kigali. En fin d’après-midi, la première rotation vers l’étranger emporte 44 Français et 12 Rwandais, tous membres de la famille du président Habyarimana, dont sa veuve, Agathe Kanziga. C’est un camion bâché escorté par deux jeeps et conduits par des soldats de cette opération qui se sont chargés d’aller récupérer Pierre Nsanzimana et sa famille, le lendemain de l’échange téléphonique, le 11 avril. Toujours selon le témoignage d’Étienne, « les militaires ont retrouvé la fille d’Hussein qui les a guidés vers l’arrière de la maison, par un chemin a priori discret ». Une fois l’accès entre la maison et le convoi sécurisé, toute la famille de Pierre se presse vers le camion. « En fait, tout autour, il y avait des Interahamwe qui enrageaient. Ils avaient les yeux exorbités, injectés de sang. Pour eux, nous étions des trophées, et ils ne comprenaient pas comment l’armée française pouvait les priver de ça, se rappelle Étienne, encore choqué presque trente ans après. Il faudra que mon père et ma mère négocient dur pour que les autres membres de la famille puissent aussi monter avec nous. Un soldat lui a dit que leur mission était de sauver uniquement mon père, sa femme et ses enfants… Finalement, ils ont cédé. »
    « Il a éclairé nos visages, un par un »

    Non loin de là, à quelques centaines de mètres (« cent-cinquante mètres tout au plus », juge Étienne), sont toujours cachés dans l’angoisse Gaudence, ses filles Nadine et Aline, son fils Patrick et leur oncle Mourani. Pierre ne sait pas s’ils sont encore chez eux mais, avant de monter dans le camion d’Amaryllis, il demande aux soldats français d’aller chercher la petite sœur de sa femme. C’est du moins ce qu’affirme Étienne : « Il a eu beau insister, ils lui ont dit : “Venez avec nous à l’École française [le point de regroupement des ressortissants français, NDLR], ensuite vous demanderez à notre responsable et on reviendra”. » À l’École française, Étienne assure que son père est resté posté devant le portail et a insisté pour qu’un convoi reparte chercher Gaudence. « Un commandant a fini par lui dire que le FPR n’était pas loin et qu’il fallait qu’ils se préparent au combat. Voilà ce qu’il lui a répondu. Après ça, j’ai vu ma mère s’éteindre. » Le 12 avril, Pierre, Thérèse, Liliane, Pascaline, Étienne s’envoleront finalement vers le Burundi.

    Pendant ce temps, Gaudence et ses enfants survivent tant bien que mal. Combien de temps restent-ils dissimulés dans le débarras de Marizuku ? Difficile à dire mais, un jour, « la voisine est venue nous avertir que les Interahamwe savaient où nous étions et qu’il fallait qu’on parte, poursuit Patrick. On a fui la nuit. Nous avons traversé un champ. Des Interahamwe passaient avec des torches, on se couchait, puis on repartait. On a finalement pu se réfugier dans un autre local, mais on a vite su qu’on nous avait repérés, alors nous sommes retournés chez Marizuku. » L’étau se resserre jusqu’à ce qu’un groupe d’hommes finisse par exiger de leur voisine de pouvoir fouiller l’annexe dans laquelle se terre la famille. « Elle avait dévissé l’ampoule pour qu’ils ne puissent pas allumer et nous voir. Elle leur a montré l’intérieur et leur a dit : “Vous voyez, il n’y a personne !” Mais l’armoire n’avait pas été repoussée correctement et un homme est revenu avec une torche et nous a “torché” tous, un par un. On était tétanisés, paniqués. » Aline : « Ça, la torche dans les visages, je m’en souviens très bien. » Mais l’homme repart, sans un mot.

    C’est ce même soir, estime Patrick, que la nouvelle de l’évacuation de Pierre Nsanzimana est diffusée par la RTLM. « Nous avons entendu son nom. Les animateurs ont expliqué que toute la famille avait été évacuée par la France. Alors, il y a eu une sorte de soulagement. Ma mère était persuadée que nous serions les prochains. » Cette information a-t-elle été diffusée avant ou après le départ d’Amaryllis, le 14 avril ? Patrick ne sait pas. Quoi qu’il en soit, les militaires français savaient exactement où logeait la famille de Gaudence, et, depuis le 11 avril, deux télégrammes arrivés de Paris avaient élargi les évacuations aux employés locaux. Le premier avait été adressé en fin d’après-midi à l’ambassade de France et précisait « qu’il convient d’offrir aux ressortissants rwandais faisant partie du personnel de l’ambassade (recrutés locaux), pouvant être joints, la possibilité de quitter Kigali ». Le second avait été adressé en soirée au commandement d’Amaryllis et autorisait à « accélérer l’évacuation des ressortissants étrangers et des personnels de l’ambassade ». Mais personne n’a tenté de retrouver Gaudence et ses enfants.
    « Maman nous a dit de prier »

    « Maintenant que les Interahamwe savaient où nous étions cachés, la voisine a cherché à nous changer d’endroit, poursuit Patrick. Elle et son mari avaient logé deux autres familles tutsies dans deux dépendances, qui avaient fini par partir. Elle nous a donc logés dans une de ces annexes, en disant : “S’ils reviennent vous chercher, je dirai que la famille est partie avec la clé.” Il y avait un salon avec deux chambres, on s’est mis dans la dernière, tout au fond, et on a fermé la porte. » Ils y passent la nuit et, le lendemain matin, reprend Patrick, « on a entendu une foule qui arrivait ».

    La voisine a eu beau essayer de détourner leur attention, en leur disant qu’il n’y avait personne, « on a entendu la première porte se faire fracasser », continue Patrick. « Puis, ils ont cassé la porte de la première chambre. Maman nous a dit de prier. » Aline reprend le récit, la voix tremblante : « Je me souviens bien de ça. Je crois aussi que maman nous a fait : “Chut ! Taisez-vous !” Puis ils ont frappé fort contre notre porte et hurlé : “Ouvrez la porte ! Ouvrez la porte ou on balance une grenade !” Et, là, maman a ouvert la porte… Ils l’ont attrapée par les cheveux et l’ont traînée vers l’extérieur… Elle portait un long pagne coloré… Je ne me souviens plus de la couleur. Ils lui ont donné un coup sur la tête. Le sang a coulé. » « Avec Mourani, on était encore cachés sous le lit, ajoute Patrick. Ils sont venus nous tirer de là et, dehors, j’ai vu le sang sur le visage de maman. »

    Patrick, 11 ans à l’époque, s’est alors jeté contre les agresseurs de sa mère. « Mais l’un d’eux m’a pris par les pieds et m’a jeté contre le mur. » « Il y a tous les copains du quartier qui nous frappaient et nous disaient : “On vous cherche depuis longtemps !” » Alors que les Interahamwe alignent la famille, mains sur la tête, et l’emmènent sur la route, un peu en contre-haut, Aline réussit à s’enfuir. « Je crois que le sang sur le visage de maman a déclenché un instinct de survie, j’ai pris mes jambes à mon cou, puis je ne me souviens plus de grand-chose, je n’ai que des flashs. » Patrick se souvient bien avoir vu sa sœur courir et entendre leurs bourreaux s’exclamer : « Laissez-là, vu son gabarit elle ne survivra pas, ou quelqu’un d’autre s’en chargera ! » Mourani, 13 ans, tente lui aussi de s’échapper, mais un milicien tire dans sa direction et lui crie : « Si tu essaies encore de fuir, je te mets une balle dans la tête. »

    Gaudence, Patrick, Josine, Nadine et Mourani sont exhibés dans le quartier. « Il y avait les deux fils de la voisine, celle qui nous menaçait avec sa bible et qui s’est acharnée sur papa… Les insultes fusaient. » Sur la route, ils assistent à l’exécution de « la plus jolie fille du quartier », ajoute Patrick : « Un Interahamwe lui a dit : “Viens avec moi, je t’épouse”, et elle lui a répondu : “Je préfère que tu me tues, même pas dans tes rêves je t’épouserai !” Elle était très courageuse. Il lui a dit de se mettre à genou, elle a refusé… » Puis ils sont conduits sur une grande route où, explique Patrick, « c’était plus simple de faire venir les camions-bennes pour évacuer les corps ». « Une fois arrivés, ils nous ont demandé de nous coucher ventre à terre, le long d’un fossé, et ils ont commencé à nous tirer dessus avec des petits fusils automatiques. » La date où c’est arrivé est restée gravée dans la mémoire de Patrick : « C’était le mardi 19 avril 1994. »
    La danse macabre du camion-benne

    À côté de Patrick, sa mère meurt sur le coup. « J’ai vu son sang couler sur la terre. Je me suis dit que, maman, c’est fini. » Mourani et Josine également. Nadine bouge encore. Alors, les Interahamwe s’acharnent sur elle. Elle reçoit sept balles. Une balle a traversé le torse de Patrick, elle est passée à quelques centimètres de son cœur. « J’étais vivant, souffle-t-il. À ce moment, pour moi, personne n’a survécu, alors j’ai fait le mort. » Puis démarre la danse macabre du camion-benne. « On nous a jetés dedans. Par miracle, je me suis retrouvé sur le dessus. Quand le camion a redémarré, j’ai pu me redresser. »

    Mais certains de ses jeunes bourreaux s’en rendent compte. Ils interpellent le chauffeur, qui arrête le camion et dépose Patrick au milieu de la route. « Ils sont partis chercher des Interahamwe plus âgés. Je me suis traîné jusqu’au bord de la route, je n’arrivais pas à me lever. Il allait pleuvoir, j’ai imaginé me laisser porter par les flots dans le fossé… Mais je les ai entendus revenir, ils criaient : “Il y en a un qui est encore vivant !” Je me suis couché et j’ai de nouveau fait le mort. Ils m’ont donné des coups de pied, ils m’ont craché dessus, et l’un d’entre eux a dit : “Il est mort, on ne va pas gaspiller une balle pour lui”. » Patrick réussit ensuite à atteindre un petit abri.

    Un habitant du quartier, un Hutu musulman nommé Chali, qui connaissait bien Gaudence, tombe sur lui. « Il était paniqué… Il m’a apporté un thé avec un beignet. J’ai cru qu’il allait m’achever. Il est parti chercher un militaire pour m’emmener à l’hôpital… À nouveau, je me suis dit : “C’est fini”. » Chali arrête un pick-up. Un militaire en sort et s’exclame : « Mais on avait dit pas les civils, pas les enfants ! » Patrick reprend : « Il m’a mis à l’arrière de son pick-up où il y avait un autre corps. C’était celui d’une maîtresse du quartier. On lui avait tiré plusieurs fois dessus. Il y avait du sang partout. Le militaire conduisait vite. Je me suis accroché. Il y avait des dos d’âne et, à chacun d’eux, la tête de la maîtresse se soulevait et retombait lourdement sur la tôle. Il m’a déposé au CHUK [Centre hospitalier universitaire de Kigali] où j’ai été pris en charge. Le spectacle était catastrophique : il y avait des blessés partout, des enfants, les gens mouraient… Ils ont découpé mon tee-shirt, m’ont donné du sérum et de l’oxygène... »

    Il s’interrompt. « Je me suis allongé et je me suis mis à pleurer. À ce moment, j’ai réalisé ce qui venait de se passer. Autour de moi c’était pire : il y avait des enfants plus jeunes que moi, la tête à moitié arrachée, les bras… C’était l’enfer total. » Il pense être resté dans un état de semi-conscience environ deux ou trois semaines.
    « J’étais la petite esclave de la maison »

    Les flashs d’Aline permettent de retracer brièvement son histoire. Une vie parallèle à celle de son frère. Durant cette discussion de plusieurs heures, dans l’appartement d’Aline, à Charleroi, chacun découvre des détails qu’il ignorait de l’autre. Elle s’adresse à Patrick : « Tu nous avais raconté brièvement cette histoire mais je ne savais pas tout... » Après sa fuite, la jeune mère de famille se rappelle « avoir frappé à plusieurs portes jusqu’à ce qu’on [lui] ouvre. » « Puis, c’est le trou noir. Je ne me souviens pas combien de temps je suis restée chez les gens qui m’ont cachée... » Plusieurs fois, leur récit bute sur des périodes plus opaques que d’autres. Ces zones d’ombre correspondent bien souvent à des moments plus calmes : tandis qu’ils se rappellent avec précision de la fuite, des agressions, des angoisses liées à la traque, dès qu’ils se retrouvent dans une situation plus « sécurisée », les repères temporels et les détails disparaissent. Durant ces moments d’apaisement, les corps et les esprits se relâchent.

    « Ensuite, je me vois sur une route avec beaucoup de monde, reprend Aline. Je suis avec une dame, on me porte sur les épaules, j’étais si petite… » Cette marche au milieu d’un flot de réfugiés dure longtemps, dit-elle, jusqu’à la frontière avec le Zaïre (l’actuelle République démocratique du Congo, RDC). « Je crois que je suis d’abord accueillie chez une femme qui avait encore deux enfants en bas âge. Elle m’a donc confiée à une autre famille. C’était une petite maison, assez sale. Je revois la porte s’ouvrir, il y avait surtout des hommes. Elle leur a dit qu’elle ne pouvait pas s’occuper de moi, et m’a laissée chez eux. »

    Elle est à Bukavu, à la frontière, au sud du lac Kivu. Elle dit être devenue « la petite esclave de la maison ». « Je dormais par terre, sur un bout de tissu. Je ressens encore les morsures de ces grosses fourmis rouges qui rentraient la nuit. Les enfants de la maison vivaient plutôt bien mais, moi, je mangeais peu. On m’envoyait chercher des cigarettes en pleine nuit. Le matin, on me réveillait pour aller chercher de l’eau… La femme, je la vois comme une sorcière. Quand son mari était là, elle s’adoucissait un peu. Je me rappelle une scène très précise dans laquelle je cherche la cuisine dans l’obscurité et je vole une boule de riz pour manger. » Son calvaire va durer plus de deux ans. Et, pour en connaître le dénouement, il faut laisser Aline dans cette famille congolaise et écouter de nouveau le récit de Patrick.
    En volant ses bracelets, il a senti son pouls

    « À l’hôpital [de Kigali], je vois des visages qui passent devant moi, c’est assez flou. J’étais dans un mauvais état, à cause de ma blessure. Et je mangeais peu. » Un jour, il croit voir sa grande sœur, Nadine. « Je me suis dit que j’avais eu une hallucination. Pour moi, elle était morte. » En fait, Nadine, malgré ses blessures, s’en est sortie. Aujourd’hui, la grande sœur habite également à Charleroi. Elle n’a pas souhaité se joindre à la réunion pour raconter son histoire mais, avec son autorisation, il est possible de la reconstituer brièvement, grâce aux témoignages de Patrick et de son cousin Étienne, à qui elle s’est parfois confiée. Ainsi, lorsque le camion-benne qui transportait toute la famille est arrivé à la fosse commune, l’un des hommes chargés d’enterrer les corps a senti le pouls de Nadine en lui volant ses bracelets en ivoire. Pour une raison mystérieuse, il n’a rien dit et l’a conduite dans le même hôpital que Patrick, où elle s’est remise de ses blessures.

    « Nadine est quelqu’un de très fort… Malgré les sept balles, elle était debout quelques semaines après son hospitalisation », ajoute Patrick. Lui et Aline décrivent leur grande sœur comme une personne « très sociable », et qui a une certaine « clairvoyance », qui lui permet de réagir rapidement dans des situations d’urgence. Aline me montre un photo-montage : à droite il y a Nadine, photographiée il y a quelques années, et à gauche, il y a Gaudence. « Sur cette photo, elles ont à peu près le même âge, une quarantaine d’années. Elles se ressemblent tellement », soupire Aline. À l’hôpital, « elle s’était fait des amis parmi les soignants et parmi les militaires, ajoute son frère. Si bien que, quand les soldats allaient piller les maisons, ils lui ramenaient de la nourriture. C’est à partir de ce moment que j’ai recommencé à m’alimenter, et à me rétablir. »

    Le jour, Nadine s’occupe de son frère, veille à ce que les infirmières le soignent correctement. Elle-même continue de recevoir des soins. La nuit, ils dorment côte à côte. Lorsqu’il y a des suspicions sur leur origine, Nadine explique que son père est un Hutu qui a été assassiné injustement. « Plus tard, elle nous a montré comment elle fronçait son visage pour grossir son nez », ajoute Aline. Le physique était un critère pour affirmer qu’untel ou untel était tutsi. Sous couvert d’études scientifiques, les colons belges étaient persuadés que les Tutsis étaient grands, longilignes et avaient, notamment, le nez plus fin que celui des Hutus. Cette idéologie raciste a été soutenue par les extrémistes hutus.

    L’accalmie à l’hôpital fut de courte durée. « Au bout de trois ou quatre semaines, je commençais à aller mieux, poursuit Patrick. Mais, dans notre quartier, le bruit a couru que nous étions vivants. La voisine, celle qui nous menaçait en brandissant la bible, a envoyé ses fils à l’hôpital pour vérifier l’information. » Jusqu’au jour où un militaire vient les prévenir. Il leur dit que leurs bourreaux viendront les chercher le lendemain, comme d’autres Tutsis avaient déjà été sortis de force de l’hôpital et exécutés à l’extérieur. Il fallait à nouveau fuir. Mais où ?
    Il fallait fuir, encore une fois

    « Nadine a pensé à Pierre-Célestin Rwigema, le parrain de Josine, notre sœur ainée. C’était un ami très proche de papa. Sa femme était infirmière dans notre hôpital… Lui était hutu, elle était tutsie, mais on la laissait tranquille puisqu’elle soignait les gens », explique Patrick. Nadine retrouve l’infirmière, et ensemble elles organisent leur départ. Le militaire qui les avait avertis accepte de les emmener chez ce parrain. Ils passent de nombreux barrages avant d’arriver à destination, enfin. « On a ressenti un soulagement. Sa femme étant infirmière, elle a continué à nous soigner. » Ce n’est pourtant pas la fin du calvaire.

    Leurs bourreaux sont arrivés à l’hôpital. Constatant leur départ, ils sont repartis à leur recherche. « Cette voisine ne voulait pas nous lâcher, ils sont venus jusque chez notre parrain. » Devant la maison de Pierre-Célestin, ils font sortir tout le monde, et interrogent le père de famille qui leur indique que tous, sans exception, sont ses enfants. « Mais les fils de notre voisine nous avaient reconnus, évidemment. L’un des hommes a saisi Nadine pour l’emmener à l’abri des regards. Il a sorti un pistolet. Elle a crié. Le domestique est arrivé et l’homme est parti. Ils ont tous rebroussé chemin en disant qu’ils allaient revenir avec un blindé pour détruire la maison. » Il fallait fuir, encore.

    Ils se répartissent dans les deux véhicules que possède Pierre-Célestin Rwigema. Au milieu de ses enfants, Nadine et Patrick passent presque inaperçus aux barrières dressées par les miliciens, qui procèdent à des contrôles d’identité et à un tri ethnique. Beaucoup de massacres ont eu lieu sur ces barrages, parfois sur un simple critère physique. Mais l’un d’eux finit par suspecter la présence de « cafards », le terme utilisé par les tueurs pour désigner les Tutsis – « il a dit : “Je pense qu’il y a des cafards dans ce véhicule” », raconte Patrick. Il fait descendre tout le monde sur la route. Après discussions, tout le monde repart, mais à pied. « On est retournés à la maison, Nadine est revenue aussi avec les autres, un peu plus tard… On était au point de départ, mais sans voiture. » Leur hôte a finalement sollicité un autre ami, un gradé de l’armée, afin qu’il les sorte de ce mauvais pas. S’il a fallu négocier lors d’un contrôle, le statut du chauffeur a permis de passer les barrières sans trop de difficulté, jusqu’à l’Hôtel des Mille Collines. Là, c’est à nouveau le soulagement.

    Dès le début des massacres, de nombreux Kigalois se sont réfugiés dans cet hôtel de luxe qui appartenait à la compagnie aérienne belge Sabena. Postés devant l’hôtel, des Casques bleus de la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (Minuar) dissuadent les militaires et les miliciens d’y pénétrer. Plus de 1 200 personnes s’y sont réfugiées durant le génocide, dormant dans les 113 chambres, dans les couloirs ou au bord de la piscine, qui a servi de réservoir d’eau quand celle-ci ne coulait plus des robinets. L’histoire de cet hôtel a fait l’objet d’un film réalisé par Terry George, Hôtel Rwanda (2004). Cette œuvre a suscité la controverse : les faits auraient été enjolivés par le « héros » du film, le directeur de l’hôtel, Paul Rusesabagina. L’hôtel a bien sauvé des vies, mais il aurait aussi permis à son gérant de s’enrichir – c’est du moins l’avis de nombreux rescapés
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    .
    Évacués vers un camp du FPR

    Malgré les difficultés quotidiennes et la pression des militaires rwandais, une parenthèse s’ouvre pour Nadine et Patrick. À l’extérieur, si les Interahamwe ont la consigne de laisser rentrer les Tutsis, ils ont ordre de tuer tous ceux qui en sortent. Est-ce à nouveau un piège qui se referme sur eux ? « Un jour, j’ai vu des militaires faire du repérage et noter des numéros de chambres. Alors, toutes les plaques ont été enlevées… Ils sont revenus avec des Interahamwe, ils ont commencé à fouiller les chambres, mais la Minuar est revenue avec plus d’hommes, ce qui les a fait partir. »

    Le 29 mai 1994, la Minuar organise un échange de réfugiés entre le gouvernement intérimaire et le FPR
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    . « Ils nous ont offert la possibilité de rejoindre un camp du FPR, à Kabuga [situé à quelques kilomètres à l’est de Kigali, NDLR]. On s’est donc inscrits sur la liste », poursuit Patrick. Lorsqu’un officiel rwandais se met à lire les noms, celui de « Munyawera » n’est jamais prononcé. « Nous voyions nos camarades d’infortune monter dans le camion. Nadine, une fois de plus, a eu le bon réflexe : elle est allée voir un Casque bleu pour lui dire qu’il y avait un problème. » L’officiel en question est l’équivalent d’un élu municipal du quartier de leur parrain, Pierre-Célestin Rwigema. Il avait décidé que la famille ne devait pas survivre. « Le Casque bleu a arraché la liste et repris la lecture… Cette fois, notre nom a été prononcé. Nous sommes montés dans le camion et avons pu rejoindre le camp du FPR. »

    Sur place, Patrick et Nadine se sentent enfin sortis d’affaire. Ils s’installent dans le camp, trouvent de la nourriture, cherchent un logement… « Trois semaines après, nous avons vu arriver notre grand frère Claude, une boisson au citron à la main ! » Lorsque leur père, Phocas, a été assassiné dans leur maison, Claude a réussi à se cacher. Quand il apparaît dans ce camp du FPR, la surprise est générale. Le frère aîné travaille alors au service d’un gradé du groupe armé. « On était sauvés. »

    Après la conquête du FPR, mi-juillet, et la constitution du gouvernement de transition « à base élargie », le 19 juillet 1994, Nadine et Patrick emménagent avec le parrain de Josine, Pierre-Célestin Rwigema, nommé ministre de l’Enseignement primaire et secondaire
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    . Quelques mois plus tard, la famille Nsanzimana, réfugiée au Burundi, retrouve enfin leur trace. « Étienne et Thérèse sont venus nous chercher, et nous sommes partis au Burundi », relate Patrick. En 1995, tous rentrent au Rwanda. Pierre réintègre l’ambassade de France, et la famille s’installe dans la maison d’un frère de Thérèse. Le couple a récupéré tous les enfants survivants des oncles et tantes. « Nous étions très nombreux, de tous les âges », se souvient Patrick.
    « J’ai compris que maman était morte »

    Reste Aline. Pendant plusieurs mois, la famille, l’espoir chevillé au corps que la petite dernière soit toujours vivante, va suivre plusieurs pistes, notamment dans les camps de déplacés en RDC, près de Goma. En vain. Fin 1996, alors que nombre de réfugiés sont rentrés au pays, « une femme est venue nous voir pour nous dire qu’elle était sûre qu’Aline était vivante et qu’elle savait où elle se trouvait », résume Patrick. La famille hésite un peu : dans cette période post-génocide, il y a beaucoup de rumeurs. « Certains affirmaient par exemple que maman était encore en vie... », précise Patrick. Les informations semblent cependant fiables et, pour Thérèse, il est inconcevable de ne pas aller vérifier. C’est ainsi que Claude, accompagné d’un ami et de la femme qui affirmait savoir où se trouvait Aline, sont partis à Bukavu.

    De son côté, Aline se remémore : « Je me souviens que le père de famille m’a demandé si je connaissais un certain Claude… J’ai tout de suite répondu que c’était mon frère. Ça n’a provoqué aucune réaction de ma part. À cette époque, je refoulais la moindre émotion, mon cerveau avait déconnecté pour se protéger. » Le soir, la famille congolaise met les petits plats dans les grands. « Un véritable festin ! Après tout ce temps à me maltraiter… Si ce n’est pas cynique ! » Le lendemain, « Claude est arrivé, il m’a mis sur ses épaules, et on est partis ».

    Au Rwanda, les retrouvailles sont euphoriques. « Tout le monde s’est jeté sur moi en pleurs, se rappelle Aline. Je pleurais également mais ni de joie, ni de tristesse. J’étais perdue, il y avait tant de monde ! Et je ne comprenais rien, je ne parlais plus kinyarwanda. » « Elle parlait swahili, reprend Patrick. On était tellement heureux de l’avoir retrouvée... » « Et puis j’ai entendu Nadine et Patrick appeler Thérèse “maman”. Là, ça été comme un déclic : j’ai compris que maman était morte. »

    Pierre et Thérèse adopteront Nadine, Patrick et Aline. Claude, l’aîné, qui avait alors une vingtaine d’années, reprendra le cours de sa vie de manière indépendante. La famille élargie s’organise, les plus jeunes reprennent leurs études, jusqu’à l’université, au Rwanda pour certains, comme Étienne, ou en France, près de Toulouse, comme Nadine. Plus tard, une grande partie de la famille s’installera dans le sud de la France. Ces jours sombres ne seront que rarement abordés. Aujourd’hui, tous souhaitent combler les trous béants de leur histoire. Ils veulent notamment savoir pourquoi la France ne les a pas secourus, en dépit de l’insistance de Pierre et de Thérèse. « Les bourreaux nous ont exécutés, mais c’est la France qui nous a abandonnés », conclut Patrick.

    https://afriquexxi.info/La-France-nous-a-abandonnes-les-bourreaux-nous-ont-executes
    #génocide #Rwanda #abandon #fuite #Minuar

  • What If Money Expired ?

    A long-forgotten German economist argued that society and the economy would be better off if money was a perishable good. Was he an anarchist crank or the prophet of a better world?

    A few weeks ago, my nine-year-old son Theo invented a fiat currency to facilitate trade in his living room fort. Bourgeoning capitalist that he is, he had opened a fort gift shop and offered for sale an inventory of bookmarks hastily made from folded paper and liberal applications of tape. Inscribed on them were slogans like “Love,” “I Rule” and “Loot, Money, Moolah, Cash.”

    Theo’s six-year-old brother Julian was interested in the bookmarks, which Theo was happy to sell him for $1 per unit.

    “Hang on,” I shouted from the other room. “You’re not going to sell them for actual money.” (State intervention, I know.)

    Reluctantly, Theo agreed. After some thought, he implemented a new scheme whereby his brother could print his own money with a marker and paper. Each bill would become legal tender once Julian had written “I CAN WRITE” three times on a piece of paper. Misspellings rendered the money void.

    “It has to have some value,” Theo explained. “Otherwise, you could just print millions of dollars.”

    Julian grumbled but soon redeemed his new wealth for a bookmark. Theo deposited the money in his pocket, and thus the fort’s commerce commenced.
    What Is Money, Anyway?

    The history of money is replete with equally imaginative mandates and whimsical logic, as Jacob Goldstein writes in his engaging book, “Money: The True Story of a Made-Up Thing.” Before money, people relied on bartering — an inconvenient system because it requires a “double coincidence of wants.” If I have wheat and you have meat, for us to make a deal I have to want your meat at the same time you want my wheat. Highly inefficient.

    Many cultures developed ritual ways to exchange items of value — in marriage, for example, or to pay penance for killing someone, or in sacrifices. Items used for these exchanges varied from cowry shells to cattle, sperm whale teeth and long-tusked pigs. These commodities helped fulfill two central functions of money:

    1. They served as a unit of account (offering a standardized way to measure worth).
    2. They acted as a store of value (things you can accumulate now and use later).

    Due to the flaws of the barter system, these goods didn’t serve the third function of money, which is:

    3. To act as a medium of exchange (a neutral resource that can easily be transferred for goods).

    Money that served all three of these functions wasn’t created until around 600 B.C.E. when Lydia, a kingdom in modern-day Turkey, created what many historians consider the first coins: lumps of blended gold and silver stamped with a lion. The idea spread to Greece, where people started exchanging their goods for coins in public spaces called agoras. Money soon created alternatives to traditional labor systems. Now, instead of working on a wealthy landowner’s farm for a year in return for food, lodging and clothes, a person could be paid for short-term work. This gave people the freedom to leave a bad job, but also the insecurity of finding employment when they needed it.

    Aristotle, for one, wasn’t convinced. He worried that Greeks were losing something important in their pursuit of coins. Suddenly, a person’s wealth wasn’t determined by their labor and ideas but also by their cunning.

    One summer, the philosopher Thales (who coined the phrase: “Know thyself”) predicted Greece would have a good crop of olives. Before they ripened, he rented all the presses on the islands and then grew rich when, come harvest, everyone went to him to press their olives. Today we might call this good business sense. Aristotle called it “unnatural.”

    He wasn’t alone in his distrust of commerce. In mythology, Hermes is both the god of merchants and of thieves. Meanwhile, the Bible tells the story of Jesus overturning the tables of moneychangers and merchants in a Jerusalem temple. In the early days, as is true today, commerce implied exploitation — of natural resources and of other people. (The Incans, on the other hand, built an entire civilization with no money at all, just a complex system of tributes and structured specialization of work.)

    Nevertheless, the concept of money spread. In 995, paper money was introduced in Sichuan, China, when a merchant in Chengdu gave people fancy receipts in exchange for their iron coins. Paper bills spared people the physical burden of their wealth, which helped facilitate trade over longer distances.

    As it evolved, money became increasingly symbolic. Early paper money acted as an IOU and could always be exchanged for metallic coins of various values. In the late 13th century, however, the Mongol emperor Kublai Khan invented paper money that was not backed by anything. It was money because the emperor said it was money. People agreed. In the intervening centuries, money has conjured more fantastic leaps of faith with the invention of the stock market, centralized banking and, recently, cryptocurrencies.

    Today, there is about $2.34 trillion of physical U.S. currency in circulation, and as much as half of it is held abroad. That accounts for just 10% of the country’s gross domestic product (the total monetary value of all the goods and services produced). Total U.S. bank deposits are around $17 trillion. Meanwhile, total wealth in this country, including nonmonetary assets, is around $149 trillion, more than 63 times the total available cash. The gaps between these numbers are like dark matter in the universe — we don’t have a way to empirically account for it, and yet without it our understanding of the universe, or the economy, would collapse.

    For most people in the developed world, money is lines of data on a bank’s computer. Money is abstract, absurd. It’s a belief system, a language, a social contract. Money is trust. But the rules aren’t fixed in stone.

    “Here’s a thing that always happens with money,” Goldstein wrote. “Whatever money is at a given moment comes to seem like the natural form money should take, and everything else seems like irresponsible craziness.”
    The Problem, As One German Saw It

    More than a century ago, a wild-eyed, vegetarian, free love-promoting German entrepreneur and self-taught economist named Silvio Gesell proposed a radical reformation of the monetary system as we know it. He wanted to make money that decays over time. Our present money, he explained, is an insufficient means of exchange. A man with a pocketful of money does not possess equivalent wealth as a man with a sack of produce, even if the market agrees the produce is worth the money.

    “Only money that goes out of date like a newspaper, rots like potatoes, rusts like iron, evaporates like ether,” Gesell wrote in his seminal work, “The Natural Economic Order,” published in 1915, “is capable of standing the test as an instrument for the exchange of potatoes, newspapers, iron and ether.”

    Gesell was born in 1862 in what is now Belgium, the seventh of nine children. He dropped out of high school because his parents couldn’t afford it, got a job with the postal service and then, at 20, went to Spain to work in a business house. Four years later, he emigrated to Argentina, where he set up a company importing medical equipment and a plant to produce cardboard boxes.

    Argentina was booming in the 1880s. Using capital loaned from Europe, the country invested in railroads and other infrastructure aimed at opening its resources to international trade. The dividends on those projects were slow in coming, however, and the country struggled to service its debt. Meanwhile, inflation was devaluing the currency and the real wages of workers were declining. In 1890, Argentina defaulted on nearly £48 million of national debt, most of which was underwritten by a British merchant bank. Argentina’s GDP dropped 11% in a year and the country fell into a deep recession and political upheaval.

    In 1898, the Argentine government embarked on a deflationary policy to try to treat its economic ills. As a result, unemployment rose and uncertainty made people hoard their money. The economy ground to a halt. There was plenty of money to go around, Gesell realized. The problem was, it wasn’t going around. He argued that the properties of money — its durability and hoardability — impede its circulation: “When confidence exists, there is money in the market; when confidence is wanting, money withdraws.”

    Those who live by their labor suffer from this imbalance. If I go to the market to sell a bushel of cucumbers when the cost of food is falling, a shopper may not buy them, preferring to buy them next week at a lower price. My cucumbers will not last the week, so I am forced to drop my price. A deflationary spiral may ensue.

    The French economist Pierre-Joseph Proudhon put it this way: “Money, you imagine, is the key that opens the gates of the market. That is not true — money is the bolt that bars them.”

    The faults of money go further, Gesell wrote. When small businesses take out loans from banks, they must pay the banks interest on those loans, which means they must raise prices or cut wages. Thus, interest is a private gain at a public cost. In practice, those with money grow richer and those without grow poorer. Our economy is full of examples of this, where those with money make more ($100,000 minimum investments in high-yield hedge funds, for example) and those without pay higher costs (like high-interest predatory lending).

    “The merchant, the workman, the stockbroker have the same aim, namely to exploit the state of the market, that is, the public at large,” Gesell wrote. “Perhaps the sole difference between usury and commerce is that the professional usurer directs his exploitation more against specific persons.”

    Gesell believed that the most-rewarded impulse in our present economy is to give as little as possible and to receive as much as possible, in every transaction. In doing so, he thought, we grow materially, morally and socially poorer. “The exploitation of our neighbor’s need, mutual plundering conducted with all the wiles of salesmanship, is the foundation of our economic life,” he lamented.

    To correct these economic and social ills, Gesell recommended we change the nature of money so it better reflects the goods for which it is exchanged. “We must make money worse as a commodity if we wish to make it better as a medium of exchange,” he wrote.

    To achieve this, he invented a form of expiring money called Freigeld, or Free Money. (Free because it would be freed from hoarding and interest.) The theory worked like this: A $100 bill of Freigeld would have 52 dated boxes on the back, where the holder must affix a 10-cent stamp every week for the bill to still be worth $100. If you kept the bill for an entire year, you would have to affix 52 stamps to the back of it — at a cost of $5.20 — for the bill to still be worth $100. Thus, the bill would depreciate 5.2% annually at the expense of its holder(s). (The value of and rate at which to apply the stamps could be fine-tuned if necessary.)

    This system would work the opposite way ours does today, where money held over time increases in value as it gathers interest. In Gesell’s system, the stamps would be an individual cost and the revenue they created would be a public gain, reducing the amount of additional taxes a government would need to collect and enabling it to support those unable to work.

    Money could be deposited in a bank, whereby it would retain its value because the bank would be responsible for the stamps. To avoid paying for the stamps, the bank would be incentivized to loan the money, passing on the holding expense to others. In Gesell’s vision, banks would loan so freely that their interest rates would eventually fall to zero, and they would collect only a small risk premium and an administration fee.

    With the use of this stamp scrip currency, the full productive power of the economy would be unleashed. Capital would be accessible to everyone. A Currency Office, meanwhile, would maintain price stability by monitoring the amount of money in circulation. If prices go up, the office would destroy money. When prices fall, it would print more.

    In this economy, money would circulate with all the velocity of a game of hot potato. There would be no more “unearned income” of money lenders getting rich on interest. Instead, an individual’s economic success would be tied directly to the quality of their work and the strength of their ideas. Gesell imagined this would create a Darwinian natural selection in the economy: “Free competition would favor the efficient and lead to their increased propagation.”

    This new “natural economic order” would be accompanied by a reformation of land ownership — Free Land — whereby land was no longer privately owned. Current landowners would be compensated by the government in land bonds over 20 years. Then they would pay rent to the government, which, Gesell imagined, would be used for government expenses and to create annuities for mothers to help women achieve economic independence from men and be free to leave a relationship if they wanted.

    Gesell’s ideas salvaged the spirit of private, competitive entrepreneurialism from what he considered the systemic defects of capitalism. Gesell could be described as an anti-Marxian socialist. He was committed to social justice but also agreed with Adam Smith that self-interest was the natural foundation of any economy.

    While Marx advocated for the political supremacy of the dispossessed through organization, Gesell argued that we need only remove economic obstacles to realize our true productive capacity. The pie can be grown and more justly shared through systemic changes, he maintained, not redistributed through revolution. “We shall leave to our heirs no perpetually welling source of income,” he wrote, “but is it not provision enough to bequeath economic conditions that will secure them the full proceeds of their labor?”

    Although many dismissed Gesell as an anarchistic heretic, his ideas were embraced by major economists of the day. In his book “The General Theory of Employment, Interest and Money,” John Maynard Keynes devoted five pages to Gesell, calling him a “strange and unduly neglected prophet.” He argued the idea behind a stamp scrip was sound. “I believe that the future will learn more from the spirit of Gesell than from that of Marx,” Keynes wrote.

    In 1900, Gesell retired and took up farming in Switzerland, where he published pamphlets, books and a magazine on monetary reform. In 1911 he moved to Eden, a single-tax, vegetarian commune outside Berlin, where he criticized monogamy and advocated free love. In 1919, when pacifist poets and playwrights launched the Bavarian Soviet Republic in Munich, they offered Gesell the position of finance minister. Gesell drew up plans for land reform, basic income and Freigeld. The republic lasted all of a week before being overthrown by the Communist Party and then the German army, who detained Gesell and charged him with treason.

    He gave an impassioned defense. “I do not attack capital with force, with strikes and paralization of business and plant, with sabotage,” he told the tribunal. “I attack it with the only weapon which is inherent with the proletariat — work. By recommending to the masses untrammeled, relentless work, I lay low the idol of interest.”

    Gesell was acquitted and returned to writing. He died of pneumonia in 1930, in Eden, at the age of 67.
    And Then It Actually Happened

    That very year, the owner of a dormant coal mine near the Bavarian town of Schwanenkirchen tried in vain to get a loan from a bank to begin mining again. Stymied by the representatives of traditional finance, he went to the Wära Exchange Association, a group that was created to put Gesell’s ideas into practice. The group agreed to give the mine owner 50,000 Wära, a depreciating currency equivalent to 50,000 Reichsmarks.

    The mine owner then gathered the unemployed miners and asked if they would go back to work, not for legal tender, but for this new currency. They agreed that any money was better than no money. The mine owner purchased food, clothing and household goods from warehouses that were already using the Wära currency. The miners, now back digging coal, used their wages to buy these goods from the mine owner. Soon, other businesses in town wanted to use the currency to benefit from the sudden influx of cash. Because the currency depreciated at 1% per month, everyone was eager to part with it and it circulated rapidly throughout the economy. Soon, in whole districts, the Wära currency replaced the Reichsmark, which alarmed the bigger banks and the government. Finally, the Reichsbank ended the experiment by banning the currency.

    Two years later, in the Austrian town of Wörgl, Gesell’s ideas came to life again. In 1932, Wörgl’s mayor, a socialist locomotive engineer, desperately wanted to get his constituents back to work. A supporter of Gesell’s ideas, he devised a plan where Austrian schillings would be replaced with Work Certificates that depreciated at 1% per month.

    The mayor hired townspeople, paid in Work Certificates, to improve roads, install streetlights and build a concrete bridge. Work Certificates circulated rapidly from merchants to tenants, to landlords, to saving accounts. People paid their taxes early to avoid paying for stamps. In one year, the Work Certificates traded hands 463 times, creating goods and services worth almost 15 million schillings. By contrast, the ordinary schilling was exchanged only 21 times.

    The experiment was called the Miracle of Wörgl. Vienna newspapers took notice. The government of France expressed interest. Two hundred mayors in Austria devised similar programs in their communities. Again, however, the financial authorities grew uneasy, arguing that these local stamp scrips undermined the currency-issuing power of the national bank. By the fall of 1933, the Austrian Supreme Court had prohibited their circulation.

    Gesellian experiments happened in the U.S. and Canada too, inspired by the Great Depression. In 1932, in Hawarden, Iowa, a limited amount of stamp scrip was put into circulation to pay for public works. The same year, a similar program was deployed in Anaheim, California. In 1933, Oregon attempted to print $80 million in stamp scrip, but the U.S. Treasury stopped it. The government of Premier William “Bible Bill” Aberhart in Alberta, Canada, introduced depreciating “prosperity certificates” (which people quickly renamed “velocity dollars”) in 1936.

    That decade in the U.S., 37 cities, eight counties and some business groups attempted to issue almost 100 different types of stamp scrip. All these experiments were local, small in scope and short-lived. In 1933, the economist Irving Fisher, who called himself “a humble student of Silvio Gesell,” tried to persuade President Franklin Delano Roosevelt to adopt a national stamp scrip, and even convinced an Alabama senator to introduce a bill that would have issued up to $1 billion in depreciating currency. It never came to a vote. Roosevelt, who was preparing to take the country off the gold standard, worried that any further economic innovations would be too destabilizing.

    Other Gesell evangelists included Frank Lloyd Wright and the poet Ezra Pound, the son of an assayer at the U.S. Mint in Philadelphia. As a child, Pound visited his father at work; in a basement vault, he saw sweating, shirtless men with giant shovels scooping millions of dollars’ worth of silver coins into counting machines “like it was litter.” Later he wrote that it was unnatural when a financier made money out of nothing by harvesting interest on a loan. The poet believed our current economic order disincentivizes actual work and creation while incentivizing market manipulation and shrewd, sometimes dishonest, schemes of profit. To Pound, the concept of money was so pervasive and unexamined that money had become an end in itself, not the vehicle it was intended to be.

    In 1935, he wrote an essay, “What is Money For?” in which he promoted Gesell’s expiring money with ardent emphasis. “The AIM of a sane and decent economic system,” Pound wrote, “is to fix things so that decent people can eat, have clothes and houses up to the limit of available goods.”

    Pound called Gesell’s idea “vegetable money” and argued it was a necessary equalizing force so that one person doesn’t have money wealth that accumulates in a bank while others have potato wealth that rots in their root cellar. In Pound’s view, the wealth of a nation ought to not be measured in its amount of money but by the flourishing of its creative and productive arts. “When the total nation hasn’t or cannot obtain enough food for its people, that nation is poor,” he wrote. “When enough food exists and people cannot get it by honest labor, the state is rotten.”

    To Pound, money that is organic, subject to birth and decay, that flows freely between people and facilitates generosity, is more likely to bind a society together rather than isolate us. An expiring money would enrich the whole, not the select few. Usury — which we can take to mean unfettered capitalism — was responsible for the death of culture in the post-Reformation age.

    Pound eventually moved to Italy and embraced the fascism of Benito Mussolini, advocating for a strong state to enforce these ideas. In doing so, he ceded his artistic idealism to autocratic fiat. Pound was strident in his economic convictions but also a realist on human nature. “Set up a perfect and just money system and in three days rascals, the bastards with mercantilist and monopolist mentality, will start thinking up some wheeze to cheat the people,” he wrote.
    What It Means Today

    Gesell’s idea for depreciating money “runs counter to anything we’ve ever learned about the desirable properties of money,” David Andolfatto, a former senior vice president of the Federal Reserve Bank of St. Louis and the chair of the economics department at the University of Miami, told me recently. “Why on Earth would you ever want money to have that property?”

    But during the economic downturn that followed the Covid pandemic, Andolfatto recognized the potential value of an expiring money in times of crisis. The relief checks that the government sent out to U.S. households didn’t immediately have their desired effect of stimulating the economy because many people saved the money rather than spend it. This is the paradox of thrift, Andolfatto explained. What’s good for the individual is bad for the whole.

    “Well, what if we gave them the money with a time fuse?” Andolfatto remembers wondering. “You’re giving them the money and saying look, if you don’t spend it in a period of time, it’s going to evaporate.”

    In a paper he wrote for the Fed in 2020, Andolfatto called this concept “hot money credits.” He pointed out that when the economy goes into a funk, there is a “coordination failure” where people stop spending and others stop earning. Withholding money in times of fear creates a self-fulfilling prophecy by further stifling the economy. So, could Gesell’s idea of expiring money be the cure?

    “The desirability depends on the diagnosis,” Andolfatto told me. “It’s like a doctor administering a drug to a healthy person and a sick person. You administer the drug, and it has some side effects. If the person is healthy, you’re not going to make them any better. You might make them even worse. If they’re sick, it might make them better.”

    The problem, Andolfatto said, is that issuing pandemic checks with an expiration date would hurt those with little savings. People with money in the bank would use their expiring money just like normal money. People with no savings, on the other hand, might find that expiring money forced them to spend and did little to stabilize their financial situations.

    Since he wrote the paper, Andolfatto went on, the U.S. economy recovered remarkably well under policies that didn’t include Gesell’s radical reforms. “I admit to being intrigued by the idea,” Andolfatto said. “You can do it on a local level. I wonder, as a practical matter, if one can do it on a large scale.”

    Keynes believed Gesell’s expiring money amounted to “half a theory” — it failed, Keynes argued, to account for people’s preference for liquid assets, of which money is just one example. “Money as a medium of exchange has to also be a store of value,” Willem Buiter, a former global chief economist at Citigroup, told me. In a Gesellian economy, he continued, the affluent would simply store their wealth in another form — gold bars, perhaps, or boats — which could be converted into money when they wanted to transact.

    Buiter doesn’t believe Gesellian money can really address serious social inequality, but he did note times when it was advantageous for a central bank to drop interest rates below zero, like when inflation and market interest rates are low and should go lower to maintain full employment and utilization of resources. Positive or negative interest rates could easily be applied to digital money in a cashless economy, for which Buiter and others have advocated. But it’s hard to imagine how a government today could practically implement a Gesellian tax on hard currency. “You’d have to be able to go out and confiscate money if it’s not stamped,” Buiter said. “It would be rather brutal.”

    In 1938, the psychologist Abraham Maslow — who later became famous for his “hierarchy of needs,” which ranked human necessities from the physiological (air, water, food) to the transcendent — spent six weeks with the Siksika (Blackfoot) people in southern Alberta. He discovered a community where wealth was not measured in money or in property. “The wealthiest man in their eyes is one who has almost nothing,” he wrote, “because he has given it all away.”

    For most of us today, money is assurance. We live in a culture in which the pursuit of security is paramount. Save money, we are told — for a health crisis, for our kids to go to college, for retirement. But is it possible to have any guarantee, through money or anything else, of our safety in life?

    In her new book “The Age of Insecurity,” the activist Astra Taylor writes: “Today, many of the ways we try to make ourselves and our societies more secure — money, property, possessions, police, the military — have paradoxical effects, undermining the very security we seek and accelerating the harm done to the economy, the climate and people’s lives, including our own.”

    The negative consequences of the unimpeded accumulation of wealth are plain for all to see. Human rights abuses, corruption and the devastation of the planet have all been justified in its pursuit. It’s possible to imagine many reincarnations of money that serve different values. Putting a price on carbon emissions is one way to offset the environmental damage incurred by economic growth. A universal basic income and free higher education would help redistribute and equalize financial and social capital.

    There are more radical questions being asked: What if the money you accumulated in life died with you? What if actuaries determined the amount of money people need to live a comfortable life, and earnings were capped there? What would a world look like in which the ardor of one’s work — not just luck and geography and privilege — determined a person’s wealth?

    In “The Man Who Quit Money,” Mark Sundeen writes about a man in Utah who deposited his life savings in a phone booth, opting out of the institution altogether. It’s an age-old tradition among the pious and iconoclasts the world over — becoming a recluse in order to attune oneself with rhythms beyond social conventions. Many of the most charismatic people are animated by passions that don’t earn them money but add a richness to their lives that money can’t buy. When we find those things that sustain us — art, hobbies, service — the worth of those activities transcends money to fulfill us on a deeper, spiritual level.

    Money may be a language, a way to translate value in terms we all understand, but money is not the sum of what we have to say. The more money one has, the less meaning work has to that person. At the same time, life’s most meaningful work, like raising children or cooking a meal for others, often goes unpaid. And yet this is the substance of life, the stuff that determines who we are and how we will be remembered.

    Gesell believed that capitalism had beaten communism, but he recognized the flaws of our current economic order. “The choice lies between progress or ruin,” he wrote. “We must push on through the slough of capitalism to the firm ground beyond.”

    Is his idea of an expiring currency any more absurd than the status quo we inherited? Perhaps his greatest contribution is to remind us that the rules of money can be reinvented, as indeed they always have. Money is a construct of our collective imagination, subject to our complacency, yes, but also to our inquiry, values and highest ambitions. Gesell argued for an engaged, probing curiosity of our economic institutions so that we may reimagine them to better serve the societies we want to create. “The economic order under which men thrive,” he wrote, “is the most natural economic order.” To that end, ours may still be a work in progress.

    https://www.noemamag.com/what-if-money-expired

    via @freakonometrics

    #argent #finance #histoire #troc #échange #valeur #système_monétaire #Silvio_Gesell #expiration #circulation #confiance #déflation #Pierre-Joseph_Proudhon #intérêts #économie #Freigeld

  • Supreme court rejects Rishi Sunak’s plan to send asylum seekers to #Rwanda

    Judges uphold appeal court ruling over risk to deported refugees and deals blow to PM’s ‘stop the boats’ strategy

    Rishi Sunak’s key immigration policy has been dealt a blow after the UK’s highest court rejected the government’s plans to deport people seeking asylum to Rwanda.

    Five judges at the supreme court unanimously upheld an appeal court ruling that found there was a real risk of deported refugees having their claims in the east African country wrongly assessed or being returned to their country of origin to face persecution.

    The ruling undermines one of the prime minister’s key pledges: to “stop the boats”. The government claimed that the £140m Rwanda scheme would be a key deterrent for growing numbers of asylum seekers reaching the UK via small boats travelling across the Channel, a claim that refugee charities have rejected.

    Reading out the judgment, Lord Reed, the president of the supreme court, said the judges agreed unanimously with the court of appeal ruling that there was a real risk of claims being wrongly determined in Rwanda, resulting in asylum seekers being wrongly returned to their country of origin.

    He pointed to crucial evidence from the United Nations’ refugee agency, the UNHCR, which highlighted the failure of a similar deportation agreement between Israel and Rwanda.

    The ruling came the day after the sacked home secretary, Suella Braverman, released an incendiary letter accusing the prime minister of breaking an agreement to insert clauses into UK law that would have “blocked off” legal challenges under the European convention on human rights (ECHR) and the Human Rights Act.

    Braverman said Sunak had no “credible plan B” and added: “If we lose in the supreme court, an outcome that I have consistently argued we must be prepared for, you will have wasted a year and an act of parliament, only to arrive back at square one.”

    A meeting of hard-right Conservative MPs on Wednesday morning to consider the judgment was expected to back calls to leave the ECHR.

    Sir John Hayes, a close ally of Braverman, said on Tuesday that in the event of losing, ministers should table a narrow piece of legislation to enact the Rwanda plan before Christmas, and later include withdrawing from the ECHR in the Tory election manifesto.

    Reacting to the ruling, Sunak said the government would consider its next steps and claimed there was a “plan B”, despite Braverman’s criticisms.

    He said: “This was not the outcome we wanted, but we have spent the last few months planning for all eventualities and we remain completely committed to stopping the boats.

    “Crucially, the supreme court – like the court of appeal and the high court before it – has confirmed that the principle of sending illegal migrants to a safe third country for processing is lawful.”

    The home secretary, James Cleverly, said: “Our partnership with Rwanda, while bold and ambitious, is just one part of a vehicle of measures to stop the boats and tackle illegal migration.

    “But clearly there is an appetite for this concept. Across Europe, illegal migration is increasing and governments are following our lead: Italy, Germany and Austria are all exploring models similar to our partnership with Rwanda.”

    The judgment will raise serious questions about expenditure on the scheme. More than £140m has already been paid to the Rwandan government. The government has refused to disclose a further breakdown of costs on the scheme and on legal fees.

    A spokesperson for the Rwandan government said: “The money has been already allocated to a number of government projects.”

    Reed said the legal test in the case was whether there were substantial grounds for believing that asylum seekers sent to Rwanda would be at real risk of being sent back to the countries they came from, where they could face ill treatment.

    “In the light of the evidence which I have summarised, the court of appeal concluded that there were such grounds. We are unanimously of the view that they were entitled to reach that conclusion. Indeed, having been taken through the evidence ourselves, we agree with their conclusion,” he said.

    Enver Solomon, the chief executive of the Refugee Council, said it was a victory for men, women and children who simply wanted to be safe.

    He said: “The plan goes against who we are as a country that stands up for those less fortunate than us and for the values of compassion, fairness and humanity. The government should be focusing on creating a functioning asylum system that allows people who seek safety in the UK a fair hearing on our soil and provides safe routes so they don’t have to take dangerous journeys.”

    Toufique Hossain of Duncan Lewis solicitors, one of the lawyers representing asylum seekers who brought the legal challenge, said: “This is a victory for our brave clients who stood up to an inhumane policy. It is also a victory for the rule of law itself and the separation of powers, despite the noise. It is a timely reminder that governments must operate within the law. We hope that now our clients are able to dream of a better, safer future.”

    Sonya Sceats, the chief executive of Freedom from Torture, said: “This is a victory for reason and compassion. We are delighted that the supreme court has affirmed what caring people already knew: the UK government’s ‘cash for humans’ deal with Rwanda is not only deeply immoral, but it also flies in the face of the laws of this country.

    “The stakes of this case could not have been higher. Every day in our therapy rooms we see the terror that this scheme has inflicted on survivors of torture who have come to the UK seeking sanctuary.”

    Steve Smith, the chief executive of the refugee charity Care4Calais, a claimant in the initial legal challenge, said the judgment was “a victory for humanity”.

    He added: “This grubby, cash-for-people deal was always cruel and immoral but, most importantly, it is unlawful. Hundreds of millions of pounds have been spent on this cruel policy, and the only receipts the government has are the pain and torment inflicted on the thousands of survivors of war, torture and modern slavery they have targeted with it.

    “Today’s judgment should bring this shameful mark on the UK’s history to a close. Never again should our government seek to shirk our country’s responsibility to offer sanctuary to those caught up in horrors around the world.”

    Care4Calais continues to support claimants in the case.

    https://www.theguardian.com/uk-news/2023/nov/15/supreme-court-rejects-rishi-sunak-plan-to-deport-asylum-seekers-to-rwan

    #justice #cour_suprême #asile #migrtions #réfugiés #externalisation #UK

    –-

    ajouté à cette métaliste sur la mise en place de l’#externalisation des #procédures_d'asile au #Rwanda par l’#Angleterre
    https://seenthis.net/messages/966443

    • Supreme Court rules Rwanda asylum policy unlawful

      The government’s Rwanda asylum policy, which it says is needed to tackle small boats, is in disarray, after the UK’s highest court ruled it is unlawful.

      The Supreme Court upheld a Court of Appeal ruling, which said the policy leaves people sent to Rwanda open to human rights breaches.

      It means the policy cannot be implemented in its current form.

      Rishi Sunak said the government would work on a new treaty with Rwanda and said he was prepared to change UK laws.

      The controversial plan to fly asylum seekers to Rwanda and ban them from returning to the UK has been subject to legal challenges since it was first announced by Boris Johnson in April 2022.

      The government has already spent £140m on the scheme but flights were prevented from taking off in June last year after the Court of Appeal ruled the approach was unlawful due to a lack of human rights safeguards.

      Now that the UK’s most senior court has agreed, the policy’s chances of being realised without major revisions are effectively ended.

      But Mr Sunak told MPs at Prime Minister’s Questions that he was ready to finalise a formal treaty with Rwanda and would be “prepared to revisit our domestic legal frameworks” in a bid to revive the plan.

      A treaty - which Downing Street has said it will publish in the “coming days” - would upgrade the agreement between the UK and Rwanda from its current status as a “memorandum of understanding”, which the government believes would put the arrangement on a stronger legal footing.

      The new text would provide the necessary “reassurances” the Supreme Court has asked for, the prime minister’s official spokesman said.

      LIVE: Reaction to Supreme Court Rwanda ruling
      Chris Mason: Ruling leaves Rwanda policy in tatters
      How many people cross the Channel in small boats?
      What was the UK’s plan to send asylum seekers to Rwanda?

      Ministers have been forced to reconsider their flagship immigration policy after 10 claimants in the Supreme Court case argued that ministers had ignored clear evidence that Rwanda’s asylum system was unfair and arbitrary.

      The legal case against the policy hinges on the principle of “non-refoulement” - that a person seeking asylum should not be returned to their country of origin if doing so would put them at risk of harm - which is established under both UK and international human rights law.

      In a unanimous decision, the court’s five justices agreed with the Court of Appeal that there had not been a proper assessment of whether Rwanda was safe.

      The judgement does not ban sending migrants to another country, but it leaves the Rwanda scheme in tatters - and it is not clear which other nations are prepared to do a similar deal with the UK.

      The Supreme Court justices said there were “substantial grounds” to believe people deported to Rwanda could then be sent, by the Rwandan government, to places where they would be unsafe.

      It said the Rwandan government had entered into the agreement in “good faith” but the evidence cast doubt on its “practical ability to fulfil its assurances, at least in the short term”, to fix “deficiencies” in its asylum system and see through “the scale of the changes in procedure, understanding and culture which are required”.

      A spokesman for the Rwandan government said the policy’s legality was “ultimately a decision for the UK’s judicial system”, but added “we do take issue with the ruling that Rwanda is not a safe third country”.

      It leaves Mr Sunak - who has made tackling illegal immigration a central focus his government - looking for a way to salvage the policy.

      In a statement issued after the ruling, the prime minister said the government had been “planning for all eventualities and we remain completely committed to stopping the boats”.

      He continued: “Crucially, the Supreme Court - like the Court of Appeal and the High Court before it - has confirmed that the principle of sending illegal migrants to a safe third country for processing is lawful. This confirms the government’s clear view from the outset.”

      Mr Sunak is expected to hold a televised press conference in Downing Street at 16:45 GMT on Wednesday.

      The Supreme Court decision comes amid the political fallout from the sacking of Suella Braverman on Monday, who, as home secretary had championed the Rwanda policy.

      In a highly critical letter, published after her sacking and the day before the ruling, she said the prime minister had “failed to prepare any sort of credible Plan B” in the event the Supreme Court halts the policy.

      Newly appointed Home Secretary James Cleverly told the Commons on Wednesday the government had been “working on a plan to provide the certainty that the court demands” for “the last few months”.

      He said upgrading the agreement to a treaty “will make it absolutely clear to our courts and to Strasbourg that the risks laid out by the court today have been responded to, will be consistent with international law”.

      Lee Anderson MP, the deputy chairman of the Conservative Party, urged the government to ignore the Supreme Court and “put planes in the air” anyway.

      Natalie Elphicke, Conservative MP for Dover, the landing point for many of the small boats, said the Rwanda policy is “at an end” and “we now need to move forward”.

      “With winter coming the timing of this decision couldn’t be worse. Be in no doubt, this will embolden the people smugglers and put more lives at risk,” she continued.

      But charity Asylum Aid said the government must “abandon the idea of forcibly removing people seeking asylum to third countries”, describing the policy as “cruel and ineffective”.

      More than 100,000 people have arrived in the UK via illegal crossings since 2018, though the number appears to be falling this year.

      In 2022, 45,000 people reached the UK in small boats. The total is on course to be lower for 2023, with the total for the year so far below 28,000 as of November 12.

      https://www.bbc.com/news/uk-67423745

    • Supreme court rules Rwanda plan unlawful: a legal expert explains the judgment, and what happens next

      The UK supreme court has unanimously ruled that the government’s plan to send asylum seekers to Rwanda is unlawful.

      Upholding an earlier decision by the court of appeal, the supreme court found that asylum seekers sent to Rwanda may be at risk of refoulement – being sent back to a country where they may be persecuted, tortured or killed.

      The courts cited extensive evidence from the UN refugee agency (UNHCR) that Rwanda does not respect the principle of non-refoulement – a legal obligation. The UNHCR’s evidence questioned the ability of Rwandan authorities to fairly assess asylum claims. It also raised concerns about human rights violations by Rwandan authorities, including not respecting non-refoulement with other asylum seekers.

      It is important to note that the supreme court’s decision is not a comment on the political viability of the Rwanda plan, or on the concept of offshoring asylum processes generally. The ruling focused only on the legal principle of non-refoulement, and determined that in this respect, Rwanda is not a “safe third country” to send asylum seekers.

      The ruling is another blow to the government’s promise to “stop the boats”. And since the Rwanda plan is at the heart of its new Illegal Migration Act, the government will need to reconsider its asylum policies. This is further complicated by Conservative party infighting and the firing of home secretary Suella Braverman, just two days before the ruling.
      How did we get here?

      For years, the UK government has been seeking to reduce small boat arrivals to the UK. In April 2022, the UK and Rwanda signed an agreement making it possible for the UK to deport some people seeking asylum in Britain to Rwanda, without their cases being heard in the UK. Instead, they would have their cases decided by Rwandan authorities, to be granted (or rejected) asylum in Rwanda.

      While the Rwanda plan specifically was found to be unlawful, the government could, in theory, replicate this in other countries so long as they are considered “safe” for asylum seekers.

      The government has not yet sent anyone to Rwanda. The first flight was prevented from taking off by the European court of human rights in June 2022, which said that British courts needed to consider all human rights issues before starting deportations.

      A UK high court then decided in December 2022 that the Rwanda plan was lawful.

      Ten asylum seekers from Syria, Iraq, Iran, Vietnam, Sudan and Albania challenged the high court ruling, with the support of the charity Asylum Aid. Their claim was about whether Rwanda meets the legal threshold for being a safe country for asylum seekers.

      The court of appeal said it was not and that asylum seekers risked being sent back to their home countries (where they could face persecution), when in fact they may have a good claim for asylum.

      The government has since passed the Illegal Migration Act. The law now states that all asylum seekers arriving irregularly (for example, in small boats) must be removed to a safe third country. But now that the Rwanda deal has been ruled unlawful, there are no other countries that have said they would take asylum seekers from the UK.

      What happens next?

      It is clear that the government’s asylum policies will need rethinking. Should another country now be designated as a safe country and different arrangements put in place, these will probably be subject to further legal challenges, including in the European court of human rights and in British courts.

      This ruling is likely to revive discussion about the UK leaving the European convention on human rights (ECHR), which holds the UK to the non-refoulement obligation. Some Conservatives, including the former home secretary Suella Braverman, have argued that leaving the convention would make it easier to pass stronger immigration laws.

      But while handing down the supreme court judgment, Lord Reed emphasised that there are obligations towards asylum seekers that go beyond the ECHR. The duty of non-refoulement is part of many other international conventions, and domestic law as well. In other words, exiting the ECHR would not automatically make the Rwanda plan lawful or easier to implement.

      The prime minister, Rishi Sunak, has said that he is working on a new treaty with Rwanda and is prepared to change domestic laws to “do whatever it takes to stop the boats”.

      The UK is not the only country to attempt to off-shore asylum processing. Germany and Italy have recently been considering finding new safe third countries to accept asylum seekers as well.

      But ensuring these measures comply with human rights obligations is complicated. International law requires states to provide sanctuary to those fleeing persecution or risk to their lives. As this ruling shows, the UK is not going to find an easy way out of these obligations.

      https://theconversation.com/supreme-court-rules-rwanda-plan-unlawful-a-legal-expert-explains-th

    • La décision:
      R (on the application of AAA and others) (Respondents/Cross Appellants) v Secretary of State for the Home Department (Appellant/Cross Respondent)

      Case ID: #2023/0093
      Case summary
      Issues

      The Supreme Court is asked to decide the following legal questions:

      Did the Divisional Court apply the wrong test when determining whether removal to Rwanda would breach article 3?
      If the Divisional Court applied the right test, was the Court of Appeal entitled to interfere with its conclusion that Rwanda was a safe third country?
      If the Divisional Court applied the wrong test or there was another basis for interfering with its conclusion, was the Court of Appeal right to conclude that Rwanda was not a safe third country because asylum seekers would face a real risk of refoulement?
      Did the Home Secretary fail to discharge her procedural obligation under article 3 to undertake a thorough examination of Rwanda’s asylum procedures to determine whether they adequately protect asylum seekers against the risk of refoulement?
      Were there substantial grounds for believing that asylum seekers sent to Rwanda will face a real risk of treatment contrary to article 3 in Rwanda itself, in addition to the risk of refoulement?
      Does the Asylum Procedures Directive continue to have effect as retained EU law? This is relevant because the Directive only permits asylum seekers to be removed to a safe third country if they have some connection to it. None of the claimants has any connection to Rwanda.

      Facts

      These appeals arise out of claims brought by individual asylum seekers ("the claimants") who travelled to the UK in small boats (or, in one case, by lorry). The Home Secretary declared the claimants’ claims for asylum to be inadmissible, intending that they should be removed to Rwanda where their asylum claims would be decided by the Rwandan authorities. Her decisions were made in accordance with the Migration and Economic Development Partnership ("MEDP") between the UK and Rwanda, recorded in a Memorandum of Understanding and a series of diplomatic “Notes Verbales”.

      Under paragraphs 345A to 345D of the Immigration Rules, if the Home Secretary decides that an asylum claim is inadmissible, she is permitted to remove the person who has made the claim to any safe third country that agrees to accept the asylum claimant. On the basis of the arrangements made in the MEDP, the Home Secretary decided that Rwanda was a safe third country for these purposes. This is “the Rwanda policy”.

      The claimants (and other affected asylum seekers) challenged both the lawfulness of the Rwanda policy generally, and the Home Secretary’s decisions to remove each claimant to Rwanda. The Divisional Court held that the Rwanda policy was, in principle, lawful. However, the way in which the Home Secretary had implemented the policy in the claimants’ individual cases was procedurally flawed. Accordingly, her decisions in those cases would be quashed and remitted to her for reconsideration.

      The appeal to the Court of Appeal concerned only the challenges to the lawfulness of the Rwanda policy generally. By a majority, the Court allowed the claimants’ appeal on the ground that the deficiencies in the asylum system in Rwanda were such that there were substantial reasons for believing that there is a real risk of refoulement. That is, a real risk that persons sent to Rwanda would be returned to their home countries where they face persecution or other inhumane treatment, when, in fact, they have a good claim for asylum. In that sense Rwanda was not a safe third country. Accordingly, unless and until the deficiencies in its asylum processes are corrected, removal of asylum seekers to Rwanda will be unlawful under section 6 of the Human Rights Act 1998. This is because it would breach article 3 of the European Convention on Human Rights, which prohibits torture and inhuman or degrading treatment. The Court of Appeal unanimously rejected the claimants’ other grounds of appeal.

      The Home Secretary now appeals to the Supreme Court on issues (1) to (3) below. AAA (Syria) and others and HTN (Vietnam) cross appeal on issues (4) and (5). AS (Iran) also cross appeals on issue (4). ASM (Iraq) appeals on issue (6).

      https://www.supremecourt.uk/cases/uksc-2023-0093.html

    • Alasdair Mackenzie sur X:

      Here’s my take on the Rwanda judgment in the Supreme Court today.

      It’s a longish one, but tl;dr: it’s a disaster for the Home Office and also for the Rwandans, & surely leaves the idea of outsourcing refugee protection to other countries in tatters, perhaps permanently sunk 1/
      First up, it’s extremely interesting that the Supreme Court was keen to dispel the idea that the problem with the Rwanda policy is only that it’s contrary to the European Convention on Human Rights 2/
      The SC points out that the principle of non-refoulement (not returning people directly or indirectly to face risks of human rights abuses) is also prohibited by other international conventions & by UK law – a clear attempt to defuse criticism of the ECHR 3/
      (Whether that will stop the usual suspects from calling for the UK to leave the ECHR is of course doubtful, but they’d have said that anyway – indeed Braverman’s letter yesterday seems to have been setting herself up to do so whichever way this judgment went.) 4/
      Second, the Divisional Court (High Court) – the only court to have upheld the Rwanda policy – comes in for sharp criticism.
      It’s said to be unclear that it understood its own function properly, ie to assess risk in Rwanda, not to review the Home Office’s assessment 5/
      The High Court also failed to engage with the evidence before it of “serious and systemic defects in Rwanda’s procedures and institutions for processing asylum claims” 6/
      The High Court also took “a mistaken approach” to a key plank of the govt’s case, ie that it was for the govt itself to assess diplomatic assurances given by Rwanda – in fact it shd’ve been for the Court to do so.
      (The last sentence has a nice little barb towards ministers.) 7/
      The High Court also failed to address crucial evidence, including evidence of how asylum seekers transferred from Israel to Rwanda under an earlier deal had been treated, despite its (you might have thought) obvious implications for how those sent by the UK would fare in Rw 8/
      The High Court is particularly criticised for dealing “dismissively” with the crucial evidence of the UN High Commissioner for Refugees, which was largely uncontradicted and should have been given “particular importance” 9/
      The High Court was of course the court which primarily refused to stop the removals of people on 14 June last year, meaning that people had to apply to the European Court at the last minute. 10/
      So having disposed of the High Ct, the next Q for the Supreme Ct was whether to uphold the Court of Appeal’s decision that the Rwanda policy was unlawful.

      The SC strikingly doesn’t limit itself (as it cdve) to saying the CA’s view was lawful, but strongly agrees with it. 11/
      The SC, again strikingly, dives straight in with this devastating summary of Rwanda’s abject human rights record, including its threats to kill dissidents on the streets of the UK (the point about the first line here is to show that the Home Office knew about this very well) 12/
      The SC summarises numerous problems with Rwanda’s asylum processes (set out in more detail by the Court of Appeal), incl lack of training, “ingrained scepticism” towards some groups, lack of understanding of the Refugee Convention, lack of judicial independence etc 13/
      Why, you might ask by now, didn’t the Home Office know all this? Well, they shdve done, but it seems officials, under pressure (implicitly from ministers) did inadequate & one-sided research into Rwandan asylum processes, something which ultimately undermined the whole policy 14/
      The HO’s fallback argument was basically: “well, even if the Rwandan system is a mess, people won’t be going anywhere anyway”. The SC is as contemptuous as can be of this (to translate for non-legal folk, “somewhat surprising” is as dismissive as it gets) 15/
      Now we move to the Israel-Rwanda deal, a catastrophe for Rwanda’s credibility & thus for the HO case – and ofc a total disaster for those affected, who were routinely secretly expelled from Rwanda (some were also left without documents, effectively forced out, trafficked etc) 16/
      The HO, again, knew about this but wasn’t deflected from potentially repeating the same mistakes: its lame answer was that the Israel-Rw deal wasn’t even relevant bc the UK-Rw one was new. You might think that was also a “surprising” submission and so, it seems, did the SC 17/
      However sadly – if only because it would’ve been what we lawyers call “the ultimate banter outcome” – the Rwanda scheme is found not to be contrary to retained EU law [aspects of EU law which remain part of UK law], bc in fact the relevant provisions were abolished in 2020 18/
      It’s important to note that the SC doesn’t rule out that the Rwandan system could be improved, & it hasn’t found that the idea of a scheme like this is prohibited (it wasn’t asked to decide that). 19/
      But what are the prospects of that happening? The Court of Appeal previously pointed to a real need for thorough culture change in the Rwandan civil service & judiciary, & to an absence of any sort of roadmap for achieving it (in a state ofc uninterested in the rule of law). 20/
      For all the govt’s attempts to put a brave face on it & claim it’ll upgrade the Rwandan system, personally I don’t think flights will go soon, if ever (NB the idea that it would make a difference if there was a treaty w Rwanda is pie in the sky imho) 21/
      And whilst this decision is a disaster for Patel, Braverman, Johnson & Sunak & all else who supported the policy, it’s surely a catastrophe for Rwanda, whose record has been pored over in detail in the most public way. (I’ve never understood why they didn’t predict that.) 22/
      For the same reason I can’t personally see any other state wanting to line up to replace Rwanda, whatever ££ incentives are offered (and remember we still don’t know the full extent of these in respect of Rwanda). 23/
      Any attempt to amend or replicate this policy will almost certainly be scrutinised with great care & intensity by the courts, inspired by the example of the Court of Appeal and Supreme Court in this case.

      The government will not get an easy ride. 24/
      At the heart of this of course have been the asylum seekers left in a state of fear & anxiety by this appalling policy – principally those like our client who were actually on the June 2022 flight until the last minute – but also others directly or indirectly affected. 25/
      Let this, please, be a turning point in how we treat refugees, and the catalyst for working towards humane, non-racist immigration policies more broadly.

      Refugees welcome here, always. 26/
      Finally, tributes: the team at @Refugees
      – UNHCR – put together compelling evidence about Rwanda which formed the basis for this outcome. Its legal team presented that evidence with awesome clarity & force. 27/
      The legal team for the lead group of claimants (AAA etc) have been outstanding and although it’s invidious to single out anyone, I’m going to anyway, as no praise can be too high for the skill, dedication & humanity of the leading counsel for the AAA team, @RazaHusainQC 28/
      I was privileged to play a small part in this case, representing one of the co-claimants, “RM”, instructed by Daniel Merriman & Tim Davies of Wilsons LLP, alongside David Sellwood & Rosa Polaschek, led initially by Richard Drabble KC & in the SC by Phillippa Kaufmann KC 29/

      https://twitter.com/AlasdairMack66/status/1724776723160748310

    • La Cour suprême britannique juge illégal de renvoyer des demandeurs d’asile au Rwanda

      La Cour suprême britannique a confirmé mercredi 15 novembre l’illégalité du projet hautement controversé du gouvernement d’expulser vers le Rwanda les demandeurs d’asile, d’où qu’ils viennent, arrivés illégalement sur le sol britannique.

      Les hauts magistrats ont ainsi rejeté l’appel du gouvernement du Premier ministre Rishi Sunak et jugé que c’est à juste titre que la cour d’appel avait conclu que le Rwanda ne pouvait être considéré comme un pays tiers sûr.

      Le projet avait été rejeté par une cour d’appel britannique en juin dernier.

      La Cour suprême a rendu son jugement à l’unanimité.

      Pour justifier leur décision, les juges s’appuient sur le bilan rwandais en matière de droits de l’Homme et de traitement des demandeurs d’asile, rapporte notre correspondante à Londres, Émeline Vin. Selon eux, le Rwanda ne respecte pas ses obligations internationales, il rejette 100 % des demandes d’asile venant de Syriens, de Yéménites ou d’Afghans - qui fuient des zones de conflit.

      Ils reprochent aussi au pays de renvoyer des demandeurs voire des réfugiés dans leur pays d’origine, une pratique contraire à la Convention des Nations unies.

      Ce partenariat ferait courir des risques aux demandeurs d’asile et enfreint les lois britanniques.

      Cette décision est un coup dur pour le Premier ministre Rishi Sunak, qui doit faire face aux pressions de son parti conservateur et d’une partie de l’opinion publique sur la question de l’immigration, à moins d’un an des prochaines élections législatives.

      Même s’il avait hérité le projet de ses prédécesseurs, Rishi Sunak en avait fait le pilier de sa promesse de faire baisser l’immigration. Le gouvernement fraîchement remanié n’a pas encore dévoilé son « plan B » ; des sources ministérielles rejettent la possibilité de quitter la Convention européenne des droits de l’Homme.
      Kigali « conteste » la décision, Londres affiche vouloir poursuivre le projet

      Malgré ce revers juridique, Londres a affiché sa volonté de poursuivre le projet en question. Devant les députés, Rishi Sunak a indiqué que son gouvernement travaillait déjà à un « nouveau traité » avec Kigali. « S’il apparaît clairement que nos cadres juridiques nationaux ou nos conventions internationales continuent de nous entraver, je suis prêt à modifier nos lois et à réexaminer ces relations internationales », a-t-il ajouté, alors que certains élus de sa majorité réclament un retrait de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).

      Après l’annonce, Kigali aussi a immédiatement annoncé « contester » la décision juridique. « Nous contestons la décision selon laquelle le Rwanda n’est pas un pays tiers sûr pour les demandeurs d’asile et les réfugiés », a déclaré la porte-parole de la présidence rwandaise Yolande Makolo.

      Lors d’un entretien téléphonique, le Premier ministre britannique Rishi Sunak et le président rwandais Paul Kagame « ont réitéré leur ferme engagement à faire fonctionner (leur) partenariat en matière d’immigration et ont convenu de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que cette politique soit solide et légale », a indiqué Downing Street dans un communiqué.

      https://www.rfi.fr/fr/afrique/20231115-la-cour-supr%C3%AAme-britannique-juge-ill%C3%A9gal-de-renvoyer-des-dema

    • Devant les députés, Rishi Sunak a indiqué que son gouvernement travaillait déjà à un « nouveau traité » avec Kigali. « S’il apparaît clairement que nos cadres juridiques nationaux ou nos conventions internationales continuent de nous entraver, je suis prêt à modifier nos lois et à réexaminer ces relations internationales », a-t-il ajouté, alors que certains élus de sa majorité réclament un retrait de la Cour européenne des droits de l’Homme (#CEDH).

      Darmanin, fais gaffe ! il est possible que les anglais tirent les premiers.
      Et, cela se lit le jour où l’on apprend que « Une directive en préparation sur les violences faites aux femmes prévoit de caractériser le viol par l’absence de consentement. L’objectif est de faire converger les législations européennes. Plusieurs Etats, dont la France, s’y opposent. »
      https://www.lemonde.fr/international/article/2023/11/15/emmanuel-macron-refuse-que-bruxelles-intervienne-dans-la-definition-du-viol_

      souveraineté en crise, chauvinisme en essor.

    • Envoyer les demandeurs d’asile au Rwanda ? La Cour suprême du Royaume-Uni dit non

      Dans une décision rendue mercredi 15 novembre, la plus haute juridiction britannique s’est prononcée sur le projet du gouvernement visant à expédier les migrants au Rwanda le temps de l’examen de leur demande de protection. Il n’en sera pas question pour l’instant.

      La décision était très attendue. Voilà près de deux ans que le Royaume-Uni avait signé un accord – informel – avec le Rwanda pour y expédier ses demandeurs et demandeuses d’asile, dans un contexte où les arrivées de migrant·es par la Manche atteignaient des niveaux records

      La nouvelle s’inscrivait dans un contexte de surenchère politique nauséabonde s’agissant de l’immigration, après que le gouvernement eut envisagé les pires scénarios possible pour repousser les exilé·es en mer et les empêcher d’atteindre les côtes anglaises.

      Mercredi 15 novembre, la Cour suprême s’est enfin prononcée, plusieurs mois après avoir été saisie. Cinq juges ont estimé, à l’unanimité, que le risque d’envoyer des demandeurs et demandeuses d’asile au Rwanda était trop grand : non seulement cela pourrait créer des inégalités de traitement dans les requêtes formulées par les exilé·es, mais ces personnes pourraient être renvoyées dans leur pays d’origine en cas de rejet de leur demande, alors même qu’elles pourraient y encourir un danger.

      Une pratique qui violerait le principe de « non-refoulement », qui interdit aux États d’expulser, « de quelque manière que ce soit », un·e réfugié·e « sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté seraient menacées en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ».

      Dans sa prise de parole, le président de la Cour suprême a rappelé l’importance de la Convention de Genève relative aux réfugié·es, dont le Royaume-Uni est signataire, de même que la Convention européenne des droits de l’homme et le droit international de manière générale, qui interdit de renvoyer des personnes en quête de protection dans leur pays d’origine sans qu’un examen sérieux de leur demande n’ait été réalisé au préalable.

      Le juge, Robert Reed, a également pris soin de souligner qu’il ne s’agissait pas d’une « décision politique » mais bien d’une question de droit, relevant de ce qui est légal ou non.
      Un risque trop grand pour les réfugié·es

      « Nous avons conclu qu’il existait des raisons sérieuses de croire qu’un risque réel de refoulement existait. Un changement est nécessaire pour éliminer ce risque, mais il n’a pas été démontré qu’il était en place actuellement », a-t-il justifié, rappelant les violations de droits humains régulièrement dénoncées au Rwanda, ainsi que les effets concrets déjà observés à l’occasion d’un autre accord similaire, signé entre le Rwanda et Israël, ayant mené à des refoulements réguliers de personnes exilées.

      « Si le Rwanda ne dispose pas d’un système adéquat pour traiter les demandes d’asile, les véritables réfugiés pourraient être renvoyés dans leur pays d’origine. En d’autres termes, ils feraient l’objet d’un refoulement », a complété le juge dans son propos.

      La requête du ministère de l’intérieur, qui contestait une décision antérieure de la cour d’appel, a ainsi été rejetée. Récemment, une grande campagne de communication lancée par le premier ministre Rishi Sunak ambitionnait d’« arrêter les bateaux » (stop the boats, en anglais), en s’appuyant notamment sur ce projet d’accord avec le Rwanda, qui devait avoir un effet « dissuasif » pour les personnes migrantes aspirant à rejoindre le Royaume-Uni.

      « J’ai promis de réformer non pas seulement notre système d’asile mais aussi nos lois. Nous avons donc introduit une législation sans précédent pour faire en sorte que les personnes arrivant illégalement soient placées en détention et expulsées en quelques semaines, soit vers le pays d’origine, soit vers un pays tiers sûr comme le Rwanda », avait déclaré le premier ministre lors d’un point organisé le 5 juin.

      La décision de la Cour suprême représente donc un sérieux camouflet pour le gouvernement britannique dans ce contexte, à l’heure où celui-ci faisait de la sous-traitance de l’asile une solution miracle.

      Mercredi, Rishi Sunak n’a pas tardé à réagir sur les réseaux sociaux, rappelant que lorsqu’il avait promis d’arrêter les bateaux, il « le pensait sérieusement ». « Il faut mettre fin à ce manège. Nous travaillons sur un nouveau traité international avec le Rwanda et nous le ratifierons sans tarder. Nous fournirons une garantie légale que ceux qui seront relocalisés vers le Rwanda seront protégés d’une éventuelle expulsion », a-t-il réaffirmé.

      En juin dernier, le premier ministre vantait également la possibilité de placer les demandeurs et demandeuses d’asile sur une barge, surnommée le « Bibby Stockholm » et installée dans le port de Portland, dans le sud de l’Angleterre. Celle-ci devait permettre, selon le gouvernement, de réaliser des économies en cessant d’héberger les demandeurs et demandeuses d’asile à l’hôtel : elle a finalement fait polémique.

      À peine installé·es à bord, les occupant·es ont alerté sur les conditions d’hygiène avant d’être évacué·es à la suite de la découverte d’une bactérie sur place. Le 26 octobre, un jeune Nigérian a tenté de mettre fin à ses jours lorsqu’il a appris qu’il serait transféré sur cette barge. Selon le quotidien The Guardian, deux décès « récents » s’apparentant à des suicides ont été répertoriés dans les hôtels hébergeant des exilé·es au Royaume-Uni cette année.

      https://www.mediapart.fr/journal/international/161123/envoyer-les-demandeurs-d-asile-au-rwanda-la-cour-supreme-du-royaume-uni-di

    • La Corte Suprema del Regno Unito giudica illegale l’accordo con il Ruanda

      Il Ruanda non è un paese sicuro dove trasferire i richiedenti asilo

      Mercoledì 15 novembre la più alta Corte del Regno Unito ha bloccato almeno per un periodo la volontà politica del governo di deportare i richiedenti asilo in paesi dell’Africa o in paesi extra Ue che non possono garantire per diversi motivi le tutele previste dal diritto internazionale.

      La Corte ha infatti stabilito che il Ruanda non è un Paese terzo sicuro in cui inviare i richiedenti asilo. Secondo tutte le organizzazioni che si battono per i diritti dei rifugiati e per i diritti fondamentali si tratta di un’enorme vittoria, un risultato ottenuto anche per merito della mobilitazione diffusa e che proteggerà i diritti di innumerevoli persone giunte nel Regno Unito in cerca di sicurezza e accoglienza.

      L’accordo tra Regno Unito e Ruanda era stato fortemente voluto nell’aprile del 2022 dall’allora primo ministro Boris Johnson (dimessosi poi il 9 giugno 2023 per aver mentito alla Camera dei Comuni in relazione ai festini a Downing street nel corso del lockdown). Nella pomposa conferenza stampa del 14 aprile 2022 l’ex premier disse: «Tutti coloro che raggiungono illegalmente il Regno Unito, così come coloro che sono arrivati illegalmente dal primo gennaio, possono essere trasferiti in Ruanda. […] Ciò significa che i migranti economici che approfittano del sistema d’asilo non potranno rimanere nel Regno Unito, mentre quelli che ne hanno veramente bisogno avranno […] l’opportunità di costruirsi una nuova vita in un paese dinamico».

      Quel giorno il Segretario di Stato per gli Affari Interni e il Ministro Ruandese per gli Affari Esteri e la Cooperazione Internazionale illustrarono l’accordo di cooperazione in materia di sviluppo economico e migrazioni, utilizzando la solita retorica – tanto cara anche al governo italiano – del contrasto all’immigrazione illegale, della necessità di controllare le frontiere e di reprimere le organizzazioni di trafficanti.

      Tuttavia, solo due mesi dopo, il 16 giugno 2022, la Corte europea dei diritti dell’uomo (CEDU) bloccò, insieme alla proteste di diverse organizzazioni, il volo che avrebbe dovuto deportare i primi sette richiedenti asilo verso il paese africano.

      Le motivazioni alla base di quella decisione solo le stesse riprese mercoledì dalla Corte Suprema e prima ancora dalla Corte di Appello: ci sono motivi sostanziali per ritenere che i richiedenti asilo deportati in Ruanda corrano il rischio reale di essere rimpatriati nel loro Paese d’origine dove potrebbero subire trattamenti inumani e degradanti. Ciò porterebbe il Regno Unito a violare gli obblighi di non respingimento (non-refoulement) previsti dal diritto internazionale e nazionale.

      Emilie McDonnell di Human Rights Watch spiega che «la Corte Suprema ha richiamato l’attenzione sulla pessima situazione del Ruanda in materia di diritti umani, tra cui le minacce ai ruandesi che vivono nel Regno Unito, oltre alle esecuzioni extragiudiziali, alle morti in custodia, alle sparizioni forzate, alla tortura e alle restrizioni ai media e alle libertà politiche».

      L’esperta di diritti umani e diritto internazionale ricorda che nel 2022 Human Rights Watch scrisse al Ministro degli Interni del Regno Unito, chiarendo che il Ruanda non poteva essere considerato un Paese terzo sicuro, date le continue violazioni dei diritti umani. «L’Alto Commissariato delle Nazioni Unite per i Rifugiati (UNHCR) ha fornito prove schiaccianti dei problemi sistemici del sistema di asilo ruandese, della potenziale mancanza di indipendenza della magistratura e degli avvocati e del tasso di rifiuto del 100% per le persone provenienti da zone di conflitto, in particolare Afghanistan, Siria e Yemen, probabili Paesi di origine dei richiedenti asilo trasferiti dal Regno Unito. L’UNHCR ha inoltre presentato almeno 100 accuse di respingimento, una pratica che è continuata anche dopo la conclusione dell’accordo con il Regno Unito».

      La linea del governo inglese è stata bocciata in tutto e per tutto dalla Corte Suprema, anche nella parte relativa al monitoraggio dell’accordo: il tribunale ha dichiarato che “le intenzioni e le aspirazioni non corrispondono necessariamente alla realtà“.

      «La Corte ha ritenuto che il Ruanda non abbia la capacità pratica di determinare correttamente le richieste di asilo e di proteggere le persone dal respingimento», aggiunge Emilie McDonnell. «Questo dovrebbe essere un monito per gli altri governi che stanno pensando di esternalizzare e spostare le proprie responsabilità in materia di asilo su altri Paesi».

      Di sicuro questa sentenza metterà in difficoltà anche il governo austriaco che sta pensando di stringere un accordo simile con il Ruanda, ma anche lo stesso governo italiano che circa 10 giorni fa ha stipulato un protocollo illegale e disumano con l’Albania.

      https://www.meltingpot.org/2023/11/la-corte-suprema-del-regno-unito-giudica-illegale-laccordo-con-il-ruanda

    • L’asilo è un diritto, la Gran Bretagna deve rispettarlo: è un dovere

      La sua spregiudicata strategia di esternalizzazione ha subito un duro colpo ma molte questioni restano aperte. A partire dal tentativo del Regno Unito di disfarsi di ogni responsabilità sui rifugiati

      Con sentenza del 15 novembre 2023 la Corte Suprema del Regno Unito ha confermato “la conclusione della Corte d’Appello secondo cui la politica sul Ruanda è illegittima. Ciò in quanto ci sono motivi sostanziali per ritenere che i richiedenti asilo affronterebbero un rischio reale di maltrattamenti a causa del respingimento nel loro Paese d’origine se fossero trasferiti in Ruanda” afferma la Corte.

      Il Memorandum siglato tra il Regno Unito e il Ruanda il 6 aprile 2022 prevedeva che le domande di asilo presentate da chi arriva in modo irregolare nel Regno Unito, specie se attraverso il canale della Manica, sarebbero state tutte dichiarate inammissibili.

      Nel Memorandum si conveniva infatti di dare avvio ad un «meccanismo per la ricollocazione dei richiedenti asilo le cui richieste non sono state prese in considerazione dal Regno Unito, in Ruanda, che esaminerà le loro richieste e sistemerà o espellerà (a seconda dei casi) le persone dopo che la loro richiesta è stata decisa, in conformità con il diritto interno ruandese».

      Subito dopo si precisava altresì che «gli impegni indicati in questo Memorandum sono presi tra il Regno Unito e il Ruanda e viceversa e non creano o conferiscono alcun diritto a nessun individuo, né il rispetto di questo accordo può essere oggetto di ricorso in qualsiasi tribunale da parte di terzi o individui».

      Sarebbe stato il Regno Unito a determinare «i tempi di una richiesta di ricollocamento (in inglese il termine usato è relocation n.d.r.) di individui in base a questi accordi e il numero di richieste di ricollocazione da inoltrare» al Ruanda il quale sarebbe divenuto il solo Paese responsabile ad occuparsi della sorte dei richiedenti anche se con esso i richiedenti non hanno alcun legame.

      Anche in caso di accoglimento della loro domanda di asilo, non veniva prevista per i rifugiati alcuna possibilità di rientro verso la Gran Bretagna, nonostante si tratti del Paese al quale inizialmente avevano chiesto asilo. Nel valutare come illegale il Memorandum tra UK e il Ruanda, l’U.N.H.C.R. (Alto Commissariato delle Nazioni Unite per i Rifugiati) aveva sottolineato come “Gli accordi di trasferimento non sarebbero appropriati se rappresentassero un tentativo, in tutto o in parte, da parte di uno Stato parte della Convenzione del 1951 di liberarsi dalle proprie responsabilità”.

      Le sole inquietanti parole del Memorandum laddove precisa che le misure adottate “non creano o conferiscono alcun diritto a nessun individuo” sono sufficienti a far comprendere il livello di estremismo politico che caratterizzava il Memorandum nel quale l’individuo veniva spogliato dei suoi diritti fondamentali e veniva ridotto a mero oggetto passivo del potere esecutivo.

      Già la Corte Europea per i Diritti dell’Uomo aveva ritenuto, con misura di urgenza (caso N.S.K. v. Regno Unito del 14.06.22) di bloccare tutte le operazioni di trasferimento coatto dal Regno Unito al Ruanda per due principali ragioni: la prima è che il Ruanda non è in grado di garantire una effettiva applicazione della Convenzione di Ginevra e che quindi detto rinvio violerebbe l’art. 3 della CEDU che prescrive che «Nessuno può essere sottoposto a tortura né a pene o trattamenti inumani o degradanti».

      La seconda ragione riguarda l’impossibilità legale di contestare la decisione di trasferimento coatto verso il Ruanda; come sopra richiamato infatti, non solo non sarebbe stato possibile garantire alcuna effettività al ricorso, ma veniva negato alla radice lo stesso diritto di agire in giudizio.

      Nel rigettare il ricorso presentato dal premier Sunak la Corte Suprema del Regno Unito si è concentrata principalmente su due motivi di ricorso: a) il rischio di violazione del divieto di non respingimento; 2) la violazione del diritto dell’UE in materia di asilo. Sotto quest’ultimo profilo la Corte Suprema ha rigettato il ricorso correttamente evidenziando che, a seguito della Brexit, le disposizioni del diritto dell’Unione “hanno cessato di avere effetto nel diritto interno del Regno Unito quando il periodo di transizione è terminato il 31.12.2020”.

      Tanto il diritto interno che la Convenzione Europea sui Diritti dell’Uomo e le libertà fondamentali (CEDU), e in particolare l’art. 3, vanno però rispettati, e ad avviso della Corte “ le prove dimostrano che ci sono motivi sostanziali per ritenere che vi sia un rischio reale che le richieste di asilo non vengano esaminate correttamente e che i richiedenti asilo rischino quindi di essere rimpatriati direttamente o indirettamente nel loro Paese d’origine”.

      In un passaggio della sentenza la Corte afferma che “i cambiamenti strutturali e il rafforzamento delle capacità necessarie per eliminare tale rischio (il rischio che i rifugiati subiscano respingimenti illegali in Ruanda ndr) possono essere realizzati in futuro” (paragrafo 105). Tale espressione rinvia a un futuro ipotetico e non rappresenta alcuna apertura di credito verso le scelte del Governo.

      Nonostante ciò il Premier Sunak, per il quale la decisione finale assunta dalla Suprema Corte rappresenta una catastrofe politica, ha cercato di piegare a suo vantaggio tale passaggio della sentenza dichiarando in Parlamento che la Suprema Corte ha chiesto in realtà solo maggiori garanzie sul rispetto dei diritti dei richiedenti asilo in Ruanda e che il governo sta già lavorando a un nuovo trattato con il Ruanda e che esso sarà finalizzato alla luce della sentenza odierna.

      Probabilmente Sunak vende fumo per prendere tempo perché sa bene che i richiesti cambiamenti strutturali non sono realizzabili. Tuttavia la politica del governo inglese, almeno al momento, non sembra avviata verso un serio ripensamento e alcuni osservatori non escludono la possibilità che vengano adottate scelte ancora più estremiste come l’uscita unilaterale del Regno Unito dal Consiglio d’Europa, cessando dunque di essere parte contraente della Convenzione Europea dei Diritti dell’Uomo (come avvenuto per la Russia nel 2022).

      Uno scenario destinato ad incidere sui diritti dei migranti come su quelli dei cittadini britannici, che può apparire degno di uno scadente romanzo di fantapolitica, ma che in realtà non può essere escluso. Come non mi stancherò mai di ricordare, le violente politiche di esternalizzazione dei confini e l’attacco al diritto d’asilo stanno causando una profonda crisi a quel sistema giuridico di tutela dei diritti umani in Europa che fino a poco tempo fa tutti ritenevano inscalfibile.

      La Corte Suprema ha precisato nella sentenza che “in questo appello, la Corte deve decidere se la politica del Ruanda è legittima”. Rimane dunque irrisolta la più generale e scottante questione della legittimità o meno della politica del Governo inglese, di potersi disfare, completamente e ogni volta che lo desidera, della responsabilità giuridica del Regno Unito di esaminare le domande di asilo che pur vengono presentate sul suo territorio, delegando a tal fine, dietro pagamento, un compiacente paese terzo (sperando di poterne trovare, prima o poi, uno che non presenti gli aspetti critici del Ruanda).

      Si tratta dell’obiettivo generale che sta alla base della recentissima controversa legge approvata dal Parlamento inglese a nel luglio 2023 (Illegal Migration Act), successivamente quindi al Memorandum con il Ruanda, che all’art. 1.1 afferma che “scopo della presente legge è prevenire e scoraggiare la migrazione illegale, in particolare la migrazione per rotte non sicure e illegali, richiedendo la rimozione (“the removal” nel testo originale) dal Regno Unito di alcune persone che entrano o arrivano nel Regno Unito in violazione del controllo dell’immigrazione”.

      In una dichiarazione congiunta resa il 18.07.23 da UNHCR e dall’Ufficio delle Nazioni Unite per i Diritti Umani al momento dell’approvazione della legge, entrambe le agenzie delle Nazioni Unite hanno sostenuto che la nuova legge “è in contrasto con gli obblighi del paese ai sensi della legge internazionale sui diritti umani e dei rifugiati (….) la legge estingue l’accesso all’asilo nel Regno Unito per chiunque arrivi irregolarmente, essendo passato attraverso un paese – per quanto brevemente – dove non ha affrontato persecuzioni. Gli impedisce di presentare la protezione dei rifugiati o altre rivendicazioni sui diritti umani, indipendentemente da quanto siano convincenti le loro circostanze. Inoltre, richiede la loro rimozione in un altro paese, senza alcuna garanzia che saranno necessariamente in grado di accedere alla protezione. Crea nuovi poteri di detenzione, con una limitata supervisione giudiziaria”.

      La spregiudicata strategia della esternalizzazione del diritto d’asilo condotta dal governo del Regno Unito ha subito un duro colpo con la cancellazione del Memorandum con il Ruanda, ma moltissimi scenari problematici rimangono ancora aperti.

      Nel frattempo, come messo in luce dalle associazioni inglesi che operano nel campo della protezione dei rifugiati, il sistema inglese d’asilo sta collassando a causa della paralisi amministrativa prodotto dalle continue tentate riforme, e l’arretrato nella definizione delle domande di asilo ha superato i centomila casi pendenti.

      https://www.unita.it/2023/11/17/lasilo-e-un-diritto-la-gran-bretagna-deve-rispettarlo-e-un-dovere

  • 10.11.2023 : Iz Kolpe potegnili truplo, v vodi je bilo že teden ali dva

    Un corps a été retiré de Kolpa, il était dans l’eau depuis une semaine ou deux
    –-> date de mort environ 01.11.2023

    Truplo so v sredo opazili sprehajalci in poklicali policijo.

    V sredo popoldne so gasilci PGD Črnomelj iz reke Kolpe med Gribljami in Krasincem potegnili moško truplo.

    V sporočilu za javnost so zapisali, da so truplo opazili sprehajalci in o tem obvestili policijo. Ogled so opravili kriminalisti novomeške policijske uprave. Znakov nasilja niso odkrili, zdravnica pa je ocenila, da je bilo v vodi verjetno že teden ali dva.

    O dogodku so obvestili dežurnega preiskovalnega sodnika, na okrožno državno tožilstvo pa bodo poslali poročilo. Kriminalisti in policisti nadaljujejo ugotavljanje identitete.

    –—

    Google translate :

    Le corps a été repéré par des promeneurs mercredi et la police a été appelée.
    Mercredi après-midi, les pompiers du PGD Črnomelj ont retiré le corps d’un homme de la rivière Kolpa, entre #Griblje et #Krasinec .

    Dans le communiqué, ils ont écrit que le corps avait été repéré par des passants et en ont informé la police. L’inspection a été effectuée par des experts en criminalité du département de police de Novi Sad. Aucun signe de violence n’a été constaté, mais le médecin a estimé qu’il était probablement dans l’eau depuis une semaine ou deux.

    Le juge d’instruction en poste a été informé des faits et un rapport sera adressé au parquet. Les enquêteurs criminels et la police continuent d’établir l’identité.

    https://www.slovenskenovice.si/kronika/doma/iz-kolpe-potegnili-truplo-v-vodi-je-bilo-ze-teden-ali-dva
    #mourir_aux_frontières #frontières #morts_aux_frontières #Slovénie #Croatie #Kupa #Kolpa #frontière_sud-alpine #montagne #Alpes

    –-

    ajouté à la métaliste sur les morts à la frontière entre la Croatie et la Slovénie :
    https://seenthis.net/messages/811660

  • La #pauvreté s’insinue dans la vie des #femmes_âgées

    Le #rapport sur « l’état de la pauvreté 2023 » publié mardi 14 novembre par le #Secours_catholique montre que la pauvreté s’aggrave en France. Elle frappe en premier lieu les #mères_isolées mais aussi les #femmes_seules, et notamment celles de plus de 55 ans. #Témoignages.

    FontenayFontenay-le-Comte (Vendée).– Alors qu’elle déguste une salade de pommes de terre aux œufs et au thon dans la grande salle d’accueil du Secours catholique de Fontenay-le-Comte, en Vendée, Christiane grimace. La septuagénaire a la bouche criblée d’aphtes, favorisés par certains aliments. La faute aux noix et au chocolat qu’elle a reçus dans son colis des Restos du cœur. Mais elle n’a plus le choix, son alimentation est conditionnée par l’aide alimentaire. Elle n’aurait jamais imaginé en arriver à cette extrémité.

    Dix jours avant la fin du mois, Christiane n’a plus rien. Même pas de quoi se payer ses cigarettes, qui la « font tenir ». Assise à côté d’elle, Nathalie, 61 ans, raconte avoir perdu quatre kilos en quelques mois. Les repas sont frugaux et ses soucis financiers lui coupent l’appétit.

    Un karaoké se prépare non loin d’elles, dans la même salle. Une première pour distraire les bénéficiaires et bénévoles de cette antenne du Secours catholique qui arrivent peu à peu.

    Les parcours de Christiane et Nathalie témoignent d’une aggravation de la pauvreté, surtout chez les femmes, alerte le Secours catholique dans son rapport annuel publié mardi 14 novembre. Les mères isolées sont surreprésentées, suivies des femmes seules, démontre l’association.

    L’étude se fonde sur environ 50 000 fiches renseignées par les personnes accueillies en 2022. De fait, la précarité féminine a régulièrement augmenté ces vingt dernières années. Les femmes représentent désormais 57,5 % des personnes rencontrées par l’association, contre 52,6 % en 1999. Les mères isolées représentent 25,7 % des bénéficiaires. 20,9 % sont des femmes seules.

    Les femmes isolées âgées de plus de 55 ans sont elles aussi de plus en plus nombreuses à solliciter une aide, peut-on lire dans le rapport : « Ces femmes rencontrent des situations de précarité singulières, notamment dues à l’isolement qu’elles subissent. Elles n’ont pas les ressources pour faire face aux charges qu’elles doivent supporter, souvent seules. » Ce qui témoigne « d’une précarisation des adultes isolés vieillissants, éloignés du marché du travail ou dont les faibles pensions de retraite sont insuffisantes pour mener une vie décente ».

    Élodie Gaultier, responsable du secteur Sud-Vendée pour le Secours catholique, confirme que les personnes accueillies sont principalement des femmes.

    Dans le département, plus de 14 000 foyers sont soutenus par le Secours catholique. « Les profils que nous croisons ici sont souvent des personnes qui ont plus de 50 ans. Elles peuvent se retrouver seules parce qu’elles sont veuves ou divorcées. D’autres ont toujours été célibataires. »

    Certaines sont si isolées qu’elles ne viennent pas seulement pour obtenir une aide matérielle. « Elles viennent aussi parce qu’elles sont seules et qu’elles ont besoin de discuter. J’avais rencontré une personne dont je n’entendais presque pas le son de la voix parce qu’elle n’avait plus l’habitude de parler à d’autres personnes… » La fracture numérique isole aussi, ajoute Élodie Gaultier. Et la hausse des prix de l’alimentation (6,8 % en 2022) fragilise les foyers modestes.

    Lorsqu’elle était active, Christiane était comptable dans plusieurs entreprises. Elle a élevé seule sa fille, sans aucune aide. Mais elle n’a pas été rémunérée à la hauteur de son travail et le ressent comme une injustice cruelle. « Je me suis fait exploiter parce qu’on ne m’a jamais fait cotiser une retraite de cadre alors que j’avais toutes les responsabilités de l’entreprise sur mon dos. Les heures, je ne les comptais pas non plus. Je ne voyais pas le problème financier à ce moment-là, mais c’est un tort. Maintenant j’en paye les pots cassés. »

    La septuagénaire touche 1 200 euros de retraite, juste en dessous du seuil de pauvreté, fixé à 60 % du revenu médian, soit environ 1 210 euros par mois. Plusieurs dépenses l’accablent, dont l’énergie, en forte hausse (+ 23,1 %).

    Son chauffage électrique consomme beaucoup, malgré les travaux d’isolation réalisés par son propriétaire. Elle a dû s’acquitter de 1 000 euros de régularisation en fin d’année alors qu’elle paye déjà 146 euros par mois. La Caisse d’allocations familiales lui a avancé la somme, qu’elle finit de rembourser.

    Avec un loyer de 500 euros et d’autres dépenses incompressibles, Christiane suffoque. Elle a contracté auprès d’Emmaüs un autre prêt sans intérêt, de 1 500 euros, prélevé à hauteur de 43 euros par mois pour encore un an et demi. La retraitée devait absolument s’acheter une voiture. Être véhiculée est indispensable dans cette zone rurale, même si Christiane l’utilise le moins possible en raison du prix de l’essence.

    Nathalie, la sexagénaire énergique, a été maîtresse de maison dans un foyer pour adultes handicapés, physiques et mentaux. Elle aimait se rendre utile. Il y a trois ans, elle a été placée en invalidité en raison de plusieurs pathologies chroniques.

    Aujourd’hui, elle touche une pension d’invalidité et une rente d’invalidité versée par la mutuelle de son ancien employeur, soit 860 euros. « Il me reste 180 euros pour acheter de quoi manger, de quoi me nourrir, de quoi bouger. Et pour la moindre chose qu’on doit faire, les courses ou les rendez-vous médicaux, il faut la voiture. Ça coûte cher. »

    Sa dernière fille, âgée de 20 ans, a quitté le domicile familial il y a quelques mois. Nathalie l’a déclaré, son aide pour le logement (APL) a été recalculée. Elle a reçu une notification de dette. « Le mot fait peur, je leur dois 200 euros. »

    Nathalie paye plus de 450 euros de loyer pour sa maison à l’écart de tout, dans une commune du Marais poitevin. Elle va devoir déménager en janvier, faute de moyens, dans un appartement moins spacieux, « de 80 m2 à 45 m2 ». Elle est en plein dans le tri. C’est difficile. Il n’y a pas de garage, pas de cave, rien pour stocker. « J’ai beaucoup pleuré, je suis quelqu’un qui essaie d’aller de l’avant pour ne pas sombrer parce que c’est facile de sombrer. »
    « Pas toute seule dans cette situation »

    Si Christiane compte le moindre centime, c’est parce qu’elle s’est trouvée en surendettement, sans chéquier, ni carte bleue mais avec une carte de retrait plafonnée. Elle n’a pas droit au découvert. Il y a quelques années, elle s’est associée avec une personne pour de l’immobilier mais l’entreprise a mal tourné.

    L’ancienne comptable s’est retrouvée à assumer seule des dettes importantes. Elle a dû vendre la maison qu’elle avait fait construire « pour être tranquille à la retraite, pour ne pas avoir de loyer, justement ». Elle s’est « privée de vacances pour payer la maison ». Depuis six ans, elle loue son ancienne maison.

    Un crève-cœur. Comme de devoir se tourner vers le Secours catholique et l’aide alimentaire. « C’est très difficile, parce qu’on se sent descendue très, très bas. Pour l’amour propre, c’est très humiliant. » Elle fréquente l’épicerie solidaire de l’association et les Restos du cœur.

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    Le rapport annuel du Secours catholique en quelques chiffres

    En 2022, le Secours catholique a accueilli 1 027 500 personnes dans 2 400 lieux dédiés, grâce à 3 500 équipes locales et 60 000 bénévoles. Un chiffre en nette augmentation (près d’un tiers) par rapport aux 780 000 bénéficiaires de 2021.

    Leur niveau de vie médian a baissé de 7,6 % en un an. Il s’établit à 538 euros par mois, soit 18 euros par jour, pour subvenir à tous leurs besoins, dont le logement.

    25,7 % des ménages rencontrés au Secours catholique sont des mères isolées. 20,9 % sont des femmes seules.

    Une femme sur dix accueillie au Secours catholique a plus de 55 ans.

    Près de 30 % des femmes vivent dans un logement précaire.

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    Le Secours catholique a permis à Nathalie et Christiane de partir en séjour une semaine à Lourdes, dans les Pyrénées, en septembre. Elles en conservent un souvenir ému. Cela leur a permis retrouver une forme de sociabilité, avec des personnes qui les comprennent. « Je me suis aperçue que je n’étais pas toute seule dans cette situation », confirme Christiane.

    La pauvreté s’insinue partout et empêche tout. Nathalie a réussi à faire baisser à 100 euros sa facture d’électricité mensuelle. Pour cela, elle a réduit le chauffage et mis systématiquement « trois épaisseurs de vêtements et [s]on peignoir ». L’ancienne maîtresse de maison détaille. « Je ne mange plus énormément mais parce que je ne peux plus manger des choses que j’aime comme le poisson. » Elle s’en tient à un menu type. « Du pain, du jambon, des pâtes et des œufs. Du thon et des sardines. Pas de viande, parce que c’est hors de prix. »

    Nathalie aime aussi tricoter, faire du crochet, de la couture. Mais le matériel est onéreux. Idem pour la photo. « Il faut bouger pour avoir de beaux paysages. » Impensable avec le coût du carburant.

    Outre les privations matérielles, la pauvreté grignote aussi les liens sociaux. Christiane a été longtemps trésorière d’une association de sa commune. Elle a démissionné au début de l’année car elle ne pouvait plus suivre le rythme des sorties et des repas. Sans en donner la raison. Sa fille n’est pas au courant du détail des difficultés de sa mère. Christiane se refuse à l’accabler.

    Son moral est au plus bas. « J’avais peur de la mort, mais là je suis prête à partir. Parce que j’ai l’impression que je ne sers plus à rien », soupire-t-elle.

    Nathalie a elle aussi un moral vacillant, mais essaie de dépasser ses coups de déprime. « En fait, c’est le Secours catholique qui m’a sortie de tout ça en début d’année. Ça fait deux ans que je viens mais avant je prenais ce dont j’avais besoin à l’épicerie solidaire, je payais, je partais aussitôt, parce que c’était tellement affligeant pour moi de devoir faire ça. Je voulais être digne, moi, et ça, c’est compliqué d’accepter de venir ici. » Aujourd’hui, elle s’implique comme bénévole à la boutique solidaire.

    L’année prochaine sera pire, elle sera à la retraite. Elle percevra 534 euros. Nathalie n’a pas pu cumuler beaucoup de trimestres. Elle a enchaîné des petits contrats et des périodes de chômage. À chaque grossesse, elle s’est arrêtée trois ans pour s’occuper de son bébé. Elle a ensuite élevé seule ses trois enfants.

    Elle a conscience de cette inégalité de genre, même si elle ne souhaite pas s’étaler sur sa propre histoire. « Les femmes ont voulu devenir indépendantes, c’est une belle chose, mais on ne leur a pas donné assez de moyens pour le devenir. C’est-à-dire que si on veut élever nos enfants seules parce qu’on est avec un homme avec qui c’est compliqué, on ne nous aide pas forcément. »

    À cet égard, le parcours de Nathalie est commun. Le rapport le décrit : « Celles qui travaillent sont moins bien payées, plus souvent à temps partiel subi, et leurs carrières hachées se traduisent par de faibles retraites. » Pour le moment, Nathalie essaie de « ne pas penser » à ce basculement pour ne pas s’effondrer.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/141123/la-pauvrete-s-insinue-dans-la-vie-des-femmes-agees
    #femmes

    • État de la pauvreté en France 2023

      En 2022, au Secours Catholique-Caritas France, 59 700 bénévoles répartis dans près de 2 400 lieux d’accueil ont rencontré 1 027 500 personnes. Ce sont 552 400 adultes et 475 100 enfants qui ont ainsi été accompagnés. Le recueil d’information annuel, réalisé via les fiches statistiques extraites d’un échantillon représentatif des dossiers d’accueil, concerne 49 250 ménages en 2022. Il permet l’étude des situations de pauvreté des personnes rencontrées cette même année. Ce rapport comprend deux grandes parties fondées sur les statistiques collectées par l’association : un dossier thématique qui porte cette année sur les conditions de vie des femmes rencontrées par l’association et le profil général qui compte 16 fiches décrivant les caractéristiques sociodémographiques, les situations face à l’emploi ainsi que les ressources et conditions de vie des ménages rencontrés.

      https://www.secours-catholique.org/m-informer/publications/etat-de-la-pauvrete-en-france-2023
      #statistiques #chiffres

    • Pourquoi les femmes sont-elles plus exposées à la pauvreté ?

      Dans son rapport annuel sur l’« État de la pauvreté », paru ce mardi 14 novembre, le Secours catholique alerte sur la #précarité croissante des femmes, indissociable des charges qui pèsent sur elles de manière structurelle.

      Le constat est sans appel : la pauvreté s’incarne de plus en plus au féminin. Alors qu’elles constituaient déjà la moitié des bénéficiaires du Secours catholique à la fin des années 1980, les femmes sont aujourd’hui largement surreprésentées avec près de 60 % des demandes, selon le rapport annuel de l’association basé sur les statistiques issues des 1 027 500 personnes qui l’ont sollicitée en 2022.

      Ce chiffre s’inscrit dans un contexte d’aggravation de la pauvreté, puisque le niveau de vie médian constaté a baissé de 7,6 % en un an. Il s’établissait à 538 euros par mois en 2022 (contre 579 euros en 2021), soit 18 euros par jour pour subvenir à tous les besoins, dont le logement. Pire, trois quarts des bénéficiaires survivent très en dessous du seuil de pauvreté, avec moins de 40 % de cette somme – par comparaison, ils étaient 65 % en 2017.

      Cette tendance s’explique notamment par la forte #inflation des #prix de l’#alimentation (+ 6,8 % en 2022) et de l’#énergie (+ 23,1 %). Selon les auteurs du rapport, « tout porte à croire que cette dégradation se poursuit en 2023, comme en atteste la forte hausse du nombre de personnes faisant appel à l’#aide_alimentaire des associations ».

      https://www.humanite.fr/societe/femmes/pourquoi-les-femmes-sont-elles-plus-exposees-a-la-pauvrete

  • « Après le dieselgate, nous nous dirigeons tout droit vers un “#electric_gate” »

    Pour l’ingénieur et essayiste #Laurent_Castaignède, le développement actuel de la #voiture_électrique est un désastre annoncé. Il provoquera des #pollutions supplémentaires sans réduire la consommation d’énergies fossiles.

    Avec la fin de la vente des #voitures_thermiques neuves prévue pour #2035, l’Union européenne a fait du développement de la voiture électrique un pilier de sa stratégie de #transition vers la #neutralité_carbone. Le reste du monde suit la même voie : la flotte de #véhicules_électriques pourrait être multipliée par 8 d’ici 2030, et compter 250 millions d’unités, selon l’Agence internationale de l’énergie.

    Mais la #conversion du #parc_automobile à l’électricité pourrait nous conduire droit dans une #impasse désastreuse. Toujours plus grosse, surconsommatrice de ressources et moins décarbonée qu’il n’y parait, « la voiture électrique a manifestement mis la charrue avant les bœufs », écrit Laurent Castaignède dans son nouvel ouvrage, La ruée vers la voiture électrique. Entre miracle et désastre (éditions Écosociété, 2023).

    Nous avons échangé avec l’auteur, ingénieur de formation et fondateur du bureau d’étude BCO2 Ingénierie, spécialisé dans l’empreinte carbone de projets industriels. Démystifiant les promesses d’horizons radieux des constructeurs de #SUV et des décideurs technosolutionnistes, il pronostique un crash dans la route vers l’#électrification, un « #electrigate », bien avant 2035.

    Reporterre — Vous écrivez dans votre livre que, si l’on suit les hypothèses tendancielles émises par l’Agence internationale de l’énergie, la production de batteries devrait être multipliée par 40 entre 2020 et 2040, et que la voiture électrique accaparerait à cet horizon la moitié des métaux extraits pour le secteur « énergies propres ». Ces besoins en métaux constituent-ils la première barrière au déploiement de la voiture électrique ?

    Laurent Castaignède — La disponibilité de certains #métaux constitue une limite physique importante. Les voitures électriques ont surtout besoin de métaux dits « critiques », relativement abondants mais peu concentrés dans le sous-sol. L’excavation demandera d’ailleurs beaucoup de dépenses énergétiques.

    Pour le #lithium, le #cobalt, le #nickel, le #manganèse et le #cuivre notamment, ainsi que le #graphite, la voiture électrique deviendra d’ici une quinzaine d’années la première demandeuse de flux, avec des besoins en investissements, en capacités d’#extraction, de #raffinage, de main d’œuvre, qui devront suivre cette hausse exponentielle, ce qui n’a rien d’évident.

    L’autre problème, c’est la mauvaise répartition géographique de ces #ressources. On est en train de vouloir remplacer le pétrole par une série de ressources encore plus mal réparties… Cela crée de forts risques de constitution d’#oligopoles. Un « Opep du cuivre » ou du lithium serait catastrophique d’un point de vue géostratégique.

    Une autre limite concerne notre capacité à produire suffisamment d’électricité décarbonée. Vous soulignez que se répandent dans ce domaine un certain nombre « d’amalgames complaisants » qui tendent à embellir la réalité…

    Même lorsqu’on produit beaucoup d’électricité « bas carbone » sur un territoire, cela ne signifie pas que l’on pourra y recharger automatiquement les voitures avec. Le meilleur exemple pour comprendre cela est celui du Québec, où 100 % de l’électricité produite est renouvelable — hydroélectrique et éolienne. Mais une partie de cette électricité est exportée. Si le Québec développe des voitures électriques sans construire de nouvelles capacités d’énergies renouvelables dédiées, leur recharge entraînera une baisse de l’exportation d’électricité vers des régions qui compenseront ce déficit par une suractivation de centrales au charbon. Ces voitures électriques « vertes » entraîneraient alors indirectement une hausse d’émissions de #gaz_à_effet_de_serre

    De même, en France, on se vante souvent d’avoir une électricité décarbonée grâce au #nucléaire. Mais RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, précise que la disponibilité actuelle de l’électricité décarbonée n’est effective que 30 % du temps, et que cette proportion va diminuer. On risque donc fort de recharger nos voitures, surtout l’hiver, avec de l’électricité au gaz naturel ou au charbon allemand, à moins de déployer davantage de moyens de production d’énergies renouvelables en quantité équivalente et en parallèle du développement des voitures électriques, ce qui est rarement ce que l’on fait.

    En d’autres termes, ce n’est pas parce que le « #kWh_moyen » produit en France est relativement décarboné que le « kWh marginal », celui qui vient s’y ajouter, le sera aussi. Dans mon métier de conseil en #impact_environnemental, j’ai vu le discours glisser insidieusement ces dernières années : on parlait encore des enjeux de la décarbonation du #kWh_marginal il y a dix ans, mais les messages se veulent aujourd’hui exagérément rassurants en se cachant derrière un kWh moyen « déjà vert » qui assurerait n’importe quelle voiture électrique de rouler proprement…

    Vous alertez aussi sur un autre problème : même si ce kWh marginal produit pour alimenter les voitures électriques devient renouvelable, cela ne garantit aucunement que le bilan global des émissions de carbone des transports ne soit à la baisse.

    Il y a un problème fondamental dans l’équation. On n’arrive déjà pas à respecter nos objectifs antérieurs de développement des énergies renouvelables, il parait compliqué d’imaginer en produire suffisamment pour recharger massivement les nouveaux véhicules électriques, en plus des autres usages. Et beaucoup d’usages devront être électrifiés pour la transition énergétique. De nombreux secteurs, des bâtiments à l’industrie, augmentent déjà leurs besoins électriques pour se décarboner.

    De plus, rien ne garantit que le déploiement de voitures électriques ne réduise réellement les émissions globales de gaz à effet de serre. En ne consommant plus d’essence, les voitures électriques baissent la pression sur la quantité de pétrole disponible. La conséquence vicieuse pourrait alors être que les voitures thermiques restantes deviennent moins économes en se partageant le même flux pétrolier.

    Imaginons par exemple que l’on ait 2 milliards de voitures dans le monde en 2040 ou 2050 comme l’indiquent les projections courantes. Soyons optimistes en imaginant qu’un milliard de voitures seront électriques et que l’on consommera à cet horizon 50 millions de barils de pétrole par jour. Le milliard de voitures thermiques restant pourrait très bien se partager ces mêmes 50 millions de barils de pétrole, en étant juste deux fois moins économe par véhicule. Résultat, ce milliard de voitures électriques ne permettrait d’éviter aucune émission de CO₂ : rouler en électrique de manière favorable nécessite de laisser volontairement encore plus de pétrole sous terre…

    L’électrification, seule, n’est donc pas une réponse suffisante. Cela signifie qu’une planification contraignant à la sobriété est nécessaire ?

    La #sobriété est indispensable mais il faut être vigilant sur la manière de la mettre en place. Il serait inaudible, et immoral, de demander à des gens de faire des efforts de sobriété si c’est pour permettre à leur voisin de rouler à foison en gros SUV électrique.

    La sobriété, ce serait d’abord mettre un terme à « l’#autobésité ». L’électrification accentue la prise de #poids des véhicules, ce qui constitue un #gaspillage de ressources. Au lieu de faire des voitures plus sobres et légères, les progrès techniques et les gains de #productivité n’ont servi qu’à proposer aux consommateurs des véhicules toujours plus gros pour le même prix. On n’en sortira pas en appelant les constructeurs à changer de direction par eux-mêmes, ce qu’on fait dans le vide depuis 30 ans. Il faut réguler les caractéristiques clivantes des véhicules, en bridant les voitures de plus d’1,5 tonne à vide à 90 km/h par exemple, comme on le fait pour les poids lourds, et à 130 km/h toutes les autres.

    Un autre effet pervers pour la gestion des ressources est l’#obsolescence des véhicules. Pourquoi écrivez-vous que l’électrification risque de l’accélérer ?

    La voiture électrique porte dans ses gènes une #obsolescence_technique liée à la jeunesse des dernières générations de #batteries. Les caractéristiques évoluent très vite, notamment l’#autonomie des véhicules, ce qui rend leur renouvellement plus attractif et le marché de l’occasion moins intéressant.

    Paradoxalement, alors que les moteurs électriques sont beaucoup plus simples que les moteurs thermiques, l’électronification des voitures les rend plus difficiles à réparer. Cela demande plus d’appareillage et coûte plus cher. Il devient souvent plus intéressant de racheter une voiture électrique neuve que de réparer une batterie endommagée.

    Les constructeurs poussent en outre les gouvernements à favoriser les #primes_à_la casse plutôt que le #rétrofit [transformer une voiture thermique usagée en électrique]. Ce dernier reste artisanal et donc trop cher pour se développer significativement.

    Vous écrivez qu’une véritable transition écologique passera par des voitures certes électriques mais surtout plus légères, moins nombreuses, par une #démobilité, une réduction organisée des distances du quotidien… Nous n’en prenons pas vraiment le chemin, non ?

    Il faudra peut-être attendre de se prendre un mur pour changer de trajectoire. Après le dieselgate, nous nous dirigeons tout droit vers un « electric gate ». Je pronostique qu’avant 2035 nous nous rendrons compte de l’#échec désastreux de l’électrification en réalisant que l’empreinte carbone des transports ne baisse pas, que leur pollution baisse peu, et que le gaspillage des ressources métalliques est intenable.

    La première pollution de la voiture électrique, c’est de créer un écran de fumée qui occulte une inévitable démobilité motorisée. Le #technosolutionnisme joue à plein, via des batteries révolutionnaires qui entretiennent le #messianisme_technologique, comme pour esquiver la question politique du changement nécessaire des modes de vie.

    On continue avec le même logiciel à artificialiser les terres pour construire des routes, à l’instar de l’A69, sous prétexte que les voitures seront bientôt « propres ». Il faut sortir du monopole radical, tel que décrit par Ivan Illich, constitué par la #voiture_individuelle multi-usages. La première liberté automobile retrouvée sera celle de pouvoir s’en passer avant de devoir monter dedans.

    https://reporterre.net/Apres-le-dieselgate-nous-nous-dirigeons-tout-droit-vers-un-electric-gate
    #réparation #terres_rares #réparabilité #extractivisme

    • La ruée vers la voiture électrique. Entre miracle et désastre

      Et si les promesses du miracle électrique n’étaient en fait que le prélude à un désastre annoncé ?

      La voiture électrique a le vent en poupe. Dans un contexte d’urgence écologique, elle semble être la solution pour résoudre les principaux problèmes sanitaires et climatiques causés par la voiture à essence. Pour l’expert en transports #Laurent_Castaignède, il est urgent de prendre la mesure de la révolution en cours. En Occident comme en Chine, un remplacement aussi rapide et massif du parc automobile est-il possible ? Les promesses écologiques de la voiture électrique seront-elles au rendez-vous ou risquent-elles de s’évanouir dans un nouveau scandale environnemental ?

      Pour Laurent Castaignède, nous sommes sur le point d’accepter une nouvelle dépendance énergétique, verdie, sur fond de croissance économique jusqu’au-boutiste. Remontant aux origines de la mobilité routière électrique, l’ancien ingénieur automobile fait le point sur la situation actuelle, dont le dynamisme de déploiement est inédit. Si la voiture électrique n’émet pas de gaz polluants à l’utilisation, elle pose de nombreux problèmes. Elle mobilise des ressources critiques pour sa fabrication et ses recharges, pour des gabarits de véhicules toujours plus démesurés. Elle maintient aussi le modèle de l’auto-solo, sans rien changer aux problèmes d’embouteillage et au poids financier des infrastructures routières sur les collectivités.

      La ruée vers la voiture électrique propose une autre électrification de la mobilité automobile, crédible et véritablement respectueuse de notre santé et de celle de la planète. Tâchons d’éviter que les promesses technologiques du virage électrique ne débouchent sur un désastre annoncé.

      https://ecosociete.org/livres/la-ruee-vers-la-voiture-electrique
      #livre

  • Programme de retour volontaire (?) pas si volontaire que ça

    Le #Maroc figure au Top 5 des pays hôtes accueillant les migrants en retour en 2022. Il occupe la 3ème place avec l’assistance de 2457 migrants. Il est devancé par la Libye (11.200) et le Yémen (4.080). La Tunisie et l’Algérie arrivent respectivement en 4ème et 5ème positions avec 1.607 et 1.306 migrants assistés. Le Maroc fait partie également du Top 5 des pays d’origine avec 627 migrants assistés. Le Soudan arrive en tête avec 2.539 migrants assistés, suivi de l’Irak (1907). L’Algérie occupe la 4ème place (627) devant la Tunisie (232), précise un rapport sur le retour et la réintégration, publié récemment par l’OIM.

    Hausse

    En détail, 3.552 migrants (2.097 hommes, 916 femmes, 277 garçons et 262 filles) ont demandé une #assistance au retour volontaire à partir du Maroc vers 26 pays d’origine. Le rapport annuel 2022 sur l’assistance au retour volontaire et à la réintégration (https://morocco.iom.int/sites/g/files/tmzbdl936/files/documents/2023-03/Rapport_Annuel_FR_AVRR_20230310.pdf) précise que « la cadence des retours volontaires en 2022 a augmenté légèrement par rapport à 2021, et a triplé par rapport au nombre de migrants assistés en 2020. Cette hausse est due, principalement, à l’augmentation des fonds disponibles en 2022 pour répondre aux demandes de retour volontaire et au fait de compenser le retard cumulé suite aux restrictions de mobilité décrétées par les autorités compétentes pour endiguer la propagation de la pandémie de Covid-19 ».

    La majorité des migrants ayant bénéficié du retour volontaire étaient de jeunes hommes dont l’âge variait entre 19 et 35 ans et qui sont retournés seuls dans leur pays d’origine. Tandis que le ratio femmes/hommes est resté inchangé depuis 2017 (trois bénéficiaires sur quatre étaient des hommes), en 2022, le programme a connu une augmentation de 7% du nombre de femmes voulant retourner. 61% des migrants interrogés ont déclaré qu’ils sont rentrés en raison du manque de ressources financières, les empêchant de maintenir un niveau de subsistance suffisant au Maroc, tandis que 15% ont déclaré avoir choisi de rentrer car ils n’ont pas pu poursuivre leur parcours migratoire vers leur pays de destination.
    L’année 2022 a enregistré également le retour volontaire de 639 Marocains au pays.

    Sachant que le nombre de retours a considérablement augmenté cette année-là, en raison de la crise socioéconomique en Europe suite à la pandémie de Covid-19, d’événements tels que la guerre en Ukraine et la levée des restrictions de mobilité imposées pour endiguer la propagation de ladite pandémie.

    Les tendances de retour se sont progressivement étendues au-delà des pays de l’Union européenne, notamment avec l’augmentation du nombre de demandes d’aide au retour en provenance de la Turquie (+5229%) et de la Tunisie (+25%), par rapport aux chiffres de 2021. L’OIM s’attend à ce que cette tendance à la hausse se poursuive au cours des prochaines années.

    Changement

    Sur un autre registre, le rapport de l’OIM révèle que le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ont dépassé l’Espace économique européen (EEE) en tant que principale région d’accueil, représentant 33% du nombre total de cas. Le Niger était le principal pays d’accueil avec un nombre total de 15.097 migrants aidés à rentrer, confirmant la tendance des années précédentes avec une augmentation des retours depuis les pays de transit dans d’autres régions d’accueil en dehors de l’Espace économique européen.

    « Cela peut s’expliquer en partie par une hausse du nombre de retours humanitaires, facilités dans le cadre des programmes de retour humanitaire volontaire de l’OIM en Libye et au Yémen, en combinaison avec le nombre croissant de parties prenantes facilitant le retour et la réintégration, en particulier dans l’EEE. Malgré ce changement, certaines tendances sont restées les mêmes. Les trois principaux pays d’accueil à partir desquels le retour volontaire a été facilité en 2022 étaient le Niger, la Libye et l’Allemagne. De même, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale sont restées la principale région d’origine, représentant 47% du nombre total de migrants bénéficiant d’une aide au retour en 2022. Le Mali est devenu le premier pays d’origine des migrants en 2022, dépassant la Guinée, suivie de l’Ethiopie en troisième position », précise ledit rapport.

    Préoccupation

    Cependant, nombreux sont les ONG et les chercheurs qui doutent du caractère véritablement « volontaire » des programmes RVA (retour volontaire assisté). Tel est le cas de l’Ordre de Malte, qui estime qu’”en réalité, peu de personnes souhaitaient réellement repartir. Les déboutés du droit d’asile, en particulier, [ont] de multiples raisons pour ne pas vouloir rentrer (éventuelles menaces dans le pays d’origine, perte de l’accès aux soins en France, raisons économiques). Il y a aussi cette question paradoxale ou ambivalente du retour : repartir au pays d’origine est vécu comme l’échec d’un projet d’émigration (pas de régularisation, échec de projets personnels ou familiaux). Comment serait-il alors possible de transformer ce sentiment d’échec en projet de vie ?”.

    Dans son article, « Le retour volontaire assisté  : Ses implications sur les femmes et les enfants » datant de 2016, Monica Encinas affirme que « les programmes de rapatriement sont organisés en partenariat étroit avec les gouvernements nationaux qui ont un intérêt manifeste à limiter le nombre de migrants et de réfugiés qui tentent d’entrer sur leur territoire chaque année ». Elle ajoute que « certaines ONG ont le sentiment que de nombreux réfugiés participent uniquement à ces programmes parce qu’ils y sont poussés une fois que les gouvernements leur ont stratégiquement retiré l’accès aux services essentiels et les ont menacés d’expulsion ». Et « elles ne sont pas les seules à avoir cette impression », poursuivit-elle. Anne Koch, chargée de recherche, suggère que les programmes de RVA lancés par l’UNHCR et l’OIM doivent être considérés comme « provoqués par les Etats » dans la mesure où ils permettent aux gouvernements occidentaux d’externaliser l’expulsion et d’en confier la responsabilité à l’UNHCR et à l’OIM.

    Elle signale en outre que dès que « les retours forcés et les retours volontaires sont organisés de manière conjointe, la notion de volontariat n’est plus garantie ». En 2013, une autre étude a montré que des fonctionnaires gouvernementaux ont admis qu’ils utilisaient la menace de l’expulsion afin d’augmenter la participation aux programmes de RVA ».

    En outre, Monica Encinas explique que la majorité des demandeurs d’asile qui participent à des programmes de RVA retournent dans des zones où le conflit est encore actif (comme en Afghanistan et en Somalie) et où les chances de réintégration à long terme et en toute sécurité sont pratiquement inexistantes. « Un rapport de l’UNHCR datant de juillet 2013 sur l’autoévaluation de son programme de retour d’Afghans en Afghanistan – le programme le plus important de rapatriement jamais mis en œuvre par l’UNHCR – soulignait les difficultés auxquelles l’agence devait faire face en vue de parvenir à apporter un soutien à la réintégration sociale et économique en Afghanistan.

    Plus tard la même année, Human Rights Watch a recommandé à l’UNHCR et à l’OIM de cesser de se concentrer sur les programmes de RVA au vu de l’insécurité croissante et de l’incapacité des deux agences à fournir des services d’appui adéquats suite au retour des réfugiés », écrit-elle avant de noter que certaines implications juridiques, jugées potentiellement dangereuses, selon elle, accompagnent la participation à des programmes de RVA. « Tous ceux qui y participent doivent signer une « déclaration de retour volontaire ».

    Cette dernière raison suscite de vives préoccupations dans la mesure où une demande d’asile est axée sur un facteur principal : pouvoir faire la preuve d’une crainte légitime de persécution dans le pays que vous fuyez. Le fait de signer une déclaration de retour volontaire dans le cadre d’un RVA implique que vous n’avez plus de motifs de craindre des persécutions et il est probable qu’une demande subséquente – en cas de changement pour le pire des conditions dans le pays de retour – perde toute crédibilité au regard de la loi. Une nouvelle demande d’asile risque donc de se heurter à des obstacles juridiques sérieux parce que le requérant a déjà effectué un retour dans son pays par le passé », a-t-elle fait savoir.

    Disproportion

    Des considérations juridiques et humanistes qui ne semblent pas être prises en considération par les décideurs politiques à Bruxelles qui misent trop sur cette stratégie qui coûte moins cher que les expulsions. Le Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (CERE) a déjà dénoncé une politique européenne “disproportionnément concentrée sur les retours et ne portant pas assez l’effort sur la politique d’accueil en elle-même ou sur l’amélioration du processus de traitement des demandes d’asile”. Autrement dit, l’UE s’occupe trop des conditions de retour des migrants irréguliers alors qu’elle devrait consacrer son énergie à améliorer l’accueil de ceux qui peuvent légitimement prétendre à l’asile. Pour l’UE, ces retours coûtent moins cher que les expulsions. Selon les estimations du service de recherche du Parlement européen, un retour forcé – qui nécessite bien souvent un passage en centre de rétention – coûte en moyenne 3.414 euros, contre seulement 560 pour un retour dit “volontaire”. A souligner, cependant, que les retours volontaires ne représentent que 27% des départs depuis le territoire de l’Union et sont aujourd’hui trop rarement effectifs.

    « La Commission européenne estime qu’en 2019, sur les 490.000 ordres de retour passés sur le territoire de l’Union, seuls 140.000 ont effectivement été appliqués. Soit un peu moins d’un tiers du total. Il n’est, en effet, pas rare qu’une personne ayant accepté la procédure de retour volontaire disparaisse peu avant de devoir prendre l’avion, pour différentes raisons : crainte pour son intégrité physique une fois rentrée dans son pays d’origine, honte de devoir assumer l’échec du processus migratoire aux yeux de ses proches… », observe le site Touteleurop.eu.

    Désenchantement

    Une enquête, menée en 2020 par la chaîne d’information européenne Euronews, a révélé que « des dizaines de migrants ayant participé au programme RVA ont déclaré qu’une fois rentrés chez eux, ils ne recevaient aucune aide. Et ceux qui ont reçu une aide financière ont déclaré qu’elle était insuffisante ». L’enquête a indiqué également que « nombreux sont ceux qui envisagent de tenter à nouveau de se rendre en Europe dès que l’occasion se présente ». Mais Kwaku Arhin-Sam, spécialiste des projets de développement et directeur de l’Institut d’évaluation Friedensau, estime de manière plus générale que la moitié des programmes de réintégration de l’OIM échouent.

    Les journalistes d’Euronews expliquent qu’« entre mai 2017 et février 2019, l’OIM a aidé plus de 12.000 personnes à rentrer au Nigeria. Parmi elles, 9.000 étaient "joignables" lorsqu’elles sont rentrées chez elles, 5.000 ont reçu une formation professionnelle et 4.300 ont bénéficié d’une "aide à la réintégration". Si l’on inclut l’accès aux services de conseil ou de santé, selon l’OIM Nigeria, un total de 7.000 sur 12.000 rapatriés – soit 58% – ont reçu une aide à la réintégration. Mais le nombre de personnes classées comme ayant terminé le programme d’aide à la réintégration n’était que de 1.289. De plus, les recherches de Jill Alpes, experte en migration et chercheuse associée au Centre de recherche sur les frontières de Nimègue, ont révélé que des enquêtes visant à vérifier l’efficacité de ces programmes n’ont été menées qu’auprès de 136 rapatriés ».

    Parallèlement, ajoute Euronews, une étude de Harvard sur les Nigérians de retour de Libye estime que 61,3% des personnes interrogées ne travaillaient pas après leur retour, et qu’environ 16,8% supplémentaires ne travaillaient que pendant une courte période, pas assez longue pour générer une source de revenus stable. A leur retour, la grande majorité des rapatriés, 98,3%, ne suivaient aucune forme d’enseignement régulier.

    Dans certains cas, l’argent que les migrants reçoivent est utilisé pour financer une nouvelle tentative de rejoindre l’Europe. « Dans un des cas, une douzaine de personnes qui avaient atteint l’Europe et avaient été renvoyées chez elles ont été découvertes parmi les survivants du naufrage d’un bateau en 2019 qui se dirigeait vers les Iles Canaries », rapportent les journalistes d’Euronews.

    Insuffisances

    Pour certains spécialistes, les programmes RVA renvoient à une autre problématique, celle du travail de l’OIM. Selon Loren Landau, professeur spécialiste des migrations et du développement au Département du développement international d’Oxford, interrogé par Euronews, ce travail de l’OIM souffre en plus d’un manque de supervision indépendante. "Il y a très peu de recherches indépendantes et beaucoup de rapports. Mais ce sont tous des rapports écrits par l’OIM. Ils commandent eux-mêmes leur propre évaluation, et ce depuis des années", détaille le professeur.

    Pour sa part, le Dr. Arhin-Sam, spécialiste de l’évaluation des programmes de développement, interrogé également par Euronews, remet en question la responsabilité et la redevabilité de l’ensemble de la structure, arguant que les institutions et agences locales dépendent financièrement de l’OIM. "Cela a créé un haut niveau de dépendance pour les agences nationales qui doivent évaluer le travail des agences internationales comme l’OIM : elles ne peuvent pas être critiques envers l’OIM. Alors que font-elles ? Elles continuent à dire dans leurs rapports que l’OIM fonctionne bien. De cette façon, l’OIM peut ensuite se tourner vers l’UE et dire que tout va bien".

    Pour M. Arhin-Sam, les ONG locales et les agences qui aident les rapatriés "sont dans une compétition très dangereuse entre elles" pour obtenir le plus de travail possible des agences des Nations unies et entrer dans leurs bonnes grâces. "Si l’OIM travaille avec une ONG locale, celle-ci ne peut plus travailler avec le HCR. Elle se considère alors chanceuse d’être financée par l’OIM et ne peut donc pas la critiquer", affirme-t-il. A noter, par ailleurs, que l’UE participe en tant qu’observateur aux organes de décision du HCR et de l’OIM, sans droit de vote, et tous les Etats membres de l’UE sont également membres de l’OIM. "Le principal bailleur de fonds de l’OIM est l’UE, et ils doivent se soumettre aux exigences de leur client. Cela rend le partenariat très suspect", souligne M. Arhin-Sam. Et de conclure : « [Lorsque les fonctionnaires européens] viennent évaluer les projets, ils vérifient si tout ce qui est écrit dans le contrat a été fourni. Mais que cela corresponde à la volonté des gens et aux complexités de la réalité sur le terrain, c’est une autre histoire ».

    https://www.libe.ma/Programme-de-retour-volontaire-pas-si-volontaire-que-ca_a141240.html
    #retour_volontaire #IOM #OIM #migrations #asile #réfugiés #statistiques #chiffres #réintégration

    • Quelque 900 migrants irréguliers marocains s’apprêteraient à regagner le pays

      Le Maroc s’apprête à accueillir 900 migrants marocains en situation irrégulière en Allemagne. La ministre allemande de l’Intérieur, Nancy Faeser, a obtenu, lors de sa récente visite au Maroc, l’aval des autorités marocaines concernant ce refoulement.
      Selon frankfurter allgemeine zeitung, le Royaume aurait consenti à reprendre les ressortissants marocains ayant fait l’objet de décisions d’expulsion. Une décision critiquée par l’Organisation démocratique du travail (ODT) qui rejette l’expulsion forcée des migrants marocains, sans que ces derniers ne puissent exprimer leur désir de retour volontaire dans leur pays, dans le plein respect des conditions de réintégration et d’insertion.
      En effet, nombreux sont les ONG et les chercheurs qui doutent du caractère véritablement « volontaire » des programmes de RVA (retour volontaire assisté). En réalité, peu de personnes souhaitaient réellement repartir. Les déboutés du droit d’asile, en particulier, ont de multiples raisons de ne pas vouloir rentrer (éventuelles menaces dans le pays d’origine, perte de l’accès aux soins, raisons économiques).
      Il y a aussi cette question paradoxale ou ambivalente du retour : repartir au pays d’origine est vécu comme l’échec d’un projet d’émigration (pas de régularisation, échec de projets personnels ou familiaux).
      A noter, cependant, que le Maroc figure au Top 5 des pays hôtes accueillant les migrants en retour en 2022. Il occupe la 3ème place avec l’assistance de 2.457 migrants. Il est devancé par la Libye (11.200) et le Yémen (4080). La Tunisie et l’Algérie arrivent respectivement en 4ème et 5ème positions avec 1.607 et 1.306 migrants assistés. Le Maroc fait partie également du Top 5 des pays d’origine avec 627 migrants assistés. Décryptage.

      L’Organisation démocratique du travail (ODT) dit non aux expulsions des migrants marocains en Allemagne. Elle rejette, en effet, l’expulsion forcée des migrants marocains, sans exprimer leur désir de retour volontaire dans leur pays et dans le plein respect des conditions de réintégration et d’insertion.

      Elle appelle également au respect des droits humains et fondamentaux des migrants et des réfugiés et demandeurs d’asile, à s’abstenir d’expulsions forcées et répressives pour des motifs politiques et électoralistes, et à ce que la priorité soit donnée aux solutions alternatives centrées sur les droits de l’Homme, fondées sur un règlement global de leur situation, accordant un statut légal aux immigrés marocains et mettant fin au phénomène de détention des enfants.

      Deux poids deux mesures

      Dans un communiqué publié récemment, cette organisation syndicale considère que « tous les migrants, réfugiés et demandeurs d’asile doivent être protégés et traités avec dignité, en respectant pleinement leurs droits, quels que soient leurs statuts, conformément au droit international ».

      A ce propos, l’ODT critique la décision allemande visant à renvoyer 900 immigrés marocains irréguliers dans leur pays d’origine. Selon elle, Berlin et les autres pays européens poursuivent leur politique hypocrite de migration basée sur les expulsions des migrants irréguliers et l’accueil des compétences pour lesquelles « le Royaume du Maroc dépense chaque année des millions de dirhams pour leur formation pour ensuite les livrer sur un plateau d’or à l’Allemagne ou à d’autres pays européens, au Canada, aux Etats-Unis d’Amérique... »

      Le communiqué en question précise, en outre, que « le nouveau projet d’expulsions allemand cible particulièrement les Arabes, les musulmans et les Africains en général » en expliquant que « les migrants de ces pays sont souvent expulsés d’une manière qui viole les principes des droits de l’Homme et les normes internationales interdisant l’expulsion collective et le principe de non-refoulement sans motif valable ».

      En effet, ajoute le document, les expulsions se font selon le procédé de « recourir de plus en plus à la détention des migrants et à leur renvoi dans leur pays d’origine, sur la base de justifications avancées non fondées, voire même la conclusion d’accords bilatéraux avec leurs pays d’origine, moyennant une aide financière misérable notamment avec certains pays africains, du Maghreb, la Syrie, le Soudan, le Yémen et la Libye ».

      Mettre fin aux expulsions

      Pour l’ODT, il est temps d’abandonner « tout accord visant à expulser abusivement les Marocains en situation irrégulière contre leur gré, avec l’obligation de respect des droits des migrants et de leurs familles conformément aux conventions internationales, tout en envisageant un retour volontaire et sûr dans le cadre de la réintégration dans leur pays d’origine ».

      L’Organisation démocratique du travail exige aussi de « mettre fin aux violations des droits humains des migrants réguliers et irréguliers et à toutes les formes de discrimination et d’exclusion dans tous les domaines économiques et sociaux, en respectant les instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme et les conventions sur la migration et en mettant en œuvre la Charte de Marrakech pour des « migrations sûres, ordonnées et régulières » ainsi que la résolution adoptée par l’Assemblée générale le 19 décembre 2018.

      « Il faut garantir l’accès aux services de base, notamment la santé, l’éducation et le soutien social, sans discrimination ; éliminer la discrimination, combattre les discours de haine et la traite des êtres humains, interdire les expulsions collectives et les refoulements de tous les migrants, et garantir que le retour soit sûr, digne et que la réintégration soit durable », a conclu le bureau exécutif de l’ODT.

      Déclaration d’intention

      A rappeler que la ministre allemande de l’Intérieur, Nancy Faeser, a obtenu, lors de sa récente visite au Maroc, l’aval des autorités marocaines concernant le refoulement des migrants illégaux. Selon frankfurter allgemeine zeitung, le Royaume aurait consenti à reprendre les ressortissants marocains ayant fait l’objet de décisions d’expulsion. Il s’agit de près d’un millier de personnes qui ont déposé des demandes d’asile. La même source a révélé qu’au cours de l’année dernière, environ un millier de Marocains ont demandé l’asile en Allemagne, en ajoutant que le taux de reconnaissance reste faible.

      Lors de cette visite, il y a eu la signature d’une déclaration d’intention commune entre les ministères de l’Intérieur des deux pays visant à renforcer la coopération dans les domaines de la sécurité, de la migration, de la protection civile et de la lutte contre les différentes formes de crime transfrontalier, sur la base de l’égalité, du traitement d’égal à égal, de l’intérêt commun et de l’estime mutuelle. La ministre allemande n’a pas caché la volonté de son gouvernement de signer un accord migratoire bilatéral plus large.

      https://www.libe.ma/Quelque-900-migrants-irreguliers-marocains-s-appreteraient-a-regagner-le-pays_a
      #Allemagne #retour_volontaire_assisté

  • Au #Darfour, la terreur à huis clos : « Ils veulent nous rayer de la carte »

    Depuis le 15 avril et le début de la #guerre au #Soudan, plus de 420 000 personnes se sont réfugiées dans l’est du #Tchad. Principalement issues des communautés non arabes du Darfour, elles témoignent d’attaques délibérées contre les civils, de multiples #crimes_de_guerre, et dénoncent un #nettoyage_ethnique.

    Un mélange de boue et de sang. Des corps emportés par le courant. Des cris de détresse et le sifflement des balles transperçant l’eau marronasse. C’est la dernière image qui hante Abdelmoneim Adam. Le soleil se levait à l’aube du 15 juin sur l’oued Kaja – la rivière saisonnière gonflée par les pluies qui traverse #El-Geneina, capitale du Darfour occidental – et des milliers de personnes tentaient de fuir la ville.

    Partout, des barrages de soldats leur coupaient la route. « Ils tiraient dans le tas, parfois à bout portant sur des enfants, des vieillards », se souvient Abdelmoneim, qui s’est jeté dans l’eau pour échapper à la mort. Des dizaines d’autres l’ont suivi. Une poignée d’entre eux seulement sont arrivés indemnes sur l’autre rive. Lui ne s’est plus jamais retourné.

    Ses sandales ont été emportées par les flots, l’obligeant à poursuivre sa route pieds nus, à la merci des épines. Attendant le crépuscule, il a coupé à travers champs, sous une pluie battante, évitant une dizaine de check-points tenus par les paramilitaires et slalomant entre les furgan, les campements militaires des miliciens arabes qui encerclaient El-Geneina. Il lui a fallu 13 heures pour parcourir la vingtaine de kilomètres qui le séparait du Tchad.

    Le Darfour s’est embrasé dans le sillage de la guerre amorcée le 15 avril à Khartoum entre l’armée régulière dirigée par le général Abdel Fattah al-Bourhane et les #Forces_paramilitaires_de_soutien_rapide (#FSR) du général Hemetti. Dans cette région à l’ouest du pays, meurtrie par les violences depuis 2003, le #conflit a pris une tournure ethnique, ravivant des cicatrices jamais refermées entre communautés.

    Dans la province du Darfour occidental qui borde le Tchad, l’armée régulière s’est retranchée dans ses quartiers généraux, délaissant le contrôle de la région aux FSR. Ces dernières ont assis leur domination en mobilisant derrière elles de nombreuses #milices issues des #tribus_arabes de la région.

    À El-Geneina, bastion historique des #Massalit, une communauté non arabe du Darfour à cheval entre le Soudan et le Tchad, environ 2 000 volontaires ont pris les armes pour défendre leur communauté. Ces groupes d’autodéfense, qui se battent aux côtés d’un ancien groupe rebelle sous les ordres du gouverneur Khamis Abakar, ont rapidement été dépassés en nombre et sont arrivés à court de munitions.

    Après avoir accusé à la télévision les FSR et leurs milices alliées de perpétrer un « génocide », le gouverneur massalit Khamis Abakar a été arrêté le 14 juin par des soldats du général Hemetti. Quelques heures plus tard, sa dépouille mutilée était exhibée sur les réseaux sociaux. Son assassinat a marqué un point de non-retour, le début d’une hémorragie.
    Démons à cheval

    En trois jours, les 15, 16 et 17 juin, El-Geneina a été le théâtre de massacres sanglants perpétrés à huis clos. La ville s’est vidée de plus de 70 % de ses habitant·es. Des colonnes de civils se pressaient à la frontière tchadienne, à pied, à dos d’âne, certains poussant des charrettes transportant des corps inertes. En 72 heures, plus de 850 blessés de guerre, la plupart par balles, ont déferlé sur le petit hôpital d’Adré. « Du jamais-vu », confie le médecin en chef du district. En six mois, plus de 420 000 personnes, principalement massalit, ont trouvé refuge au Tchad.

    Depuis le début du mois de septembre, les affrontements ont baissé en intensité mais quelques centaines de réfugié·es traversent encore chaque jour le poste-frontière, bringuebalé·es sur des charrettes tirées par des chevaux faméliques. Les familles, assises par grappes sur les carrioles, s’accrochent aux sangles qui retiennent les tas d’affaires qu’elles ont pu emporter : un peu de vaisselle, des sacs de jute remplis de quelques kilos d’oignons ou de patates, des bidons qui s’entrechoquent dans un écho régulier, des chaises en plastique qui s’amoncellent.

    Les regards disent les longues semaines à affronter des violences quotidiennes. « Les milices arabes faisaient paître leurs dromadaires sur nos terres. Nous n’avions plus rien à manger. Ils nous imposaient des taxes chaque semaine », témoigne Mariam Idriss, dont la ferme a été prise d’assaut. Son mari a été fauché par une balle. Dans l’immense campement qui entoure la bourgade tchadienne d’Adré, où que se tourne le regard, il y a peu d’hommes.

    « Les tribus arabes et les forces de Hemetti se déchaînent contre les Massalit et plus largement contre tous ceux qui ont la #peau_noire, ceux qu’ils appellent “#ambay”, les “esclaves” », dénonce Mohammed Idriss, un ancien bibliothécaire dont la librairie a été incendiée durant les attaques. Le vieil homme, collier de barbe blanche encadrant son visage, est allongé sur un lit en fer dans l’obscurité d’une salle de classe désaffectée. « On fait face à de vieux démons. Les événements d’El-Geneina sont la continuation d’une opération de nettoyage ethnique amorcée en 2003. Les #Janjawid veulent nous rayer de la carte », poursuit-il, le corps prostré mais la voix claquant comme un coup de tonnerre.

    Les « Janjawid », « les démons à cheval » en arabe. Ce nom, souvent prononcé avec effroi, désigne les milices essentiellement composées de combattants issus des tribus arabes nomades qui ont été instrumentalisées en 2003 par le régime d’Omar al-Bachir dans sa guerre contre des groupes rebelles du Darfour qui s’estimaient marginalisés par le pouvoir central. En 2013, ces milices sont devenues des unités officielles du régime, baptisées Forces de soutien rapide (FSR) et placées sous le commandement du général Mohammed Hamdan Dagalo, alias Hemetti.

    À la chute du dictateur Omar al-Bachir en avril 2019, Hemetti a connu une ascension fulgurante à la tête de l’État soudanais jusqu’à devenir vice-président du Conseil souverain. Partageant un temps le pouvoir avec le chef de l’armée régulière, le général Bourhane, il est désormais engagé dans une lutte à mort pour le pouvoir.
    Un baril de poudre prêt à exploser

    Assis sur des milliards de dollars amassés grâce à l’exploitation de multiples #mines d’#or, et grâce à la manne financière liée à l’envoi de troupes au Yémen pour y combattre comme mercenaires, Hemetti est parvenu en quelques années à faire des FSR une #milice_paramilitaire, bien équipée et entraînée, forte de plus de 100 000 combattants, capable de concurrencer l’armée régulière soudanaise. Ses troupes gardent la haute main sur le Darfour. Sa région natale, aux confins de la Libye, du Tchad et de la Centrafrique, est un carrefour stratégique pour les #ressources, l’or notamment, mais surtout, en temps de guerre, pour les #armes qui transitent par les frontières poreuses et pour le flux de combattants recrutés dans certaines tribus nomades du Sahel, jusqu’au Niger et au Mali.

    Depuis la chute d’Al-Bachir, les milices arabes du Darfour, galvanisées par l’ascension fulgurante de l’un des leurs à la tête du pouvoir, avaient poursuivi leurs raids meurtriers sur les villages et les camps de déplacé·es non arabes du Darfour, dans le but de pérenniser l’occupation de la terre. Avant même le début de la guerre, les communautés à l’ouest du Darfour étaient à couteaux tirés.

    La ville d’El-Geneina était segmentée entre quartiers arabes et non arabes. Les kalachnikovs se refourguaient pour quelques liasses de billets derrière les étalages du souk. La ville était peuplée d’un demi-million d’habitant·es à la suite des exodes successifs des dizaines de milliers de déplacé·es, principalement des Massalit. El-Geneina était devenue un baril de poudre prêt à exploser. L’étincelle est venue de loin, le 15 avril, à Khartoum, servant de prétexte au déchaînement de violence à plus de mille kilomètres à l’ouest.

    Mediapart a rencontré une trentaine de témoins ayant fui les violences à l’ouest du Darfour. Parmi eux, des médecins, des commerçants, des activistes, des agriculteurs, des avocats, des chefs traditionnels, des fonctionnaires, des travailleurs sociaux. Au moment d’évoquer « al-ahdath », « les événements » en arabe, les rescapés marquent un temps de silence. Souvent, les yeux s’embuent, les mains s’entortillent et les premiers mots sont bredouillés, presque chuchotés.

    « Madares, El-Ghaba, Thaoura, Jamarek, Imtidad, Zuhur, Tadamon » : Taha Abdallah énumère les quartiers d’El-Geneina anciennement peuplés de Massalit qui ont aujourd’hui été vidés de leurs habitant·es. Les maisons historiques, le musée, l’administration du registre civil, les archives, les camps de déplacé·es ont été détruits. « Il n’y a plus de trace, ils ont tout effacé. Tout a été nettoyé et les débris ramassés avec des pelleteuses », déplore le membre de l’association Juzur, une organisation qui enquêtait sur les crimes commis à l’ouest du Darfour.

    Sur son téléphone, l’un de ses camarades, Arbab Ali, regarde des selfies pris avec ses amis. Sur chaque photo, l’un d’entre eux manque à l’appel. « Ils ne sont jamais arrivés ici. » Sur l’écran, son doigt fait défiler des images de mortiers, de débris de missiles antiaériens tirés à l’horizontale vers des quartiers résidentiels. « J’ai retrouvé la dépouille d’un garçon de 20 ans, le corps presque coupé en deux », s’étouffe le jeune homme assis à l’ombre d’un rakuba, un préau de paille.

    Ce petit groupe de militants des droits humains dénonce une opération d’élimination systématique ciblant les élites intellectuelles et politiques de la communauté massalit, médecins, avocats, professeurs, ingénieurs ou activistes. À chaque check-point, les soldats des FSR ou des miliciens sortaient leur téléphone et faisaient défiler le nom et les photos des personnes recherchées. « S’ils trouvent ton nom sur la liste, c’est fini pour toi. »

    L’avocat Jamal Abdallah Khamis, également membre de l’association Juzur, tient quant à lui une autre liste. Sur des feuilles volantes, il a soigneusement recopié les milliers de noms des personnes blessées, mortes ou disparues au cours des événements à El-Geneina. Parmi ces noms, se trouve notamment celui de son mentor, l’avocat Khamis Arbab, qui avait constitué un dossier documentant les attaques répétées des milices arabes sur un camp de déplacé·es bordant la ville. Il a été enlevé à son domicile, torturé, puis son corps a été jeté. Les yeux lui avaient été arrachés.

    « Tous ceux qui tentaient de faire s’élever les consciences, qui prêchaient pour un changement démocratique et une coexistence pacifique entre tribus, étaient dans le viseur », résume Jamal Abdallah Khamis. Les femmes n’ont pas échappé à la règle. Zahra Adam était engagée depuis une quinzaine d’années dans une association de lutte contre les violences faites aux femmes. Son nom apparaissait sur les listes des miliciens. Elle était recherchée pour son travail de documentation des viols commis dans la région. Rien qu’entre le 24 avril et le 20 mai, elle a recensé 60 cas de viols à El-Geneina. « Ensuite, on a dû arrêter de compter. L’avocat chargé du dossier a été éliminé. Au total, il y a des centaines de victimes, ici, dans le camp. Mais la plupart se terrent dans le silence », relate-t-elle.

    De nombreuses militantes ont été ciblées. Rabab*, une étudiante de 23 ans engagée dans un comité de quartier, avait été invitée sur le plateau d’une radio locale quelques jours avant le début de la guerre. Sur les ondes, elle avait alerté sur le risque imminent de confrontations entre communautés. Début juin, elle a été enlevée dans le dortoir de l’université par des soldats enturbannés, puis embarquée de force, les yeux bandés, vers un compound où une soixantaine de filles étaient retenues captives. « Ils disaient : “Vous ne reverrez jamais vos familles.” Ils vendaient des filles à d’autres miliciens, parfois se les échangeaient contre un tuk-tuk », témoigne-t-elle d’une voix éteinte, drapée d’un niqab noir, de larges cernes soulignant ses yeux.

    Depuis 2003, au Darfour, le corps des femmes est devenu un des champs de bataille. « Le viol est un outil du nettoyage ethnique. Ils violent pour humilier, pour marquer dans la chair leur domination. Ils sont fiers de violer une communauté qu’ils considèrent comme inférieure », poursuit Zahra, ajoutant que même des fillettes ont été violées au canon de kalachnikov.

    Selon plusieurs témoins rencontrés par Mediapart, dans les jours qui ont suivi les massacres de la mi-juin, plusieurs chefs de milices arabes, en coordination avec les Forces de soutien rapide, ont entrepris de dissimuler les traces du carnage. Les équipes du Croissant-Rouge soudanais ont été chargées par un « comité sanitaire » de ramasser les corps qui jonchaient les avenues.

    « L’odeur était pestilentielle. Les cadavres pourrissaient au soleil, parfois déchiquetés par les chiens », souffle Mohammed*, le regard vide. « Chaque jour, on remplissait la benne d’un camion à ras bord. Elle pouvait contenir plus d’une cinquantaine de corps et les camions faisaient plusieurs allers-retours », détaille Ahmed*, un autre témoin forcé de jouer les fossoyeurs pendant dix jours, « de 8 à 14 heures ». Les équipes avaient interdiction de prendre des photos et de décompter le nombre de morts. Il leur était impossible de savoir où les camions se rendaient.
    Une enquête de la Cour pénale internationale

    Échappant aux regards des soldats, l’étudiant de 28 ans s’est glissé entre la cabine et la benne de l’un des camions. Le chauffeur a pris la direction d’un site appelé Turab El-Ahmar, à l’ouest de la ville. « Les trous étaient déjà creusés. À plusieurs reprises, un camion arrivait, levait la benne et déversait les corps », se souvient-il. Puis une pelleteuse venait reboucher la fosse.

    Quartier par quartier, maison par maison, ils ont ratissé la ville d’El-Geneina. « En tout, il y a eu au moins 4 000 corps enterrés », estime Mohammed. Début septembre, le Commissariat des Nations unies pour les droits de l’homme a annoncé avoir reçu des informations crédibles sur l’existence de treize fosses communes.

    Les paramilitaires nient toute responsabilité dans ce qu’ils dépeignent comme un conflit ethnique entre communautés de l’ouest du Darfour. Malgré les demandes de Mediapart, la zone reste inaccessible pour les journalistes.

    « Entre le discours des FSR et celui des victimes, la justice tranchera », conteste Arbab Ali avec une once d’optimisme. Le 13 juillet, la Cour pénale internationale (CPI) a annoncé l’ouverture d’une nouvelle enquête pour « crimes de guerre » au Darfour. Elle vient s’ajouter aux investigations démarrées en 2005 à la suite de la guerre qui, sous le régime d’Omar al-Bachir, avait déjà fait plus de 300 000 morts dans la région.

    Pourtant, il règne chez les rescapé·es du Darfour un sentiment de déjà-vu. À ceci près que la guerre actuelle ne soulève pas la même indignation internationale qu’en 2003. Beaucoup de réfugié·es n’attendent plus rien de la justice internationale. Vingt ans après les premières enquêtes de la CPI, aucune condamnation n’a encore été prononcée.

    Alors, dans les travées du camp, le choc du déplacement forcé laisse place à une volonté de revanche. Certains leaders massalit ont pris langue avec l’armée régulière. Une contre-offensive se prépare. Le camp bruisse de rumeurs sur des mouvements de troupes et des livraisons d’armes au Darfour. Côté tchadien, les humanitaires et les autorités s’attendent à ce que la situation dégénère à nouveau.

    Au Soudan, le conflit ne se résume plus seulement en un affrontement entre deux armées. Aujourd’hui, chaque clan et chaque tribu joue sa survie au milieu de la désintégration de l’État. Les voix dissidentes, opposées à une guerre absurde, sont criminalisées par les belligérants et souvent emprisonnées. La guerre est partie pour durer. Et les civils, prisonniers d’un engrenage meurtrier, en payent le prix.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/131123/au-darfour-la-terreur-huis-clos-ils-veulent-nous-rayer-de-la-carte
    #réfugiés_soudanais #génocide

  • The Antifascists

    A low-intensity war is being fought on the streets of Europe and the aim is on fascism. This critically acclaimed documentary takes us behind the masks of the militants called antifascists.

    In this portrait of the antifascists in Greece and Sweden we get to meet key figures that explain their view on their radical politics but also to question the level their own violence and militancy.

    https://www.youtube.com/watch?v=XYHnd4boUoM


    #antifa #anti-fascisme #film #documentaire #film_documentaire

  • Après la #tempête en #Normandie, des centaines de milliers d’#huîtres échouées

    En Normandie, la #tempête_Ciaran a aussi fait des dégâts dans les parcs #ostréicoles. Les éleveurs d’huîtres sont à pied d’œuvre pour récupérer les cages échouées et sauver leurs #mollusques.

    Après la tempête Ciaran, le littoral normand panse ses plaies, à terre mais aussi en mer où les dégâts sont plus insidieux. « En deux journées, ce sont entre 300 et 400 poches d’huîtres [des sacs grillagés où sont élevées les huîtres] de mon exploitation que nous avons ramassées », dit Patrice Rodes, depuis son tracteur. L’ostréiculteur de 54 ans, sur le terrain malgré son pied cassé, a dû faire appel à tous ses employés, saisonniers comme permanents, pour tenter de sauver ce qui peut encore l’être.

    Acquise en 1996, son exploitation ostréicole s’étend sur près de huit hectares, principalement sur la commune de Gouville-sur-Mer. « Seules les poches ramassées dans les premiers jours vont être remises en parc afin qu’elles se dégagent du sable accumulé et que les huîtres se refassent une santé. Elles seront à nouveau consommables dans un mois environ, contrairement aux autres », explique-t-il.

    Avec environ 6 000 poches à huîtres par hectare sur la côte ouest de la Normandie, les rafales de vent mesurées à près de 170 km/h à Granville ont endommagé les exploitations conchylicoles de la zone.
    Un bilan difficile à établir

    « Difficile d’établir un bilan précis pour l’instant et même dans les prochaines semaines car il n’y aura pas de marée à coefficient au-dessus de 90 d’ici la fin de l’année… les parcs à huîtres ne seront donc pas suffisamment découverts d’ici là pour tout répertorier », dit Jean-Louis Blin, ingénieur territorial et responsable du pôle conchyliculture au syndicat Synergie mer et littoral.

    Ce samedi 4 novembre vers 15 h, les employés de Patrice Rodes se racontent leurs galères de tempête. Réunis dans le hangar et en tenue, les équipes sont prêtes. Après le ramassage la veille des poches à huîtres sur la plage, cap cette fois-ci sur une zone plus reculée où bon nombre d’entre elles ont atterri. « Comme les poches sont équipées de flotteurs, elles ont été canalisées et dirigées vers le havre, plus dans les terres », détaille Patrice Rodes.

    C’est à pied et même avec une petite embarcation qu’il faut récupérer les poches, une à une. Pesant environ huit kilos sans compter le sable qui les piège, certains ouvriers arrivent à en porter trois à la fois, d’autres qu’une seule. « À cette période, mon équipe était normalement en repos mais tout le monde a répondu présent pour aider », continue l’ostréiculteur, qui peine parfois à diriger son tracteur avec son plâtre. « Ils voient que je n’ai pas le moral. Mes deux filles ne sont pas dans le métier mais ont tenu à venir filer un coup de main. »
    Une pollution à résorber

    Bien qu’avertis, les pouvoirs publics ont tant à faire dans cette partie de la Normandie que les conchyliculteurs ne peuvent — presque — compter que sur eux-mêmes. À Gouville-sur-Mer, dès le lendemain de la tempête, des promeneurs ramassaient des poches ici et là. Bien qu’un arrêté préfectoral interdise de ramasser les huîtres, certains tentent le coup ou alors emportent les poches vides chez eux, ou les entassent, pour aider.

    Malgré les efforts des professionnels, certaines zones vont voir ces poches subsister, chaque marée amenant son lot de déchets… « Nous nous sommes mis en rapport avec les services de l’État pour savoir comment aller dans les zones sensibles, notamment celles protégées », dit Thierry Hélie, lui-même ostréiculteur et président du comité régional de la conchyliculture. « Toutes ces matières plastiques vont devoir être ramassées et jusqu’à fin janvier, nous allons donc avoir momentanément des portions d’estran dégradées », déplore-t-il.

    Généralement non assurées — cela coûterait bien trop cher —, les exploitations normandes vont guetter les réponses éventuelles de l’État une fois l’ampleur des pertes mesurée. Les prochaines semaines vont donc être longues pour la profession, d’autant que la période des fêtes arrive, et avec elle l’arrivée de beaucoup d’huîtres sur les tables françaises… « Il faut regarder devant et faire de cela qu’un mauvais souvenir pour vendre nos huîtres à Noël », dit Patrice Rodes, déterminé. En attendant de connaître l’étendue des dégâts, dans environ un mois.

    https://reporterre.net/Apres-la-tempete-en-Normandie-des-centaines-de-milliers-d-huitres-echoue
    #Ciaran

  • Les #voitures_électriques assoiffent les #pays_du_Sud

    Pour extraire des #métaux destinés aux voitures électriques des pays les plus riches, il faut de l’eau. Au #Maroc, au #Chili, en #Argentine… les #mines engloutissent la ressource de pays souffrant déjà de la sécheresse.

    #Batteries, #moteurs… Les voitures électriques nécessitent des quantités de métaux considérables. Si rien n’est fait pour limiter leur nombre et leur #poids, on estime qu’elles pourraient engloutir plusieurs dizaines de fois les quantités de #cobalt, de #lithium ou de #graphite que l’on extrait aujourd’hui.

    Démultiplier la #production_minière dans des proportions aussi vertigineuses a une conséquence directe : elle pompe des #ressources en eau de plus en plus rares. Car produire des métaux exige beaucoup d’eau. Il en faut pour concentrer le métal, pour alimenter les usines d’#hydrométallurgie, pour les procédés ultérieurs d’#affinage ; il en faut aussi pour obtenir les #solvants et les #acides utilisés à chacun de ces stades, et encore pour simplement limiter l’envol de #poussières dans les mines. Produire 1 kilogramme de cuivre peut nécessiter 130 à 270 litres d’eau, 1 kg de nickel 100 à 1 700 l, et 1 kg de lithium 2 000 l [1].

    Selon une enquête de l’agence de notation étatsunienne Fitch Ratings, les investisseurs considèrent désormais les #pénuries_d’eau comme la principale menace pesant sur le secteur des mines et de la #métallurgie. Elle estime que « les pressions sur la ressource, comme les pénuries d’eau localisées et les #conflits_d’usage, vont probablement augmenter dans les décennies à venir, mettant de plus en plus en difficulté la production de batteries et de technologies bas carbone ». Et pour cause : les deux tiers des mines industrielles sont aujourd’hui situées dans des régions menacées de sécheresse [2].

    L’entreprise anglaise #Anglo_American, cinquième groupe minier au monde, admet que « 75 % de ses mines sont situées dans des zones à haut risque » du point de vue de la disponibilité en eau. La #voiture_électrique devait servir à lutter contre le réchauffement climatique. Le paradoxe est qu’elle nécessite de telles quantités de métaux que, dans bien des régions du monde, elle en aggrave les effets : la sécheresse et la pénurie d’eau.

    Au Maroc, la mine de cobalt de #Bou_Azzer exploitée par la #Managem, qui alimente la production de batteries de #BMW et qui doit fournir #Renault à partir de 2025, prélèverait chaque année l’équivalent de la consommation d’eau de 50 000 habitants. À quelques kilomètres du site se trouvent la mine de #manganèse d’#Imini et la mine de #cuivre de #Bleida, tout aussi voraces en eau, qui pourraient bientôt alimenter les batteries de Renault. Le groupe a en effet annoncé vouloir élargir son partenariat avec Managem « à l’approvisionnement de #sulfate_de_manganèse et de cuivre ».

    Importer de l’eau depuis le désert

    Importer du cobalt, du cuivre ou du manganèse depuis la région de Bou Azzer, cela revient en quelque sorte à importer de l’eau depuis le désert. Les prélèvements de ces mines s’ajoutent à ceux de l’#agriculture_industrielle d’#exportation. À #Agdez et dans les localités voisines, les robinets et les fontaines sont à sec plusieurs heures par jour en été, alors que la température peut approcher les 45 °C. « Bientôt, il n’y aura plus d’eau, s’insurgeait Mustafa, responsable des réseaux d’eau potable du village de Tasla, lors de notre reportage à Bou Azzer. Ici, on se sent comme des morts-vivants. »

    Un des conflits socio-environnementaux les plus graves qu’ait connus le Maroc ces dernières années s’est produit à 150 kilomètres de là, et il porte lui aussi sur l’eau et la mine. Dans la région du #Draâ-Tafilalet, dans la commune d’Imider, la Managem exploite une mine d’#argent, un métal aujourd’hui principalement utilisé pour l’#électricité et l’#électronique, en particulier automobile. D’ailleurs, selon le Silver Institute, « les politiques nationales de plus en plus favorables aux véhicules électriques auront un impact positif net sur la demande en argent métal ». À Imider, les prélèvements d’eau croissants de la mine d’argent ont poussé les habitants à la #révolte. À partir de 2011, incapables d’irriguer leurs cultures, des habitants ont occupé le nouveau réservoir de la mine, allant jusqu’à construire un hameau de part et d’autre des conduites installées par la Managem. En 2019, les amendes et les peines d’emprisonnement ont obligé la communauté d’Imider à évacuer cette #zad du désert, mais les causes profondes du conflit perdurent.

    « Ici, on se sent comme des morts-vivants »

    Autre exemple : au Chili, le groupe Anglo American exploite la mine de cuivre d’#El_Soldado, dans la région de #Valparaiso. Les sécheresses récurrentes conjuguées à l’activité minière entraînent des #coupures_d’eau de plus en plus fréquentes. Pour le traitement du #minerai, Anglo American est autorisé à prélever 453 litres par seconde, indique Greenpeace, tandis que les 11 000 habitants de la ville voisine d’#El_Melón n’ont parfois plus d’eau au robinet. En 2020, cette #pénurie a conduit une partie de la population à occuper l’un des #forages de la mine, comme au Maroc.

    #Désalinisation d’eau de mer

    L’année suivante, les associations d’habitants ont déposé une #plainte à la Cour suprême du Chili pour exiger la protection de leur droit constitutionnel à la vie, menacé par la consommation d’eau de l’entreprise minière. Face au mouvement de #contestation national #No_más_Anglo (On ne veut plus d’Anglo), le groupe a dû investir dans une usine de désalinisation de l’eau pour alimenter une autre de ses mégamines de cuivre au Chili. Distante de 200 kilomètres, l’usine fournira 500 litres par seconde à la mine de #Los_Bronces, soit la moitié de ses besoins en eau.

    Les entreprises minières mettent souvent en avant des innovations technologiques permettant d’économiser l’eau sur des sites. Dans les faits, les prélèvements en eau de cette industrie ont augmenté de façon spectaculaire ces dernières années : l’Agence internationale de l’énergie note qu’ils ont doublé entre 2018 et 2021. Cette augmentation s’explique par la ruée sur les #métaux_critiques, notamment pour les batteries, ainsi que par le fait que les #gisements exploités sont de plus en plus pauvres. Comme l’explique l’association SystExt, composée de géologues et d’ingénieurs miniers, « la diminution des teneurs et la complexification des minerais exploités et traités conduisent à une augmentation exponentielle des quantités d’énergie et d’eau utilisées pour produire la même quantité de métal ».

    Réduire d’urgence la taille des véhicules

    En bref, il y de plus en plus de mines, des mines de plus en plus voraces en eau, et de moins en moins d’eau. Les métaux nécessaires aux batteries jouent un rôle important dans ces conflits, qu’ils aient lieu au Maroc, au Chili ou sur les plateaux andins d’Argentine ou de Bolivie où l’extraction du lithium est âprement contestée par les peuples autochtones. Comme l’écrit la politologue chilienne Bárbara Jerez, l’#électromobilité est inséparable de son « #ombre_coloniale » : la perpétuation de l’échange écologique inégal sur lequel est fondé le #capitalisme. Avec les véhicules électriques, les pays riches continuent d’accaparer les ressources des zones les plus pauvres. Surtout, au lieu de s’acquitter de leur #dette_écologique en réparant les torts que cause le #réchauffement_climatique au reste du monde, ils ne font qu’accroître cette dette.

    Entre une petite voiture de 970 kg comme la Dacia Spring et une BMW de plus de 2 tonnes, la quantité de métaux varie du simple au triple. Pour éviter, de toute urgence, que les mines ne mettent à sec des régions entières, la première chose à faire serait de diminuer la demande en métaux en réduisant la taille des véhicules. C’est ce que préconise l’ingénieur Philippe Bihouix, spécialiste des matières premières et coauteur de La ville stationnaire — Comment mettre fin à l’étalement urbain (Actes Sud, 2022) : « C’est un gâchis effroyable de devoir mobiliser l’énergie et les matériaux nécessaires à la construction et au déplacement de 1,5 ou 2 tonnes, pour in fine ne transporter la plupart du temps qu’une centaine de kilogrammes de passagers et de bagages », dit-il à Reporterre.

    « C’est un #gâchis effroyable »

    « C’est à la puissance publique de siffler la fin de partie et de revoir les règles, estime l’ingénieur. Il faudrait interdire les véhicules électriques personnels au-delà d’un certain poids, comme les #SUV. Fixer une limite, ou un malus progressif qui devient vite très prohibitif, serait un bon signal à envoyer dès maintenant. Puis, cette limite pourrait être abaissée régulièrement, au rythme de sortie des nouveaux modèles. »

    C’est loin, très loin d’être la stratégie adoptée par le gouvernement. À partir de 2024, les acheteurs de véhicules de plus de 1,6 tonne devront payer un #malus_écologique au poids. Les véhicules électriques, eux, ne sont pas concernés par la mesure.

    LES BESOINS EN MÉTAUX EN CHIFFRES

    En 2018, l’Académie des sciences constatait que le programme de véhicules électriques français repose sur « des quantités de lithium et de cobalt très élevées, qui excèdent, en fait et à technologie inchangée, les productions mondiales d’aujourd’hui, et ce pour satisfaire le seul besoin français ! » En clair : si on ne renonce pas à la voiture personnelle, il faudra, pour disposer d’une flotte tout électrique rien qu’en France, plus de cobalt et de lithium que l’on en produit actuellement dans le monde en une année.

    L’Agence internationale de l’énergie estime que la demande de lithium pour les véhicules électriques pourrait être multipliée par 14 en 25 ans, celle de cuivre par 10 et celle de cobalt par 3,5. Simon Michaux, ingénieur minier et professeur à l’Institut géologique de Finlande, a calculé récemment que si l’on devait électrifier les 1,4 milliard de voitures en circulation sur la planète, il faudrait disposer de l’équivalent de 156 fois la production mondiale actuelle de lithium, 51 fois la production de cobalt, 119 fois la production de graphite et plus de deux fois et demie la production actuelle de cuivre [3]. Quelles que soient les estimations retenues, ces volumes de métaux ne pourraient provenir du recyclage, puisqu’ils seraient nécessaires pour construire la première génération de véhicules électriques.

    https://reporterre.net/Les-voitures-electriques-assoiffent-les-pays-du-Sud
    #eau #sécheresse #extractivisme #résistance #justice #industrie_automobile #métaux_rares

    • #Scandale du « cobalt responsable » de BMW et Renault au Maroc

      Pour la fabrication des batteries de leurs véhicules électriques, BMW et Renault s’approvisionnent en cobalt au Maroc en se vantant de leur politique d’achat éthique. « Cette publicité est mensongère et indécente. L’extraction de cobalt dans la mine de Bou Azzer, au sud du Maroc, se déroule dans des conditions choquantes, au mépris des règles les plus élémentaires de sécurité, du droit du travail et de la liberté d’association », s’insurgent plusieurs responsables syndicaux et associatifs, basés en France et au Maroc.

      Pour la fabrication des batteries de leurs véhicules électriques, BMW et Renault s’affichent en champions de la mine responsable. Depuis 2020, la marque allemande s’approvisionne en cobalt au Maroc auprès de la Managem, grande entreprise minière appartenant à la famille royale. En 2022, Renault l’a imité en signant un accord avec le groupe marocain portant sur l’achat de 5000 tonnes de sulfate de cobalt par an pour alimenter sa « gigafactory » dans les Hauts de France. Forts de ces contrats, les deux constructeurs automobiles ont mené des campagnes de presse pour vanter leur politique d’achat de matières premières éthiques, BMW assurant que « l’extraction de cobalt par le groupe Managem répond aux critères de soutenabilité les plus exigeants » en matière de respect des droits humains et de l’environnement.

      Cette publicité est mensongère et indécente. L’extraction de cobalt dans la mine de Bou Azzer, au sud du Maroc, se déroule dans des conditions choquantes, au mépris des règles les plus élémentaires de sécurité, du droit du travail et de la liberté d’association. Elle est responsable de violations de droits humains, d’une pollution majeure à l’arsenic et menace les ressources en eau de la région, comme l’ont révélé l’enquête de Celia Izoard sur Reporterre et le consortium d’investigation réunissant le quotidien Süddeutsche Zeitung, les radiotélévisions allemandes NDR et WDR et le journal marocain Hawamich (2).

      Une catastrophe écologique

      Les constructeurs automobiles n’ont jamais mentionné que la mine de Bou Azzer n’est pas seulement une mine de cobalt : c’est aussi une mine d’arsenic, substance cancérigène et hautement toxique. Depuis le démarrage de la mine par les Français en 1934, les déchets miniers chargés d’arsenic ont été massivement déversés en aval des usines de traitement. Dans les oasis de cette région désertique, sur un bassin versant de plus de 40 kilomètres, les eaux et les terres agricoles sont contaminées. A chaque crue, les résidus stockés dans les bassins de la mine continuent de se déverser dans les cours d’eau.

      A Zaouit Sidi-Blal, commune de plus de 1400 habitants, cette pollution a fait disparaître toutes les cultures vivrières à l’exception des palmiers dattiers. Les représentants de la commune qui ont mené des procédures pour faire reconnaître la pollution ont été corrompus ou intimidés, si bien que la population n’a fait l’objet d’aucune compensation ou mesure de protection.

      Dans le village de Bou Azzer, à proximité immédiate du site minier, treize familles et une vingtaine d’enfants se trouvent dans une situation d’urgence sanitaire manifeste. Faute d’avoir été relogés, ils vivent à quelques centaines de mètres des bassins de déchets contenant des dizaines de milliers de tonnes d’arsenic, au milieu des émanations d’acide sulfurique, sans argent pour se soigner.

      Depuis vingt ans, la mine de Bou Azzer, exploitée en zone désertique, n’a cessé d’augmenter sa production. Le traitement des minerais consomme des centaines de millions de litres d’eau par an dans cette région durement frappée par la sécheresse. Les nappes phréatiques sont si basses que, dans certains villages voisins de la mine, l’eau doit être coupée plusieurs heures par jour. A l’évidence une telle exploitation ne peut être considérée comme « soutenable ».

      Mineurs sacrifiés

      Les conditions d’extraction à Bou Azzer sont aussi alarmantes qu’illégales. Alors que le recours à l’emploi temporaire pour les mineurs de fond est interdit au Maroc, des centaines d’employés de la mine travaillent en contrat à durée déterminée pour des entreprises de sous-traitance. Ces mineurs travaillent sans protection et ne sont même pas prévenus de l’extrême toxicité des poussières qu’ils inhalent. Les galeries de la mine s’effondrent fréquemment faute d’équipement adéquat, entraînant des décès ou des blessures graves. Les entreprises sous-traitantes ne disposent d’aucune ambulance pour évacuer les blessés, qui sont transportés en camion. Les nombreux mineurs atteints de silicose et de cancer sont licenciés et leurs maladies professionnelles ne sont pas déclarées. Arrivés à la retraite, certains survivent avec une pension de moins de 100 euros par mois et n’ont pas les moyens de soigner les maladies contractées dans les galeries de Bou Azzer.

      Enfin, si la Managem prétend « promouvoir les libertés syndicales et les droits d’association », la situation politique du Maroc aurait dû amener BMW et Renault à s’intéresser de près à l’application de ces droits humains. Il n’existe à Bou Azzer qu’un syndicat aux ordres de la direction, et pour cause ! En 2011-2012, lors de la dernière grande grève sur le site, les tentatives d’implanter une section de la Confédération des travailleurs ont été violemment réprimées. Les mineurs qui occupaient le fond et qui n’exigeaient que l’application du droit du travail ont été passés à tabac, des grévistes ont été torturés et poursuivis pour « entrave au travail », de même que les membres de l’Association marocaine pour les droits humains qui soutenaient leurs revendications.

      Comment, dans ces conditions, les firmes BMW et Renault osent-elles vanter leurs politiques d’achat de « cobalt responsable » ? Au regard ne serait-ce que des lois sur le devoir de vigilance des entreprises, elles auraient dû prendre connaissance de la situation réelle des mineurs et des riverains de Bou Azzer. Elles auraient dû tout mettre en œuvre pour faire cesser cette situation qui découle d’infractions caractérisées au droit du travail, de l’environnement et de la santé publique. Mieux encore, elles devraient renoncer à la production en masse de véhicules qui ne sauraient être ni soutenables ni écologiques. Les luxueuses BMW i7 pèsent 2,5 tonnes et sont équipées de batteries de 700 kg. La justice sociale et l’urgence écologique imposent aux constructeurs automobiles et aux dirigeants de prendre leurs responsabilités : adopter des mesures drastiques pour réduire le poids et le nombre des véhicules qui circulent sur nos routes. La « transition » pseudo-écologique portée par les pouvoirs publics et les milieux économiques ne doit pas ouvrir la voie au greenwashing le plus éhonté, condamnant travailleurs et riverains à des conditions de travail et d’environnement incompatibles avec la santé et la dignité humaines et renforçant des logiques néocoloniales.

      (1) Tous nos remerciements à Benjamin Bergnes, photographe, qui nous cède le droit de disposer de cette photo dans le cadre exclusif de cette tribune.

      Premiers signataires :

      Annie Thébaud-Mony, Association Henri-Pézerat

      Alice Mogwe, présidente de la Fédération internationale pour les droits humains

      Patrick Baudouin, président de la Ligue des droits de l’Homme

      Agnès Golfier, directrice de la Fondation Danielle-Mitterrand

      Lawryn Remaud, Attac France

      Jawad Moustakbal, Attac Maroc/CADTM Maroc

      Hamid Majdi, Jonction pour la défense des droits des travailleurs, Maroc

      Pascale Fouilly, secrétaire générale du syndicat national des mineurs CFDT, assimilés et du personnel du régime minier de sécurité sociale

      Marie Véron, coordinatrice de l’Alliance écologique et sociale (qui réunit les Amis de la Terre, Attac, la Confédération paysanne, FSU, Greenpeace France, Oxfam France et Solidaires)

      –-

      https://reporterre.net/BMW-et-Renault-impliques-dans-un-scandale-ecologique-au-Maroc

      https://reporterre.net/Mines-au-Maroc-la-sinistre-realite-du-cobalt-responsable

      https://reporterre.net/Au-Maroc-une-mine-de-cobalt-empoisonne-les-oasis

      https://www.tagesschau.de/investigativ/ndr-wdr/umweltstandards-bmw-zulieferer-kobalt-marokko-100.html

      https://www.sueddeutsche.de/projekte/artikel/wirtschaft/bou-azzer-arsen-umweltverschmutzung-e-autos-bmw-e972346

      https://www.ndr.de/der_ndr/presse/mitteilungen/NDR-WDR-SZ-Massive-Vorwuerfe-gegen-Zulieferer-von-BMW,pressemeldungndr24278.html

      https://www.br.de/nachrichten/bayern/schmutzige-kobalt-gewinnung-vorwuerfe-gegen-bmw-zulieferer,TvPhd4K

      https://www.dasding.de/newszone/bmw-zulieferer-marokko-verdacht-umwelt-arbeit-kobalt-100.html

      https://hawamich.info/7361

      https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/131123/scandale-du-cobalt-responsable-de-bmw-et-renault-au-maroc

    • Scandale du cobalt marocain : lancement d’une enquête sur BMW

      À la suite de l’enquête de Reporterre et de médias internationaux sur l’extraction de « cobalt responsable » au Maroc pour les voitures électriques, l’autorité fédérale allemande de contrôle a engagé une procédure contre BMW.

      La mine de cobalt de Bou Azzer, qui alimente la production de batteries de BMW et qui doit fournir Renault à partir de 2025, intoxique les travailleurs et l’environnement. À la suite de nos enquêtes sur ce scandale, l’Office fédéral allemand du contrôle de l’économie et des exportations (Bafa) a ouvert une enquête sur le constructeur automobile BMW. Le gouvernement a confirmé cette information après une question écrite du groupe parlementaire de gauche Die Linke le 25 novembre, selon le quotidien Der Spiegel.

      L’autorité de contrôle pourrait infliger des sanctions à BMW pour avoir enfreint la loi sur le devoir de vigilance des entreprises. Depuis 2020, BMW fait la promotion de son « approvisionnement responsable » au Maroc sans avoir mené d’audit dans cette mine de cobalt et d’arsenic, comme l’a révélé notre investigation menée conjointement avec le Süddeutsche Zeitung, les chaînes allemandes NDR et WDR et le média marocain Hawamich.
      Les mineurs en danger

      Privés de leurs droits syndicaux, les mineurs y travaillent dans des conditions illégales et dangereuses ; les déchets miniers ont gravement pollué les oasis du bassin de l’oued Alougoum au sud de Ouarzazate, où l’eau des puits et les terres présentent des concentrations en arsenic plus de quarante fois supérieures aux seuils.

      En vigueur depuis janvier 2023, la loi allemande sur le devoir de vigilance vise à améliorer le respect des droits humains et de l’environnement dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. Comme dans la loi française, les grandes entreprises ont l’obligation de prévenir, d’atténuer ou de mettre fin à d’éventuelles violations.

      Mais les moyens de contrôle de l’autorité fédérale sont ridiculement insuffisants pour faire appliquer cette loi, estime Cornelia Möhring, députée et porte-parole du parti de gauche Die Linke au Bundestag, interviewée par Reporterre : « Le cas de BMW, qui se vante d’exercer sa responsabilité environnementale et sociale “au-delà de ses usines” et qui a préféré ignorer la réalité de cette extraction, est emblématique, dit-elle. Il montre que le volontariat et l’autocontrôle des entreprises n’ont aucun sens dans un monde capitaliste. Face au scandale du cobalt, le gouvernement fédéral doit maintenant faire la preuve de sa crédibilité en ne se laissant pas piétiner par l’une des plus grandes entreprises allemandes. »

      « L’autocontrôle des entreprises n’a aucun sens »

      Le propriétaire de BMW, Stefan Qandt, est le quatrième homme le plus riche d’Allemagne, souligne Cornelia Möhring. En cas d’infraction avérée au devoir de vigilance, les sanctions maximales prévues par l’autorité de contrôle allemande sont une exclusion des marchés publics pour une durée de trois ans ou une amende allant jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires annuel du groupe (celui de BMW était de 146 milliards d’euros en 2022). Le constructeur s’est déclaré prêt à « exiger de son fournisseur des contre-mesures immédiates » pour améliorer la situation à Bou Azzer. De son côté, la députée Cornelia Möhring estime qu’« une action en justice à l’encontre de BMW pour publicité mensongère serait bienvenue ».

      Quid de Renault, qui a signé en 2022 un accord avec l’entreprise Managem pour une fourniture en cobalt à partir de 2025 pour les batteries de ses véhicules ? Il a lui aussi fait la promotion de ce « cobalt responsable » sans avoir enquêté sur place. Interrogé par Reporterre, le constructeur automobile assure qu’« un premier audit sur site mené par un organisme tiers indépendant » sera mené « très prochainement », et qu’« en cas de non-respect des normes et engagements ESG [environnementaux, sociaux et de gouvernance] du groupe, des mesures correctives seront prises pour se conformer aux normes ». Reste à savoir quelles « normes » pourraient protéger les travailleurs et l’environnement dans un gisement d’arsenic inévitablement émetteur de grands volumes de déchets toxiques.

      https://reporterre.net/Scandale-du-cobalt-marocain-l-Etat-allemand-va-enqueter-sur-BMW

  • Les pratiques de la France à la frontière franco-italienne jugées non conformes par Luxembourg

    Pour télécharger le communiqué : https://www.ldh-france.org/wp-content/uploads/2023/11/CP-interasso-Les-pratiques-de-la-France-a-la-frontiere-franco-italienne-

    Alors que le gouvernement soumet au Sénat son projet de loi sur l’asile et l’immigration, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de Luxembourg vient de rendre un arrêt, en réponse à une question préjudicielle du Conseil d’Etat, qui oblige la France à mettre ses pratiques aux frontières et notamment à la frontière franco-italienne en conformité avec le droit de l’Union européenne.

    Depuis 2015, la France a rétabli les contrôles à ses frontières intérieures, par dérogation au principe de libre circulation dans l’espace Schengen. Et depuis cette date, elle enferme dans des bâtiments de fortune et refoule des personnes étrangères à qui elle refuse l’entrée sur le territoire, notamment à la frontière franco-italienne, comme c’est le cas, en ce moment même, à Menton ou à Montgenèvre. En prévision de l’augmentation des arrivées en provenance d’Italie à la mi septembre, les dispositifs de surveillance ont été renforcés et les baraquements dits de « mise à l’abri » se sont multipliés. Pour enfermer et expulser en toute illégalité, car les constats sur le terrain démontrent que ces contrôles débouchent sur de l’enfermement et des refoulements de personnes en dehors d’un cadre juridique défini.

    À de multiples reprises, depuis plusieurs années, nos associations ont protesté contre cette situation et ont saisi, en vain, les tribunaux français pour obtenir qu’il soit mis fin à ces pratiques en conséquence desquelles, au fil des années, des milliers de personnes ont été privées de liberté et expulsées, sans pouvoir accéder à leurs droits fondamentaux (accès à une procédure, accès au droit d’asile, recours effectif). Nos associations ayant contesté la conformité au droit européen de la disposition du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) qui permet à l’administration de prononcer des « refus d’entrée » aux frontières intérieures sans respecter les normes prévues par la directive européenne 2008/115/CE, dite directive « Retour », le Conseil d’État a saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’une question préjudicielle sur ce point.

    Dans sa décision du 21 septembre 2023, la CJUE a répondu à cette question en retenant le raisonnement juridique défendu par nos organisations. Elle estime que lorsqu’un État membre a réintroduit des contrôles à ses frontières intérieures, les « normes et procédures prévues par cette directive » sont applicables aux personnes qui, se présentant à un point de passage frontalier situé sur son territoire, se voient opposer un refus d’entrer.

    Par cette décision, la CJUE rappelle à tous les Etats membres de l’UE leurs obligations lorsqu’ils rétablissent des contrôles à leurs frontières intérieures :
    – notifier à la personne à qui elle refuse l’entrée une décision de retour vers un pays tiers ainsi qu’une voie de recours effective (autrement dit on ne peut pas se contenter de refouler en la remettant aux autorités de l’État membre de provenance) ;
    – lui accorder un délai de départ volontaire (vers le pays tiers désigné dans la notification) ;
    – n’imposer une privation de liberté à cette personne, dans l’attente de son éloignement, que dans les cas et conditions de la rétention prévus par la directive « Retour ».

    Depuis fin septembre, nos associations organisent de manière régulière des observations des pratiques des forces de l’ordre à la gare de Menton Garavan et aux postes de la police aux frontières de Montgenèvre (Hautes-Alpes) et de Menton pont Saint-Louis (Alpes-Maritimes). Force est de constater que les pratiques à la frontière intérieure n’ont pas évolué. Les contrôles au faciès aux points de passage autorisés (PPA), ainsi que dans d’autres zones frontalières, sont quotidiens, les procédures de « refus d’entrée » sont toujours réalisées à la va-vite, sur le quai de la gare, devant le poste de police ou parfois à l’intérieur de celui-ci, sans interprète et sans examen individuel de la situation des personnes. Des majeurs comme des mineurs sont refoulés, des personnes à qui l’entrée sur le territoire est refusée sont privées de liberté, sans pouvoir demander l’asile ou contester la mesure d’enfermement à laquelle elles sont soumises, et sans accès à un avocat à ou une association.

    Interrogée par des élus qui, pour certains, se sont vu opposer des refus d’accès au locaux dits « de mise à l’abri », la police aux frontières a précisé qu’aucune directive ne lui avait été transmise depuis la décision de la CJUE.

    Parce que la France persiste dans son refus de se conformer au droit de l’UE, les pratiques illégales perdurent et des dizaines de personnes continuent, quotidiennement, à être victimes de la violation de leurs droits fondamentaux.

    Il revient désormais au Conseil d’État de tirer les enseignements de la décision de la CJUE et de mettre fin aux pratiques d’enfermement et de refoulement aux frontières, hors du cadre juridique approprié, notamment à la frontière franco-italienne.

    Organisations signataires : ADDE ; Anafé (Association nationale d’assistance pour les personnes étrangères) ; Emmaüs Roya ; Gisti ; Groupe accueil solidarité ; La Cimade ; LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Roya Citoyenne ; Syndicat de la Magistrature ; Syndicat des avocats de France ; Tous migrant.

    Paris, le 13 novembre 2023

    https://www.ldh-france.org/les-pratiques-de-la-france-a-la-frontiere-franco-italienne-jugees-non-co
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    • ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

      21 septembre 2023 (*)

      « Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Contrôle aux frontières, asile et immigration – Règlement (UE) 2016/399 – Article 32 – Réintroduction temporaire par un État membre du contrôle à ses frontières intérieures – Article 14 – Décision de refus d’entrée – Assimilation des frontières intérieures aux frontières extérieures – Directive 2008/115/CE – Champ d’application – Article 2, paragraphe 2, sous a) »

      Dans l’affaire C‑143/22,

      ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 24 février 2022, parvenue à la Cour le 1er mars 2022, dans la procédure

      Association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE),

      Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE),

      Association de recherche, de communication et d’action pour l’accès aux traitements (ARCAT),

      Comité inter-mouvements auprès des évacués (Cimade),

      Fédération des associations de solidarité avec tou.te.s les immigré.e.s (FASTI),

      Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s (GISTI),

      Ligue des droits de l’homme (LDH),

      Le paria,

      Syndicat des avocats de France (SAF),

      SOS – Hépatites Fédération

      contre

      Ministre de l’Intérieur,

      en présence de :

      Défenseur des droits,

      LA COUR (quatrième chambre),

      composée de M. C. Lycourgos (rapporteur), président de chambre, Mme L. S. Rossi, MM. J.‑C. Bonichot, S. Rodin et Mme O. Spineanu‑Matei, juges,

      avocat général : M. A. Rantos,

      greffier : Mme M. Krausenböck, administratrice,

      vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 janvier 2023,

      considérant les observations présentées :

      – pour l’Association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE), l’Association de recherche, de communication et d’action pour l’accès aux traitements (ARCAT), le Comité inter-mouvements auprès des évacués (Cimade), la Fédération des associations de solidarité avec tou.te.s les immigré.e.s (FASTI), le Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s (GISTI), la Ligue des droits de l’homme (LDH), Le paria, le Syndicat des avocats de France (SAF) et SOS – Hépatites Fédération, par Me P. Spinosi, avocat,

      – pour le Défenseur des droits, par Mme C. Hédon, Défenseure des droits, Mmes M. Cauvin et A. Guitton, conseillères, assistées de Me I. Zribi, avocate,

      – pour le gouvernement français, par Mme A.-L. Desjonquères et M. J. Illouz, en qualité d’agents,

      – pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, Mmes E. Borawska-Kędzierska et A. Siwek-Ślusarek, en qualité d’agents,

      – pour la Commission européenne, par Mmes A. Azéma, A. Katsimerou, MM. T. Lilamand et J. Tomkin, en qualité d’agents,

      ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 mars 2023,

      rend le présent

      Arrêt

      1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 14 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (JO 2016, L 77, p. 1, ci-après le « code frontières Schengen »), ainsi que de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 98).

      2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE), l’Association de recherche, de communication et d’action pour l’accès aux traitements (ARCAT), le Comité inter-mouvements auprès des évacués (Cimade), la Fédération des associations de solidarité avec tou.te.s les immigré.e.s (FASTI), le Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s (GISTI), la Ligue des droits de l’homme (LDH), Le paria, le Syndicat des avocats de France (SAF) et SOS – Hépatites Fédération, au ministre de l’Intérieur (France) au sujet de la légalité de l’ordonnance no 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (JORF du 30 décembre 2020, texte no 41).

      Le cadre juridique

      Le droit de l’Union

      Le code frontières Schengen

      3 Aux termes de l’article 2 du code frontières Schengen :

      « Aux fins du présent règlement, on entend par :

      1) “frontières intérieures” :

      a) les frontières terrestres communes, y compris fluviales et lacustres, des États membres ;

      b) les aéroports des États membres pour les vols intérieurs ;

      c) les ports maritimes, fluviaux et lacustres des États membres pour les liaisons régulières intérieures par transbordeur ;

      2) “frontières extérieures” : les frontières terrestres des États membres, y compris les frontières fluviales et lacustres, les frontières maritimes, ainsi que leurs aéroports, ports fluviaux, ports maritimes et ports lacustres, pour autant qu’ils ne soient pas des frontières intérieures ;

      [...] »

      4 Le titre II de ce code, relatif aux « frontières extérieures », comprend les articles 5 à 21 de celui-ci.

      5 L’article 14 dudit code, intitulé « Refus d’entrée », prévoit :

      « 1. L’entrée sur le territoire des États membres est refusée au ressortissant de pays tiers qui ne remplit pas l’ensemble des conditions d’entrée énoncées à l’article 6, paragraphe 1, et qui n’appartient pas à l’une des catégories de personnes visées à l’article 6, paragraphe 5. Cette disposition est sans préjudice de l’application des dispositions particulières relatives au droit d’asile et à la protection internationale ou à la délivrance de visas de long séjour.

      2. L’entrée ne peut être refusée qu’au moyen d’une décision motivée indiquant les raisons précises du refus. La décision est prise par une autorité compétente habilitée à ce titre par le droit national. Elle prend effet immédiatement.

      La décision motivée indiquant les raisons précises du refus est notifiée au moyen d’un formulaire uniforme tel que celui figurant à l’annexe V, partie B, et rempli par l’autorité compétente habilitée par le droit national à refuser l’entrée. Le formulaire uniforme ainsi complété est remis au ressortissant de pays tiers concerné, qui accuse réception de la décision de refus au moyen dudit formulaire.

      Les données relatives aux ressortissants de pays tiers auxquels l’entrée pour un court séjour a été refusée sont enregistrées dans l’EES conformément à l’article 6 bis, paragraphe 2, du présent règlement et à l’article 18 du règlement (UE) 2017/2226 [du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2017 portant création d’un système d’entrée/de sortie (EES) pour enregistrer les données relatives aux entrées, aux sorties et aux refus d’entrée concernant les ressortissants de pays tiers qui franchissent les frontières extérieures des États membres et portant détermination des conditions d’accès à l’EES à des fins répressives, et modifiant la convention d’application de l’accord de Schengen et les règlements (CE) no 767/2008 et (UE) no 1077/2011 (JO 2017, L 327, p. 20)].

      3. Les personnes ayant fait l’objet d’une décision de refus d’entrée ont le droit de former un recours contre cette décision. Les recours sont formés conformément au droit national. Des indications écrites sont également mises à la disposition du ressortissant de pays tiers en ce qui concerne des points de contact en mesure de communiquer des informations sur des représentants compétents pour agir au nom du ressortissant de pays tiers conformément au droit national.

      L’introduction d’un tel recours n’a pas d’effet suspensif à l’égard de la décision de refus d’entrée.

      Sans préjudice de toute éventuelle compensation accordée conformément au droit national, le ressortissant de pays tiers concerné a le droit à la rectification des données introduites dans l’ESS ou du cachet d’entrée annulé, ou les deux, ainsi qu’à la rectification de toute autre annulation ou ajout qui ont été apportés, de la part de l’État membre qui a refusé l’entrée, si, dans le cadre du recours, la décision de refus d’entrée est déclarée non fondée.

      4. Les gardes-frontières veillent à ce qu’un ressortissant de pays tiers ayant fait l’objet d’une décision de refus d’entrée ne pénètre pas sur le territoire de l’État membre concerné.

      5. Les États membres établissent un relevé statistique sur le nombre de personnes ayant fait l’objet d’une décision de refus d’entrée, les motifs du refus, la nationalité des personnes auxquelles l’entrée a été refusée et le type de frontière (terrestre, aérienne, maritime) auquel l’entrée leur a été refusée, et le transmettent chaque année à la Commission (Eurostat) conformément au règlement (CE) no 862/2007 du Parlement européen et du Conseil[, du 11 juillet 2007, relatif aux statistiques communautaires sur la migration et la protection internationale, et abrogeant le règlement (CEE) no 311/76 du Conseil relatif à l’établissement de statistiques concernant les travailleurs étrangers (JO 2007, L 199, p. 23)].

      6. Les modalités du refus d’entrée sont décrites à l’annexe V, partie A. »

      6 Le titre III du code frontières Schengen, relatif aux « frontières intérieures », comprend les articles 22 à 35 de celui-ci.

      7 L’article 25 dudit code, intitulé « Cadre général pour la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures », dispose, à son paragraphe 1 :

      « En cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure d’un État membre dans l’espace sans contrôle aux frontières intérieures, cet État membre peut exceptionnellement réintroduire le contrôle aux frontières sur tous les tronçons ou sur certains tronçons spécifiques de ses frontières intérieures pendant une période limitée d’une durée maximale de trente jours ou pour la durée prévisible de la menace grave si elle est supérieure à trente jours. La portée et la durée de la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures ne doivent pas excéder ce qui est strictement nécessaire pour répondre à la menace grave. »

      8 L’article 32 du même code, intitulé « Dispositions s’appliquant en cas de réintroduction du contrôle aux frontières intérieures », énonce :

      « Lorsque le contrôle aux frontières intérieures est réintroduit, les dispositions pertinentes du titre II s’appliquent mutatis mutandis. »

      9 L’annexe V, partie A, du code frontières Schengen prévoit :

      « 1. En cas de refus d’entrée, le garde-frontière compétent :

      a) remplit le formulaire uniforme de refus d’entrée figurant dans la partie B. Le ressortissant de pays tiers concerné signe le formulaire et en reçoit une copie après signature. Si le ressortissant de pays tiers refuse de signer, le garde-frontière indique ce refus dans le formulaire, sous la rubrique “observations” ;

      b) en ce qui concerne les ressortissants de pays tiers dont l’entrée pour un court séjour a été refusée, enregistre dans l’EES les données relatives au refus d’entrée conformément à l’article 6 bis, paragraphe 2, du présent règlement et à l’article 18 du règlement (UE) 2017/2226 ;

      c) procède à l’annulation ou à la révocation du visa, le cas échéant, conformément aux conditions fixées à l’article 34 du règlement (CE) no 810/2009 [du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, établissant un code communautaire des visas (code des visas) (JO 2009, L 243, p. 1)] ;

      d) en ce qui concerne les ressortissants de pays tiers dont le refus d’entrée n’est pas enregistré dans l’EES, appose sur le passeport un cachet d’entrée, barré d’une croix à l’encre noire indélébile, et inscrit en regard, à droite, également à l’encre indélébile, la ou les lettres correspondant au(x) motif(s) du refus d’entrée, dont la liste figure dans le formulaire uniforme de refus d’entrée comme indiqué dans la partie B de la présente annexe. En outre, pour ces catégories de personnes, le garde-frontière enregistre tout refus d’entrée dans un registre ou sur une liste, qui mentionne l’identité et la nationalité du ressortissant de pays tiers concerné, les références du document autorisant le franchissement de la frontière par ce ressortissant du pays tiers, ainsi que le motif et la date de refus d’entrée.

      Les modalités pratiques de l’apposition du cachet sont décrites à l’annexe IV.

      2. Si le ressortissant de pays tiers frappé d’une décision de refus d’entrée a été acheminé à la frontière par un transporteur, l’autorité localement responsable :

      a) ordonne à ce transporteur de reprendre en charge le ressortissant de pays tiers sans tarder et de l’acheminer soit vers le pays tiers d’où il a été transporté, soit vers le pays tiers qui a délivré le document permettant le franchissement de la frontière, soit vers tout autre pays tiers dans lequel son admission est garantie, ou de trouver un moyen de réacheminement conformément à l’article 26 de la convention de Schengen et aux dispositions de la directive 2001/51/CE du Conseil[, du 28 juin 2001, visant à compléter les dispositions de l’article 26 de la convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 (JO 2001, L 187, p. 45)] ;

      b) en attendant le réacheminement, prend, dans le respect du droit national et compte tenu des circonstances locales, les mesures appropriées afin d’éviter l’entrée illégale des ressortissants de pays tiers frappés d’une décision de refus d’entrée.

      [...] »

      10 Aux termes de l’article 44 de ce code, intitulé « Abrogation » :

      « Le règlement (CE) no 562/2006 [du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (JO 2006, L 105, p. 1)] est abrogé.

      Les références faites au règlement abrogé s’entendent comme faites au présent règlement et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant à l’annexe X. »

      11 Conformément à ce tableau de correspondance, l’article 14 du code frontières Schengen correspond à l’article 13 du règlement no 562/2006.

      La directive 2008/115

      12 L’article 2, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/115 dispose :

      « 1. La présente directive s’applique aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre.

      2. Les États membres peuvent décider de ne pas appliquer la présente directive aux ressortissants de pays tiers :

      a) faisant l’objet d’une décision de refus d’entrée conformément à l’article 13 du [règlement no 562/2006], ou arrêtés ou interceptés par les autorités compétentes à l’occasion du franchissement irrégulier par voie terrestre, maritime ou aérienne de la frontière extérieure d’un État membre et qui n’ont pas obtenu par la suite l’autorisation ou le droit de séjourner dans ledit État membre ;

      b) faisant l’objet d’une sanction pénale prévoyant ou ayant pour conséquence leur retour, conformément au droit national, ou faisant l’objet de procédures d’extradition. »

      13 Aux termes de l’article 3 de cette directive :

      « Aux fins de la présente directive, on entend par :

      [...]

      2) “séjour irrégulier” : la présence sur le territoire d’un État membre d’un ressortissant d’un pays tiers qui ne remplit pas, ou ne remplit plus, les conditions d’entrée énoncées à l’article 5 du [règlement no 562/2006], ou d’autres conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans cet État membre ;

      3) “retour” : le fait, pour le ressortissant d’un pays tiers, de rentrer – que ce soit par obtempération volontaire à une obligation de retour ou en y étant forcé – dans :

      – son pays d’origine, ou

      – un pays de transit conformément à des accords ou autres arrangements de réadmission communautaires ou bilatéraux, ou

      – un autre pays tiers dans lequel le ressortissant concerné d’un pays tiers décide de retourner volontairement et sur le territoire duquel il sera admis ;

      [...] »

      14 L’article 4, paragraphe 4, de ladite directive prévoit :

      « En ce qui concerne les ressortissants de pays tiers exclus du champ d’application de la présente directive conformément à l’article 2, paragraphe 2, point a), les États membres :

      a) veillent à ce que le traitement et le niveau de protection qui leur sont accordés ne soient pas moins favorables que ceux prévus à l’article 8, paragraphes 4 et 5 (limitations du recours aux mesures coercitives), à l’article 9, paragraphe 2, point a) (report de l’éloignement), à l’article 14, paragraphe 1, points b) et d) (soins médicaux d’urgence et prise en considération des besoins des personnes vulnérables), ainsi qu’aux articles 16 et 17 (conditions de rétention), et

      b) respectent le principe de non-refoulement. »

      15 L’article 5 de la directive 2008/115 dispose :

      « Lorsqu’ils mettent en œuvre la présente directive, les États membres tiennent dûment compte :

      a) de l’intérêt supérieur de l’enfant,

      b) de la vie familiale,

      c) de l’état de santé du ressortissant concerné d’un pays tiers,

      et respectent le principe de non-refoulement. »

      16 L’article 6 de cette directive dispose :

      « 1. Les État membres prennent une décision de retour à l’encontre de tout ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 à 5.

      2. Les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre et titulaires d’un titre de séjour valable ou d’une autre autorisation conférant un droit de séjour délivrés par un autre État membre sont tenus de se rendre immédiatement sur le territoire de cet autre État membre. En cas de non-respect de cette obligation par le ressortissant concerné d’un pays tiers ou lorsque le départ immédiat du ressortissant d’un pays tiers est requis pour des motifs relevant de l’ordre public ou de la sécurité nationale, le paragraphe 1 s’applique.

      3. Les État membres peuvent s’abstenir de prendre une décision de retour à l’encontre d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire si le ressortissant concerné d’un pays tiers est repris par un autre État membre en vertu d’accords ou d’arrangements bilatéraux existant à la date d’entrée en vigueur de la présente directive. Dans ce cas, l’État membre qui a repris le ressortissant concerné d’un pays tiers applique le paragraphe 1.

      [...] »

      17 L’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive prévoit :

      « La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n’est accordé qu’à la suite d’une demande du ressortissant concerné d’un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. »

      18 L’article 15, paragraphe 1, de la même directive énonce :

      « À moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement, en particulier lorsque :

      a) il existe un risque de fuite, ou

      b) le ressortissant concerné d’un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement.

      Toute rétention est aussi brève que possible et n’est maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. »

      Le droit français

      19 L’article L. 213-3-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa version issue de la loi no 2018-778, du 10 septembre 2018, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie (JORF du 11 septembre 2018, texte no 1) (ci-après le « Ceseda ancien »), énonçait :

      « En cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures prévue au chapitre II du titre III du [code frontières Schengen], les décisions mentionnées à l’article L. 213-2 peuvent être prises à l’égard de l’étranger qui, en provenance directe du territoire d’un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, a pénétré sur le territoire métropolitain en franchissant une frontière intérieure terrestre sans y être autorisé et a été contrôlé dans une zone comprise entre cette frontière et une ligne tracée à dix kilomètres en deçà. Les modalités de ces contrôles sont définies par décret en Conseil d’État. »

      20 L’ordonnance no 2020-1733 a procédé à la refonte de la partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. L’article L. 332-2 de ce code ainsi modifié (ci-après le « Ceseda modifié ») dispose :

      « La décision de refus d’entrée, qui est écrite et motivée, est prise par un agent relevant d’une catégorie fixée par voie réglementaire.

      La notification de la décision de refus d’entrée mentionne le droit de l’étranger d’avertir ou de faire avertir la personne chez laquelle il a indiqué qu’il devait se rendre, son consulat ou le conseil de son choix. Elle mentionne le droit de l’étranger de refuser d’être rapatrié avant l’expiration du délai d’un jour franc dans les conditions prévues à l’article L. 333-2.

      La décision et la notification des droits qui l’accompagne lui sont communiquées dans une langue qu’il comprend.

      Une attention particulière est accordée aux personnes vulnérables, notamment aux mineurs accompagnés ou non d’un adulte. »

      21 L’article L. 332-3 du Ceseda modifié prévoit :

      « La procédure prévue à l’article L. 332-2 est applicable à la décision de refus d’entrée prise à l’encontre de l’étranger en application de l’article 6 du [code frontières Schengen]. Elle est également applicable lors de vérifications effectuées à une frontière intérieure en cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures dans les conditions prévues au chapitre II du titre III du [code frontières Schengen]. »

      Le litige au principal et la question préjudicielle

      22 Les associations visées au point 2 du présent arrêt contestent devant le Conseil d’État (France), dans le cadre d’un recours en annulation de l’ordonnance no 2020‑1733, la validité de celle-ci au motif, notamment, que l’article L. 332-3 du Ceseda modifié qui en est issu méconnaît la directive 2008/115 en ce qu’il permet l’adoption de décisions de refus d’entrée aux frontières intérieures sur lesquelles des contrôles ont été réintroduits.

      23 Cette juridiction explique, en effet, que, dans son arrêt du 19 mars 2019, Arib e.a. (C‑444/17, EU:C:2019:220), la Cour a jugé que l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/115, lu en combinaison avec l’article 32 du code frontières Schengen, ne s’applique pas à la situation d’un ressortissant d’un pays tiers arrêté à proximité immédiate d’une frontière intérieure et en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre, même lorsque cet État membre a réintroduit, en vertu de l’article 25 de ce code, le contrôle à cette frontière en raison d’une menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure dudit État membre.

      24 Le Conseil d’État souligne que, dans sa décision no 428175 du 27 novembre 2020, il a jugé contraires à la directive 2008/115, telle qu’interprétée par la Cour, les dispositions de l’article L. 213-3-1 du Ceseda ancien, qui prévoyaient que, en cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures, l’étranger en provenance directe du territoire d’un État partie à la convention d’application de l’accord de Schengen, du 14 juin 1985, entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990 et entrée en vigueur le 26 mars 1995 (JO 2000, L 239, p. 19, ci-après la « convention de Schengen »), pouvait faire l’objet d’une décision de refus d’entrée dans les conditions de l’article L. 213-2 du Ceseda ancien lorsqu’il avait pénétré sur le territoire métropolitain en franchissant une frontière intérieure terrestre sans y être autorisé et avait été contrôlé dans une zone comprise entre cette frontière et une ligne tracée à dix kilomètres en deçà.

      25 Certes, selon le Conseil d’État, l’article L. 332-3 du Ceseda modifié ne reprend pas les dispositions de l’article L. 213-3-1 du Ceseda ancien. Toutefois, l’article L. 332-3 du Ceseda modifié prévoirait encore qu’une décision de refus d’entrée peut être prise à l’occasion de vérifications effectuées aux frontières intérieures, en cas de réintroduction temporaire du contrôle à ces frontières, dans les conditions prévues au chapitre II du titre III du code frontières Schengen.

      26 Cette juridiction estime, dès lors, qu’il convient de déterminer si, dans un tel cas, le ressortissant d’un pays tiers, en provenance directe du territoire d’un État partie à la convention de Schengen et qui se présente à un point de passage frontalier autorisé sans être en possession des documents permettant de justifier d’une autorisation d’entrée ou du droit de séjourner en France peut se voir opposer une décision de refus d’entrée, sur le fondement de l’article 14 du code frontières Schengen, sans que soit applicable la directive 2008/115.

      27 Dans ces conditions, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser la question préjudicielle suivante :

      « En cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures, dans les conditions prévues au chapitre II du titre III du [code frontières Schengen], l’étranger en provenance directe du territoire d’un État partie à la [convention de Schengen] peut-il se voir opposer une décision de refus d’entrée, lors des vérifications effectuées à cette frontière, sur le fondement de l’article 14 de ce [code], sans que soit applicable la directive [2008/115] ? »

      Sur la question préjudicielle

      28 Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande en substance si le code frontières Schengen et la directive 2008/115 doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’un État membre a réintroduit des contrôles à ses frontières intérieures, il peut adopter, à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers qui se présente à un point de passage frontalier autorisé où s’exercent de tels contrôles, une décision de refus d’entrée, au sens de l’article 14 de ce code, sans être soumis au respect de cette directive.

      29 L’article 25 du code frontières Schengen autorise, à titre exceptionnel et dans certaines conditions, un État membre à réintroduire temporairement un contrôle aux frontières sur tous les tronçons ou certains tronçons spécifiques de ses frontières intérieures en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure de cet État membre. Selon l’article 32 de ce code, lorsqu’un contrôle aux frontières intérieures est réintroduit, les dispositions pertinentes du titre II dudit code, titre qui porte sur les frontières extérieures, s’appliquent mutatis mutandis.

      30 Tel est le cas de l’article 14 du code frontières Schengen, qui prévoit que l’entrée sur le territoire des États membres est refusée au ressortissant d’un pays tiers qui ne remplit pas l’ensemble des conditions d’entrée énoncées à l’article 6, paragraphe 1, de ce code et qui n’appartient pas à l’une des catégories de personnes visées à l’article 6, paragraphe 5, du même code.

      31 Il importe toutefois de rappeler qu’un ressortissant d’un pays tiers qui, à la suite de son entrée irrégulière sur le territoire d’un État membre, est présent sur ce territoire sans remplir les conditions d’entrée, de séjour ou de résidence, se trouve, de ce fait, en séjour irrégulier, au sens de la directive 2008/115. Ce ressortissant relève, donc, conformément à l’article 2, paragraphe 1, de cette directive et sous réserve de l’article 2, paragraphe 2, de celle-ci, du champ d’application de ladite directive, sans que cette présence sur le territoire de l’État membre concerné soit soumise à une condition de durée minimale ou d’intention de rester sur ce territoire. Il doit donc, en principe, être soumis aux normes et aux procédures communes prévues par la même directive en vue de son éloignement et cela tant que son séjour n’a pas été, le cas échéant, régularisé (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2019, Arib e.a., C‑444/17, EU:C:2019:220, points 37 et 39 ainsi que jurisprudence citée).

      32 Il en va ainsi y compris lorsque ce ressortissant d’un pays tiers a été appréhendé à un point de passage frontalier, pour autant que ce point de passage frontalier se situe sur le territoire dudit État membre. À cet égard, il convient, en effet, de relever qu’une personne peut être entrée sur le territoire d’un État membre avant même d’avoir franchi un point de passage frontalier [voir, par analogie, arrêt du 5 février 2020, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Enrôlement des marins dans le port de Rotterdam), C‑341/18, EU:C:2020:76, point 45].

      33 Il convient encore de préciser, à titre d’exemple, que, lorsqu’il est procédé à des vérifications à bord d’un train entre le moment où ce train quitte la dernière gare, située sur le territoire d’un État membre partageant une frontière intérieure avec un État membre ayant réintroduit des contrôles à ses frontières intérieures, et le moment où ledit train entre dans la première gare située sur le territoire de ce dernier État membre, le contrôle à bord de ce même train doit, sauf accord en sens contraire passé entre ces deux États membres, être considéré comme un contrôle réalisé à un point de passage frontalier situé sur le territoire de l’État membre ayant réintroduit de tels contrôles. En effet, le ressortissant d’un pays tiers ayant été contrôlé à bord de ce train séjournera nécessairement, à la suite de ce contrôle, sur le territoire de ce dernier État membre, au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2008/115.

      34 Cela étant, il convient encore de relever que l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2008/115 permet aux États membres d’exclure, à titre exceptionnel et sous certaines conditions, les ressortissants de pays tiers qui séjournent irrégulièrement sur leur territoire du champ d’application de cette directive.

      35 Ainsi, d’une part, cet article 2, paragraphe 2, de la directive 2008/115 permet, à son point a), aux États membres de ne pas appliquer cette dernière, sous réserve des prescriptions contenues à l’article 4, paragraphe 4, de celle-ci, dans deux situations particulières, à savoir celle de ressortissants de pays tiers qui font l’objet d’une décision de refus d’entrée à une frontière extérieure d’un État membre, conformément à l’article 14 du code frontières Schengen, ou celle de ressortissants de pays tiers qui sont arrêtés ou interceptés à l’occasion du franchissement irrégulier d’une telle frontière extérieure et qui n’ont pas obtenu par la suite l’autorisation ou le droit de séjourner dans ledit État membre.

      36 Cela étant, il ressort de la jurisprudence de la Cour que ces deux situations se rapportent exclusivement au franchissement d’une frontière extérieure d’un État membre, telle que définie à l’article 2 du code frontières Schengen, et ne concernent donc pas le franchissement d’une frontière commune à des États membres faisant partie de l’espace Schengen, même lorsque des contrôles ont été réintroduits à cette frontière, en vertu de l’article 25 de ce code, en raison d’une menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure de cet État membre (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2019, Arib e.a., C‑444/17, EU:C:2019:220, points 45 et 67).

      37 Il s’ensuit, comme M. l’avocat général l’a relevé au point 35 de ses conclusions, que l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/115 n’autorise pas un État membre ayant réintroduit des contrôles à ses frontières intérieures à déroger aux normes et aux procédures communes prévues par cette directive afin d’éloigner le ressortissant d’un pays tiers qui a été intercepté, sans titre de séjour valable, à l’un des points de passage frontaliers situés sur le territoire de cet État membre et où s’exercent de tels contrôles.

      38 D’autre part, si l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2008/115 autorise, à son point b), les États membres à ne pas appliquer cette directive aux ressortissants de pays tiers faisant l’objet d’une sanction pénale prévoyant ou ayant pour conséquence leur retour, conformément au droit national, ou faisant l’objet de procédures d’extradition, force est de constater qu’un tel cas de figure n’est pas celui qui est visé par la disposition en cause dans le litige au principal.

      39 Il résulte de tout ce qui précède, d’une part, qu’un État membre ayant réintroduit des contrôles à ses frontières intérieures peut appliquer, mutatis mutandis, l’article 14 du code frontières Schengen ainsi que l’annexe V, partie A, point 1, de ce code à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers qui est intercepté, sans titre de séjour régulier, à un point de passage frontalier autorisé où s’exercent de tels contrôles.

      40 D’autre part, lorsque ce point de passage frontalier est situé sur le territoire de l’État membre concerné, ce dernier doit toutefois veiller à ce que les conséquences d’une telle application, mutatis mutandis, des dispositions citées au point précédent n’aboutissent pas à méconnaître les normes et les procédures communes prévues par la directive 2008/115. La circonstance que cette obligation qui pèse sur l’État membre concerné est susceptible de priver d’une large partie de son effectivité l’éventuelle adoption d’une décision de refus d’entrée à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers se présentant à l’une de ses frontières intérieures n’est pas de nature à modifier un tel constat.

      41 Concernant les dispositions pertinentes de cette directive, il convient de rappeler, notamment, qu’il résulte de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2008/115 que tout ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre doit, sans préjudice des exceptions prévues aux paragraphes 2 à 5 de cet article et dans le strict respect des exigences fixées à l’article 5 de cette directive, faire l’objet d’une décision de retour, laquelle doit identifier, parmi les pays tiers visés à l’article 3, point 3, de ladite directive, celui vers lequel il doit être éloigné [arrêt du 22 novembre 2022, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Éloignement – Cannabis thérapeutique), C‑69/21, EU:C:2022:913, point 53].

      42 Par ailleurs, le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet d’une telle décision de retour doit encore, en principe, bénéficier, en vertu de l’article 7 de la directive 2008/115, d’un certain délai pour quitter volontairement le territoire de l’État membre concerné. L’éloignement forcé n’intervient qu’en dernier recours, conformément à l’article 8 de cette directive, et sous réserve de l’article 9 de celle-ci, qui impose aux États membres de reporter l’éloignement dans les cas qu’il énonce [arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale), C‑808/18, EU:C:2020:1029, point 252].

      43 En outre, il découle de l’article 15 de la directive 2008/115 que la rétention d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier ne peut être imposée que dans certains cas déterminés. Cela étant, comme M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 46 de ses conclusions, cet article ne s’oppose pas à ce que, lorsqu’il représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure, ce ressortissant fasse l’objet d’une mesure de rétention, dans l’attente de son éloignement, pour autant que cette rétention respecte les conditions énoncées aux articles 15 à 18 de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 2 juillet 2020, Stadt Frankfurt am Main, C‑18/19, EU:C:2020:511, points 41 à 48).

      44 Par ailleurs, la directive 2008/115 n’exclut pas la faculté pour les États membres de réprimer d’une peine d’emprisonnement la commission de délits autres que ceux tenant à la seule circonstance d’une entrée irrégulière, y compris dans des situations où la procédure de retour établie par cette directive n’a pas encore été menée à son terme. Dès lors, ladite directive ne s’oppose pas davantage à l’arrestation ou au placement en garde à vue d’un ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier lorsque de telles mesures sont adoptées au motif que ledit ressortissant est soupçonné d’avoir commis un délit autre que sa simple entrée irrégulière sur le territoire national, et notamment un délit susceptible de menacer l’ordre public ou la sécurité intérieure de l’État membre concerné (arrêt du 19 mars 2019, Arib e.a., C‑444/17, EU:C:2019:220, point 66).

      45 Il s’ensuit que, contrairement à ce que le gouvernement français soutient, l’application, dans un cas tel que celui visé par la demande de décision préjudicielle, des normes et des procédures communes prévues par la directive 2008/115 n’est pas de nature à rendre impossible le maintien de l’ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure, au sens de l’article 72 TFUE.

      46 En égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question préjudicielle que le code frontières Schengen et la directive 2008/115 doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’un État membre a réintroduit des contrôles à ses frontières intérieures, il peut adopter, à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers qui se présente à un point de passage frontalier autorisé situé sur son territoire et où s’exercent de tels contrôles, une décision de refus d’entrée, en vertu d’une application mutatis mutandis de l’article 14 de ce code, pour autant que les normes et les procédures communes prévues par cette directive soient appliquées à ce ressortissant en vue de son éloignement.

      Sur les dépens

      47 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

      Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

      Le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), et la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier,

      doivent être interprétés en ce sens que :

      lorsqu’un État membre a réintroduit des contrôles à ses frontières intérieures, il peut adopter, à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers qui se présente à un point de passage frontalier autorisé situé sur son territoire et où s’exercent de tels contrôles, une décision de refus d’entrée, en vertu d’une application mutatis mutandis de l’article 14 de ce règlement, pour autant que les normes et les procédures communes prévues par cette directive soient appliquées à ce ressortissant en vue de son éloignement.

      https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?docid=277630&doclang=FR

  • MobiDic

    MobiDic est un projet de publication en ligne d’un Dictionnaire critique des mobilités. Il est élaboré dans le cadre de la transversalité « Mobilités et territoires : vers une approche relationnelle de l’espace » portée par l’UMR 8504 Géographie-cités.
    L’objectif de MobiDic est de fournir un outil en ligne pour rendre compte des usages des mots et des notions relatifs à la thématique de la mobilité, dans les controverses et les débats qui animent ces usages.

    Au-delà de textes définitionnels, le dictionnaire présentera un aperçu réflexif des concepts, catégories et approches méthodologiques majeures dans l’étude des mobilités. L’ambition, à moyen terme, est de sortir des présentations linéaires pour donner une dimension très relationnelle à la présentation de ce dictionnaire en ligne.

    https://mobidic.cnrs.fr
    #ressources_pédagogiques #mots #terminologie #concepts #définition #mobilité

  • 10.11.2023 : Na migrantskoj ruti : Reporteri Dnevnika Nove TV pronašli mrtvo tijelo pored Kupe
    On the migrant route : Dnevnik Nova TV reporters found a dead body next to Kupa

    Općina #Netretić inače je dijelom migrantske rute kojom strani državljani iz Hrvatske prelaze u Sloveniju, a reporteri Nove TV su tijekom izvještavanja uočili mrtvo tijelo

    U koritu rijeke Kupe u Netretiću kod Karlovca danas je pronađeno mrtvo tijelo. Tijelo su pronašli upravo reporteri Nove TV koji su odmah pozvali i policiju koja je stigla nakon sat vremena i potvrdila pronalazak muškog tijela.

    Kako prenosi medij, općina Netretić inače je dijelom migrantske rute kojom strani državljani iz Hrvatske prelaze u Sloveniju. Općina se nalazi uz granicu, rijeku Kupu, zbog čega brojni stradavaju pokušavajući otići prema zapadnoj Europi. MUP je potvrdio kako je ove godine pronašao pet mrtno stradalih migranata, dok je ta brojka prošle godine iznosila čak 24.

    – Tu ispod livade, dolje ispod kuće, sam ih par puta vidio na cesti, ali ne napadaju i nemamo problema. Znaju vam ići da donji slap i onda imaju putić prema Sloveniji - ispričao je mještanin Igor.

    google translate :

    La municipalité de Netretić fait partie de la route des migrants par laquelle les citoyens étrangers de Croatie traversent la Slovénie et les reporters de Nova TV ont repéré un cadavre pendant leur reportage.

    Un cadavre a été retrouvé aujourd’hui dans le lit de la rivière Kupa à Netretić, près de Karlovac. Le corps a été retrouvé par les journalistes de Nova TV qui ont immédiatement appelé la police, qui est arrivée une heure plus tard et a confirmé la découverte du corps d’un homme.

    Comme l’ont rapporté les médias, la municipalité de Netretić fait partie de la route migratoire par laquelle les citoyens étrangers de Croatie traversent la Slovénie. La municipalité est située à côté de la frontière, la rivière Kupa, c’est pourquoi de nombreuses personnes meurent en essayant de se rendre en Europe occidentale. Le ministère de l’Intérieur a confirmé avoir trouvé cinq migrants morts cette année, alors que l’année dernière, ce nombre s’élevait à 24.

    – Là-bas, sous le pré, sous la maison, je les ai vus plusieurs fois sur la route, mais ils n’attaquent pas et nous n’avons aucun problème. Ils savent comment se rendre à la cascade inférieure et ensuite ils ont un petit chemin vers la Slovénie - a déclaré l’habitant local Igor.

    https://www.vecernji.hr/vijesti/na-migrantskoj-ruti-reporteri-pronasli-mrtvo-tijelo-u-rijeci-kupi-kod-karlo

    #mourir_aux_frontières #frontières #morts_aux_frontières #Slovénie #Croatie #Kupa #Kolpa #frontière_sud-alpine #montagne #Alpes #Netretic

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    ajouté à la métaliste sur les morts à la frontière entre la Croatie et la Slovénie :
    https://seenthis.net/messages/811660

  • #Lettre_ouverte des étudiant·es juif·ves de #Brown_University

    Depuis le 7 octobre 2023, les étudiant·es de Brown University, juif·ves et non-juif·ves, sont mobilisé·es contre la guerre. Brown University, une des universités d’élite (Ivy League), localisée à Providence (Rhode Island) est le théâtre d’importants débats. Mercredi 8 novembre, 20 étudiant·es ont été arrêté·es par la police après l’occupation de Brown University Hall ; iels exigeaient que l’université se sépare des investissements réalisés dans des firmes d’armement. La veille, les étudiant·es juif·ves de Brown University avaient publié une Lettre ouverte qu’iels ont autorisé Paul Werner à traduire pour Academia.

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    Lettre ouverte des étudiant·es juif·ves de Brown University

    « La solidarité est la dimension politique de l’amour ». — Melanie Kaye/Kantrowitz, militante féministe juive

    Voilà un mois que les attentats du 7 octobre ont envahi la réflexion et le discours politique à l’échelle du monde, sans même parler de notre quotidien de jeunes Juif·ves. Les institutions sionistes prétendent représenter tous·tes les Juif·ves, et, invoquant nos personnes telles un bouclier rhétorique, entendent justifier les actions inadmissibles de l’État d’Israël. En notre qualité de Juif·ves, nous ressentons une douleur toute particulière à devoir justifier en permanence notre prise de position contre les génocides. Nous venons de faire entendre clairement notre voix : nous sommes solidaires des Étudiants de Brown pour la justice en Palestine [Brown Students for Justice in Palestine] ainsi que du Comité de solidarité avec la Palestine [Palestine Solidarity Caucus] et de leur engagement pour la libération des peuples palestiniens. Nous sommes profondément conscient·es que les revendications des Juif·ves sont inévitablement liées aux luttes mondiales pour la liberté. Nous sommes un groupe d’étudiant·ves juif·ves rassemblé·es par une vision partagée de la justice, de l’anti-occupation, de la libération et de la communauté. Nous vous demandons de nous écouter :

    1. Que signifie pour nous l’expression « du fleuve à la mer » ?

    Le slogan From the river to the sea Palestine will be free [« Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre »1 n’est pas un appel à l’expulsion forcée des Juif·ves de Palestine ni, comme on l’a souvent interprété à tort, un appel à « jeter les Juif·ves à la mer ». Il s’agit plutôt d’un appel à la levée de l’oppression de tous·tes les Palestinien·nes — à Gaza, en Cisjordanie et dans l’enceinte de la Ligne verte. La libération de l’ensemble de la Palestine exige un changement révolutionnaire : non pas d’éradiquer les Juif·ves de la région, mais de démanteler de fond en comble le régime d’apartheid qui s’y est implanté. L’hypothèse selon laquelle cette phrase est intrinsèquement génocidaire associe à tort la libération à l’anéantissement de tous·tes les citoyen·nes de l’État oppresseur tout en faisant fi de l’intention libératrice. Dans cette confusion manifeste, on discerne un préjugé raciste selon laquelle les Palestinien·nes sont des « animaux » sans pitié, ainsi qu’un silence volontaire sur les intentions violentes d’un gouvernement néo-fasciste — caractérisation partagée pourtant par les auteur·ices du journal de référence d’Israël2. Non seulement c’est un mensonge flagrant, mais c’est aussi une obscénité que de qualifier de génocide un appel à la libération et à la justice, alors qu’Israël se livre à un génocide à Gaza, financé par des milliards de dollars en provenance des contribuables nord-américain·es. Si le fait d’en appeler à un avenir dans lequel les Palestinien·nes peuvent vivre dans leur patrie sans entraves constitue une menace existentielle pour l’idéologie sioniste, c’est cette idéologie-là qu’il faut remettre en question, non l’appel à la libération.
    2. Est-ce que nous prétendons que l’antisémitisme n’existe pas ?

    Bien sûr que non. Chacun des signataires de ce texte a perdu des ancêtres à la suite de violences antijuives soutenues par des autorités étatiques. Tous et toutes, nous avons grandi en étant exposé·es aux répercussions intergénérationnelles de ces horreurs. La réalité de l’antisémitisme n’est pas discutable.

    Cependant nous refusons d’accepter qu’un État ethnique juif soit une issue à notre combat. En instrumentalisant la Shoah et nos souffrances collectives pour justifier l’épuration ethnique des Palestinien·nes, le dispositif militaire israélien fait injure à la mémoire de nos ancêtres. Nous ne permettrons pas que l’histoire se répète ; « plus jamais ça ! » exige la sauvegarde de tous·tes — Juif·ves et non-Juif·ves – contre le génocide3.

    Si nous ne sommes pas en mesure d’admettre et de dénoncer le massacre aveugle de milliers de Palestinien·nes et le déplacement forcé de plus d’un million et demi d’entre elleux par Israël, nous avons échoué à tirer les leçons de notre histoire.

    Nous souhaitons clarifier une distinction que de nombreux sionistes tentent d’occulter. D’abord, il y a l’entité spirituelle que représente le mot Israël — le nom acquis par le Patriarche Jacob, le nom du peuple juif, le terme qui figure dans nombre de nos prières. Puis, il y a l’État d’Israël, fondé en 1948. La désignation même de l’État comme Israël sert à confondre le sionisme politique avec le judaïsme et la judéité, amalgame dangereux qui occulte la longue histoire de l’opposition des Juif·ves à l’idéologie de l’État-nation sioniste. Notre opposition à l’État est indissociable de notre attachement à l’entité spirituelle abstraite.
    3. Nous sentons-nous vulnérables sur le campus au sein de l’activisme pro-palestinien ?

    Nous ne nous sentons pas menacé·es par celleux qui défendent la cause palestinienne dans le quartier universitaire de College Hill4. Au contraire, nous sommes tenu·es de nous engager aux côtés des Étudiant·es de Brown pour la justice en Palestine et du Comité de solidarité avec la Palestine. Leurs intentions sont claires : exiger le cessez-le-feu, le désinvestissement et la protection des étudiant·es.

    Exiger que l’Université prenne position pour un cessez-le-feu ne met pas en péril les étudiant·es juif·ves. De même pour la demande de cesser d’investir dans des industries d’armement telles que Textron et Raytheon, ou de protéger les étudiant·es palestinien·nes et leurs soutiens. De fait, et d’après notre propre expérience, ce sont les association Brown-SJP et PSC qui plaident le plus résolument en faveur de la sécurité et de la protection des étudiant·es, du personnel et du corps enseignant juif qui s’expriment contre les actions perpétrées par l’État israélien. Notre sécurité relative sur ce campus nous permet de rédiger cette déclaration en accord avec Brown-SJP et PSC et de rendre nos noms publics. Et si nous en venions jamais à ressentir un relâchement de cette protection, c’est auprès de cette communauté et de cette diaspora que nous trouverions notre réconfort et notre soutien, non pas auprès d’une quelconque organisation sioniste.

    4. Comment répondre à la lettre de l’Anti-Defamation League (ADL) et du Brandeis Center aux présidents des collèges et universités ?

    Le 25 octobre, l’Anti-Defamation League5 a adressé à des centaines d’établissements pédagogiques une lettre dans laquelle on affirme, sans raison ni preuve, que les sections de Students for Justice in Palestine [SJP] seraient en train d’ « apporter un soutien matériel au Hamas ». En tant que soutiens et membres du SJP-Brown University, dont les fonctions sont indépendantes du cadre national, nous sommes à même d’affirmer en toute confiance que cette association n’apporte aucun soutien au Hamas. En demandant aux universités de « mener une enquête immédiate au sein des sections du SJP de leur campus », l’ADL cherche à cibler, surveiller et supprimer de manière injuste les organisations de défense palestinienne au seul motif qu’elles s’opposent à l’oppression des Palestinien·nes. Cette lettre de l’ADL compte parmi les nombreuses mesures mccarthystes visant à faire taire les voix pro-palestiniennes au nom de la protection des Juif·ves. Brandeis6 a depuis lors interdit sa section de SJP, révoquant le financement et les autorisations de l’association. Nous demandons instamment à notre institution et à notre communauté de ne pas céder à ce discours et de soutenir nos efforts visant à la protection des personnes les plus vulnérables sur ce campus : les étudiant·nes palestinien·nes et leurs soutiens.
    5. Est-ce que nous condamnons le Hamas ?

    Lorsqu’ on nous pose cette question nous percevons toute une série de questions implicites supplémentaires, dont :

    « Vous admettez que l’attaque du Hamas du 7 octobre était un acte d’une violence épouvantable ? »

    Nous répondons « oui », sans équivoque.

    « Voyez-vous et ressentez-vous la souffrance que les familles israéliennes peuvent éprouver à la suite de cette violence ? »

    Oui à cela encore, également sans équivoque. Nous souffrons aussi ; certaines de nos familles ont été directement touchées.

    « Condamnez-vous l’antisémitisme expressément inscrit dans la charte du Hamas de 1988 ? »

    Oui.

    Et nous ne pouvons dissocier cette violence du contexte politique dans lequel elle est survenue : une histoire de plusieurs décennies de violence expansionniste soutenue par l’État. Les horreurs commises après le 7 octobre sont la prolongation de 75 ans d’apartheid et d’occupation. Au cours du mois dernier, le gouvernement israélien a infligé une dévastation systématique aux Palestinien·nes sur l’ensemble du territoire de Gaza, coupant l’électricité, rendant impossible l’aide aux hôpitaux et coupant toute ligne de communication avec le monde extérieur ; détruisant des maisons, des quartiers, des générations entières et des camps de réfugié·es. Il ne s’agit pas simplement d’une réponse aux attaques du Hamas, mais d’une escalade volontaire des 16 dernières années, au cours desquelles Gaza est devenue une prison à ciel ouvert où l’État israélien a réglementé l’importation, l’exportation et la gestion des ressources vitales à destination et en provenance de la zone de manière abusive.

    N’oublions pas non plus : le Hamas n’est pas Gaza ; le Hamas n’est pas la Palestine. La violence du Hamas ne peut pas servir à légitimer le génocide du peuple palestinien. Rien ne le peut.

    6. Sommes-nous en deuil ?

    Nous sommes en deuil pour nos ami·es et nos familles juives et israéliennes, et pour nos ami·es et notre communauté palestinienne. Tandis que notre communauté juive pleure ses proches disparu·es, nous reconnaissons que les membres de notre communauté palestinienne ont également le droit de se recueillir pour leurs propres souffrances. Nous sommes fermement convaincu·es que la reconnaissance de la douleur coexistante de plusieurs communautés ne devrait jamais être taboue. C’est pourquoi nous en appelons à nos communautés juives pour qu’elles ne se contentent pas de prendre le deuil, mais qu’elles agissent pour protéger les civils de Gaza bombardé·es jour après jour dans leurs foyers.

    Notre deuil est infini et nous invite à empêcher d’autres pertes. Notre deuil est notre maître — il nous enseigne que nous sommes tous·tes relié·es comme êtres humains. La manière dont nous donnons un sens au deuil se manifeste dans l’action, en répondant aux appels juifs de tikkun olam [restauration d’un monde en ruines], et de tzedek [justice]. Nous ne pourrons jamais permettre que notre deuil nous laisse passif·ves tandis que l’armée israélienne déshumanise les Palestinien·nes en utilisant des termes comme « animaux humains », en massacrant plus de 10 000 habitant·es de la bande de Gaza depuis le 7 octobre. Nous sommes en deuil pour toutes les vies sacrifiées tout en nous engageant sans équivoque pour les droits et la liberté des Palestinien·nes. Les deux peuvent être vraies7

    7. Pourquoi soutenons-nous Brown-SJP ?

    Nous soutenons Brown-SJP parce que Brown-SJP défend la libération et la survie de tous·tes, comme l’entend la tradition juive. Avec Brown-SJP, nous plaidons pour un cessez-le-feu immédiat, le désinvestissement et la sécurité des étudiant·es. Nous nous insurgeons contre la complicité de notre université dans la fabrication et la vente d’armes de guerre. La sécurité des Juif·ves et des Israélien·nes n’est pas incompatible avec la libération des Palestinien·nes ; les deux, en fait, sont inextricablement liées. Pour notre propre sécurité, pour celle de nos familles, et pour celle de nos cousin·nes palestinien·nes, nous défendons les deux. Nous nous prononçons sans ambiguïté pour la libération.

    Conclusion

    Nous n’hésiterons pas à dénoncer l’injustice dans le monde ; nous ne permettrons pas que notre identité juive soit récupérée. Notre appartenance au judaïsme nous contraint à nous opposer à l’État d’Israël. Notre Torah nous l’ordonne :

    « Tu n’opprimeras pas l’étranger. Vous-mêmes, vous savez ce qu’éprouve l’étranger car vous avez été étrangers en Égypte. » [Exode 23:9]

    Et nous devons en prendre compte. Les Palestinien·nes sont nos cousin·es, nos pair·es à Brown, des habitant·es, des humains dont la vie importe. Tu n’opprimeras pas l’étranger.

    Nous écrivons ces mots depuis la diaspora, et c’est à partir de cette position que nous espérons améliorer le monde. Nous qui sommes aux prises avec des millénaires de lutte et de survie du peuple juif, nous n’abandonnerons pas nos cousin·es et nos pairs palestinien·nes, nous ne les laisserons pas seul·es. Ce génocide ne peut plus durer.

    Pas en notre nom. En notre nom ou sans lui : jamais !

    Ingrid Ansel-Mullen, Promotion ’24, Rafi Ash ’26, Maggie Bauer ’24, Samantha Bloom ’25, Noa Brown ’26, Maize Cline ’26, Lily Cork ’25, Julia Dubnoff ’27, Jesse Edelstein ’24, Ifadayo Engel-Halfkenny ’27, Ruth Engelman ’25, Aaron Epstein ’25, Zoe Federman ’23.5, Edie Fine ’25, Lily Gardner ’26, Eli Gordon ’25, Eli Grossman ’24, monique jonath ’24, Simone Klein ’25, Lucy Lebowitz ’24, Mica Maltzman ’25, Anila Marks ’26, Oscar McNally ’25, Callie Rabinovitz ’24, Maya Renaud-Levine ’26, Ariela Rosenzweig ’24, Hannah Saiger ’25, Joe Saperstein ’24, Lola Simon ’24, Karma Selsey ’24, Isaac Slevin ’25, Sam Stewart ’24, Emilia Peters ’24, Neshima Vitale-Penniman ’25, Yoni Weil ’24 et Tema Zeldes-Roth ’24.5

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    Chers ami·es,

    Je viens de finir la traduction de votre communiqué. J’en ai les larmes aux yeux. Il y a peut-être 60 ans, j’étais plus jeune que certains d’entre vous, avec un ami je suis allé faire la distribution des tracts contre la guerre au Viêt-Nam. C’était tout au début, personne n’avait l’air intéressé. Et puis un homme âgé portant une kippah est sorti d’une synagogue pour me demander ce que je faisais. Je lui expliqué que c’était pour la paix. Alors il a étendu la main pour me bénir, c’était la première fois que j’entendais de l’hébreu.

    Je suis descendant d’une longue lignée d’apikorsim ((Incroyants dans la communauté juive. Au sens littéral, partisan d’Épicure. Le mot remonte peut-être à la période alexandrine, il a été remis en vogue à la Renaissance.)). Pourtant, s’il m’arrivait jamais de vous transmettre quoi que ces soit, cela viendrait de ce vieil homme.

    Avec amour,

    Paul Werner

    https://academia.hypotheses.org/53546
    #7_octobre_2023 #à_lire #Gaza #résistance #Brown_University